Archives Marguerite Audoux

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Lettre de Marguerite Audoux à Antoine Lelièvre

Auteur(s) : Audoux, Marguerite

Description
Description du pays - Mirbeau - Valserine - Santé chancelante

Texte


Toulouse

Allée Lafayette, 8 bis

[10 janvier 1912]

Cher Monsieur,

Je n'ai pas encore quitté ce pays où le temps est si beau qu'on se croirait au printemps. Je préfère beaucoup ce climat à celui de la Côte d'Azur où le soleil vous cuit d'un côté pendant que l'ombre vous gèle de l'autre. Et puis ici le ciel est toujours joli, avec des nuages légers qui laissent passer le soleil par des échancrures.
Je compte cependant rentrer à la fin du mois[1] pour différentes choses que je ne peux traiter ici, et j'espère que le temps de février à Paris ne me fera pas regretter le temps de janvier ici.
Soignez bien votre petit enfant[2] et dites‑lui que je prends bien part à son mal. Quel malheur que Toulouse soit si loin de Paris !
Je n'aime pas les gens d'ici, mais je sais reconnaître qu'on vit[3] bien dans leur pays. Vous n'imaginez pas ce que la vie est bon marché ici. Toute la boustifaille est de la première fraîcheur, et pour peu[4] d'argent on bouffe comme des rois. Aussi, il faut voir l'air de bonne santé qu'ont tous ces Toulousains.
Je suis contente que vous aimiez aussi le cher Mirbeau. Je crois qu'il est difficile de le connaître sans l'aimer. Il porte en lui tant de tendresse et d'amour pour tout le genre humain, que cela déborde de lui et vous étreint. Peu de personnes le connaissent.
Décidément, « Valserine » n'ira pas chez Sansot[5]. Il faut qu'il en prenne son parti tout comme moi. Dans tous les cas, si elle y va un jour, cela ne sera pas avant que j'aie publié mon nouveau bouquin chez Fasquelle[6].
Je travaille avec ardeur. Je suis bien ici, et j'ai beaucoup de courage. Malheureusement, je ne vais pas très bien moi non plus, j'ai de la peine à me remettre d'aplomb. Il m'est resté de mes derniers malaises une faiblesse nerveuse qui me rend parfois d'une tristesse noire, et que j'ai beaucoup de peine à surmonter.
Au revoir, cher Monsieur, ne nous désolons pas, et espérons en des jours meilleurs pour nos maladies, ou pour notre santé plutôt.

Marguerite Audoux


[1] Elle rentrera vers la mi-février.

[2] « Lette », la compagne de Lelièvre, dont on comprendra dans la lettre 198 qu'elle a été victime d'une appendicite

[3] vit est précédé d'un y rayé.

[4] Ajouté au–dessus de la ligne

[5] Pour l'éventuelle publication de ce conte chez cet éditeur (publication qui se fera finalement dans Paris‑Journal), voir les lettres 136 et 149

[6] L'Atelier de Marie‑Claire paraît en 1920 chez Fasquelle, et La Fiancée (qui inclut « Valserine ») en 1932 chez Flammarion.

Lieu(x) évoqué(s)Paris, Toulouse
État génétique

Quatrième paragraphe :
- vit est précédé d'un y rayé ;
- peu est ajouté au-dessus de la ligne.

Géolocalisation

Notice créée par Bernard-Marie Garreau Notice créée le 17/12/2017 Dernière modification le 20/05/2022