Votre recherche dans le corpus : 431 résultats dans 5770 notices du site.Collection : 1854 (1er janvier-21 décembre) : Dorothée, une princesse russe, persona non grata à Paris (1850-1857 : Une nouvelle posture publique établie, académies et salons)
223. Paris, Lundi 11 décembre 1854, François Guizot à Dorothée de Lieven
Votre N°184 m’arrive de bonne heure. Comment pouvez-vous dire que vous ne “ recevez plus de moi, pour ce qui vous regarde, que des paroles de soupçons et de découragement. " Est-ce de moi-même et de mes propres sentiments que je vous parle quand je vous redis ce que j'entends dire, ce qu’on me donne à lire, et ce qu’on me laisse entrevoir quand on ne me le dit pas. Je vous le redis pour que vous sachiez exactement ce qui en est, première condition pour faire ce qu’il faut. Je ne veux pas croire un moment que vous ayez regardé un moment comme venant de moi ce que je vous envoyais de la part de mes conversations. Je vous gronderais trop fort, et à aucun prix, je ne veux vous gronder. Votre santé et votre tristesse me poursuivent tout le jour. Je cherche tout le jour quelque moyen de presser. la solution que nous désirons. Malheureusement je n'en trouve guère, et je crains que si nous voulions trop presser, nous ne fissions que nuire. Je suis charmé que vous ayez renoncé de vous-même à l’idée d’écrire à l'Emp. Nap. ; je trouvais cela peu convenable. En tout cas, il n’eût fallu le faire que de l’avis et de l'aveu de Morny. C'est lui que vous avez chargé de votre affaire là. Il est, sans comparaison, le plus capable de réussir et le mieux disposé. Je ne suis pas d'avis que vous écriviez à Fould sans avoir demandé à M. s'il le croit utile. Fould vous a écrit plusieurs fois ; vous lui avez écrit ; il est naturel que vous lui parliez de ce qui vous intéresse si fort, et peut-être étant toujours là, pourrait-il trouver le moment de vous servir. Mais ne le faites que M prévenu et consentant. Vous avez ce me semble, une très bonne et très naturelle raison de réécrire à M. sans attendre sa réponse à votre dernière lettre. Parlez-lui, de l’idée de Nice ; mettez-vous sur ce terrain là qui facilite tout pour lui et pour l'Empereur lui-même. Je l'éprouve dans la conversation ; hier à dîner chez Mad. de Boigne, elle m’a parlé de vous, de vos projets. J’ai répondu par votre santé, Andral et Nice. Non seulement à elle, mais au chancelier, à Dumon, à Viel Castel qui étaient là, cela a paru naturel et faisable. Si vous écrivez sans retard à M. sur ce thème, avertissez-moi ; j’irai le voir pour en causer avec lui. J'hésite à aller le voir uniquement pour le presser, sans rien de nouveau à lui demander ou à lui dire. Je sais que c’est très triste et très dur de vous prêcher la patience quand vous êtes dans l'impatience et la souffrance ; mais avant tout et par-dessus tout je ne veux ni vous conseiller, ni faire pour vous que ce qui peut réellement vous servir.
Il court ici toute sorte de bruits. Mad. Kal. a dit à celui de qui je le tiens qu’elle tenait de Mad Chreptovitch. qui sans doute a passé par Paris en revenant de Stuttgart comme en y allant, que le Prince Gortschakoff avait écrit de Vienne à la grande Duchesse Olga qu’il avait porté au comte Bual l'acceptation pure et simple des quatre points par votre Empereur, sur quoi Bual s'était grandement réjoui, disant : " Nous ne vous battrons donc plus qu'autour de ce tapis vert." Mad. Kal. a dit en outre que son père lui écrivait de Varsovie qu'au tour que prenaient les choses, elle pourrait passer tranquillement l’hiver à Paris, ce qu’il ne croyait pas du tout quelques jours auparavant. Qu’il y a loin de ces perspectives là aux derniers articles du Times répétés par le Moniteur ? Je reçois à l’instant une lettre de Duchâtel qui me dit : " Il n’y aurait que la paix de sensée pour tout le monde, si toutefois l'Emp. Nicolas comprend sa position et consent à des conditions raisonnables. Je doute qu’il le fasse. Ces concessions jusqu'à présent n’ont été que des ruses diplomatiques, et il agit toujours, en vrai grec, retenant par dessous main, ce qu’il semble donner et cherchant, sans cesse à filouter ses adversaires. Pardon des expressions ; mais voilà l'impression actuelle des spectateurs intelligents et pas malveillants.
Duchâtel me demande de vos nouvelles en ajoutant : " Voudriez-vous lui offrir l'hommage de mon respectueux, et triste attachement ? " Il arrive aussi ce matin, dans ma maison, une lettre de Sébastopol d’un petit soldat au 20e d'infanterie légère qui écrit à sa mère. nourrice de ma fille Pauline, qu’il a été blessé d’un coup de baïonnette à la main, dans la dernière sortie des Russes et qu’il a tué de la sienne, le Russe qui l’avait blessé : " C'est le premier que je tue avec ma baïonnette ; j’aime mieux les tuer avec des balles ; c’est moins triste. Au moment où je t'écris le 22 Nov.) le canon gronde toujours ; nos tranchées ne sont pas à 200 mètres de la ville. Ils établissent des batteries jusques dans les maisons, ce qui fait qu’elle sera un peu abimée. On attend de nouveaux renforts pour donner l’assaut, car il fait froid. On nous a donné des capotes à capuchon, ainsi que des paletots en peau de mouton, ce qui est très chaud, et on doit nous donner aussi des guêtres fourrées." Voilà le dire des soldats. La lettre n’offre aucune trace de découragement.
Adieu, Adieu. Du courage, je vous en conjure. Adieu. G.
Mots-clés : Circulation épistolaire, Conditions matérielles de la correspondance, Correspondance, Femme (diplomatie), Femme (politique), Femme (statut social), France (1852-1870, Second Empire), Guerre de Crimée (1853-1856), Napoléon III (1808-1873 ; empereur des Français), Nicolas I (1796-1855 ; empereur de Russie), Politique (Russie), Relation François-Dorothée (Dispute), Réseau social et politique, Salon, Santé (Dorothée)
224. Paris, Mardi 12 décembre 1854, François Guizot à Dorothée de Lieven
Je n'ai guère vu hier que les candidats aux Académie, ni la guerre ni la paix, ni Pétersbourg, ni Sébastopol n'existent pour eux ; ils font un autre siège. C'est curieux à quel point chacun peut s'adonner exclusivement à ses préoccupations personnelles.
Salvandy dit beaucoup de bien du discours de Berryer qu’il a entre les mains. C’est maintenant lui, Salvandy, qui fera attendre. Cette réception n'aura pas lieu avant le milieu de Janvier.
Le public a bien envie de la paix, plus d'envie que d'espérance. L’idée qu’il faut que Sébastopol soit pris est entrée dans les esprits ; sans cela, la paix semblerait un échec. Il y a des officiers, et des officiers de rang qui écrivent ici que c’est plus aisé qu’on ne croit, que Sébastopol serait pris depuis longtemps, si l’on avait voulu, que les Généraux hésitent trop à entreprendre et veulent trop faire mousser leur succès. Je ne crois pas du tout à ce reproche ; on est encore plus pressé d'avoir le succès que de le faire mousser En tout, on se plaint des généraux, surtout de Lord Raglan. On lui attribue les pertes cruelles du régiment des gardes à la bataille d'Inkermann, comme celles de la cavalerie légères à Balaklava. On dit qu’il aurait pu soutenir les gardes et qu’il ne l’a pas fait, disant toujours que c'était une affaire d'avant postes. Ce sont les blessés de retour qui propagent les plaintes.
On m’apporte les journaux. Le dernier. rapport de Canrobert donne à croire qu’on restera longtemps immobile, si la pluie dure. Je ne vois rien de plus.
2 heures
Je n’ai pas de lettre. Elle me manque. Il m’en faut une tous les jours. Dumon sort de chez moi. Je lui ai dit vos bonnes paroles pour lui. Il en a été vraiment touché. Il parle de Nice comme tout le monde trouvant cela parfaitement naturel, nécessaire, disant que vous devrez consulter et vous reposer à Paris aussi longtemps que votre santé l'exigera, et ne comprenant pas que d'aucun côté, il puisse y avoir la moindre difficulté à vous donner les autorisations dont vous avez besoin. Aucune nouvelle. Nous attendons le discours de la Reine Victoria. Nous l'aurons dans deux heures. Adieu, Adieu. G.

Mots-clés : Académie (candidature), Académie des sciences morales et politiques, Académie française, Armée, France (1852-1870, Second Empire), Guerre de Crimée (1853-1856), Politique (Angleterre), Politique (France), Politique (Russie), Presse, Santé (Dorothée), Victoria (1819-1901 ; reine de Grande-Bretagne)
225. Paris, Mercredi 13 décembre 1854, François Guizot à Dorothée de Lieven
Votre lettre ne m'est arrivée hier que tard, et j’ai reçu hier aussi seulement les livres que vous m'avez envoyés, et dont je vous remercie. Les préoccupations sont toujours les mêmes. Votre Empereur veut-il réellement la paix ? L'Empereur Nap veut-il réellement la paix ? Personne ne sait répondre positivement. Pour mon compte, je suis disposé à dire, ou pour l’un et pour l'autre ; car à mon avis, ils ont l’un et l'autre un grand intérêt à la paix. Votre Empereur en a besoin, car il ne peut résister à toute l'Europe, et pour l'Empereur Nap ce sera un succès capital de rétablir la paix après avoir fait la guerre avec éclat. Mais à quelles conditions ? Si Sébastopol était pris, tout serait bien plus facile, car les Anglais disent toujours : we must have Sébastopol, et pour eux, l'[?] est là. Mais Sébastopol n’est pas pris et ne le sera probablement pas avant le printemps prochain. Comment suppléer à ce fait ? On dit que la limitation, pour tous les Etats du nombre de vaisseaux de guerre que chacun d'eux pourra entretenir, ou faire entrer dans la Mer Noire devenue libre, serait considérée à Londres, et ici comme une des garanties les plus efficaces, et que votre Empereur pourrait l'accepter. Tenez pour certain que, tant que Sébastopol ne sera pas pris, on me déplait beaucoup. J’ai peur que Mad. exigera beaucoup plus de vous. On parle d’un arrangement qui assimilerait la libre navigation du Danube et de ses embouchures à celle du Rhin, en lui donnant pour garantie l'établissement d’une commission mixte et permanente qui veillerait incessamment au maintien de cette liberté, et à l'abolition de tous les obstacles que vous pourriez lui susciter. Vous accepteriez sans doute aussi cela. Bref, dans notre public, on cherche, et on cherche sincèrement car on désire de plus en plus la paix, tout en étant décidé à faire la guerre tant que les conditions de la paix ne seront pas telles que l'Angleterre s'en contente comme nous. Le discours de la Reine Victoria est bien guerrier dans sa simplicité brève. Pas un mot sur les chances de paix. Je n'attendais pas plus de paroles sur le traité autrichien. Le texte sera public dans deux jours. Ceux qui s’en félicitent le plus n'osent pas s'en vanter. Le courage manque là au bon sens.
Votre nouvelle sur l’avis qu'a reçu Barrot me déplait beaucoup. J’ai peur que Mad. Chrept ne soit la cause de la mesure. Elle a passé et repassé ici sous un nom supposé. Je n'entends pas dire qu’il soit question de renvoyer Mad. Kalergis. J’attends bien impatiemment de savoir si vous avez écrit à M. sur Nice. Vous me le direz probablement aujourd’hui.
Une heure.
Décidément, on ne m’apporte vos lettres que tard. Je vais à l'Académie faire et entendre des lectures pour la séance que je dois présider samedi prochain. Adieu, Adieu. G
Mots-clés : Académie des sciences morales et politiques, Armée, Conditions matérielles de la correspondance, Femme (diplomatie), France (1852-1870, Second Empire), Guerre de Crimée (1853-1856), Marine, Napoléon III (1808-1873 ; empereur des Français), Nicolas I (1796-1855 ; empereur de Russie), Politique (Angleterre), Politique (Russie), Salon, Victoria (1819-1901 ; reine de Grande-Bretagne)
226. Paris, Jeudi 14 décembre 1854, François Guizot à Dorothée de Lieven
Je n’ai eu votre lettre hier qu'après 4 heures, en rentrant de l’Académie. J'écrivais à Montebello pour le prier de me venir voir ce matin quand il est entré. Je l’ai mis au courant. Il sera discret. Il a vraiment de l’amitié pour vous. Du reste comme vous le dites, il n’y a plus de mystère. On a beaucoup parlé de vous, et de vos désirs, et de ce qu’on vous avait répondu. Evidemment les indiscrétions étaient anglaises, et ils ne disaient point les obstacles qu’ils apportaient eux-mêmes. Hatzfeld, qui est venu me voir avant hier, savait à peu près tout, vaguement et inexactement pourtant. Il n’y avait de ce côté, nulle envie de vous nuire. On parle moins de vous depuis quelques jours. Cela vaut mieux. Si M. ne vient pas me voir aujourd’hui, j’irai chez lui demain ou après-demain. Il faut lui laisser le temps de faire usage de votre nouvelle lettre. Je lui remettrai votre P. S. que je trouve à propos.
Montebello veut toujours aller vous voir. Il a ici, pour quelques jours encore, son fils le marin qui va partir pour le tour du monde, trois ans d'absence ; et un autre fils qui va faire un nouvel examen pour entrer à l'Ecole militaire ; il a manqué le premier. Le père dit qu’il ira vous voir tout de suite après. J’espère que ce sera trop tard.
On trouve en général le discours de la Reine d'Angleterre un peu sec, sec sur toutes choses, et pour tout le monde. Impression Française ; il faut ici plus de démonstration et de variété. Du Parlement, je n’ai encore vu que les commencements insignifiants du Débat. J’attends la fin aujourd’hui, Aberdeen et Sidney Herbert.
2 heures
Ma fille Pauline vient d'accoucher d’un gros garçon qui se porte très bien, et elle aussi. Cela s'est passé aussi régulièrement et aussi promptement que possible. Je reverrai Montebello. Je n’ai vu personne ce matin. Je vais à l'Académie. Adieu, adieu. G.
Mots-clés : Académie des sciences morales et politiques, Circulation épistolaire, Enfants (Guizot), Femme (diplomatie), Femme (maternité), Femme (santé), France (1852-1870, Second Empire), Guerre de Crimée (1853-1856), Politique (Angleterre), Réseau social et politique, Salon, Victoria (1819-1901 ; reine de Grande-Bretagne)
227. Paris, Vendredi 15 décembre 1854, François Guizot à Dorothée de Lieven
On ne parlait hier soir que des deux discours, celui de la Reine et celui de Lord John. On trouve l’un bien sec et l'autre bien moqueur. Le traité Autrichien n’a pas plu à Londres autant qu’à Paris. Les quelques phrases d'Aberdeen, à ce sujet ont été bien modestes. Personne n’a dit le fond de sa pensée. Quelle glace à rompre dans ce Parlement s’il y avait quelqu’un qui n’eût pas peur de se couper les doigts en la rompant !
Evidemment il n’y aura pas même un commencement de négociation sérieuse tant que Sébastopol ne sera pas pris, et détruit.
Serez-vous assez bonne pour remercier de ma part, le capitaine van de Velde qui m’a envoyé, sur les événements et l'état actuel de la guerre en Crimée, une brochure pleine d’intérêt et frappante de clarté ?
Je n’ai pas cru hier soir à la dépêche télégraphique de Vienne qui donnait au Sun les plus mauvaises nouvelles de la santé de votre impératrice. Vous en auriez su et vous m'en auriez dit quelque chose. J'espère que vous n'aurez pas de chagrin. Pauvre femme ! Elle quitterait ce monde triste, mais dispensée peut-être de bien autres tristesses. Avez-vous quelque idée de l'effet que produisait ce malheur sur votre Empereur, s'il en était frappé ?
1 heure et demie
Je n’ai pas encore votre lettre, et je sors pour aller me promener aux Champs- Elysées. Je viens de lire attentivement le discours de Lord John que je n’avais fait que parcourir. C'est comme toujours le soin exclusif de sa position personnelle, et la constante cajolerie des opinions, et des préventions, et des passions momentanées, de son parti. Adieu, Adieu. Ne vous conseille t-on pas de prendre, pour vous aider à dormir, un peu de codéine, comme j'entends dire ici. Mon médecin assure que c’est efficace et innocent. Mes filles s’en sont souvent bien trouvées.
Adieu. G. G.
228. Paris, Samedi 16 décembre 1854, François Guizot à Dorothée de Lieven
J’ai reçu hier, tard, vos deux lettres par occasion, 187 et 189. Leur tristesse et leur tendresse me vont au cœur. Non certainement, je n’ai pas perdu l'espoir ; il me semble impossible qu’on vous refuse ce que vous demandez aujourd’hui. Et quand une fois nous aurons obtenu cela, nous verrons. Je n’ai pas trouvé M. Hier ; il était sorti. Je lui ai écrit en rentrant ; il m’a donné rendez-vous pour ce matin avant midi. J’irai tout à l'heure, dés que ma toilette sera faite, et je vous dirai tout de suite ce qu’il m'aura dit. Je n’ai pas voulu parler de M. à Montebello, avant d'en avoir causé avec M. Je crains toujours de gâter quelque chose de ce côté-ci qui est le seul efficace. Ce soir, ou demain d'après ma conversation avec M. Je verrai Monteb, et je le mettrai en mouvement s'il le faut. Il fera certainement, et de bon cœur, tout ce qu’il pourra. Mais je doute qu’il aille vous voir avant le départ de son fils. Il ne vous l’amènera pas au moment de le perdre pour trois ans, la mère ne voudra pas s’en séparer trois jours.
J’ai vu hier Lord Mahon qui retourne à Londres, revenant de Rome, et Sir Henry Ellis qui reste toujours à Paris. Ni l’un ni l'autre ne m’a rien appris. Ellis est toujours très sensé et assez clairvoyant. Frappé du peu d'habilité et du peu de convenance du discours de Lord John qui ne peut plaire ni à Vienne ni à Paris. Frappé aussi de la principale conséquence de ce traité qui est de rendre l'Emp. Nap arbitre de la paix ; le jour où il la voudra, il sera deux contre un. Et trois, si la Prusse adhère au traité, comme on le croit en général.
Deux nouvelles d'Italie qui ne vous intéressent guère ; les Jésuites sont expulsés de Naples et le cardinal Antonelli vient de tomber à Rome. Le plus capable des cardinaux, peut-être le seul capable ; mais il a un frère dont la vénalité et le décri ont, dit-on, fait sa chute.
4 heures
Je reviens de présider la séance publique de l'Académie. Il est tard. Je vous rendrai compte un peu à la hâte de ma conversation avec M. Trois quart d'heure. Même bon vouloir de l'Empereur Nap ; mais bon vouloir mêlé de tristesse et d'humeur. On a de nouveau fortement insisté de Londres. Il a répondu : " J’ai promis ; mais il a fait la concession. Après la prise de Sébastopol. " Si Sébast. était pris demain, vous auriez demain votre passeport pour venir vivre à Paris. Mais aujourd’hui il faut attendre. On est piqué et un peu honteux ; j’ai dit " entre nous ce n’est pas agréable de n'être pas plus puissant pour une si petite chose." On en tombe d'accord. J'en suis venu au passeport pour Nice en s'arrêtant à Paris pour consulter votre médecin, et vous reposer un peu : " Cela ne peut pas être refusé ; quelle le demande directement à l'Empereur lui- même, par une lettre sur ce thème en deux parties. 1ère Partie. " Je ne puis comprendre les méfiances dont je suis l'objet ; leur conséquence me désespère et leur injustice me révolte. Quand je voyais beaucoup de monde, je n’ai jamais été, pour l'Empereur, la cause du moindre embarras, du moindre ennui. A plus forte raison quand mon intérêt m'en ferait une loi et ma reconnaissance un devoir. Je vivrais dans la retraite la plus absolue ; je ne verrais personne, je n'écrirais à personne, absolu ment à personne. 2ème partie " si, en ce moment cela est jugé impossible, je prie instamment qu’on me donne un passeport pour traverser la France, consulter à Paris mon médecin, et me rendre dans un climat doux dont ma santé, ma vie ont absolument besoin. " Nommez Nice et Pau, une ville de France dans le midi, aussi bien qu’une ville étrangère ; l’un ne sera pas plus difficile à obtenir que l'autre, et il y aura avantage à pouvoir rester en France, si cela vous convient.
Envoyez votre lettre à Fould, en le priant de la remettre à l'Emp. Comme ministre d'Etat, c’est sa charge naturelle. Il est au courant de tout ce qui vous touche, et a bonne envie de vous servir. Morny a envoyé à l'Emp. votre longue lettre, celle dont je vous avais transmis le thème. Il a écrit à l’appui en l'envoyant. Mais l'Emp. ne lui en a point parlé depuis, ni lui à l'Emp. La timidité est grande. J’ai essayé d’insinuer la prolongation, de votre séjour à Paris un passage indéfini. Je suis forcé de vous dire que cela a fait peur, grand peur. Non qu’on demande un terme fixe, au passage, un nombre de jours déterminé ; mais la tentative de profiter du passage pour le trans former en séjour à toujours ne réussirait évidemment pas. A moins qu’il ne survînt quelque événement favorable, Sébastopol pris des négociations ouvertes, un armistice. Tout cela est possible.
Je vous demande deux choses, du courage et de prendre les faits, comme ils sont aujourd’hui en en tirant tout le parti qu’on en peut tirer aujourd’hui. On en tirera davantage avec le temps. Le point capital c’est de rentrer en France d'être revue à Paris. Si Pau ne vous paraît pas trop solitaire, je l’aimerais mieux que Nice. Il est plus aisé de se rapprocher quand il n’y a pas de frontière à passer. Le traité modéré autrichien donne de l'humeur à Londres, à l'opinion passionnément guerrière.
On sent qu’il donne à la paix des chances et à l'Emp. Nap de l’indépendance. Lord John l’a bien indiqué. On ne veut pas donner à cette humeur des prétextes de plus, même les plus petits. Vous en seriez un. Tout l’essentiel est là. L’essentiel comme résumé de ce qui s'est dit, et comme indication de la conduite à tenir. Dearest, je vous le demande encore : du courage, et ce qu’il faut pour votre santé. Nous ressaisirons peu à peu le reste.
Adieu, adieu. Mon fils va porter ceci chez Hatzfeld. Adieu. Ma fille va bien. G.
Mots-clés : Académie des sciences morales et politiques, Conditions matérielles de la correspondance, Femme (diplomatie), France (1852-1870, Second Empire), Jésuites, Napoléon III (1808-1873 ; empereur des Français), Politique (Angleterre), Politique (Italie), Politique (Russie), Politique (Vatican), Santé (Dorothée), Tristesse
229. Paris, Dimanche 17 décembre 1854, François Guizot à Dorothée de Lieven
Beaucoup de monde hier matin à l’Académie ; mais comme déraison, point de conversation. Le discours a bien réussi. Le soir, chez Mad. de Boigne ; le Chancelier, les Salvo, la Princesse Grasalcovich et son acolyte, Mad. de La Grange, la jeune et jolie qui est devenue énorme, le général d'Arbouville Boislecomte & d'Arbouville, intéressant à entendre sur la guerre de Crimée, triste de n’y pas être un Changarnier, non exilé ; convaincu qu’on prendra Sébastopol et qu’on chassera de Crimée, le Prince Mentchikoff. Mais quand ?
Dieu veuille que vous ayez raison dans l'impression que vous avez en ce moment ; sur les intentions du gouvernement anglais ! Une chose, une seule me le fait un peu partager ; c’est le ton plus décidé, et plus confiant de Lord Aberdeen. Sans sortir de sa réserve et de sa brièveté, il parle en homme qui se croit sûr de son fait et son fait, c’est certainement la paix. Plus j'y pense, plus je me persuade que le traité autrichien est vers ce but un très grand pas. Et la satisfaction qu’on en témoigne ici indique qu'ici aussi on désire la paix. Je suis curieux de voir si le Moniteur répétera ce matin l'article du Times sur le discours de Lord John. Bien vif et bien mérité.
Une heure
Le Moniteur n’a pas répété le Times. C’est plus convenable. Je suis bien fâché que Van Praet vous manque le soir, sa conversation avec vous me reposait un peu la pensée. Vous avez bien fait de ne pas répondre à votre neveu. Il ne faut pas discuter ces choses-là.
J’ai tous vos numéros. Je vous ai envoyé hier les livres dont vous aviez besoin. Le texte du traité autrichien ne m’apprend rien de plus. On me dit toujours qu’il y a un article secret, où l'alliance de guerre est plus expressément stipulée. Adieu, Adieu.
230. Paris, Lundi 18 décembre 1854, François Guizot à Dorothée de Lieven
Je suis resté hier soir chez ma fille, à faire une partie de Whist. Je n’ai vu le matin que Mad. Mollien qui ne m’a rien appris, et trois ou quatre personnes pour des questions d'Académie. Les Académie m'assiègent, M. Léon Faucher vient de mourir à Marseille. On le ramène à Paris. C’était la règle que, comme président, je fisse un discours sur sa tombe. J’ai dit non ; cela ne me convenait, ni pour ma santé, ni à cause du personnage. Deux discours d'ailleurs en huit jours, c’est trop pour aujourd’hui, nous ne sommes plus au temps des discours tous les jours. Mais il a fallu arranger que le vice Président s'en chargeât. Delà des billes à écrire, des visites à recevoir, Mignet, Thierry & Bref, cela s'est fait comme il le fallait bien, et je resterai demain chez moi.
Autre affaire d’Académie. M. de Falloux, est arrivé hier et m'a demandé un rendez-vous. Je le verrai ce matin. Je sais que quelques personnes l’engagent à persister dans sa candidature malgré celle du Duc de Broglie. Il se ferait le plus grand tort dans l'avenir pour avoir, dans le présent, un gros échec. Je ne vois rien dans les journaux. Je suis assez curieux de savoir comment a été pris, dans l’intérieur du Cabinet anglais, le discours, de Lord John sur le traité autrichien, et jusqu'à quel point les articles du Times sont l'écho d’une humeur de collègues. Je dîne aujourd’hui chez le Chancelier, avec le duc de Noailles, Berryer &. On dira là quelque chose.
3 heures
M. de Falloux sort d’ici. Longue conversation spirituelle. Mais pas de lettre de vous encore. Je suis bien ennuyé qu’on me les apporte, si tard. Et encore plus triste qu'ennuyé. Je ne vous montre pas toute ma tristesse. Je voudrais lutter contre la vôtre. Adieu, Adieu
231. Paris, Mardi 19 décembre 1854, François Guizot à Dorothée de Lieven
Quand je vous dirai que vos quelques lignes d’hier m’ont désolé, je vous dirai bien peu. Les paroles sont si peu. Et des paroles de loin. Je trouve que vous avez raison de ne pas faire une démarche directe pour un demi-résultat. Je vous aime fière dans votre tristesse. Je ne puis pas ne pas croire que si vous voulez accepter le demi-résultat, vous l'aurez sans le demander directement. C'est bien le moins qu’on vous doive, après vous avoir promis tout autre chose. Je tiens pour impossible que M. et F. ne s'y emploient pas efficacement. Maintenant faut-il insister auprès d'eux. Voulez-vous de ce demi résultat, obtenu sans la demander directement. Voulez-vous aller passer l'hiver à Nice, ou à Pau, en traversant la France et en vous arrêtant quinze jours à Paris pour consulter votre médecin ? Je tourne et retourne dans mon âme cette question-là. Si votre santé continue à souffrir du climat de Bruxelles, si l’hiver, qui n’a pas encore commencé, devient rude, si vous ne parvenez pas à vous défendre là du froid et de l'humidité, assez pour ne pas être vraiment malade, il n’y a pas à hésiter ; il faut aller passer l'hiver dans le midi et agir indirectement pour l'obtenir. A votre ennui. Le climat vaudra beaucoup mieux cela, une chance est toujours attachée, une bonne chance qui sait ce qui arrivera quand vous passerez par Paris, pendant les quelques jours que vous y passerez ? Sébastopol peut être pris pendant ce temps-là, et alors ! … Vous voyez que je ne compte pour rien le triste plaisir de nous voir un moment pour nous séparer sitôt. C'est votre santé qu’il faut consulter ; si elle a absolument besoin du midi, le midi à tout prix. Je dis à tout prix, car je ne me dissimule pas qu’à Nice ou à Pau, vous aurez comme société, comme conversation, moins de ressources qu’à Bruxelles. Point de diplomates, ni petits, ni grands ; point d'atmosphère politique, point de passants. Des indigènes qui vous ennuieront, des étrangers malades qui ne vous distrairont pas. Paris plus loin. Je résume en quelques mots ce qui nous fournirait d’interminables conversations si nous causions. L'affection remplit de charme le rabâchage, et on n’a tout dit que lorsqu’on a rabâché. Mais enfin, pesez, comme je le fais tous ces pour et ces contre votre santé avant tout. Seulement, pour votre santé, tenez compte de votre ennui. Le climat vaudra beaucoup mieux dans le midi, l'ennui y sera plus grand. Mais ne vous permettez pas le laisser aller désespéré, les sentiments sinistres. Puisque vous savez combien je vous aime, vous ne pouvez pas vous les permettre. Ceci est un défilé détestable, déplorable, avec de la patience et du courage, nous le passerons ; nous arriverons à la paix ; et la paix revenue, vous n'aurez plus besoin de la bonté, ni peur de la timidité de personne. J’ai eu ce matin, indirectement des nouvelles de Hübner ; il est plein de confiance dans la paix, convaincu qu’on la désire ici, que votre Empereur la désire vivement, et qu’il faudra bien que l'Angleterre l'accepte. Mais je vois bien, sans qu’il le dise, que c’est toujours sous la condition de Sébastopol pris. On croit généralement à une grande attaque prochaine, bataille contre l’armée Russe, assaut contre la place. Nos troupes le demandent à grands cris l'immobilité dans la boue leur est insupportable.
J’ai passé hier chez Montebello sans le trouver. Je viens de lui écrire pour le prier de venir me voir avant dîner, ou demain matin. Il faut qu’il cause avec M. Mais dites-moi votre dernier mot en réponse à mes questions. Je n'irai revoir M. et lui dire que vous vous refuserez à la démarche directe pour un demi résultat, que lorsque je saurai positivement. Si vous voulez, ou non, du demi-résultat. J’ai dîné hier chez le chancelier ; Noailles, Villemain, Cousin, duc de Fésenzac, Flavigny, Vitet & Pure conversation académique. J’ai pourtant causé de vous avec le Duc de Noailles. Je suis rentré de bonne heure pour me coucher, et j'aurais mieux fait de ne pas sortir. Je me renrhume. Pour ma santé, le Val Richer vaut beaucoup mieux que Paris. Adieu, dearest, Adieu. G
Mots-clés : Absence, Amour, Armée, Conversation, Diplomatie, Femme (diplomatie), France (1852-1870, Second Empire), Guerre de Crimée (1853-1856), Nicolas I (1796-1855 ; empereur de Russie), Politique (Angleterre), Politique (Russie), Portrait (Dorothée), Relation François-Dorothée, Réseau académique, Réseau social et politique, Salon, Santé (Dorothée), Santé (François), Tristesse
232. Paris, Mercredi 20 décembre 1854, François Guizot à Dorothée de Lieven
Pourquoi n’ai-je pas eu de lettre hier ? En temps ordinaire, une lacune d’un jour ne m'inquiéterait pas ; mais aujourd’hui tout m'inquiète. Je suis bien pressé de la porte d'aujourd’hui.
J’ai vu hier Montebello, il fera aujourd’hui, de votre lettre, l’usage que vous désirez. J’ai achevé de le mettre bien au courant. Il a encore son fils, le marin, pour quelques jours, et le second fait, ces jours-ci même, ses examens pour entrer à l'Ecole militaire.
On veut avoir un grand nombre de jeunes officiers à sa disposition. On a plus que doublé le chiffre des admissions à l'Ecole. Montebello ne savait rien d'ailleurs, ni aucune des personnes que j'ai vues. La guerre, en se prolongeant ne gagne pas en popularité. On m’a dit hier soir que le projet de loi pour le nouvel emprunt avait été porté le matin au Conseil d'Etat. On n'en savait pas le chiffre.
A en croire les apparences, le cabinet anglais s'est créé une assez grosse difficulté, en demandant à former une légion étrangère. L'opposition à ce sujet est bien absurde. Pour quoi n'épargnerait-il pas les vies et les douleurs anglaises s’il trouve au loin de bons soldats à employer au loin ? J’ai peine à croire du reste que l’embarras soit sérieux.
Une heure
On me dit qu’il sera sérieux. Je viens de voir deux ou trois personnes, et des lettres de Londres qui croient à la chute du Cabinet. Je n'y crois pas. Ce serait trop absurde. Pourtant je ne crois plus qu'aucune absurdité soit impossible. Ce serait l'Angleterre livrée à Lord John et à Lord Palmerston, et à sa passion populaire du moment. Nous saurons bientôt ce qui en est. Mais je suis bien plus pressé d'avoir une lettre de Bruxelles. Pourquoi n'est-elle pas encore venue ?
2 heures
La voilà. Je craignais bien cette attaque de bile. Je vous le demande en grâce, par affection pour moi, ayez du courage, vous êtes bien triste, vous avez bien des raisons d'être triste ; mais il y a des maux bien pires. Et si vous avez du courage les vôtres, les nôtres ne deviendront pas pires. J’attends votre réponse à ma lettre d’hier. Vous aurez vu que j’avais, sur la lettre à écrire, la même impression que vous. Je crois qu’on doit et qu’on peut vous en dispenser. Montebello doit venir me voir ce soir, ou demain matin, après sa visite. Nous verrons ce qu’on peut attendre de ce côté. Adieu. Adieu. G.
233. Paris, Jeudi 21 décembre 1854, François Guizot à Dorothée de Lieven
Montebello n’est pas venu hier me parler de sa visite. Je présume qu’il en sera sorti trop tard, et je compte qu’il viendra aujourd’hui dans la matinée. Votre lettre d’hier me montre que la résolution d’agir directement peut vous venir tout à coup. Vous aurez vu que j'étais de votre premier avis, et que les moyens indirects me semblaient devoir suffire. Vous me direz sans doute aujourd’hui à quoi vous vous arrêtez.
Voilà le Ministère anglais hors de danger. C'est bien ridicule qu’il y ait eu là, pour lui, un danger. Ridicule pour le pays et pour son bon sens. Il faut qu'à côté de la puérile opposition du pays à la mesure, l’intrigue combinée de toutes les oppositions dans le Parlement, et de toutes les ambitions cachées, ait été bien forte pour ameuter 202 voix contre le Cabinet.
Je n'ai rien appris hier. Je ne suis pas sorti du tout le matin. Le soir, chez Mad. de Staël, peu de monde. Mad. d’Haussonville, M. de Sahune, Viel-Castel. Conversation rétrospective ou littéraire. Les absents reviennent presque tous la semaine prochaine, Broglie, Duchâtel, Montalembert, Molé. Vous ai-je dit que le feu avait pris dans la maison de Duchâtel, feu sourd, provenant du calorifère, et qui a été découvert par la désobéissance d’un concierge qui est entré par curiosité dans un salon où on lui avait défendu, d’entrer ? Il a trouvé le parquet ombragé. Il y avait, dans ce salon, de beaux tableaux, entre autres, un Téniers que M. Vitet venait d'acheter pour Duchâtel 25 000 francs Rien du tout n'a souffert. Le feu a été éteint sur le champ. Je vous l’ai peut-être déjà dit.
1 heure
Je suis obligé d'aller de bonne heure à l'Académie où j’ai une commission. Je sors sans avoir eu de lettre. Montebello viendra me voir à 5 heures. Il sait qu’il n’a réussi trouver sa visite que ce matin. Adieu, Adieu. G.
Bruxelles, Dimanche 17 décembre 1854, Dorothée de Lieven à François Guizot
Je commence ceci pour une occasion. Je suis frappé. tout à coup de l’idée que M. ne désire plus mon retour à Paris, et voici comment j’arrive à ce soupçon. La bonne volonté de l’Empereur. pour moi s’est arrêtée devant les objections de Lord Palmerston. Il n’a pas que les trouver sérieuses, il a trop d’esprit pour ne pas savoir, que fussent elles fondées, il dépendait de lui d'empêcher toutes mes iniquités et toutes mes trames et que venant dans les C'est bien triste tout cela. Mais j’ai assez d’équité dans l’esprit pour comprendre tout cela & même pour le pardonner. Je voudrais cependant qu'on s'est à quel point je mérite peu ce qu’on peut craindre de moi. Revenue à Paris, ma correspon dance Russe cesse tout à fait, cela m’a été insinué pas intermédiaire car secrétement on n'a rien à en dire encore, je n’y ai pas donné lieu. Le bonheur de retrouver encore mon home & mes amis me fera donner à tous les. ... (C’est affreux ce que je n'ose pas dire là) toute pensée de me mêler de quoique ce soit que puisse donner ombrage. Je veux bien que M. me néglige. Je croirai cependant toujours qu'il m’aime. Et comme je l'aime moi, je serais bien fâchée de lui donner du tracas. Son silence, son impuissance seraient inexplicables, s’ils n'étaient expliqués par tout ce que j’ai dit là.
Midi
Voilà votre lettre 228 triste, triste lettre. Non, pour n’obtenir que le passage, je n'écrirai pas. Pau ? L'ennui me ferait mourir et le divorce avec la Russie serait aussi complet qu’à Paris. Voulez-vous y venir avec moi ? Ah que Je m'y abonnerais volontiers. Je ne sais pas au fond pourquoi je n'essayerait pas mon crédit en Angleterre. Le pire serait de ne pas réussir, mais évidement il n’y a rien à gâter. Je ne sais dans quel état vous aurez cette lettre. Le courrier prussien qui la portera travera ici la nuit. Il faut donc que je la remette le soir. Mais cela peut tarder des jours dans ce cas, j’ajouterai tous les jours. Pour aujourd’hui Adieu.
Le 19. Je n’avais rien de plus à dire, & je n’avais pas la force de dire. J’ai passé toute la journée dans mon lit. Votre lettre m’avait renversée. J’ai eu une attaque violente de bile. Conséquence infaillible de toute émotion. J’ai vu le médecin plusieurs fois dans la journée. Adieu. Adieu.Je crois que je me suis trompée de N° dans ma lettre de ce matin je devais dire 193.
Bruxelles, Lundi 3 décembre 1854, Dorothée de Lieven à François Guizot
Je suis bien malade. Je vois et vous me dites qu’à Londres, on se fait un monde de mon retour à Paris. Certainement je n’aime pas les Anglais autant que vous et je n’adore pas votre alliance, mais je vous aime, j’aime votre empereur et je ne voudrais pas lui créer le moindre ennui. Quand à mon salon, pourrais-je en avoir ? Et si j’en avais un il serait encore plus ce qu’il était quand j’étais libre c.a.d. une influence favorable à l’Empereur et à l’Impératrice. Elle peut se le rappeler mais que je suis loin de ces deux sauveurs. Seulement l’Empereur attend un succès. Que veut-il de plus que la gloire de ses armes et le traité avec l’Autriche. La prise de Sébastopol. Mais je ne serai plus de ce monde. Je crache le sang.
Je voudrais revenir me soigner, voir mon monde, retrouver mon lit, des portes qui ferment et fermer une porte même à mes amis s’il le faut. Et puis si je pars de suite on en pensera ce qu’on voudra, l’escapade sera faite mais si on apprend a Pétersbourg ma démarche et qu’on me demande d’aller à Paris, alors je deviens en état de vraie révolte et ma situation pour moi et ma famille peut en être très changée.
Bruxelles, Vendredi 24 février 1854, Dorothée de Lieven à François Guizot
Ah que j'ai de tristesse dans l'âme. Quel triste voyage ! Et quelle fatigue. Je ne suis arrivée qu’à 10 1/2 Chreptovitch était à la gare pour me recevoir. Je n'ai encore vu que lui. Je vous écris de bonne heure.
J’ai eu une lettre de Berlin. On a à peu près chassé Seymour sans vouloir le voir. Son collègue Castelbajac a été comblé et après avoir ici son audience, c’est l'Empereur lui même qui lui a remis ses passeports & lui a dit ensuite. Puisque vous n'êtes plus le représentant de la France, laissez-moi vous remercier de la conduite noble & chevaleresque que vous avez su tenir dans cette triste affaire. Il lui a remis lui- même alors les insignes de l'ordre de St Alexandre accompagnés d'un écrit de sa propre main. En disant adieu, le général a fondu en larmes.
Ecrivez-moi beaucoup. Chreptovitch dit qu'un on ne sait rien, absolument rien. Il ne fait pas froid & je suis assez bien logée. Adieu, donc & encore. Adieu, quel malheur de vous avoir quitté, d’avoir quitté tout !
[Paris], Dimanche 1er janvier 1854, François Guizot à Dorothée de Lieven
Depuis le 18 Janvier 1838 c’est la 17e fleur que je vous envoie au 1er Janvier. Cette année qui commence m'inquiète. J'y vois moins clair peut-être que dans aucune autre. Plus de ténèbres et plus d’orages que jamais. Que Dieu vous garde et vous laisse ici ! Qu’il vous garde partant, mais vous ne pouvez être bien qu'ici. Adieu, Adieu.
Je viens de me lever. J’ai très bien dormi. Dans deux ou trois jours, à moins d'accident ou de 20 degrés de froid, je reprendrai ma liberté. Adieu.
Dimanche 1er Janvier 1854
Mots-clés : Relation François-Dorothée
[Paris], Dimanche 1er janvier 1854, François Guizot à Dorothée de Lieven
Depuis le 18 Janvier 1838 c’est la 17e fleur que je vous envoie au 1er Janvier. Cette année qui commence m'inquiète. J'y vois moins clair peut-être que dans aucune autre. Plus de ténèbres et plus d’orages que jamais. Que Dieu vous garde et vous laisse ici ! Qu’il vous garde partant, mais vous ne pouvez être bien qu'ici. Adieu, Adieu.
Je viens de me lever. J’ai très bien dormi. Dans deux ou trois jours, à moins d'accident ou de 20 degrés de froid, je reprendrai ma liberté. Adieu.
Dimanche 1er Janvier 1854
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[Paris], Dimanche 1er janvier 1854, François Guizot à Dorothée de Lieven
Depuis le 18 Janvier 1838 c’est la 17e fleur que je vous envoie au 1er Janvier. Cette année qui commence m'inquiète. J'y vois moins clair peut-être que dans aucune autre. Plus de ténèbres et plus d’orages que jamais. Que Dieu vous garde et vous laisse ici ! Qu’il vous garde partant, mais vous ne pouvez être bien qu'ici. Adieu, Adieu.
Je viens de me lever. J’ai très bien dormi. Dans deux ou trois jours, à moins d'accident ou de 20 degrés de froid, je reprendrai ma liberté. Adieu.
Dimanche 1er Janvier 1854
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[Paris], Dimanche 1er janvier 1854, François Guizot à Dorothée de Lieven
Depuis le 18 Janvier 1838 c’est la 17e fleur que je vous envoie au 1er Janvier. Cette année qui commence m'inquiète. J'y vois moins clair peut-être que dans aucune autre. Plus de ténèbres et plus d’orages que jamais. Que Dieu vous garde et vous laisse ici ! Qu’il vous garde partant, mais vous ne pouvez être bien qu'ici. Adieu, Adieu.
Je viens de me lever. J’ai très bien dormi. Dans deux ou trois jours, à moins d'accident ou de 20 degrés de froid, je reprendrai ma liberté. Adieu.
Dimanche 1er Janvier 1854
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[Paris], Dimanche 1er janvier 1854, François Guizot à Dorothée de Lieven
Depuis le 18 Janvier 1838 c’est la 17e fleur que je vous envoie au 1er Janvier. Cette année qui commence m'inquiète. J'y vois moins clair peut-être que dans aucune autre. Plus de ténèbres et plus d’orages que jamais. Que Dieu vous garde et vous laisse ici ! Qu’il vous garde partant, mais vous ne pouvez être bien qu'ici. Adieu, Adieu.
Je viens de me lever. J’ai très bien dormi. Dans deux ou trois jours, à moins d'accident ou de 20 degrés de froid, je reprendrai ma liberté. Adieu.
Dimanche 1er Janvier 1854
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[Paris], Dimanche 1er janvier 1854, François Guizot à Dorothée de Lieven
Depuis le 18 Janvier 1838 c’est la 17e fleur que je vous envoie au 1er Janvier. Cette année qui commence m'inquiète. J'y vois moins clair peut-être que dans aucune autre. Plus de ténèbres et plus d’orages que jamais. Que Dieu vous garde et vous laisse ici ! Qu’il vous garde partant, mais vous ne pouvez être bien qu'ici. Adieu, Adieu.
Je viens de me lever. J’ai très bien dormi. Dans deux ou trois jours, à moins d'accident ou de 20 degrés de froid, je reprendrai ma liberté. Adieu.
Dimanche 1er Janvier 1854
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[Paris], Dimanche 1er janvier 1854, François Guizot à Dorothée de Lieven
Depuis le 18 Janvier 1838 c’est la 17e fleur que je vous envoie au 1er Janvier. Cette année qui commence m'inquiète. J'y vois moins clair peut-être que dans aucune autre. Plus de ténèbres et plus d’orages que jamais. Que Dieu vous garde et vous laisse ici ! Qu’il vous garde partant, mais vous ne pouvez être bien qu'ici. Adieu, Adieu.
Je viens de me lever. J’ai très bien dormi. Dans deux ou trois jours, à moins d'accident ou de 20 degrés de froid, je reprendrai ma liberté. Adieu.
Dimanche 1er Janvier 1854
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[Paris], Dimanche 1er janvier 1854, François Guizot à Dorothée de Lieven
Depuis le 18 Janvier 1838 c’est la 17e fleur que je vous envoie au 1er Janvier. Cette année qui commence m'inquiète. J'y vois moins clair peut-être que dans aucune autre. Plus de ténèbres et plus d’orages que jamais. Que Dieu vous garde et vous laisse ici ! Qu’il vous garde partant, mais vous ne pouvez être bien qu'ici. Adieu, Adieu.
Je viens de me lever. J’ai très bien dormi. Dans deux ou trois jours, à moins d'accident ou de 20 degrés de froid, je reprendrai ma liberté. Adieu.
Dimanche 1er Janvier 1854
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Depuis le 18 Janvier 1838 c’est la 17e fleur que je vous envoie au 1er Janvier. Cette année qui commence m'inquiète. J'y vois moins clair peut-être que dans aucune autre. Plus de ténèbres et plus d’orages que jamais. Que Dieu vous garde et vous laisse ici ! Qu’il vous garde partant, mais vous ne pouvez être bien qu'ici. Adieu, Adieu.
Je viens de me lever. J’ai très bien dormi. Dans deux ou trois jours, à moins d'accident ou de 20 degrés de froid, je reprendrai ma liberté. Adieu.
Dimanche 1er Janvier 1854
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Depuis le 18 Janvier 1838 c’est la 17e fleur que je vous envoie au 1er Janvier. Cette année qui commence m'inquiète. J'y vois moins clair peut-être que dans aucune autre. Plus de ténèbres et plus d’orages que jamais. Que Dieu vous garde et vous laisse ici ! Qu’il vous garde partant, mais vous ne pouvez être bien qu'ici. Adieu, Adieu.
Je viens de me lever. J’ai très bien dormi. Dans deux ou trois jours, à moins d'accident ou de 20 degrés de froid, je reprendrai ma liberté. Adieu.
Dimanche 1er Janvier 1854
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[Paris], Dimanche 1er janvier 1854, François Guizot à Dorothée de Lieven
Depuis le 18 Janvier 1838 c’est la 17e fleur que je vous envoie au 1er Janvier. Cette année qui commence m'inquiète. J'y vois moins clair peut-être que dans aucune autre. Plus de ténèbres et plus d’orages que jamais. Que Dieu vous garde et vous laisse ici ! Qu’il vous garde partant, mais vous ne pouvez être bien qu'ici. Adieu, Adieu.
Je viens de me lever. J’ai très bien dormi. Dans deux ou trois jours, à moins d'accident ou de 20 degrés de froid, je reprendrai ma liberté. Adieu.
Dimanche 1er Janvier 1854
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[Paris], Dimanche 1er janvier 1854, François Guizot à Dorothée de Lieven
Depuis le 18 Janvier 1838 c’est la 17e fleur que je vous envoie au 1er Janvier. Cette année qui commence m'inquiète. J'y vois moins clair peut-être que dans aucune autre. Plus de ténèbres et plus d’orages que jamais. Que Dieu vous garde et vous laisse ici ! Qu’il vous garde partant, mais vous ne pouvez être bien qu'ici. Adieu, Adieu.
Je viens de me lever. J’ai très bien dormi. Dans deux ou trois jours, à moins d'accident ou de 20 degrés de froid, je reprendrai ma liberté. Adieu.
Dimanche 1er Janvier 1854
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[Paris], Dimanche 1er janvier 1854, François Guizot à Dorothée de Lieven
Depuis le 18 Janvier 1838 c’est la 17e fleur que je vous envoie au 1er Janvier. Cette année qui commence m'inquiète. J'y vois moins clair peut-être que dans aucune autre. Plus de ténèbres et plus d’orages que jamais. Que Dieu vous garde et vous laisse ici ! Qu’il vous garde partant, mais vous ne pouvez être bien qu'ici. Adieu, Adieu.
Je viens de me lever. J’ai très bien dormi. Dans deux ou trois jours, à moins d'accident ou de 20 degrés de froid, je reprendrai ma liberté. Adieu.
Dimanche 1er Janvier 1854
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[Paris], Dimanche 1er janvier 1854, François Guizot à Dorothée de Lieven
Depuis le 18 Janvier 1838 c’est la 17e fleur que je vous envoie au 1er Janvier. Cette année qui commence m'inquiète. J'y vois moins clair peut-être que dans aucune autre. Plus de ténèbres et plus d’orages que jamais. Que Dieu vous garde et vous laisse ici ! Qu’il vous garde partant, mais vous ne pouvez être bien qu'ici. Adieu, Adieu.
Je viens de me lever. J’ai très bien dormi. Dans deux ou trois jours, à moins d'accident ou de 20 degrés de froid, je reprendrai ma liberté. Adieu.
Dimanche 1er Janvier 1854
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[Paris], Dimanche 1er janvier 1854, François Guizot à Dorothée de Lieven
Depuis le 18 Janvier 1838 c’est la 17e fleur que je vous envoie au 1er Janvier. Cette année qui commence m'inquiète. J'y vois moins clair peut-être que dans aucune autre. Plus de ténèbres et plus d’orages que jamais. Que Dieu vous garde et vous laisse ici ! Qu’il vous garde partant, mais vous ne pouvez être bien qu'ici. Adieu, Adieu.
Je viens de me lever. J’ai très bien dormi. Dans deux ou trois jours, à moins d'accident ou de 20 degrés de froid, je reprendrai ma liberté. Adieu.
Dimanche 1er Janvier 1854
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