Archives Marguerite Audoux

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Lettre de Marguerite Audoux à Alain‑Fournier

Auteur(s) : Audoux, Marguerite

Notice biographique

  • À propos de l'Américain qui fait l'objet principal de cette lettre :

    John D. Humphries est juge à la Cour d'Atlanta, en Géorgie. Nous comprenons ici qu'il a contacté les deux écrivains dans le but d'apprendre le français. Nous avons retrouvé dans le fonds d'Aubuisson les fameuses vues d'Atlanta, envoyées l'année suivante (une suite de cartes postales en couleur qui se déplie, sur la culture et le transport du coton), une autre série de cartes similaire, reçue le 7 novembre 1914, et surtout une unique lettre de J. D. Humphries à Marguerite Audoux datée du… 6 février 1937, six jours, donc, après le décès de sa correspondante. Nous reproduisons ici ce document (l'expéditeur, aux dires de la romancière, serait alors dans sa quatre‑vingtième année) :

    “JUDGES :

    JOHN D. HUMPHRIES

    E. D. THOMAS

    EDGAR E. POMEROY

    VIRLYN B. MOORE

    HUGH M. DORSEY

    PAUL S. ETHERIDGE

    A. M. SMITH,

    DEP'TY CLERK

    CHAMBERS OF THE

    Judges of the Superior Court

    of the Atlanta Circuit

    Atlanta, Georgia [1]

    February 6, 1937.

    Madame Marguerite Audoux

    71, rue de la Convention

    Paris (15e), France

    Ma Chère Madame,

    Je vous envoye [sic] un money order pour cinq dollars.

    Écrivez‑moi, s'il vous plaît, une longue lettre.

    Très sincèrement,

    John D. Humphries

    421‑2 County Crest[2] House,

    Atlanta, Georgia,

    U.S.A.”

    [1] Les deux parties de l'en‑tête sont ainsi imprimées.

    [2] Mot peu lisible.

  • Fonds d'Aubuisson, chez Bernard-Marie Garreau

DescriptionJohn D. Humphries
Texte


Toulouse

Allée Lafayette 8 h

[Fin 1911 ‑ début 1912]

Il faut que je vous écrive tout de suite Monsieur Du Bougon pour vous dire que votre lettre m'a fait rire aux larmes[1]. Je ne pouvais plus m'arrêter et j'en avais mal au ventre. Je riais comme ça, toute seule dans ma chambre, et je vous assure que cela a duré longtemps. Il est vrai que j'avais du rire en retard depuis plusieurs mois. Mais c'est égal, votre manière de présenter J D. Humphries[2] est tout à fait extraordinaire, et je vous retiens comme traducteur pour l'avenir.
Je suis sûre que si le brave homme avait parlé de sa sœur, au lieu de son frère, vous auriez été plus aimable pour lui.
Savez‑vous qu'il s'y prend un peu tard, ce pauvre type, pour apprendre le français. Dans sa première lettre[3] il me disait qu'il était de cinq ans plus âgé que moi. En admettant qu'il ait vu mon acte de naissance (les Américains sont capables de tout) il n'aurait pas loin de 50 piges, comme on dit à Paris, et je trouve qu'à cet âge il faut un vrai courage pour commencer d'apprendre une langue, aussi j'ai tout de même de l'estime pour lui, malgré mon envie de rire de tout ce que vous dites de sa pelote de coton, et de sa barbe. Je n'ai pas encore reçu cette pelote de coton ni les vues d'Atlanta[4]. Louise[5] aura filé le coton pour en faire des chaussettes à son futur gendre et elle aura mis les vues dans un endroit où l'on va toujours seul.
Avec tout ça j'aimerais bien vous voir un peu plus gai. Savez‑vous que Louise m'a écrit que vous étiez mûr pour le mariage. Elle s'y connaît allez.
Au revoir mon cher ami. Croyez à ma très grande affection.

Marguerite Audoux


[1] Cette lettre, comme beaucoup d'autres, a disparu. Si la malle d'Alain‑Fournier n'avait pas été cambriolée [voir Rivière, Isabelle, Vie et passion d'Alain‑Fournier, Jaspard, Polus & Cie, Monaco, 1963, p. 434‑450 (chapitre XXXIV)] et si Marguerite Audoux avait conservé systématiquement les lettres qu'elle recevait, on aurait sans doute l'intégralité de la correspondance entre les deux écrivains.

[2] Voir supra la première note de la partie "DESCRIPTION"

[3] Voir la note 9 de la lettre 106

[4] Elle ne les recevra qu'en 1913 [voir supra la première note de la partie "DESCRIPTION"].

[5] Voir supra la seconde note de la partie "DESCRIPTION"

Notes
Sur l'original, figure au crayon : « probablement 1913 » (« probablement » semble avoir été ajouté a posteriori), de la main d'Isabelle Rivière ou de son fils. Une copie manuscrite a été réalisée par Isabelle Rivière, intitulée « Une lettre et 2 cartes de Marguerite Audoux à Henri ». À droite est ajouté de la même encre : « copie‑originaux donnés à son petit‑neveu[1] Paul d'Aubuisson, 25, rue de la Croix‑Nivert. Paris (15) ». Puis « donnés à son petit‑neveu Paul » a été rayé. Un ajout, entouré, a été écrit immédiatement, toujours à l'encre, à gauche de cette biffure : « non : il n'a pas voulu faire l'échange de lettres que je lui proposais et m'a rendu celles de sa tante [sic] à Henri, préférant garder celles d'Henri. » « 1913 », qui figure aussi au crayon sur cette copie, sans le « probablement », doit à l'évidence être corrigé eu égard au lieu de création de la lettre et à l'allusion qui confirme le contexte affectif (« Il est vrai que j'avais du rire en retard depuis plusieurs mois. »). À gauche du lieu de création est écrit à l'encre par la copiste : « Lettre (sans enveloppe et sans date) ».

[1] petit a été ajouté dans l'interligne supérieur.

Lieu(x) évoqué(s)Toulouse

Géolocalisation

Notice créée par Bernard-Marie Garreau Notice créée le 17/12/2017 Dernière modification le 03/05/2024