Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


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Collection : 1848-1849 : L'exil en Angleterre (La correspondance croisée entre François Guizot et Dorothée de Lieven : 1836-1856)

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton 3 février
Samedi onze heures

J'écris de bonne heure afin que ma lettre vous soit remise ce soir. N'oubliez pas que lundi vous pourriez m'écrire de chez M. Croker, par dessus la lettre de Londres que vous écrirez avant daller à Claremont. Le Parlement a fini comme on pouvait le penser. Cependant je crois lord P. un peu endommagé par ces attaques. Lord Brougham m'écrit pour me dire que son discours a été très mal rendu. Du reste je n'ai rien. Et Behier qui devait arriver dimanche soir ! Voyez comme je suis rancunière. Très vilain caractère. Pour me guérir de cela, ne me dites jamais que les choses vraies, c.a.d. celles que vous croyez sincèrement vous-même Midi. Je suis bien aise des Holland à Paris, si j’y vais cela me conviendra. Croyez-vous qu’il y avait complot lundi dernier ? Adieu. Adieu. Je crois que Lord Allen viendra me voir aujourd’hui. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton Samedi 4 Novembre
10 heures

J'essaye toutes les heures. Voyons si ma lettre vous arrivera encore ce soir. J'ai reçu la vôtre hier, et l’Assemblée nationale. Voici le National répondant à Thiers. Dites-moi si vous viendrez Lundi, ou Mardi, ou Mercredi. Arrangez-vous selon vos convenances. J'ai si peur de vous gêner. Je veux seulement savoir pour m’assurer de la Chambre.
Je vais mieux, on me dit que le choléra augmente à Londres. Cela me tracasse. Adieu. Adieu. Ma troisième lettre en moins de 24 heures. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton, Samedi 6. 2h.

Mes yeux ne me permettent vraiment pas. Mais vite deux mots pour ces deux choses ci. Narvaez demande la médiation de Léopold pour se raccommoder avec l'Angleterre. Il est fort à faire toutes les platitudes moins une seule. Jamais on ne permettra à Bulwer de remettre les pieds à Madrid même pour une heure et c'est précisément là ce qu'exige Palmerston. Palmerston est en querelle avec nous sur les Affaires d'Orient. Le voilà donc brouillé avec tout le monde.
Je veux dire adieu moi-même. Les médecins disent que cette petite reprise n'est rien. Adieu. Adieu. La Reine a [ ?] beaucoup d’éloignement de recevoir Napoléon B. c'est pour cela sans doute qu'on a nommé Luille.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton Samedi le 11 Nov. 1848
9 heures

Je vous renvoie la lettre du Duc de Noailles. Sensée. Tout ce que vous me dites & tout ce qui revient de là prouve encore de l’incertitude sur la présidence, et Cavaignac m'apparait toujours comme un grand malheur. Mais avec l’autre aussi quelle confusion. C'est égal j'aime mieux l’autre. Votre élection dans le Calvados me trouble horriblement. J'espère encore qu’elle ne se fera pas. Prenez-y de la peine. Mais si le malheur voulait que vous fussiez élu, ne serait-il pas simple de leur écrire que ne pouvant par les servir de la prison vous les priez d’attendre, ou d'en prendre un autre. C'est bien clair que vous ne devez pas aller à Paris, à aucun prix. Dites-moi que c’est votre avis.
Peel m’invite à Drayton, mais évidemment avec peu d'espoir que j’accepte. C'est trop loin, je ne suis pas capable de ces tours de jeunesse. Je n’ai rien à vous dire ce matin. Les journaux anglais ne sont pas là encore, et mes Français vont se promener à Bedford. On prend l’hôtel pour la forme. Adieu. Adieu. et toujours Adieu.
Malgré les conduites et les citernes je trouve les accidents de Claremont un peu équivoques. Savez-vous, ce qu’ils comptent faire, car Richmond ne doit pas être tenable ? Adieu. Adieu.

Lady Holland me dit qu'on adore Cavaignac au foreign office, on est convenu avec lui de certains arrangements dans l'Orient. Contre nous sans doute. Normanby et Jérôme Bonaparte qui étaient amis intimes sont brouillés tout-à-fait depuis le mois de Mai, je vous conterai cela, rappelez le moi. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton Samedi 13 Janvier 1849

Le Prince Metternich a dit hier à Marion sa satisfaction de votre livre. Il venait de le lire. Il a dit : " Si M. Guizot n'avait jamais rien dit, rien fait, rien écrit de sa vie il y a là quatre pages qui suffisent pour immortaliser un homme. " Je ne sais quelles sont ces 4 pages. On me dit qu'on a vendu 20 mille exemplaires de la soit disante traduction de votre livre. Compilation de quelques uns de vos anciens écrits. Quelle fraude ! Le savez-vous ?
Mon fils est venu me voir hier. Louis B. écrit à d'Orsay tous les jours. Et lorsque après son joli appartement de King street. Il n’en peut plus. D’orsay lui avait beaucoup recommandé Bulwer. Louis B. l'a reçu & a beaucoup causé avec lui, et s’en dit très content. Je crois à sa nomination. à Paris. Sera-t-il content ! Paul me dit que jamais L. B. n'a bu en Angleterre. Je persiste à croire que Thiers sera obligé d'entrer au ministère. Adieu. Adieu, quel ennui que le dimanche. J’espère que ceci vous arrivera ce soir.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton Samedi 18 Novembre 1848
9 heures

Je vous écris de bonne heure afin que cette lettre parte de Londres encore aujourd’hui. Merci de vos nouvelles de Richmond. J’étais sûre que les gestes de la Duchesse d’Orléans ne pouvaient pas plaire au roi. En général la chute royale me parait avoir porté une rude atteinte à l’harmonie dans l’intérieur ; plus de subordination et de tristes découvertes. Soyez tranquille sur vos confidences. Voici la lettre de Stutgard assez curieuse. A propos, le Roi de Hanovre n’entend pas du tout se soumettre à la Prusse si elle devenait omnipotente. Il dit que le Hanovre a toujours été l’allié respectueux de l'Autriche & qu'il le restera.
J’ai vu hier Mme Lamb au moment où elle montait en voiture pour se rendre à Broket hall, les nouvelles du matin lui aprenant que Lord Melbourne était à l’extrémité. Beauvale va mieux, les Palmerston, sont là. Rien, rien de Brighton. La Duchesse de Glocester hésitait à recevoir le soir Lady Holland à cause des commérages. Cela affligeait la petite beaucoup, j’ai un peu arrangé cela, elle sera reçue ce soir. Au fait elle me fait de la peine ; évidemment elle est malheureuse dans son intéressée, et elle a assez d'esprit pour craindre & pour voir que la société ne lui fasse sentir quelque dédain. Elle persiste à trouver que le seul remède est de rester en Angleterre, c’est possible. Il faut braver la tempête.
Je voudrais être à Drayton. J’ai des regrets. La Présidence m’occupe sans relâche. Comme je suis curieuse des explications qui vous viendront de Paris sur les Débats ! Elles tardent bien. Adieu, adieu. Lundi vous ne pouvez rien recevoir. C’est donc à Mardi à Brompton. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton Samedi 20 Janvier

Je vous renvoie les deux lettres. Je suis assez frappée de celle de votre hôtesse. Il faut d’abord savoir cependant si vous avez grande confiance dans son jugement, et puis quand même elle dirait vrai ; s’il ne vaudrait pas mieux risquer la non élection plutôt que d’aller se mettre dans cette mauvaise boutique. Voici Barante confirmant un peu les mauvaises dispositions à votre égard. Cavaigac a fait une longue visite à Mad. Rothschild. Elle s’est dit monarchiste ; il a dit que ce serait la reine infaillible de la France, qu’elle ne pouvait être sauvée que par la République qui était comme un malade de la fièvre auquel il faut du quinine pour le remettre. Le quinine est amer. On a administré à la France le remède dans toute son amertume mais ce remède la guérira. Il faut qu’elle soit république. Léon Faucher est entré un moment après, disant que la France ne se sent gouvernée qu’à présent. Duchatel n'y entendait rien. Maintenant les préfets sont contents parce qu'on leur donne des directions claires, précises. Bien glorieux bien satisfait. Avez-vous remarqué les convives chez Falloux ? Tous les partis entourant le président, ce que n'a jamais eu Louis Philippe. Adieu car c’est beaucoup pour [mes yeux] qui ne vont pas bien. Renvoyez-moi Barante, et envoyez lui ma lettre par la poste si elle n’est pas déjà partie par occasion. Ajoutez son N°. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton vendredi 2 fév.

Le discours ne ressemble guère à ce que vous pensiez. P. va droit à l’assaut, la Sicile il s’en glorifie. La bonne entente avec la France seulement, la seule puissance nommée les autres, pas. même la phrase. d'usage " Je reçois des assurances des dispositions amicales & & " C’est qu’en effet il ne les reçoit pas. Et le parlement avalera. tout cela ! Rien de tel que de l’audace. Je suis cependant frappée de la tentative d’amendement. Et Brougham ! & Wellington ! Enfin, cela m’est égal. Voici deux très curieuses lettres de Ellice. Je crois qu'il voit très bien. C’est assez mauvais. Je voudrais bien causer de tout cela avec vous. Je suis curieuse de Metternich aujourd’hui sur le parlement d’hier. J’ai été très malade cette nuit des étouffements , c’est passé. Je me réjouis de jeudi, j’ai bien du temps pour m'en réjouir.
8h. Je n'ai rien de plus à dire. Je n’ai pas vu le mari, et la femme ne savait pas dire grand chose. J'attends ce que vous allez m’apprendre. Faites passer les incluses de ma part à Ld Aberdeen. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton, vendredi le 3 Nov. 1848
Je vais un peu mieux aujourd’hui, mais il faut que cela se soutienne. Comme de coutume votre lettre hier soir. Je vous recommande encore et encore l’exacte remise de vos lettres dans la letter box, à Brompton. Je n’ai vu hier que la Princesse Metternich, mais bien longtemps. Elle est restée chez moi trois grandes heures. (Le mari était malade comme moi.) et bien, elle ne m’a pas ennuyée. Elle a parlé tout le temps, parce que je le voulais bien, car au besoin je crois qu’elle saurait écouter. J’ai appris par elle assez de choses curieuses, plutôt sur les relations avec la Russie qu'autre chose. Nous étions bien mal ensemble. " L’Empereur traitait mon mari de chiffon." Voilà la mesure. Elle a l’air bonne femme et ne parle jamais de son mari que les larmes aux yeux. Une vrai adoration.
Voici un article de la presse du 1 Nov. Si vous voulez démentir ce qu'il vous attribue à propos de la candidature de Louis Bonaparte. J’espère que vous le ferez dans les termes les plus simples et abrégés. Vous êtes loin, vous n'êtes dans le cas d’émettre votre opinion ni sur les choses, ni sur les personnes. Je vous prie n’entrez pas en discussion. Restez étranger à tout jusqu' après le procès.
J’ai écrit hier au Duc de Noailles, je lui demande des nouvelles. Sir Robert Peel m’écrit aujourd’hui & m'envoie une vieillerie, mais que je ne connaissais pas de George Sand sur le Prince de Talleyran à Valençay écrit en 1837. Comme il dit " better and clever." C’est détaché de sorte que je ne sais à quel ouvrage cela appartient.
2 1/2 Je vous envoie ceci avec l’idée que vous pourrez le recevoir ce soir. Mandez-moi si j'ai raison. Adieu. Adieu. Je vous écrirai encore ce soir, et vous aurez donc des remarques & mes dire aussi quand cela vous arrive.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton vendredi 8 heures du soir

Voici Aberdeen, renvoyez le moi. J’ai vu Alvandy chez lui, la Princesse Meternich & M. Morrier chez moi. Rien de nouveau. Envoyez-moi du nouveau, Metternich persiste à douter qu'on bombarde Vienne. La Duchesse de Glocester est arrivée, le temps est affreux. Je vais un peu mieux Ceci est la seconde lettre aujourd’hui. N'oubliez pas de me dire à quelle heure vous l’avez reçue, Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton vendredi le 5 Janv.

Je dicte parce que mes yeux me font bien mal ce soir Lord Aberdeen est là - bien en regret de vous avoir manqué, et tout en train de vous rencontrer ici les premiers jours de la semaine après la prochaine - fixez moi le jour pour que je le lui mande & Ellice est venu aussi. Lord John Russel n’adore pas Lord Palmerston. Tous les ministres pensent sur son compte ce que nous pensons. Il est possible que Normanby soit nommé à l'université. Mais il n’y a rien de décidé encore. Que dites-vous de l’amiral Luille ambassadeur ici ? Je crois me souvenir que Vous aviez bonne opinion de lui. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton, Vendredi le 10 novembre 1848

Je n’ai eu que ce matin votre lettre d'hier 9 h. du matin. C’est ridicule. Hier je vous en ai écrit deux. Ce que vous me dites sur Paris est fort triste. Cela va dégénérer en guerre civile. Ce ne sera plus guerre sociale, mais les partis politiques aux prises. C'est mieux mais cela peut devenir plus gros. Avez-vous lu l'excellent article du Times de ce matin sur Palmerston à propos de l'Espagne ?
Vous me direz n'est-ce pas in time quel jour de la semaine prochaine je puis vous attendre ici. Il faut que je le sache pour m'assurer de votre chambre. Hier soir toujours ma vieille princesse anglaise. Aujourd’hui toujours beau temps, beau soleil, & la promenade. Je vous quitte pour elle, et parce que je n’ai rien à vous dire je n’ai rien reçu, & vu personne qui sache. 8 heures. J’ai vu les Holland, W Lamb Alvandy. Les Holland très agréable, mais point de nouvelles. Mes journaux français me manquent. Quelle stupidité ils adressent hôtel Brighton à Bedford, et voilà. Adieu, adieu. Demain je vous écrirai de bonne heure un mot avec l'espoir qu’il vous sera porté le soir, car dimanche, rien hélas. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton vendredi 12 janvier 1849

J'ai bien reçu votre paquet. Marion est glorieuse et touchée. J’ai envoyé les deux autres à leur adresse. Je suis contente de la mention que font les journaux. Le roi avait conté à Montebello sa conversation avec vous, mais sans y découvrir the point. J'ai raconté à Montebello qui est bien de votre avis. il est plein de sens. Plein des affaires de son pays. Il ne faut plus qu'un homme de courage, il croit encore que ce sera vous. Il veut avoir un bon entretien avec vous avant son départ. Il va à Paris le 25. Comme tout est mieux ! Je crois que le pays va devenir quelque chose, et que Paris ne sera plus seul la France. Que je voudrais jaser avec vous ! Montebello a fait la connaissance de Metternich qui a commencé par lui dire que l'homme est un substantif. Le peuple, un substantif & & Metternich travaillait déjà à des observations sur votre livre avant de l’avoir reçu. Rien que sur ce qu'il en avait lu dans les journaux anglais. Je voudrais bien que les petites [?] qui apparaissent à Aberdeen devinssent une lumière. Je doute. Voici une lettre que vous aviez oubliée sur ma table. Je vous envoie le National, bien vif, comme vous verrez. J’ai lu moi même votre 1er Chapitre. J’en suis toute charmée. Il faut lire soi-même ce que vous écrivez. Car on s’arrête à chaque sentence. Lu par un autre, même vous, cela perd. Il faut vous méditer enfin, je vous love et très justement.
Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton vendredi 16 fév. 1849 4 heures J'ai bien le projet d'aller à Londres demain, mais je ne sais pas l'hiver et je ne serai pas en état de dîner avec vous. Par conséquent ne venez qu’après le dîner. Je suis beaucoup plus souffrante que vous n'avez l'air de le croire, et je ressemble beaucoup à Versailles cependant je veux partir. Je vous attendrai un peu avant.
8 heures Vos anecdotes de Paris. sont divertissantes. 8 h. du soir. Je persiste. Et je partirai demain. Je vois que le Constitutionnel est nul pour l'Autriche. Voilà le donc la République à Rome. C'est dégoutant. Plus contente de Bugeaud. Quel Bavard ! Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton vendredi 17 Novembre 1848
11 heures

J'ai bien peur que mes craintes ne se vérifient et que nous ne voyons arriver Cavaignac. Comment pardonner jamais aux Débats l’énorme faute qu’ils viennent de faire ? Comment se fier à la parole d'un français ? I've your pardon. Il y a toujours des exceptions à la règle. Mais la règle est cela. Ou bien quelles têtes de linottes ! Je suis enragée. Le roi a tort de trouver 1000 francs par jour trop. C'était bien là dans mes proportions ce que je payais et au-delà ; pour deux, miss G. & moi. Car mes gens sont à part. 2 d'entretien. Et bien, ils sont 19 maîtres sans les valets. C’est cela, et de plus ils sont chauffés. Et moi je ne faisais pas de feu.
J'ai eu une lettre du petit Welloughby, sans rien en raison. S'il a cru que je la montrerais. Il se trompe ; je n’en ai seulement pas parlé. elle essaie de toutes les façons de me raconter ses chagrins. J'esquive. J'avais copié quelques passages frappants de la lettre de votre hôtesse de Paris, et je les ai envoyés à Metternich pour attraper de ces réponses qui nous amusent tant. J’ai été attrapée, car sa réponse est spirituelle. Voici la copie. La Coterie de Bedford hôtel grossit. Lady Charlotte Greville est venue. La Duchesse de Cambridge vient samedi prochain. Le Prince & la princesse de Parme aussi vers ce temps-là. Cela sera drôle. Moi, je n'ai plus de visite à faire.
Je vous prie soignez-vous je crois que je vous ai mal dit hier. C'est warming pan, qu'il faut dire pour bassinoire. J'espère que vous aurez cette lettre demain matin. Adieu. Adieu.
On me répète que Melbourne est mourant, & Beauvale bien malade. Le fils de Lord Cattenham colportait ici la nouvelle que Lord John se retire que Clarendon sera premier ministre, Palmerston leader de la Chambre basse et Hardinge vice roi d'Irlande. La France est mieux placée que les autres parties du continent que le feu, qui a si longtemps été pris pour la lumière a gagné. Elle a eu sa faveur, l'habitude des chutes. Cette habitude quelque chère qu'elle soit à contacter, finir par offrir un bon côté pour les corps politiques. Ils se retrouvent avec plus de facilité dans la déroute. Je suis ainsi moins en peine pour la France que pour l’Allemagne. Entre Vienne, Berlin et Francfort, c’est Vienne qui est le mieux placée, car les théories se sont présentées en armes dans les rues. A Berlin la position ressemble à une partie aux échecs entre le Roi, par la grâce de Dieu, et le pouvoir par la grâce du peuple. Francfort enfin ne ressemble qu'à lui même. Une assemblée constituante à la recherche de l’état à constituer est un spectacle nouveau dans les fastes de l'histoire. Dieu seul connait le terme auquel arrivera ce gâchis général. Je n'ai à cet égard plus une idée après avoir usé toutes celles que j’ai trouvé à ma disposition pour retarder, sinon pour empêcher que le mal n’arrive à son comble.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton Vendredi 19 Janvier 1849

Pas de lettre de vous pourquoi ? Faites moi le plaisir d'envoyer l’incluse à Barante par votre plus prochaine occasion. Elle pourrait même aller par la poste. Mes yeux sont tristes aujourd’hui, et le temps aussi, et moi aussi puisque je n’ai pas de lettre. Metternich est rentré chez lui l’autre jour, charmé de vous, mais surtout de lui même, et disant qu’il était sûr qu'il vous avait plu. ce sont ses filles qui ont dit cela à Marion. Je ne sais rien aujourd’hui. Je vois seulement. que les puissances catholiques font comme je le pensais. Adieu Adieu. M. Ellis voulait seulement vous amuser pendant une demi-heure. Je l'ai assuré qu'il avait parfaitement réussi. Il est très glorieux.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton Vendredi 19 Janv. 8h. du soir

Voilà enfin votre lettre, [?] ce qui vous en vaut une seconde. Je vous remercie des l'incluse. J'ai vu ce matin, Macauley, Mme de Metternich y était aussi, fort aise de le rencontrer, évidemment curieux des célébrités. Il a dit des drôles de choses. Je vois avec malice. Un trait contre les Jésuites, et puis trouvant que ce que le Pape aurait de mieux à faire, serait de venir à Paris, prendre une petite chambre au 4ème est une bonne cuisinière qui lui ferait une bonne soupe aux choux. De son côté Mme. de Metternich a posé un principe qu’il valait mieux voir tuer deux mille personnes que trancher la tête à un Roi. Voilà une matinée. Mme. de Metternich m'a beaucoup parlé du plaisir qu’avait eu son mari avant hier et m'a questionnée avec curiosité sur l'impression que vous aviez remporté de lui. Je lui ai dit ce qui convenait. Elle a repris " Combien il serait à désirer que les deux hommes se voient souvent. M. Guizot pourrait peut-être trouver de l'utilité dans la vieille expérience de mon mari. " Dans ce moment m'arrive le missive de Metternich. Je vous envoie tout le paquet. Répondez. Cela lui fera tant plaisir. Adieu, Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton, Vendredi 26 8 h. du soir

Toute une journée prise sans aucun moyen de vous dire un mot. Au reste nous allons vous voir. C'est bien littéralement à quoi nous allons être réduits. Vous voyez que nous nous verrons et que nous ne causerons pas. Metternich s'est déjà tenu en haleine aujourd'hui. Il m'est resté trois heures. Je ne sais rien. Je serai charmée qu’Emile Girardin fut ministre. Il verra ce que c’est, et on en aura fini de lui.
Outre mes yeux j'ai à vous annoncer un pied malade. De sorte que me voilà bien arrangée. Marion a eu une lettre de son oncle. Je trouve tout bien mêlé. On ne s’entend pas. Je ne crois pas au succès des Monarchistes des deux couleurs. Je croirait bientôt plutôt à l’Empire. Au reste vous verrez sa lettre. Mme Roger écrit tristement. Elle ne croit pas trop à la sincérité du Président et malgré des protestations. aux modérés, elle le croit très coupable de s'en aller à la gauche et même à la rouge. Adieu. Adieu. Je suis triste de penser à ces deux jours ce sera un supplice donnez-moi un bonjour. En attendant bonsoir Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton. Dimanche 1 Juillet 1849
une heure

Quand nous avons passé une journée ensemble une si douce journée, il me déplait presque de vous écrire, et je ne sais que vous dire. Il faudra bien s’y raccoutumer. J’ai eu tout juste le temps de m'habiller pour aller dîner chez Lord Aberdeen. Lord Haddington, Lord Brougham, Lord Heytesbury Lord Redesdale, Lord Canning, le fils de Lord Stanley, M. Gladstone. Killmansegge & Bonne conversation. Rien de nouveau. On regarde la campagne prussienne sur le Rhin comme terminée. Deux ou trois chefs insurgés ont été traduits sur le champ devant le conseil de guerre et fusillés. Rome est un inépuisable sujet de questions d'étonnement et d'attente. Je vous envoie une lettre assez intéressante de Paul Daru. Renvoyez-la moi tout de suite, je vous prie. La visite de Thiers à St. Leonard fera un peu de bruit. Et il aura beau dire. Les Vieux ne croiront pas qu’il vienne pour eux. Cela confirme fort mon soupçon sur toutes les visites que j'ai reçues ces jours ci et qui venaient d'autour de Thiers. Que de complications et d'embarras se préparent là ! Je ne sais pas si j'y verrai plus clair du Val Richer que de Brompton. Je crois que non. Mais il est sûr que, d’ici, je ne vois pas clair du tout dans l'avenir. Pourtant je persiste dans mes pressentiments. Duchâtel est venu hier pendant que je n’y étais pas. Il me propose, et j'accepte d'aller à St Leonard Samedi prochain 7. Dumon, et probablement d’Haussonville et Albert de Broglie. viendront par le bateau qui passe le 6 de Dieppe à Newhaven. Je vais écrire au Roi pour lui demander, si ce jour lui convient. Et à Madame la Duchesse d'Orléans. Adieu. Adieu. Il fait bien beau aujourd’hui. J’espère que vous aurez Marion tout le jour. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton Dimanche 1 oct. 1848
Midi.

Voici la note sur la composition de l'Assemblée nationale. Je compte recevoir bientôt un travail plus complet et plus précis Mais je ne crois pas qu’il change grand chose aux proportions de celui-ci.
Je viens de lire tout Thiers, dans le Constitutionnel. Horriblement long et très spirituel, sensé, naturel, agréable et utile. C’est toujours comme s’il parlait. Il m’a intéressé et amusé. Il est révolté et découragé. Pas mal d'humeur. Il a écrit son livre " à la faveur des loisirs que lui ont faits les électeurs de son pays natal. " Plein de raison sans voir le fond des choses, et de courage en faisant là, et là des concessions qui pourraient tout perdre. Cela doit plaire au bon parti, sans le fortifier beaucoup. Le mauvais en sera plus blessé qu'intimidé.
Vous serez bien aimable de me garder tous les numéros du journal où il continuera. Comme de raison, point de nouvelles, ce matin. Le spectateur de Londres fait une rude guerre à Cavaignac. A propos de Cavaignac, je suis assez frappé que Lady Normanby ait choisi la duchesse de Montebello pour lui écrire ce qu’elle lui a écrit. Il faut qu’elle pense bien mal de tout cela, et ne se soucie guère qu’on le répète. Je ne sais pas l’adresse de M. de Salvo. Je vais la chercher. Il nous faut le mot de l’énigme. Les bêtises vous plaisent. En voici une que je trouve dans le Courrier de l’Europe. Elle mériterait d’être dans le Corsaire. Peut-être l’y aurez-vous déjà vue. Adieu. Adieu.
Je ne fermerai ma lettre qu’après 4 heures. Mais je ne pense pas qu’il ne vienne personne ce matin. Point de rhume à la suite de mon voyage d’hier. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Que vous arrive-t-il donc ? Point de lettre de vous hier. Point ce matin. Ni vous non plus. Êtes-vous malade ? Il est quatre heures. Je suis vraiment inquiet. Si vous ne venez pas ce matin, et si je n’avais pas de lettre demain matin, je serais très inquiet. J’irais à Richmond sur le champ. Je ne comprends pas. C’est une séparation qui commence mal. Dieu veuille que ce ne soit qu’un commencement ! Point de nouvelles aujourd’hui. Je ne suis pas allé à l'Athenaeum. Je vous attends. François Delassort et sa femme sortent de chez moi. Ils sont arrivés hier. Bien sombres. Mais point de fait nouveau, et précis. Ils viennent passer un peu de temps. Mais qu’est-ce que cela me fait ? J'espère bien que vous n'êtes pas malade, si vous êtes malade, comment ne m'avoir pas fait écrire un mot ? Adieu. Adieu

Brompton, Dimanche 3 Juin 1849 4 heures

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton, Dimanche 4 fév. 1849

Je crois qu’il y avait complot lundi. C’est à dire un peu plus de complot qu’il n’y en a tous les jours. Le Gouvernement a eu raison de faire ce qu’il a fait. Il en a fait seulement plus qu’il ne fallait, et aujourd’hui on se sert du trop contre lui. La lutte est bien vive ; les deux partis sont bien irrités, bien de même taille et bien corps à corps. J’ai peine à croire que cette situation puisse durer deux mois jusqu'aux élections, cependant je vois qu’on l'espère assez à Paris. Si le Président tient bon avec les modérés, et si les élections se font sous cette influence, il se donne je ne sais quel temps de vie de plus mais certainement assez de temps. La prochaine assemblée aurait, en ce cas, la constitution à refaire. Peut-être la referait-on meilleure sous le manteau de la République que sous tout autre. Ce sera long et obscur. C'est ce que j’y vois de plus clair.
Jour sans nouvelles. J’irai à l'Athenaeum. Mais les journaux français n’y arrivent que tard. D'ailleurs nous n’y aurons que ceux d’hier matin. C'est ceux de ce matin qu’il nous faut. Je vous écrirai demain matin avant de partir pour Claremont. Et puis demain soir, de chez Croker où je n’arriverai pas avant 3 où 4 heures. Mais je ne sais pas à quelle heure la poste part de chez lui. J'écrirai toujours. Si nous étions ensemble Nous parlerions toujours. Ce serait mieux.
Voici ma réponse à votre nouvelle attaque à propos de Béhier. C'est une lettre de lui que Pauline a reçue. Jeudi, et où il explique pourquoi il n’est pas arrivé dimanche. J’ai eu un moment envie de me fâcher. Mais j’aurais eu tort, quoique vous ayez tort. Je n’ai pas toujours été exact. Vous restez méfiante trop longtemps. C’est tout simple. Molière était très jaloux de sa femme qui était très coquette. Et la querellait un jour. Il s’arrêta tout à coup en disant : " Au fait, je n’ai pas le droit de m'étonner qu'elle ne puisse pas s'empêcher d'être coquette, moi qui ne peux pas m'empêcher d'être jaloux. " Je ne pourrais pas m'empêcher d'être jaloux. Mais, je peux fort bien m'empêcher d'être inexact. Et vous faites bien d’insister, même quand vous vous trompez. Vous finirez par n’y plus revenir Adieu. Adieu Votre écriture est bien bonne ce matin. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton Dimanche 7 Janv 1849
9 heures

Voici du nouveau et du dessous de cartes. Nous avons été étonnés que les interpolations sur la retraite de M. de Malleville n’arrivassent pas. Les ministres et les patrons de Louis B. en ont été aussi étonnés que nous. Ils s’y attendaient. C'était de la gauche, des amis de Cavaignac, que l’attaque devait venir. Pourquoi point d’attaque ? Ils ont soupçonné quelque piège quelque intelligence entre la gauche de l’assemblée et le président de la République. Ils avaient raison. Les gens de la gauche, les républicains avaient fait dire au Président : « On se moque de vous ; on ne vous a ouvert la porte que pour vous jeter par la fenêtre. Les modérés ne veulent pas plus de vous que de nous. Ils veulent la Monarchie, le comte de Paris, Henri V. Venez à nous. Nous ne voulions pas de vous pour Président de la République. Mais nous voulons la République, et vous pour son président. puisque vous l'êtes. Avec nous vous aurez la majorité dans l'Assemblée, un cabinet qui sera vraiment à vous, non à des protestants ennemis, et de l'avenir." Le Président a écouté. Des pourparlers ont eu lieu. Rien n’était convenu mais tout était proposé. Le Général Cavaignac devait faire un discours d'adhésion au Président. Le rapprochement ainsi motivé et affiché, on se rapprochait en effet. Le Président gardait deux ou trois de ses ministres, ceux qu’il croit fidèles. Lacrosse à la marine, peut-être Drouyn de Lhuys aux Affaires Etrangères. Il renvoyait les autres, et prenait à leur place Dufaure, Vivien, Tourret, Billault. Le Gal Lamoricière rentrait à la guerre. Cavaignac remplaçait Bugeaud dans le commandement de l’armée des Alpes. Changarnier était réduit au com mandement de la garde nationale. Odilon Barrot se retirait dans la Vice Présidence de la République. L'alarme a été grande dans le camp modéré, parmi les patrons officiels de l'élection de Louis B, et de son Cabinet. Ils ont reconnu qu'avec les ministres actuels, le poste était mal gardé, et ne serait pas gardé longtemps. Ils se sont demandé s’ils ne devaient pas se résigner à prendre eux mêmes en main les affaires de la République et de son président. C'est l’avis du Mal Bugeaud. Il a insisté. M. Molé a douté. M. Thiers a rechigné. Les patrons en second, les journalistes du parti modéré qui ont poussé à l'élection de Louis B., se sont fâchés Véron et Emile Girardin sont allés trouver Thiers et lui ont déclaré que les choses ne pouvaient pas aller de le sorte que le nouveau gouvernement n’allait pas du tout qu’ils s'étaient, eux, engagés dans cette élection sur la parole à lui, comme chef du parti modéré que les chefs devaient conduire ; que, pour eux ils voulaient décidément savoir si c'était les chefs du parti modéré qui refusaient leur concours au Président, ou le Président qui ne voulait pas de leur concours; et qu'après s'être éclairés eux-mêmes à ce sujet, ils éclaireraient le public. Forte humeur et grand embarras de Thiers, Véron et Girardin ont annoncé qu'ils allaient faire la même démarche, auprès de M. Molé et du Mal Bugeaud. On en est là. Le Président entre deux selles, ses protecteurs au pied du mur, et les Républicains à l'assaut. On croit à un replâtrage, à quelque déclaration donnée, à quelque renfort apporté par les protecteurs au Président. On doute qu'ils prennent eux-mêmes la défense de la place. Mais il est clair que le Président ne se laissera pas mettre tout doucement à la porte et que les Républicains sont prêts à entrer pour le soutenir. On ne sortira pas de sitôt du gâchis, et tout le monde, protecteurs et protégés, s’y barbouillera, plus ou moins. Il paraît que tout en veillant à la sureté de la République, le général Cavaignac, est fort désabusé, sur son compte. Quelqu'un lui disait qu’il devait trouver la France bien ingrate ; il a répondu: « Non. On n’est pas ingrat, on me sait gré de ce que j’ai fait ; la France m’a tout, simplement déclaré qu’elle n’était pas républicaine.» A un autre, il a dit : « Je me suis trompé ; j'ai cru la France républicaine, ou disposée à le devenir ; elle ne l'est point. Louis Napoléon la croit Bonapartiste ; il se trompe comme moi ; elle ne l’est pas davantage. " Je vous envoie ceci pour le plaisir de Marion. Je suis bien aise que son héros ait du bon sens. J’aime le bon sens partout, même chez mes ennemis. J’ai passé hier ma soirée seul, au coin importante dans la législation réciproque de la France et de l'Angleterre, l'extradition réciproque des banqueroutiers frauduleux. " Vous ne savez peut-être pas que le fromage de Brie était une des grandes friandises de Lady Holland, et que M. de Talleyrand en ferait venir pour elle par le portefeuille, quand il voulait lui plaire Adieu. Adieu. Je ne fermerai ma lettre qu'à la fin de la matinée. J’irai à l' Athenaeum puis dîner chez Duchâtel. Adieu. G.

3 heures
Je sors pour faire deux visites. De là à l' Athenaeum. De la chez Duchâtel. Si j'apprends du nouveau, ce sera pour demain. En voilà assez pour aujourd’hui d'ailleurs, il n’y aura rien, aujourd’hui dimanche. Adieu. G. Une nouvelle lettre de Lady Jersey, insistant plus fort pour Middleton. J'élude toujours. Je n'ai ni le temps, ni le désir. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Votre nuit blanche, me déplait beaucoup. Je ne puis dîner avec vous aujourd’hui. Mais je serai à Richmond à 2 heures. C'est le plutôt possible, par l’arrangement des trains. Vous me ramènerez à Putney. Il fera un peu moins chand à cette heure-là. Adieu. Adieu. Adieu. G.
Brompton, 8 Juillet 1849 Midi.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton Dimanche 10 Juin 1849
2 heures

Voilà donc Rome pris, ou à peu près pris, ou près d'être pris. Je ne sais encore que le Morning Chronicle, 3e édition, que je n'ai pas même lu. Guillaume m'a rapporté les nouvelles du bureau du journal. Il y a trop de détails pour que le fond ne soit pas vrai. Pourtant je ne trouve pas ce fond bien clair. Je désire que tout soit vrai. Amour-propre à part, un échec à Rome serait bien mauvais à Paris. Je veux bien qu’on se batte avec les Montagnards ; mais je ne veux pas que les Montagnards se battent en ayant le vent pour eux. Un échec devant Rome dégoûterait l’armée, l’armée de Paris. Il faut qu’elle ait cœur à se battre pour le Gouvernement. Les raisons abandent. Que d’embarras suivront la victoire ! Autant qu’il y aurait de périls dans le revers. Le Dimanche est plus insupportable, aujourd’hui que jamais. Rome, la santé du Maréchal Bugeaud. Ledru Rollin mort ou vivant. Attendre m'impatiente aujourd’hui presque autant que vous. Je ne me suis pas ennuyé hier chez Lady Alice. A table, j'ai assez causé avec elle, de vous surtout. Elle vous aime. Je ne m'y trompe pas. Elle a un peu trop de peine à comprendre ce qu'on lui dit. Le marquis, et la marquise d’Exter, le duc de Ruttand, Lord Granby, Lord Chelsea, Lord Jermyn, Lord Forrester, Sir James Gaham, M. Goulburn, Kielmansegge, Lady Aylesbury, Lord Jocelyn. J’étais chez moi à onze heures. Duchâtel sort d’ici. Il ne savait rien.
4 heures
J’ai été interrompu par Paul Dara qui arrive de Paris en passant par St Léonard.. Il a eu le choléra. 14 personnes dans la maison de son frère avec qui il habite, ont eu le choléra. Deux sont morts, le beau père de son frère et le cuisinier. Toujours brave mais aussi triste que brave. De mon avis pourtant en ce point que, s’il est vrai que le mal à beaucoup, grandi, il est vrai aussi que les moyens de résistance ne manquent point la majorité, le Président, encore l'armée. C'est le courage qui manque, et encore plus le courage de l’espérance que celui de la défense. On se croit perdu. On se défendrait si on croit relever la tête et regarder l'ennemi. Les légitimistes sauf la petite coterie de M. de la Rochejacquelin sont sensé, dans l'Assemblée. Il est convenu contre les grands partis, qu’on n'élèvera aucune question politique aucune question de prétendant, qu’on ne pensera, d'ici à trois ans qu’à se défendre du danger commun. On cherche un successeur au Président actuel qui ne sera point réélu. On ne pense qu'au Prince de Joinville. C'est le seul roi dans l’air. La duchesse d'Orléans arrive le 25. Le Prince et la Princesse de Joinville vont la voir à Eisenach. Le duc de Nemours ira la prendre à Ostende. Je vous donne pêle-mêle ce que m'a donné Daru. Il passe ici quelques jours. Adieu. Je vais à l’Athenaeum. Il fait froid, gris. Beaucoup de vent. Les Delassort m'ont fait demander, si je serai chez moi ce voir. Ils viendront à 9 heures. On me reparle d'élection dans le Calvados à propos de la mort de M. Deslongrais. Je nous montrerai ce que je réponds. Vous approuverez. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton Dimanche 11 fév 1849

Dimanche est décidément un bien mauvais jour. Surtout quand je vous ai quittée le Samedi. Je n'ai vu personne, que des gens qui ne disent rien, et à qui on ne dit rien. J’irai ce matin à l'Athenoeum, et j'y trouverai Duchâtel. Mais nous n'aurons évidemment pas de nouvelles d’ici à quelque temps. Nous en attendons plus rien que la fin régulière de l'Assemblée dans deux ou trois mois. Deux ou trois mois sans rien, c’est difficile. Milner m'a envoyé hier un pamphlet qu’il vient de publier : the event of 1848, a letter to the marquess of Lansdowne. Lord Lansdowne a le vol des pamphlets. Celui-ci, est au fond Palmerstonien. C’est la politique de l’Europe, dans ses rapports avec l'Angleterre, Italien et anti Russe. Un billet très amical, auquel j'ai répondu par un billet assez franc. Je passerai aujourd’hui et demain à écrire des lettres.
Cornélis de Witt part demain soir pour Paris. Je veux vider tout ce que j'ai à dire à propos de la dernière lettre dont je vous ai laissé un feuillet que j'espère recevoir demain. Plus je pense à ce travail contre moi, plus je trouve cela misérable et au dessous de la situation. C’est décidément le plus grand mal de mon pays que la situation surpasse infiniment les hommes. Ils n'ont ni l’esprit, ni le cœur assez grand pour ce qu’il y a à faire. Les petites passions ne disparaissent jamais, mais elles tiennent bien moins de place dans un horizon plus haut. Adieu, Adieu, si vous étiez à Londres, ou moi à Brighton, nous causerions sans fin. Mais de loin aujourd’hui, je n'ai rien à vous dire. Je m'irrite d'attendre jusqu’à demain pour savoir comment va votre rhume. Il fait bien beau ce matin. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton. Dimanche 14 Janv. 1849

Je mettrai ceci à la poste à Londres en sortant de l’Athenaeum où j'irai à 4 heures. Vous l'aurez demain à 3 heures, je pense. Je ne veux pas que le Dimanche soit tout à fait stérile. J'ai pour le débat qui a dû finir hier plus de curiosité qu’il n’a d’importance. Il importe fort peu, en soi, que l'assemblée se dissolve le 4 ou le 30 mars. Or c'est entre ces deux temps qu’on hésite. Tout le monde est décidé ou résigné à la dissolution prochaine. Je ne me fais pas encore une idée claire de l'assemblée qui succédera. Je présume qu’elle sera encore très mêlée, et par conséquent, très orageuse. Orléanistes, légitimistes et républicains y seront forts. Et très acharnés en même temps que forts. La république rouge seule sera si je ne me trompe à peu près éliminée. Elle se remettra derrière la République tricolore, comme elle l’a fait de 1830 à 1848. Et la République tricolore acceptera de nouveau cette queue. On fera effort pour sortir du chaos. On n'en sortira pas d'un coup. Je vous assure qu’il y a bien à examiner s'il me convient de redescendre déjà dans la mêlée; car entrer dans l’Assemblée, c’est redescendre dans la mêlée. Peut-être vaudrait-il mieux, pour moi-même, et pour le moment décisif quand il viendra me tenir encore quelque temps à l'écart, sur la hauteur, disant mon avis aux combattants et sur les combattants. Nous en causerons. Je n'ai aucune lettre importante de Paris. Rien que des détails sur le succès de ma brochure. Je regarde la réconciliation et l’intimité active de Girardin et de Lamartine, comme un fait assez grave. Ce sont peut-être les deux hommes les plus mischievous parce que ce sont eux qui savent faire le plus de dupes parmi les honnêtes gens et les gens d'esprit badauds. J’ai une longue lettre de Brougham. En grands compliments sur ma brochure. Quelques observations, peu fondées, je crois. Evidemment décidé à être bien avec moi. Il compte quitter Cannes du 18 au 20. Il ne me dit pas s'il s’arrêtera à Paris en revenant. La tentative de conciliation du Roi Léopold entre l'Angleterre et l’Espagne a décidément échoué. Palmerston veut toujours un retour de Bulwer à Madrid. Narvaez ne veut pas. Et on ne veut pas à Madrid, renverser Narvaez. J’ai pourtant trouvé le Roi l’autre jour, peu en bienveillance et en confiance pour la Reine Christine. J’ai entrevu qu’elle insistait comme la Reine sa fille, pour que la Duchesse de Montpensier vint à Madrid, et qu'elle aussi ne serait peut-être pas fâchée que la Duchesse suivit les bons exemples. On est très susceptible à cet endroit. Vous n'avez pas d’idée du sentiment d'aversion et de dégoût que la corruption des cours de Madrid et de Naples a laissé dans le ménage qui y a assisté sans y prendre part. Adieu. Je ne vous écrirai pas demain. Mardi, à 2 heures J’espère qu’il fera aussi doux qu'aujourd’hui, et que je pourrai rester aussi frais qu’il vous conviendra. Adieu. Adieu G. Vous ne saurez qu’elles sont les quatre pages qui plaisent tant au Prince de Metternich. Si j'apprends quelque chose à l'Athenoeum je l’ajouterai à ma lettre.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton Dimanche 21 Janv. 1849

Je ne me suis jamais accoutumé à cette date du 21 Janvier. J’étais si enfant que je n'en ai aucun souvenir personnel. Mais l'impression m'en reste profonde. Je suis bien près de l’avis de Madame de Metternich. On peut oublier le champ de bataille d’Eylau, non pas la place Louis XV. J’aime cent fois mieux courir le risque de la non élection que courir, ou avoir l’air de courir après l'élection. Je viens d’écrire dans ce sens au duc de Broglie. Il est à Paris très sombre. Dumon aussi. Ce que Barante vous écrit est vrai. J’ai une lettre de lui où il me dit la même chose, et toutes celles qu’on m’apporte les confirment. De sombres pronostics, et des intrigues pitoyables, il n’y a que cela. Ce que fera le pays en masse sera peut-être bon; et à de bons instincts. Ce que feront les individus isolés ceux dont nous savons les noms, sera mauvais ; ils sont plus aigris qu'éclairés. On croit que décidément l'assemblée n'assignera point de terme fixe pour son départ. Elle se contentera de réduire à trois ou quatre le nombre des lois organiques, et voudra faire celles-là ainsi que le budget ; ce qui pourra bien la conduire jusqu'au mois de juillet. Il y a autant de mécontentement que d’abattement, et vice versa. Le public trouve que les légitimistes se remuent beaucoup, et commence à s’en impatienter. On dit que le grand dîner de M. de Falloux a déplu. On dit cependant, en même temps, que depuis quelques jours, Thiers tourne à la fusion. Mais on ajoute que ce pourrait bien être uniquement un trick de quelques jours. Des Ministres actuels. Léon Faucher est le meilleur, le plus laborieux, et le plus sérieux. Il a donc raison d’être glorieux. Mais on dit aussi qu’il est désagréable, maussade, dur, impoli et détesté. Je vous répète les rapports de deux ou trois personnes que je viens de voir, entr'autres de Duchâtel qui est revenu hier au soir de Belvair, frappé de la splendeur, de l'ordre, de la froideur et de l’ennui. Il dit que s’il n’avait pas eu pour causer un peu, Lady Alice et M. Stafford O’Brien, il ne sait pas ce qu’il serait devenu. Le duc de Rutland était en effet malade. Tout s’est passé sans lui. Duchâtel l’a vu dans sa chambre la veille de son départ. Duchâtel a bien envie, aussi de prolonger son séjour à Londres jusqu'après les élections à moins qu'elles ne soient retardées jusqu'au mois de Juillet. Nous n'aurions, en ce cas, aucune raison de ne pas retourner, dans le cours de mars. Notre retour n'aurait aucun air électoral. Votre lettre pour Barante part aujourd'hui. J’ai effacé baron et mis l'adresse. Il est place Vendôme n°8. Je vous rapporterai la sienne samedi. Adieu. Adieu. J’aime bien les longues lettres mais ne fatiguez pas vos yeux. Adieu G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton, Jeudi 12 Juillet 1849
4 heures

Je viens de faire mon luncheon chez Lady Jersey et vingt et une visites. Lady Jersey m’a demandé de lui écrire. J’ai dit que je vivrais dans mon nid que je n'aurais point de nouvelles à lui donner. Elle dit que ce ne sont pas mes nouvelles qu’elle veut, mais mes idées. Elle part dans quinze jours pour l'Allemagne. Elle reviendra, fin d'octobre, par la France. Elle m’a montré une lettre qui lui disait que Debreezin était gris. Où Kossuth tiendra-t-il sa Diète ? Je n'ai rien de Paris, sinon une petite lettre que je vous apporterai demain avec la réponse que j'y ai faite. Je ne dinerai pas avec vous demain. J’irai vous voir en sortant de chez Lord Aberdeen. Je serai à Richmond à 2 heures trois quarts, et j'en repartirai à 5 heures et demie. Je dînerai avec vous dimanche. Il ne fait pas trop chaud. Peut-être serez-vous venu ce matin à Londres. Je pense que non, à cause du Choléra. Je n'en ai rien, entendu dire de nouveau. Je viens de passer à la porte de ces pauvres Coltman, et d’y laisser quelques lignes pour la veuve. Adieu.
Il faudra bien, quand nous serons séparés, que je reprenne un peu de vif plaisir à vous écrire. J’y ai bien de la peine quand je vous ai vue la veille et que je vous verrai, le lendemain sachant que nous touchons au moment où nous ne nous aurons plus. Il y a là un de ces mélanges de plaisir et de peine qui troublent l’âme jusqu'au fond, et ne portent qu'au silence. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton jeudi 1er fév. 1849
Une heure
Le Parlement s’ouvre en ce moment. Je suis assez curieux du discours de la Reine. Je m’attends à une phrase très vague sur l'Italie et au silence sur l'Espagne. Tout le monde annonce une attaque grande et générale de Lord Stanley sur la politique étrangère. Greville m’a dit avant hier beaucoup de bien de son talent, et beaucoup de mal de lui. Il n’a pas ouvert la bouche sur le leadership de M. Disraeli, et je n’ai pas voulu le questionner. Je suis sûr qu’il redit tout à Lord John. Il est toujours assez vif contre Lord Palmerston, mais d’une vivacité qui est et qui veut être sans conséquence. Je trouve la conduite de la Prusse, en effet très bonne. Pourvu qu’elle se soutienne. On dit que la prochaine assemblée de Berlin pourrait bien forcer la main au Roi pour l'Empire, et le Roi de laisser forcer la main. Cela pourrait bien arriver si le parti novateur allemand se montrait fort et capable. Mais évidemment la force et la capacité lui manquent. Les ambitieux timides ne se confieront pas à sa barque. C'est là ce qui me rassure le plus Pas de journaux encore ce matin. Je ne crois plus beaucoup à l'Empire. Le parti monarchique n’y travaillera pas. Le parti républicain y résistera. Il faudrait donc quelque grand coup de vent populaire une seconde édition de l'élection de Louis Napoléon. Cela me paraît peu probable. Surtout depuis que la République se montre si disposée à transiger. Vous avez raison : personne n'a envie de se battre. On finira par là pourtant. La république ne saura pas vivre et ne voudra pas mourir. Il y faudra la force. Je vous renvoie la lettre de Barante. Tous mes amis sont du même avis, et j'en ai été avant eux. Je crois aux élections. pour le mois d’avril. Je n'irai que Lundi à Claremont. Je vais écrire au Roi pour le prier de permettre que je lui amène Croker qui me le demande. De Claremont j'irai dîner et coucher chez Croker. Je reviendrai mardi dîner à Brompton, et j'irai vous voir Jeudi. Je crois que je n’amènerai pas mes filles à Brighton. Adieu. Adieu. Le retour de froid. se fait-il sentir à vos yeux ? Adieu

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton Jeudi 5 juillet 1849

Vous avez raison ; nos bons moments sont courts et rares. Ne les employons pas à nous quereller. Je veux seulement vous dire que quand votre lettre m'est arrivée ce matin, je venais d’arranger ma semaine prochaine pour avoir le plus de jours possible pour nous. Si vous pouviez bien croire une fois que ces jours-là me manquent autant qu'à vous, et que j’en jouis autant que vous ! Je suis décidé à ne pas mourir avant de vous avoir vue sachant tout à fait combien je vous aime. Quelles pitoyables lettres que ces lettres de Benjamin Constant à Mad. Récamier que je viens de lire dans la Presse ! Tendres avec tant d'effort ! Spirituelles avec tant d'affectation.

Je suis, comme vous, bien aise de Rome. Par cette raison-ci surtout. Il est bon que la République Romaine soit morte de la main de la République française. Je craignais toujours quelque simulacre de raccommodement. Si le Pape a un peu d’esprit et de bons conseils, il fera ses conditions comme il voudra. Ni ses sujets, ni ses protecteurs, ni Romains, ni Autrichiens, ni Français, ne sont en état de lui imposer ce dont il ne voudra pas. Mais je crois bien qu’il n'ait point d'esprit. Bedeau est en effet un peu ridicule et Oudinot peut le recevoir en souriant. Je suppose qu’il (Bedeau) s’arrêtera à Marseille où il aura appris la nouvelle. M. de Corcelles est un négociateur honnête, et très ami du Pape, mais esprit faux. J’ai eu ce matin, des nouvelles d'Italie, assez curieuses. Leçon très insuffisante. Les élections qui vont se faire en Piémont seront républicaines. Il y aura là une nouvelle explosion, non de guerre autrichienne, mais d’anarchie intérieure. Le chef du Cabinet actuel, M d'Azeglio est un Odilon Barrot moins courageux, moins expérimenté, et qui ne croit pas avoir rien à expier. Le pays, tous ces petits pays Italiens sont ruinés ; peuples et gouvernements. La Toscane vient de s'endetter pour 50 millions. Les Etats Romains pour 70. Peu d’étrangers et beaucoup d’oisifs. Et la violence des haines a remplacé, la vivacité des espérances. Les hommes semés ont les plus sinistres pressentiments. J’ai vu Bunsen. Plus unitaire que jamais et répétant que l’armée prussienne, après avoir vaincu la République, saura bien vaincre aussi le cabinet Brandebourg. Il venait de recevoir la nouvelle que Landau s'est rendu, et que les Prussiens ont dû y entrer le 2.

Ce que vous me dites du Prince de Mett. me chagrine. Quand une vie a été grande, je n’aime pas à en voir disparaître la grande ombre. Flahaut dit qu’il a été bien des fois, à Vienne dans le même état. Adieu. Adieu. A demain à 5 heures. Adieu. Adieu. Voilà le courrier de 2 heures qui ne m’apporte rien. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton, Jeudi 7 Juin 1849
8 heures

Voici la lettre que vous désirez. Montrez la mais ne la donnez à personne je vous prie dans l'état ou la France est près de tomber de telles vérités, si, par un accident quelconque, on savait qui les a dites, peuvent devenir des questions de vie ou de mort. M. P., en me rendant compte des négociations ministérielles auxquelles il a pris part, finit par cette phrase : " Je n’ai emporté de tout cela qu’une impression, c’est que le Président et La Redorte s'étaient très bien conduits, qu'on pouvait en toute sécurité, être le collègue du second et que le premier très loyal, très simple, très désintéressé sans vanité, sans susceptibilité aurait fait un roi constitutionnel excellent, mais que Dieu ne l'a destiné ni à sauver, ni à fonder des Empires. Qui sait cependant, car il a la foi ? " Hier une heure après votre départ, j'ai reçu de M. Mallac une lettre écrite avant-hier au soir, qui contient ceci : « J'ai vu le Maréchal ce matin. Il se tient à l'écart et en réserve. L'état de l’armée l’inquiète. Les lettres qu’il reçoit des commandants des corps qui forment l’armée des Alpes, ne sont pas rassurantes. L'esprit des troupes se gâte ; les folles idées qui sont répandues dans le peuple, fermentent dans la tête des soldats. Les règles de la discipline sont observés mais il faut les appliquer sans cesse. L'obéissance est devenue grondeuse et lente. Tout annoncé enfin que le mal fait des progrès, et que nous sommes en dérive. L'armée nous échappera comme tout le reste avant peu, s’il n’arrive pas un grand événement qui nous fasse sortir de l'impasse où nous sommes. Faire de l’ordre avec le désordre moral et du gouvernement avec l'absence de tout gouvernement, c'est un problème insoluble ; il faut que cette situation éclate, et qu’il en sorte le despotisme de Louis Nap. ou celui de la rue. Le dernier me paraît le plus probable. J’attache bien peu d'importance à ce que fera le nouveau Cabinet, s'il apporte des lois répressives, il pourra avancer l'heure de la lutte et c’est là notre meilleure chance, s’il se borne à vivre au jour le jour, il fera durer la situation quelques mois encore pendant lesquels tous les moyens de résistance auront péri. Alors le triomphe de la rue me parait certain. Toute la politique se réduit aujourd’hui à comparer les forces de l’insurrection et celles de la résistance et à savoir quand et comment la bataille s’engagera. " Vous voyez que tout le monde est unanimement noir. J’ai vu hier soir, chez la marquise de Westminster, beaucoup de monde rose et blanc qui ne pensait pas à autre chose, qu’à se montrer et à se regarder. Je n’y ai rien appris. J'ai trouvé Kielmansegge assez inquiet de la Constitution de Berlin et de la République des bords du Rhin. Il craint les amours propres d'auteurs et les ambitions populaires. Ici, l'attaque de lord John avant hier soir contre MM. Bright et Cobden, fait assez d'effet. Le mot narrow-minded a beaucoup blessé les radicaux. Les Torys ont beaucoup applaudi. Je le veux bien, pourvu qu'ils n'oublient pas qu’il y a peu de sureté à vaincre par la main de ses adversaires ; on finit toujours par payer les frais de la victoire. Adieu. Je sors à midi, pour aller passer une partie de ma journée en pleine Eglise anglicane, à St Paul dans le banc de l'Evêque de Londres d'où j’entendrai l'Evêque d'Oxford. Puis, j’irai la finir chez les Quakers, au milieu de la tribu des Gurney. On me dit qu'il y en aura cinquante avec qui je dinerai sous une tente. Braves gens, amis, au fond de l’autorité qu’ils tutoient. Et leurs femmes sous leur petite coiffe blanche, ne sont mi moins jolies que d'autres, ni moins charmées qu'on les trouve jolies. Ce que j’ai écrit il y a quelques mois, en parlant de la démocratie a fait son chemin. Lord Chelsea me disait hier à dîner : " Comment peut-on dire que c'est la forme de gouvernement qui fait la sureté ? Il y a aujourd’hui trois gouvernements forts et tranquilles l’Angleterre, monarchie constitutionnelle ; la Russie, despotisme, les Etats-Unis, république. Reste toujours l'embarras de choisir. " Adieu. Adieu. Je vous prie de prier qu’il ne pleuve pas puisque je dois dîner sous la tente. Je n'y resterai certainement pas s’il pleut. J'ai le cerveau encore pris un peu moins. pourtant. Adieu. A demain. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Voilà vos deux lettres. Sans nul doute, il faut aller dîner chez Miss Mitchell. Je suis curieux de M. de Beaumont. J’irai vous voir demain matin, par le train qui arrivera à Richmond à une heure. Nous causerons du discours de la Reine, et de tout.
Oui l'absence du mot république déplaira à Paris. Pas à tout Paris tant s'en faut. Les Débats sont très bons en effet, surtout aujourd’hui. Une indifférence si tranquille sur la non durée de tout ceci ! Mais les possesseurs se défendront jusqu'au bout. Cavaignac révèle un peu plus chaque jour son fanatisme. Il pressent le combat et déclare à ses ennemis qu'il les tuera tant qu’il pourra. Lisez un peu le discours de M. Fresneau. Je dis un peu parce qu'il est bien métaphysique pour vous. C’est évidemment, un homme d’esprit. Légitimiste. Adieu. Adieu. Adieu. G.

Jeudi 7 sept 1848 Onze heures

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton Jeudi 7 Sept 1848
8 heures

Je suis arrivé hier trop tard pour vous écrire. Je ne vous dirai pas grand chose ce matin. Demain à dîner. Visite intéressante et utile. Très bonne disposition. Peu d’espérance et beaucoup de sagesse. Quand je dis peu d’espérance, je veux dire peu d’espérance pour le bon gouvernement de l'avenir. Grand effroi des difficultés, peut-être des impossibilités. Le monde s’en va. Ce qui est aujourd'hui s'en ira certainement. Mais comment fera, pour ne pas, s'en aller aussi ce qui viendra après, quoique ce soit assez de penchant à croire qu’il a été la dernière bonne chance, et que n'ayant pas réussi, rien ne réussira. Un peu moins d’inquiétude sur ses intérêts privés mais se créant à lui-même, sur ce point toutes sortes de questions et d'embarras. Extrêmement préoccupé des chances de guerre. Si elle éclate ce n’est plus seulement le monde qui s’en va c’est le monde qui finit. Guerre générale. Un peu plus tôt, un peu plus tard, l'Angleterre y sera attirée. En résumé, tout son ancien esprit, point d’esprit nouveau. Rien n'entre plus. Assez blessé et je le comprends de cette parfaite similitude, égalité établie, dans le discours de la Reine, entre les rapports actuels des deux pays et les rapports antérieurs. Vous aurez bien vu, en lisant le discours que je ne l’avais pas bien entendu. Encore bien plus blessé de l’article du Times d’hier. Les Princes sont allés au Parlement par égard, pour la Reine qui leur avait envoyé des billets. Cela seul aurait dû les faire traiter eux-mêmes avec plus d'égard.
Très bonnes nouvelles d'Espagne et de Séville en particulier. Attendant la nouvelle de l'accouchement. Le Duc et la Duchesse de Montpensier en très bonne position, même auprès des Progresistas qui les épouseraient, au besoin. Quelque inquiétude, non pas sur, mais pour Narvaez. Il pourrait bien être remplacé par O’Donnell, sans que le pouvoir sortît des mains des modérés. La Reine Christine pourrait bien vouloir cela, pour se raccommoder un peu avec Londres. Penchant à croire qu'elle aurait tort, mais ne s'en inquiétant pas beaucoup. L'important, c'est le pouvoir de la Reine Christine et des moderados, et celui-là n’est pas du tout compromis. Grande satisfaction de la correspondance d'Eisenach. L’attitude y est bonne et en parfaite harmonie avec celle de toute la famille. Mais on dit que la Duchesse d'Orléans a maigri. J'ai vu les trois Princes qui revenaient de la chasse. On leur a donné la chasse de l'Avemont. Grand soulagement à l'ennui.
J’ai rencontré en revenant la Reine douairière qui y allait. Et j'y rencontre toujours Lady Cowley, et Georgina. Nous sommes revenus d'Esher ensemble. Le reste à la conversation de demain.
En fait d’intérêts privés, je vous donnerai des nouvelles du procès qui vous touche. Je crois qu’il y a bien des chances d’arrangement. Je vous dirai ce que vous auriez à dire pour y aider. J’attends votre lettre à 9 heures. Mais je ferme celle-ci pour qu’elle parte tout de suite et que vous l'ayez dans la journée. Si quelque chose m’arrive, je vous écrirai ce soir. En tout cas, à demain dîner. Adieu Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton Jeudi 9 nov. 1848
5 heures et demie

J’ai été mettre une carte chez Mad. de Lavalette à Regent Park. J’ai eu du monde toute la matinée. Je vous arrive trop tard pour aujourd’hui. Mes nouvelles de Paris sont un peu moins sombres. M. Vitet, qui a passé une heure et demie ici avec Duchâtel croit peu à une bataille avant le 10 décembre. Cavaignac, à tort selon lui, n'est pas sans espérance électorale. Dufaure l’y entretient. C’est une illusion. Louis Bonaparte a toujours les plus grandes chances. Pas telles cependant que Cavaignac se regarde, dès aujourd’hui comme battu. Il attend donc, et ne fera point de bruit en attendant. Comment en faire après tout de suite après, si Louis Napoléon est élu ? Ce sera difficile. On pourra bien essayer de susciter quelque tumulte impérial pour se donner un prétexte de sauver la République. Il est douteux qu’on y réussisse. Les Impériaux seront fort sur leurs gardes. Probablement donc une situation fort tendue, sans explosion. La misère publique et la détresse financière plus grandes, plus croissantes, le peuple de Paris plus désespéré qu’on ne peut dire, Louis Bonaparte prudent et silencieux, dans le présent, se promettant d'être très très conservateur dans l'avenir. Il parle à ses confidents de je ne sais quel plébiscite impérial d'il y a plus de 40 ans qui lui permettra de rétablir une Chambre des Pairs héréditaire formée de tout ce qui reste de Sénateurs de l'Empire, de Pairs de la Restauration et de Pairs de Juillet. La fusion ainsi accomplie en même temps que l’hérédité rétablie. Des intentions très bonnes et très ridicules, qui peuvent être utiles après lui. Le propos des légitimistes et des conservateurs, est ceci : " Les Bourbons ne peuvent pas succéder à la République. Il faut les Bonaparte entre deux comme la première fois. "
On m’écrit de Paris : " Le bruit se répand que votre candidature fait de tels progrès dans le Calvados que votre sélection y serait faite à l'unanimité. Le candidat légitimiste qui devait être porté M. Thomine, a écrit, dit-on à M. de Falloux qu’il se retirait et que lui se retirant, votre élection croit d'elle-même. " Je doute de ceci. Cependant il faut prévoir cette chance que je sois élu malgré ce que j'ai dit et fait dire. Ce sera un grave embarras.
J’ai oublié de vous dire que de bonne source, on attribue au Général Lamoricière ce propos : " Si on nous envoie Louis Napoléon pour Président. nous le recevrons à coups de fusil ; je mettrais le feu à Paris de mes propres mains plutôt que de le subir. " C’est bien violent. Pourtant cela indique le dessein de ne rien faire avant l'élection.
Voici une lettre du duc de Noailles qui m’est arrivée avec son livre. Renvoyez-la moi, je vous prie. J'ai vu ce matin le Médecin du Roi. Il arrivait de Richmond. On y va mieux. Il n'a d’inquiétude pour personne malgré les rechutes. La Reine était très souffrante. On a de nouveau analysé l'eau la veille du départ, en présence de plusieurs chimistes anglais, extraordinairement chargée de plomb. Ce sont des réparations faites il y a près de deux ans, à des conduits, et à une citerne. Claremont avait à peine été habité depuis. Rien de singulier donc. Deux maids aussi ont été malades. Duchâtel penchait à croire à quelque empoisonnement factice, à quelque coquin envoyé de Paris et gagnant un domestique. Je n'y crois pas. Le médecin non plus. Tout s’explique naturellement. Adieu. Adieu. A demain matin.

Vendredi 10. 9 heures
Je n’ai rien ce matin. Sinon Adieu, adieu, ce qui n’est pas nouveau et n'en vaut que mieux. Adieu donc. J’ai eu hier soir, à 8 heures, votre lettre du matin.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton. Jeudi 11 Janv. 1849

Je vous ai envoyé ce matin par le railway, quatre exemplaires de ma brochure. Vous, le Prince de Metternich, Marion et Lord Mahon. Aurez-vous la bonté de charger Jean de porter le dernier exemplaire ? Je n'ai reçu qu’hier l’édition française. Les journaux commencent à en parler. Vous serez contente des Débats et de l'Assemblée nationale. Voyez-vous celle-ci ? Avez-vous lu le Morning Chronicle ? Me voilà bien et dument aristocrate. Je suis frappé du tour de quelques uns des journaux anglais. Ils sont évidemment plus démocrates que moi. J’ai été hier chez C. Greville. Bien pris de goutte. Grands compliments. J’y ai trouvé, Lord Ellesmere, Henri Greville et un M. Stanley que je ne connais pas. Nous avons beaucoup causé, mais trop de monde. Rien n'est fini pour le remplacement de Lord Auckland. On croyait assez là à Lord Carlisle.
Je n'ai rien de Paris ce matin. Louis Nap. n’ira pas. Mais il ne s'en ira pas sitôt. Si j’avais à parier je parierais qu’il finira par se mettre entre les mains de Cavaignac et des Républicains. C’est contre son origine, mais c’est selon sa nature, et sa sureté. Je serais étonné si nous avions à traverser la phase de l’Empire. Je la crois usée d'avance par le décri de l'homme. Henri Greville avait hier des lettres de Paris qui m’en tarissaient pas sur les ridicules, et sur les quolibets dont il est l'objet, parmi le peuple comme plus haut. Certainement les gros bonnets modérés ne s’entendent. pas. Et plus ils iront, moins ils s’entendront. Au fond, ils ne veulent point la même chose. Ils sont comme le pays ; il n'y a que l’extrême danger qui les unisse Adieu. Adieu. Je vais chez Lord Aberdeen. J’ai je ne sais combien de billets à écrire. Nous aurons bien à causer mardi. Je vous rapporterai Lady P. et Contantin. Adieu Je persiste à croire que les tablettes d'une révolution sont de Capefigue.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Je ne vous comprends pas. Je vous quittais une demi-minute pour rassurer mes enfants qui attendaient avec anxiété les nouvelles qu’ils savaient que je venais de recevoir. Je ne faisais qu'ouvrir et refermer la porte. Et vous vous en allez sur le champ ! Et vous me dîtes que j'ai 24 heures, et que vos moments sont comptés. Je ne veux pas vous dire en ce moment ce que me fait éprouver tant d’injustice. Je vous en parlerai demain, soit à Brompton si vous venez, soit à Richmond si vous ne venez pas.

Adieu. Adieu. Jeudi 14, 3h. 1/2

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton, jeudi 15 février 1849

J’aime bien votre écriture. Et ce temps doux qui doit vous être bon même ne sortant pas. Soyez sure que ce sont vos promenades par le froid, qui vous ont donné ce redoublement. Que je serai content samedi, car j'y compte et sans rhume. Voulez-vous que je vienne dîner samedi, avec vous ? Ne manquez pas de me dire à quelle heure, vous arriverez. J’attends le vote définitif sur la proposition Lanjuinais. Mais je ne crois au succès d’aucun des amendements tentés pour ajourner les élections. J’ai eu hier une nouvelle lettre de Génie contenant de nouveaux détails sur ce qui me touche. Toujours la même chose. Et Molé se faisant valoir à Dumon de sa bonne conduite, déplorant les passions du centre gauche : " La révolution de Février ne leur a rien appris ; ils sont toujours personnels, jaloux, envieux, mêlés à toute sorte d’intrigues ! " M. Marrast sera renommé président pour le mois prochain, malgré ses mésaventures à l'opéra. Dimanche dernier quand il est entré dans sa loge, les chuts, les Ah ! Ah ! ont été si vifs et si soutenus qu’il n’y a pas eu moyen de rester. Au moment où il sortait, le sifflet de la coulisse a donné le signal de la rentrée en scène. Le public a aussitôt appliqué ce sifflet à Marrast, applaudissant et criant bravo. C’est la troisième fois qu’il est forcé de renoncer à sa soirée d'Opéra. Les républicains sont les seuls qui ne s'amusent pas. Mad. Lenormant m'écrit matin : " Paris est tout en danse. C’est une frénésie. On a hâte de mettre à profit la sorte de trêve dont nous jouissons. Le faubourg St Germain n'est pas le moins pressé de se divertir. La Duchesse de Laynes donne de très beaux bals. Au dernier, on a agité la question de savoir si le faubourg St G. irait au bal du Président (il en donne un vendredi). Après des discours éloquents de ces dames, on a décidé qu’on devait son concours au Président ; concours de sa personne ; c'est pourquoi les hommes prennent toujours les armes au premier coup du rappel ; mais qu’il n’y avait pas urgence à prêter un concours moral, et qu’on s'abstiendrait. Ainsi le concours moral, c'est le concours dansant. " Je vous envoie mes balivernes.
Avez-vous vu celle-ci dans vos journaux ? Au spectacle, je ne sais lequel, on chantait un couplet contre la République. Un coup de sifflet se fait entendre. Un homme se lève de sa place et dit très haut : " Est-ce qu’il y aurait ici un républicain ? " Le siffleur s’est tu. Le public a applaudi. Voilà les consolations de la France. Adieu. Adieu. Vous auriez bien dû me dire si vous aviez dormi. Vous ne savez pas ce qu’il faut dire. Je vous écrirai encore demain. Vous ne partirez certainement pas, samedi avant 11 heures. Probablement à 1 heure, adieu. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton Jeudi 16 nov. 1848
Onze heures

Je n'ai encore rien de vous. J'espère bien qu’il viendra quelque chose dans la journée. Vous avoir quitté hier à onze heures n’est pas du tout une raison pour que je n’ai rien aujourd’hui. Je vais à Richmond après déjeuner. Le train passe à Putney, à midi 3/4. J’espère être de retour assez tôt pour vous donner des nouvelles de ma visite. Cependant cela dépend un peu du Roi. La dernière poste part de Brompton un peu avant 5 heures.
Ce que je vous ai envoyé hier de Montebello, était un peu meilleur pour la Reine. J’ai eu le soir des nouvelles du médecin. Un peu meilleures aussi, mais pas tout à fait sans inquiétude. Dormez sur les Princes. Je voudrais qu’ils allassent à Holland-house. J'insisterai. Les premiers escomptes présentés par M. Ellis ont causé un vif émoi. Plus de 1000 fr. par jour. Le loyer n’est pas cher. Mais la table et tout le reste énormément cher.
Je ne comprends toujours pas bien les Débats d’hier. Ni M. Vitet non plus qui est venu hier dîner avec moi. Il suppose, comme moi, qu’on a eu à relever une impertinence, et à déjouer une rouerie de Th[iers]. Il est plus enclin que moi à croire à une faiblesse possible en faveur de Cavaignac. Mais le tout l’inquiète, et Duchâtel aussi. Et moi aussi. J’attends impatiemment quelque explication de G[énie]. Duchâtel a les mêmes nouvelles que moi sur notre procès. La cour, de concert avec le Cabinet, a décidé qu’elle en finirait avant l'élection du Président. Je soupçonne que les Républicains veulent avoir ce mérite-là envers nous, et ne pas le laisser à Louis Bonaparte. Je n'ai pas encore mes journaux de ce matin.
Je mettrai ceci à la poste en partant pour Richmond, de peur de retard. Si je reviens à temps vous aurez une autre lettre. Adieu. Adieu.
Midi Je viens de déjeuner et je pars pour Richmond. Il fait froid. Décidément Brighton est plus gai. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton Jeudi 18 Janv. 1849
3 heures

Je trouve en arrivant de bonnes nouvelles de mes affaires électorales dans le Calvados. Mes amis conservateurs reprennent courage. Les légitimistes m'épousent chaudement. On me dit que bientôt les candidats qui essayaient de m'écarter viendront me prier de les aider. Tout cela me confirme dans la résolution convenue. Des nouvelles contraires produiraient le même effet. Voici une lettre de M. Vitet homme d’esprit, froid, juste et sagace. Vous verrez qu'il est sombre, même après le succès futur, s’il vient. Renvoyez-la moi, je vous prie. Point de nouvelles générales. Duchâtel est de retour de Belvain. Il vient de me renvoyer un livre. Je le verrai probablement demain. On a fait en Belgique une contrefaçon de ma Démocratie. Si petite qu'on l'envoie dans des lettres. pour 10 sous. Comment passe-ton si vite du plaisir au regret ? Une minute creuse un abyme. Adieu. Adieu. Ne vous fatiguez pas à lire.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton. Jeudi 23 nov. 1848

Voici une immense et curieuse lettre de Paris. J'en ai retranché deux feuillets qui n'étaient relatifs qu’à des affaires personnelles, maisons, vins, Calvados &. Je vous envoie tout ce qui est intéressant : la dernière page retranchée dit à la fin. " Lundi 20 nov. On m’apporte la lettre que vous m'avez écrite le 17. Vous avez parfaitement compris l’article des Débats, une impertinence à réprimer ; le ressentiment de la liberté qu’on avait prise de disposer, sans dire gare, de toute le parti modéré ; une rouerie à déjouer ; une position pour l'avenir. Il y a eu de tout cela ; et lorsque j'ai lu tout à l'heure à Bertin ce passage de votre lettre, il a ..." Le reste sur les feuillets que je vous envoie. Renvoyez-moi, je vous prie, dès que vous les aurez lus. Je veux répondre par ma prochaine occasion. C’est bien fin. Mais l'encre est un peu plus noire.
Merci de la lettre du duc de Noailles. Je vous la renverrai demain. Je veux la relire, et je suis pressé ce matin. J’apporterai mardi tout ce que vous me prescrivez. Je ne regrette pas, Miss Gibbons pour vous. Nous trouverons bien l’équivalent quand il le faudra absolument. Je vous ai dit hier mon impression sur Berlin. Bien d'accord avec la vôtre. Je ne m'étonne pas du galimatias du Prince de Metternich. C'est l'Allemagne. Il a respiré cela toute sa vie. Ce qui est de lui, c’est le bon jugement.
Je n’ai pas encore mes journaux français. Adieu. Adieu. J’aimerais mieux dire à demain qu'à mardi. J'ai beaucoup à vous dire. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton jeudi 25 janv 1849

Très petit dîner hier à Holland house. Plus petit même qu’il ne devait être. Macaulay était engaged. Lady Malet dans son lit. Rien que Brougham arrivé la veille et moi avec un peintre et un inconnu (de moi du moins) qui vivent dans la maison. Pourtant le dîner a été agréable. Bonne conversation animée, sur toutes choses. J’ai fait des frais. Je voulais que Holland house parût agréable à ses maîtres. J’ai fait des frais aussi pour Lady Holland, pour lui donner bon air aux yeux de son mari. Elle s'en est aperçue et m'en a su gré. Le ménage a l’apparence convenable. Ils vont passer deux ou trois mois à Paris. Puis ils reviendront à Holland-House quand le parc sera vert et le jardin en fleurs. Lord Holland aime la verdure et les fleurs. Je ne le savais pai si champêtre ! Lady Holland part la première, lundi ou mardi. Elle vous demande vos commissions, vos lettres, vos ordres. Je les lui rapporterai lundi. Elle ne partira certainement pas avant mardi. Elle se chargera de tout ce que vous voudrez, lettres, affaires ; d'inspecter votre appartement, vos gens, vos meubles. Elle est reconnaissante et voudrait l'être encore plus. Elle ira samedi à Claremont prendre les ordres du Roi, et de la Reine. Lord Holland a eu une attaque de goutte effroyable. Il est changé, et se traine avec peine. Lord Brougham en train, bon enfant ; très noir sur Paris. Racontant toujours Arago, encore plus noir que lui. Croyant au progrès et pas au succès des légitimistes. Il n’a pas vu Thiers, ni Broglie. Il a dîné chez Molé, avec Cousin, Mignet, Dupin. Son grand ami du moment, c'est le Roi des Würtemberg, le plus spirituel des Rois, peut-être des hommes. Pas un fait à retenir de tout ce qu’il a dit. Je viens de voir un membre de l'Assemblée nationale un ancien conservateur progressiste, qui repart ce soir, M. Sallandrouze. Celui-là croit au succès des légitimistes. C'était un des suivants de Henri de Castellane. Vous vous rappelez peut-être son nom. Il est bien honteux du passé, bien abattu sous le présent. Grand manufacturier Tapis d’Aubusson. Lord Aberdeen vient de me renvoyer de Drayton. Manor, la lettre de Bulwer. Il me dit qu’il sera samedi et dimanche à Brighton, et me propose de me mener Dimanche entendre un very good preacher. Je me laisserai mener. J’ai une longue et curieuse lettre de Dumon. Je vous l’apporterai. Point de fait nouveau. Une bonne appréciation de la situation. M. Sallandronze a reçu ce matin la nouvelle de la formation probable d’un ministre Lamartine, Billault, Emile Girardin. Je n'y crois pas. J'en aurais presque envie, pour user encore cela. Adieu. Adieu. A après-demain. Mais je vous écrirai encore demain. Adieu G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton. Jeudi 28 juin 1849, 3 heures

J'espérais vous voir un moment ce matin. J’aime même les moments. Mais il est 3 heures. Vous ne viendrez pas. J’écris donc. Je rectifie votre nouvelle à l'Impératrice sur mes assiduités au bal. Je viens de vérifier mon tableau d’invitations en Mai et Juin. J’ai mené deux fois Pauline au bal ( Henriette n'y va pas) et elle y est allée deux fois sans moi. Est-ce assez pour que ce soit drôle ? Je tiens à ma rectification parce que je suis de votre avis dans l'état de mon pays et dans mon état à moi hors de mon pays, le bal ne me convient pas. Je n'irai certes jamais sans mes filles, et comme vous le voyez, je ne les y mène que bien peu. 4 heures et demie Je reprends ma lettre. Je ne veux pas que [vous] soyez tout demain sans moi. Votre tristesse me pèse douloureusement, quoi que je fusse bien fâché si vous n'étiez pas triste. Depuis bien longtemps, je ne vous vois pas, je ne pense pas à vous sans avoir devant les yeux cette amère séparation. Elle est inévitable. J’ai tardé autant que je l’ai pu décemment, à rentrer dans mon pays. Je ne puis pas ne pas y rentrer, et ne pas saisir le bon moment d’y rentrer. Et en y rentrant, je ne puis pas ne pas aller d'abord m'établir au Val-Richer. Toutes les nécessités de toute sorte, tous les avis de tous mes amis m'en font une loi. Si vous pouviez croire que j’en suis, que j’en serai aussi triste que vous ! Si vous saviez tout ce que sont pour moi votre affection, votre conversation, votre présence, notre intimité ! Vous me manquez déjà tant quand nous sommes près, quand nous nous verrons demain ! Que sera-ce quand nous serons loin, et sans savoir quand nous nous verrons ? Je suis plus enclin que vous à l'espérance, à la confiance. Vous viendrez bientôt à Paris. Vous y resterez plus longtemps que vous n'aurez dit. Nous nous y rejoindrons plus souvent que nous ne l'attendons. Je crois cela. Je le crois vraiment. Croyons le ensemble. Nous serons encore bien assez tristes. En le croyant, nous ferons bien mieux ce qu’il faudra pour que cela soit. J’aime mieux vous l'écrire que vous le dire. Je compte partir du 15 au 20 juillet. Je ne veux pas manquer le moment opportun et que tout le monde juge opportun. Tout le monde s'attend à me voir revenir bientôt. On ne comprendrait pas pourquoi je tarde plus longtemps et si je tardais longtemps, on demanderait ensuite pourquoi je reviens. De plus, le bail de ma maison finit le 18 Juillet. J'espère que d'ici là le choléra aura quitté Paris, et que vous aussi vous y retournerez vers la même époque. Quand nous serons ensemble en France, ce sera un commencement de réunion. Je ne puis pas vous parler d'autre chose, quand même j'aurais autre chose à vous dire. Je mettrai, cette lettre à la poste en allant dîner. Vous l'aurez demain, à je ne sais quelle heure. Après-demain. nous aurons quelques bonnes heures. J’espère que cela ne tient pas uniquement à mon tour d'esprit, plus optimiste que le vôtre ; mais j’ai la confiance que nous aurons encore de bonnes années. J’ai une peine immense à me figurer que je n'aurai pas ce que je désire ardemment. J'ai pourtant assez vécu pour savoir que je m’y suis souvent trompé. Adieu, adieu. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton. Lundi 2 juillet 1849

Je crois vraiment, ce qu’écrit Thiers à Ellice qu’il n’y a plus d’émeutes dans les rues à craindre ; pour longtemps du moins. J’ai vu hier plusieurs personnes de Paris des gens accoutumés à flairer le vent. M. Véron entr'autres. Je les ai trouvés assez tranquilles sur les rouges, et plus convaincus que jamais qu’il n’y a rien à faire de la république, qu'aucun gouvernement ne sortira de ce qui existe, et qu’il faut recommencer à chercher ailleurs. Immense embarras, dont on ne sortira pas sans secousses. Mais embarras et secousses de Chambres plus que de vues. Voilà du moins le sentiment que je rencontre partout. Dieu veuille qu’ils aient raison. Je veux Paris sans émeutes. Vous y resterez. Il me paraît que ce voyage de Thiers est peu approuvé de ses amis. Duchâtel m'a dit hier soir que cela lui revenait de tous côtés. Collaredo est venu hier avec sa femme. C’est archi poli.
Point de nouvelles de Hongrie, mais bonne confiance. Chaque jour ajoute à l'étonnement sur Rome. Mazzini est un homme avec qui il faudra compter. On s’inquiète fort à Paris de ce que coûtera cette guerre. Passy a les plus mauvaises paroles ; il prononce le mot de banqueroute. Il payera dit-il, le semestre de septembre ; mais celui de mars 1840, personne n'en peut répondre ; et pour lui, il en doute fort. Mad. Duchâtel m'a dit que Marion restait à Richmond jusqu'à jeudi. J’en suis charmé. Je compte toujours sur vous demain. Ne venez me prendre, je vous prie, que le plus près possibles de 3 heures. J’attends quelqu’un entre 2 heures et 2 h. 1/2 qui part le soir pour Paris. Je viens de l'apprendre seulement à présent. Voilà des visites. Mad. Duchâtel. Lady Coltman, M. Hallam. Adieu. Adieu, à demain. C’est un grand bonheur de pouvoir dire à demain. Adieu. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton. Lundi 2 oct. 1848
2 heures

J'espère bien que cette indisposition ne sera rien. Vous avez raison de vous tenir tranquille et de manger très peu. Le repos et la diète. Moi aussi, j’ai été un peu incommodé cette nuit. Mais ce n’est rien du tout. Je viens de me promener une heure par un joli temps. Le voilà qui se gâte. Quel déplaisir que la distance !
Je suis allé hier voir Dumon. Il y a dans ce quartier bien des maisons à louer. Même deux ou trois. Grosvenor Place qui me paraît un très bon emplacement. Dumon restera seul lundi prochain. Sa femme et sa fille retournent à Paris. Il quittera sa maison de Wilton-Street, et se rapprochera de l'Athenaeum, sa ressource contre la solitude. Mais il sera toujours fort à portée de ce quartier-là. Duchâtel revient à la fin d’octobre, et passera l’hiver à Londres. Si on ne peut pas le passer en France. Presque toutes les lettres de France croient à une crise prochaine qui nous y fera rentrer. Personne ne dit bien pourquoi ni comment. Mais tout le monde le dit, les simples comme les gens d’esprit, à mon profond regret, ce n’est pas mon impression. Voici la nouvelle qu’on m’apporte ce matin, tout bien examiné, tous calculs faits, Cavaignac et ses amis en sont venus à penser que si on tentait de le faire nommer Président maintenant il ne serait pas nommé, et que tout croulerait. Ils se sont rejetés alors dans l’expédient contraire qui serait d’ajourner la nomination du président de la République jusqu'au moment de la dissolution de l'Assemblée elle-même, c’est-à-dire après les lois organiques. Jusque-là, on resterait et exactement comme on est, sans toucher à cette machine qu'on ne peut pas toucher, sans la briser. On m'assure que c’est là ce qui sera proposé ces jours-ci. La réunion de la rue de Poitiers s'y opposera. Mais on croit qu’elle sera battue, toutes les autres portions de l'Assemblée, y compris les Montagnards, désirant éviter une crise dont elles ne se promettent rien de bon pour elles-mêmes. C’est un gouvernement de plus en plus convaincu qu'il ne peut pas vivre, et décidé à ne pas remuer pour ne pas mourir. En définitive, il n'en mourra pas moins. Mais cela peut durer encore quelque temps.
Les Italiens affluent ici, en colère croissante contre la France et la République. Cavaignac ne sait pas la valeur des moindres paroles en Affaires étrangères. Il a, lui-même tout récemment encore, donné aux gens de Milan, aux gens de Venise, aux gens de Sicile, des espérances qui sont tombées le lendemain après une séance du Conseil. On les renvoie à Londres, en disant : " Nous ferons comme Londres. " Et Londres ne dit rien du tout. Le Roi de Naples n'attaquera, pas Palerme. Il prendra, ou se conciliera successivement toutes les autres villes, laissant Palerme vivre comme elle pourra dans son anarchie. Le temps est pour lui. A Rome on augure très mal du Cabinet Rossi. On dit que le Pape l’usera et le laissera tomber comme les autres. Et s’il veut résister plus réellement que les autres, les Républicains demain le feront tomber. Les fantaisies républicaines sont en progrès dans tous les coins. L'avocat Guerazzi reste le maître à Livourne et se promet de devenir le président de la République Toscane. Le cabinet du grand Duc va se dissoudre. Son président, le marquis Capponi, capable et honnête, aveugle et impotent, déclare qu’il ne peut plus continuer, par impotence et par honnêteté. La fermentation républicaine gagne Gênes de plus en plus ; à ce point que l’idée y circule de s'annexer à la Lombardie autrichienne. Si l’Autriche doit consentir à accepter Gênes comme ville libre et port franc. L'Empereur d’Autriche protecteur du Hambourg de la Méditerranée. Vous voyez que tout n’est pas près de finir là. Adieu. Adieu.
J’ai trouvé l'adresse de Salvo. Il part cette semaine pour aller passer quinze jours à Paris. Adieu, j'espère que demain matin, je vous saurai bien. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton. Lundi 4 Sept. 1848
Midi

Je ne veux pas que vous soyez sans lettre demain toute la matinée Quoique je réserve pour le soir la longue conversation. J’ai vu Dumon hier au soir ; pas Salvandy qui dînait à Holland House, et en est sorti trop tard. Salvandy vient de m'écrire qu'il viendrait me voir demain matin. Il est, à ce qu’il paraît, en assez mauvaise santé et dans un état de grande excitation, ne pouvant ni travailler, ni donner. Il avait quelque envie d’aller se faire juger à Paris, pour donner quelque satisfaction à son agitation. Il a cédé aux premières objections de Dumon. Il est ici pour quelques jours. Montalivet est venu surtout pour les affaires privées du Roi. Elles paraissent en meilleur train. Le gouvernement veut en finir et a demandé que le Roi nommât un fondé de pouvoir avec lequel il pût débattre et traiter. On a indiqué en même temps que Dupin serait accepté. Dupin, consulté, a dit qu’il accepterait. Et le Roi, après quelque hésitation, vient de nommer Dupin. On est fort préoccupé, à Claremont de la crainte que quelque incident ne vienne déranger cette bonne veine. On avait entendu dire que je me proposais d'écrire. On a témoigné à Dumon le désir que j’attendisse. Il a fort rassuré. Montalivet a dit à Dumon les mêmes choses qu’à Montebello sur la fusion, et sur ce qu'on en pensait à Claremont. A demain les détails.
Lady Palmerston devrait bien me rendre un petit service, trop petit pour que je me fasse la petite affaire de la demander à son mari. Mad. Baudrand avait envoyé à mes filles, par André un petit pot à crème en argent, fort joli, dit-on. La douane l’a pris sur André et l’a retenu. Je voudrais bien qu’on me le fit rendre en payant, comme de raison les droit exigés, si mon ami Ellice était ici, c’est à lui que je m'adresserais. Il a fait toutes mes affaires de ce genre. Mais Glengwich est trop loin. Et je m'adresse à Dieu, à défaut de ses saints, si tant est qu’Ellice soit un saint, et un saint de Lord Palmerston. Pouvez-vous écrire ou dire à Lady Palmerston deux mots sur mon pot à crème ?
L'impression de Paris est à la guerre. Le gouvernement parait croire qu’une forte démonstration suffira pour rendre l’Autriche plus traitable. Mais les démonstrations mènent loin. Vous voyez qu'on en médite une sur le Rhin en même temps que sur les Alpes. Je persiste à douter. Pourtant, pour Cavaignac, l’alternative est cruelle. Si l’Autriche cède, ou s’il la bat, ce sera pour lui un grand succès. Londres a un bien grand intérêt à ne pas lui laisser courir cette chance, car c’est en le triomphe de Paris tout seul, ou la guerre générale. Je répète que je persiste à douter. Adieu. Adieu.
André a remis à Jean, avec vos paquets, deux bouteilles de vin de Bordeaux. Gardez-les moi, je vous prie. Adieu. Adieu. G.
Lord Aberdeen m’a renvoyé votre lettre du 28. Il ajoute : " I'm already in debt with the Princess, and will write to her very soon."

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton lundi 5 Février 1849

Vous me demandiez s'il y avait complot Lundi dernier à Paris. Voici ce que m'écrit mercredi M Lenormant. Ellice, arrivé hier, m'a apporté sa lettre : " Nos adversaires avaient la partie belle avant-hier. Au premier signal, les colonels des 4e, 5e, 6e, 7e et 11e légions de la garde nationale auraient fait marcher leur monde et l’auraient rangé autour de l'Assemblée. La garde mobile suivait le même mouvement. Les clubs descendaient dans la rue. On recommençait les barricades de Juin. Les quatre légions aristocrates auraient pris peur ; la 3e nous aurait d'abord abandonnés. Nous tombions infailliblement aux mains des rouges. Pour nous sauver, nous avons eu d'abord les admirables dispositions de Changarnier, et ensuite le refus des trois quarts des ouvriers de prendre part à un mouvement qui aurait eu pour résultat de renverser Napoléon. Maintenant la majorité hostile qui s’était constituée dans l'Assemblée nationale est intimidée ; et comme aujourd’hui, par le fait de l'étrange constitution qu'on nous a donnée, une crise ministérielle ne peut avoir lieu sans emporter le président, le cabinet a le point d’appui nécessaire pour achever de réduire la chambre... Nous avons deux hommes résolus M. de Falloux et le Général Changarnier. Léon Faucher, montre aussi de l'activité et de l’énergie. Barrot quoique beaucoup plus mou, semble préoccupé de la pensée de réparer ses fautes ; sa conduite est une expiation. " Et il ajoute dans une lettre d'avant hier samedi 3 : " Nous sommes sous le coup d'une nouvelle menace de trouble pour lundi. La proposition Rateau étant remise à lundi, et la loi sur les clubs venant aussi lundi ou mardi, on dit tout haut qu’on ne pendra les aristos que lundi. On ne dit plus les aristocrates. On crie : Mort aux aristos. Cependant ne nous croyez pas encore vaincus ; le président est très ferme et très uni à son ministère. La ville de Paris est une immense place de guerre, et Changarnier a pris ses positions très habilement. Une partie du corps d’armée des Alpes arrive à Orléans aujourd’hui. Si les malheureux essayent encore un mouvement, nous aurons l'avantage. J'ai peine à croire qu'ils engagent ce mouvement. La classe ouvrière ne se déclarerait pour eux que dans le cas où nous serions battus. " Que pensez-vous de ce tableau ? je ne vous envoie pas la lettre même. Elle est pleine de longs détails sur mes affaires personnelles, électorales et autres. Vous avez tout ce qu’il y a d’important. Je regrette de ne pas voir Ellice aujourd'hui. Je pars à midi, pour Claremont et Croker. Point de nouvelles hier à l’Athenaeum. J’y ai vu Duchâtel qui n’avait rien. Je ferme ma lettre pour qu’elle soit mise à la poste de 9 heures vous l'aurez le soir. Je vous écrirai de West Molesey. Adieu. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton. Lundi 8 Janv. 1849

J'ai dîné hier chez Duchâtel. Il ne savait rien. Je lui ai appris la situation. Bien confirmée par ce que vous me dîtes des nouvelles de Mad. Rothschild. Cela ne finira pas, mais continuera par un replâtrage. Les modérés soigneront, et soutiendront, un peu mieux Louis B. Mais Thiers et Molé ne deviendront pas des ministres. Ils gagneront tant bien que mal la dissolution de l’Assemblée et les nouvelles élections. La Presse venue ce matin, commence son mouvement d'abandon, de L. B.. Elle deviendra légitimiste. Ellice dinait chez Duchâtel. Plus hostile que jamais à Lord Palmerston. Disant que Lord John n'a pas autre chose à faire que d'aller trouver Sir Robert Peel et de lui demander trois ou quatre ministres. Mais qu’il ne le fera pas. Ellice va à Paris à la fin du mois. Il a vous surement dit tout cela. Le Roi n’a qu'une idée, mais idée fixe. Se justifier du renvoi de son cabinet le 23 février. Mon impopularité est sa seule défense. Il faut qu’il ait du mérite à m'avoir soutenu si longtemps, et une excuse pour m'avoir enfin, abandonné. Je ne lui en veux pas, mais je me tiens pour averti. Quant aux Princes, ils disent ce qu’ils croient utile de dire pour plaire au parti qu’ils craignent et ce qu'au fond ils croient assez eux-mêmes. La politique des Journalistes ne descend pas seulement très bas. Elle monte très haut. Je ne m’y rangerai pas pour cela. Je n'ai qu’un malheur c’est que je ne vivrai pas encore cent ans. Dans cent ans, plutôt probablement, j’aurai trop raison.
Je vais à Richmond tout à l'heure. Je n'ai rien de Paris, ce matin. J’attends quelque chose dans la journée. Ménagez bien vos yeux, même avec moi. J’ai été charmé de voir fondre la neige. Voulez-vous que je vous renvoie la lettre de Constantin, ou que je vous la rapporte ? Adieu. Adieu. Adieu.
Voici la note des livres dont j'ai besoin et envie. Mais remarquez bien que je n'en sais pas les prix, et que je ne veux pas tout , et tout est cher. Les n°2 et 3 sont d'anciens ouvrages. Les n°1 et 4 des ouvrages nouveaux. Je les ai rangés dans l'ordre de leur intérêt pour moi.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton. Lundi 12 février 1849

Je vous ai écrit samedi. Ma lettre a été portée avant 4 heures Vous l'aurez eu lundi. Deux à la fois. C’est quelque bêtise de la poste de Brompton, concourant, avec l'ennui du dimanche. Vous ne me dites rien de votre rhume. J'en conclus qu’il s'en va. Rien hier à l'Athenoeum. Les journaux français n'étaient pas arrivés. Duchâtel n'est pas venu. Je suppose qu’il fait quelque visite de campagne. J’y passerai demain. Je suis accablé de journaux ce matin. Tranquilles et vides, comme Paris. C’est un des plus grands maux des secousses qu’on ne sait plus s'en passer. Je ne trouve que ce petit article de l'Assemblée nationale qui vous plaira un peu, et aussi à Lord Aberdeen. Vous avez raison de soutenir votre distinction des deux langues sur audace. J’en ferai autant, si on m'en parle. Très mauvaises nouvelles d'Italie ce matin, de Rome et de Florence. Progrès de l’anarchie, et apathie de la réaction. Les révolutionnaires plus sots et les modérés plus poltrons que jamais. Le remède ne viendra pas du dedans. Naples se suffira. Mazzini finira par enlever Gènes comme Livourne, Rome et Florence. Bientôt la banqueroute et le papier monnaie partout, à la suite de Mazzini. Il en parle tout haut et ses amis s’y préparent. On n'entend plus parler des Espagnols devant Gaëte. Cavaignac peut avoir dit à Rothschild ce qu’il a voulu. Vous verrez et que feront ses amis, Billault entre autres, dans la discussion du budget. Ils désorganiseront tout pour se rendre populaire et rendre le gouvernement impuissant. Je viens de voir un bon bourgeois qui arrive de Paris et qui dit qu’on s'y croit sauvé aujourd’hui, mais que demain on s’y croira perdu. Vrais enfants. C’est triste. Voici un ennui qui n’est pas politique, mais qui n'en vaut pas mieux. J'ai depuis dix ou douze jours deux invitations à dîner pour cette semaine, l’une jeudi chez les Collman, l'autre vendredi chez M. Hallam. Précisément quand vous arrivez. J'en ai refusé deux pour mercredi et un pour samedi. Je me puis manquer à ceux que j’ai acceptés. Je trouverai moyen de m'échapper à 9 heures. Mais cela me déplait beaucoup. Adieu. Adieu. Je viens d'écrire de longues lettres au duc de Broglie, à Piscarory; à Génie. Le jeune de Witt part ce soir. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton lundi 13 nov. 1848
9 heures

Deux mots seulement. J’irai vous voir demain, partant à midi comme lundi dernier. Je n'ai rien reçu, ni rien su hier.
Je ne suis pas sorti et n'ai vu que gens insignifiants. Montebello m’a donné de meilleures nouvelles de Richmond. La Reine a pu écrire. Le Roi ne sait pas combien de temps il restera là. Montebello dit que c'est une affaire de bourse, mais que ce sera probablement quelques semaines. Ayant refusé la reine Douairière et sir Robert Peel, il ne peut pas accepter ailleurs. Adieu. Adieu. A demain. Charmant jour. G.
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