Carte-lettre de Myriam Harry à Marguerite Audoux
Auteur(s) : Harry, Myriam
Description
- Réception de De la ville au moulin - Invitation pour l'été
- Voir la partie DESCRIPTION de la lettre 254
Texte
200 Bld Bineau, Neuilly.
200 Bld Bineau, Neuilly.
Ah, chère Amie, qu'il m'est doux, ce « souvenir affectueux » ! Je n'ai pas lu encore votre livre, puisque je reviens seulement de voyage, mais que je me réjouis de le faire quand j'aurai retrouvé le recueillement nécessaire à ce volume dont le titre est déjà une promesse de calme et de vie paisible ! J'aimerais tant aussi vous revoir un jour. Peut-être me direz-vous si, un jour d'été, une visite à Neuilly vous tenterait, mais hélas ! je n'ai plus d'auto pour vous envoyer chercher. J'ai par contre un adorable fils, un petit Bédouin ramené de Syrie[2] et qui vous lira même avant moi.
Merci encore, chère Amie, et gardez-moi votre souvenir comme je me le garde très affectueusement.
Myriam Harry
[1] Étant donné le début de date, et la probabilité d'un envoi, sur liste, de l'éditeur, il est quasi certain qu'il s'agit ici de 1926, le livre dont il est question étant De la ville au moulin « dont le titre est déjà une promesse de calme et de vie paisible ».
Notes
« Durant [son] séjour au Moyen‑Orient, un enfant fait étonnamment irruption dans la vie de Myriam [Harry] et d'Emile[1], «un petit émir ghassanide, aux grands yeux de houri». Myriam devient mère à l'âge où la plupart des femmes sont plutôt grands‑mères[2]. Âgé d'une dizaine d'années, l'enfant, Faouaz dont le nom signifie Porte‑Victoire, leur est confié pour un mois par son grand‑père, un cheikh localement très considéré, alors qu'ils séjournent loin des chaleurs de Beyrouth dans la région du Haourân. Il appartient à la tribu des Ghassanides, des princes d'Arabie du Sud que Pompée avait fait venir en Syrie et qui s'étaient convertis au christianisme. Eux seuls avaient pu garder leur foi lors de l'islamisation de la région, car «le nom de Ghassanide se trouve dans le Coran», précise Myriam. Ces chrétiens syriens avaient accueilli avec enthousiasme le mandat français dont ils attendaient beaucoup, réactivant par la même occasion des antagonismes locaux ancestraux. À la fin du mois, le cheikh revient en grande pompe et bruyante escorte rechercher son petit‑fils, offrant au couple moult moutons et cadeaux. Mais l'enfant, dont les parents ont été massacrés par les Druzes, s'est attaché à Myriam et Emile et ne veut plus les quitter. De leur côté, ils ont été séduits par sa grâce, ses talents de jeune chasseur et son habileté à modeler la glaise[3].. Le grand‑père les laisse emmener l'enfant en France. Le jeune Faouaz, appelé affectueusement Fafa, avait appris dès son plus jeune âge le français avec… un curé auvergnat arrivé, qui sait comment, auprès de l'évêque syrien. Il était un petit navire et Frère Jacques n'avaient pas de secrets pour lui ! Il peut ainsi être inscrit au lycée Pasteur de Neuilly sans difficulté lors du retour en France. À la mort du grand‑père, les époux Perrault‑Harry l'adoptent officiellement. »
[Chombard‑Gaudin, Cécile, Une Orientale à Paris, Voyages littéraires de Myriam Harry, Maisonneuve & Larose, 2005, p. 147].
Aux dires de la biographe, que nous avons contactée, le petit Faouaz serait toujours en vie en 2006.
[1] Émile Perrault‑Harry, son mari, sculpteur animalier. Voir la note 4 de la lettre 254
[2] C'est‑à‑dire, en l'occurrence, à presque cinquante ans.
Lieu(x) évoqué(s)La Syrie, Neuilly-sur-Seine