Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


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Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, 9 novembre 1849
7 heures

Je vous ai dit hier tout de suite que mes lettres m’engageaient plutôt à revenir bientôt. Je suis charmé que Sainte-Aulaire et le duc de Noailles soit de cet avis, vers la fin de la semaine prochaine, nous serons réunis. Je ne puis fixer encore un jour précis. Je vous répète ce que je vous ai déjà dit hier, pour le plaisir de me le redire à moi-même. Ceux qui m’écrivent croient à une halle dans la station actuelle. Et ils la désirent. Personne n’a envie de fondre la cloche. Le Président est évidemment le plus décidé. C’est sa force. Voici ce qu’on me dit de Thiers, de visu (vous savez ce latin là) : " Très inquiet et très perplexe. Il prétend que, si le Président. veut tenter un coup d’Etat, l’assemblée résistera, et aura l’armée pour la défendre. Cela paraît fort douteux. Et d'ailleurs que ferait l'assemblée de sa victoire ? Au fond M. Thiers commence à avoir le sentiment de son impuissance, et il en est très humilié. Pour l'avenir, il en est toujours au même point. Il ne se dissimule aucune des difficultés de la régence ; mais il ne veut que cela. Il paraît plus décidé que jamais contre la fusion, et ce qu’on appelle la conciliation des deux branches. " On tient le refus de Rayneval pour certain et on parle de Lagrené. Je suis bien aise que vous ayez fait connaissance avec le général Changarnier. Vos nouvelles d’Espagne me déplaisent bien. Elles sont de bonne source. Tout est possible là, et la mauvaise santé de Narvaez peut lui ôter de l’entrain. Je ne sais si je vous ai dit que j’ai été frappé du ton, non pas découragé mais un peu abattu de la lettre que j’ai reçue de lui il y a quelques semaines. Si la petite Reine prend le mors aux dents, Dieu sait où elle ira. Savez-vous ce que prouve (si le fait est vrai) le retour de la presse Anglaise à Lord Palmerston ? Qu'on le sait aux prises, et seul aux prises avec vous. Je vous ai envoyé un extrait d’une lettre remarquable de Londres, où l’on me disait que l’incident Turc avait montré combien peu de fond il fallait faire sur le concours de la république française. Le public anglais, et la presse anglaise. la grande, soutiendront toujours un ministre engagé ; et engagé seul, dans une telle lutte. Ils le soutiendront sans crainte, car évidemment la guerre n’est pas au bout de cette lutte-là. Mais c'est une question d'influence, de dignité. On ne livrera pas Palmerston sur une telle question. On l’appuiera. Et au fond d'ailleurs, dés que cela devient un peu sérieux, l’Angle terre est infiniment moins russe que la France. Je dis l'Angleterre, le public anglais. M. Jaubert est donc redevenu votre voisin. Faîtes lui, je vous en prie, mes amitiés quand vous le verrez. Il n'y a pas un homme plus sincère, plus honnête, ni plus courageux. Je le pensais quand nous étions brouillés comme quand nous étions amis. Et j'ai toujours trouvé absurde que nous fussions brouillés. Il y a quelques personnes avec qui je serai charmé de n'être plus officiellement. brouillé. Madame de la Redorte par exemple. Je prenais plaisir à causer avec elle pour la contredire. J’espère qu’à présent, nous serons souvent du même avis.

Onze heures et demie
Merci, merci, Tout ce que je reçois me confirme dans mes projets. Adieu, adieu. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Vendredi 10 oct. 1851

Je ne comprends vraiment pas le refus de passeport à votre fils. L’intérêt politique n'est pas assez pressant pour qu'on fasse ce refus à tout le monde. Et si une exception est possible comment l'Impératrice ne l’ait-elle pas obtenu pour vous ? Conséquence, il ne faut être ni le sujet, ni la femme d’un souverain absolu. Qu'est-ce que cela présage pour votre fils Paul s'il y va, et comment se dispensera-t-il d’y aller ?
Je ne trouve pas que la lettre du duc de Nemours fût nécessaire. C'est faire bien de l’honneur au marquis de Londonderry. Et certainement il ne fallait pas lui rappeler qu’il avait dîné aux Tuileries. Ce fou impertinent répliquera, peut-être. Où s'arrêtera la correspondance ? Qui aura le dernier ? Pour tout le monde, il n’y avait qu’une chose à dire, c'est le gouvernement qui n’a pas ratifié la promesse faite à Abdelkader ; il en avait le droit ; lui seul répond de la façon dont il en a usé. J’aurais volontiers accepté de nouveau aujourd'hui cette responsabilité comme je l’ai fait à la tribune, au moment même du fait.
Je ne doute pas que les détails de Mad. de Laigle sur l’intérieur de Claremont ne soient exacts. Ils sont parfaitement d'accord avec ce que j’ai vu et recueilli moi-même dans ma dernière visite. La famille est un faisceau délié, et personne n'est en état de le renouer.
M. Molé connaît beaucoup mieux l'assemblée que moi. Il se peut qu’il ait raison de croire que, si le président ne fait rien avant sa réunion, il est perdu. Je crois de mon côté que, s’il fait quelque chose, j’entends quelque chose d’isolé et d’irrégulier, il est perdu. Le public ne comprendra pas la nécessité et lui donnera tort. Je rabache ; pour faire de telles choses, il faut avoir une veille, et un lendemain, grands tous les deux. L’urgence du péril, les fautes de l'Assemblée peuvent fournir une occasion et un prétexte ; personne ne les voit aujourd'hui. Et la preuve que j'ai raison, c’est que personne, absolument personne ne veut prêter au Président. Le moindre concours pour un tel acte, s'il y avait un péril imminent et un peu de confiance dans le succès, il se trouverait des poltrons même pour y aider.
Avez-vous des nouvelles de Montebello, et savez vous où l'on peut lui écrire ?

Onze heures
Pas de lettre. Pourquoi ? J’ai peur que ce refus de passeport ne vous ait donné une mauvaise journée, puis une mauvaise nuit. Il faut attendre à demain pour le savoir. Adieu, Adieu

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer Vendredi 15 Août 1851

Je suis charmé que vous ayez eu le plaisir de revoir votre grande Duchesse. Vous y avez eu évidemment un grand plaisir. Les Princes ont bien tort quand ils ne sont pas charmants ; ils gagnent tant à l'être, et si vite, et si aisément ! J’espère que la Grande Duchesse vous aidera à faire à Pétersbourg, les affaires de votre fils Alexandre.
Je ne comprends pas bien en ce moment les motifs du dernier Ukase ; l'état de l’occident n’a rien de tentant pour ceux qui viennent y regarder. Si c'était vos paysans qui y vinssent, ou vos petits marchands, je verrais le péril, et je comprendrais la rigueur des précautions ; mais ses riches, des grands seigneurs, je ne vois pas où est pour eux, parmi nous la séduction.
Que dites-vous de l’incendie des Invalides pendant les obsèques du Maréchal Sebastiani ? Et que n'aurait-on pas dit si pareille chose fût arrivée sous la Monarchie ? La République n’a pas de bonheur ; mais elle s'en passe. Le spectacle a dû être très frappant. Ce qui m’en a le plus frappé, c’est le curé éperdu et criant avec passion " Le Maréchal, Messieurs ; sauvez le maréchal ! " La cérémonie profane par la destruction prématurée et violente de ce corps. C'était là son idée fixe. Bel empire des sentiments et des devoirs d'État !
// Vous ai-je dit que j’ai eu à Paris de nouvelles du Général Changarnier ? Il est parti brusquement avant le dernier jour sans voir personne ; il est chez lui, à Autun, inquiet et triste, très blessé du travail pour la candidature du Prince de Joinville, entrevoyant qu’il a fait fausse route, et qu’il n’arrivera pas, mais ne faisant encore qu'entrevoir. Il n’a pas assez d'esprit pour tant de passion. Son journal, le Messager de l'Assemblée, reste toujours dans la même ligne, malveillant pour Berryer, et impuissant à faire, de M. de St Priest, le chef des légitimistes mais y poussant toujours. Le Duc de Lévis et M. de St Priest ont été fort troublés de l'explosion de la guerre civile dans le parti ; mais le résultat est excellent ; les dissidents sentent la nécessité d’un mouvement de retraite et commencent à l'exécuter. Ils sont trop peu nombreux et trop peu considérables pour faire prospérer la séparation. Berryer, et M. de Falloux ont fait là un coup de partie ; ils en recueilleront le fruit, eux et leur monde, dans les élections prochaines. //
Les journaux deviennent plus curieux à lire. Ils se dessinent tous plus nettement ; pour qui sait les comprendre du moins, car ils n'ont jamais été plus artificieux, ni plus menteurs. L’Ordre en particulier, le journal Régentiste, est dans une activité et une anxiété singulière ; il a pour la candidature du Prince de Joinville ; les ardeurs, les impatiences, les méfiances, les tours et détours du Messager pour celle du général Changarnier, et du Pays pour celle de M. de Lamartine. Une vraie Steeple- chase.

10 heures
Vous ne me donnez point de nouvelle instruction, en retournant à Schlangenbad. Je continue donc à adresser mes lettres à Francfort. Je ne me rappelle pas du tout ce qu’il y avait dans les deux qui se sont perdues. Lire les lettre c’est déjà quelque chose ; mais les voler après les avoir lues. Cela ne se fait jamais en France. Adieu, adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Dimanche 10 oct. 1852

Lisez, si vous avez des yeux et de la patience pour lire les discours adressés au Président par l’évêque de Carcassonne l'archevêque de Toulouse, et le premier président de la cour d’appel de Toulouse ; ils sont remarquables par la mesure politique gardée au milieu des expressions de la reconnaissance et de la louange. C'est le langage sincère et réfléchi d'hommes sérieux. Dans mes tristesses sur mon pays, je prends plaisir à rencontrer quelques actes, ou quelques paroles qui m’en soulagent un peu.
J’ai aujourd’hui, le plus beau ciel et le plus beau soleil possible. Je me promènerai. Il a fait froid cette nuit, de la glace. Je ferai rentrer demain mes orangers. Si le froid s’établit, nous aurons du beau temps. Nous avons depuis deux mois un temps aussi mauvais que triste. J’espère que celui-ci vous vaudra mieux. C’est un tonique. Mais prenez bien garde ne pas vous enrhumer.
Que signifie cette singulière ordonnance donnée sur la frontière de la Prusse Polonaise, que tout voyageur sera obligé de déclarer en entrant, combien il a d'argent et l’usage qu’il compte en faire ? C'est bien curieux. Est-ce une curiosité Prussienne ou Russe ? ce que j'approuve tout-à-fait et ce qui me paraît un bon petit symptôme de civilisation pacifique, c’est la convention conclue entre la France et les Puissants Allemandes, y compris la Belgique, pour la transmission des dépêches télégraphiques par un chiffre diplomatique pour chaque Puissance, connu seulement de chaque gouvernement et de ses agents au dehors. C'est la seule manière de rendre le télégraphe électrique praticable et utile pour les gouvernements. On se promet probablement qu’on devinera les chiffres étrangers. Mais il s'en faut bien qu’on y réussisse toujours.

Onze heures
Je ne vous dis qu'adieu. Je réponds quatre lignes à Aggy, très présomptueuses. J’espère que ma lettre d’hier lui aura fait quelque effet. Je veux y ajouter tout de suite ma réponse à celle que je reçois d’elle ce matin. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, dimanche 22 Août 1852

Ce mauvais temps continu me déplait ; il gâte les blés du mon fermier qui ne me paye pas et moi, il m'enrhume ; j’ai la gorge prise depuis quelques jours ; je tousse beaucoup le matin. Je vais faire venir quelques bouteilles d'Eaux bonnes. C'est mon remède habituel. Mais probablement les remèdes s’usent à mesure qu’on s’en sert, et surtout à mesure qu’on vieillit.
Que signifie la nouvelle chute de Reschid Pacha ? Je suis enclin à n’y voir qu’une comédie, car Ali-Pacha, qui le remplace a toujours été son homme, et tout-à fait dans la même politique Turcs et Français ne savent comment se tirer de cette question des lieux saints. Il ne fallait pas l'élever, et le jour où l’on voulait absolument l'élever, il fallait commencer par la traiter officieusement avec vous, à Pétersbourg, avec l'Empereur en personne qui, probablement, eût pu être amené à comprendre et que conseillait l’intérêt commun de la Chrétienté. Il est difficile à présent que la France accepte la dernière décision de la Porte, et je ne sais comment fera la Porte pour en prendre une autre.
Je trouve dans les feuilles d'havas un petit article qui indique que le Gouvernement est décidé à solliciter indirectement des conseils généraux, des votes en faveur de l'Empire. On s'y félicite beaucoup de la presque unanimité qui s'est manifestée à cet égard dans les conseils d'arrondissement, et on finit par dire : " Cela présage d’une manière certaine que les conseils généraux formuleront à leur tour cette même pensée plus explicitement et plus unanimement encore. "Les feuilles d'havas sont plutôt adressées, aux fonctionnaires qu'au public, et elles donnent des instructions plus que des nouvelles.
Je vois que Lord Cowley est allé à Londres. Est-ce pour les propres affaires ou pour celles du public. Ce retard prolongé de la réunion du Parlement n’a pas bon air. On concevait le retard des élections, pour les préparer ; mais à présent que les élections sont faites pourquoi en faire attendre le secret ?

Onze heures
Vous répondez à ma question sur Cowley. Quoique je le connaisse peu, je le regretterai s’il s'en va. C'est plus sérieux que Lord Malmesbury. Je viens de prendre un verre d’Eaux bonnes J'en avais apporté. Je vous quitte pour aller me promener un peu avant déjeuner. On dit qu’il le faut. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Mardi 7 Sept. 1852

Je vois que M. de Nesselrode en arrivant à Naples s'est rendu à Castelle mare, dans la maison de votre fils Alexandre où demeure son gendre Creptovitch. Votre fils, a donc prêté sa maison à celui-ci. Cela devrait mettre, M. de Nesselrode en bonne disposition pour vos fils. Mais les petits services n'étouffent pas les petites passions. On fait quelques politesses de plus, et on garde sa mauvaise humeur. M. de Nesselrode aura trouvé à Naples M. Turgot. Conversation qui ne l'aura ni beaucoup instruit, ni beaucoup amusé.
Avez-vous entendu dire qu’on rappelât notre Ministre de La haye parce que les Chambres de Hollande ont rejeté la convention conclue avec la France pour la contrefaçon et la propriété littéraire ? Ce serait un peu vif. Il est sûr qu’on n'aura pas fait grand chose en supprimant la contrefaçon, en Belgique si elle va s’établir en Hollande.
Je ne m'étonne pas que M. Molé ne soit pas content de M. de Lamartine ; il ne sera content d'aucune histoire. Les mérites, et les agréments de M. Molé sont des agréments et des mérites essentiellement contemporains ; il faut les voir de près, et en jouir soi-même d’un peu loin, ce sont des ombres pâles qui disparaissent bientôt tout-à-fait. De son temps, M. Molé aura été prise plus qu’il ne vaut, après, il ne le sera pas assez.
Le récit de Waterloo est en effet frappant et attachant dans Lamartine ; trop long et trop arrangé. Cet homme gâte ses richesses en les étalant trop, mais l'étalage est beau, comme dans les magasins de Paris.
Galignani me dit que Lady Lovolace est très malade. Jolie, savante, pédante, folle et coquette. Coquette avec ce singulier. mélange d'affectation et de naïveté que les Anglaises mettent dans la coquetterie. Bonne personne au fond, et de sentiments nobles. Son mari est ce qu’on appelle un homme de mérite.
Je n'ai point de nouvelles des Broglie si ce n’est par Mad. de Staël qui écrit à ma fille Henriette que Madame la Duchesse d'Orléans est venu les voir à Coppet avec ses enfants. Pas contente de sa santé. Les jeunes Princes très bien. Le comte de Paris étonnamment bon cavalier pour son âge. Pas d’autres détails.

10 heures et demie
Bonne longue lettre, qui me plait doublement, d'abord parce qu'elle me donne à penser que vous vous sentiez mieux hier, et puis pour elle-même. La lettre de l'Impératrice est charmante. Le voyage d’Aggy me déplait. Adieu, adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Mardi 21 sept. 1852

Je regrette cette idée de noviciat pour votre fils Paul ; d’autant plus que, dans l’apparence, il n’y a pas d'objection raisonnable. à y faire ; elle est naturelle. Mais évidemment, pour lui, cela n’est pas du tout nécessaire : c’est ou une pédanterie administrative, ou un mauvais vouloir détourné. Cependant, à moins que sa santé n’y mette tout-à-fait obstacle, si on insiste, il fera bien de se résigner. S'il a envie de rentrer dans les affaires, il ne peut pas espérer qu’il le fera sans ombre de désagrément ou d’ennui. Est-ce que M. de Meyendorff va à Pétersbourg ? Et y va-t-il, en même temps que M. de Nesselrode et Kisseleff ?
Votre calme de Paris n'est rien à côté de celui dans lequel je viens de rentrer ici. Je n’ai, à la lettre, point d'autre bruit que celui du vent, et point d'autres incidents que les alternatives du soleil et de la pluie. C'est bien vraiment le travail au sein du repos. Vie très saine, et au fond. très douce, sauf ce qui me manque.
Je pense avec plaisir qu’Aggy vous revient aujourd’hui. C’est une sécurité pour vous, et aussi pour moi. Marion est une sécurité et un plaisir. Croyez-vous qu’elle vous vienne avec son oncle, vers Noël, pour passer avec vous l’hiver prochain ? Je me figure que cet hiver, la fin surtout, sera très animé, pour les amateurs du mouvement de salon. L'Empire en répandra beaucoup à son début. Plus tard, il lui faudra un autre mouvement, qu’il aura peine à se procurer, du moins à un prix raisonnable.
Vous dit-on à quel moment Lord Palmerston passera à Paris, en conduisant sa femme à Nice ? Il sera bien reçu là. Le gouvernement actuel du Piémont l’a trouvé bienveillant, et le lui rend sans doute. Je trouve que ce gouvernement a un peu l’air de s'affermir. Quelques unes des querelles que le Clergé lui fait sont mauvaises et le servent.
Vos diplomates ont ils rencontré quelque part, M. de Cavour pendant son séjour à Paris ? Il doit avoir vu Thiers. Thiers a été bien venu à Turin.

Onze heures
Puisque Chomel vous voit souvent, je ne crains pas qu’il fasse de grosse faute ; il modifiera à temps le régime. J’attendrai impatiemment la nouvelle.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val-Richer, Samedi 9 oct. 1852

J’ai écrit sur le champ à Aggy, directement et par la poste. Je crois que je lui ai dit ce qu’il faut lui dire. Le premier moment doit avoir été l’envie d’aller passer quelques jours auprès de Marion ; mais j’espère qu’elle n'aura pas tardé à sentir que vous avez bien plus besoin d'elle que Marion, et qu’il y a pour elle, bien plus de devoir à rester près de vous. Marion lui-même ou je serais bien trompé, le lui demandera, si elle ne l’a déjà fait. En tous cas, je suis bien aise que le père soit si positif.
Pauvre Fanny ? Si elle n’avait pas été malade, et si malade depuis si longtemps, sa mort me frapperait, comme toutes les jeunes morts. Il semble qu’on ne doive être rappelé qu'après avoir fourmi sa course et bu sa coupe. Mais qui sait pourquoi nous sommes rappelés, et pourquoi nous avons été envoyés ? Il faut vivre, et mourir sans savoir et avoir foi sans savoir.
Les hésitations et les procrastinations sur l'Empire ne m'étonnent pas et n'y feront rien. Cet homme est un singulier mélange de fatalisme et de prudence ; il va à son but aussi certainement aussi irrésistiblement qu’un boulet de canon, mais à pas comptés et en s’arrêtant souvent. Je ne crois pas que le temps d’arrêt puisse être long aujourd’hui ; ce serait une duperie, et un ridicule ; quoi qu’on puisse recommencer les mouvements arrangés. Celui-ci a été arrangé sur une trop grande échelle pour qu’on soit aussi sûr du second coup que du premier ; surtout le premier ayant manqué en bien des endroits. Rien après tout ce bruit serait de la timidité plus que de la prudence. Enfin nous verrons.
Peu importe la persuasion de [Kisseleff] en partant ; elle ne réglera, ni l'événement à Paris, ni la conduite de l'Empereur à Pétersbourg. Et j’espère pour l'honneur de sa sagacité, que [Kisseleff] ne sera pas partout aussi affirmatif.
Quand l'Empire sera fait, viendra la question de la guerre sur laquelle nous aurons les mêmes hésitations et les mêmes procrastinations que sur l'Empire. Probablement plus encore, car le fossé à franchir sera bien plus profond, et nous serons plus près du bord.
J’ai quelques raisons de croire que Morny est plus que jamais dans l’intimité sérieuse du Président, et qu'avant de partir pour son voyage, le président l’a entretenu de toutes les chances possibles de l'avenir, comme on entretient son confesseur et son exécutant testamentaire.
Je doute que Morny et Fould soient aussi bien ensemble qu’ils en ont l'air. On espérait à l'Elysée que le Roi Léopold appellerait M. Lehon pour lui faire un cabinet, et on s'en promettait des merveilles. Il y a là un mécompte ministériel par dessus l'humeur diplomatique.
J’ai reçu ce matin une lettre très amicale de M. le duc de Nemours à qui j’avais écrit quatre lignes de condoléance respectueuse sur l'accident de Mad. la Duchesse d'Orléans. Il me dit qu’elle est bien : " Elle me fait dire elle-même, par dictée, que le repos auquel elle est forcement assujettie aura fait du bien à l'état général de sa santé. L'accident de voiture a été de la nature la plus sérieuse, and the escape is a very narrow one, comme on dit dans ce pays-ci. Le voyage de la Reine n’a donc pas été déterminé par ses alarmes, mais par les sentiments d'affection, de bonté et de charité que vous savez exister en elle. "
Adieu, Adieu.
On me dit que vous êtes contente du régime d’Andral et que vous lui trouvez de l'esprit. J'en suis bien aise et vous avez raison. Adieu. G
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