Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


Votre recherche dans le corpus : 5493 résultats dans 5493 notices du site.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23014_00478.jpg
Paris dimanche le 26 octobre 1851

Je n’ai rien à vous mander. aujourd’hui. Vous voyez que Billault est fini. Hier on travaillait à Ducos. M. Fould me semble avoir raison. On ne trouvera pas de Ministres. Les propos des Elyséens sont très vifs. Tout leur est égal. Et s'ils périssent au moins auront-ils le plaisir de voir le pays tout entier périr avec eux. C'est M. Persigny qui a dit cela. Douce satisfaction. Encore le Chancelier hier soir. Mais pour le coup il n’y avait pas de quoi l'amuser. Je suis réputée en vacances le samedi.
On me défend cependant encore les Italiens, et je n’avais ici que la diplomatie. Viel Castel aussi, qui revenait de chez le duc de Broglie. Il croyait trouver M. de [Bourgeoly] aux Aff. étrangères. Il n'a rien trouvé, pas même Baroche qui est à la Campagne. Le duc de Noailles est reparti pour Maintenon.
En me rappelant le peu de paroles de M. Fould avant hier je crois me souvenir qu’il voulait laisser croire que rien n'empêchait le président de transiger. " Il n’a reçu dit d’officiel encore. Il n’est pas compromis.“ On me dit que l’antipathie du Président pour M. Léon Faucher est énorme. D’un autre côté tout le monde regrette Léon Faucher comme un ministre très vigilant, très ferme et fort honoré [?] par les Préfets. En tout on continue à blâmer, blâmer beaucoup, le Président. L'émotion est très vive sur le continent. Vous avez beau temps pour l’événement de falaise. La Redorte est revenu. J'en suis charmée. Je le verrai aujourd’hui. Adieu. Adieu.
On dit que le [Journal] des Débats tourne à la fusion est-ce vrai ?

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23014_00482.jpg
Paris lundi le 27 octobre 1851
Midi

Voilà le ministère. Vous saurez mieux que moi en décider la couleur. Je n’ai vu personne encore, rien que le Moniteur. A tout hasard je vous envoie les noms, car je ne sais pas si vous recevez les journaux du soir. Chasseloup était ici hier, ne sachant rien. La Redorte très curieux à entendre. Très mécontent. Le pays d'où il vient, ardent comme lui-même l’était, pas le Président ; aujourd’hui en blâme comme lui et très vivement. Faute énorme dont le Président [?] ne pourra pas se relever. L'Assemblée qui était très bas, est redevenue très respectée. Sa conduite tranquille a beaucoup plu. L'espoir et le conseil de La Redorte sont qu’elle continue comme cela mais qu’elle tienne bon et ferme. Jamais accorder l'abrogation. Selon ce qu'il avait recueilli dans 24 heures, grande consternation à l’Elysée du jugement si unanime de toutes les classes élevées. Heckern me disait hier que Morny & Persigny se disputent l'influence. Morny pour qu'on recule. Persigny pour qu'on avance. Je suppose que le ministère est dans l’opinion Morny.
J’ai rencontré hier le Président il avait l’air fort triste. Les diplomates curieux, inquiets de l’inquiétude de leurs gouvernements. Mad. de la Redorte a pris le deuil de la Dauphine. Mad. Roger aussi chez moi hier soir. Celle-ci blame & noir. L’autre tout noir. Les dames russes sont venues chez moi hier en deuil. Je les en ai louées. Est-ce loué ? ou louées ? La Redorte dit que ce qui cause le blâme universel c'est que la politique personnelle marche à front découvert. Adieu. Adieu.
Rien encore de Pétersbourg. Peut-être aurai-je pour toute réponse le silence. Est-il possible ! Je suis toujours misérable. Un artichaut & deux quenelles de volaille, les forces s'en vont. Adieu. Adieu.
Corbin Justice
Turgot. Aff. étrangères
Charles Giraud Instruction
Thorigny Intérieur
Casabianca agriculture
Lacrosse travaux publics
Saint-Arnaud la guerre
Fortoul marine
Blondel Finances
Maupas La police.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23014_00488.jpg
Paris le 28 octobre 1851

Hier soir une défaillance. plus de pouls, attaque de nerfs, [?] de vomissements. Pas de sommeil cette nuit, aujourd’hui je ne bouge pas. Pas de réponse de Pétersbourg. Je ne pense qu’à cela.
Tout le monde rit. du ministère. Fould & Berryer hier, en très bonne intelligence. C'est Casabianca qui a fait le Ministère. Blondel est depuis 12 mois en Corse. Fould dit qu’il ne le connaît pas. Le blâme sur tout cela est universel. On a reçu hier le testament de la Dauphine. On dit très touchant. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23014_00489.jpg
Paris le 29 octobre 1851
1 heure
Je suis encore dans mon lit, avec des étouffements. Vitet que j'ai vu hier soir m’a prié de vous dire qu'il a vu les lettres du duc de Nemours à M. Bauchez témoignant du vif chagrin de la reine & du sien à l'occasion de la mort de la Dauphine. Le Duc de [Nemours] était son filleul. On va célébrer une messe, et on écrit au duc de [Mont?] pour le prier de chercher un complimenteur convenable pour Frohsdorf. On espère that he will take the hint. Cela serait très bien.
Longue visite hier matin de M. Dupin. Blâmant beaucoup, espérant peu de l'Assemblée à cause de ses divisions. Des regrets, des hélas de ce que chacun s'occupe de son intérêt ou de son penchant personnel. Le mieux serait que le comte de Chambord abdique ! Il pense bien de Corbin & Giraud, il rit du reste surtout de Fortoul. Il n’ira pas à St Cloud, il s'est borné à s’inscrire à l'Elysée. Le soir Pasquier m’a dit qu’il croyait que Corbin refuse. Il n’est pas ici encore.
Je voudrais bien mes nouvelles. J'en suis bien loin aujourd’hui. Rien de Pétersbourg. Adieu. Adieu.
Je trouve votre discours à Falaise extrêmement bien. Avez-vous trouvé la statue extrêmement belle ?

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857) ; Ellice, Marion
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23014_00521.jpg
Paris le 5 novembre 1851

Le message a été trouvé déplorable. La Redorte est venu le premier me raconter le fiasco. En même temps on a fort blâmé Berryer, & Molé lui même en était mécontent. iIs étaient tous deux chez moi hier soir. Le rejet de l’urgence parait à Berryer les funérailles du projet de loi. Il m'a dit ensuite à l’oreille que la majorité était bien molle, & que tout ce qu'il pouvait espérer serait 300 voix compactes et encore. Ni la reine, ni le duc de Nemours n’ont écrit au comte de Chambord on n’a parlé que de la séance. Les diplomates présents ont trouvé dans l’attitude de défi du [général] [Saint-Arnaud] l’indice d'un coup d’Etat. Le peu de soin de la rédaction du message parait indiquer ainsi beaucoup de dédain pour l’assemblée. Le Président a sans doute pris son parti quoiqu'il arrive. La Montagne triomphe et l’a témoigné hier. Enfin le grand combat a commencé hier.
Montebello n’est pas ici. Sa femme cependant va mieux. [Mérade] n’est pas ici non plus. Je n'oublierai pas ce que vous me dites dès que je le verrai. Adieu. Adieu.

La Princesse me permet d'ajouter deux mots, sur la santé dont elle ne vous aura probablement pas parlé. Elle a pris hier avec son diner avec pillule digestive, dont elle s’est aussitôt [?]. Cette nuit, en effet elle s'est réveillée vers 2 h. du matin avec des étouffements qui lui ont gâté un peu sa nuit. Mais ce matin Olliffe est loin d'être mécontent. Le pouls est bon, et le teint meilleur. Mais nous avançons tout doucement cependant ! Chomel n’est pas ici. Il n'arrive qu’aujourd’hui mais nous espérons pourtant le voir dans le courant de la jounée. La princesse tâche de prendre la nourriture qu'on lui ordonne mais c’est toujours là le point difficile. Voilà un bulletin légèrement décourageant [mais] il ne faut pourtant pas se décourager.
Croyez-moi toujours, cher M. Guizot. Trés sincèrement à vous. M. Ellice

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23014_00537.jpg
Paris dimanche le 9 Novembre 1851

Molé hier soir gêné sur l'affaire de questeurs. [?] sur l'affaire Faucher, en tout de mauvaise humeur. Mérade en grand blâme. Je lui ai dit ce que vous vouliez qu'il sût et dans les termes convenables. Il rendra cet avertissement. Il est bien temps que vous reveniez. Il me semble qu'on perd la tramontane. Cela fera gagner le Président. Il y a deux jours que je n’ai vu Fould. La santé ne va pas mal. Un peu de fatigue hier soir parce qu'on est resté jusqu'à 11h. passées ! La nuit s'en est un peu ressentie, mais cependant tant bien que mal il y a eu 7 h. de sommeil. Voilà toute ce que j'ai à dire. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23014_00540.jpg
Paris Lundi le 10 novembre 1851

Soirée très orageuse hier. L'allocution du Président aux affaires. Piscatory, Molé, Berryer, Montebello très montés. Montalembert n’en parlait pas. Fould approuvait en général cependant cela était regardé comme une nouvelle provocation, et l’on croit généralement que l’Elysée veut la crise.
Je vous verrai donc après demain. Grande joie. Mais voici deux recommandations. 1° Ne venez pas avant 3 1/4 je ne puis pas vous recevoir avant.. C’est trop long à expliquer. 2° faites-moi la grâce pour tout ce premier jour de vous borner à écouter tout le monde, et puis vous digèrerez ce mauvais dîner et vous pourrez avoir un avis le lendemain. On en sera très avide, c’est tout juste pour cela qu’il ne faut pas vous presser. Mon impression à moi est de trouver la conduite du duc de Broglie très bonne. Je ne suis pas suspect quand je le loue. Je trouve à Molé l’air mal à l’aise. Au reste depuis bien des jours je n'ai plus de tête-à-tête.
2 heures. Adieu. Adieu. Des nouvelles indirectes disent que le passeport est accordé !

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23015_00143.jpg
36 Dieppe le 13 juillet 1852

Me voilà et tout seule, et logée loin du peu de personnes qui sont ici parmi mes connaissances. Et un orage épouvantable, des éclairs, la foudre qui tombe à côté. Je suis dans le désespoir la terreur. Toute seule c’est affreux. Triste sort. Aggy pouvait arriver aujourd’hui. Elle l’avait promis. Je suis venue la prendre ici. J’ai envoyé la chercher à Boulogne, toutes les précautions prises. Je vais pleurer, je n'ai que cela à faire.
Hier j'ai vu Fould encore très longtemps. Il a été très intéressant mais vous êtes trop loin. Votre petit ami me dit que d'ici vous n'êtes pas loin. C'est bien dommage que je ne vous vois pas. J’ai une bonne chambre à vous donner. Mais je n’aime pas faire des invitations qui seraient refusées.
Mercredi matin ma lettre n'a pas pu être finie pour la poste. Je l'achève ce matin. Je viens de recevoir la vôtre d’avant hier. Avant de me coucher j’ai encore vu venir tous les Delessert très aimables pour moi. Ils seront ma meilleure ressource. Aggy m'écrit qu’elle sera ici demain. Je le croirai quand je la verrai. Ah que je suis devenue soupçonneuse !
Fould n'était pas encore sûr de partir avec le Président. L’entourage n'aime pas je crois sa faveur. Il attendait qu'on lui répète l’invitation. Il a bien du tact, de la réserve, de la finesse, et de l’esprit. Le changement de [Ministère] qui va se faire en Belgique plaira au Président. On veut de là lui envoyer Ligne comme ministre, j’avais cru que ce serait très bien accueilli. Pas du tout. Des préventions. Il a tort. Mais on peut être un très excellent Président & n'avoir pas toujours raison.
L'air de la mer est excellent. Je suis heureuse d’être sortie de Paris cette fournaise. Adieu. Adieu.
Il y a ici les Cowley, les Mouchy, les Delessert, le duc de Richelieu, les Delmas. Mais on est éparpillé. Adieu.

2 heures. Votre lettre de hier 13 m’arrive à l’instant, c’est bien vite, nous sommes donc bien près ! Inutile.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23015_00147.jpg
37 Dieppe jeudi 15 juillet 1852

Delessert que j’avais chargé de me trouver une maison, m'en a donné une fort commode, sur la rue, un peu loin de tout le monde c’est vrai, mais enfin très bien, seulement je la trouve bien humide et je commence à avoir peur. J’aime mieux les auberges mais il n'y a pas un trou. Il faut donc rester.
J’attends Aggy avec impatience aujourd’hui enfin. Je n’ai pas de nouvelle à vous dire. J’ai écrit à l’Impératrice une longue lettre ce matin. Je puis lui écrire tendrement bien à mon aise. Je lui ai mandé mes observations de Paris, il y a un courrier prussien.

5 heures. Voilà Aggy arrivée. Dieu merci. Bien mauvaise mine, il faut que je raccommode cela. Lord Cowley croit que le parti ministériel aura 300 voix à la chambre, ce n’est pas la majorité, mais c'est un parti très compacte, et dont on pourra toujours tirer de bonnes choses. La grande aigreur est entre les Peelistes & les Derby. Est-il possible ! et Aberdeen en est ! Adieu. Adieu.
Je n’ai rien de plus à ajouter.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23015_00150.jpg
38. Dieppe le 16 juillet 1852

Tout ce que l’Impératrice pourra faire pour moi, elle le fera. Cela elle me l’a dit & je crois tout ce qu’elle me dit. Je crois aussi qu'il y aura plus haut bienveillance pour moi. J'éprouve donc une certaine sécurité. Mais de promesse je n’ai pu en avoir aucune. Mais voici venir une autre aventure. L’Empereur a fait faire des avances à mon fils aîné, il désire le reprendre au service et lui donner un poste convenable. Voilà les premières paroles qu'il lui a fait dire après cela il faut se voir, s'entendre. Paul acceptera un poste diplomatique indépendant et je lui conseillerai de n'être pas difficile, mais il faut qu'on lui dise quoi, & Nesselrode cet absent, & Orloff aussi va l’être. Tout cela est remis à assez loin, en attendant j'aurai à soigner ces préliminaires et c'est assez difficile avec tous ces éparpillements.
La chaleur commence à devenir lourde ici aussi. Je vois les Delessert beaucoup. Lord Cowley tous les jours. Mais on ne se réunit pas et je ne suis pas bonne à cela maintenant car je vais me coucher à 9 heures vraiment avec les poules. Je n’ai pas la moindre nouvelle. Le comte de Chambord ne songe pas à venir à Wisbade, c'est ce que m’a dit le duc de Noailles. Pour Changarnier je crois bien qu'il va à Vienne, on le croyait à Bruxelles. Vous savez que M. Molé est à Trouville.
Adieu, nous n'aurons rien de bien intéressant à nous écrire. Moi je végèterai. Un ennuyeux été à traverser et sans profit pour ma santé. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23015_00155.jpg
39 Dieppe le 18 juillet 1852

Dimanche Je n'ai eu hier qu’un mot bien shabby et moi je n'ai rien à dire du tout. Au fond Dieppe est parfaitement ennuyeux les Delessert sont ma vraie ressource et encore. On me mande de Paris que le Président rencontrera certainement la Princesse de Wasa à Strasbourg, (il n’est même pas impossible qu'il aille à Bade.) Cette princesse à 18 ans, jolie charmante. Mon [Grand duc] Nicolas est allé la regarder, entre autres et elle lui a plu extrêmement, mais l’Empereur n'en veut pas à cause de vous de Suède. Elle prendra certainement le Président. Elle se ferait probablement catholique, car elle se serait faite grecque. Tous les entours le poussent au mariage. Il n'y a que [Jérôme] et son fils qui y sont extrêmement opposés.
Voilà votre lettre de hier. Mon adresse est Maison Fauconnet rue Aguado et rue descaliers N°11. Malgré toutes ces rues je donne en plein sur la mer et sur la plage. Je serai bien contente de vous voir ; cependant je répéte encore, si cela vous dérange trop ne venez pas. Voyez ma déférence ! Adieu, car je n’ai rien à vous dire. Le temps est rafraîchi et très agréable. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23015_00161.jpg
40. Dieppe Mardi 20 juillet 1852

Ce sera donc Vendredi j’espère. Mon plaisir sera grand. J'ai été bien souffrante hier, de je ne sais quoi. Il y a un bon médecin ici, M. Godel, je le conseille. Lord Cowley est revenu hier. M. de Thouvenel lui a dit que le Président irait à Bade. Que va faire la Princesse de Prusse qui y est ? Cela me divertit fort. Elle le déteste, elle est curieuse, elle est précieuse, je voudrais voir cela. Il se pourrait qu'elle s'absentât. Si c'est sous forme d'impolitesse cela déplairait fort au roi de Prusse.
Selon le journal des Débats, le voyage est splendide, j'en aurai sans doute un petit récit par Fould. Je ne sais pas l'ombre d'une nouvelle. Il me semble que Cowley trouve que sa reine est un peu trop intime avec Claremont. Au fond il y a là dedans une certaine inconvenance politique. Morny qui est revenu d'Angleterre a dit au duc de Mouchy qu'ici avait été très bien reçu par la société en Angleterre. Delessert y est allé hier, il reviendra dit-il la semaine prochaine. C'est une partie pour moi. J’avais pris le communiqué du Moniteur comme s’adressant à M. Kalerdgi. Lord Cowley m'apprend que c'est moi à propos d'un article du [Morning Chronicle]. Ce journal-là appartient à Aberdeen. Amis anglais, amis français. J’aime mieux des ennemis. J'en dirai mon sentiment à droite et à gauche. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23015_00164.jpg
41 Dieppe Jeudi le 22 juillet 1852

Mardi est bien loin, mais je suppose qu'il arrivera un jour. J'ai été tracassée et occupée. J’ai beaucoup réfléchi au Moniteur, je ne puis pas laisser là cette affaire d'un autre côté je ne veux rien faire sans Kisseleff. Je lui adresse donc aujourd’hui. une lettre pour Persigny. Il me dirigera là dedans, je vous dirai ce que j’aurai fait. Je ne sais pas de nouvelle. M. de St Priest a été ici, toujours très fusionniste mais vous savez que je ne le connais pas. Vous parlez très sensibly de l’Empire. A propos vous me deviez 5 Francs au ler Juillet nous ferons un autre pari si vous voulez. Lord Cowley que je vois tous les jours ne sait rien de nouveau d'Angleterre. On m’envoie de là le grand article qui a motivé le communiqué du Moniteur sur moi. On promet entre autre à Marion un mari et une fortune si elle me dispose à servir le président auprès de l’Impératrice. Le tout est de cette force. Comment va-t-on ramasser de ces choses là & y répondre. Est-ce possible ? Adieu. Adieu.
Je ne suis contente ni de la mer ni de ma santé. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23015_00174.jpg
42. Dieppe samedi 24 Juillet 1852

J'ai eu une discussion assez vive hier avec lord Cowley sur lord Palmerston. Amusant, il a fini par ne plus savoir que dire. Au reste il faut en prendre son parti. Palmerston reviendra au pouvoir plus puissant que jamais, premier ministre. C’est l'homme le plus considérable et le plus populaire de l'Angleterre dans ce moment. Voilà Lady Allice Palmerston aussi. Je ne sais sur le voyage de Bade rien que ce que me dit Stolham et ce n’est pas grand chose.
Le Prince a fait visite au Margram Guillaume, il n’avait pas vu la Princesse de Prusse encore. Le Régent. de retour à Carlsrohe de Berlin est très embarrassé, il ne sait que faire. Le grand duc de Hesse a envoyé son ordre par son premier ministre. Le Prince en retour lui a envoyé la légion par le colonel Fleury. On regarde tout ce voyage comme une intrigue de femmes finissant par un mariage. Le Prince se promène avec la [Marquise] Douglas entouré de la police française. Voilà la lettre du correspondant de [Stolham]. Thouvenel avait entendu dire que Fould aurait la secrétairerie d'Etat, moi je doute. Quant à Drouyn de Lhuys c'est sûr il a les affaires étrangères.
Vous ne me trouverez pas en bon état, et je ne sais vraiment que faire de ma personne. J’essaye tout ce qu’on me prescrit, & puis il survient des symptômes qui font qu'il faut changer. Cela ne m’inspire naturellement aucune confiance de corps. Le repos, la tranquillité d'âme & la distraction d'esprit. Voilà ce qu'il me faut. Le premier dépend de moi, les deux autres, des autres et là se produit ma misère. Vous m'aiderez au N°2 quant à la troisième condition elle ne peut venir qu'avec l'hiver. A quelle heure serez vous ici Mardi ? Vous pourriez vous dispenser d'amener votre valet de chambre. J’ai tout mon monde ici. Voilà des visites. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23015_00180.jpg
42. Dieppe samedi 24 Juillet 1852

J'ai eu une discussion assez vive hier avec lord Cowley sur lord Palmerston. Amusant, il a fini par ne plus savoir que dire. Au reste il faut en prendre son parti. Palmerston reviendra au pouvoir plus puissant que jamais, premier ministre. C’est l'homme le plus considérable et le plus populaire de l'Angleterre dans ce moment. Voilà Lady Allice Palmerston aussi. Je ne sais sur le voyage de Bade rien que ce que me dit Stolham et ce n’est pas grand chose. Le Prince a fait visite au Margram Guillaume, il n’avait pas vu la Princesse de Prusse encore. Le Régent de retour à Carlsrohe de Berlin est très embarrassé, il ne sait que faire. Le grand duc de Hesse a envoyé son ordre par son premier ministre. Le Prince en retour lui a envoyé la légion par le colonel Fleury. On regarde tout ce voyage comme une intrigue de femmes finissant par un mariage. Le Prince se promène avec la [Marquise] Douglas entouré de la police française. Voilà la lettre du correspondant de [Stolham].
Thouvenel avait entendu dire que Fould aurait la secrétairerie d'Etat, moi je doute. Quant à Drouyn de Lhuys c'est sûr il a les affaires étrangères.
Vous ne me trouverez pas en bon état, et je ne sais vraiment que faire de ma personne. J’essaye tout ce qu’on me prescrit, & puis il survient des symptômes qui font qu'il faut changer. Cela ne m’inspire naturellement aucune confiance de corps. Le repos, la tranquillité d'âme & la distraction d'esprit. Voilà ce qu'il me faut. Le premier dépend de moi, les deux autres, des autres et là se produit ma misère. Vous m'aiderez au N°2 quant à la troisième condition elle ne peut venir qu'avec l'hiver. A quelle heure serez vous ici Mardi ? Vous pourriez vous dispenser d'amener votre valet de chambre. J’ai tout mon monde ici. Voilà des visites. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23015_00181.jpg
Dieppe le 2 août lundi 1852

Voici ce que m'écrit Fould. " je ne pensais guère vous écrire. encore de Paris. C’est presqu'au moment de monter en voiture et mes chevaux commandés sur toute la route de Pyrénées que j'ai été appelé à St Cloud. La mission que j’ai acceptée me paraît pleine de difficulté, et ce n’est pas sans quelque préoccupation que je l’ai acceptée. Ce sont des fonctions nouvelles que le début de mon prédécesseur a laissé à peine ébauchées. La bonté du Prince et la bienveillance avec laquelle il m’a promis de m'aider ne m’a pas permis d’ailleurs d'hésiter. "
Je lui ai répondu pour le féliciter et moi aussi Voici Beauvale. Je suis moins bien que hier. Les mouvements plus gênés. Et la marche plus impossible. J'en suis bien triste. On me dit que toutes les épurations, et nominations dans le conseil d’Etat sont à l’adresse des décrets d’Orléans.
Mardi le 3. L'heure de la poste était passée Aggy qui devait terminer ma lettre et la fermer n'était pas là. Je suis bien fâchée. J’étais souf frante. Je le suis encore un peu plus ce matin. Une pauvre nuit, provenant de mon inquiétude sur mon compte. Beaucoup plus que de mes souffrances, car quand je ne remue pas je n’ai point mal. Mais mon imagination va, va & je n'ai personne pour la régler.

2 heures. Le médecin revient aux tous premiers remèdes du premier jour de l’arnica. Reprendre l’alphabet par la lettre a. c’est bien ennuyeux. Je me suis fait traîner en calèche. Tolstoy au lieu de vous ! Stohkansen me mande qu'il payerait cher pour avoir une bonne occasion pour m'écrire. Il la faut bonne. Je ne puis pas deviner, c'est bien dommage. Hatzfeld a dîné à St Cloud. Promenade dans la forêt, navigation sur l'Étang de Villeneuve l'Etang. Le Président menant lui même la barque. Trés agréable journée. Je ne sais rien de plus à vous dire.
Je me soigne, je me tourmente & Je m'ennuie. Au fond je serais mieux à Paris. Tout est si incommode ici. Aggy vous remercie de votre souvenir. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23015_00188.jpg
Dieppe le 4 août Mercredi. 1852

Je suis comme hier, & le jour précédent. Ni mieux, ni pire. Broutelle veut que j’ai courage et confiance ; c'est beaucoup exiger. Je n’ai pas la moindre nouvelle. Mme St Arnaud est ici. Son mari arrive demain, mais comme je ne les connais pas, c'est inutile.
Je lis dans l’Indépendance votre Cromwell. C’est charmant. j’ai écrit à Meyendorff. Je n’ai plus à qui écrire, pas un mot à dire à l’Impératrice Je m'ennuie beaucoup. Et je serais bien aise de tourner le dos à Dieppe. Il ne vaut guère la peine de vous envoyer ma lettre pour les choses que je vous dis. 5 heures J'écrirai tout exprès à M. Fould pour lui faire votre message. Le duc de Mouchy est reparti pour Paris. J'aime mieux le voir revenir. On est bien seul ici.
Adieu. Adieu, pas un mot pas un seul à vous dire. Au fond j’allais mieux le 4ème jour que je ne vais aujourd’hui le 9ème.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23015_00192.jpg
Dieppe jeudi 5 août 1852

Vraiment votre Cromwell est d'un intérêt énorme. Je le dévore dans l'Indépendance. Je suis au troisième feuilleton. Est-ce que l'ouvrage à Paris, est en vente et où ?
Je suis comme hier. Je saurai tantôt s'il y a une nuance, en essayant de mettre le pied à terre. Je suis bien poltronne. Je n’ai pas de lettre du tout. Je ne sais rien, et je ne saurai rien jusqu'à samedi. Lord Cowley arrive ce jour-là, mais seulement pour une heure. Si je manque cette heure-là c’est fini Aggy a reçu hier une lettre où on lui dit qu'on va transporter Fanny à Brompton. Marion l'accompagnera. Les parents resteront seuls à la campagne. Voilà encore une belle affaire ! Je n’ai pas l'air de croire que cela me regarde, et elle ne m'a rien dit dans ce sens. Mais ne suis-je pas menacée d’une bombe ? Vous savez à quel point ce serait un malheur. Avant ceci j'avais écrit hier matin une lettre au Père, pleine de gratitude et de bonheur de sa présence. Peut-être voudront-ils essayer du tête-à-tête. C'est très anglais, cela.

2 heures Des personnes venues de Paris, inconnues à moi, disent que les nominations au Conseil d'état ont fait beaucoup d’effet. Celle de Cormenin surtout, pas bon. Ensuite on trouve Fould bien compromis. Certainement tout-à-fait, moi je reste charmée qu'il soit rentré aux affaires. Cela le fixe à Paris. Je fais quatre pas, soutenue par quatre bras. Cela va bien pauvrement. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23015_00194.jpg
Dieppe le 6 août 1852 Vendredi

J’en reste où vous m'avez laissée. Ma patience m'échappe ; il est très possible que je m’en retourne Lundi à Paris. Je vous dirai cela demain. Mad. de Contades est venue. Demain arrive Persigny qui a besoin de se soigner pour son propre compte. Les Delessert partent Mercredi. Le temps est un peu orageux. Tout Dieppe est bien gâté pour moi depuis mon accident. Grande tristesse de ne pas en voir la fin.
On dit que le mariage Wasa ne va pas que le Père n'en veut pas et que même la [grande duchesse]. Stéphanie n’y va pas de grands cœur. C'est de Mad. de Contades que je tiens tout cela. Tolstoy a l'un de ses enfants très malade, il les ramène à Paris et ne m'y ramenera pas moi. Adieu. Adieu, pardon de la demi feuille.
Je vois au reste qu’elle est même de trop. Je n’ai rien, je ne sais rien. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23015_00197.jpg
Dieppe le 7 août Samedi

Je suis tout-à-fait décidée, je pars lundi. Ceci m’ennuie et ne fait pas avancer mes jambes. Au moins là l'escalier est plus commode pour me porter à ma voiture. J’ai fini Cromwell aujourd’hui. C’est charmant. A propos quelqu’un me priait l’autre jour de vous demander de trouver un titre qui ne serait ni roi, ni empereur, ni président, ceci vraiment est trop petit et commun. Ne pourriez-vous pas inventer ?
Molé m'écrit de Paris pour demander de mes nouvelles Il va au Marais, & puis à Maintenon, & plus tard fin de Septembre Champlatreux. J'ai eu des nouvelles de Paris par Marion, Drouyn de Lhuys a dit à l’un des grands représentants : L’Empire est inévitable, mais il doit être précédé d'un autre événement. A Paris personne ne doute que le mariage Wasa ne se fasse quoique le père s'obstine à refuser. Le Prince l'a trouvée charmante. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23015_00200.jpg
Dieppe Dimanche le 8 août 1852

Kolb vient d'arriver. C'est lui qui me ramènera demain à Paris. J’ai eu une longue visite du ministre de l'intérieur ce matin. Je l’ai trouvé extrêmement changé. Il a bien mauvaise mine, & il se dit très malade. Il veut rester ici assez de temps. Il m'a beaucoup parlé mariage. Il se figure que l'Europe veut l’empêcher. Il se fait des dragons. Il croit tout-à-fait à la guerre venant des puissances autre dragon. Et puis & puis toute la conversation curieuse. Je regrette de partir lorsqu'il arrive. Les conversations avec lui m’auraient intéressée.
J’ai vu beaucoup de monde aujourd’hui & je suis fatiguée. Voilà donc Thiers, et tout le reste civil rappelé. Persigny ne me l’avait pas dit. Si je le revois je lui en parlerai encore. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23015_00205.jpg
Paris mercredi le 10 août 1852

Je ne vous ai pas écrit hier. Je n’ai pas trouvé un moment. Du monde, des affaires, & quelle affaire pour une estropiée de s'embarquer pour Paris ! Un train spécial détestable. Je ne suis arrivée qu'à 9 heures éreintée. J'ai reçu à Dieppe encore votre lettre & la revue dont je vous remercie bien, & ce matin encore votre lettre. Je me lève après avoir assez bien reposé.
Je verrai quelques personnes ce matin. Avant hier soir tout Dieppe était chez moi, entre autres Madame de Persigny que son mari m'a amené. Elle est jolie, très jeune, & ils ont l’air fort amoureux. Mais elle est mieux portante que lui. Tout Paris est bouleversé des préparatifs de la fête. Chez moi ce sera superbe.
J’ai trouvée une invitation pour St Cloud pour le 16. Un bal. Cela me va ! Ma conversation le matin avec Persigny était au fond très curieuse quand une [race] a été chassée trois fois, quand de si grand, de si haut, on est tombé si bas, c'est fini archi fini. Il n’y a que cette race-ci pour la France, le monde est gouverné pas des symboles. Ce nom de Napoléon est un symbole. Il restera personnifié n’importe en qui. Celui-ci crée & fonde. L'administration, les institutions survivront à l'honneur et avec [?] père, ou Napoléon fils cela ira. Tout de même quand même on aurait le malheur de perdre celui-ci ou qu’il ne laissât pas d’enfants. L'Europe ne comprend pas la France, & en général la transformation des idées en Europe. [Persigny] a l’esprit frappé qu'on veut empêcher le mariage. Moi je ne le crois pas du tout.
Adieu. Adieu on m'interrompt.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23015_00209.jpg
Paris mercredi le 11 août 1852

Il vient de m'arriver un grand malheur. Mon Maître d'hôtel est mort subitement ce matin. J'en suis toute bouleversée. C'était un excellent homme, et un excellent serviteur et je ne sais comment le remplacer et je suis toute troublée et triste de cette catastrophe. Il y en a trop dans ma maison depuis quelque temps. Emilie vient de perdre sa soeur, il y a quatre jours. Fortunée a perdu son mari, il y a deux mois Auguste voit mourir sa femme. Moi je tombe. Qu’est-ce qui m’est réservé encore ?
J’ai vu quelques personnes hier et j’en ai manqué beaucoup d’autres & les plus intéressants. L'Autriche dînait hier à St Cloud. Je n’ai rien appris de nouveau. Duchâtel est venu encore une heure avant son départ. Kisseleff, bonne mine depuis Vichy. Mad. Strogonoff qui est partie ce matin. Elle est venue hier deux fois. Très aimable femme. Il pleut aujourd’hui. Je marche un peu mieux, mais toujours soutenue et très soutenue. Autre malheur. Tolstoy va perdre son fils le plus jeune. Je suis entourée de tristesse et je suis très triste. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23015_00212.jpg
Paris vendredi 13 août 1852

Je ne sors pas des émotions. Hier l’enfant de Tolstoy agoni sant. J’y ai envoyé Aggy quatre fois. Le père incapable de rien faire, sanglotant, bon à rien qu'a pleurer. Je ne sais pas aujourd’hui.. Elle vient d'y aller.
J’ai vu hier Fould très longtemps j'ai été très contente de sa conversation. Sa situation est grande, importante ; il le sent et se conduira là avec honnêteté et habileté. Il est de fait et même de forme premier ministre. Les autres lui rendent compte de tout, c’est lui qui règle l’ordre du jour pour le Conseil que le Prince préside deux fois la semaine. L'idée du Prince est qu’il n'a besoin véritablement que de deux ministres. Celui-ci le ministre d’état résumant le travail de tous les autres, & le ministre de la police sachant lui tout et rapportant tout. Les collègues de Fould sont très bien pour lui et acceptent volontiers la supériorité de sa situation. Il voit le Prince tous les jours. Personne aujourd'hui n’a plus que lui des allures intimes. Il n'en abusera pas. Il a certainement l’esprit très bien fait.
Le Prince partira le 10 7bre pour sa tournée du midi. Une absence de 20 jours. On regarde comme moi Persigny comme très malade. Il ne reprendra pas de sitôt les affaires. Il est abîmé. Il rentre les fêtes & voilà tout. pour Dimanche 15 te deum à la Madeleine. Le Corps diplomatique en uniforme y assistera. Revue de la garde nationale sous mes fenêtres. Jeux, joutes nautiques, tout le jour. Grand dîner diplomatique aux aff. étrangères. A 9 h. le corps diplomatique en grand uniforme, viendra rejoindre le Prince à l'hôtel de la [Marine] pour le passage du Mont St Bernard. Les préparatifs sont immenses. Il faut voir ce qu’en dira le bon Dieu. Moi je souhaite bien du beau temps.
On ne parle plus du mariage. On dit sourdement que l’Autriche empêche, je ne saurais le croire Hubner a dîné à St Cloud, avant-hier, très bien traité. Interrompue, Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23015_00214.jpg
Paris samedi le 14

Vous n’avez pas idée de la grandeur, splendeur, variété, des préparatifs pour demain. C'est immense. Ils coûtent déjà plus d’un million. Je marche un peu mieux, et toujours très mal avec des bras.
Hier soir j'ai vu beaucoup de monde, Hecken entre autre, disant que Fould est premier ministre et s’en réjouissant. On ne parle pas volontiers du mariage. Et on dit qu' on n'y a jamais sérieusement pensé. Je commence à croire qu’il ne se fera pas. La Princesse Schoenbourg est ici, très changée. La Comtesse de Brandebourg amie intime de l’Impératrice est arrivée aussi. Et la princesse Paskévitch, en voilà des princesses !
L'Électeur de Hesse est arrivé que fera-t-il ? On est ennuyé de cela. S'il ne fait pas visite on pourrait l'envoyez promener. S'il la fait que diront ses camarades ? L’enfant de Tolstoy n’est pas mort. Il y a un peu d'espoir. La visite de la reine d'Angleterre, semble être de l’intention, marquer la protection.
Je vous écris à bâtons rompus. Je suis dans les horreurs de maîtres d'hôtel. Ah quels tracas pour une femme & seule sans conseil. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23015_00220.jpg

Paris le 16 août 1852

Je ne puis vous rien dire d'important de la journée d’hier. Il y avait foule chez moi mais on ne se préoccupait absolument que de la foule, et du feu d’artifice. Le tout superbe et surpassant tout ce que j’ai vu. On dit qu’il n’y a eu aucun mauvais cri le matin dans la garde nationale et que la [?] a beaucoup crié Vive l’Empereur. J’ai eu tout ce spectacle sous mes fenêtres. A la madeleine Fould a pris le pas sur tous les ministres. Persigny assistait, mine effrayante. Il retourne à Dieppe. C'est Magne qui le remplace et très bien. Je n’ai pas vu Morny mais je sais que lui et Fould sont très bien ensemble.
J'ai eu une longue lettre de Lord Aberdeen. Il croit qu’avant octobre même ou pourra juger de la situation du Ministère. En cas de changement il croit à Lansdowne. Jamais Palmerston aux aff. étrangères. Assez aigre sur ici.
Midi. Voilà Auguste qui s'en va à Angers. Sa femme est morte, il faut qu'il aille. Je reste seule avec Jean, joli ménage ! Je n’ai pas encore de maître d’hôtel. J'espère que vous me trouvez à plaindre ! Le petit Tolstoy n'est pas mort encore, & pas à sauver. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23015_00224.jpg
Paris le 17 août 1852

Dans toute la journée hier je n’ai vu que Stolham, & la Duchesse Decazes. Tout le reste se reposait de la veille et se préparait à St Cloud. Aggy même y a été. Il ne restait rien à Paris pour moi. St Cloud a été brillant, beau ; Aggy très fêté par tout le monde. Le Président gracieux pour elle. Des nouvelles, elle ne m'en a point rapporté. Je serai donc très peu intéressante aujourd’hui car ma lettre part toujours avant que je n'aie vu du monde. L'Électeur ne se présente pas. Il a vu le feu d’artifice dimanche de dessus les plombes dans ma maison à côté des chambres de mes domestiques. Je saurai ce qu'on en pense ici.
Je reçois dans ce moment une lettre de Paul. L’Impératrice l’a fait venir et l’a tenu une heure et demi. C'est énorme et une énorme faveur. Voyez comme elle est bonne & fidèle ! Paul ne peut assez se vanter de sa bonne grâce pour lui, moi j'en suis bien touchée. Mes jambes vont mieux, je marche avec mon parapluie en guise de canne, je ne veux pas de canne. J’espère bientôt être émancipée. Je n’ai pas entendu parler du tout du pamphlet de Victor Hugo. Remarquez que je ne vis qu'avec des diplomates. Meyendorff m'écrit. L'Autriche & la Prusse ne s'arrangent pas (le Zollverein) ce qui n'empêche pas que sur les grandes affaires, les grands principes, on ne soit en complet accord.
Mad. Decases me dit que Thiers va arriver. Son mari ira vous voir au Val Richer. On a été étonné de ne voir personne de la famille Bonaparte auprès du Prince [...]

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23015_00228.jpg
Paris le 18 août Mercredi. 1852

L’entant de ce pauvre Tolstoy est mort cette nuit. Huit jours d'agonie c’est affreux. Le pauvre homme est brisé. Molé m’est arrivé hier. Très inopinément avec une très bonne mine. Il dit que la Duchesse d'Orléans est parfaitement brouillée avec sa famille. Elle triomphe de l'échec. Elle ne veut plus ramener. ses enfants à Claremont ils y puisent de mauvais principes. Jamais elle, elle ne cèdera sur les droits de son fils. Changarnier se dit brouiller avec elle aussi. Thiers revient demain ou après. Voilà tout Molé plus la très grande humeur de tout. La corde est trop tendue. Il abuse de son pouvoir le mécontentement gagne. Il éclatera. Je ne crois pas cela du tout. Il passe encore la journée ici. Le bal de St Cloud a été une foule & un fouillis. On ne sait pas même si on a dansé. Le Prince donnera dit-on deux autres bals plus selects. Milnes est venu plusieurs fois me voir. Il est bien adouci. Rien de nouveau à vous dire. Je n’ai vu personne d’intéressant ces deux derniers jours.
Adieu. Adieu.
J’ai trouvé un [Maître d’hôtel] reste à voir s'il est bon.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23015_00231.jpg
Paris le 19 août 1848,

J’ai vu beaucoup de monde hier. Les plus intéressants étaient la [Princesse] Mathilde, Morny, Fould. Celui-ci le soir, ainsi peu de causerie intime. Molé a été froid. Fould part demain pour les Pyrénées, il revient le 5 Sept. Le 15 il repart avec le Prince pour la grands tournée du midi. On ne fait pas ou plutôt on ne veut pas faire attention à la visite de la reine à Bruxelles, de même on ne relève pas le surcroît d'intimité avec Claremont. On veut rester bien avec l'Angleterre. Il n’est que question d'Empire c-a-d qu'on n'en parle plus du tout que pour dire qu'on n'y pense pas dans ce moment. On laissera parler les conseils généraux. La [Princesse] Mathilde affirme que le mariage se fera. Fould n'a voulu n’en rien dire. Cependant il dit que ce n’est pas rompu. Morny dit qu’avant l’Empire, il faut la femme et même l’enfant. On prétend que Rémusat et Lasteyrie ont écrit des lettres insolentes pour se refuser à rentrer. J'ai peine à le croire cependant c'est la [Princesse] Mathilde & Morny qui me l'ont dit. Thiers doit être arrivé hier. Voilà à peu près tout.
Les fêtes à tout prendre ont été froides. L’indifférence est assez générale. On persiste à dire que dans la couche basse, et dans le pays, on est toujours très chaud pour le nom de Napoléon. Morny a l’air content et tranquille. Très content de voir Fould aux affaires, regrettant que cela n’ait pas pu s'arranger pour Rouher. Tout le monde dit que Persigny est vraiment malade et qu'il a besoin de se soigner. Il est retourné à Dieppe hier.
Il revient ici de mauvais propos tenus par Mad. Kalerdgi à Kissingen. Non seulement mauvais pour le Président, mais aussi pour Kisseleff qu’elle veut faire rappeler. Voilà deux grandes perfidies. Les connaisseurs ne s’en étonnent pas. J'en suis fâchée, car elle me plaisait. Je vous ai dit qu’elle passera l’hiver à Pétersbourg. J’ai dit du bien d'elle à l’Impératrice, je m'en repens. A propos l’Impératrice très inquiète de mon accident, & d’être restée 2 jours sans lettre. Elle prie que quelqu'un lui écrive. Enfin une sollicitude charmante et touchante. Adieu. Adieu. Mes jambes vont mieux.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23015_00235.jpg
Paris Samedi le 21 août 1852

J’ai montré à M. Fould quelques passages de vos lettres où vous me parlez de lui. Il a été très flatté et touché, et frappé de beaucoup de vos observations. A propos de lettres et de citations en voici une de Meyendorff de Vienne. Je vois ici de temps en temps des légitimistes qui se fâchant quand je leur dis que le Prince Président à la vocation de rendre la France gouvernable et de réparer le mal produit par les idées de 89, 1814, 30, & 48.
La princesse Schonberg dîne aujourd’hui à St Cloud. Madame Kalerdgi va arriver dans quelques jours mais pour lever le camp. Elle abandonne Paris for good. Elle a acheté un château prés de Francfort, ce sera sa résidence. Cet hiver elle le passera à Pétersbourg. On dit qu'à Kissingen son langage a été fort hostile à ceci. Elle en partait éprise, (de ceci). C'est une tête sans le sens commun. J’ai vu hier soir Halkeren entre autres, on ne parle que de Thiers tout le monde est curieux de le voir et on n’ose pas s’aventurer ; les uns par crainte de la cour, les autres, de Mad. d’Osne. Hekern est de ceux-ci, les diplomates de ceux-là. Thiers a tout de suite couru chez Mad. Schach, elle l'a trouvée embelli et ravi. Mad Rothschild est auprès de Changarnier. L'Électeur est reparti. On a fait semblant de l’ignorer ici. Stockhausen part aujourd’hui. C'est une vraie perte pour moi il restera [?].
Vous ai-je dit que Lord Cowley est parti pour Londres, le prétexte de son fils, mais au fond pour voir clair dans sa situation ? Or il paraît probable que St. Canning aura les aff. étrangères (détestable choix) & Malumberg Paris. Alors Cowley à Constantinople. Bulwer ira sans doute en Amérique régler le différend. Il pleut depuis deux jours c’est bien ennuyeux. Je me suis très affaiblie ; voilà maintenant mon mal. Quel remède ? Adieu. Adieu.
Hier je n’ai pas pu vous écrire. J’avais écrit une longue lettre à l'Impératrice, et puis est venu une visite et il n'y avait plus moyen avant la poste. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23015_00239.jpg
Paris dimanche le 22 août 1852

J'ai vu une lettre de Berlin racontant le 15. La police a défendu l’illumination & le Te deum. Mantenffeld & le reste a refusé d’aller au dîner. Pas un Prussien n’y a été. Petit dîner en habit bourgeois, & de tout le corps Diplomatique rien que l'Anglais & le Bavarois. Voilà, partout je crois cela aura été de même ; on ne peut pas célébrer la mémoire de l'homme qui est venu saccager, opprimer, humilier tous les pays. Pourquoi le Prince ne s'est-il pas borné à dire que c’était sa fête à lui ? On la célébrerait volontiers. Tout cela est très maladroit. Castelbajac a un congé. Il revient comme Kisseleff va partir, il n’y aura pas d'affaires du tout. Car ce n’est pas le Prince Kourakin qui saurait les faire.
Je vous envoie la lettre d’Ellice qui vous intéressera. Renvoyez la moi je vous prie. Tout le monde a comme moi lu votre Cromwell avec beaucoup d’intérêt, mais tout le monde se demande, & mon plaisir une fois passé je me demande aussi pourquoi vous l'avez fait paraître. C'est de la désobligeance pour le moins. C’est inutile & cela pourrait vous attirer et à d’autres des désagréments. Cela ne vous ressemble pas de faire de la malice pour de la malice. What use ?
Je ne sais rien de Rémusat. Je n’ai point vu les Delessert depuis deux jours. Je les vois beaucoup, elle me plait tout à fait. Ce pauvre Auguste est revenu il est allé voir mourrir sa femme et l’enterrer. Hier on a enterré le petit Tolstoy. En ai-je fini des tragédies ? Mes jambes vont mieux, mais la débilité générale est extrême. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23015_00243.jpg
Paris le 23 août Lundi 1852

J'ai fait visite hier à Passy. J’y ai rencontré Villemain, on a parlé de Cromwell. Il regrette aussi, tout en parlant de vous avec amitié. Mais on ne sait pas pourquoi vous avez fait cela. Je vous redis tout. Thiers n’a pas été encore à Passy, il est fou de joie de se retrouver dans la place St George et il n'en sort pas. Mad. Sebach a été le voir hier. Il est d'une humeur charmante, ses dames aussi. Je ne sais pas de nouvelle quoique j’ai vu assez de monde hier soir, mais sans Fould, j’ignore tout. La Princesse Schonberg, qui à propos est très sensible à votre souvenir, a dîné à St Cloud avant hier elle est revenue charmée et un peu séduite. On a joué à des petits jeux après le dîner. Le Prince a la main pleine de bijoux et les dames gagnent toujours. Il a fait à là [Princesse] Sch. un éloge enthousiaste de Marie Antoinette. A Varsovie et à Pétersbourg, le 15 août a été traité comme à Berlin ! Défense de tout signe public. Mais on me demande pas mieux que de boire à la santé du Prince, seulement il ne faut pas parler de l'oncle. Voilà la situation, en France parce qu’il est neveu, à l’étranger quoique neveu. Je vous ai dit cela je crois. Adieu, car je n'ai rien absolument à vous dire. J'essaie de longues promenades en calèche. L'air est doux. Adieu. Adieu.
J'espère que vous êtes débarrassé de votre toux.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23015_00247.jpg
Paris le 24 août Mardi 1852

Je ne suis sentie si lasse hier que j'ai fermé ma porte et je me suis couchée à 9 heures. J’ai mal dormi, ma faiblesse augmente. Pour peu que cela continue, j'y périrai. Je n'ai pas d’autre mal, mais je suis prête à crier de faiblesse. J’ai vu du monde le matin, il y a ici peu d’accord dans les procédés le 15. Il me semble qu'à tout prendre c’est les anglais qui se sont le mieux prêtés à la Célébration. Je vous ai dit Berlin. A Hanovre le peuple a [?] d'immortelles ce jour-là la colonne de Waterloo sur une place publique. Enfin il y a de quoi donner ici beaucoup d’humeur, mes sources d’information sur ici me manquent. J’ai rencontré hier au bois le Prince. Très gracieux salut. J’étais avec la princesse Schonberg. Elle est chez moi tous les jours. Elle a de l’esprit, mais pas beaucoup, moins qu'il y a 12 ans.
Les Conseils généraux voguent en plein empire. Ceci vous prouve que je lis le Moniteur. Je n’ai que lui, tous les autres journaux m’ennuient je ne les vois plus. La conclusion du traité avec la Belgique était hier l'événement diplomatique. Je ne m'y connais pas. Adieu. Adieu, car voilà qu'on m’interrompt.
Avez- vous lu les regrets dans le Constitutionnel ?

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23015_00251.jpg
Paris le 25 août 1852

On se fâche fort ici de l’événement de Berlin. On conteste cela avez d’autre lieux où tout s’est passé le 15 selon les désirs de la France. Il faut qu’il y ait un luxe de maladresse de la part de M. de Varennes. Au reste je vous ai dit que ce n’est pas là seulement, à Bern cela a été encore pire qu'à Berlin. On me dit que les Belges ont été fort piqués du voyage de la Reine d'Angleterre, de voir tous les vaisseaux anglais sonder l'Escaut, prendre des notes & & cela a été très impopulaire. M. Drouin de Lhuys a dit hier à un diplomate que le nouveau traité avec la Belgique était tout à l’avantage de la France au delà de ce qu’il aurait jamais cru possible. Il a dit aussi au même, l’Empire est fait.
Dumon est venu me voir hier de Versailles. Je lui avais prêté Cromwell. Comme moi. il a été très accusé, mais de même que moi et plus que moi, il dit pourquoi ; & il ajoute que c'est fâcheux pour vous et pour les autres. Je vous en prie restez en là. Voilà votre lettre, qui explique. C'est peu connaître l’homme que de croire qu’un avertissement public puisse agir sur lui et le retenir ce serait plutôt propre à faire l’effet contraire.
Les petits dîners élégants, les lotteries, les cadeaux continuent à St Cloud. Mad. Sebach y a gagné hier une belle bague rubis & et diamants. La surveille Mad. Woronoff m’avait rapporté une émeraude & diamants. Il faut être riche pour cela. Toujours 6 ou 8 dames bien dotées. Le temps est beau, mes forces ne viennent pas, elles s'en vont. Je suis très découragée. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23015_00255.jpg
Paris le 26 août jeudi 1852

J'ai été bien mal cette nuit. Kolb est resté auprès de moi jusqu’à 4 h. du matin, depuis j'ai dormi deux heures. J’ai envoyé chez Chomel. Le fait est que je suis très souffrante. Je fais tout ce que vous dites chicorée, gelée de viande & & rien ne va. Les forces partent. Me retrouverez-vous ? J'en doute. Rogier est venu hier. Il se dit content, & son roi aussi, de la Convention. On doute que les chambres le soient.
Depuis toutes les nouvelles qui arrivent de l’étranger les diplomates commencent à regretter d’avoir assisté au te deum le 15. C'est une drôle d’affaire. Traitée très diversement. Berlin, Pétersbourg, Hanovre, Berne, de la même façon. Les autres comme Naples avec [?] et honneurs, comme Vienne & Londres simplement de tout cela il reste ici beaucoup d’humeur, et pour l'avenir prochain une autre façon d'amorcer la fête. Car fête politique et nationale nous n'en voulons pas & personne ne peut en vouloir. Personnelle de tout notre coeur. Hubner vient chez moi souvent ; il est détesté par tous les petits. Viel Castel est ici pour quelques jours, très aimable homme.
3 heures je suis toujours dans mon lit et je n'ai guère la force d’écrire. Comme je suis ce que vous dites ! Quel vide pour l’esprit et le cœur, & mille fois plus que pour vous. C’est probablement une bonne partie de mon mal. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23015_00259.jpg
Paris Vendredi le 27 août 1852

La Consultation de Chomel a abouti à des bains de Vichy, des pilules, d’autres dragées, tout cela parce que j'ai le foie attaqué. Voilà par dessus mes autres maux. Je suis jaune comme une orange. J'ai fermé ma porte hier soir, je me suis couché à 9 h. et j’ai assez dormi. Le ton a subitement changé ici quand on a sû ( ce qu'on ne sait positivement que depuis avant hier ) que Petersbourg avait été comme Berlin le 15 août. On n'en parle plus, c’est mon avenir.
Voici votre lettre. Je reste dans mon lit jusqu’à midi, j’y [?], je déjeune, je lis, enfin je me repose, & rien ne me repose. Je n’ai pas de nouvelle à vous dire du tout. Il ne se passe rien, on ne parle de rien. Du mariage plus du tout. La nouvelle de salon est la mort subite d'Antonin de Noailles. Et hier soir de la musique et un bal chez Mad. de Caraman. Aggy est bien amusée. La nouvelle Duchesse de Hamilton a passé par Paris, elle ne s'y est arrêté que quelques heures. Dans une rencontre fortuite avec un diplomate dans la rue, elle lui a dit que la princesse de Wasa était partit pour la Bohème où elle passera tout l’hiver. Je vous ai dit qu'on pense pour elle à l’Empereur d’Autriche. Le général Haynau est à Paris. Beauvale m’écrit qu’il croit à la durée du ministère. Il me parle bien petitement de notre ami Aberdeen. C’est difficile de disputer. Adieu, adieu.
Votre réponse au Constitutionnel est très clever. Vous raisonnez très bien. Dans tout cela ce qu'il y a de mieux à faire c’est de se taire à droite et à gauche, mais les Français aiment à parler et à ce qu'on parle d'eux, ce qu’ils supportent le moins c’est d’être oubliées. Je généralise, et je parle pour ceux qui peuvent être oubliés.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23015_00263.jpg
Paris samedi le 28 août 1852

La journée hier a été un peu meilleure, mais je n’ai pas dormi la nuit. Je viens de prendre mon premier bain de Vichy, je compte être bien docile, mais je le serai sans confiance. Molé est venu hier soir, une vraie surprise. Il dit qu’il est venu pour moi naturellement je ne le crois pas. Il part ce matin pour Maintenon. Viel Castel m’a dit adieu. Il est allé passer quelques semaines chez Piscatory. J’ai vu Hubner deux fois, il est peu communicatif. Très présidentiel. Il n’y a pas eu de dîner à Vienne le 15. M. de Lacour n’y était pas. La messe le matin dans une église de la paroisse et pour les Français seuls. A Londres la légation de Prusse s'est excusée du dîner. Antonini est venu me dire adieu. Il part ce matin pour Naples. Impossible de continuer. Adieu

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23015_00266.jpg
Paris Dimanche le 29 août 1852

Aujourd’hui grand mal de tête. Je ne pense plus qu'à mes maux. Quel ennui ! La rentrée en faveur de Radowitz fait un effet déplorable en presse. On est furieux. J’ai vu hier un moment Montebello. Il passait par Paris retournant en Champagne. Vous n’avez pas d’idée comme Paris est vide, c’est très humiliant d’y être. Comme mon été a été massacré. Génie est venu me voir un moment. Il me dit que votre fille Pauline n’est pas bien. Vous ne ne m'en parlez pas. Qu'a-t-elle donc ? Voilà le choléra à Vienne et à Berlin. Que ferai-je quand il sera ici ? Le plus sensé est de s'en aller, mais où ? Ah quelle misère que la vie ! Et la vie quand on vit seule. Je ne trouve rien, rien du tout à vous dire. Je vois beaucoup de monde, mais tout cela si peu intéressant. Hubner me soigne sans rien m’appendre. Brandebourg vient pour appendre, & je n'ai rien à donner. Je n’ai pas ouï dire que Cowley soit revenu. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23015_00270.jpg
Paris le 30 août lundi 1848

Malgré le Dimanche j’ai vu peu de monde hier. Le Nonce, Hubner Kisseleff la petite princesse voilà tout à peu près. Beaucoup des seconds sont à la campagne. Les jeunes se promènent au clair de lune. Il fait étouffant à Paris, l’air est très lourd et très chaud et partant très malsain. Mais où aller ? Les châteaux me gênent. Ailleurs je suis seule.
On dit qu'on ne songe ni au mariage ni à l’Empire et les Paris sont ouverts de nouveau. Il ne se fera pas. La princesse de Saxe ne plaît pas, elle est trop ronde et pas assez jolie. L'empêchement pour Wasa serait la mésall iance, elle pèche par la grand mère, mais si elle plaisait beaucoup à l’Empereur on passerait par dessus. Il n’est pas question de retirer les troupes françaises de Rome. Il faut d’abord avoir une armée pour regarder, et on ne l’a pas. Lord Cowley est revenu hier. Je ne l’ai pas vu encore mais je sais qu’il est rassuré sur son compte. Je n’ai point de nouvelle. de Russie. Adieu, adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23015_00274.jpg
Paris mardi 31 août 1852

Lord Granville a passé quelques heures à Paris venant de Londres et allant chercher sa femme en Allemagne. Il est venu me voir et m’a fort intéressée. Il n’y a rien de nouveau cependant. Si Derby touche il croit à John Russell et le garde toujours comme le plus grand chef de parti en Angleterre, il confirme la liaison d’Aberdeen avec lui. Quant à Palmerston, jamais [Ministre] des aff. étrangèrs, & jamais premier ministre. Stuart Canning retournera probable ment à Constantinople.
Il n’y a pas moyen d’attraper un bout de nouvelle d'ici. Personne n'approche de St Cloud, et on n’a d’accointance. avec aucun homme en place. Fould ne revient que le 5 pour repartir le 15. Aggy a été faire visite aux dames Thiers hier soir. Elle y a trouvé Lasteyrie extrêmement engraissé. La rosière y était aussi. On ne parle pas politique. On s’est moqué du discours de Laroche Jacquelin, du bal de la Halle & & Voilà mon bulletin. Haynau est fort suivi et protégé par la police. Mes forces ne reviennent pas. Je continue les bains de Vichy. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23015_00279.jpg
Paris le 1er Septembre 1852

Lady Palmerston a été dans le plus grand danger, une attaque de Choléra elle est sauvée. Lord Cowley que j’ai vu hier soir me parait triste, triste sur son compte je crois. L’affaire n’est pas claire il me confie ses petits chagrins. Sur l'ensemble, il ne m'a rien dit de plus que Granville, qui est venu encore hier causer long temps chez moi. Celui-ci a de l’esprit. La petite princesse dîne encore après-demain à St Cloud. On s’étonne assez des articles.du Moniteur sur le Times. Quelle mauvaise guerre on engage là. Et cela fait un vrai mal. La bourse s’en inquiète. (pardon de mon papier taché) Rémusat est dans sa terre. Ils sont tous revenus.
Je reverrai demain Chomel. Oliffe reste toujours à Trouville. Je me tire d’affaires avec Kolb. Aggy n’a pas bonne mine. Sa soeur malade va un peu mieux. Lady Allice veut venir ici le 15. Madame Kalerdgi arrive aujourd’hui. Voilà ma gazette et pas intéressante du tout. Adieu. Adieu. Hubner me soigne assez, c’est parce qu'il n’y a personne à Paris. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23015_00283.jpg
Paris jeudi le 2 Septembre 1852

J'ai encore revu Lord Granville hier, il reste pour dîner demain à Saint Cloud. Cela m'amuse qu' il y dîne. Je n’ai vu hier soir que Valdegamas et le nonce. Voldeganas est original et me plait. Personne n’a la moindre nouvelle à dire. C'est un vide extraordinaire. Chomel est revenu ce matin il est content de ma société, mais moi je voudrais être plus contente de ses ordonnances. Je continue. Molé doit venir aujourd'hui. Kalerdgi aussi, cela va m'égayer. Il y a quelques anglais. Les [Bruce] que j’ai vu hier, ils trouvent Paris charmant quelque ennuyeux qu'il nous paraisse. Voilà qu'on m’interrompt, cela ne vous prive de rien car je n'ai rien de mieux à vous envoyer qu'Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23015_00287.jpg
Paris samedi le 4 Septembre 1852

Si je vous avais écrit hier je ne vous aurais parlé que de mes souffrances, j’ai préféré me taire. Mauvaise journée. Je ne vois pas que ma docilité me profite, et je continue cependant à faire tout ce qu'on m'ordonne. Molé est venu ici deux jours de bonne heure avant huit heures, ce qui me donne de longs tête-à-tête. Il est fort triste, & stérile. Mais sa conversation me fait un grand plaisir. Je suis trop accoutumée aux gens d’esprit, et je crois vraiment que c’est cette absence qui est pour beaucoup dans mes maux. Mad. Kalerdgi n’est pas arrivée encore. Il l’attend. Tant mieux pour moi. Je crois que Fould doit arriver aujourd’hui. Je ne saurai que tantôt le dîner d’hier à St Cloud. La petite princesse vient se promener avec moi. Je vais toujours à Bagatelle. Je prends mon livre & je reste là couchée. Je lis la Restauration avec un grand plaisir. Recom mandez moi quelque autre lecture après. Beauvale me mande que sa soeur a été à la mort, elle est hors de tout danger. Je répondrai très sincèrement à votre question. Mon amitié est très refroidie, et il ne reste si peu que j'ai peur de convenir qu'il y eut en difficulté pour des larmes. C'est bien mal ce que je dis là. Pas de nouvelles du tout. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23015_00291.jpg
Paris dimanche le 5 Septembre 1852

J'ai manqué la petite princesse hier. Elle m’a fait attendre. Je suis partie sans elle, de sorte que je ne sais rien de sa journée de St Cloud. J’ai vu du monde le soir. Pas Molé, il était aux pieds de Kalardgi arrivée dans la journée et trop fatiguée pour venir chez moi, de sorte que je n’ai pas joui des premiers transports. Mad. Roger est venue me voir. Elle a passé quelques semaine en Suisse auprès de la Duchesse d'Orléans, qui est en assez mauvais état de santé. Elle va à Eysenach mais il n’y a rien de là pour l’hiver.
Comme la description de la bataille de Waterloo est belle dans Lamartine ! L'avez vous lue ? C'est charmant. Molé trouve qu’il ne sait pas le français et que tout est menti dans son ouvrage. Lamartine ne trouve pas M. Molé un grand homme. Adieu, car je n'ai rien à vous dire. Il pleut aujourd’hui ; j'aime mieux, cela que le beau temps, parce qu'alors je me résigne mieux à Paris. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23015_00295.jpg
Paris le 6 Septembre 1852

J'ai manqué Fould hier, ce que je regrette. Je ne le verrai que demain, il est à sa cam pagne, certainement le Moniteur est à lui. J’avais oublié de vous dire. Il n’y a de communiqué que ce qui passe par lui. J'ai vu longuement Cowley hier. Voici ce que je relève de plus frappant de son opinion personelle " jamais un Bourbon ne pourra tenir en France. " Il regarderait donc une restauration comme devant ramener une révolution. Il est très décidé dans cette opinion. Il paraît qu’avant la conclusion de l’arrangement avec la Belgique. Les propos ici ont été très vifs jusqu'à menacer d'une invasion, aujourd’hui on se dit très content des deux côtés.
C’est Londonderry qui a eu la jarretière. Il a menacé de retirer trois voix au ministère dans la Chambre basse. On a cédé. Cela aura fort déplu à la Reine. Je doute que cela plaise au Président. Le dîner à St Cloud a commencé par un mistake. On était prié pour 5 1/2. Le Prince n’y était pas. Il se promenait à Bagatelle, il n’est rentré qu'à 6 1/2. Banischi avait fait le mépris. Le Prince s’est confondu en excuses. Il n’y avait personne Granville que Hubner, les Drouin de Luys, et une dame Rouger un peu leste. On a joué après mais pour de l’argent. Le Prince toujours très aimable puisque Hubner y était pour la princesse, Cowley aurait pu y être, ou Granville. Il n’y était pas. Hubner a dîné 3 fois depuis 3 semaines, pas un autre diplomate n’y dine.
J’ai eu hier une lettre toute d’amour de l’Impératrice elle-même. Elle m’écrit malgré ses yeux, & si tendrement ! Je ne sais rien de mon fils. Madame Kalerdgi était ici hier soir, maigrie, bien empressée pour moi, plein d’un nouveau roman allemand. Elle va en Russie dans 15 jours. Elle lève le camp à Paris, & n’y viendra plus qu'en passant. Molé avait l'air triste. J’avais assez de femmes. Il y a une grande disette d’hommes. On me conte qu'à Bade la suite du Prince s’y est rendue. Odieuse par sa jactance. Là on ne croit pas au mariage la [grande duchesse] Stéphanie serait contre ; elle veut du plus assuré pour sa petite fille. Il est question de Luitpold de Bavière qui doit être roi de Grèce. C'est Mad. Kalerdgi qui me rapporte cela, elle en vient. Voilà je crois toutes mes nouvelles.
Kolb part demain pour Bade avec les Delmas. Oliff est toujours à Trouville. Aggy s'en va après demain pour 10 jours chez les Hainguerlot. Vous voyez qu'on me délaisse. Je ne puis pas m'opposer. Adieu. Adieu.
Persigny n'a fait aucune affaire à Londres, et n’y a vu personne. Il a fait une visite de politesse à Malmesbury voilà tout. Il y était allé simplement pour amuser sa femme. Il est très amoureux d’elle. Voici quelques extraits de la lettre de l’Impératrice. Vos lettres me sont encore plus chères qu’autre fois, puisque nous nous connaissons et nous aimons encore mieux. Se revoir nous a réchauffé le cœur l'une pour l’autre. Je sais que sous la [Princesse] Lieven politique il y en a une autre qui est à moi, et à Dieu. Midi. Aggy remet son voyage à Tours jusqu'à la semaine prochaine

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23015_00301.jpg
Paris le 7 Septembre 1852

J'ai lu tout Mad. d’Arbouville tout Georgia Fullarton. Vos autres recommandations ne me promettent pas grand chose. Trouvez mieux je vous prie ; du vieux historique, mémoires. Ne prenez pas la peine de me les expliquer. Dites les titres et à côté, " bien, passable, curieux. " selon qu'ils le méritent.
Molé a vu Thiers longtemps et l'a trouvé résigné pour longtemps au Président, et puis disant qu'on reviendra à la monarchie mais qu'il faut pour cela que les deux monarchies se réunissent et ensuite l'abdication ou l’adoption, ce qui veut et donc bonjour. Moi je crois que Cowley a raison, et Dieu sait ce que verra la France. Dumon est rentré en ville. Molé part ce matin pour le Marais, mais il reviendra dans 15 jours avant le départ de Kalergi.
Hubner a été étonné de lire qu'on a lancé ma nouvelle frégate portant le nom d'Austerlitz. Toujours ces souvenirs affichés, cela finira par provoquer. Qu'il laisse dormir en paix les masses et les triomphes de son oncle. Je le trouve trop modeste, il a assez fait lui-même et peut se passer désormais de ces souvenirs.
Kalerdgi m’amuse. Elle a beaucoup recueilli, et elle bavarde. Son oncle trouve les Bourbons immensément bêtes. Le général Haynau est parti fort content de son séjour ici. Adieu, adieu. Kolb a décidé les Delmas à rester, cela m’arrange.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23015_00305.jpg
Paris le 8 Septembre 1852

J’ai vu hier M. Fould, trés engraissé, très content, très confiant très puissant. Il ne bougera pas de Paris pendant le voyage du Prince tous les autres ministres se relayeront à tour de rôle auprès de lui. Fould reste pour répondre de tout et pourvoir à tout. Il est très content de la disposi tion du pays. Partout l’autorité puissante, obéir, les populations contentes. Ce n’est pas lui qui a rédigé l’adresse de son conseil général c’est M. d’Aguilleau. Il en rit. On ne parle pas d’Empire. Le Prince sait fort bien ce qui est dans son intérêt. Il fera attendre. Il a plus d’esprit que les autres. Le voyage sera une ovation. Il regrette la guerre au Times, cela ne continuera pas. On exécute doucement les décrets. Je n’ai dit que deux choses : que le Prince se conduise toujours dans son intérêt personnel, & il a trop d'esprit pour ne le pas connaître. Et puis qu'il laisse tranquille son oncle. Il en a assez parlé. Il a le droit de parler de lui même. J'ai bien relevé aussi l’impatience des ennemis de le voir empereur. Cela a déjà frappé. Voilà en raccourci. Il n’a pas été question de mariage.
Je suis charmée que Fould reste. J’ai été hier soir un moment chez Mad. Salovoy. Fête, illu mination, bal. 18 Hongrois musiciens admirables, dans leur costume pittoresque j'y ai été pour les entendre. à 10 h. j'étais dans mon lit. Aggy a remis son voyage à la semaine prochaine. Les Delmas restent, Kolb reste donc aussi. On regrette à Berlin que Manteuffel n’aie pas donné sa démission, vu le secret que le Roi lui a fait de la faveur rendue à Radowitz, il aurait eu avec lui l’opinion, la bonne qui est toujours la plus puissante en Prusse. Madame de la Redorte croit que le coup porté à Molé par le [?] de camps de Kalerdgi est plus fort encore pour [?] que le 2 décembre. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23015_00310.jpg
Paris Jeudi le 9 [Sept.] 1852

D'André est ici en congé, cependant on dit qu'on n’a pas été fâché de cela vu ce qui s’est passé à la Haye. Fagel a envoyé un courrier hier pour demander des ordres. Vous soupçonnez une partie du ministère Hollandais de n’avoir pas été étranger au rejet de la convention. Je n’ai pas revu Persigny depuis son retour et j’ai oublié d'en demander de nouvelles à Fould. 9 heures Ah voilà qui est beau et charmant ! Quel grand plaisir pour moi. J’ai peur que ce plaisir même d'avancer ne me fasse assez de bien pour que vous ne me trouviez pas assez malade. Si vous étiez venu hier j'en valais la peine. La jaunisse. Je vous dirai à la fin de la lettre le jour du départ d'Aggy. En tous cas je sais que c’est la semaine prochaine, le commencement ; & qu’elle me quitte pour huit jours. J’entends bien parler de Drouin de Lhuys. C’est peut être [?] Turgot. En tous cas on le trouve convenable, homme d’esprit et plus du tout aussi long que ci devant. Ce pauvre Piscatory, comme je suis fâchée de son malheur ! Il a l’air d'avoir tant de coeur. Viel Castel doit être chez lui dans ce moment. La petite princesse sera bien contente de vous revoir. Voilà Aggy levée.
Midi. Elle part Mardi 14. Vous me direz quel jour vous arriverez. Elle revient lundi le 20. On m'interrompt, adieu. Adieu, & merci, merci.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23015_00314.jpg
Paris vendredi le 10 Septembre 1852

Je n'ai rien recueilli hier si ce n'est une parole de M. de Persigny pendant son séjour à Londres. Il l'aurait dit à Malmesbury que le mariage était arrêté et qu’il ne s’agit plus que de quelques pour parler insignifiants avec le père. Mad. Kalerdgi est très agitée des commérages qui courent ici sur son compte & qui compromettent de plus puissants qu’elle. Le Comte Nesselrode serait hostile au Président, ce qui est faux, mais enfin cela se dit et se croit. Voici huit jours depuis son arrivée, pas de message de St Cloud et quelques [?] de Drouin de Lhuys qui sont déplaisants. Elle était ici hier soir décidée à vider la querelle à fond dans les 4 jours qui restent jusqu'au départ du Président. Hier fête au pavillon Breteuil il n’y avait je crois que Kisseleff de Diplomate.
La Princesse Mathilde déteste Madame [Kalerdgi] c'est un gros paquet de commérages. Mon fils a prêté sa villa aux Creptovitch pour tout l’été. Je crains qu'il ne paye cher l'hospitalité qu’il leur donne. Le séjour de Nesselrode rappelle la possession qui est vue de très mauvais œil. Pas de nouvelle de mes fils depuis longtemps, ce qui me prouve qu’ils n'ont pas besoin de moi. Il y a de grandes princesses étrangères ici incognito. Il y aura peut-être des princes de la même façon dans une dizaine de jours ! Bonne saison pour les voyages. Adieu. Adieu.
Je me réjouis bien de la semaine prochaine !
Formats de sortie

atom, dcmes-xml, json, omeka-xml, rss2