Votre recherche dans le corpus : 139 résultats dans 4393 notices du site.Collection : 1849 ( 1er janvier - 18 juillet) : De la Démocratie en France, Guizot reprend la parole (1848-1849 : L'exil en Angleterre)
Brighton,Vendredi 19 janvier 1849, Dorothée de Lieven à François Guizot
Pas de lettre de vous pourquoi ? Faites moi le plaisir d'envoyer l’incluse à Barante par votre plus prochaine occasion. Elle pourrait même aller par la poste. Mes yeux sont tristes aujourd’hui, et le temps aussi, et moi aussi puisque je n’ai pas de lettre. Metternich est rentré chez lui l’autre jour, charmé de vous, mais surtout de lui même, et disant qu’il était sûr qu'il vous avait plu. ce sont ses filles qui ont dit cela à Marion. Je ne sais rien aujourd’hui. Je vois seulement. que les puissances catholiques font comme je le pensais. Adieu Adieu. M. Ellis voulait seulement vous amuser pendant une demi-heure. Je l'ai assuré qu'il avait parfaitement réussi. Il est très glorieux.
Richmond, Samedi 23 juin 1849, Dorothée de Lieven à François Guizot
5 heures
Par une succession d’accidents trop longs à raconter j’ai été retenue à Londres jusqu’à 3 1/2. Il était trop tard pour aller chez vous, d’ailleurs c’est toujours si court & si gêné ! Jai vu Lord Holland. Il blâme le mouvement réactionnaire. on fait la guerre à la république rouge. Il faut la réprimer mais pas la battre. Enfin il est opposition. Pas de nouvelles. Viendrez-vous demain ? Vous me le direz sans doute aujourd’hui. Je me presse, j’arrive, & je crains que ma lettre n’arrive à la poste trop tard vu le Samedi. Adieu. Adieu.
Brighton, Jeudi 18 janvier 1849, Dorothée de Lieven à François Guizot
Comme il fait nuit, il faut bien que je dicte. Voici deux lettres pour vous et voici un billet du Prince Metternich. Renvoyez-moi, celui-ci tout de suite je vous prie, je veux le faire passer à Hélène. On m’a répété aujourd’hui que Lord Palmerston nie absolument qu'il sache le première mot de l'expédition de Toulon. Il l’a dit formelle ment à lord Ashley avant hier. C’est singulier. J’ai porté moi-même vos cartes chez Delmar. Je n'ai pas encore vu mine host. Très belle journée dont j'ai profité. J'ai eu la visite des élégantes de Brighton. Lord Harry Vane will [?] the address in the house of Commons.
Adieu. Adieu.
Richmond, Mardi 26 juin 1849, Dorothée de Lieven à François Guizot
Je trouve cette lettre en rentrant, je vous l’envoie, renvoyez la moi. Quel bon temps ! Passé hélas. Adieu.
Mots-clés : Circulation épistolaire
Brighton, Vendredi 19 janvier 1849, Dorothée de Lieven à François Guizot
Voilà enfin votre lettre, [?] ce qui vous en vaut une seconde. Je vous remercie des l'incluse. J'ai vu ce matin, Macauley, Mme de Metternich y était aussi, fort aise de le rencontrer, évidemment curieux des célébrités. Il a dit des drôles de choses. Je vois avec malice. Un trait contre les Jésuites, et puis trouvant que ce que le Pape aurait de mieux à faire, serait de venir à Paris, prendre une petite chambre au 4ème est une bonne cuisinière qui lui ferait une bonne soupe aux choux. De son côté Mme. de Metternich a posé un principe qu’il valait mieux voir tuer deux mille personnes que trancher la tête à un Roi. Voilà une matinée. Mme. de Metternich m'a beaucoup parlé du plaisir qu’avait eu son mari avant hier et m'a questionnée avec curiosité sur l'impression que vous aviez remporté de lui. Je lui ai dit ce qui convenait. Elle a repris " Combien il serait à désirer que les deux hommes se voient souvent. M. Guizot pourrait peut-être trouver de l'utilité dans la vieille expérience de mon mari. " Dans ce moment m'arrive le missive de Metternich. Je vous envoie tout le paquet. Répondez. Cela lui fera tant plaisir. Adieu, Adieu.
Richmond, Vendredi 29 juin 1849, Dorothée de Lieven à François Guizot
Votre lettre est bien touchante et tendre et m’a bien touchée. Oui, je suis plus triste que vous, cela tient à nos caractères, j'espère moins et je suis si seule ! Il est si impossible de deviner ce qui peut nous arriver à l’un et à l’autre ? La seule chose sûre, c'est la séparation et pour assez de temps. Comment voulez-vous que je ne pleure pas ?
Je viens de recevoir une lettre d’[?] que je vous montrerai. Il est probable que la grande Duchesse Marie viendra passer 3 semaines en Angleterre. Cela peut se croiser avec mon voyage à Paris, il faudrait y renoncer, le retarder. Albrecht veut absolument que je prenne l’entresol place Vendôme. Je ne veux pas me lier. C’est bien bas, il me semble que je dormirais mal. Je veux choisir moi-même.
Je crois que Marion & Aggy reviendront ici demain. Elles vont aujourd’hui en ville. Les parents sont doux & charmés qu'elles s'amusent. Quand je me couche elles vont chez les Metternich, là elles chantent & dansent jusqu’à minuit. Moi je me sens bien lasse et nervous. Je vais ce matin. à un déjeuner chez lady Douglas, j’y verrai du monde, et cela ne m'amuse pas. Les jours vont se presser, se passer. Et le terrible jour arrivera. Quel néant pour moi ! Alors, comme je trouverai doux d'être à Richmond, vous à Brompton, sans nous voir. Qu’est-ce que cela fait ? On se sent près l'un de l’autre, on peut se voir dans une heure. Toute la différence du possible à l’impossible. Ah que je suis triste. Adieu. Adieu, & demain adieu.
Brompton, Vendredi 19 janvier 1849, François Guizot à Dorothée de Lieven
Midi
Voici deux lettres venues hier ; l'une de mon libraire, l'autre de mon hôtesse. Lisez-les, je vous prie attentivement. J’espère que vous pourrez les lire vous-même sans trop de fatigue pour vos yeux deux grosses écritures. Je n'en persiste pas moins dans ma résolution. Plus j'y pense, plus je suis sûr que c’est la seule bonne. Mais il faut tout écouter. Evidemment le travail sera très actif contre moi. Quelles misères ! Si le bon sens et le courage de mes amis ne sont pas en état de les surmonter, ma présence pourrait bien me faire élire ; mais après l'élection, je serais affaibli de toute la peine que j'aurais prise moi-même pour mon succès. Je ne veux pas de cela ; il faut que j'arrive par une forte marée montante, ou que je me m'embarque pas. Je vais écrire dans ce sens à tout le monde. Renvoyez-moi tout de suite ces deux lettres. Je vous prie. Il doit être arrivé à Brighton encore des journaux pour moi. Le postman par excès de zèle, s'est obstiné à m'en envoyer là quelques uns, sans ordre. Cela cesse aujourd’hui.
Je suis frappé du silence de l'Assemblée et du peu de paroles des journaux sur l'expédition de Toulon. Je doute que l'affaire soit aussi avancée qu’on l'a dit d'abord. Cependant la nouvelle proclamation du Pape, que les Débats donnent ce matin est bien forte. C’est la guerre déclarée aux républicains romains, autant que le Pape peut faire la guerre. Il faut qu’il soit sûr d'être efficacement soutenu. Je n’ai encore vu personne ici. Je vous quitte pour écrire à Paris. J’ai trois ou quatre lettres à écrire. Et longues. Il ne me suffit pas de dire non. Il faut que je persuade ceux qui me demandent de dire oui. Si je ne les ramène pas à mon avis, ils n'auront pas de zèle, et il me faut leur joie. Adieu Adieu. Je n'ai pas encore, ma lettre de vous. J'espère bien qu’elle viendra dans la matinée. Adieu. G.
Richmond, Lundi 2 juillet 1849, Dorothée de Lieven à François Guizot
Voici votre lettre, je vous renvoie celle de Darn. Curieuse chose que Thiers. Au fond j'aimerais assez que vous vous vissiez ici, à part mon intérêt de vous garder quelques jours de plus. Cela ne serait-il pas possible ? J’ai vu hier lord John. Les nouvelles de Paris ne sont pas bonnes. Dufaure est un empêchement. Normanby a mauvaise opinion de la boutique. Il avait causé avec tous ; président, ministres, journaux. Le socialisme règne d’une manière effrayante dans les provinces. Deux millions de Socialistes, prouvés par les votes. Sur Rome O. Barrot a dit à Normanby, qu’Oudinot avait outrepassé ou dénaturé ses instructions. Que Lesseps avait méconnu les siennes que de là provenaient tous les embarras, les contradictions. John Russell observe, que cela prouve seulement que les instructions n'étaient pas claires. Il est en grand blâme de tout cela, et il dit que cette affaire contribue grandement au mauvais esprit. qui règne en France. Lord John s'attend à un superbe discours de Peel aujourd’hui ou demain en faveur du gouvernement il m’a beaucoup parlé de Peel avec étonnement de sa conduite, comme nous en parlerions nous mêmes.
Midi, Je vous écris de bonne heure pour vous renvoyer Daru. Si j’attrape quel que chose je vous écrirai encore. En tout cas nous nous verrons demain. Adieu. Adieu. Adieu.
Brighton, Samedi 20 janvier 1849, Dorothée de Lieven à François Guizot
Je vous renvoie les deux lettres. Je suis assez frappée de celle de votre hôtesse. Il faut d’abord savoir cependant si vous avez grande confiance dans son jugement, et puis quand même elle dirait vrai ; s’il ne vaudrait pas mieux risquer la non élection plutôt que d’aller se mettre dans cette mauvaise boutique. Voici Barante confirmant un peu les mauvaises dispositions à votre égard. Cavaigac a fait une longue visite à Mad. Rothschild. Elle s’est dit monarchiste ; il a dit que ce serait la reine infaillible de la France, qu’elle ne pouvait être sauvée que par la République qui était comme un malade de la fièvre auquel il faut du quinine pour le remettre. Le quinine est amer. On a administré à la France le remède dans toute son amertume mais ce remède la guérira. Il faut qu’elle soit république. Léon Faucher est entré un moment après, disant que la France ne se sent gouvernée qu’à présent. Duchatel n'y entendait rien. Maintenant les préfets sont contents parce qu'on leur donne des directions claires, précises. Bien glorieux bien satisfait. Avez-vous remarqué les convives chez Falloux ? Tous les partis entourant le président, ce que n'a jamais eu Louis Philippe. Adieu car c’est beaucoup pour [mes yeux] qui ne vont pas bien. Renvoyez-moi Barante, et envoyez lui ma lettre par la poste si elle n’est pas déjà partie par occasion. Ajoutez son N°. Adieu. Adieu.
Brompton, Mercredi 4 juillet 1849, François Guizot à Dorothée de Lieven
une heure
Je viens de déjeuner chez Milnes. Lord Lincoln m’a dit positivement que Peel parlerait sur la motion de Disraeli. Probablement demain. On croit que le débat finira là. L’impression générale sur le discours de Disraeli me paraît exactement ce que je vous ai dit. Je comprends que Peel veuille profiter de cette occasion.. Mais c'est un immense embarras en tout pays qu’un premier acteur qui choisit son moment pour avoir un grand succès et ne se charge pas de jouer tout le rôle. Le Lord Maire s'obstine à m'avoir à dîner. Il vient de m’inviter de nouveau pour samedi 7. Anch'io m'osfinero. J’ai refusé de dîner avec les hommes politiques. Il m’invite avec les savants, royal society, royal academy. Je refuse. Ma raison est péremptoire. Je vais le 7à St Leonard. Je reçois à l’instant une lettre de la Duchesse d'Orléans qui m’écrit que le Roi la charge de me dire qu’il sera de retour Vendredi soir de sa course à Bushy. Elle ajoute : « Je serai pour ma part bien touchée de vous revoir, après les malheurs qui nous ont tous si cruellement frappés. Je vais donc là samedi. Et vendredi, j'irai dîner à Richmond.
Il paraît que Bideau ne va pas seulement voir comment les choses se passent à Rome, mais qu’il a l’ordre positif de remplacer immédiatement Oudinot, et d’en finir, à tout prix. Les Débats de ce matin, sont bien positifs à ce sujet. Je ne serais pas étonné quand il arriverait aussi à Bedeau d'hésiter et de traîner. On aura beau faire ; il faudra casser bien des vitres pour entrer dans Rome, antiques et modernes. Quelle affaire? La dépêche du Prince de Schwartzemberg sur le rôle de la France est sensée et bien tournée.
3 heures
La seconde poste ne m’apporte rien de Paris. Je trouve qu’il ont l’air de se reposer et de prendre haleine, comme des gens essoufflés. Adieu. Adieu, donnez-moi, je vous prie des nouvelles du Prince de Metternich. Je suis décidé à attendre sa visite quand il se portera bien ; mais je veux savoir de ses nouvelles quand il ne se porte pas bien. J’aime ce qui est grand et M. de Metternich est de ceux qui restent toujours grands. Par malheur, être grand n'empêche pas d'être malade. Adieu. Adieu. G.
Brompton, Samedi 20 janvier 1849, François Guizot à Dorothée de Lieven
une heure
Je reçois ce matin de mon hôtesse ces quatre lignes : " Je maintiens tout ce que contient ma lettre du 16. Cependant il y a, depuis 24 heures, beaucoup d’agitation dans le parti extrême. Les journaux de ce parti sont d’une telle violence que je vous engage à voir comment les choses vont se dessiner. Elle a pris peur du conseil qu’elle m’avait donné. Sa peur ne me fait pas grand chose et je ne la crois pas fondée. Mais plus j’y pense, plus je pense la même chose de son Conseil. Je viens d'écrire en détail à [?] les motifs qui me décident à rester ici. Je ne doute pas que vous me persistiez comme moi. Remerciez beaucoup, je vous prie, le Prince de Metternich de ses petites pages pleines de grandes vérités, à propos de l'article du Journal des Débats. Je n'y réponds pas, car je suis de son avis. Je n'ai qu'à le remercier, et à regretter qu’il ne vous ait pas donné tout à qu’il vous avait promis à propos de ma brochure. Sa conversation m'a plu infiniment mais point rassasiée. Je voudrais le voir. tous les jours. Je me figure que nous ne finirions jamais de causer, et que nous recommencerions toujours avec plaisir. J’en suis sûr pour moi. Je me promets deux heures, charmantes la semaine prochaine. Si vous pouvez trouver à Brighton le Siècle de mardi dernier 16, lisez-le et faites-le lire à M. de Metternich. L'article sur moi en vaut la peine. Vous y verrez quelle vive alarme j'ai causée. Je regrette de ne pouvoir vous l'envoyer. Je ferai partir par une occasion, très prochaine (lundi ou mardi) votre lettre à Barante. Rien d'ailleurs de Paris. Je me figure que l'expédition de Toulon pourrait bien faire long feu, comme celle du général Cavaignac. Le Président de la République sera bientôt aussi ridicule que la République. Sa liste de candidats pour la vice-Présidence est une bouffonnerie faite sans le savoir ; ce qu’il y a de pire. Adieu. Adieu.
Vous avez eu la bonté n’est-ce pas de remercier M. Ellice de son obligeante attention ? Ellice est venu me voir hier. Il part aujourd’hui pour Paris. Répétant toujours que Lord Palm est bien mal qu’il ne durera pas que ses collègues le disent comme lui, Ellice. Il confirme le dire de Lord Ashley que Lord Palm ne savait rien des préparatifs de Toulon. Le petit M. de Montherot disait hier que les Légitimistes étaient en hausse à Paris. Il racontait un calembour : l'Assemblée nationale veut la République, mais la France, en rit (Henri). Adieu. G.
Brompton, Samedi 7 juillet 1849, François Guizot à Dorothée de Lieven
A demain. Je n’ai pas encore mes journaux. Adieu. G. Samedi matin 7 Juillet 1849
Mots-clés : Relation François-Dorothée, Voyage
Brighton, Dimanche 21 janvier 1849, Dorothée de Lieven à François Guizot
Hier longue séance de Metternich. Texte- question de non intervention. Je lui ai fait quelques compléments sur sa lucidité, Il m’a dit " je reprendrai cela avec M. Guizot." Il est très occupé de vous. Je lui ai envoyé ce matin ce que vous me dites de lui. Le commerce d'esprit va devenir très vif. Votre hôtesse a donc peu les impressions des femmes sont mobiles, ce n’est jamais elles qu'il faut écouter. Votre parti est pris et je crois que c’est le bon, quoique ce soit aussi mon opinion. Pourquoi n'écrivez-vous pas sur cela à Broglie ? Voici une lettre amusante de Bulwer. Copie car l'original est trop confus. Envoyez la de ma part à lord Aberdeen ; elle pourra l’amuser. Voici Metternich répondant à votre lettre. J’avais effacé dans celle-ci le nom de Génie. Pour tout le reste nul inconvénient. Adieu. Je profite encore du jour pour vous le dire, & je ne crois pas que la soirée ne vaille quoique ce soit à ajouter. Adieu.
Brompton, Mardi 10 juillet 1849, François Guizot à Dorothée de Lieven
Midi
Je suis arrivé hier à point, pour l'avant dernier ommibus. J'étais chez moi à 10 heures un quart. Il fait bien moins chaud aujourd'hui. Vous viendrez peut-être à Londres. Je vais faire des visites toute la matinée. Rien de Paris. Je viens de voir quelques personnes. Une longue lettre de M. de Tocqueville ; assez blessé des attaques de l'opinion Anglaise contre l'expédition de Rome. La lettre est singulièrement médiocre. On me dit qu’il faut lire ce matin, dans le Times, une lettre d’un hongrois sur les affaires de Hongrie. On espère que, tranquille de ce côté, l’Autiche se retournera vers la Prusse et la contiendra. Si cela arrive l’Autriche sera le point d'appui de la France. J'ai dit à deux ou trois personnes que Thiers ne venait pas. Cela fait rire tout le monde, et n'étonne personne. Panizzi qui sort de chez moi, et qui part lundi pour Paris est charmé de gagner son pari avec Ellice. Il avait parié que Thiers ne viendrait pas. Il prétend que, cela reconnu, Ellice ira avec lui, Panizzi aux eaux d’Aix en Savoie.
J'aime bien mieux qu’Ellice se réserve pour vous accompagner à Paris, si vous êtes forcés d'y venir à présent. Mais vous ne serez pas forcée ; vous garderez la rue St Florentin. Décidément, c'est ce que je préfère pour vous. Pas autre chose à vous dire. Adieu. A demain. Je n’ai point de nouvelles des passagers de St Léonard, Dumon et autres. Nous avons eu de bien charmantes journées hier et auparavant. Quand les retrouverons-nous, avec un long avenir ?
Adieu. Adieu. G.
Brompton, Dimanche 21 janvier 1849, François Guizot à Dorothée de Lieven
Je ne me suis jamais accoutumé à cette date du 21 Janvier. J’étais si enfant que je n'en ai aucun souvenir personnel. Mais l'impression m'en reste profonde. Je suis bien près de l’avis de Madame de Metternich. On peut oublier le champ de bataille d’Eylau, non pas la place Louis XV. J’aime cent fois mieux courir le risque de la non élection que courir, ou avoir l’air de courir après l'élection. Je viens d’écrire dans ce sens au duc de Broglie. Il est à Paris très sombre. Dumon aussi. Ce que Barante vous écrit est vrai. J’ai une lettre de lui où il me dit la même chose, et toutes celles qu’on m’apporte les confirment. De sombres pronostics, et des intrigues pitoyables, il n’y a que cela. Ce que fera le pays en masse sera peut-être bon; et à de bons instincts. Ce que feront les individus isolés ceux dont nous savons les noms, sera mauvais ; ils sont plus aigris qu'éclairés. On croit que décidément l'assemblée n'assignera point de terme fixe pour son départ. Elle se contentera de réduire à trois ou quatre le nombre des lois organiques, et voudra faire celles-là ainsi que le budget ; ce qui pourra bien la conduire jusqu'au mois de juillet. Il y a autant de mécontentement que d’abattement, et vice versa. Le public trouve que les légitimistes se remuent beaucoup, et commence à s’en impatienter. On dit que le grand dîner de M. de Falloux a déplu. On dit cependant, en même temps, que depuis quelques jours, Thiers tourne à la fusion. Mais on ajoute que ce pourrait bien être uniquement un trick de quelques jours. Des Ministres actuels. Léon Faucher est le meilleur, le plus laborieux, et le plus sérieux. Il a donc raison d’être glorieux. Mais on dit aussi qu’il est désagréable, maussade, dur, impoli et détesté. Je vous répète les rapports de deux ou trois personnes que je viens de voir, entr'autres de Duchâtel qui est revenu hier au soir de Belvair, frappé de la splendeur, de l'ordre, de la froideur et de l’ennui. Il dit que s’il n’avait pas eu pour causer un peu, Lady Alice et M. Stafford O’Brien, il ne sait pas ce qu’il serait devenu. Le duc de Rutland était en effet malade. Tout s’est passé sans lui. Duchâtel l’a vu dans sa chambre la veille de son départ. Duchâtel a bien envie, aussi de prolonger son séjour à Londres jusqu'après les élections à moins qu'elles ne soient retardées jusqu'au mois de Juillet. Nous n'aurions, en ce cas, aucune raison de ne pas retourner, dans le cours de mars. Notre retour n'aurait aucun air électoral. Votre lettre pour Barante part aujourd'hui. J’ai effacé baron et mis l'adresse. Il est place Vendôme n°8. Je vous rapporterai la sienne samedi. Adieu. Adieu. J’aime bien les longues lettres mais ne fatiguez pas vos yeux. Adieu G.
Richmond, Samedi 14 juillet 1849, Dorothée de Lieven à François Guizot
En repassant chez moi après vous avoir quitté hier, j’ai trouvé Ellice & mon fils qui venaient d’arriver. Le premier en demandant à dîner. Le second m’annonçant son départ pour une tournée en Angleterre ; il part ce matin fuyant le choléra de Londres et les mauvaises odeurs dans le quartier qu'il habite. il m’a quitté à 7 1/2 de sorte que je n’ai pas causé seule avec lui. Ellice m’a dit que la discussion de la chambre des Pairs était ajournée à vendredi & que la motion de Brougham était fort hostile. Du reste point de nouvelles.
Rodolple Cousin m'écrit de Paris assez tristement sur les affaires en France. Misère, mauvais esprit, impossibilité de continuer comme on est.
Je crois que la place Vendôme me conviendrait mieux. Je flotte. Quoique je fasse j'aurais mieux fait je crois d’épouser Célimène Est- ce bien là ce vers ? Le petit Cousin à moi m'écrit de Pétersbourg. Tout le monde y est triste. Je vous montrerai demain ces deux lettres. Je suis de nouveau un peu souffrante des entrailles ce matin. Est-ce que le choléra serait venu à Richmond ? Adieu à demain. Je ne répèterai plus cela qu’une fois. Ah il y a de quoi mourir de chagrin et je suis bien triste ! Adieu. Adieu.
Brighton, Lundi 22 janvier 1849, Dorothée de Lieven à François Guizot
J’ai dicté ce que j’ai retenu d’une lettre reçue hier par la petite Rothschild. Elle dinait hier chez moi. On lui écrit pas courrier. Je ne sais rien aujourd’hui. On a des postes chez vous. Les livres que vous m'avez demandés. Dites-moi si c'est cela, s'ils vous conviennent, car ce n'est qu’à cette condition que j’ai dit que je les prendrais. 8h. J'ai été interrompue et puis la promenade et puis Metternich et puis tout le monde. Je ne puis continuer qu’à présent pas conséquent. C'est Marion qui écrit. Mme le Rothschild mande encore à sa fille ce matin que tous vos amis vous conseillent, de ne pas aller [ ?] de votre élection puis d’attendre qu’elle vienne vous chercher comme une réparation. Vous voyez que c'est de tous les côtes le même air. Cela doit être vrai. Lady Palmerston vient demain pour deux jours. Collondo est nommé ambassadeur ici. Lady Palmerston dit que le Pape est mal conseillé. Il ne veut per mettre à aucune puissance de se mêler de ses affaires. Sa lutte d'excommunication a produit un détestable effet à Lord Palmerston grille d'impatience de se défendre et la chambre des communes. Voilà tout ce que Lady Ashley est venue me raconter ce matin. Renvoyez-moi je vous prie la lettre de Barante. Metternich dit, qu'on le sommera encore de rendre-compte en Allemagne. Adieu. Adieu
Richmond, Mercredi 18 juillet 1849, Dorothée de Lieven à François Guizot
Onze heures
Je veux encore essayer de vous faire parvenir deux mots à Londres. Cette pensée si douce que vous êtes à une heure de distance, il y faut donc renoncer. Renoncer à tant de bonheur ! Ah mon Dieu Hier mes genoux ont fléchi quand vous avez fermé la porte. Je suis restée en prières. J’ai tant prié, et toujours une seule & même prière. Je n’ai pas pleuré. Le moment même d'un grand chagrin me trouve sans larmes. C'est de l’étonne ment. Tout est suspendu en moi. Je me suis mise à la fenêtre, presque sans pensée. Je ne sais ce que j’ai fait ensuite. Je me suis couchée. J’ai dormi un peu, pas beaucoup et je me lève, la désolation dans l'âme !
Une lettre de Constantin de Berlin. L’Empereur est parti subitement de Varsovie pour aller surprendre l'Impératrice le jour de sa fête le 13. Il ne devait passer à Pétersbourg que deux ou 3 jours. Un moment de halte dans les opérations. On veut toucher en masse sur l’armée véritable des rebelles. Tout est calculé. On ne doute de rien, et dans 15 jours ou 3 semaines l’affaire de la Hongrie sera terminée. A Berlin, grand changement dans les esprit même les plus sages. L’unité, l’unité au profit de la Prusse ; les succès dans le Palatinat & dans le grand-duché de Bade ont tourné toutes les têtes. grande haine contre l’Autriche, mille soupçons. Le roi, la reine & une partie du ministère résistent seuls à cet entrainement. Mais la bourrasque est bien forte. Prokesh et Bernstorff sont incapables de rien arranger. Il faut changer ces deux instruments. L’armistice avec le Danemark mécontente beaucoup les Allemands. Enfin beaucoup de fronde à Berlin.
Adieu. Adieu, cher bien aimé, adieu. Voici les larmes. Je m’arrête. Adieu. Dites un mot, pour que je sache que vous avez reçu cette lettre. Voilà du vent. J’ai peur pour cette nuit. Passez-vous sur un bâtiment anglais ou français ? Je ferme ma lettre à 2 1/2. Je l'adresse chez Duchâtel. C’est plus sûr. Mon messager reviendra de la directement. Adieu. Adieu, mille fois. Mon cœur se brise. Adieu.
Brompton, Lundi 22 janvier 1849, François Guizot à Dorothée de Lieven
Voici une preuve qui vous amusera de l'effet de ma brochure en France. Je ne l'ai point fait envoyer à M. Molé et elle ne lui a point été envoyée de ma part. J’ai la liste des personnes à qui j'ai ordonné de l'adresser et à qui elle a été effectivement adressée. M. Molé n’y est pas du tout. Mais il lui a convenu de supposer ce point de départ, et j'ai reçu de lui ce matin la lettre dont je vous envoie copie. Je ne veux pas faire courir à l'original les hasards de la poste. Je vous l'apporterai Samedi. Rappelez-vous la conversation de lui que je vous ai lue il y a quelques jours et riez toute seule. Je lui répondrai très simplement, et poliment, sans un mot qui démente ni qui accepte son point de départ, et en me félicitant que nous soyons d’un seul et même parti. J'enverrai au Duc de Broglie copie de la lettre de Molé et de la mienne. Je veux qu’il y ait à Paris, un de mes amis qui soit au courant. Et je compterai là un ami de plus, que je tâcherai de garder et dont je me garderai toujours.
La lettre de Bulwer est très jolie. Vraiment jolie pour le tour, en même temps que spirituelle au fond. Je vais l'envoyer à Lord Aberdeen Lui avez-vous écrit et viendra-t-il à Brighton dimanche ? Cela me divertira de lui montrer la lettre de M. Molé. Je me promets un vrai plaisir samedi de la lecture du Prince de Metternich, et j'espère que la lecture ne supprimera pas tout à fait la conversation. Je veux les deux. Je viens de voir un homme parti hier matin de Paris. Un vrai bourgeois de Paris, intelligent, bavard sensé, léger, moqueur, et prenant son plaisir à flâner à travers les événements comme sur les boulevards. Il regrette Cavaignac qui, dit-il, aurait, de gré ou de force, enterré plutôt la République. Il ne croit pas que l'Assemblée se dissolve sitôt. Il rit de Louis Bonaparte, et ne se soucie pas beaucoup qu’on le renverse." Il ne peut pas nous faire grand bien, dit-il ; mais tant qu’il est là, personne ne nous fera grand mal." Par goût, il est régentiste et n'y croit guères. Par raison, il voudrait être légitimiste, et n'en peut pas venir à bout. Il m'a assez amusé, comme type de Paris. Charmant Paris, dit Bulwer. Voici l’article du Siècle. Gardez-le moi, je vous prie. Je ne veux pas le perdre. C’est un article intelligent. J’ai écrit hier au Duc de Broglie. Et ce matin à mon hôtesse. D'après ce que m'a dit hier Duchâtel, le Duc de Broglie est déjà de mon avis sur le moment de mon retour. Quant au jugement de mon hôtesse je ne la connais pas assez pour le bien évaluer ; mais je le crois bon jusqu’à 5 pieds de haut, et de peu de valeur au-dessus. C’est le cas de bien des gens. On voit selon sa taille. Adieu. Adieu. Nous venons d'avoir un violent orage, et voilà un beau soleil. Je vais me promener un peu. Adieu. G.
Brighton, Mardi 13 février 1849, Marion Ellice à François Guizot
8 h. La princesse est si fatiguée par la toux qu'elle me charge de vous écrire ce soir. Elle a un peu plus de rhume aujourd’hui Verity est venu ce matin et a été tout surpris de la trouver souffrante. Il lui a défendu de sortir et de jouir de ce beau jour de printemps. Les yeux ne vont pas plus mal, mais ils se ressentent du rhume. Enfin c'est un désagrément, un ennui et une grande fatigue, car la toux est incessante. La journée s'est passée tant bien que mal. M. de Flahaut est venu la voir et elle l’a trouvé très sensé. Elle a été charmée d'un article du Times ce matin. Tout-à-fait excellent. Puisque vous lui mandez que vous êtes pris jeudi et vendredi, cela l'ébranle dans son projet d’aller à Londres après-demain. Elle se décidera demain matin. Elle se couche dans ce moment. Je suis bien désolée de vous annoncer tant de mauvaises nouvelles, et je vous prie de mesurer mes regrets à mon dévouement sincère dont je vous renouvelle l'ordonnance. M. Ellice
Mots-clés : Presse, Réseau social et politique, Santé (Dorothée)
Brighton, Mardi 23 janvier 1849, Dorothée de Lieven à François Guizot
C’est fort drôle Molé ! C’est bien confus Paris. Que je suis aise que vous n'y soyez pas ! Nous croyons que tout allait languir jusqu’à la nouvelle assemblée, et c’est tout juste main tenant que cela devient le plus mêlé et le plus curieux. Aberdeen me mande qu'il sera ici samedi Et dimanche. C’est trop. D’ici là il retourne encore a Drayton ; c’est pour quelque chose. Le seule est très remarquable ! Très bien je vous regarde. Je vous ai dit que Metternich croit encore à de grands coups en Allemagne. Je crois aussi que partout, à la fois le parti vaincu cherchera à se relever. Il y aura encore bien du trouble, de bien mauvais moments. J’ai peur d’aller à Paris. Ce sera des ennuis et pire peut être. Qui peut savoir ?
8 h du soir. Lady Palmerston est venue troubler ma conversation avec les Metternich. Ils m'ont laissée discrètement et elle m’est restée jusqu’à encore dîner. Le mari est rétabli. Il était au conseil de Cabinet aujourd’hui. M. de [?] est venu dire que l’expédition de Toulon était faite pour imposer aux Autrichiens et les empêcher de s'occuper des affaires. du Pape. Le pape est un sot. Quelle bêtise d'avoir quitté Rome. Ce qu’il y a de mieux à faire, c’est d'y rentrer tout de suite Le conseil anglais à Rome écrit cela. Donc c’est in faillible. Au lieu de cela le Pape s’obstine à rester à Rome sous l’influence de ce vilain jésuite le Roi de Naples. Lord Normanby dit que les légitimistes se conduisent sottement. Ils sont trop pressés. Thiers veut absolument la régence. La situation devient plus mauvaise tous les jours. On aurait cru que l'avènement de Président ramènerait la prospérité du commerce. On s’est trompé, on se plaint, on accuse Thiers et les autres grands hommes, de se tenir à l’écart, tandis que s'ils se mettraient à l'œuvre, la confiance au rait pu renaître. Louis Bonaparte n’est pas du tout bête, mais on l'abandonne, et tout va au diable. Voilà le résumé. Adieu. Adieu, adieu.
Brighton, Mercredi 14 février 1849, Dorothée de Lieven à François Guizot
Midi.
J'ai été bien triste hier, car vous l'aurez été ce matin en recevant la lettre de Marion. Une rechute avec redoublement des accès terribles, pas moyen de tracer un mot. Le médecin ce matin décide que je reste encore ici deux jours. Je ne partirai que Samedi. Votre lettre hier est bien longue et intéressante. Quoiqu'on fasse contre vous, vous n'y perdez pas. Je m’étonne de la sottise. Votre tranquillité fait un excellent contraste. Laissez user tous ces gens-là et tous ces évènements. Je crois tout-à-fait à l’Empire. Je n’y vois pas de mal, pourvu que cela ressemble à du despotisme. Hier le Times au jourd’hui le Chronicle sont des articles excellents sur Palmerston. Bulwer dit qu’il ira en Amérique pour [?]. C’est trop tôt montrer la comédie. Je n’ai pas de lettres.
8h. L'enveloppe était faite, et je n’ai pas pu reprendre ma lettre. Marion continue ce soir. Elle prétend que je vois mieux qu’hier à cette heure-ci. Moi, je n’en suis pas sûre. Adieu. Adieu.
Brompton, Mardi 23 janvier 1849, François Guizot à Dorothée de Lieven
Voici une lettre du Maréchal Bugeaud qui me plaît, malgré un fond de mauvaise humeur, et qui vous plaira. J’ai reçu hier, par deux occasions de Paris et de Lisieux, un déluge de lettres. Piscatory, Mornay, Jayr, Cuvillier Fleury, Plichon & &. Je vous apporterai samedi, celles que je ne vous envoie pas. Pour votre amusement, je joins à la lettre du Maréchal celle de mon hôtesse qui ne contient pas grand chose mais qui vous fera rire. Plus votre lettre de Barante. Mes lettres de Lisieux sont bonnes quant à mon élection. Non que cela doive aller tout seul. J'aurai contre moi, les Républicains les Bonapartistes, des bêtes et des poltrons. Mais mes amis et tout le gros du parti conservateur sont décidés, en train, et se promettent de gagner la bataille, pour peu que les légitimistes les aident. Et les légitimistes promettent de les aider tout haut, Tout ce qui m’arrive me confirme dans ma résolution. C'est l’avis très décidé de Piscatory, à la vérité un peu piqué de son échec électoral à Tours et plus noir que jamais. " J’aurai besoin de le voir, me dit-il, pour croire que dans notre plat pays, il y ait des gens assez braves ou plutôt assez de gens braves pour vous assurer une majorité." Vos extraits des lettres de Mad. Rothschild sont très intéressants. Je crois de plus en plus à la prolongation de l'Assemblée. On grognera, on criera, on finira peut-être par la chasser violemment ; mais on ne commencera pas par là, et en attendant elle durera. C’est tout ce qu’elle veut, par peur et pour argent. J’ai eu tout à l'heure, de bon lieu, des nouvelles du cabinet d’ici. L'orage grossit contre Lord Palmerston. Le vent de Windsor souffle fort. Lord John est troublé. Il y a un cabinet council ce matin. On y parlera beaucoup d'affaires Etrangères. C’est Lord Palmerston qui a essayé de persuader à les collègues que l'expédition de Toulon avait pour but la Sicile, contre Naples. Il voulait. couvrir ainsi sa propre politique. Quelques uns l'ont vraiment cru. Cela tombe et Palmerston baisse. Il a raison de souhaiter le Parlement. Je ne sais si la toile levée lui sera bonne mais l’entracte ne lui vaut rien. Adieu. Que de choses nous nous dirions si nous nous voyions tous les jours? Adieu. Adieu. G. P.S. Mes livres sont arrivés ce matin. En très bon état; les vieux comme les neufs. C’est parfaitement ce que je désirais. Merci et Adieu.
Brighton, Jeudi 15 février 1849, Dorothée de Lieven à François Guizot
3 heures
Ah qu'il y a une mauvaise parole, une mauvaise et injuste pensée dans votre lettre d’hier. En deux mot de conversation je vous ferais honte, je n'ai pas assez de mes yeux pour vous écrire cela. J'approuve complétement ce que vous avez écrit au duc de Broglie. Voilà les amis français ! Je n'ose pas dire que je suis mieux aujourd’hui, ce serait probablement un mensonge se soir. Quoiqu’il en soit à moins de catastrophe j'ai bien le projet d'aller à Londres samedi. Ecrivez moi encore demain. Je suis très contente du Président. Sa visite à la bourse me plait. Il a de bonnes inspirations. Metternich est en pleine sécurité sur Bruxelles. Cette médiation n’ira pas. Je crois qu’on le tient. fort au courant.
8h. du soir. Metternich dit que la fuite du duc de Modène est en Humberg. Les Autrichiens occupent Modène. Il est très noir sur l'Allemagne. Evidemment Vienne et Berlin ne s'entendent pas. Schwarzenberg le dit dans sa proclamation. Cela finira par une guerre civile. C’est l'impression de M. de Metternich. Mme de Rothschild arrive ici demain. Elle sera très intéressante à entendre. Si elle ne vient que tard demain soir. Je ne la verrai pas, ce que je regretterai. Adieu. Adieu
Brighton, Mercredi 24 janvier 1849, Dorothée de Lieven à François Guizot
Mercredi Vos lettres sont intéressantes Bugeaud est un peu cross. Votre hôtesse me rappelle Mad. de Sévigné trouvant si bon air à Louis 14 qui lui avait adressé la parole à un spectacle à Versailles. Rien ce matin. Je reverrai Lady Palmerston. Elle critique Thiers. Il veut la régence. Il devrait plutôt aider le Président. Lord Brougham doit être arrivé hier à Londres. Il viendra sans doute ici. N'avez-vous donc pas entendre parler de Thiers depuis votre livre et sur votre livre ?
8 h. Lady Palmerston m’est restée bien longtemps. Si longtemps que j'ai à peine, le temps d’ajouter deux mots. Rien de nouveau. Lord Palmerston terrassera des adversaires. Il fera taire toutes les trompettes de le Europe. C'est vrai que rien n’a été fait, que rien n’aboutit. Mais la Sicile est à la veille de l'arranger. Et quand à la Lombardie, ni les Autrichiens veulent la garder, cela ne regarde pas l'Angleterre. Lord Palmerston croit qu’ils ont tort, mais ce n’est qu’une opinion lord Aberdeen est très monté et parle beaucoup contre son mari. Brunow est à Drayton. Il est venu le dire à Lord Palmerston en riant. Peel est toujours seul, il n’a pas un homme. Les Peelistes ont bien envie d'entrer aux affaires, mais ils n'ont pu de chef. Au demeurant tout va très bien. Les Holland se sont raccommodés. Adieu. Adieu.
Brompton, Vendredi 16 février 1849, François Guizot à Dorothée de Lieven
Midi
Demain sera charmant. Et je serai charmé que vous me fassiez honte de mes mauvaises pensées. J’ai tort de dire mes. Je ne devrais dire que ma. J’en ai bien rarement. Votre lettre de demain matin me dira si vous voulez que j'aille dîner avec vous. La dernière tentative pour ajourner la fin de l'Assemblée à échouer. Les élections auront très probablement lieu, le 22 avril. Cela met mon retour en France aux premiers jours de mai. Je n’ai point de nouvelles ce matin. Duchâtel, qui sort de chez moi, m’a apporté les siennes. Tout à fait d'accord avec les miennes. Seulement il ne croit pas qu'au fond Molé sait bien en ce qui touche notre élection. Il se croit sûr que Molé, sous main, travaille activement contre lui à Bordeaux. Je lui ai montré ce que j’ai écrit au duc de Broglie. Il approuve complètement et écrira dans le même sens. Thiers a fait sa paix avec le Président. Il a vu que les affaires du Président allaient mieux, et il s'est rapproché de lui. C’est Morny qui l’écrit à Flahault. Flahault toujours très bien, très gentleman et tenant un très bon langage. Dites, je vous prie, au Prince de Metternich que je regrette, et que je regretterai beaucoup mes visites à Brighton. Nous avons à peine commencé à causer, et nous avons ce me semble, de quoi causer des années. J'espère que nous nous reverrons à Londres. Je me désespère même pas de Paris. Faites-moi aussi la grâce de demander pour moi, à la Princesse de Metternich, une petite place dans ses souvenirs de Brighton. Et notre bonne Marion ? Est-ce quelle ne m’écrira pas quelques fois pour son compte ? Est-ce qu’elle ne viendra pas vous voir ? Il y a bien peu de personnes qui gagnent plus on les voit. C'est le sort de Marion. Je la charge de mes amitiés pour ses sœurs. Adieu. Adieu. Il fait plus froid ce matin. Prenez bien vos précautions demain. Adieu. Adieu. G.
Brompton, Mercredi 24 janvier 1849, François Guizot à Dorothée de Lieven
Il m’est venu ce matin une bonne occasion pour Paris et j'ai écrit quatorze lettres, grandes ou petites. C’est un grand ennui. Mais je réponds à tout le monde. Il y a telle lettre insignifiante qui, un jour, à son prix. Je crois aussi à de mauvais moments encore dans Paris, et je suis bien aise de n'y pas être. Toutes les nouvelles sont dans ce sens. On m'annonce pour ces jours-ci des lettres détaillées. J'en aurai quelqu'une avant samedi. Louis B. ne peut ni s'établir ni tomber sans bruit. Je persiste à croire qu’avant de tomber, il essaiera et de la République rouge et de l'Empire. Il faut qu’on ait essayé de tout. Pour la première fois, les journaux légitimistes commencent à attaquer. Thiers au nom de la question entre Henry V et la Régence. Lisez l’article ci-joint que je trouve dans l'opinion publique. C’est très grave. Et je crois que c’est absurde à eux. Ils n'ont nul intérêt à faire vider la question d'avance. Il pourraient, un jour, avoir la nécessité pour eux. Le débat préliminaire sera toujours contre eux. L’esprit de parti à tout à la fois des lumières et des aveuglements inconcevables. Je doute que cela finisse sans guerre civile. Et je ne sais pas comment la guerre civile finira. Je suis curieux de savoir si le Constitutionnel relèvera ce gant. L'expédition de Toulon, n'en sortira pas. Et le Pape a raison de rester à rade tant que les Puissances catholiques y compris l’Autriche, ne se seront pas accordées pour le ramener toutes ensemble à Civita Vecchia. Sa présence là, sous une telle escorte, ferait tomber la révolution de Rome. Je conviens que cela ne ferait pas les affaires de Lord Palmerston. Il lui vaudrait mieux que le Pape fût à Rome, impuissant et toujours menacé. Décidément Lord Palmerston est un vieillard. Il ne comprend rien à ce qui se passe et ne sait plus penser et faire que ce qu'il a pensé et fait jadis. Je suis frappé du retour de Lord Aberdeen chez Sir Robert Peel. Certainement il y a quelque chose. On commence à dire assez haut que la Reine se plaint tout haut de Lord Palmerston et s'en inquiète. Savez-vous ce que dit Barante du dîner de M. de Falloux ? " Nous avons eu le banquet du Châteaurouge ; ceci est le banquet du Châteaublanc." Et Dupin après le vote des 48 000 fr. ; pour M. Boulay de la Meurthe, vice président de la République : " 48 est donc le calibre de notre boulet. " J’ai reçu hier un billet pressant de Lady Holland, me priant, au nom de Lord Holland d’aller dîner aujourd'hui à Holland-House. J'y vais. Je serai charmé que Holland House reprît. Je vous dirai les physionomies. Adieu. Adieu. Je voudrais bien que nous fussions seuls quelques heures de Samedi à Lundi. Adieu. G.
[?], lundi 5 mars 1849, François Guizot à Dorothée de Lieven
Lundi 5 mars-1849
Mots-clés : Santé (Dorothée)
Brighton, Jeudi 25 janvier 1849, Dorothée de Lieven à François Guizot
Votre lettre ce matin est très intéressante. Moi aussi j’ai bien appétit de causeries avec vous. Nous en aurons à peine. Ne pourriez-vous pas rester encore Lundi ? Que ce serait charmant ! Si vous trouvez trop dur de rester un jour de plus avec moi, voulez-vous ne venir que dimanche cela me déplaira, mais j’aime mieux le Lundi seul que le Samedi divisé. Ou bien encore persistons dans le samedi et voyons comment nous nous en tirerons. Je serai équitable et je ne vous demanderai que l’ordinaire, si cet ordinaire suffit. J’ai idée que ceci sera votre dernière course à Brighton vous pourriez la faire plus longue. Constantin m'écrit que le Roi de Prusse refusera décidément l'Empire, il veut avant tout rester avec ses deux vieux alliés ; il est inébranlable sur ce point.
8 h. du soir. Longue visite encore de lady Palmerston. Grande joie de la réduction dans l’armée et la flotte, en France son en train de désirer L. Bonaparte for ever. Avec les Orléans il y a trop de jeunes mauvaises têtes. Avec les légitimistes trop de vieilles perruques L.B. et l'Empire. C’est ce qu’il y a de mieux. Elle part demain matin pours Londres. Le Prince d'Orange qui vient d'arriver est invité à Windsor avec [?] Ld Palmerston ne l’est pas. C'est fort. Adieu. Adieu. à Samedi Adieu.
Clarendon, Lundi 19 mars 1849, Dorothée de Lieven à François Guizot
Midi
Je commence sans avoir un mot à dire. Êtes-vous content de la rue de Poitiers ? Moi je trouve la proclamation bonne, mais je ne suis pas juge. Certainement elle ne compromet personne. Le temps est horriblement triste. 3 heures Lord Aberdeen a vu une lettre de devant Palmerston du 8. Les propositions d’abord repoussées ont été reprises, et on s’attendait à les voir acceptées. Le Constitutionnel annonce que la guerre en Piémont est inévitable. Le Roi n'a pas écouté les remontrances des alliés. Aberdeen est d’avis qu'il faut rappeler Abercrombie. Peel trouve la situation du Cabinet bien mauvaise ses mesures ne passeront pas. Selon toutes les règles il devrait tomber. Je n'ai encore vu et entendu que ce que je viens de vous dire. Je crains les visites Je vous fais ma lettre, in good time. Adieu. Adieu.
Brompton, Jeudi 25 janvier 1849, François Guizot à Dorothée de Lieven
Très petit dîner hier à Holland house. Plus petit même qu’il ne devait être. Macaulay était engaged. Lady Malet dans son lit. Rien que Brougham arrivé la veille et moi avec un peintre et un inconnu (de moi du moins) qui vivent dans la maison. Pourtant le dîner a été agréable. Bonne conversation animée, sur toutes choses. J’ai fait des frais. Je voulais que Holland house parût agréable à ses maîtres. J’ai fait des frais aussi pour Lady Holland, pour lui donner bon air aux yeux de son mari. Elle s'en est aperçue et m'en a su gré. Le ménage a l’apparence convenable. Ils vont passer deux ou trois mois à Paris. Puis ils reviendront à Holland-House quand le parc sera vert et le jardin en fleurs. Lord Holland aime la verdure et les fleurs. Je ne le savais pai si champêtre ! Lady Holland part la première, lundi ou mardi. Elle vous demande vos commissions, vos lettres, vos ordres. Je les lui rapporterai lundi. Elle ne partira certainement pas avant mardi. Elle se chargera de tout ce que vous voudrez, lettres, affaires ; d'inspecter votre appartement, vos gens, vos meubles. Elle est reconnaissante et voudrait l'être encore plus. Elle ira samedi à Claremont prendre les ordres du Roi, et de la Reine. Lord Holland a eu une attaque de goutte effroyable. Il est changé, et se traine avec peine. Lord Brougham en train, bon enfant ; très noir sur Paris. Racontant toujours Arago, encore plus noir que lui. Croyant au progrès et pas au succès des légitimistes. Il n’a pas vu Thiers, ni Broglie. Il a dîné chez Molé, avec Cousin, Mignet, Dupin. Son grand ami du moment, c'est le Roi des Würtemberg, le plus spirituel des Rois, peut-être des hommes. Pas un fait à retenir de tout ce qu’il a dit. Je viens de voir un membre de l'Assemblée nationale un ancien conservateur progressiste, qui repart ce soir, M. Sallandrouze. Celui-là croit au succès des légitimistes. C'était un des suivants de Henri de Castellane. Vous vous rappelez peut-être son nom. Il est bien honteux du passé, bien abattu sous le présent. Grand manufacturier Tapis d’Aubusson. Lord Aberdeen vient de me renvoyer de Drayton. Manor, la lettre de Bulwer. Il me dit qu’il sera samedi et dimanche à Brighton, et me propose de me mener Dimanche entendre un very good preacher. Je me laisserai mener. J’ai une longue et curieuse lettre de Dumon. Je vous l’apporterai. Point de fait nouveau. Une bonne appréciation de la situation. M. Sallandronze a reçu ce matin la nouvelle de la formation probable d’un ministre Lamartine, Billault, Emile Girardin. Je n'y crois pas. J'en aurais presque envie, pour user encore cela. Adieu. Adieu. A après-demain. Mais je vous écrirai encore demain. Adieu G.
Mots-clés : Politique (France), Réseau social et politique
Clarendon, Mercredi 21 mars 1849, Dorothée de Lieven à François Guizot
Midi
Quelle contrariété. Je ne vous ai pas écrit hier parce que je trouvais plus simple que vous vinssiez recevoir ma lettre à Brompton, ignorant si elle vous arriverait à Kimbolton avant votre départ. Voici que vous n’arrivez pas. C'est plus que contrariant, c’est malheureux. Si vous avez de de l’esprit vous le comprendrez. J'ai bien affirmé que vous serez ici aujourd’hui. Ma visite de 2 1/2 y compte. Je n’ai guère de nouvelles à vous donner. Lord Clauricarde est venu m'annoncer hier que Lord Aberdeen fait demain une motion sur l'Italie. Cela a surpris la Chambre haute & moi aussi. J’ai été contente du premier dans des Débats à propos de la proclamation de la rue de Poitiers. Duchatel m’a dit que le manifeste n’a plu à personne. Broglie est parti pour la province. On lui mande qu’il était à l’état d’automate galvanisé. Piscatory a été chez le Président. Quelle platitude. Vitet écrit très lugubrement. Le nouveau roi de Hollande est parti hier matin. Une députation de ministres était venue le chercher. Il était très saisi très ahuri. Mes soirées sont abominables. Personne. Il faut donc encore aujourd’hui subir ma société toute seule. 4 heures. Je dois vous déclarez formellement qu'il faut que vous veniez du chemin de fer droit chez moi, avant d’aller à Brompton. L'heure presse, et cela est de toutes urgence. Je pense que vous pourrez être ici à 3 1/2 ou 3/4 on vous y attendra ; j’ai répondu de vous, il est impossible que vous ne compreniez pas qu'il faut faire ce que je vous dis. Morney écrit que Piscatory est de son avis sur votre élection et le lui à dit. D'Haussonville un peu cela aussi, mais avec une [ ?]. La fin de Morny est curieuse. Pourquoi M. Guizot ne dirait-il pas (par écrit je suppose) qu'il faut à la France. une Monarchie ? j’ai répondu Ah, Ah on sait donc qu’il n'y a que lui qui ait du courage. La motion pour demain fait du bruit. Le camps ministériel est embarrassé. Lansdowne décidé à se conduire dans son intérêt d’honneur personnel. A demain chez moi entre 3 & 4 sûr. Ma voiture vous ramènera chez vous. Si j’ai quelques personnes vous entrerez droit dans ma chambre. Adieu. Adieu. Je ne saurais vous dire le chagrin de ne pas vous avoir parlé aujourd’hui. Mais demain.
Brighton, Vendredi 26 janvier 1849, Dorothée de Lieven à François Guizot
Toute une journée prise sans aucun moyen de vous dire un mot. Au reste nous allons vous voir. C'est bien littéralement à quoi nous allons être réduits. Vous voyez que nous nous verrons et que nous ne causerons pas. Metternich s'est déjà tenu en haleine aujourd'hui. Il m'est resté trois heures. Je ne sais rien. Je serai charmée qu’Emile Girardin fut ministre. Il verra ce que c’est, et on en aura fini de lui.
Outre mes yeux j'ai à vous annoncer un pied malade. De sorte que me voilà bien arrangée. Marion a eu une lettre de son oncle. Je trouve tout bien mêlé. On ne s’entend pas. Je ne crois pas au succès des Monarchistes des deux couleurs. Je croirait bientôt plutôt à l’Empire. Au reste vous verrez sa lettre. Mme Roger écrit tristement. Elle ne croit pas trop à la sincérité du Président et malgré des protestations. aux modérés, elle le croit très coupable de s'en aller à la gauche et même à la rouge. Adieu. Adieu. Je suis triste de penser à ces deux jours ce sera un supplice donnez-moi un bonjour. En attendant bonsoir Adieu.
Brompton, Samedi 2 juin, François Guizot à Dorothée de Lieven
8 heures et demie
Je suis toujours horriblement pris du cerveau. J'éternue scandaleusement. Si Lady Lovelace m’a trouvé aimable hier soir, elle n’y est pas difficile. Il y avait là peu de monde, des savants et cet envoyé hongrois dont j'oublie le nom et qui disait à tout le monde : " dans quelques jours, nous reprendrons l'offensive, et il viendra de Hongrie de grands évènements. Je ne suis pas entré en conversation avec lui. Il y a certainement quelque faveur dans le public pour les Hongrois et s’ils s’étaient bornés à défendre leur ancienne constitution en se disant toujours fidèles à l'Empereur, on leur donnerait raison. Mais certainement aussi l’Angleterre ne se mêlera pas de leurs affaires. Personne ne disait rien d'ailleurs. Je suis sorti un moment après dîner. J’ai été voir des maisons à louer, dans mon quartier. Deux qui me conviendraient bien, Onslow square. Reste à savoir le prix. Et restera à attendre les événements. Je les attends avec une impatience où il y a peu de curiosité n'espérant pas grand chose de bon et prévoyant à peu prés tout le mal possible. Il ne m’est venu hier matin, après vous, aucune nouvelle de France. J'ai lu. J’ai reçu M. De Larive et M. Broadwood. J’irai aujourd’hui à l'Athenoeum et je verrai Duchâtel. Je voudrais travailler avec suite. J’ai bien des choses en tête. Que la vie est courte, et que de temps perdu dans cette vie si courte ! Milnes qui était hier chez Lady Lovelace soutient que le Président devrait faire sur le champ un cabinet rouge. Ledru Rollin en tête ; que ce serait le moyen de traverser et d’user ce parti au meilleur marché possible. On dira et on fera peut-être faire à ce pauvre Louis Napoléon tout ce qu’on a dit et fait faire à Louis XVI. Et il ne s’en tirera peut-être guèure mieux. J'attends les journaux. Je vous reviendrai après. Midi. Je n'ai point de lettre et les journaux ne contiennent rien. Cela finira par un Cabinet tiers parti, ou par le maréchal Bugeaud énervé par le tiers parti. On n'a pas le sentiment du mal et on a une peur effroyable du remède. J'espère bien vous voir ce matin. Je vous écris comme, si je ne devais pas vous voir. Je sors. Je vais chez Duchâtel. Je serai rentré à 2 h. Adieu. Adieu. G.
Brompton, Vendredi 26 janvier 1849, François Guizot à Dorothée de Lieven
Il n'y a pas moyen de me donner lundi. Béhier arrive de Paris. Dimanche soir ou lundi matin. Il ne vient que pour deux jours. Il m’apportera beaucoup de choses. J'ai besoin d'être ici lundi. Je viendrai donc demain à Brighton, selon notre premier plan. J'espère que nous réussirons à causer, un peu seuls. Vous me direz quand vous comptez revenir. J’aime bien Brighton et j'en garderai un bon souvenir. J’aimerai mieux Londres. Duchâtel sort d’ici. Mêmes nouvelles que les miennes. Misérable état des affaires. L'Assemblée veut non seulement durer, mais faire faire les élections par des Ministres à elle. Et si cela arrivait, si les ministres appartenaient à la République et non à la réaction, les élections, s'en ressentiraient beaucoup. Louis B. est encore le drapeau de l’ordre, la population n'en est pas encore à faire les élections en opposition à son ministère. L'Assemblée veut aussi faire elle-même, le budget de 1849 se promettant de se rendre populaire par des réductions d'impôts et de paralyser l'administration entre les mains de ses adversaires. Tout ce qu'il y a de plus personnel et de plus petit ; les personnes étant très petites. Pas une ombre d’idée ou de sentiment public. Dumon dit : " On ne fait plus de politique en France ; il n’y a plus que des intrigues de couloir. " L'Etat intérieur du Cabinet ici se révèle. On en parle partout. C'est sur le discours de la couronne que l’embarras éclate. On ne réussit pas à se mettre d'accord sur ce qu’on dira de l'Italie et de l’Espagne. Il me revient qu'hier Lord Palm. était pris d’un vif retour de goutte, suite de la vive contrariété. Je dîne aujourd’hui chez le Ld. Holland. Il est plus que vous ne croyez au courant de toutes choses. Adieu. Adieu. A demain 2 heures. J’aime bien la veille. C'est le lendemain qui est mauvais. Enfin, bientôt il n'y aura plus de lendemain. Adieu. Adieu. G.
Mots-clés : Elections (France), Politique (France), Relation François-Dorothée
Brompton, Dimanche 3 juin 1849, François Guizot à Dorothée de Lieven
Brompton, Dimanche 3 Juin 1849 4 heures
Mots-clés : Inquiétude, Santé (Dorothée)
Brighton, Lundi 29 janvier 1849, Dorothée de Lieven à François Guizot
Midi
Puisque le bill contre les Clubs a été porté au nom du Président ne s’en suit il pas que l'impeachement. contre les ministres à propos de ce bill atteint le Président aussi ? Voilà ce que ma sagacité à découvert un moment après votre départ. J'ai découvert aussi que je reste bien triste mais confiante. Cela vous convient-il ? 8h. du soir Mes yeux sont bien irrités. Evidemment cet orgueil m’a fait beaucoup de mal. Quels imbéciles. C'est du médecin que je parle. Metternich avait une lettre de Paris très inquiète sur ce qui peut se passer. dans les rues. Il faut que je vous dise ce qu’affirme Marion. C'est que Billault est tout-à-fait Empire. Comme je suis curieuse de la journée d'aujourd’hui. Un arrangement, un compromis, me parait impossible Les journaux anglais annoncent positivement une réduction de l'armée. Vous souvenez-vous de ce que me disait hier Lord Aberdeen. Adieu. Adieu.
Brompton, Mardi 5 juin 1849, François Guizot à Dorothée de Lieven
Hier m’a remis en contentement. Je n'étais pas de mauvaise humeur, ni injuste ; mais je n'étais pas content. Je supporte assez bien à la surface, l’imperfection des meilleures choses de ce monde ; mais, au fond du cœur, je ne l'accepte pas du tout. Rien dans les journaux. Evidemment le nouveau cabinet ne réussit pas dans le parti modéré. L'univers en parle mal. L’Assemblée nationale n’en dit rien. Le Journal des Débats prêche la résignation plus que l’espérance. Si ce cabinet avait pour résultat de compromettre et d’engager les chefs du tiers parti dans le parti modéré, ce serait bien mais ce sont des gens que rien ne compromet, et n’engage. Je les ai vus à l'œuvre. Ils avaient presque tous voté, les lois de septembre. Ils ont été des premiers à les attaquer. Ils en feront autant. Après déjeuner, j’irai voir Duchâtel et Lord Aberdeen de qui j’ai trouvé un billet en rentrant hier soir. Je vous écrirai en en revenant. Ils m'apprendront quelque chose. Quelle bonne chaleur ! Je n’en ai pas moins éternué à tout rompre en me réveillant.
3 heures Duchâtel était à Ascot. Mais sa femme m'a montré les lettres qu’il avait reçues hier de M. Vitet. Mêmes détails et mêmes impressions que dans les miennes. Seulement il n’espérait pas grand chose du cabinet qui ne s'est pas formé. A l’Athenaeum, la 3e édition du Morning Chronicle, que vous verrez ce soir annonce que le Message du Président à l’Assemblée n’a pas été présenté hier. Le nouveau Cabinet y a trouvé à redire, et à changer surtout quant à la question Italienne. Dufaure et Tocqueville en ont, dit-on, trouvé la politique too bold. On prétend que le Président l'a rédigé lui-même. Je n'en crois rien. On ne dit pas à quel jour la présentation est remise. L'ajournement ferait hier un mauvais effet dans l'Assemblée. Des dissentiments dans le Cabinet, des hésitations. Tout le monde s’inquiétait et la majorité s’irritait. Voilà une longue lettre du duc de Broglie, qui m’arrive. Illisible pour vous. Je vous la lirai demain. Une appréciation de la situation générale aussi sombre que possible, pour l'avenir comme pour le présent. Point de faits spéciaux et nouveaux. Voici ce qu’il y a de plus actuel : " Notre Chambre nouvelle, prise en soi est bonne. La majorité est saine, nombreuse, honnête, décidée. Mais, comme elle est composée, pour moitié, de légitimistes, on la traite déjà de contre-révolutionnaire, et les tiers partis qui se forment ou se font par faute de donner les mains à cette prévention. Il n'a pas été possible, pour cette raison, de former un ministère d’une couleur tranchée. Les négociants, les banquiers, les industriels ont demandé, à grands cris, un ministère de la couleur Passy et Dufaure. Le président a dû céder à son grand regret, il faut le dire, et après avoir employé tous ses efforts pour en venir là. A tout prendre je crois que c'est pour le mieux. Dans l'état où est l’armée, il faut mieux qu’elle ait à défendre un gouvernement qui ne soit pas suspect de royalisme, et la médecine expectante que nous allons essayer vaut peut-être autant que la médecine héroïque. " Je ne crois pas du tout que ce soit pour le mieux. C’est à coup sûr pour le pire dans l'avenir, et dans un avenir prochain. Le duc de Broglie regarde la bataille prochaine comme inévitable. J’ai causé longtemps avec Lord Aberdeen. Toujours, et même de plus en plus persuadé qu’il y a, dans le cabinet, un travail aussi actif que sourd, pour se défaire de Lord Palmerston, et que ce travail gagne du terrain, même assez haut. Une douce violence, faite par le Parlement, serait accueillie et est peut-être cherchée. Adieu. Adieu. Adieu. A demain dans la matinée. G.
Brompton, Lundi 29 janvier 1849, François Guizot à Dorothée de Lieven
3 heures
Je ne trouve rien en arrivant. que Duchâtel qui n’avait pas même vu le Morning Chronicle et à qui j’en ai appris les nouvelles. Il avait des lettres de vendredi soir, fort noires ; craignant la défection, sinon la trahison du Président. Il a déjà mangé son revenu de l'armée. Il a déjà des dettes. Les Montagnards lui promettent de l'argent. Parmi les modérés, quelques uns paraissaient intimidés. Paris ne demande pas la dissolution de l’assemblée, aussi ardemment que les Provinces. Cependant l'opposition au président fait des progrès rapides. Même le salon de Mad. Lehon est un salon d'opposition. Morny approuve. Il a écrit Vendredi à Flahault, Trés noir aussi. Voilà les journaux. Rien que le détail des faits que nous savons. Je ne les ai pas encore lus. Vous les aurez dans une heure. Aucune lettre directe ne m'arrive. J'en aurai probablement d’indirectes dans la matinée.
Béhier n'est pas arrivé. Point de lettres de lui. Evidemment Paris est, ou s'attend à être sans dessus-dessous. Je crains la pusillanimité. Adieu. Adieu.
Une journée charmante hier si quelque chose m’arrive, et que je sais encore à temps, vous l’aurez. Adieu, adieu dearest. G.
Richmond, Jeudi 7 juin 1849, Dorothée de Lieven à François Guizot
Rien de nouveau. Ma lettre de Lady Holland renfermant seulement ceci. Le Président a dit dans son intimité la plus intime qu'il faisait ses paquets, & qu'au premier vote insolent ou récalcitrant de l'Assemblée il partirait pour l'Angleterre, laissant une lettre d’adieux à la France & charmé de ce débarrasser d’elle. Aberdeen était venu pendant que j’étais en ville J'ai manqué lord Lyndhurst aussi & Koller. Que faire ! Le soir chez Metternich, rien de nouveau. Je vous écris de bonne heure aussi, comme vous m'avez promis de le faire, afin que ma lettre vous parvienne dans la journée. Une lettre de Marion rempli d'esprit, mais sans un mot de nouvelle. Furieuse de [?] des bombardements annoncés. " Quel prix à payer pour le rapiècetage(sic) du pauvre. Lambeau qui reste de l’honneur français. " Adieu. Nous sommes bien loin l’un de l’autre. Pourquoi n'êtes-vous pas à Richmond & Marion avec ? Voilà des perfections auxquelles on n’atteint pas dans ce monde. Adieu.
Mots-clés : Absence, Politique (France), Réseau social et politique
Brighton, Mardi 30 janvier 1849, Dorothée de Lieven à François Guizot
Les yeux vont un peu mieux, mais ils sont toujours irrités et moi je le suis beaucoup contre mes médecins. Je suis bien curieuse. Tansky écrit qu'on va à l'Empire. Lui même n'a aucun doute. Le croyez-vous ? Du reste sa lettre ne dit rien que nous ne sachions. J'ai dicté une longue lettre à l'Impératrice.
8 h. du soir Lord Brougham est venu et m’est resté 3h. au moins. Il a vu Lady Holland revenant de Claremont. Elle croit la reine mourante. J'ai vu la 2nd édition du Times racontant la journée d'hier à Paris et la promenade à cheval du président. Il n'a qu’à faire tout juste le contraire de ce qu'a fait Louis Philippe : garder son ministère et exposer sa personne et sa cause est gagnée. Vous savez que je le protège. Je serai charmée de le voir se bien conduire. Voici ce que Schwarzenberg a dit à lord Ponsonby. " Je n'envoie pas un archiduc à Londres parce que je ne peux pas exposer un Prince de la maison impériale à rencontrer l'ennemi acharné de l’entente. Voici votre lettre. Et voici la copie de celle de M Armand, ami d' Odillon Barrot. Je vous pris de me renvoyer celle- ci tout de suite. L'intérêt commence à la 3ème page. Adieu. Adieu.
Vous voyez bien que Beyer était une pauvre raison de me quitter ! Adieu.
La mission de Neumann à [?] avait pour objet d’obtenir que la France fût toute seule une expédition pour rétablir le Pape à Rome. L'Autriche ne l'a pas voulu, mais elle demande à son tour à la France de laisser faire cela au Roi de Naples, et que la France et l'Autriche regardent et restent l'arme au bras. Le cabinet prussien a adressé une circulaire à tous les agents diplomatiques, pour déclarer son intime alliance avec l'Autriche et la résolution. de refuser l’Empire. Tout ce que je vous dis là vient de source.
Mots-clés : Bonaparte, Charles-Louis-Napoléon (1808-1873), Circulation épistolaire, Conditions matérielles de la correspondance, Conversation, Diplomatie, France (1848-1852, 2e République), Louis-Philippe 1er, Politique (Autriche), Politique (France), Politique (Vatican), Réseau social et politique, Santé (Dorothée)
Brompton, Dimanche 10 juin 1849, François Guizot à Dorothée de Lieven
2 heures
Voilà donc Rome pris, ou à peu près pris, ou près d'être pris. Je ne sais encore que le Morning Chronicle, 3e édition, que je n'ai pas même lu. Guillaume m'a rapporté les nouvelles du bureau du journal. Il y a trop de détails pour que le fond ne soit pas vrai. Pourtant je ne trouve pas ce fond bien clair. Je désire que tout soit vrai. Amour-propre à part, un échec à Rome serait bien mauvais à Paris. Je veux bien qu’on se batte avec les Montagnards ; mais je ne veux pas que les Montagnards se battent en ayant le vent pour eux. Un échec devant Rome dégoûterait l’armée, l’armée de Paris. Il faut qu’elle ait cœur à se battre pour le Gouvernement. Les raisons abandent. Que d’embarras suivront la victoire ! Autant qu’il y aurait de périls dans le revers. Le Dimanche est plus insupportable, aujourd’hui que jamais. Rome, la santé du Maréchal Bugeaud. Ledru Rollin mort ou vivant. Attendre m'impatiente aujourd’hui presque autant que vous. Je ne me suis pas ennuyé hier chez Lady Alice. A table, j'ai assez causé avec elle, de vous surtout. Elle vous aime. Je ne m'y trompe pas. Elle a un peu trop de peine à comprendre ce qu'on lui dit. Le marquis, et la marquise d’Exter, le duc de Ruttand, Lord Granby, Lord Chelsea, Lord Jermyn, Lord Forrester, Sir James Gaham, M. Goulburn, Kielmansegge, Lady Aylesbury, Lord Jocelyn. J’étais chez moi à onze heures. Duchâtel sort d’ici. Il ne savait rien.
4 heures
J’ai été interrompu par Paul Dara qui arrive de Paris en passant par St Léonard.. Il a eu le choléra. 14 personnes dans la maison de son frère avec qui il habite, ont eu le choléra. Deux sont morts, le beau père de son frère et le cuisinier. Toujours brave mais aussi triste que brave. De mon avis pourtant en ce point que, s’il est vrai que le mal à beaucoup, grandi, il est vrai aussi que les moyens de résistance ne manquent point la majorité, le Président, encore l'armée. C'est le courage qui manque, et encore plus le courage de l’espérance que celui de la défense. On se croit perdu. On se défendrait si on croit relever la tête et regarder l'ennemi. Les légitimistes sauf la petite coterie de M. de la Rochejacquelin sont sensé, dans l'Assemblée. Il est convenu contre les grands partis, qu’on n'élèvera aucune question politique aucune question de prétendant, qu’on ne pensera, d'ici à trois ans qu’à se défendre du danger commun. On cherche un successeur au Président actuel qui ne sera point réélu. On ne pense qu'au Prince de Joinville. C'est le seul roi dans l’air. La duchesse d'Orléans arrive le 25. Le Prince et la Princesse de Joinville vont la voir à Eisenach. Le duc de Nemours ira la prendre à Ostende. Je vous donne pêle-mêle ce que m'a donné Daru. Il passe ici quelques jours. Adieu. Je vais à l’Athenaeum. Il fait froid, gris. Beaucoup de vent. Les Delassort m'ont fait demander, si je serai chez moi ce voir. Ils viendront à 9 heures. On me reparle d'élection dans le Calvados à propos de la mort de M. Deslongrais. Je nous montrerai ce que je réponds. Vous approuverez. Adieu. Adieu. G.
Brompton, Mardi 30 janvier 1849, François Guizot à Dorothée de Lieven
9 heures
Voici ma lettre pour Humboldt Ayez la bonté de la lui envoyer par Constantin que je remercie d'avance de la peine que je lui donne. Voici de plus, dans la lettre de Humboldt, la phrase que je voulais montrer au Prince de Metternich qui ne pense probablement trop bien de la politique de notre savant confrère. Il faut rendre justice. « Nous lisons... votre démocratie. Vous avez sondé des plaies dont nous souffrons également davantage encore, parce que nous avons, avec beaucoup de métaphysique, aucun sens pratique, parlant sans cesse de l’unité des races et nous séparant individuellement en atomes qui se repoussent, et désirent fonder un pouvoir central qui rendra impossible de gouverner dans chaque partie de la confédération. " Ce n’est pas mal résumé. Je n'ai rien reçu hier que cette lettre de l'élection d’une Assemblée nouvelle qui fera Louis B. Empereur. Cavaignac disait ces jours-ci : " Ne croyez pas, messieurs, que vous nous ferez avaler la Monarchie comme nous vous avons fait avaler la République. - Général, vous en serez dispensé ; vous serez tué. " Le Prince de Joinville et le duc d’Aumale sortent de chez moi. Me racontant tout ce qu'ils ont appris. En train pour eux-mêmes, empressés pour moi. Se répandant en compliments sur ma bonne fortune dans le sort d'Odilon Barrot. Quelques retours sur le passé. " La bataille morale avait été perdue le Mercredi 23 quand le Cabinet est tombé. Elle ne pouvait pas être regagné le jeudi 24 février, par [?] général." C’est ce que dit M. le Prince de Joinville. La Reine toujours très faible Pas plus mal, mais pas mieux. Le Ld Chomel est venu avant-hier et repart ce soir. Il n’a pas d’inquiétude imminente. La Reine est très découragée.
3 heures 1/2
J’ai été interrompu par Charles Greville. Bien boiteux. Rien de nouveau ici. Plein de Paris. Adieu. Adieu. Adieu. G.
Richmond, Samedi 16 juin 1849, Dorothée de Lieven à François Guizot
le 16 Juin
J’ai dormi, je m'étais couchée le cœur content & réveillée de même. Je trouve que demain est loin ! Voici une lettre de Marion que vous me rendez. Quelle charmante fille. Comme la tirer de là. Quel péché de la lasser croupir dans ce sot ménage. Je n’ai pas vu les Metternich hier, il n'était pas bien. Lady Allen est revenue au moment où j’allais me mettre au lit. Elle avait manqué le chemin de fer. Adieu. Je suis encore fatiguée, mais quand on a le cœur en place. Le reste est peu de chose. Adieu. Adieu.
Brighton, Mercredi 31 janvier 1849, Dorothée de Lieven à François Guizot
Midi
Point de lettre de vous pourquoi ? Voici Barante. Je vous le redemande. Vous aurez vu Delessert. Il est arrivé avant hier Brougham l'a rencontré chez L. Lansdowne. Le vote de Lundi donne du répit. On ne veut pas se battre. J'en suis fâchée cela traine. Oliffe m'écrit, & croit tout-à-fait à l’Empire. C'est le dire de la multitude, et elle est quelque chose aujourd’hui. La conduite de la Prusse est excellente. On est décidé à Berlin si la prochaine chambre est mauvaise. de la casser, et de déclarer que le vote universel est une mauvaise méthode. On l'abolira. Brandsby est très résolu, et tout le monde a confiance en lui. 8h.Longue visite du Pce Metternich. Je lui ai lu Humboldt. Il approuve mais il dit qu’en général il ne s’est jamais inquiété de ce qu'il pense. Attendu qu’en politique, il n’a point de sens ni en bien, ni en mal. Metternnich est très frappé, de ce que toutes ces dernières circonstances à Paris ajoutent à votre grande situation. Il était tout occupé aujourd'hui d'une lettre écrite à lui par un gd personnage contenant cette phrase ci. « L'Autriche a le bonheur d'avoir la guerre civile, voilà pourquoi elle se relève » Je trouve cela d’une grande vérité. Je suis bien aise que vos jeunes princes vous aient fait cette visite convenable. Adieu. Adieu.
Richmond, Lundi 18 juin 1849, Dorothée de Lieven à François Guizot
Lundi 5 heures
Hier les John Russell tous seuls copiant des vers de lord Byron. Il croit que l’assemblée va statuer quelque chose sur la situation du Président. Il ne sait quoi. Drouyn de Lhuys sera nommé ambassadeur ici. Dufaure a dit à Normanby. " Les soucis de tribune, c’est des bêtises ! Le pouvoir c’est tout, je l'ai, et je le garderai. " Mon Empereur mécontent de roi de Prusse. Voilà tout ce que j’ai relevé de la conversation hier. J’ai rencontré Duchâtel dans la rue. Delessert lui mande qu'on s’est fort battu à Lyon, on a tiré des forts. Cela a bien fini, & tout cela est bon. Je rentre, le temps est charmant, & la promenade avec vous serait plus charmante encore. Des visites. Adieu. Adieu.
Brompton, Mercredi 31 janvier 1849, François Guizot à Dorothée de Lieven
9 heures
Hier à 6 heures, j’ai eu enfin des lettres. Je vous en envoie trois ; le duc de Broglie, M. d’Haussonville, et une troisième, très petite écriture, que je vous prie, cependant de lire vous-même, et vous seule. Elle est courte. Vous y trouverez l'explication de la lettre de Molé. Mon premier mouvement a été d'être fort contrarié, cependant, à tout prendre, je crois qu’il vaut mieux que ce qui est arrivé soit arrivé. C’est un embarras de moins dans les situations. Je gronderai et je pardonnerai. J’avais bien fait de recommander, aux deux ou trois personnes à qui j'en avais parlé de ne rien dire du petit subterfuge de M. Molé. La lettre du duc de Broglie est écrite avant la crise et ne roule guères que sur ce qui me touche. Très noire et desponding sur la situation générale. M. d’Haussonville un peu moins. Le séance d’hier aura été décisive si le débat a fini. Ou la reculade de l'Assemblée, ou l'expulsion de l’Assemblée, ou le reculade du Président devant l’Assemblée, il faut qu'une de ces trois choses là arrive. Je crois à la première. C'est ce que m'indique le vent de Paris. Je trouve que les grands préparatifs militaires du Cabinet ont plus l’air d’un acte d’intimidation que d’un prélude de combat. Duchâtel est venu dîner hier avec moi. Il avait des lettres aussi dans ce sens-là. Et sombres aussi. Si l'Assemblée recule, nous aurons les élections fin de mars. Si le Président expulse l’Assemblée et fait des élections, la prochaine assemblée le fera Empereur. Si le Président recule et livre son cabinet, la crise se prolongera, et la prochaine assemblée qui viendra je ne sais quand, chassera le Président et la République. Voilà le résumé de nos conversations. Mais encore une fois, je crois à la reculade de l’Assemblée. Pendant de l'abdication du 24 Février. La poste arrive et ne m'apporte rien de Paris. Ni lettres, ni journaux. Je les aurai à 3 heures. Merci de la lettre de M. Armand. Intéressante. Je vous la renvoie. Renvoyez-moi je vous prie, tout de suite mes trois lettres de Paris. Les Princes quoi qu’ils m'aient dit le contraire sont ; au fond, de l’avis de Lady Holland, et croient leur mère très malade. Cela perce dans leurs paroles. Je sais positivement de ce matin, que Chomel est parti hier au soir très inquiet. Point de lésion organique nulle part ; mais un dépérissement général, lent, progressif. Chomel dit que cela a commencé à la mort du Duc d'Orléans. Le Roi n’est pas très inquiet. Il ne ne veut pas l'être et on ne veut pas qu’il le soit. S’il l’était, il ferait un mal énorme à la Reine par son agitation ses explosions de tous les moments. Elle a surtout besoin de repos. J’irai samedi à Claremont.
Une heure
Voilà le Daily News. L’Assemblée a en effet reculé. Et sur le rapport Grevy et sur la loi des Clubs. Bien petite majorité qui ouvre la porte à toutes sortes d’amendements et de transactions. Mais enfin toute crise ajournée, et très probablement l'assemblée se dissoudra dans le cours du mois de mars, et les élections se feront en avril. Je ne rentrerai qu'après. Gabriel Delassort sort de chez moi. Arrivé avant-hier soir, il repart Samedi. Rien de plus que ce que nous savons. Ne croyant pas au succès des légitimistes. On passera par l'Empire. Ni lui, ni son fière ne veulent être élus à la prochaine assemblée. Il m'a lu deux lettres venues hier de sa femme et de son frère. Adieu. Adieu. On doit m'apporter aujourd’hui la circulaire Prussienne. God bless your eyes ! Adieu, Adieu. G.
Mots-clés : Circulation épistolaire, Elections (France), Politique (France)
Richmond, Mardi 19 juin 1849, Dorothée de Lieven à François Guizot
C’est cela. L'absence est cause de tout. Ensemble, toujours ensemble, et il n’y aurait jamais de nuage, et je suis condamnée aux accident de nuages ! Ma vie ne sera plus longue et je crains qu’elle ne soit triste ! Qu’allons nous devenir. Je ne vois rien de clair, rien de bon. Je passe mes nuits à penser à cela. Je vous renvoie la lettre de Beyier. Elle m’a intéressée. Vous voyez, lui aussi pour le président. Il m'est venu hier beaucoup de monde. La duchesse de Beaufort, lady Wilton, la princesse [Crasal?] les Delmare. Le soir j’ai passé un moment chez les Metternich. Il est bien tout-à-fait !
5 heures Je rentre de ville. Déjeuner manqué à droite et à gauche, j’ai fini par le prendre au Clarendon. La duchesse de Cambridge sombre pour l’Allemagne je ne sais pourquoi. Une longue lettre de Constantin du 8. Des forces immenses le 14 ou 15 au plus tard on attaquera sur toute la ligne. Lui-même venait de recevoir l’ordre de départ n'osant pas dire où. Paskevitch parti le 10. L'Empereur allait à Cracovie. Le 14. Lenchtenberg. Mouralt ainsi que la fille du G. D héritera. L'Empereur toujours en pleurs. Le temps est laid. Je ne suis pas sûre d'aller demain en ville. Il faut que je sois ici à 4 h. En tout cas je serais pressée. Si je ne viens pas vous m'écrirez, & puis lundi vous viendrez. Adieu. Adieu. Adieu.
Je vous envoie le relevé des forces.
205 bataillons
187 Escadrons
370 Pièces d’artillerie
Voilà Russes et Autrichiens
De plus Tellachich 45 000 hommes & les Services venaient d’offrir 50 000.
Brighton, Jeudi 1er février 1849, Dorothée de Lieven à François Guizot
Je vous renvoie toutes vos lettres. Mon premier mouvement a été de la colère, en y pensant un peu je ne suis pas si mécontente. L’argument qui me touche le plus est qu'hier dans le plus mauvais moment vous avez envoyé son livre. Après tout c'est de l'académie d’ailleurs, c'est fait, vous voyez que je vous imite. Voici un article du Globe d’hier 31. Vous savez que c’est L. P. qui l'écrit. Je vous renvoie tout ceci de bonne heure dans l'espoir que vous le recevrez encore ce soir. Je vous écrirai encore plus tard s'il y a de quoi. Mes yeux un peu mieux. Adieu. Adieu. J’ai lu moi-même Génie.
Brompton, Mercredi 20 juin 1849, François Guizot à Dorothée de Lieven
Midi.
Je vous écris quelques mots par précaution. Je suis obligé de sortir sur le champ pour une affaire qui m'arrive, et qui me prendra peut-être assez de tiens. Je vous dirai demain, car je ne compte guère vous voir, aujourd'hui. J'espère rentrer assez tôt pour vous écrire une vraie lettre avant la poste de 9 heures. Mais en tout cas ne soyez pas inquiète. Pas de lettre encore de Paris. Je pense que le courrier de 2 heures m'en apportera. Je ne tiens pas encore la prise de Rome pour certaine. Adieu. Adieu. G.