Lettre de Marcel Ray à Marguerite Audoux
Auteur(s) : Audoux, Marguerite
Louise Dugué (Roche par son second mariage, et née Leroy, 1867-1942) est la meilleure amie de Marguerite Audoux. Toutes deux se rencontrent à Paris en 1886. Après le départ du mari de Louise, les deux jeunes femmes cohabitent dans le quartier de Vincennes, avec les deux petites qu'elles élèvent (Lucyle Dugué et Yvonne, la nièce de la romancière). À l'heure du succès de Marie‑Claire, Louise Dugué fait office de «garde du corps», refoulant les trop nombreux tapeurs, d'où le surnom que lui donne parfois son amie : «Rabat‑Joie». Jusqu'à la fin, Louise et sa fille Lucyle seront aux côtés de l'écrivaine. La correspondance entre Marguerite Audoux et ces deux femmes s'inscrit dans le second ensemble épistolaire (correspondance familiale et familière).
Montpellier, 29 juin 1911
Ma chère Marguerite,
Marcel Ray
[1] Ray, de passage à Paris du 21 au 27 juin 1911 (voir dans sa correspondance avec Larbaud, Gallimard, tome deuxième, la lettre du 19 juin 1911, p. 121), a pu profiter de la double hospitalité (ce qui est confirmé par la suite de la lettre) de Marguerite Audoux et de Larbaud, chez qui finalement il loge (lettre de Ray à Larbaud du 9 juillet 1911, Ibid., p. 127).
[2] Orthographié /Chale/ par la romancière (voir les lettres 107 et 137 de Marguerite Audoux à Larbaud et Werth). Il s'agit d'une femme de ménage, dont la fille habite l'immeuble de l'écrivaine (10, rue Léopold‑Robert).
[3] Son épouse
[4] Marcel Ray, normalien et reçu deuxième à l'agrégation d'allemand, mais qui à trente‑trois ans n'a pas terminé la rédaction de ses thèses, est suppléant à la faculté de Montpellier. Dans sa lettre du 19 juin 1911 à Larbaud (Ibid., p. 121‑123), il explique les intrigues politico‑universitaires qui le plongent dans l'inquiétude par rapport à un avenir des plus précaires.
[5] Nul besoin de traduire cette contrepèterie, digne de l'esprit de potaches que ne perdront jamais les deux compères ; leur correspondance en est un témoignage suffisant.
[6] Ce qu'écrit Francis Jourdain de Ray complète bien l'autoportrait – et l'autodérision – qui sont au principe de cette lettre :
« [L]es qualités d'un homme ont moins de valeur en soi qu'elles n'en doivent à celui qui les possède et à l'emploi qu'il en fait. De toutes celles de Ray, celle à laquelle nous étions le plus sensibles, c'était, après son indéniable intelligence, la proverbiale maladresse de cet hurluberlu qui tombait dans les escaliers, glissait, en entraînant les tapis, sur les parquets des salons où il était introduit, renversait les potiches en saluant, s'asseyait dans les confitures, écrasait les orteils des femmes auxquelles il faisait la cour, oubliait ses rendez-vous et, dans les trains, ses bagages, se bosselait le crâne au chambranle des portes dont les boutons lui restaient dans la main, perdait son parapluie, son portefeuille, la notion des réalités, et jamais le fil de ses idées. » [Jourdain (Francis), Sans remords ni rancune, Corrêa, p. 164].
[7] Pour mémoire, la nouvelle de Marguerite Audoux qui paraîtra en prépublication dans Paris‑Journal à partir du 23 septembre 1911, puis en volume chez Flammarion en 1932, réunie à d'autres récits brefs sous le titre La Fiancée. On sait que les avis sont partagés sur «Valserine». (Voir la note 135 de la lettre 114)