Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


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Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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106. Ems le 29 juillet 1854

J'ai été voir hier ma grande Duchesse Marie de Weimar, à Coblence où elle est en visite de quelques jours chez sa fille la princesse de Prusse. Grandes tendresses. Grande tristesse. Je l’ai trouvé très russe mais sensée. La princesse de Prusse fort modérée dans son langage. Un éloge de l’Empereur Napoléon. Ma course & la Conversation m'ont fatiguée. Ma Grande Duchesse est plus sourde que le Prince Metternich.
Morny va mieux et se décide à rester à Ems. Je voudrais bien amener à Ems Léon de Schlangenbad. J’y resterais bien volontiers mais il n’y a pas moyen comme j'aimerais continuer ces conversations deux fois. le jour. Morny est décidément très agréable, & suis tout à fait fâchée le quitter.
On s’attend à Paris à l'accession de l’Autriche au traité Franco anglo turc, dans 10 jours. St Arnaud, dit on, se prépare à une bataille. rangée sur le Danube. On ne parle plus de la Crimée. Je n’ai pas de nouvelles de Pétersbourg. Voilà bien de la confusion à Madrid. Je pense qu'Espartero gouvernera cette révolution. Greville s'inquiète à l’idée qu'on puisse s'en mêler. Il dit que l'Angleterre n'a plus un soldat, ni un vaisseau à fournir. Il espère que la France verra faire sans prendre la moindre part. Que dites-vous de l'Angleterre prenant à sa solde une armée Turque à laquelle elle fournira ses officiers ? C'est comme les pays. La voilà maîtresse en Turquie comme elle l’est aux Indes, nous avons fait de belles affaires ! Elle a bonne grâce à nous reprocher notre ambition envahissante. Mais sans compter la Turquie que cela fait disparaître, ça peut s' arranger la France & d'autres ? Quels événements !
Metternich n’a pas eu plus de part à la conduite de son gouvernement que vous et moi. Tout cela était inventé de même Aurep. Il écrit à sa femme qu'il se porte très bien. Jusqu’ici la Prusse résiste quand même l’Autriche marcherait. Mais on lui demandera très net de dire oui ou non. Je doute qu’elle ose l'un où l’autre. Alors quoi ? Adieu. Adieu.
J’apprends que l'ordre vient d’arriver de Berlin de mobiliser l’armée. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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105. Ems le 26 juillet 1854

Toujours ici encore. Vos lettres se promènent mais elles m'arrivent je n’ai pas fixé de jour, je lèverai le camps du soir au matin. Je suis restée emballée depuis 8 jours. Morny est bien malade, et découragé. Il ne veut pas rester ici, mais il ne se décide pas. La conversation me plaît et m’amuse, je m'ennuierais à Schlangenbad profondément. Hélène m'écrit pour m'exhorter à rester. Elle sait que l'ennui est ma plus grande maladie. Enfin je suis encore là, sans savoir si j’y serai demain. Nous avons des chaleurs excessives. On ne peut pas bouger le jour. On ne peut pas dormir la nuit.
Pas de nouvelles. D'Orient rien militairement & politiquement on élabore quelque nouveau protocole qui voudra dire que nos propositions ne sont pas acceptées. Je sais ce pendant qu'on les a trouvé pas sables et que sans y donner suite à présent, on les regarde comme des jalons pour l’avenir. L’Espagne. Que va-t-elle devenir ? Je crois que c'est Espartero qui va reparaître et régner.
Je ne sais sur la mort du général Aurep que ce qu’en disent les journaux. Sa femme avait passé ici il y a une dizaines de jours. Elle ne s’y est arrêté que quelques heures pour me voir. Les journaux sont si menteurs que je ne crois pas encore à cette mort. Si l'Espagne était arrivée dans la belle saison du bavardage de mon salon, que de choses à se dire, et Dumon comme il parlerait ! Adieu. Adieu, que se passera- t-il encore jusqu’au temps où nous nous retrouverons tous ? Ce temps viendra-t-il ? Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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103. Ems Samedi le 22 juillet 1854

Morny est arrivé hier au moment où je venais de vous écrire. Je ne lui trouve pas mauvais visage mais il se plaint beaucoup de puis un mois il ne peut ni manger ni dormir. Olliffe est avec lui. J’ai eu un grand plaisir de cette arrivée. Nous avons beaucoup causé. Je n’ai rien recueilli de bien nouveau. La détermination de pousser jus qu’au bout. Point de conquête, point de restitution, mais liberté du Danube. Protectorat collectif des pptés, et dans la mer noire régler les choses de façon à donner sécurité à la porte, c.a.d. limiter le nombre de nos vaisseaux de guerre et posséder un point de la côte qui serve d'abri aux vaisseaux anglais & Français. Je crois que ces trois points sont arrêtés & convenus avec l'Angleterre. de plus on parles d'indemnité des frais de la guerre, mais cela ne peut pas être sérieux.
Le plus intime accord avec l'Angleterre et celle dans les plus grande coquetterie pour vous. En vous offrant ses vaisseaux pour le transport de vos troupes dans la Baltique, elle les défraie de tout.
On compte toujours sur l’Autriche et le langage de Hubner y autorise. On est mécontent de la Prusse mais on est convaincu & je le suis aussi, qu’elle sera forcée de faire comme le voisin. On est très préparé a une longue guerre, et comme elle nous ruinera et qu’elle ne ruinera pas la France on compte sur la désaffection qui se produira chez nous, & qui forcera à faire la paix. On se trompe, il n’y aura jamais chez nous ni découragement, ni désaffection et tout cela me paraît éternel. Et je suis parfaitement malheureuse. La cour ne reviendra guère à Paris que pour le [?].
On ne se mêlera pas de l'Espagne. Cependant si le désordre s’établit là, comment laisser faire ? Je trouve toujours que c’est une très grosse question. Il fait une chaleur effroyable. 26 degrés à l'ombre (réaumur) Comment me trainerai-je à Schlangenbad ? Je ne sais encore si j’y vais demain ou après demain. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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99. Ems le 15 juillet 1854

Je ne crois pas un mot de la lettre que vous me citez de mon empereur au roi de Prusse. Si une telle lettre pourrait exister, elle ne serait pas connue. On reste très curieux de ce que sera la réponse de Vienne. Certainement il y a hésitation je n’en vois hélas aucun à Londres & à Paris si j’en juge sur les journaux.
Hier l’Indépendance annonçait une rencontre entre votre Empereur & la Reine d'Angleterre. Si cela se confirme ce serait un fait bien grand et bien brillant pour l’Empereur. Je suis curieuse de la confirmation. Dans ce moment une lettre de Greville. L’Autriche n’avance pas, nous restons, et on s’attend à une grande bataille sur le Danube. Les alliés pourrait bien y prendre part. La Prusse lie les mains à l’Autriche. Il est évident qu’elle fait tout pour se détacher de l’alliance et se joindre à nous. Mais osera-t-elle provoquer l’inimitié de l’Occident. [?] which are in a considerable fix.” Voilà la lettre de mon correspondant. Il n'accuse pas l’Autriche. Son traité avec la Prusse lui interdit de rien faire sans se concerter avec elle. J’attends avec beaucoup d’impatience ou des coups, ou le débrouillement de la situation des Allemands. Je pars décidément pour Schlangenbad jeudi le 20. C'est là duché de Nassau que vous m’adresserez vos lettres. Adieu. Adieu.
Paul est arrivé hier.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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98. Ems jeudi 13 juillet 1854

Voici jeudi, votre dernière lettre était de samedi, c’est bien long. J'ai reçu de bonne source hier les renseignements suivants sur notre réponse.
" Les [principautés] ne peuvent être totalement évacuées parce qu'il faut conserver un champs de bataille autre que la mer noire et la mer baltique. Jamais nous n’avons ni l’intention d’y rester & de les garder.
Nous sommes prêts à négocier sur trois points. 1. intégrité de l’Empire ottoman
2. égalité des Chrétiens et des Musulman
3. traité des détroits et de la navigation.
Le langage du Prince Gortchakoff est trés modéré, très pacifique. L'impression transmise à Paris et à Londres. est celle là."
Que pensez-vous de ceci ? Il me semble qu’on pourrait se parler. Voilà votre lettre de Dimanche comme c’est long, ce que dit Barante me paraît très sensé, à quoi sert-il d’être sensé ? Tout ce qui se passe est insensé. Je ne puis vous dire mon découragement profond, et puis c'est si triste de n’avoir avec qui discourir de mes peines. La semaine prochaine toute ma société s’éparpille. Cela m’est égal à moi, Schlangenbad, ou ceci, ou autre chose, c’est de la tristesse partout. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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74 Bruxelles le 4 juin 1854

Je me suis trouvée entraînée hier à une soirée chez moi. On a voulu me faire entendre un chanteur italien de premier ordre. Cela ne m’a pas beaucoup amusé. J’avais tous mes habitués. Ce qui fait que de tous les Russes Kisseleff seul est resté à la maison. J’avais prié les autres.
Aujourd’hui je vais à l’église, & je ferai mes visites d’Adieu. Le temps est possiblement froid. On parle beaucoup du Prince Gortchakoff envoyé à Vienne dit-on. Je le connais fort, il est resté 8 ans premier secrétaire à Londres. Mon mari l'a chassé. Pareille aventure lui était arrivée sous d’autres chefs. Très intelligent. Capable, excellent rédacteur. Insolent, insupportable. Il vaut peut être mieux, je n’en sais rien. Je l’ai revu à Schlangenbad. Là aussi il a fait une impertinence au Roi de Prusse. Le pauvre. Meyendorff ne m'écrit plus du tout. D’abord, malade et bien triste. On me dit ici que dès l'origine de l’affaire on a trouvé à Pétersbourg qu'il faisait fausse route. Il n'était pas assez russe, il voulait qu’on s’arrange. comme cette guerre marche drôlement.
C’est le 1er juin seulement que l’Autriche nous a envoyé une invitation polie de sortir le plus tôt possible des Principautés. La Prusse l’aura fait de son côté. La prise de Silistrie n’est pas cas de guerre. Même le passage des Balkans s’il pouvait avoir lieu, demanderait encore des éclaircissements. Il n'y a donc rien d'imminent du côté de l’Autriche. On dit que l’Impératrice est grosse, Wallisky doit l’avoir annoncé.
Rothschild m’autorise aujourd’hui à ajouter au bail la promesse de ne pas me mettre de club sur la tête. Il n’a pas voulu du 3. 6. 9. Cela m'est égal. J’accepte l’autre forme quoique ce soit drôle. J'envoie le tout à Génie avec l'espoir que je recevrai mon titre Mardi. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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62. Bruxelles le 20 Mai 1854

Vous aurez eu mon N°60 plus tard car je n’ai pas manqué un jour de vous écrire. Je remets ceci à votre petit ami. Je l’attends car hier je n’ai pas pu causer avec lui.
Ici on croit tout-à-fait que l’Autriche passera à l’action. Le roi Léopold répète que la guerre ne peut pas durer. Je voudrais bien savoir comment elle peut finir ?
Evidemment même d’après la lettre de la Grande Duchesse, l'Empereur est abattu mais autour de lui c’est toujours de l'encens, de l’exaltation, et il a vraiment tellement échauffé les têtes qu’une pauvre paix pourrait lui coûter cher. Greville m'écrit encore charmé de l’Autriche et sur d’elle, très mécontent de la Prusse mais trouvant sa fidélité à nous très naturelle. L'armée prussienne est tout à fait dans le sens Russe. Je suis curieuse de la Suède. Je flaire la défection.
Je vois beaucoup Brunnow. et je lui trouve beaucoup d’esprit. Son grand régal est quand je lui montre une de vos lettres. Il dévore Cromwell. Pour Kisseleff c’est comme s’il était en Chine. Fini tout-à-fait. Cela devait être, je l’avais trop bien traité pour qu'une désertion tion peut être supportée par lui.
En Angleterre on voudrait toujours chasser ces deux messieurs de Bruxelles. à Paris leur présence ici n'incommode pas du tout. Je suppose qu'on la trouve évidente ce qu’elle est en effet. Cela ne pourra pas durer. Le corps diplomatique ici est fâché de leur présence. La cour ne veut pas donner de dîners craignant autant de les inviter que de les exclure. Depuis février personne n’a vu le roi. Van Praet ici est toujours bien fidèle et bien agréable. Infaillible, tous les soirs. C’est lundi matin que Brockhausen quitte Paris si vous savez quelque chose vous savez où le trouver Hotel de Londres rue Castiglione. Adieu. Adieu.
Voterez vous pour Fortoul ? J'ai été charmée de l’Evêque d’Orléans & de M. de Sacy. Génie porte ma lettre à Rothschild Il la trouve très bien, mais il se concertera d’abord avec vous. Si vous ne trouvez pas l’intermédiaire bien laissez cela, mais envoyez simplement ma lettre.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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58. Bruxelles le 16 mai 1854

Je n’ai rien eu hier le 66 manque. N’ayant rien d’autre part & rien à dire je ne vous ai pas écrit. Aujourd’hui voici le 67. Qu’est encore devenu l’autre ?
Je n’ai pas besoin de vous demander ce que vous aurez dit de la lettre de l’Empereur à Osten Saken !!
C’est inquiétant. L'Autriche a fait une démarche chez nous. Si nous passons Les Balkans, elle nous attaque. La forme donnée à cet avertissement est tel, dit-on, qu'il pourrait servir de base à une négociation quand on voudra négocier. Mais quand voudra-t-on ? La Prusse a été d’avis de ce que je vous dis là, cela prouve que ce n’est pas mauvais.
La fugue du Prince de Prusse produit un prodigieux effet et a fait cela bien légèrement. C’est après demain que les grands allemands communiqueront leur traité aux petits à Francfort. Les 4 royaumes sont très russes c.a.d. les rois, pas le public. Ils adhéreront, il le faudra bien. Cette Grèce est une grande complication. La Bavière est très animée pour le roi Othon. Je m’intéresse à cause de vous au procès des assassins de Rossi. Je vois qu’ils sont condamnés. Si vous voyez Mlle Cerini dites-lui que je n’ai besoin d’elle que depuis le 1er juin. Non qu’elle ne me soit agréable avant, mais il pourrait peut- être lui convenir de traîner jusque là. J'espère qu’elle sait faire la lecture. J’ai plus que jamais besoin de cela, mes yeux me tracassent, & mon foie, & ma toux. Tout plein de petits maux. Ils finiront avec la guerre. Finira-t-elle ?
Le roi Léopold est convaincu de la paix en automne. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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55. Bruxelles le 11 mai 1854

Quelle curieuse lettre que la vôtre ! Charlemagne. J’ai envie de l'envoyer, mais de la savourer d’abord.
Berlin a été dramatique. Bonin renvoyé sans préface et pour un discours tenu. il y a 5 semaines dans la commission de la Chambre où il disait que se joindre à la Russie serait un Parricide, crime pour lequel les romains n’avaient pas trouvé de punition. Étrange comparaison. C’est égal, il en porte aujourd'hui la peine. Cela a fait une sensation immense. Le prince de Prusse est parti sur le champ pour Bade, sans dire Adieu au Roi, & se démettant de son commandement sur le Rhin, voilà ce que le télégraphe mandait hier soir.
On dit que Manteuffel veut quitter aussi, le Prince lui a fait les plus vifs reproches d’avoir permis le renvoi de Bonin. Il paraît qu’à Vienne comme à Berlin on rêve toujours aux moyens d’arriver à la paix. Mais comment ? A présent c’est impossible. Adieu. Adieu, voilà du monde.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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51 Bruxelles le 8 mai 1854
Dimanche

Voilà le 58 retrouvé, il vient de m'arriver mais sans le timbre de Paris. Je me trompe, le timbre y est, mais du 6 au lieu du 4 qui est la date de la lettre, il y aura eu négligence chez vous.
On ne sait rien ici. L'emprunt à Londres ne réussit pas. Il y a beaucoup de faillite dans la cité, tout cela peut servir la paix. Je ne sais que penser d'Odessa. Pourquoi ne donne t-on pas le rapport de l’amiral Hamelin ? C’est évidemment tronqué. Nous allons voir la version Russe. Car encore faut il écouter tout le monde. Meyendorff disait le Palais Woronzoff & la statue du duc de Richelieu détruits. Clarendon annonce que les flottes sont allées à Sevastopol.
Avez-vous remarqué dans l’Indépendance qu’on avait trouvé à Vienne Hubner trop anti russe ? Les lettres le disent bien plus encore que les journaux. Je pense qu'il va bientôt revenir et qu’il passera par Bruxelles. Je n’ai vraiment rien à vous dire mais je pense qu’il vous faut un papier vert au Val Richer. Avez-vous chanté, avez vous froid ? Ici il continue à faire très laid. Il y a quinze jours que je n’ai vu le bois de la Cambre. Adieu. Adieu.
M. de Lazaroff à Masa. Cela divertit toute la Colonie russe. It serves him right. La sortie de M. Bonin du Ministère prussien nous débarrasse du dernier ministre anti russe.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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46 Bruxelles le 2 mai 1854

Je commence par reprendre les chevaux blancs et les acclamations à Bourguenay. J'avais la France pour Fiancée c'est un peu différent. Mauvais griffonnage & des mauvais yeux. C’est très ridicule de vous avoir mandé cela & nous en avons bien ri le soir. Ensuite bonne nouvelle pour moi. Le médecin d'ici a de son propre mouvement (pas trop propre soit dit bien entre nous) renoncé complètement à Spa pour sa malade. & c’est à Ems que nous allons tous. Si vous n'avez rien fait ne faites rien. Si c’est fait tant mieux cela confirme. Merci, pardon, & surtout merci.
Sir H. Seymour est ici. Il parle très bien de mon Empereur, très mal de tous ses serviteurs. Pour lui plaire on le trompe, et il ne s’étonne que d'une chose c’est qu’il ne soit pas trompé davantage. Il ne veut voir aucun Russe ici excepté moi. Il y a recrudescence d’irritation. Chez nous l’approche du danger excite à ce sentiment. Meyendorff a demandé à Bual si l'évacuation de la petite Valachie ne produisait pas une bonne impression sur son cabinet. Pas le moins du monde. On ne sera satisfait que de la retraite absolu des [Principautés]. J'ai beaucoup écrit hier à Pétersbourg pour le courrier de Hatzfeld qui devait passer cette nuit. Brockhausen m’a dit que ce ne serait que la nuit prochaine. C’est ennuyeux. Brunnow vient de louer ici une maison, il se lance dans le monde. Hier deux heures de tête-à-tête avec lui. C’est drôle ! Si intime avec Brunnow et brouillé avec [Kisseleff] car c'est fini, il ne revient plus. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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43 Bruxelles mercredi le 28 avril

Grande haine à Pétersbourg contre les Anglais. Des invectives dans les rues aux passants russes qui ont la tournure anglaise. Pas un mot des Français, au contraire bonne amitié pour eux. Le plus gros juron russe est Palmerston. Les cochers disent cela entre eux. Le duc de Noailles vous répètera que l’Empereur Napoléon est rempli de désir de la paix, et de l'horreur de la propagande révolutionnaire. Morny a été bien vif et décidé sur ce chapitre à aucun prix on ne favoriserait ce parti. On se trouve en grande et bonne compagnie, en grand renom. On veut rester comme cela. On y restera. Persigny a tenu le même langage à Marion. (Elle me le mande.) On croit à une campagne stérile, on souhaite ardemment des propositions acceptables. La difficulté sera l'Angleterre mais on pèsera sur elle ; efficacement si on est à trois, et si non on pourrait bien sans elle se décider Morny a trouvé le roi Léopold assez mécontent de l'Angleterre. Il lui a dit de ne pas faire attention à ces bourrades contre les Russes à Bruxelles. Qu'il les garde, qu’il garde son indé pendance. On ne sait trop ce que ferait les Allemands. La Prusse certainement point d’action contre nous, si l’Autriche s'en mêlait ce serait bien douce ment. La neutralité le plus longtemps possible et toujours en position de négocier la paix. Mon empereur la veut ardemment. En consentant à un congrès c'est bien la plus grande preuve. Lui qui s'obstinait au tête-à-tête.
Mes pauvres yeux, je vous renvoye au duc de Noailles, il a tout entendu tout écouté. Sa rencontre si intime avec Morny l’a bien amusé. Du matin au soir avec lui car on déjeunait chez moi, et la nuit au bal dans ma voiture, mariés pour le quart d’heure. Moi aussi cela m'a bien amusée. Voilà que cela finit ! Pourquoi Montebello, Dumon, d'Haubersaert ne viendraient-ils pas ? Toujours mon château. Que je serais aise. Mais concevez-vous le malheur de me séparer d'Hélène. Et pourquoi Andral ne pouvait-il pas avoir un avis, le [?] Politique de confrère. C’est mal. Adieu Adieu.
N'oubliez par le courrier de Hatzfeld le 1er mai Lundi si vous avez de quoi.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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36 Bruxelles le 21 avril 1854
Vendredi

Je vous envoie l’article du journal de St Pétersbourg pour le cas où il ne paraîtrait pas à Paris. Vous m'en direz votre avis. à moi il me parait très bien, mais je suis sujette à me tromper. C’est la déclaration dont je suis contente. Je n’aime pas autant l’autre article sur les publications secrètes je n’ai lu celui-ci au reste que très en courant. Mais vraiment l’autre me plait et beaucoup. J’attendrai avec impatience ce que vous m'en direz Adieu.
Pas de réponse d’Andral encore. Je m’inquiète.

J'aurai une grande joie à revoir le duc de Noailles Lundi. Mais quelle différence avec l’autre joie ! On me dit qu'il y a eu une entrevue entre Bual & Meyendorff dans laquelle celui-ci aurait demandé quelles seraient les conditions auxquelles on voudrait traiter de la paix. Bual aurait répondu : " très dures, la mer noire & les bouche du Danube. "
Tout ceci prouve que nous sommes disposés à la paix mais également qu’elle est impossible encore. Si j'étais de l’Empereur je n'essaierai plus rien. Il me paraît que le fils de Montebello, ne courra guère de danger. Je ne vois pas comment on parviendra à se battre. Votre mot : les deux géants avec des épées trop courtes. On dit que la convention entre les deux Allemands est conclue. On dit aussi que Bunsen est rentré en grâces.
Avant de me décider à déménager il m’a semblé que je pouvais faire une tentative directe. Elle a deux buts, avoir l’[appartement] qui me convient & finir la tracasserie. Si cela échoue je n’en serai pas plus mal avec [Kisseleff] car nous ne nous voyons plus du tout. La question est de savoir si cela est digne, car il me semble qui c’est suffisamment marquer le dire de rapprochement est-ce que je l'embarrasse, ou le tire d'embarras ? Je ne ferai rien sans votre avis. Vous corrigerez, ou vous direz non, comme fait mon fils. Voyez comme je suis helpless je ne sais pas me mouvoir sans vous.
Je ne vous envoie que le premier article, le bon. Je n’ai pas l’autre sous la main. Adieu.

Je vous ai cru Monsieur quand vous m'avez dit que vous cherchiez un appartement dans le but de rendre possible, de me céder celui que vous occupez et que vous m'avez offert dans le premier moment avec beau coup de bonne grâce, je me semble qui c’est suffisamment trouve donc autorisée à vous prévenir qu'il y a à l'hôtel Bellevue même un apparte ment complet contenant plus même que le nombre de pièces que vous occupez et où la salle à manger à la quelle vous sembliez tenir surtout est plus grande et meilleure. Le seul motif qui me fait hésiter à le prendre moi même est l'obligation de monter l’escalier je ne puis pas douter qu'il ne vous convienne, et je ne veux pas douter qu’il ne vous soit agréable de me rendre un léger service. Ni vous ni moi ne pouvons renier le passé et j'aurai pour mon compte beaucoup de plaisir à reprendre des relations que je regrette d’avoir vue interrompue depuis notre exil commun.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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33 Bruxelles le 18 avril 1854

Merci de tout ce que vous faites pour moi. Quelle révélation que tout ce que vous me dites sur Marion. Je m'interroge et je vous jure que je ne me trouve d’autre tort que de l’avoir trop aimée, et de l’avoir trouvé trop indis pensable à mon bonheur. Oui égoïste comme cela et sans réflexion, car une fois la parole donnée j'ai cru que ni elle ni sa soeur n’y manqueraient et j’avais arrangé ma vie sur cela et je me suis donc trompée, que de déception dans la vie ! J’ai appris que la lettre pour Andral n’est partie que hier, je serai bien inquiète jusqu'à la réponse. Vous avez été bien exact et bon. Vous ne me tromperez pas vous !
M. Ozeroff notre Ministre à Lisbonne est arrivé se rendant à son poste, et ne sachant comment y aller. On croit que je pourrai l’y aider. Il faut traverser ou l'Angleterre ou la France et on ne communique plus avec l'un ou l’autre. On écrit d’Italie de grands éloges sur la Duchesse de Parme elle montre beaucoup de tête et d’énergie, elle vient de faire un emprunt pour lequel elle a offert la garantie de toute sa fortune privée. Montessin est allé la complimenter de Florence. Pas de nouvelle. Tout le monde dit Cronstadt imprenable. Sweaburg ditto. Si cela est, cette grande expédition navale fera peu de chose, et c’est cependant de ce côté qu’on porte le plus de forces, et qu’on fait le plus de fracas comme tout ceci peut devenir ridicule. Adieu, Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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31 Bruxelles le 16 avril 1854

Voici que j'ai bien besoin de vous. Et vite. Andral avait ordonné Ems à Melle de Offenberg. Ici, un médecin le déconseille, & veut l'envoyer à Spa. Elle consulte Andral aujourd’hui par lettre, lui soumettant le motif du changement, mais attendant qu'il décide par ce que sa confiance est à Andral tout-à-fait. Je vous en conjure décidez Andral à persister dans son premier jugement. Je suis perdue s'il fléchit, car tout ce voyage est pour la santé de cette jeune personne & Hélène y subordonne tous ses mouvements.
Voyez comme c’est pressé et comme c’est grand pour moi. Je suis curieuse de votre rencontre avec Marion. Ah que de choses frappantes à lui dire. M’abandonner, parce que je suis dans le malheur ? Avoir de la résolution et de la volonté pour s'amuser, en manquer quand il s'agit de charité. Je ne suis pas un Cosaque, elle le sait bien et vous encore mieux. Tout ceci me tracasse beaucoup et m'empêche de dormir. Ni embarquer avec une étrangère, grande dame, car on me dit qu’elle l'est quoique ce soit une affaire d’argent. Les mouvements de la dame de compagnie avec l’obligation de faire des cérémonies. Les alle mandes tiennent à cela. Il faudra peut-être que je lui porte sa chaise. Voyez-vous. tout cela se présente à moi sous un jour peu engageant. Ah Marion ! A propos si son père lui refusait de l’argent vous savez bien avec quelle joie je lui livrerais tout ce que j'ai. Je me souviens qu’elle me disait à Brighton : " Si vous me donniez comme à Miss Gibbon 100 £ comme je vous servirais mieux qu’elle ! " Enfin je rabâche avec moi- même, & je vous envoie en rabâchant avec nous. Dans ce moment le pressé, très pressé c’est Andral, car il est capable de répondre dans la journée. Hélas il n'y a donc pas une minute à perdre. Le ferez-vous ?
Hier Brunnow, Van Praet, Van Straten, Brockhausen, celui-ci deux fois par jour régulièrement. Vous ai-je dit qu’ici on a envoyé promener une fois pour toutes les insinuations à propos de la réunion russe. Jamais on ne dit rien de Paris. Les tracasseries venaient de Londres. On dit que la Prusse tente des nouvelles propositions auprès de nous, pour que nous en fassions à notre tour. Tout ce que vous me dites aujourd’hui est plein de good sense. Brockhausen a dû recevoir son courrier régulier ce matin, il ne m'a rien apporté. Sans doute oubli. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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30 Bruxelles vendredi 14 Avril 1854

Bunsen a un congé de 6 mois, ce qui équivaut à un rappel. J’ai bien peur qu'on ne m’enlève Brockhausen ce qui serait pour moi un vrai chagrin. J’ai vu votre lettre à Hélène, et si well as far as it goes. Merci mille fois d'avoir pris la peine de cet examen. Je crains les susceptibilités Allemandes, et une personne susceptible ne m’irait pas du tout. Je vais encore causer avec Sebach & voir à me décider. C’est grave après les sottes épreuves que j’ai faites à Londres.
Ah Marion ! Pourquoi ne se déciderait-elle pas à passer avec moi 6 mois par exemple ? Rien de nouveau. L’arrangement entre les deux Allemands n’est pas signé encore. Où est Montebello ? Je lui ai écrit deux fois, il ne me répond pas. Hier Brunnow, Sebach, [Chreptovitch] Van Praet. Adieu. Adieu pauvre lettre qui ne dit rien qu’adieu. Samedi le 15 Elle est restée par bêtise. J'ajoute sans avoir cependant rien à dire. Il y a eu à Londres presque catastrophe. John s'entêtait. Aberdeen a montré beaucoup d'énergie & de volonté, on le porte aux nues là & ici. Et tout danger est conjuré. Hier longtemps Lord Howard. Très sensé et clever. Il aimerait à rencontrer Brunnow, mais le hasard ne sait pas. Je suis rendue de chaleur et de fatigue d'écriture. Un courrier à Pétersbourg and no help. Ah si vous pouvez me rendre Marion. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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29 Bruxelles le 13 avril 1854

Le protocole n’a pu être signé que le 9. Il a fallu en référer à Paris. Dans la conférence, Bual a été le plus vif contre nous, plus que Bourguenay. Les quatre sont d’accord sur le principe de la guerre, et le but l'évacuation des principautés. L'Autriche et la Prusse approuvent l’action des puissances maritimes. Comme vous dites l’action suivra de près l’approbation. Cependant nous sommes toujours contents de la Prusse, c’est-ce que me dit encore une lettre reçue ce matin.
Meyendorff dit qu’aujourd’hui que Canning a obtenu ce qu'il voulait à Constantinople, il est très possible qu’il veuille la paix et qu'il la fasse. Redshid veut garder les étrangers il n'y a de sûreté pour ses oeuvres et pour lui- même que dans leur présence. Le pauvre Meyendorff est dans son lit et très malade. Il n’a pas pu m'écrire ici, à Brunnow à qui il a cependant envoyé un courrier.
Savez-vous comment s’arrange le commandement de l’armée entre St Arnaud & Raglan ? Ni moi je ne puis croire à la saisie des meubles de Seymour. Ils peuvent ne pas lui être arrivés encore mais les prendre, c’est impossible. Quel article dans le Times sur cela ! Quel grossier langage, bon pour l'écurie. Je pense avec plaisir au plaisir que vous donnent vos enfants et petits enfants. Je ne suis pas selfish. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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28 Bruxelles le 12 avril 1854

Il y a huit jours vous étiez là encore à déjeuner vis-à-vis de moi. Ah mon Dieu quand ? Un nouveau bonheur. Ellice & Marion arrivent à Paris aujourd’hui ou demain. Ils demeureront à l'hotel Windsor rue Rivoli. Le retrait des reform bill par Lord John assure la durée du ministère. J'ai eu hier des nouvelles très intimes de Berlin. Le parti de la guerre l'emportera. Le roi ne résistera pas longtemps & la Prusse nous fera la guerre. On n’en doute pas. Je ne sais si nous savons cela tout-à-fait.
Hier Brunnow, Vilchonsky [Chreptovich], [Brockhausen], Howard le matin. Le soir Van Praet, [Brockhausen] encore & Labensky, un temps superbe. Lord Howard me dit que c’est parce que notre ouverture est venue par l’entremise de la Prusse qu’elle n’a pas pu être accueillie en [Angleterre]. Mauvaise excuse, ce qui a plus de valeur, c'est que la forme de traité avec la porte ne peut pas être admise ce serait du protectorat et on nous l’a dénié à nous. Or, nous affirmons que la porte n’est tenue à rien tant qu’elle ne se lie que par firmans. Howard dit que l’émancipation complète sera obtenue aussitôt les troupes débarquées à Constantinople. Adieu. Adieu.
Toujours le soleil ! Adieu. Le ministère danois a été obligé de se retirer parce qu'il était Russe.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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26 Bruxelles le 10 mars 1854

Bual en apprenant nos propositions a dit, il est trop tard. L’Autriche ne se prononce pas encore hostilement mais elle aime à nous laisser dans l’inquiétude. Meyendorff est dans son lit de colère et de vexation. Brouillé tout-à-fait avec son beau frère. Tout a très mauvaise apparence. Ce que vous me dites de votre anglais ne présente pas une perspective passable prochaine. Ah mon Dieu que notre joie aura été courte ! A point seulement pour m'empêcher de pleurer quand je me suis séparée de vous. Mais que de soupires je pousse depuis.
Hier un arrivant russe de Vienne. Mad. Barrot, [Chrepto vitch] [Brockhausen] Van Stratten, je n’ai pas vu autre chose. J'oublie Kisseleff cinq minutes pour une commission indirecte. Même froideur de mon côté. Brunnow m’a parlé de lui, du repentir. Et bien qu'il le montre. La commission c’était Mercier lui écrivant de Dresde à propos d'une dame de compagnie, un écho de Mad. Bilinska. Grand commérage déjà. Seebach passera par ici demain se rendant à Dresde. Ah mon Dieu que les jours sont longs.
Vous ne me dites pas si vous avez reçu tous mes N° avez-vous eu le 23 ? Sans importance mais for regularity's sake.
Le Maréchal Paskevitch a des pleins pouvoirs prodigieux militaires et diplomatiques. Il commande tout depuis la Crimée jusqu’à la Baltique et prendra une résidence centrale d'où il dirigera tous les mouvements. Pétersbourg est trop loin. Nous nous replions sur nous-même abandonnant tous les postes exposés. Je crois vous avoir déjà dit cela. Je me souviens d'avoir l'année 34 proposé à l’Empereur de faire cadeau à quelqu’un des îles d'Ossil et Dago. Habitées par des sauvages, car j'en avais vu à bord du bâtiment où j’étais sur la Baltique. Nous avions pensé échoué là sur des rochers, et ces animaux étaient venus nous porter secours. Une honte d’avoir de pareils sujets si près de la capitale. Adieu. Adieu.
Que deviendrai- je sans vos lettres ! Pas un moment de soulagement pour mon esprit dans toute une longue journée. Et Paris, si beau si charmant, si vert, si animé, l'air si doux, et la causerie ! et vous deux fois le jour, quel paradis. Adieu.

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25. Bruxelles dimanche le 9 mars 1854

Le protocole signé à quatre a une grande valeur en ceci, qu'il témoigne l’accord avec les Allemands après là déclaration de guerre. Voilà l'importance de cet acte, car du reste je crois qu'il ne fait que confirmer les précédentes. Nous avons en effet proposé tout ce que vous savez et que disaient les journaux. " Si l'émancipation des Chrétiens est garantie par traité " & & Mais cela ne peut être qu’un acte de Sultan, ainsi pas de traité. Les affaires intérieures ne peuvent pas être réglées par des étrangers, il y aura des firmans, pas de traité. De cette façon notre proposition n’est pas acceptée. Repoussée à Londres, elle le sera à Paris. Reste l’idée d’un congrès tenu à Berlin. On en prend acte pour l’avenir, & c'est un progrès, car nous n’avions jamais voulu entendre parler de cela. Ce serait pour la question religieuse seulement. Voilà où en sont mes nouvelles.
Brunnow, Labensby, Kisseleff le matin. Celui-ci exactement embarrassé, et moi très froide, il n’est pas resté longtemps. Brunnow m’a vu dîner. Le soir Van [Praet], & [Brockhausen] ma promenade au bois, et toujours le beau temps. Il commence ainsi à m'ennuyer. Adieu. Adieu. Avez-vous entendu parler du Pce de Ligne. Adieu.

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24 Bruxelles le 8 avril 1854

[Brockausen] n’a pas reçu son courrier encore. Cela prouve qu'on veut lui envoyer les choses faites. Ces choses sont un nouveau protocole à 4 plus obligatoire pour les Allemands que les précédents, mais sans aller encore jusqu'à l’action. On commence à douter tout-à-fait des propositions pacifique de mon Empereur. Hélas, que nous avons été enfants de nous réjouir !
Voici votre lettre, bonne longue, intéressante. Constantin m'écrit. Pas un mot des nouvelles propositions. Nous irons jusqu'au rempart de Trajan, pas au-delà. Nous démantelons ou détruisons toutes les places que nous ne pouvons défendre. Nous avons fait cela en Circassie. Nous le faisons dans la Baltique. Alaud ne sera pas défendu, les ouvrages ont été détruits. Que de sacrifices déjà !
Hier le bois de la Cambre. Le soir Brokham, [Chreptovitch], le fidèle Van [Praet], Dalabier. Une journée comme toutes les journées, pesant bien lourdement sur le coeur et sur l'esprit. Ce beau temps m'agace. Paris doit être si beau ! Je voudrais me figurer qu'il y pleut. Mettez donc comme je fais un petit morceau de papier dans l'enveloppe, entre le cachet & la lettre. La vôtre est toujours collée au cachet. Voilà une des choses intéressantes que j’ai oubliée de vous dire ici. Il y en a d’autres meilleures. Si l'on vous parle de Kisseleff et de moi, je vous prie de ne pas vous gêner et de dire la vérité. J’espère bien que vous n'avez pas parlé de ce qui m’a tant occupé les derniers jours. Tout devient clabaudage aujourd’hui. J’aime bien votre forme de gouvernement, le silence. Croyez-vous franchement qu’un français puisse s'empêcher d’être indiscret. Je n’ai presque pas vu mon fils depuis votre départ. Je ne sais ce qu’il devient. Constantin croit à la neutralité arrivée de toute l’Allemagne mais rien n'était signé encore. Adieu. Adieu. Et Adieu.

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23 Bruxelles le 7 avril

Je vais vous quereller. Vous vous faites meilleur que moi en cas. Vous me dites : " Malgré ce qui me manque, je jouis de ce qui m’est donné. " Faites moi l’amitié de me dire ce qui m’est donné. Mais je sais que vous avez un home, des enfants, et des yeux.
Hier soir, Brunnow, Van Praet, Le prince de Ligne & Mad. Villers qui me raconte son dialogue à dîner avec le Maréchal Vaillant. La promenade au bois avec Hélène a été bien sérieuse. Je me suis fait lire la discussion. Chasseloup a bien parlé. Montalembert a été bien imprudent. Je conçois que tout ceci ait fort animé Paris pour un jour. Je n’ai pas un mot de Constantin. Je ne conçois pas cela. Brockausen attendait encore hier au soir le courrier de Berlin qui devait passer ici le 3. Des lettres de Pétersbourg disent que l’[Empereur] a dit à la table ronde chez sa femme. " Je puis très bien m’arranger avec les Turcs s'ils imaginent les Chrétiens, mais avec les Anglais c’est autre chose." Adieu. Adieu.
Je suis plus triste aujourd’hui qu'hier cela ira comme cela. Adieu & Je vous écris par le Pce de Ligne. Dites moi si vous avez reçu ce N°.

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22 Bruxelles jeudi le 6 avril 1854

J'ai eu du courage tout le jour. La nuit, non, mon chagrin est aussi grand que ma joie avait été grande. Je me retrouve plus seule que jamais, et triste, triste. J’ai vu Brunnow longtemps. Il doute de la nouvelle. On a dit me dit que Kisseleff : " Qu’est-ce que nous font les Chrétiens." C'est à Van Praet qu'il a dit cela. C’est un sot. Brunnow convient que si elle est vraie elle peut & doit mener à tout. Le public de ce pays-ci était hier en extase. Le soir Van Praet & Lebeau, un doctrinaire. Certainement de l'esprit et hier en grande coquetterie. Ils sont drôles ici, ils me prennent pour un bel esprit.
Dites-moi je vous prie vos idées sur la nouvelle de Berlin. Brockhausen m'envoie le journal semi officiel qui la contient. Cela a l’air bien vrai, il me semble impossible que cette avance ne soit pas accueillie avec joie mais que de chemin à faire encore avant que cela aboutisse. J’ai écrit à Ellice ; ignorant. qu’il vienne à Paris, je dis quelques paroles qui pourraient toucher Marion. J’attends quelque chose de votre entrevue avec elle. Au fait vous pourriez bien lui rappeler qu’elle a lutté avec ses parents quand il s’est agi de venir chez moi, pour leur plaisir à elles, qu’elle pourrait bien lutter aussi quand cela devient une charité pour moi, et que je ne mérite pas cet abandon. Enfin, je suis sûre que vous direz ce qu'il faudra. Me voilà à cette même. table où nous étions il y a 24 heures. Mais votre place est vide. Cela me serre le cœur, et je suis prête à pleurer. Ah que votre visite m’a fait de joie et laissé de peine. Adieu. Adieu.

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16. Bruxelles le 19 mars. 1854

Je pense que ma lettre vous trouvera encore avant votre départ. Cela m'ennuie que vous soyez plus loin de moi pendant 4 jours. Ah que les jours sont longs pour moi. Quel supplice que cet exil, et quand finira- t-il. Nesselrode écrit : " la lutte sera longue. Les préparatifs chez nous sont énormes, il n’y aura pas moyen de nous entamer." Qui se lassera le premier ? Je doute que ce soit nous. Entêtés, éloignés et barbares. Il ne me paraît plus qu'il puisse être question d’arrangement. L'Angleterre veut l'annulation des anciens traités. Jamais nous n'accorderons cela à moins que le nouveau nous vaille mieux et cela n’est pas possible. J'ai beaucoup de doutes sur les Allemands. La Prusse nous donne des bonnes paroles qui déplaisent beaucoup à Londres & à Paris. Elle ameute les états secondaires, la Saxe, la Bavière, le Wurtemberg, et voudrait qu'avec l’Autriche, l’Allemagne fédérale déclarât sa neutralité ; c’est bel et bon, mais si l'[Angleterre] va ravager les côtes de la Prusse, & la France fait avancer ses bataillons, je doute qu’on reste neutre. Tout cela est une énorme affaire, et qui se présente vraiment comme la fin du monde. Je suis bien triste.
Le soir j’ai toujours Van Praet, et quelques diplomates, le mien qui n’est pas brillant. Je suis très au courant de tout ce qu'on sait ici. Et mon rôle est comme à Paris la confidente de tout le monde. Mais la causerie où est elle ? Adieu. Adieu.
Je coupe Cromwell c’est encore tout ce que je puis faire, mais je tombe sur des sublimités toujours.

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15 Bruxelles le 18 mars 1854

Je vous ai écrit hier par une occasion. Au fond les occasions sont des bêtises c’est toujours plus incertain et plus lent que la poste, et comme je ne me compromets pas en disant ce que je pense, parce que je pense très bien, on me dit quelquefois trop bien, j'en resterai à l’ordinaire. Rien de nouveau. Mon neveu a reçu l’ordre de rester à Berlin, cela me fait plaisir. Il est évident que le rappel était de la bouderie pour la cour de Prusse, & que l’ordre contraire prouve que nous sommes content d’elle. L’Empereur est allé à Sveaborg. Je crois vous avoir dit cela. Une énorme activité dans nos préparatifs maritimes. Je crois qu'on se fait des illusions à l’Occident. Nous sommes & nous serons très forts et très persistants, et toujours plus forts à la longue. Ah mon Dieu qu’on fasse donc que cela soit court.
Pas de Brunnow encore ce qui est drôle. Votre empereur me disait " quelques coups de canons & tout sera fini." Que je voudrais qu’il eût dit vrai ! Van Praet tous les jours. Brouckère souvent. Tous les diplomates presque quotidiens, voilà mon régime. Pas de conversation comme était mon habitude, ah que je ferais des coquetteries à la moitié des derniers de ceux que je voyais tous les jours ! Je pense même à Chasseloup Laubat. Adieu. Adieu.

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14. Bruxelles Vendredi le 14 Mars 185

Il se fait un grand travail pour disposer mon empereur à se reconnaître satisfait, le cas échéant de l'émancipation religieuse et civile des Chrétiens à laquelle la France & l'Angleterre travaillent activement à Constan tinople. Il serait fort utile que vous m'en disiez un mot dans votre prochaine lettre. De ces paroles qui frappent et comme vous seul savez les dire. Beau rôle à jouer que de rendre la paix au monde, et d’attester par là que ce n’est ni son ambition ni son amour propre dont il recherchait la satisfaction. S’il dit " Je suis content & je le prouve en sortant des principautés", tout est fini, tout le monde est heureux, & si l'Angleterre osait ne pas être satisfaite c'est contre elle qu'on se retournerait. Voilà l’opinion de mon long tête-à-tête l’autre jour. Le Roi a reçu une excellente lettre de mon empereur. Elle atteste son désir à présent, toujours de faire la paix. J'y vois ainsi une grande confiance dans les opinions du roi.
Je vous prie causez avec moi familièrement sur le texte que vous dis. Grand à propos. Voici votre lettre et vous me dites tout juste ce que je vous demande. Cependant je veux encore ; même familiarité de style, et puis du stimulant sans rien de blessant. J’ai envoyé votre N°16 qui était bon et utile, la critique de nos prières. Il faut que nous écoutions la vérité. S’il n’y avait pas des sifflets j'enverrai celle-ci aussi. Les autographes font toujours meilleur effet que les copies quand il n'y a rien de préparé, ainsi pas de princesse.
Votre projet de visite m'enchante ! Barrot vient me voir souvent, & me prie de vous offrir ses hommages. Vous le confondez avec son frère. Il n’a jamais été député. Il s'appelle Adolphe et a longtemps servi sous vos ordres, il parle de vous avec beaucoup de respect et de reconnaissance. Lord Howard vient beaucoup aussi, je suis très bien avec tous les deux. Ils ne voient plus du tout Chreptovitch & Kisseleff. Celui-ci a fini avec moi complètement ; c’est incroyable. Vely Pacha est ici logé sous le même toit que moi et toute la Russie car il y a K. Hélène, mon fils & deux autres familles Russes. Lady Palmerston m'écrit de bonnes lettres affectueuses. Ah que je vais me réjouir de vous recevoir. Comme je me sens triste du présent, de cet avenir si incertain si sombre, car je n'ose rien espérer, les proportions de cette guerre peuvent devenir énormes. Cela fait frissonner. Brunnow n’est pas arrivé encore. Dépêches et lettres s’attendent. Adieu. Adieu. Merci mille fois de Cromwell.

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12. Bruxelles mardi le 14 mars 1854

Vous avez bien de l’esprit, et j'en ai aussi. Votre critique de nos deux dernières pièces est précisément ce que j'en ai pensé et dit. J’aime bien ces rencontres. J’enverrai votre lettre plus loin, il est bon qu’on entende chez nous la vérité. Ah que tout cela a été mal conçu et mal conduit.
Mes yeux vont un peu mieux, mais ma tête, mon cœur, et toute ma santé générale ! Avec quelle tristesse je me réveille et je m’endors. Dans une vie si avancée retrancher tant de mois de jouissance, de bonheur ! Meyendorff a dit à Vienne : " Si la porte accorde l'émanci pation des Chrétiens, il n'y a plus de question d’Orient. " That is sensible. Qu'ils accordent donc il paraît trop qu'on s’était pressé ici de croire que c'était fait, ils n'ont obtenu encore que l'égalité devant les tribunaux et encore cela n'est pas tout à fait complet. Morny me mande que St Arnaud va à Vienne. Le sait-on ? On prend à Paris très bien la nouvelle attitude de la Prusse. Elle nous est favorable en tant que tout-à-fait neutre. Le temps ici est magnifique, mais je ne jouis de rien. Comment jouir quand on pleure. Adieu, des lettres, des lettres. Adieu.

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11 Bruxelles Dimanche le 12 mars 1854

Je vous en prie ne m'écrivez pas sur du petit papier. Cela m’attriste. Voilà l’émancipation des Chrétiens consentie par les Turcs, c.a.d. plus que nous n’avions demandé pour les Grecs. Comment mon Empereur laissera-t-il échapper cette occasion de se déclarer content & de finir cette misérable querelle ? Vous devriez bien m'écrire ce que vous pensez de cela. Greville est très animé si le congrès russe de Bruxelles pouvait venir à la paix l'Angleterre seule n’en voudrait pas. Elle veut l'humiliation, l'abaissement de la Russie. Il y a eu une vive scène entre Clarendon & Brusen (ce n’est pas de Gréville que je le tiens) le prussien annonçait la neutralité résolue de la Prusse. On en est venu aux gros mots, il voulait chasser Brusen d'[Angleterre]. Walewski a apaisé l'orage. L’Autriche sans être aussi explicite que la Prusse, ne sera pas non plus féroce. Elle ne nous fera pas la guerre. Je crois, mais je prends cela de ma seule tête que la première opération navale sera une attaque sur l'île d'Aland. Cette position commande Stockholm. Nous y avons fait de grands travaux. Dans huit jours la flotte Anglaise sera dans la Baltique.
Je me sers de mes yeux comme vous voyez, mais j’ai tort. L'ultimatum anglo-français a dû arriver à Pétersbourg hier. Adieu. Adieu. Tâchez de savoir comment Castel bajac a été reçu et s'il a été reçu ? Le premier venu diplomate vous dira cela. J'oublie qu'ils ne se trouvent plus sur votre chemin.

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10 Bruxelles le 11 mars 1854

La Prusse envoie à Paris le prince de Hohenzollern Sigmaringen pour expliquer la conduite qu’elle adopte. Elle appuie jusqu'à un certain point la demande d'Évacuation immédiate des [principautés] mais elle ne va pas si loin que l'Autrice & l’Autriche pas aussi loin que Londres & Paris. Berlin veut rester neutre et en démontrer la nécessité pour elle et l'utilité pour les autres, Le général Gracben est envoyé à Londres avec une semblable mission. Le parti anglais & libéral, le prince de Prusse en tête est fort mécontent de cette résolution, & Berlin reste très agité entre tous les partis. Ce petit congrès russe qui va se trouver réuni à Bruxelles fait l’étonnement de tout le monde, le mien aussi, & le désespoir de Creptovitch, & peut être de l'embarras pour ici. Je ne comprends pas ce que nous voulons, & faisons. Il y a longtemps que je n'y comprends plus rien. On me dit que nous poursuivons l’idée de la paix. Que vous ne voulons pas nous croire en guerre. Est-ce de la comédie ? de la vérité ?
Je n’ai pas des yeux pour lire notre memorandum ; l'avez-vous lu ? Qu’en dites-vous ? La Reine d'Espagne a rappelé de Londres son ambassadeur parce qu’elle ne veut pas qu'il réside dans un pays où la presse injurie sa personne royale. C’est les articles du Times qui sont cause de cette incartade. Je vous étonnerai bien quand je vous raconterai les procédés de [Kisseleff]. pour moi. Une magnifique ingratitude. Je suis comblée de politesses ici de tous les côtés. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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9 Bruxelles le 9 Mars 1854
Jeudi

Je vous prie écrivez-moi toujours où vous allez le soir. Je pense sans cesse à tout. Voici mes nouvelles. Nous avons envoyé à Vienne des propositions sur lesquelles on délibère là, & qui ont en attendant fait ajourner l’envoi de l’ultimatum anglais français. Vous savez que l’Autriche & la Prusse étaient invitées à s’y joindre. La Prusse ne le fera pas, l’Autriche, oui mais avec des modifications. On n’a donc pas envoyé cet ultimatum encore. Il est venu hier un courrier de [Pétersbourg] : nous désirons fort éviter la guerre. Comment cela sera-t-il possible après tout ce qui s’est fait et dit ?
Je fais mal à mes yeux en vous écrivant. Quel désespoir que mes yeux. Quel horrible climat que ceci, et quel ennui de toutes sortes. Kisseleff a l'ordre de rester indéfiniment ici, & Brunnow d'y venir pour y rester aussi. Nous ne voulons pas encore entendre parler de guerre. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857) ; Guizot, François (1787-1874)
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7. Bruxelles Le 5 mars 1854

Je vous écris un mot pour vous prévenir que Madame Hatzfeld aura à vous remettre une lettre. Je la croyais partie hier & j’apprends que ce n’est que demain qu'on vous l’envoie. J’ai vu des lettres de Berlin selon lesquelles la Prusse nous reste très fidèle. Quant à l’Autriche, il y aura plus à la surface qu’au fond, et on aurait tort de se trop fier [à] l'exaltation de Hubner. L'air est bien froid ici. J’ai passé ma soirée hier seule avec Van Praet. Je me couche de bonne heure. Hélène se promène avec moi en voiture. Mon fils va et vient. Les diplomates viennent tantôt le matin, tantôt le soir. Il n'y a pas de quoi composer un salon ici et jusqu’à présent je n’y ai pas goût. Adieu. Adieu, tous les jours mes regrets sont plus grands, plus profonds. Adieu.
Je crois que je me suis trompée de N° & que ceci est 7.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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6. Bruxelles samedi 4 mars 1854

Votre lettre d’hier reçu à mon réveil m’a fait du bien. Un coeur ami pense à moi aujourd’hui. Triste, triste jour, et lorsque tout est si triste ! Le vide autour de moi. Ce que vous me dites sur mon compte est bien vrai. Je suis surprise que vous m’aimiez puisque vous me connaissez si bien. Ah que je me sens malheureuse et aujourd’hui avec redoublement.
Je ne sais aucune nouvelle de l’extérieur, Van Praet n'en avait pas hier soir. Il est très soigneux de moi, et voudrait me distraire. Il m’a amené hier le général Charal. Belle figure, bonne tenue & bonne conversation. Je vous ai dit que Brokham le prussien est mon favori. Tous les autres le mien inclus sont bien peu de chose. Je suis prés de Paris voilà tout le mérite de Bruxelles.

4 heures. On m'annonce. une occasion Prussienne. Je voudrais avoir quelque chose à vous mander, mais il n’y a rien. Je ne sais si vos journaux donneront la lettre de mon empereur ; dans le doute je vous l'envoie. Elle me semble bien modérée, et attestant encore le dîner de la paix ; c'est beaucoup après le ton provocateur de la lettre de l'Emp. Napoléon.
M. Barrot est venu chez moi aussi, c’est le dernier diplomate qui me manquait. Il me plait parce que c’est un français. Ah que j'aime les Français ! mes yeux ne vont pas bien. Le roi Léopold voulait me voir chez lui au Palais. J’ai refusé, ce n’est pas dans nos mœurs. J’irai à Laken un matin. Dans ce moment il est dans son château des Ardennes. Il ne peut pas de son côté venir dans une auberge. Pourrez-vous me dire ce que vous pensez de la lettre de mon empereur ? Je la trouvé vraiment bien faite, mais j’en serai plus sûre si vous me le dites. Hélène vous dit mille souvenirs. Adieu. Voici aussi le manifeste.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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1 Bruxelles Vendredi 24 février 1854

Ah que j'ai de tristesse dans l'âme. Quel triste voyage ! Et quelle fatigue. Je ne suis arrivée qu’à 10 1/2 Chreptovitch était à la gare pour me recevoir. Je n'ai encore vu que lui. Je vous écris de bonne heure.
J’ai eu une lettre de Berlin. On a à peu près chassé Seymour sans vouloir le voir. Son collègue Castelbajac a été comblé et après avoir ici son audience, c’est l'Empereur lui même qui lui a remis ses passeports & lui a dit ensuite. Puisque vous n'êtes plus le représentant de la France, laissez-moi vous remercier de la conduite noble & chevaleresque que vous avez su tenir dans cette triste affaire. Il lui a remis lui- même alors les insignes de l'ordre de St Alexandre accompagnés d'un écrit de sa propre main. En disant adieu, le général a fondu en larmes.
Ecrivez-moi beaucoup. Chreptovitch dit qu'un on ne sait rien, absolument rien. Il ne fait pas froid & je suis assez bien logée. Adieu, donc & encore. Adieu, quel malheur de vous avoir quitté, d’avoir quitté tout !

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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89 Paris le 14 Novembre 1853

Certainement tout et au plus noir, & vous ne tenez pas vos promesses. La guerre. générale est inévitable. L’article du Moniteur a paru à tout le monde très provoquant. Il donne un démenti à l’Empe reur Nicolas et l’on s’attend généralement à ce que cela empêche [Kisseleff] d’aller à Fontainebleau. Je ne suis pas de cet avis du tout. Il faut qu'il aille. Il ne doit pas commencer la guerre.
On reste sans nouvelles. Je n'ai pas besoin de vous dire dans quelle agitation je vis. Je vous attends avec impatience, mais vous aurez de la peine à me remettre en équilibre. On est très à la paix à Londres à ce qu’on dit, mais qu’est-ce que cela signifie ?
L'Angleterre a épousé la France et fera sa volonté. Celle-ci a pris un élan belliqueux. Elle eût préférée peut-être la paix, mais la guerre aussi lui convient. Nous avons très bien fait vos affaires, celles de votre Empereur.
Adieu. Adieu, ma dernière lettre donc, à moins d'un gros événement.

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87 Paris jeudi le 10 Novembre 1853

Les nouvelles hier étaient très mauvaises dans un engagement entre 12,000 turcs & 9000 russes ceux-ci auraient. par être battus. Le combat fini aurait duré toute la journée du 5. On a épuisé la poudre des deux côtés, on a été réduit à se battre à l’arme blanche et c'est là où le nombre l’a emporté. C’est aux aff. étrangères qu'on donnait ces détails et avec beaucoup de tristesse parce que cela ne laissait plus d'espoir pour les négociations. Le combat a eu lieu près de Silistrie. Je vois que le Moniteur n’en parle pas ce matin. Il faut attendre. Je me trompais le Moniteur en parle. J’ai encore une lettre de Meyendorff, sans grande importance. Il compte sur la neige & le manque d’argent. Les gens venus d’Afrique & d'Asie n'endureront pas la première & tout le monde criera contre l'autre. Dans 2 mois révolte au camps turc. Moi je ne compte plus sur rien que sur la bêtise des gouvernements, right and left. C’est la plus triste & la plus sotte affaire ! Dans ce moment arrive le Manifeste russe du 21 octobre 2 novembre par lequel nous acceptons la guerre, & recourons à la forme des armes " pour obtenir réparation des offenses par lesquelles la Turquie a répondu à nos demandes modérées, & à notre sollicitude légitime pour la défense de la foie orthodoxe en Orient. "
Je copie des journaux étrangers, je suppose le manifeste vrai. C’est bien engagé. On me dit que le langage à St Cloud est devenu très belliqueux. Les journaux le sont. Voilà un triste hiver qui commence. Le froid est venu aussi. Adieu. Adieu.
J’ai vu hier soir Noailles & Berryer. Oiseaux de passage Dumon est fixe, & je le vois tous les jours.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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86 Paris Mardi le 8 Novembre 1853

Reeve est arrivé à Londres. Très sensé et ayant très bien vu toutes choses. Les Turcs se croyant sûrs qu'on les secourra énergiquement à la dernière heure, ne veulent plus entendre parler d'accommodement et croit que qu'au bout Radcliffe n’est plus écouté. Il n’a pas pu venir avec de la cour. Il se brouillera d'emblée avec Baraguey d'Hilliers. Mon correspondant de Londres a beaucoup de soupçons & on ne comprend rien à la mission de votre nouvel ambassadeur, et au cortège menaçant qui l’accompagne. On ne devine pas l'Empereur, le vôtre. On se tient sur ses gardes tout en vivant bien avec lui.
Voici votre lettre. Je crois à tout ce qu'on vous dit sur Lord Palmerston. Pacha est prié pour le 22. Je ne sais pas ce que veulent dire les répugnances de mon Empereur. Il est très pacifique mais il ne cédera rien sur le fond de ses prétentions. J’ai passé hier ma soirée en tête à tête avec Fould. Je n’avais absolument personne. Il a l’air fart tranquile, tout ce monde, le maître inclus, est content de sa situation et n’espère qu’à la faire durer.
Il n’y a pas de nouvelle du théâtre de la guerre. Si elle traîne comme les négociations il y a de quoi s’endormir. Hübner va à Fontainebleau le 14, jusqu'au 18. Kisseleff le 18 jusqu'au 22. [?] Pacha est prié pour le 22. Adieu. Adieu.

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83 Paris le 1er novembre 1853

Les nouvelles sont meilleures. [Greville] m'écrit de Londres qu'on venait d'y recevoir une très bonne communication de Nesselrode à Bual, très pacifique & facilitant. En même temps Radcliffe s'agite et de très bonne foi pour arriver à une bonne conclusion. Il venait d’accoucher d'une nouvelle note acceptable. Sur cela doit être arrivé un autre projet de Londres fort semblable à celui du Radcliffe, et on ne doute presque pas à Londres d’un bon résultat. C'est à la demande de Radcliffe que le sursis a été ordonné. Cependant qui sait ce qui se sera passé sur le Danube ? Je ne suis pas tranquille encore, mais beaucoup moins inquiète. Baraguey d'Hilliers n'était pas encore parti hier. Il amène beaucoup d’officiers. Ce serait de la comédie si les affaires sont aussi avancées qu'on le dit. Je ne doute pas que Léopold n'ait beaucoup travaillé à Londres, et là est le point essentiel puisqu'ici on ne fait qu'obéir. Je vois assez les Cowley. Les autres n’aiment pas à venir le soir, ils craignent les questionneurs, je les vois le matin. Adieu. Adieu.

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82. Paris le 31 octobre 1853

J'espère que votre rhumatisme sera passé quand vous recevrez ceci. Cowley que j’ai vu hier on dit qu’on a élaboré une nouvelle note à Constantinople et que c’est en conséquence de cela que les ambas sadeurs ont obtenu un sursis aux hostilités. Ce n'est donc que demain qu'on commence si l’aventure devant [?] n’est pas regardée comme la guerre. Ce n’est pas nous qui avons tiré les premiers. Nous avions le droit de naviguer sur ce point, il est au-dessous de l'embouchure du Pruth. Il me paraît que les flottes ne feront rien à moins que nous ne franchissions le Danube. Si nous le passons ce sera cas de guerre pour l'Angleterre et pour Cowley est la France, convaincu que jamais nous ne sortirons des principautés. Baraguey d’Hilliers part ce matin avec un personnel considérable. On s'agite beaucoup ici, mais on fait un peu comme vous on ne croit pas encore à la guerre. Quand je pense que depuis 6 mois, chaque pas fait pour la détourner y a mené tout droit je ne puis pas concevoir qu'on se livre à l'espérance du contraire.
En attendant je ne dors pas. Sur huit nuits blanches j'en ai une passable. Adieu. Adieu.

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81. Paris Samedi le 29 octobre 1853

Lord Cowley est venu causer longtemps avec moi. Il me reste de cette conversation l'impression positive que les Anglais nous attaqueront sur la mer noire. Il ne me l’a pas dit, mais c’était trop devinable, et au besoin j'en ai eu la confirmation par Morny, qui a l'air de le craindre aussi. La nomination de Baraguey d'Hilliers a un air très belliqueux aussi, et a fait cet effet généralement. Hier on a parlé de 20 m. hommes qui allaient être embarqués. Je ne sais pas ceci de source Vous voyez que je suis peut être à la veille de quitter Paris. Kisseleff y est tout préparé. Vos pressentiments sont en défaut. C’est la déroute de la raison. J'ai beaucoup écrit hier car j'avais beaucoup à dire. J’ai vu Fould aussi, tous les revenants de Compiègne se sont empressés de venir me voir.
Je passe de mauvaises nuits mon avenir n'est pas drôle. On me dit que Drouyn de Lhuys a ignoré la nomination de Baraguey d'Hilliers. Les courtisans même disent de lui que c’est un querelleur, un brise raison. Voilà le bon côté, il tuera peut-être Radcliffe. On dit que ce sont des réminiscences de l’Empire qui ont dicté le choix, Sébastiani défendant Constantinople. J’aurais beaucoup à vous dire, mais c’est difficile à écrire. Adieu. Adieu.

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77 Paris le 21 octobre 1833

Il n'y a rien de nouveau décidément Charles 3 ne m'écrit plus. C’est bien dommage, et comme je ne vois pas Cowley, il est pour tout le temps à Compiègne, il en résulte que je ne sais pas un mot de Londres. C’est cependant le point intéressant puisqu'il mène Paris.
Persigny dit : " Nous ferons le coup d’Etat Européen aussi facilement que celui de Paris. " J’ai vu hier Ste Aulaire, Noailles & Montebello. Ils ne m'ont rien appris. Si non qu'on a fait une descente chez Mad. [Banchy] et qu’en saisissant ses papiers on lui a fait compliment sur sa belle écriture. On disait ici que la reine Amélie était hors d’affaire. Votre lettre contredit cela. Hélène Kotchoubey est partie ce matin pour Gand où l’attend la grande Duchesse. Je saurais des nouvelles à son retour Lundi. Adieu. Adieu car Je n’ai vraiment plus rien.

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76. Paris le 19 octobre 1853

Hübner est fort exalté & content. Son gouvernement reste neutre et le proclame, et fort de la promesse formelle que lui a donné l'Empereur Nicolas de respecter l’intégrité de l’Empire ottoman, l’Empereur d’Autriche réduit son armée du quart. Il fait sonner cela très haut. Ceci est la réponse aux soupçons qu’on avait conçus ici de la triple alliance à Varsovie. Cela me touche peu.
Je n’ai pas la moindre nouvelle de Londres, sauf une lettre spirituelle de la G. D. Marie où elle me dit qu’elle trouve nouveau et drôle d'habiter un pays ennemi.
Dumon m’a dit hier soir, que M. Bansky était très inquiet de la reine Amélie. C’est une pleurésie dont elle est atteinte. Marie Mensingue arrive avec la G. D. Stéphanie. Beaucoup de nouveaux diplomates sont priés à Compiègne, mais toujours Kisseleff & Hübner exclus. Est-ce à Broglie ou au Val Richer que je dois vous adresser ma lettre vendredi ? Il fait bien laid ici et froid. Viel Castel est parti pour 3 semaines. Grande perte pour moi. Adieu. Adieu.

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74. Paris le 15 octobre 1853

Je n’ai vu hier que Molé, Dumon, Vitet, Montebello, tout cela veut apprendre & je n'ai rien à dire, car depuis deux jours on ne sait rien. Molé n'était en ville que pour une heure et pour ses yeux pas même pour Kalerdgi. Je crois qu’on essaie une nouvelle note, qui, quoi je ne sais pas. On voudrait je crois un congrès, mais nous n’en voudrons pas. C’est surtout à Londres et à Paris qu’on y pense.
Hélène Kotchoubey vous écrit. Si vous regardez mes lettres, vous n’y trouverez pas que je vous ai donné le conseil de lui écrire comme vous me le dites. Je ne vous aurais pas infligé cet ennui. En tous cas elle vous est bien reconnaissante de vous être occupé d'elle. Comment adresse-t-on à Broglie ? On dit ici depuis quelque jours que le comte de Chambord & le duc de Nemours se sont vus. Est-ce vrai ? Le temps est beau ici aussi. Je doute que cela dure. Adieu. Adieu.
Je ne sais pas un mot.

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73 Paris le 13 octobre

Pas la moindres nouvelle à vous dire. La G. D. Marie m'écrit pour me prier beaucoup de venir la trouver à Bruges la semaine prochaine. J’en aurais bien envie, mais ce serait une folie. Mon [Empereur] est retourné droit de Potsdam à Pétersbourg où il arrivera demain. Je ne sais si on essaye rien de ce côté-ci pour un arrangement.
Je croirais que non, & que tout reste abandonné au hasard et à des escarmouches comme dit Antonini. Balabini est arrivé. Vous savez qu'il était à Constantinople. La seule nouveauté que j’ai apprise par lui c’est que Menchikoff loin d’être insolent a péché par trop de platitudes. Les Turcs ont cru qu'il avait peur, & ils ont tout osé. Voilà du neuf. Balabini a toutes ses preuves. Adieu. Adieu car je n’ai plus rien.

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72 Paris le 11 octobre 1853

Le ministère disait hier que ses nouvelles étaient à la paix daté du 1er octobre de Constantinople, à la bourse on en avait de fâcheuses du 2. Le 4 la déclaration de guerre devait paraître infailliblement. J'ai une lettre de Potsdam du 8, on regardait comme très possible qu'il y ait un engagement en Asie & si les Turcs reçoivent des armes, la partie pourrait devenir assez égale. En attendant chez nous le langage est toujours à la paix, à la paix. Nous sommes toujours prêts à nous entendre & & Fould est venu hier, pacifique aussi, mais bien content du mariage anglais, on dirait l’Eternité. Je n’ai rien de Londres, mon correspondant est à la campagne.
Cowley est prié à Compiègne pour tout le temps, quinze jours. Hatzfeld pour quatre. Pas d’autre, sauf Poniatowski. Je vous ai dit que la G. D. Stéphanie y vient. Le roi Léopold va à Londres la semaine prochaine. Le meeting de Londres n’a fait aucun effet. Il faut écrire Pianezza. Je suis fort occupée, de visites, d'écritures, la matinée, la journée s’envolent. Adieu. Adieu.
On parle d'une nouvelle note, cette fois sans doute d'invention anglo-française. Je ne sais rien de précis.

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70. Paris Vendredi 7 octobre 1853

Je regrette que vous ne disiez rien à Lord Aberdeen, mais vos raisons sont bonnes. Seulement quelques grandes vérités bien frappées lui auraient peut-être donné courage. Enfin, tout est malheureux dans cette malheureuse affaire. Le projet de note d’Olmentz n’a pas été accueilli à Londres. On ne négocie donc plus, et on attend la bataille. Le déclaration de guerre des Turcs n’a pas parue encore. Elle ne peut pas tarder. C’est toujours de cela que dépend l’entrée des flottes.
Vous enverrez dit on 30 m hommes à Constantinople et huit mille de plus à Rome. Aujourd’hui meeting à la taverne de Londres, et réunion aussi de tout le Cabinet anglais. Les Anglais de toutes les classes sont très montés contre nous, je doute cependant que la guerre soit populaire ici. Elle ne l’est pas du tout. Tout à l'heure une lettre de Greville. On croit que les Turcs se seront arrêtés devant la dernière proposition d’Olmentz, cependant on doute, mais la déclaration de guerre n’est pas faite encore. Le conseil de Cabinet à Londres aujour d’hui sera décisif pour L. Aberdeen, il est possible qu'il se retire. Voilà à peu près la lettre de Greville. Le Times d’hier 6 est assez bon, plus disposé à ce qu'on négocie encore. Adieu. Adieu.

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68 Paris le 3 octobre 1853

Marion m’a dit que ses parents désiraient qu’elle passat Noël, avec eux ; j’ai trouvé naturel, j’ai dit tout ce que je m'étais proposé de dire sur mon remord du passé. J’ai été très affectueuse & résignée à cette séparation m'en remettant à elle de l'abréger. C’est tout en moi dont elle parle ! Je n’ai pas capitulé. Je remets à mes amis de faire comprendre que c’est bien long ! Vous y pourrez beaucoup. Il y a du temps jusqu'à l’événement. Merci de vous occuper de Monod. Les affaires se brouillent beaucoup. Je crois qu'il est venu une note austro prussienne adressée à Paris & à Londres. Elle a dû être remise hier. J’ignore encore l'accueil. Ici on ne fera que ce que voudra Londres, et là on est très monté & je crois décidé à la guerre. Les Anglais se croient trompés par nous & veulent se venger. Le pays tout entier est monté sur ce ton. Lansdowne d’abord très doux a changé de manière après avoir appris par Lord Cowley tout ce qui s’était passé.
J'espère encore que L'Empereur ici tâchera d'agir à Londres, il désire la paix vivement, mais il ne se séparera pas de l'Angleterre cela est certain, & si elle veut la guerre il la fera avec elle.
De notre côté nous ne comprenons pas cette nouvelle vivacité anglaise. Nous persistons dans notre dire, nos conditions pour évacuer les Principautés. Nous n’avons pas dit un mot encore des flottes à Constantinople.
Les trois souverains sont réunis à Varsovie, je crois du moins que le roi de Prusse y est allé aussi. L'entente est intime. Les Clauricarde sont venus me voir spontanément. Les anciennes relations très cordiales. ils sont très opposition au Ministère, ce qui fait qu'ils le sont moins à la Russie. Ils repartent pour Londres demain.
Mad. Kalerdgi est arrivée, elle m'explique un peu Pétersbourg. Au fond toute cette affaire est de l’invention de l’Empereur & pas du tout du goût de Nesselrode. C’est ce qui explique la marche boiteuse. Molé, Heeckeren , Noailles, beaucoup de monde hier soir. La rencontre de Kalerdgi & Molé touchante. C'était drôle. Tout le monde agité & croyant à la guerre. Savez-vous qu'une bonne lettre de vous à Lord Aberdeen ferait beaucoup d’effet dans ce moment de ces réflexions générales que vous savez rendre si frappantes. Lui aussi est ébranlé et penche pour la guerre, enfin je vous dis vrai, tout le monde y est en Angleterre & c’est imminent. Ecrivez, je n’ai pas revu Fould depuis la folie de son frère. Morny est de retour depuis hier. Il travaillera à St Cloud. Son Empereur est très sensé et très bon. Tous les autres détestables. Adieu. Adieu.

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67. Paris Samedi le 1er octobre 1853

Quel malheur que vous ne soyez pas pour un moment à Londres, ou pour deux mois à Paris. Aberdeen me paraît faire fausse route tout-à-fait. Il court à la guerre & tout de suite. Je m'étonne que vous n'ayez pas lu notre seconde dépêche même date que la première 7 sept. Intitulée examen des modifications turques, et qui donnait notre interprétation de la note de Vienne. On a trouvé à Londres & ici que cet examen ramenait la question à la proposition Menchikoff, et dès lors on a pris fin. Tout le monde même impartial ici on a porté le même jugement. C'était dans tous les journaux. C’est sur cela qu’est venu la recrudescence & l'impossibilité de s’entendre.
Le Cabinet Anglais est convoqué pour après demain le 3. On fait revenir la reine le 5. Ce sera pour la déclaration de guerre ou la convocation du Parlement. Les meetings vous se succéder. Tout le monde est à la guerre en Angleterre. Le mot d’ordre est que la Russie a voulu duper les Anglais. Lord Lansdowne tient le même langage. Il a vu hier l’Empereur, & part demain. Il était ici hier soir, monté contre nous, tout le monde est fou. Le ministère anglais est très uni, il n’est pas question de changement. Constantin m'écrit d'Olmentz grande intimité. Les trois cours dans la plus grande entente. Mon [Empereur] très poli pour les off. français. Il les a invités à Varsovie.
C’est dans le journal des Débats du 24 sept. que vous trouverez la pièce diplomatique qui fait aujourd’hui l'objet de la querelle. Benoist Fould est devenu subitement fou. On dit qu’Achille Fould va quitter le ministère pour prendre la direction de la maison. C'est à la bourse que se débite cette dernière nouvelle. La première (la folie) est positive. On parle d'envoyer 30 m. hommes occuper Constantinople comme on occupe Rome. Croyez- vous cela ? On ajoute que dans ce cas l'Angleterre irait occuper Alexandrie et le faire ! Strange times. Adieu. Adieu.
J’avais hier soir Molé, Lansdowne, Montebello, Kisseleff, d'autres diplomates. Mon salon se reforme. Il faudra quitter tout cela s'il y a guerre. Adieu.

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64 Paris dimanche 25 septembre 1853

Barante reste 15 rue du Cirque, sa fille n’est pas accouchée encore. Il compte aller vous voir entre le 6 et le 12 octobre, si... sa fille est accouchée. Drouin de Lhuys parle très mal de la Russie à tout le monde. On reste très inquiet au F.O. Français comme à celui de Londres. L’Ambassadeur turc a eu hier des nouvelles de Constantinople du 15. Il n’y était pas question de la réunion des [?] dont a parlé le journal des Débats. Décidément il n'y a plus d'action commune à Vienne. L'Angleterre n’a pas voulu faire comme d’Autriche. Il est impossible de dire ce qui arrivera mais tout peut arriver. Je crois à l’entrée des flottes pour protéger le Sultan contre ses propres sujets.
11 heures Dans ce moment la Turquie qui annonce que sur la demande du Sultan deux vaisseaux de guerre. Anglais & deux français sont entrés et vont à Constantinople pour protéger leurs nationaux. On me dit que la reine Christine va retourner sous peu à Madrid. Voilà tout pour aujourd'hui. Le mauvais temps me désole. J’avais pris des habitudes d'été & je passais mes matinées dans le bois de St Cloud dont on m’a permis l’entrée. Adieu.

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60  Paris le 16 septembre 1853

Grand vide & regret, & reconnaissance. J’ai vu hier les Hatzfeld, Kisseleff, Hubner, Molé. Celui-ci désespéré d’avoir ignoré votre séjour à Paris, il aurait pu vous voir encore hier matin. Son oeil va mieux, il est plein d'espérance.
Kisseleff avec un courrier hier soir. Nous refusons simplement parce que nous n’avons pas affaire à Constantinople. Nous maintenons l’acceptation de la première note de Vienne. Vienne n’a qu’à négocier sur cela avec la Turquie. Cela regarde la conférence & pas nous. Il n’y a donc de notre fait aucun empêchement à ce que cela s’aplanisse encore. Je doute que les Turcs s’y prêtent. J'ai fait visite tout à l'heure à la princesse Mathilde à Breteuil. Elle m’a dit d'excellentes choses sur le ménage impérial. Le bonheur conjugal le plus serein, le plus charmant ; l’Impératrice très douce, très bonne, dévouée, mais une pauvre santé.
La Reine Christine est d'une platitude sans pareille à cela près qui fait rire, on lui trouve beaucoup d’esprit. Pas d’apparence qu’on épouse une de ses filles. Elle a passé 9 jours à Londres, où elle n'a vu ni l’une ni l’autre reine. Après le voyage du nord la cour passera à Compiègne la première quinzaine d'octobre la seconde à Fontainebleau & le 1er Novembre elle s’établit à Paris.
Samedi 1. J’ai eu un mot de Constantin de Berlin, c’est le Cte Nesselrode qui a insisté sur le refus et qui l’a importé. Cela vous prouve bien que la volonté impériale est à la paix. Molé est venu hier soir encore & San Giacomo. On disait au club que les flottes entreraient et iraient même à Constantinople pour rendre au sultan sa liberté d’action & de volonté qu’il n’a pas dans ce moment, & qu’il signerait de suite la note de Vienne. Voilà le tout qu'on donnerait à la promenade. C’est possible.
Je ne crois pas que j'aie rien à ajouter jusqu'au départ de la porte. Adieu donc. Adieu.
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