Transcription
7 juin, 1896, [128]
77, rue Claude Bernard, 77
Je vous félicite de ces belles pages où vous revendiquez et délimitez si magistralement les droits du romancier. Je vous félicite aussi de tout cœur du récent vote de l’Académie, au sujet duquel j’ai tenu à m’informé de tous côtés, afin de me bien assurer que, comme je l’avais interprété au premier abord, les quatorze voix demeurent un succès. Enfin, laissez moi vous dire toute l’émotion que j’ai eue en recevant Rome. Je vous remercie bien chaleureusement de ce souvenir. En réalité, j’eusse aimé vous en remercier d’une autre façon. Puisque la question est remise sur le tapis et que vous citez vous-même vos sources, j’ai eu un moment l’idée de rechercher tous les passages des archéologues contemporains qui ont passé dans Les Martyrs et dans L’itinéraire de Paris à Jérusalem ! Personne, assurément, ne songe à le reprocher aujourd’hui à Chateaubriand, et il n’y a pas à le lui reprocher, en effet. Et encore, ne s’en vantait-il pas.
J’ai vu que ce petit travail pouvait entraîner à des recherches intéressantes, mais infinies. Je n’y renonce pas cependant. Loin de là. Je crois seulement qu’il y a là matière moins à un article de journal qu’à un article de Revue. Et ce que je pense de vous, de votre œuvre, de votre recréation, je voudrais précisément un jour l’expliquer avec quelques développements. Il est certain qu’un lutteur comme vous ne peut que faire naître des contradicteurs. J’aimerais justement à montrer qu’un grand nombre de vos crimes sont les crimes de tous les temps et, dans ce sens, à faire sur vous une étude historique.
Je veux vous dire encore combien je reste toujours touché de votre accueil. J’ai fait mon profit de plusieurs de vos paroles. J’ai même appliqué obstinément votre principe d’une heure par jour donnée au travail malgré tout. Je l’ai si bien appliqué que je ne cessais pas, même en voyage, en chemin de fer, ou sur un paquebot, par les temps les plus mauvais. Et, toutes les fois, je croyais vous rendre hommage.
J’espère que vous pourrez me dire dans quelques mois si je n’ai pas trop mal usé de votre conseil.
Croyez, Maître, à ma sincère et très affectueuse admiration.
Jean Psichari.