Archives Marguerite Audoux

Archives Marguerite Audoux


Lettre de Lucien Descaves à Marguerite Audoux

Auteur(s) : Descaves, Lucien

Description


  • Fils d'un graveur, Lucien Descaves (1961-949) passe une enfance modeste dans un quartier pauvre de Montrouge. En 1882, il publie son premier roman, Le Calvaire d'Héloïse Pajadou, dans lequel il s'affirme déjà comme un observateur amer de la société. Sa satire du milieu militaire, notamment avec Sous‑offs (1889), lui attire poursuites judiciaires (pour outrage aux bonnes mœurs et injures à l'armée) et acquittements. La position qu'il défend contre Zola dans le Manifeste des Cinq (Le Figaro du 18 août 1887) lui ferme les portes de la Société des Gens de Lettres. Le monde officiel des lettres, cependant, lui accorde un siège, en avril 1900, à la « Société littéraire des Goncourt », dont les statuts sont publiés au Journal officiel le 26 janvier 1902, le premier prix étant remis le 21 décembre 1903 au restaurant Champeaux. Là est bien la grande affaire, puisque, en novembre 1910, Marguerite Audoux est « goncourable », et Descaves toujours dans le jury… Si la romancière conçoit des craintes par rapport à ses concurrents, ses amis, eux, se méfient au plus haut point de Descaves (qui deviendra président de l'Académie Goncourt en 1944). Le 11 novembre 1910, Fargue écrit à Larbaud :
    « Ah ! le bon accueil fait par Descaves à Marguerite ne m'inspire qu'une médiocre confiance. Je me rappelle les bonnes paroles et les promesses prodiguées à Philippe. Et j'ai bien peur que ce vaguemestre de L'A[cadémie] G[oncourt] ne lui ouvre les bras que pour l'étouffer. Timeo Danaos. »
    [Léon‑Paul Fargue – Valery Larbaud, Correspondance (1910‑1946), texte établi, présenté et annoté par Th. Alajouanine, Gallimard, 1971, p. 35].

    Descaves n'est donc pas en odeur de sainteté parmi les amis écrivains de Marguerite Audoux. Philippe lui‑même, à l'instigation d'Eugène Montfort, a manifesté une réaction écrite qui a fait du bruit dans la république des lettres. Si Léautaud s'en fait l'écho dans son Journal, citons Francis Jourdain, l'un des membres du groupe de Carnetin, qui relate les suites du malencontreux papier cosigné par Philippe et Montfort :
    « Ce mauvais article eut pour conséquence une missive acerbe de Descaves, suivie de deux ou trois autres, dont je veux espérer que leur hargneux auteur eut bien vite honte de les avoir écrites. Je ne sais quelle obscure rancune lui faisant perdre toute mesure et tout sentiment des réalités, Descaves n'allait‑il pas jusqu'à accuser Philippe – à la fois bien trop timide et bien trop orgueilleux pour avoir jamais rien sollicité – d'avoir, vil arriviste, usé le paillasson et tiré la sonnette des Chers Maîtres ! Indigné d'une aussi scandaleuse injustice, Gide conserva ces lettres que Descaves, assurait‑il, n'emporterait pas en paradis – (Une perquisition en Enfer permettrait peut‑être la saisie de ce document). »
    (Jourdain, Francis, Sans remords ni rancune, Corrêa, 1953, p. 192)


  • Sur le titre du troisième roman
Texte



[Paris] 7 janv[ier] [19]26

Chère Marguerite Audoux,

Je n'aime pas votre titre[1], mais vous y tenez ; je voudrais n'en plus parler et vous le conserver. Dernière objection : Si nous appelons l'attention sur ce nom de Beaubois (qui n'est pas beau), je redoute la réclamation d'un confrère qui le porte et signe des articles : M. Beaubois, docteur en droit. Il vous serait impossible de changer le titre en cours de publication. Réfléchissez-y et donnez-moi votre réponse, afin de prendre vos responsabilités. Si vous êtes d'avis de passer outre, il sera fait à votre guise et nous annoncerons Annette Beaubois… question de sentiment à part, car elle a, même au fond, bien peu d'importance.
Mille amitiés.

Lucien Descaves

[1] Rappelons que le titre éponyme auquel tient Marguerite Audoux pour son troisième roman, qui va paraître en prépublication au Journal du 22 janvier au 27 février, puis en volume chez fasquelle le 2 avril, est Annette Beaubois. La romancière acceptera finalement qu'Annette Beaubois devienne De la ville au moulin (voir la lettre 306).

Lieu(x) évoqué(s)Paris

Géolocalisation

Notice créée par Bernard-Marie Garreau Notice créée le 17/12/2017 Dernière modification le 20/05/2022