Lettre de Francis Jourdain à Marguerite Audoux
Auteur(s) : Jourdain, Francis
Description
- Sur sa santé et celle de sa femme - Critique élogieuse de De la ville au moulin
- Voir la partie DESCRIPTION de la lettre 245
Texte
[Paris, 22 mars 1926]
Ma chère bonne vieille - Je suis accablé de travail et d'embêtements – avec en outre des petites misères de santé. Et Agathe ne va pas bien (pour l'heure elle est alitée). Ceci dit pour que tu excuses mon silence – Ne va pas le taxer d'indifférence et ne doute pas de mon affection – Tu penses bien que ce n'est pas sans émotion que nous avons ouvert ton livre[1]. Je t'y ai retrouvée, ma vieille Marguerite. J'ai retrouvé tes bons yeux, ton bon cœur et ta bonne gueule. J'ai retrouvé la belle lumière pure dont tu sais éclairer tout ce que tu écris. J'ai retrouvé la belle santé de ton intelligente bonté. Comme c'est agréable de rencontrer quelqu'un dont l'âme sent bon : ton âme ne pue pas des pieds. C'est rare. C'est précieux.
Quand je serai un peu désemmerdé, j'irai t'embrasser. Je ne veux cependant plus attendre pour te dire que ton bouquin est excellent. Je suis content. J'espère que tu es contente. Agathe – qui a été la première à se jeter sur ton « moulin » - est ravie et t'embrasse fort. Tu sais combien elle serait – combien nous serions tous heureux de te voir. – (Quand tu seras grande, il faudra décidément que tu apprennes à te servir de l'ascenseur).
À bientôt. Pardon de ma hâte.
Tendrement
Fr[ancis]
De la ville au moulin, sans doute parvenu par service de presse, puisque la sortie en librairie ne se fera que dix jours plus tardNotes
Le bouquet épistolaire de louanges dont cette lettre constitue l'une des fleurs ne doit pas nous faire oublier la réception plutôt tiède du troisième roman. L'enthousiasme de Jourdain est d'ailleurs tempéré par l'inquiétude qu'il manifeste un mois plus tard dans une lettre à Fargue (Fonds de Freitas) :
« […] Dis donc, la vente du dernier bouquin de Marguerite marche assez mal. Et il commence à disparaître des devantures de libraires. Tu sais combien la pauvre vieille, terriblement gênée, aurait besoin d'un succès. Question de sous. Cet insuccès est évidemment dû en partie au silence complet, total de la presse. Elle ne sait et ne veut rien demander. Elle ne voit et ne connaît personne. Il faut que nous essayions de lui donner un coup d'épaule. Occupe t'en, tu peux beaucoup. Demande des articles à tous les Jaloux et autres Billy. Penses‑y, parles‑en. Tu rendras service à notre pauvre Calotte[1] qui, si seule, est absolument désarmée. Bien affectueusement à toi. Bons et respectueux souvenirs à ta mère.
Francis
21‑4‑26 »