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Brighton, Lundi 22 janvier 1849, Dorothée de Lieven à François Guizot
J’ai dicté ce que j’ai retenu d’une lettre reçue hier par la petite Rothschild. Elle dinait hier chez moi. On lui écrit pas courrier. Je ne sais rien aujourd’hui. On a des postes chez vous. Les livres que vous m'avez demandés. Dites-moi si c'est cela, s'ils vous conviennent, car ce n'est qu’à cette condition que j’ai dit que je les prendrais. 8h. J'ai été interrompue et puis la promenade et puis Metternich et puis tout le monde. Je ne puis continuer qu’à présent pas conséquent. C'est Marion qui écrit. Mme le Rothschild mande encore à sa fille ce matin que tous vos amis vous conseillent, de ne pas aller [ ?] de votre élection puis d’attendre qu’elle vienne vous chercher comme une réparation. Vous voyez que c'est de tous les côtes le même air. Cela doit être vrai. Lady Palmerston vient demain pour deux jours. Collondo est nommé ambassadeur ici. Lady Palmerston dit que le Pape est mal conseillé. Il ne veut per mettre à aucune puissance de se mêler de ses affaires. Sa lutte d'excommunication a produit un détestable effet à Lord Palmerston grille d'impatience de se défendre et la chambre des communes. Voilà tout ce que Lady Ashley est venue me raconter ce matin. Renvoyez-moi je vous prie la lettre de Barante. Metternich dit, qu'on le sommera encore de rendre-compte en Allemagne. Adieu. Adieu
Brompton, Lundi 22 janvier 1849, François Guizot à Dorothée de Lieven
Voici une preuve qui vous amusera de l'effet de ma brochure en France. Je ne l'ai point fait envoyer à M. Molé et elle ne lui a point été envoyée de ma part. J’ai la liste des personnes à qui j'ai ordonné de l'adresser et à qui elle a été effectivement adressée. M. Molé n’y est pas du tout. Mais il lui a convenu de supposer ce point de départ, et j'ai reçu de lui ce matin la lettre dont je vous envoie copie. Je ne veux pas faire courir à l'original les hasards de la poste. Je vous l'apporterai Samedi. Rappelez-vous la conversation de lui que je vous ai lue il y a quelques jours et riez toute seule. Je lui répondrai très simplement, et poliment, sans un mot qui démente ni qui accepte son point de départ, et en me félicitant que nous soyons d’un seul et même parti. J'enverrai au Duc de Broglie copie de la lettre de Molé et de la mienne. Je veux qu’il y ait à Paris, un de mes amis qui soit au courant. Et je compterai là un ami de plus, que je tâcherai de garder et dont je me garderai toujours.
La lettre de Bulwer est très jolie. Vraiment jolie pour le tour, en même temps que spirituelle au fond. Je vais l'envoyer à Lord Aberdeen Lui avez-vous écrit et viendra-t-il à Brighton dimanche ? Cela me divertira de lui montrer la lettre de M. Molé. Je me promets un vrai plaisir samedi de la lecture du Prince de Metternich, et j'espère que la lecture ne supprimera pas tout à fait la conversation. Je veux les deux. Je viens de voir un homme parti hier matin de Paris. Un vrai bourgeois de Paris, intelligent, bavard sensé, léger, moqueur, et prenant son plaisir à flâner à travers les événements comme sur les boulevards. Il regrette Cavaignac qui, dit-il, aurait, de gré ou de force, enterré plutôt la République. Il ne croit pas que l'Assemblée se dissolve sitôt. Il rit de Louis Bonaparte, et ne se soucie pas beaucoup qu’on le renverse." Il ne peut pas nous faire grand bien, dit-il ; mais tant qu’il est là, personne ne nous fera grand mal." Par goût, il est régentiste et n'y croit guères. Par raison, il voudrait être légitimiste, et n'en peut pas venir à bout. Il m'a assez amusé, comme type de Paris. Charmant Paris, dit Bulwer. Voici l’article du Siècle. Gardez-le moi, je vous prie. Je ne veux pas le perdre. C’est un article intelligent. J’ai écrit hier au Duc de Broglie. Et ce matin à mon hôtesse. D'après ce que m'a dit hier Duchâtel, le Duc de Broglie est déjà de mon avis sur le moment de mon retour. Quant au jugement de mon hôtesse je ne la connais pas assez pour le bien évaluer ; mais je le crois bon jusqu’à 5 pieds de haut, et de peu de valeur au-dessus. C’est le cas de bien des gens. On voit selon sa taille. Adieu. Adieu. Nous venons d'avoir un violent orage, et voilà un beau soleil. Je vais me promener un peu. Adieu. G.
Brighton, Mardi 23 janvier 1849, Dorothée de Lieven à François Guizot
C’est fort drôle Molé ! C’est bien confus Paris. Que je suis aise que vous n'y soyez pas ! Nous croyons que tout allait languir jusqu’à la nouvelle assemblée, et c’est tout juste main tenant que cela devient le plus mêlé et le plus curieux. Aberdeen me mande qu'il sera ici samedi Et dimanche. C’est trop. D’ici là il retourne encore a Drayton ; c’est pour quelque chose. Le seule est très remarquable ! Très bien je vous regarde. Je vous ai dit que Metternich croit encore à de grands coups en Allemagne. Je crois aussi que partout, à la fois le parti vaincu cherchera à se relever. Il y aura encore bien du trouble, de bien mauvais moments. J’ai peur d’aller à Paris. Ce sera des ennuis et pire peut être. Qui peut savoir ?
8 h du soir. Lady Palmerston est venue troubler ma conversation avec les Metternich. Ils m'ont laissée discrètement et elle m’est restée jusqu’à encore dîner. Le mari est rétabli. Il était au conseil de Cabinet aujourd’hui. M. de [?] est venu dire que l’expédition de Toulon était faite pour imposer aux Autrichiens et les empêcher de s'occuper des affaires. du Pape. Le pape est un sot. Quelle bêtise d'avoir quitté Rome. Ce qu’il y a de mieux à faire, c’est d'y rentrer tout de suite Le conseil anglais à Rome écrit cela. Donc c’est in faillible. Au lieu de cela le Pape s’obstine à rester à Rome sous l’influence de ce vilain jésuite le Roi de Naples. Lord Normanby dit que les légitimistes se conduisent sottement. Ils sont trop pressés. Thiers veut absolument la régence. La situation devient plus mauvaise tous les jours. On aurait cru que l'avènement de Président ramènerait la prospérité du commerce. On s’est trompé, on se plaint, on accuse Thiers et les autres grands hommes, de se tenir à l’écart, tandis que s'ils se mettraient à l'œuvre, la confiance au rait pu renaître. Louis Bonaparte n’est pas du tout bête, mais on l'abandonne, et tout va au diable. Voilà le résumé. Adieu. Adieu, adieu.
Brompton, Mardi 23 janvier 1849, François Guizot à Dorothée de Lieven
Voici une lettre du Maréchal Bugeaud qui me plaît, malgré un fond de mauvaise humeur, et qui vous plaira. J’ai reçu hier, par deux occasions de Paris et de Lisieux, un déluge de lettres. Piscatory, Mornay, Jayr, Cuvillier Fleury, Plichon & &. Je vous apporterai samedi, celles que je ne vous envoie pas. Pour votre amusement, je joins à la lettre du Maréchal celle de mon hôtesse qui ne contient pas grand chose mais qui vous fera rire. Plus votre lettre de Barante. Mes lettres de Lisieux sont bonnes quant à mon élection. Non que cela doive aller tout seul. J'aurai contre moi, les Républicains les Bonapartistes, des bêtes et des poltrons. Mais mes amis et tout le gros du parti conservateur sont décidés, en train, et se promettent de gagner la bataille, pour peu que les légitimistes les aident. Et les légitimistes promettent de les aider tout haut, Tout ce qui m’arrive me confirme dans ma résolution. C'est l’avis très décidé de Piscatory, à la vérité un peu piqué de son échec électoral à Tours et plus noir que jamais. " J’aurai besoin de le voir, me dit-il, pour croire que dans notre plat pays, il y ait des gens assez braves ou plutôt assez de gens braves pour vous assurer une majorité." Vos extraits des lettres de Mad. Rothschild sont très intéressants. Je crois de plus en plus à la prolongation de l'Assemblée. On grognera, on criera, on finira peut-être par la chasser violemment ; mais on ne commencera pas par là, et en attendant elle durera. C’est tout ce qu’elle veut, par peur et pour argent. J’ai eu tout à l'heure, de bon lieu, des nouvelles du cabinet d’ici. L'orage grossit contre Lord Palmerston. Le vent de Windsor souffle fort. Lord John est troublé. Il y a un cabinet council ce matin. On y parlera beaucoup d'affaires Etrangères. C’est Lord Palmerston qui a essayé de persuader à les collègues que l'expédition de Toulon avait pour but la Sicile, contre Naples. Il voulait. couvrir ainsi sa propre politique. Quelques uns l'ont vraiment cru. Cela tombe et Palmerston baisse. Il a raison de souhaiter le Parlement. Je ne sais si la toile levée lui sera bonne mais l’entracte ne lui vaut rien. Adieu. Que de choses nous nous dirions si nous nous voyions tous les jours? Adieu. Adieu. G. P.S. Mes livres sont arrivés ce matin. En très bon état; les vieux comme les neufs. C’est parfaitement ce que je désirais. Merci et Adieu.
Brighton, Mercredi 24 janvier 1849, Dorothée de Lieven à François Guizot
Mercredi Vos lettres sont intéressantes Bugeaud est un peu cross. Votre hôtesse me rappelle Mad. de Sévigné trouvant si bon air à Louis 14 qui lui avait adressé la parole à un spectacle à Versailles. Rien ce matin. Je reverrai Lady Palmerston. Elle critique Thiers. Il veut la régence. Il devrait plutôt aider le Président. Lord Brougham doit être arrivé hier à Londres. Il viendra sans doute ici. N'avez-vous donc pas entendre parler de Thiers depuis votre livre et sur votre livre ?
8 h. Lady Palmerston m’est restée bien longtemps. Si longtemps que j'ai à peine, le temps d’ajouter deux mots. Rien de nouveau. Lord Palmerston terrassera des adversaires. Il fera taire toutes les trompettes de le Europe. C'est vrai que rien n’a été fait, que rien n’aboutit. Mais la Sicile est à la veille de l'arranger. Et quand à la Lombardie, ni les Autrichiens veulent la garder, cela ne regarde pas l'Angleterre. Lord Palmerston croit qu’ils ont tort, mais ce n’est qu’une opinion lord Aberdeen est très monté et parle beaucoup contre son mari. Brunow est à Drayton. Il est venu le dire à Lord Palmerston en riant. Peel est toujours seul, il n’a pas un homme. Les Peelistes ont bien envie d'entrer aux affaires, mais ils n'ont pu de chef. Au demeurant tout va très bien. Les Holland se sont raccommodés. Adieu. Adieu.
Brompton, Mercredi 24 janvier 1849, François Guizot à Dorothée de Lieven
Il m’est venu ce matin une bonne occasion pour Paris et j'ai écrit quatorze lettres, grandes ou petites. C’est un grand ennui. Mais je réponds à tout le monde. Il y a telle lettre insignifiante qui, un jour, à son prix. Je crois aussi à de mauvais moments encore dans Paris, et je suis bien aise de n'y pas être. Toutes les nouvelles sont dans ce sens. On m'annonce pour ces jours-ci des lettres détaillées. J'en aurai quelqu'une avant samedi. Louis B. ne peut ni s'établir ni tomber sans bruit. Je persiste à croire qu’avant de tomber, il essaiera et de la République rouge et de l'Empire. Il faut qu’on ait essayé de tout. Pour la première fois, les journaux légitimistes commencent à attaquer. Thiers au nom de la question entre Henry V et la Régence. Lisez l’article ci-joint que je trouve dans l'opinion publique. C’est très grave. Et je crois que c’est absurde à eux. Ils n'ont nul intérêt à faire vider la question d'avance. Il pourraient, un jour, avoir la nécessité pour eux. Le débat préliminaire sera toujours contre eux. L’esprit de parti à tout à la fois des lumières et des aveuglements inconcevables. Je doute que cela finisse sans guerre civile. Et je ne sais pas comment la guerre civile finira. Je suis curieux de savoir si le Constitutionnel relèvera ce gant. L'expédition de Toulon, n'en sortira pas. Et le Pape a raison de rester à rade tant que les Puissances catholiques y compris l’Autriche, ne se seront pas accordées pour le ramener toutes ensemble à Civita Vecchia. Sa présence là, sous une telle escorte, ferait tomber la révolution de Rome. Je conviens que cela ne ferait pas les affaires de Lord Palmerston. Il lui vaudrait mieux que le Pape fût à Rome, impuissant et toujours menacé. Décidément Lord Palmerston est un vieillard. Il ne comprend rien à ce qui se passe et ne sait plus penser et faire que ce qu'il a pensé et fait jadis. Je suis frappé du retour de Lord Aberdeen chez Sir Robert Peel. Certainement il y a quelque chose. On commence à dire assez haut que la Reine se plaint tout haut de Lord Palmerston et s'en inquiète. Savez-vous ce que dit Barante du dîner de M. de Falloux ? " Nous avons eu le banquet du Châteaurouge ; ceci est le banquet du Châteaublanc." Et Dupin après le vote des 48 000 fr. ; pour M. Boulay de la Meurthe, vice président de la République : " 48 est donc le calibre de notre boulet. " J’ai reçu hier un billet pressant de Lady Holland, me priant, au nom de Lord Holland d’aller dîner aujourd'hui à Holland-House. J'y vais. Je serai charmé que Holland House reprît. Je vous dirai les physionomies. Adieu. Adieu. Je voudrais bien que nous fussions seuls quelques heures de Samedi à Lundi. Adieu. G.
Brighton, Jeudi 25 janvier 1849, Dorothée de Lieven à François Guizot
Votre lettre ce matin est très intéressante. Moi aussi j’ai bien appétit de causeries avec vous. Nous en aurons à peine. Ne pourriez-vous pas rester encore Lundi ? Que ce serait charmant ! Si vous trouvez trop dur de rester un jour de plus avec moi, voulez-vous ne venir que dimanche cela me déplaira, mais j’aime mieux le Lundi seul que le Samedi divisé. Ou bien encore persistons dans le samedi et voyons comment nous nous en tirerons. Je serai équitable et je ne vous demanderai que l’ordinaire, si cet ordinaire suffit. J’ai idée que ceci sera votre dernière course à Brighton vous pourriez la faire plus longue. Constantin m'écrit que le Roi de Prusse refusera décidément l'Empire, il veut avant tout rester avec ses deux vieux alliés ; il est inébranlable sur ce point.
8 h. du soir. Longue visite encore de lady Palmerston. Grande joie de la réduction dans l’armée et la flotte, en France son en train de désirer L. Bonaparte for ever. Avec les Orléans il y a trop de jeunes mauvaises têtes. Avec les légitimistes trop de vieilles perruques L.B. et l'Empire. C’est ce qu’il y a de mieux. Elle part demain matin pours Londres. Le Prince d'Orange qui vient d'arriver est invité à Windsor avec [?] Ld Palmerston ne l’est pas. C'est fort. Adieu. Adieu. à Samedi Adieu.
Brompton, Jeudi 25 janvier 1849, François Guizot à Dorothée de Lieven
Très petit dîner hier à Holland house. Plus petit même qu’il ne devait être. Macaulay était engaged. Lady Malet dans son lit. Rien que Brougham arrivé la veille et moi avec un peintre et un inconnu (de moi du moins) qui vivent dans la maison. Pourtant le dîner a été agréable. Bonne conversation animée, sur toutes choses. J’ai fait des frais. Je voulais que Holland house parût agréable à ses maîtres. J’ai fait des frais aussi pour Lady Holland, pour lui donner bon air aux yeux de son mari. Elle s'en est aperçue et m'en a su gré. Le ménage a l’apparence convenable. Ils vont passer deux ou trois mois à Paris. Puis ils reviendront à Holland-House quand le parc sera vert et le jardin en fleurs. Lord Holland aime la verdure et les fleurs. Je ne le savais pai si champêtre ! Lady Holland part la première, lundi ou mardi. Elle vous demande vos commissions, vos lettres, vos ordres. Je les lui rapporterai lundi. Elle ne partira certainement pas avant mardi. Elle se chargera de tout ce que vous voudrez, lettres, affaires ; d'inspecter votre appartement, vos gens, vos meubles. Elle est reconnaissante et voudrait l'être encore plus. Elle ira samedi à Claremont prendre les ordres du Roi, et de la Reine. Lord Holland a eu une attaque de goutte effroyable. Il est changé, et se traine avec peine. Lord Brougham en train, bon enfant ; très noir sur Paris. Racontant toujours Arago, encore plus noir que lui. Croyant au progrès et pas au succès des légitimistes. Il n’a pas vu Thiers, ni Broglie. Il a dîné chez Molé, avec Cousin, Mignet, Dupin. Son grand ami du moment, c'est le Roi des Würtemberg, le plus spirituel des Rois, peut-être des hommes. Pas un fait à retenir de tout ce qu’il a dit. Je viens de voir un membre de l'Assemblée nationale un ancien conservateur progressiste, qui repart ce soir, M. Sallandrouze. Celui-là croit au succès des légitimistes. C'était un des suivants de Henri de Castellane. Vous vous rappelez peut-être son nom. Il est bien honteux du passé, bien abattu sous le présent. Grand manufacturier Tapis d’Aubusson. Lord Aberdeen vient de me renvoyer de Drayton. Manor, la lettre de Bulwer. Il me dit qu’il sera samedi et dimanche à Brighton, et me propose de me mener Dimanche entendre un very good preacher. Je me laisserai mener. J’ai une longue et curieuse lettre de Dumon. Je vous l’apporterai. Point de fait nouveau. Une bonne appréciation de la situation. M. Sallandronze a reçu ce matin la nouvelle de la formation probable d’un ministre Lamartine, Billault, Emile Girardin. Je n'y crois pas. J'en aurais presque envie, pour user encore cela. Adieu. Adieu. A après-demain. Mais je vous écrirai encore demain. Adieu G.
Mots-clés : Politique (France), Réseau social et politique
Brighton, Vendredi 26 janvier 1849, Dorothée de Lieven à François Guizot
Toute une journée prise sans aucun moyen de vous dire un mot. Au reste nous allons vous voir. C'est bien littéralement à quoi nous allons être réduits. Vous voyez que nous nous verrons et que nous ne causerons pas. Metternich s'est déjà tenu en haleine aujourd'hui. Il m'est resté trois heures. Je ne sais rien. Je serai charmée qu’Emile Girardin fut ministre. Il verra ce que c’est, et on en aura fini de lui.
Outre mes yeux j'ai à vous annoncer un pied malade. De sorte que me voilà bien arrangée. Marion a eu une lettre de son oncle. Je trouve tout bien mêlé. On ne s’entend pas. Je ne crois pas au succès des Monarchistes des deux couleurs. Je croirait bientôt plutôt à l’Empire. Au reste vous verrez sa lettre. Mme Roger écrit tristement. Elle ne croit pas trop à la sincérité du Président et malgré des protestations. aux modérés, elle le croit très coupable de s'en aller à la gauche et même à la rouge. Adieu. Adieu. Je suis triste de penser à ces deux jours ce sera un supplice donnez-moi un bonjour. En attendant bonsoir Adieu.
Brompton, Vendredi 26 janvier 1849, François Guizot à Dorothée de Lieven
Il n'y a pas moyen de me donner lundi. Béhier arrive de Paris. Dimanche soir ou lundi matin. Il ne vient que pour deux jours. Il m’apportera beaucoup de choses. J'ai besoin d'être ici lundi. Je viendrai donc demain à Brighton, selon notre premier plan. J'espère que nous réussirons à causer, un peu seuls. Vous me direz quand vous comptez revenir. J’aime bien Brighton et j'en garderai un bon souvenir. J’aimerai mieux Londres. Duchâtel sort d’ici. Mêmes nouvelles que les miennes. Misérable état des affaires. L'Assemblée veut non seulement durer, mais faire faire les élections par des Ministres à elle. Et si cela arrivait, si les ministres appartenaient à la République et non à la réaction, les élections, s'en ressentiraient beaucoup. Louis B. est encore le drapeau de l’ordre, la population n'en est pas encore à faire les élections en opposition à son ministère. L'Assemblée veut aussi faire elle-même, le budget de 1849 se promettant de se rendre populaire par des réductions d'impôts et de paralyser l'administration entre les mains de ses adversaires. Tout ce qu'il y a de plus personnel et de plus petit ; les personnes étant très petites. Pas une ombre d’idée ou de sentiment public. Dumon dit : " On ne fait plus de politique en France ; il n’y a plus que des intrigues de couloir. " L'Etat intérieur du Cabinet ici se révèle. On en parle partout. C'est sur le discours de la couronne que l’embarras éclate. On ne réussit pas à se mettre d'accord sur ce qu’on dira de l'Italie et de l’Espagne. Il me revient qu'hier Lord Palm. était pris d’un vif retour de goutte, suite de la vive contrariété. Je dîne aujourd’hui chez le Ld. Holland. Il est plus que vous ne croyez au courant de toutes choses. Adieu. Adieu. A demain 2 heures. J’aime bien la veille. C'est le lendemain qui est mauvais. Enfin, bientôt il n'y aura plus de lendemain. Adieu. Adieu. G.
Mots-clés : Elections (France), Politique (France), Relation François-Dorothée
Brighton, Lundi 29 janvier 1849, Dorothée de Lieven à François Guizot
Midi
Puisque le bill contre les Clubs a été porté au nom du Président ne s’en suit il pas que l'impeachement. contre les ministres à propos de ce bill atteint le Président aussi ? Voilà ce que ma sagacité à découvert un moment après votre départ. J'ai découvert aussi que je reste bien triste mais confiante. Cela vous convient-il ? 8h. du soir Mes yeux sont bien irrités. Evidemment cet orgueil m’a fait beaucoup de mal. Quels imbéciles. C'est du médecin que je parle. Metternich avait une lettre de Paris très inquiète sur ce qui peut se passer. dans les rues. Il faut que je vous dise ce qu’affirme Marion. C'est que Billault est tout-à-fait Empire. Comme je suis curieuse de la journée d'aujourd’hui. Un arrangement, un compromis, me parait impossible Les journaux anglais annoncent positivement une réduction de l'armée. Vous souvenez-vous de ce que me disait hier Lord Aberdeen. Adieu. Adieu.
Brompton, Lundi 29 janvier 1849, François Guizot à Dorothée de Lieven
3 heures
Je ne trouve rien en arrivant. que Duchâtel qui n’avait pas même vu le Morning Chronicle et à qui j’en ai appris les nouvelles. Il avait des lettres de vendredi soir, fort noires ; craignant la défection, sinon la trahison du Président. Il a déjà mangé son revenu de l'armée. Il a déjà des dettes. Les Montagnards lui promettent de l'argent. Parmi les modérés, quelques uns paraissaient intimidés. Paris ne demande pas la dissolution de l’assemblée, aussi ardemment que les Provinces. Cependant l'opposition au président fait des progrès rapides. Même le salon de Mad. Lehon est un salon d'opposition. Morny approuve. Il a écrit Vendredi à Flahault, Trés noir aussi. Voilà les journaux. Rien que le détail des faits que nous savons. Je ne les ai pas encore lus. Vous les aurez dans une heure. Aucune lettre directe ne m'arrive. J'en aurai probablement d’indirectes dans la matinée.
Béhier n'est pas arrivé. Point de lettres de lui. Evidemment Paris est, ou s'attend à être sans dessus-dessous. Je crains la pusillanimité. Adieu. Adieu.
Une journée charmante hier si quelque chose m’arrive, et que je sais encore à temps, vous l’aurez. Adieu, adieu dearest. G.
Brighton, Mardi 30 janvier 1849, Dorothée de Lieven à François Guizot
Les yeux vont un peu mieux, mais ils sont toujours irrités et moi je le suis beaucoup contre mes médecins. Je suis bien curieuse. Tansky écrit qu'on va à l'Empire. Lui même n'a aucun doute. Le croyez-vous ? Du reste sa lettre ne dit rien que nous ne sachions. J'ai dicté une longue lettre à l'Impératrice.
8 h. du soir Lord Brougham est venu et m’est resté 3h. au moins. Il a vu Lady Holland revenant de Claremont. Elle croit la reine mourante. J'ai vu la 2nd édition du Times racontant la journée d'hier à Paris et la promenade à cheval du président. Il n'a qu’à faire tout juste le contraire de ce qu'a fait Louis Philippe : garder son ministère et exposer sa personne et sa cause est gagnée. Vous savez que je le protège. Je serai charmée de le voir se bien conduire. Voici ce que Schwarzenberg a dit à lord Ponsonby. " Je n'envoie pas un archiduc à Londres parce que je ne peux pas exposer un Prince de la maison impériale à rencontrer l'ennemi acharné de l’entente. Voici votre lettre. Et voici la copie de celle de M Armand, ami d' Odillon Barrot. Je vous pris de me renvoyer celle- ci tout de suite. L'intérêt commence à la 3ème page. Adieu. Adieu.
Vous voyez bien que Beyer était une pauvre raison de me quitter ! Adieu.
La mission de Neumann à [?] avait pour objet d’obtenir que la France fût toute seule une expédition pour rétablir le Pape à Rome. L'Autriche ne l'a pas voulu, mais elle demande à son tour à la France de laisser faire cela au Roi de Naples, et que la France et l'Autriche regardent et restent l'arme au bras. Le cabinet prussien a adressé une circulaire à tous les agents diplomatiques, pour déclarer son intime alliance avec l'Autriche et la résolution. de refuser l’Empire. Tout ce que je vous dis là vient de source.
Mots-clés : Bonaparte, Charles-Louis-Napoléon (1808-1873), Circulation épistolaire, Conditions matérielles de la correspondance, Conversation, Diplomatie, France (1848-1852, 2e République), Louis-Philippe 1er, Politique (Autriche), Politique (France), Politique (Vatican), Réseau social et politique, Santé (Dorothée)
Brompton, Mardi 30 janvier 1849, François Guizot à Dorothée de Lieven
9 heures
Voici ma lettre pour Humboldt Ayez la bonté de la lui envoyer par Constantin que je remercie d'avance de la peine que je lui donne. Voici de plus, dans la lettre de Humboldt, la phrase que je voulais montrer au Prince de Metternich qui ne pense probablement trop bien de la politique de notre savant confrère. Il faut rendre justice. « Nous lisons... votre démocratie. Vous avez sondé des plaies dont nous souffrons également davantage encore, parce que nous avons, avec beaucoup de métaphysique, aucun sens pratique, parlant sans cesse de l’unité des races et nous séparant individuellement en atomes qui se repoussent, et désirent fonder un pouvoir central qui rendra impossible de gouverner dans chaque partie de la confédération. " Ce n’est pas mal résumé. Je n'ai rien reçu hier que cette lettre de l'élection d’une Assemblée nouvelle qui fera Louis B. Empereur. Cavaignac disait ces jours-ci : " Ne croyez pas, messieurs, que vous nous ferez avaler la Monarchie comme nous vous avons fait avaler la République. - Général, vous en serez dispensé ; vous serez tué. " Le Prince de Joinville et le duc d’Aumale sortent de chez moi. Me racontant tout ce qu'ils ont appris. En train pour eux-mêmes, empressés pour moi. Se répandant en compliments sur ma bonne fortune dans le sort d'Odilon Barrot. Quelques retours sur le passé. " La bataille morale avait été perdue le Mercredi 23 quand le Cabinet est tombé. Elle ne pouvait pas être regagné le jeudi 24 février, par [?] général." C’est ce que dit M. le Prince de Joinville. La Reine toujours très faible Pas plus mal, mais pas mieux. Le Ld Chomel est venu avant-hier et repart ce soir. Il n’a pas d’inquiétude imminente. La Reine est très découragée.
3 heures 1/2
J’ai été interrompu par Charles Greville. Bien boiteux. Rien de nouveau ici. Plein de Paris. Adieu. Adieu. Adieu. G.
Brighton, Mercredi 31 janvier 1849, Dorothée de Lieven à François Guizot
Midi
Point de lettre de vous pourquoi ? Voici Barante. Je vous le redemande. Vous aurez vu Delessert. Il est arrivé avant hier Brougham l'a rencontré chez L. Lansdowne. Le vote de Lundi donne du répit. On ne veut pas se battre. J'en suis fâchée cela traine. Oliffe m'écrit, & croit tout-à-fait à l’Empire. C'est le dire de la multitude, et elle est quelque chose aujourd’hui. La conduite de la Prusse est excellente. On est décidé à Berlin si la prochaine chambre est mauvaise. de la casser, et de déclarer que le vote universel est une mauvaise méthode. On l'abolira. Brandsby est très résolu, et tout le monde a confiance en lui. 8h.Longue visite du Pce Metternich. Je lui ai lu Humboldt. Il approuve mais il dit qu’en général il ne s’est jamais inquiété de ce qu'il pense. Attendu qu’en politique, il n’a point de sens ni en bien, ni en mal. Metternnich est très frappé, de ce que toutes ces dernières circonstances à Paris ajoutent à votre grande situation. Il était tout occupé aujourd'hui d'une lettre écrite à lui par un gd personnage contenant cette phrase ci. « L'Autriche a le bonheur d'avoir la guerre civile, voilà pourquoi elle se relève » Je trouve cela d’une grande vérité. Je suis bien aise que vos jeunes princes vous aient fait cette visite convenable. Adieu. Adieu.
Brompton, Mercredi 31 janvier 1849, François Guizot à Dorothée de Lieven
9 heures
Hier à 6 heures, j’ai eu enfin des lettres. Je vous en envoie trois ; le duc de Broglie, M. d’Haussonville, et une troisième, très petite écriture, que je vous prie, cependant de lire vous-même, et vous seule. Elle est courte. Vous y trouverez l'explication de la lettre de Molé. Mon premier mouvement a été d'être fort contrarié, cependant, à tout prendre, je crois qu’il vaut mieux que ce qui est arrivé soit arrivé. C’est un embarras de moins dans les situations. Je gronderai et je pardonnerai. J’avais bien fait de recommander, aux deux ou trois personnes à qui j'en avais parlé de ne rien dire du petit subterfuge de M. Molé. La lettre du duc de Broglie est écrite avant la crise et ne roule guères que sur ce qui me touche. Très noire et desponding sur la situation générale. M. d’Haussonville un peu moins. Le séance d’hier aura été décisive si le débat a fini. Ou la reculade de l'Assemblée, ou l'expulsion de l’Assemblée, ou le reculade du Président devant l’Assemblée, il faut qu'une de ces trois choses là arrive. Je crois à la première. C'est ce que m'indique le vent de Paris. Je trouve que les grands préparatifs militaires du Cabinet ont plus l’air d’un acte d’intimidation que d’un prélude de combat. Duchâtel est venu dîner hier avec moi. Il avait des lettres aussi dans ce sens-là. Et sombres aussi. Si l'Assemblée recule, nous aurons les élections fin de mars. Si le Président expulse l’Assemblée et fait des élections, la prochaine assemblée le fera Empereur. Si le Président recule et livre son cabinet, la crise se prolongera, et la prochaine assemblée qui viendra je ne sais quand, chassera le Président et la République. Voilà le résumé de nos conversations. Mais encore une fois, je crois à la reculade de l’Assemblée. Pendant de l'abdication du 24 Février. La poste arrive et ne m'apporte rien de Paris. Ni lettres, ni journaux. Je les aurai à 3 heures. Merci de la lettre de M. Armand. Intéressante. Je vous la renvoie. Renvoyez-moi je vous prie, tout de suite mes trois lettres de Paris. Les Princes quoi qu’ils m'aient dit le contraire sont ; au fond, de l’avis de Lady Holland, et croient leur mère très malade. Cela perce dans leurs paroles. Je sais positivement de ce matin, que Chomel est parti hier au soir très inquiet. Point de lésion organique nulle part ; mais un dépérissement général, lent, progressif. Chomel dit que cela a commencé à la mort du Duc d'Orléans. Le Roi n’est pas très inquiet. Il ne ne veut pas l'être et on ne veut pas qu’il le soit. S’il l’était, il ferait un mal énorme à la Reine par son agitation ses explosions de tous les moments. Elle a surtout besoin de repos. J’irai samedi à Claremont.
Une heure
Voilà le Daily News. L’Assemblée a en effet reculé. Et sur le rapport Grevy et sur la loi des Clubs. Bien petite majorité qui ouvre la porte à toutes sortes d’amendements et de transactions. Mais enfin toute crise ajournée, et très probablement l'assemblée se dissoudra dans le cours du mois de mars, et les élections se feront en avril. Je ne rentrerai qu'après. Gabriel Delassort sort de chez moi. Arrivé avant-hier soir, il repart Samedi. Rien de plus que ce que nous savons. Ne croyant pas au succès des légitimistes. On passera par l'Empire. Ni lui, ni son fière ne veulent être élus à la prochaine assemblée. Il m'a lu deux lettres venues hier de sa femme et de son frère. Adieu. Adieu. On doit m'apporter aujourd’hui la circulaire Prussienne. God bless your eyes ! Adieu, Adieu. G.
Mots-clés : Circulation épistolaire, Elections (France), Politique (France)
Brighton, Jeudi 1er février 1849, Dorothée de Lieven à François Guizot
Je vous renvoie toutes vos lettres. Mon premier mouvement a été de la colère, en y pensant un peu je ne suis pas si mécontente. L’argument qui me touche le plus est qu'hier dans le plus mauvais moment vous avez envoyé son livre. Après tout c'est de l'académie d’ailleurs, c'est fait, vous voyez que je vous imite. Voici un article du Globe d’hier 31. Vous savez que c’est L. P. qui l'écrit. Je vous renvoie tout ceci de bonne heure dans l'espoir que vous le recevrez encore ce soir. Je vous écrirai encore plus tard s'il y a de quoi. Mes yeux un peu mieux. Adieu. Adieu. J’ai lu moi-même Génie.
Brompton, Jeudi 1er février 1849, François Guizot à Dorothée de Lieven
Une heure
Mots-clés : Politique (Angleterre), Politique (France), Politique internationale
Brighton, Vendredi 2 février 1849, Dorothée de Lieven à François Guizot
Le discours ne ressemble guère à ce que vous pensiez. P. va droit à l’assaut, la Sicile il s’en glorifie. La bonne entente avec la France seulement, la seule puissance nommée les autres, pas. même la phrase. d'usage " Je reçois des assurances des dispositions amicales & & " C’est qu’en effet il ne les reçoit pas. Et le parlement avalera. tout cela ! Rien de tel que de l’audace. Je suis cependant frappée de la tentative d’amendement. Et Brougham ! & Wellington ! Enfin, cela m’est égal. Voici deux très curieuses lettres de Ellice. Je crois qu'il voit très bien. C’est assez mauvais. Je voudrais bien causer de tout cela avec vous. Je suis curieuse de Metternich aujourd’hui sur le parlement d’hier. J’ai été très malade cette nuit des étouffements , c’est passé. Je me réjouis de jeudi, j’ai bien du temps pour m'en réjouir.
8h. Je n'ai rien de plus à dire. Je n’ai pas vu le mari, et la femme ne savait pas dire grand chose. J'attends ce que vous allez m’apprendre. Faites passer les incluses de ma part à Ld Aberdeen. Adieu. Adieu.
Brompton, Vendredi 2 février 1849, François Guizot à Dorothée de Lieven
9 heures
Je n'ai pas encore vu le discours de la Reine. Les gens chez qui j’ai dîné hier juges, lawyers, en étaient contents. Mais ils n’entendent rien aux phrases de politique étrangère. J’attends le Times. Je suis devenu singulièrement peu impatient pour tout ce qui ne m'est pas de premier intérêt. Je ne trouve pas que la passion s'affaiblisse avec l’âge, mais elle se retire sur un très petit nombre d'objets et s'y concentre. Ce matin m'ennuie. Lord Holland m'a demandé d’aller à Holland House donner une ou deux heures de séance à son peintre M. Watts pour qu’il retouche et termine le portrait de moi qui est à Holland house. Dans mes bonnes intentions pour le ménage, je n’ai pas voulu refuser. Le temps est très vilain. Pluie et brouillard. Il me semble que, pour vos yeux, cela doit valoir mieux que le froid. Voilà votre lettre et mes lettres. Vous avez pensé et senti comme moi. En dernier résultat, ce qu’on a fait vaut peut-être mieux. Mais j’écrirai de manière à ce qu’on ne recommence pas, en pareille circonstance. Je ne veux pas que dans mes rapports avec les personnes, mes meilleurs amis disposent de moi sans moi. Au fond, ceci me déplait. Quel dommage qu’il n’y ait personne, dans la Chambre des Communes, pour traiter cette polémique du Globe comme elle le mérite ! Lord Palmerston ne dira pas un mot de tout cela à la chambre. Mais il faudrait l’y porter, malgré lui. Il faudrait l'attaquer précisément au nom de ce patriotisme anglais et de cette politique libérale, derrière lesquels il essaie de se cacher. Sa tactique est celle qu'elle a employée contre moi : décrier ses adversaires, au dehors, par des mensonges et des calomnies dont on ne répond pas parce qu'on ne les signe pas, et amortir ainsi d'avance les coups qu'on recevra d’eux dans les chambres, et dont on n'a pas moyen de se bien défendre. Il serait bien aisé de retourner cette tactique contre lui, en la mettant au grand jour. Je n’ai rien de Paris. Le rejet de la proposition de M. Billault achève de déjouer, pour quelques jours, l'intrigue Girardin. Car c’est Girardin qui mène tout cela, et qui se promettait d'arriver au Ministère des finances, avec Lamartine aux Affaires étrangères et Billault à l’intérieur. Il recommencera. Pourtant je penche à croire qu'on arrivera sans secousse à la dissolution de l’Assemblée en mars, et aux élections en avril. Nous verrons le débat de samedi. Adieu. Adieu. Je fermerai ma lettre en revenant de Holland House. 3 heures Je reviens. Personne ne s'attendait au vote du la Chambre des Lords. Lord Holland en était un peu stupéfait et regardait cela comme un grave échec. Deux voix seulement, malgré l'effort du duc de Wellington ! Je n'ai rien lu encore. Je vais tout lire. Et comme je dine chez Lord Lansdowne, je vous dirai demain les figures. Lord Holland part mardi ou mercredi. Il a eu une lettre de sa femme, de Boulogne, et m'en a donné des nouvelles avec une intuition marquée. Ils resteront trois ou quatre mois à Paris. Lady Lilford était à Holland house. Ils m'ont tenu compagnie pendant la séance. Adieu. Adieu. Je voudrais voir Lord Aberdeen. J’irai peut-être demain. Adieu. Adieu. G.
Brighton, Samedi 3 février 1849, Dorothée de Lieven à François Guizot
Samedi onze heures
J'écris de bonne heure afin que ma lettre vous soit remise ce soir. N'oubliez pas que lundi vous pourriez m'écrire de chez M. Croker, par dessus la lettre de Londres que vous écrirez avant daller à Claremont. Le Parlement a fini comme on pouvait le penser. Cependant je crois lord P. un peu endommagé par ces attaques. Lord Brougham m'écrit pour me dire que son discours a été très mal rendu. Du reste je n'ai rien. Et Behier qui devait arriver dimanche soir ! Voyez comme je suis rancunière. Très vilain caractère. Pour me guérir de cela, ne me dites jamais que les choses vraies, c.a.d. celles que vous croyez sincèrement vous-même Midi. Je suis bien aise des Holland à Paris, si j’y vais cela me conviendra. Croyez-vous qu’il y avait complot lundi dernier ? Adieu. Adieu. Je crois que Lord Allen viendra me voir aujourd’hui. Adieu.
Brompton, Samedi 3 février 1849, François Guizot à Dorothée de Lieven
Une heure
Lord Palmerston a passé son défilé. Médiocre attaque, assez bonne défense. Je n’ai pas encore lu son discours. Macaulay et Lord Mahon avec qui je viens de déjeuner chez M. Hallam, disent qu’il a bien parlé, et pas long, ce dont tout le monde lui a su gré. Il a ajourné les questions même à la production des papiers. Le leadership de M. d'Israeli a déplu à beaucoup de conservateurs. Sir Robert Inglis disait que, si on mettait l'amendement aux voix, il voterait contre. Les Conservateurs nient le leadership de M. d'Israeli ; ils disent qu'ils ont institué un triumvirat, M. d'Israeli, Lord Granby et M. Herrses. Mais en fait, le premier a paru et parlé comme leader. Entre nous deux choses manquent, l’esprit et le courage. On a quelquefois, l’air d'avoir de l’esprit à la surface ; et du courage, pas même l'air. Je ne m'étonne pas du succès. C’est à bon marche. Je n’ai pas eu envie d'aller ce matin chez Lord Aberdeen. Hier, chez Lord Lansdowne, pas un mot de politique. Dîner de pure conversation morale et littéraire, assez agréable. Toujours Macaulay pour [?]. Lady Skelburne change de plus en plus. Elle m'a fait peine à voir. Les lettres d'Ellice sont très intéressantes. Je vais les envoyer à Lord Aberdeen. Les renseignements français ne sont pas d'accord avec les siens. Ils disent que le président et son Cabinet ont gagné plus que ne l'indique leur petite majorité ; qu'ils ont le haut du pavé sur l'Assemblée, qu'entre les deux timidités, celle de l'Assemblée c.à.d. des républicains de l'Assemblée, est la plus timide ; que très probablement le Cabinet gagnera le temps jusqu'aux élections, et fera les élections ce qui est tout. La général Changarnier est si populaire qu'on regarderait comme impossible de le déplacer. Il aura dans huit jours, 100 000 hommes, dans ou autour de Paris. Ces 100 000 hommes feront ce qu’il voudra, le concert avec le Président et son Cabinet ; et la garde nationale qui a confiance en lui, et qui est très lasse de se battre lui laissera faire à lui et à ses 100 000 hommes, tout ce qu’il voudra. Voilà pour la situation générale. Quant aux situations particulières, Molé est pour le moment le conseiller favori. Thiers et Rémusat grognent. Les légitimistes. parlent trop haut. Les Orléanistes se bouchent les oreilles, pour ne pas les entendre. L'accord se maintiendra pour les élections. Après, c’est la nuit. Le Chancelier a eu une petite mésa venture, par suite d’une petite faiblesse. Il est allé à une réception d'Odilon Barrot. Qu’avait-il à faire là ? La première personne qu’il a rencontrée sur l’escalier, en montant, c'est le Président de la République qui descendait. La conversation a été courte mais convenable, et assez à l'avantage du Président qui lui a dit de bonne grâce, en le quittant : " Sans rancune, mon cher juge. " Je vous en prie, pas d’étouffement. Il me semble que, chaque fois que nous nous voyons, nous avons plus de choses à nous dire, et plus de plaisir à nous les dire. Gabriel Delassort repart ce soir pour Paris. Tenez pour certain que, curiosité à part, Ellice a autant aimé ne pas être ici à l'ouverture du Parlement. Adieu Adieu. Adieu. G.
Brighton, Dimanche 4 février 1849, Dorothée de Lieven à François Guizot
8h. Je vous envoie Lady Palmerston et une nouvelle lettre d’Ellice. Il doit être à Londres dans ce moment Metternich est évidemment trés mécontent de ce qui s’est passé au parlement. Je ne sais pas de nouvelles. Quelle attrape pour Bulwer que l'Amérique. Au fond P. à raison. Mais cette pauvre Georgine ! Quel mari et quel poste ! Adieu et adieu.
Brompton, Dimanche 4 février 1849, François Guizot à Dorothée de Lieven
Je crois qu’il y avait complot lundi. C’est à dire un peu plus de complot qu’il n’y en a tous les jours. Le Gouvernement a eu raison de faire ce qu’il a fait. Il en a fait seulement plus qu’il ne fallait, et aujourd’hui on se sert du trop contre lui. La lutte est bien vive ; les deux partis sont bien irrités, bien de même taille et bien corps à corps. J’ai peine à croire que cette situation puisse durer deux mois jusqu'aux élections, cependant je vois qu’on l'espère assez à Paris. Si le Président tient bon avec les modérés, et si les élections se font sous cette influence, il se donne je ne sais quel temps de vie de plus mais certainement assez de temps. La prochaine assemblée aurait, en ce cas, la constitution à refaire. Peut-être la referait-on meilleure sous le manteau de la République que sous tout autre. Ce sera long et obscur. C'est ce que j’y vois de plus clair.
Jour sans nouvelles. J’irai à l'Athenaeum. Mais les journaux français n’y arrivent que tard. D'ailleurs nous n’y aurons que ceux d’hier matin. C'est ceux de ce matin qu’il nous faut. Je vous écrirai demain matin avant de partir pour Claremont. Et puis demain soir, de chez Croker où je n’arriverai pas avant 3 où 4 heures. Mais je ne sais pas à quelle heure la poste part de chez lui. J'écrirai toujours. Si nous étions ensemble Nous parlerions toujours. Ce serait mieux.
Voici ma réponse à votre nouvelle attaque à propos de Béhier. C'est une lettre de lui que Pauline a reçue. Jeudi, et où il explique pourquoi il n’est pas arrivé dimanche. J’ai eu un moment envie de me fâcher. Mais j’aurais eu tort, quoique vous ayez tort. Je n’ai pas toujours été exact. Vous restez méfiante trop longtemps. C’est tout simple. Molière était très jaloux de sa femme qui était très coquette. Et la querellait un jour. Il s’arrêta tout à coup en disant : " Au fait, je n’ai pas le droit de m'étonner qu'elle ne puisse pas s'empêcher d'être coquette, moi qui ne peux pas m'empêcher d'être jaloux. " Je ne pourrais pas m'empêcher d'être jaloux. Mais, je peux fort bien m'empêcher d'être inexact. Et vous faites bien d’insister, même quand vous vous trompez. Vous finirez par n’y plus revenir Adieu. Adieu Votre écriture est bien bonne ce matin. Adieu. G.
Brighton, Lundi 5 février 1849, Dorothée de Lieven à François Guizot
Voilà un peu de fièvre la gorge prise et les yeux repris. Je ne sais où j’ai pris tout cela. C'est bien ennuyeux. Vous avez un bien bon, caractère. Vous me pardonnez tout. (Je réponds à Béhier) Que va-t-il arriver à Paris ? le Ministère s'il veut continuer doit se livrer à une crise. Il faut chasser l’assemblée. Il n’y a pas deux jours de [?] entre eux et elle. Je suis curieuse de ce que vous me direz sur Claremont. Et la reine ? 8h du soir. Je ne suis pas plus brillante ce soir que je ne l’étais ce matin. Je n'ai vu que M de Metternich qui ne savait rien. Je crois à l'Empire tout de suite. Adieu. Adieu.
Brompton, Lundi 5 février 1849, François Guizot à Dorothée de Lieven
West-Molesey, Lundi 5 février 1849, François Guizot à Dorothée de Lieven
9 heures et demie
Le Roi nous a retenus très longtemps à Claremont. J’ai tout juste le temps de tenir ma parole. Rien de nouveau dans la conversation. Il ne savait rien. La Reine n’est point bien quoiqu'un peu moins faible. J’ai causé avec le médecin. On a aperçu un commencement, d'infiltration d'eau dans les entrailles. On lui met depuis hier des vésicatoires. M. de Mussy est très inquiet. Le Roi ne veut pas l'être et je crois vous avoir déjà dit qu'on ne veut pas qu’il le soit. Les Princes à Londres, sauf le duc et la duchesse de Nemours qui se promenaient dans le parc. Je n’ai vu le Roi seul que deux minutes, Croker était là tout le temps. Adieu. Adieu. Paris est bien chaud. Je dis plus que jamais que deux mois pareils sont impossibles. Ou un autre Cabinet, ou l'expulsion de l’Assemblée. Adieu. Adieu. G.
Mots-clés : Politique (France), Réseau social et politique
Brighton, Mardi 6 février 1849, Dorothée de Lieven à François Guizot
Une nuit abominable. C'est un gros rhume, une grosse courbature, & je me sens extrêmement misérable aujourd’hui. Je ne resterai levée que quelques heures. Il faut que je tâche d'être présentable jeudi. Voici Hélène. Vous voyez comme elle est fanatique pour vous et comme elle regrette Paris ! Tout ce que vous mande M. Lenormant prouve que Paris est encore bien malade. 8h. du soir. Je vous remercie de votre petit mot de chez Croker. Cette pauvre reine ! La Princesse de Parme vient ici jeudi dîner, danser, et coucher chez le Duc de Devonshire. J'ai encore eu une lettre de Lady Palmerston disant qu'il faut chasser l'assemblée et que cela se fera. Mon rhume me rend si bête que je ne puis pas continuer même à dicter, d’ailleurs je n’ai rien à dire qu'adieu, et Adieu.
Mots-clés : Politique (France), Réseau social et politique, Santé (Dorothée)
West-Molesey, Mardi 6 février 1849, François Guizot à Dorothée de Lieven
Je ne puis partir d’ici qu'à 4 heures. Je ne sais si j’arriverai à Brompton assez tôt pour le poste. Je ne veux pas qu'une lettre vous manque. Après-demain, à 2 heures nous serons ensemble. J’ai reçu hier au moment où je partais un billet de Lord Aberdeen qui me dit : « Have you any thought of going to Brighton in the course of some days ? I should be very glad, if possible, to meet you there, whenever it may be. " Je lui réponds pour l'engager à être à Brighton vendredi 9, entre 2 et 4 heures. Nous aurons ainsi notre journée préalable. Cela vous convient-il ? Bonne conversation ici. Et utile pour l'avenir. Car je persiste à croire à un avenir. Je trouverai, en arrivant ce soir à Londres, des nouvelles de la journée d’hier à Paris. Le Morning Chronicle m'a fait dire qu’il m’enverrait à midi et demie les nouvelles de la veille, toutes les fois qu’elles auraient quelque importance. Adieu. Adieu. Dans tous les cas, je vous écrirai demain matin de Brompton. Je trouverai votre lettre aujourd'hui en y arrivant. Il n’y avait pas moyen de me la faire envoyer ici. Adieu, Adieu. G.
Brighton, Mercredi 7 février 1849, Dorothée de Lieven à François Guizot
J'ai passé ma journée dans mon lit occupée à transpirer et à guérir. Ce qui m’a empêchée de vous écrire moi-même. Je désire bien que vous me trouviez en meilleure condition demain, mais je n'en réponds pas Comme je n’ai pu recevoir personne aujourd'hui je n'ai pas la moindre. nouvelle. La majorité à l'assemblée me déplait. J'aurais préféré une bonne crise. Je serai charmée de voir Lord Aberdeen vendredi. Adieu. Adieu.
Mots-clés : Réseau social et politique, Santé (Dorothée)
Brompton, Mercredi 7 février 1849, François Guizot à Dorothée de Lieven
Il n’y a que vos yeux et votre gorge qui puissent me faire perdre patience. Je veux espérer que vous serez mieux demain. Quelques précautions que vous preniez en vous promenant sur la route de Londres, ce temps chaud, humide, et venteux doit vous enrhumer. J’ai trouvé en arrivant beaucoup de lettres. Toutes animées, et sombres. On ne cédera pas, et en espère peu. Les victoires ne servent à rien. Il est vrai que les défaites ne tuent pas. Déplorable état ! Quel poids il faudra pour faire rentrer dans l’ordre tous ces déchainements intraitables ! Je vous apporterai ces lettres. En voici une en attendant pour vos menus plaisirs. Malgré ses succès personnels, mon hôtesse est noire aussi. Je vous apporterai une lettre du vieux Maréchal Soult. Très amicale. Je ne saurais vous dire quel effet de fatigue me font toutes ces lettres ! Tant de mal causé par tant de non sense ! Si peu d'espoir dans tant de mouvement ! Que serait-ce si j'étais au milieu ? Je suis dégoûté avant d'avoir touché. Je suis las avant d'avoir fait un pas. J’ai cent raisons, très bonnes, pour ne pas croire mon pays perdu. Et je n’entrevois pas comment il se sauvera. Nul remède n’est bon si le malade ne veut pas le prendre et le garder, s’il n’y avait point de remède, il faudrait bien essayer de la résignation. Mais il y a des [?] et de la vie dans le malade. Je m'endors de lassitude en y pensant. Endormi, je me fatigue en y rêvant. Il faut attendre encore. Un peu de jour se lèvera peut-être. Je vais faire des visites ce matin. J'en fais très peu. Je suis d’une impolitesse brutale. Je n’ai pas de voiture. Pourtant il y en a quelques unes que je ne puis supprimer. Lady Peel est venue hier chercher mes filles. Lady Monteagle, Mad. Van de Weyer &. Lady Alice est venue aussi hier. Montebello vient déjeuner avec moi ce matin. Il n’est pas du tout pressé de partir. Voilà votre lettre et les journaux. Si vous êtes mieux demain, tant mieux. Si vous n'êtes pas mieux, je n’en serai que plus content d'être avec vous. Les journaux de ce matin me conviennent assez. Les bons ont l’air de croire que la victoire de lundi vaut quelque chose, et que la Montagne ne parviendra pas à prendre le pouvoir avant les élections.
Adieu. Adieu. Je trouve la lettre d’Hélène charmante, et je suis vraiment touché de la vivacité de son langage sur moi. Vous l'en remercierez un peu vivement n’est-ce pas ? Adieu. Adieu, à demain. G.
Brompton, Samedi 10 février 1849, François Guizot à Dorothée de Lieven
3 heures
Je ne trouve rien en arrivant que des journaux insignifiants et des invitations à dîner que je vais refuser. On me dit qu’il y a des gens qui disent que l'Assemblée constituante fera durer très longtemps la discussion de la loi électorale, et vivra encore ainsi quatre ou cinq mois. Je ne le crois pas. Je crois que si elle l'essayait, elle attirerait sur elle-même quelque violence. Elle me paraît résignée. Ce sera encore bien assez long. J’ai achevé Macaulay en route, et pensé à vous. Puis à Paris. Je suis presque aussi triste de l'avenir que du présent. Je cherche ce que je puis faire pour aider mon pays à se relever. Je suis bien plus préoccupé de son abaissement que de son malheur. Adieu. Adieu. Je ne veux que vous dire que je n’ai pas été écrasé par le railway. C’est bien ennuyeux de n'avoir rien de vous demain. J'en sais plus long que Raphaël. Adieu. Adieu. Adieu. G.
Mots-clés : Discours du for intérieur, Politique (France), Posture politique
Brighton, Dimanche 11 février 1849, Dorothée de Lieven à François Guizot
J'ai été bien désappointée de ne pas recevoir un mot de vous ce matin. Pourquoi ne m'avez vous pas écrit ? Une lettre remise même tard me parvenait. Il n’en est pas de même ici. Il n’y a pas de poste partant le Samedi après 2 heures. Ma journée s’est passée solitaire. Pas même Mad. de Metternich qui dinait de bonne heure pour aller au spectacle français le Domino noir ! J’ai revu Aberdeen après sa visite chez Metternich. Redoublement d’espoir, comptant beaucoup sur la reine. J’ai vu Freddy Leveson. Il m’a parlé d’audace et d'esprit. Ellice en avait parlé aussi à Marion. Elle a donc montré ma lettre. Cela a fait une sorte d'évènement. J’ai dit que j’avais bien entendu ne pas dire une impertinence, je ne l'aurais pas adressée à la femme. J’ai soutenu la différence entre les deux langues au besoin vous le direz aussi. Et après tout je ne regrette pas l’expression, et je parie que lui n'en est pas blessé.
8h. du soir. Naturellement rien de nouveau. On parle beaucoup de la brillante réception chez le Président jeudi dernier, tout le faubourg St Germain, force diamants, l'ameublement du temps de l'Empire, et le Président les mains sur le dos. Les homards de la fête à Molé. Rothschild a été chez Cavaignac, qui l'a assuré qu'il donnerait son appui au gouvernement dans toutes les mesures de finance. Billault est du parti Cavaignac. Adieu. Adieu.
Brompton, Dimanche 11 février 1849, François Guizot à Dorothée de Lieven
Dimanche est décidément un bien mauvais jour. Surtout quand je vous ai quittée le Samedi. Je n'ai vu personne, que des gens qui ne disent rien, et à qui on ne dit rien. J’irai ce matin à l'Athenoeum, et j'y trouverai Duchâtel. Mais nous n'aurons évidemment pas de nouvelles d’ici à quelque temps. Nous en attendons plus rien que la fin régulière de l'Assemblée dans deux ou trois mois. Deux ou trois mois sans rien, c’est difficile. Milner m'a envoyé hier un pamphlet qu’il vient de publier : the event of 1848, a letter to the marquess of Lansdowne. Lord Lansdowne a le vol des pamphlets. Celui-ci, est au fond Palmerstonien. C’est la politique de l’Europe, dans ses rapports avec l'Angleterre, Italien et anti Russe. Un billet très amical, auquel j'ai répondu par un billet assez franc. Je passerai aujourd’hui et demain à écrire des lettres.
Cornélis de Witt part demain soir pour Paris. Je veux vider tout ce que j'ai à dire à propos de la dernière lettre dont je vous ai laissé un feuillet que j'espère recevoir demain. Plus je pense à ce travail contre moi, plus je trouve cela misérable et au dessous de la situation. C’est décidément le plus grand mal de mon pays que la situation surpasse infiniment les hommes. Ils n'ont ni l’esprit, ni le cœur assez grand pour ce qu’il y a à faire. Les petites passions ne disparaissent jamais, mais elles tiennent bien moins de place dans un horizon plus haut. Adieu, Adieu, si vous étiez à Londres, ou moi à Brighton, nous causerions sans fin. Mais de loin aujourd’hui, je n'ai rien à vous dire. Je m'irrite d'attendre jusqu’à demain pour savoir comment va votre rhume. Il fait bien beau ce matin. Adieu. Adieu. G.
Mots-clés : Politique (Angleterre), Politique (Europe), Posture politique
Brighton, Lundi 12 février 1849, Dorothée de Lieven à François Guizot
4 heures
C'est bien long. Voici deux jours & demi passés sans un mot de vous. J’attends la poste avec impatience Je suis toujours faible. On m’a fait prendre l’air Il fait l’été. Je n'en jouis pas. Je n’ai encore vu personne aujourd’hui et les journaux du matin. sont pauvres. Voici vos deux lettres. Je pensais bien que la poste était mon ennemi. Voici tous les journaux français. Rien. 8 h. du soir. Metternich m'a interrompue et il est resté jusqu'à l’heure de mon diner. Très spirituel, très sensé, inventif. Il vous aurait beaucoup plu et il n'était pas trop long. Je me suis reprise ce soir de mon rhume. Mes yeux. Enfin je suis en pauvre état. Adieu. Adieu.
Brompton, Lundi 12 février 1849, François Guizot à Dorothée de Lieven
Je vous ai écrit samedi. Ma lettre a été portée avant 4 heures Vous l'aurez eu lundi. Deux à la fois. C’est quelque bêtise de la poste de Brompton, concourant, avec l'ennui du dimanche. Vous ne me dites rien de votre rhume. J'en conclus qu’il s'en va. Rien hier à l'Athenoeum. Les journaux français n'étaient pas arrivés. Duchâtel n'est pas venu. Je suppose qu’il fait quelque visite de campagne. J’y passerai demain. Je suis accablé de journaux ce matin. Tranquilles et vides, comme Paris. C’est un des plus grands maux des secousses qu’on ne sait plus s'en passer. Je ne trouve que ce petit article de l'Assemblée nationale qui vous plaira un peu, et aussi à Lord Aberdeen. Vous avez raison de soutenir votre distinction des deux langues sur audace. J’en ferai autant, si on m'en parle. Très mauvaises nouvelles d'Italie ce matin, de Rome et de Florence. Progrès de l’anarchie, et apathie de la réaction. Les révolutionnaires plus sots et les modérés plus poltrons que jamais. Le remède ne viendra pas du dedans. Naples se suffira. Mazzini finira par enlever Gènes comme Livourne, Rome et Florence. Bientôt la banqueroute et le papier monnaie partout, à la suite de Mazzini. Il en parle tout haut et ses amis s’y préparent. On n'entend plus parler des Espagnols devant Gaëte. Cavaignac peut avoir dit à Rothschild ce qu’il a voulu. Vous verrez et que feront ses amis, Billault entre autres, dans la discussion du budget. Ils désorganiseront tout pour se rendre populaire et rendre le gouvernement impuissant. Je viens de voir un bon bourgeois qui arrive de Paris et qui dit qu’on s'y croit sauvé aujourd’hui, mais que demain on s’y croira perdu. Vrais enfants. C’est triste. Voici un ennui qui n’est pas politique, mais qui n'en vaut pas mieux. J'ai depuis dix ou douze jours deux invitations à dîner pour cette semaine, l’une jeudi chez les Collman, l'autre vendredi chez M. Hallam. Précisément quand vous arrivez. J'en ai refusé deux pour mercredi et un pour samedi. Je me puis manquer à ceux que j’ai acceptés. Je trouverai moyen de m'échapper à 9 heures. Mais cela me déplait beaucoup. Adieu. Adieu. Je viens d'écrire de longues lettres au duc de Broglie, à Piscarory; à Génie. Le jeune de Witt part ce soir. Adieu. Adieu. G.
Brighton, Mardi 13 février 1849, Marion Ellice à François Guizot
8 h. La princesse est si fatiguée par la toux qu'elle me charge de vous écrire ce soir. Elle a un peu plus de rhume aujourd’hui Verity est venu ce matin et a été tout surpris de la trouver souffrante. Il lui a défendu de sortir et de jouir de ce beau jour de printemps. Les yeux ne vont pas plus mal, mais ils se ressentent du rhume. Enfin c'est un désagrément, un ennui et une grande fatigue, car la toux est incessante. La journée s'est passée tant bien que mal. M. de Flahaut est venu la voir et elle l’a trouvé très sensé. Elle a été charmée d'un article du Times ce matin. Tout-à-fait excellent. Puisque vous lui mandez que vous êtes pris jeudi et vendredi, cela l'ébranle dans son projet d’aller à Londres après-demain. Elle se décidera demain matin. Elle se couche dans ce moment. Je suis bien désolée de vous annoncer tant de mauvaises nouvelles, et je vous prie de mesurer mes regrets à mon dévouement sincère dont je vous renouvelle l'ordonnance. M. Ellice
Mots-clés : Presse, Réseau social et politique, Santé (Dorothée)
Brompton, Mardi 13 février 1849, François Guizot à Dorothée de Lieven
8 heures
Tout ce qui m’arrive directement ou indirectement, me confirme la longue lettre que je vous ai montrée il y a trois jours, et ce que nous nous sommes dit, tant sur la situation générale que sur ce qui m’est personnel. Evidemment le Président gagne, non seulement parce qu’il se conduit bien, mais parce que les partis qui veulent autre chose que lui s’aperçoivent qu'ils ne peuvent. rien, quant à présent du moins et se résignent à lui plutôt que de se rapprocher entre eux pour se passer de lui. Les légitimistes surtout lui témoignent faveur. Il lui savent gré d’avoir soutenu, non seulement son Cabinet, mais spécialement M. de Falloux dans son cabinet. Il l’a soutenu, non seulement contre les attaques du dehors, mais contre les dissentions et les attaques intérieures du cabinet même. Passy voulait qu'on renvoyât MM. de Falloux, et Léon Faucher, et qu’on prit à leur place Dufaure et Gustave de Beaumont. Je le reconnais bien là ; jeter tout de suite par dessus le bord ceux contre qui on crie, pour les remplacer par les voix les moins aigres parmi ceux qui crient. Le Président n'a voulu entendre, ni à la chute, ni au démembrement de son cabinet. Les partis ajournent entre ses mains, leurs espérances et leurs querelles. Aspire-t-il à l'Empire ? A-t-il aussi ses prétentions d'avenir qu’il ajourne aussi, ne pouvant mieux faire ? C’est la question obscure, même pour ceux qui l'approchent. Il est honnête et sournois. Il ne trahit ni ses ministres, ni ses projets. Les plus habiles croient qu’il a une ambition sans bruit, comme son entêtement. On parle plus d'Empire loin de lui, qu'autour de lui. De tous les meneurs Thiers est évidemment celui qui pense le plus mal du Président. Le plus mal, c’est-à-dire le plus légèrement, qui en tient le moins de compte, et croit le moins à son avenir de président ou d'Empereur. Thiers et les Régentistes font de plus en plus bande à part, mécontents de tout le monde et mécontentant tout le monde. Plus de couverts. et plus pressés que les autres ; par étourderie naturelle, par humeur de leur désappointement en Février dernier, et envie de le réparer parce qu'à tort ou à raison, ils se croient les plus forts. Mais comme ils ont tous les autres contre ceux, Légitimistes, Impérialistes, Républicains, ils agissent au fond, tout aussi peu, et montrent plus leurs desseins qu'ils ne les avancent. L’ajournement de toutes les espérances, de toutes les prétentions, plus ou moins cachées, mais toutes impuissantes, c’est là le fait caractéristique de la situation. Soyez sure que, pour tout le monde, il n’y a qu'ajournement, personne ne renonce à ce qu'il veut et n'accepte ce qui est comme une solution. Pour ce qui me touche, curieuse comédie, très mêlée et obscure en apparence, très claire au fond et en tout cas très active. De M. Thiers à ceux de mes amis qui le voient, mêmes protestations qu’il désire mon élection, qu'il l’appuiera, qu’il veut s’entendre avec moi sur toutes choses. De la part de ses amis et de ses alliés, travail très acharné, direct et détourné, contre mon élection. Voici les deux moyens les plus neufs. On dit aux conservateurs, un peu tièdes, ou un peu badauds " Pourquoi faire arriver M. Guizot, dès le début de l’assemblée prochaine ? M. Thiers va si bien ! Il s’engage si vivement dans la cause de l'ordre, avec les amis de l’ordre ! S’il se trouve tout de suite en face de M. Guizot, l'ancienne rivalité pour recommencer ; M. Thiers peut reculer vers les idées et les hommes de la révolution. M. Guizot viendra un peu plus tard. " On ne se contente pas de Paris ; on veut agir par Claremont ; on emploie le Roi pour m’engager à l’attente, à l'ajournement, à l'abdication. C'est de bien loin, bien timidement , mais la tentative a paru dans quelques paroles du Roi à Duchâtel qui y est allé, il y a trois jours. Le général Dumas qui arrive de Paris a apporté cette consigne. Il est venu me voir. Je n’y étais pas. Il reviendra. Mon langage est très simple et très net. Je ne demande rien à personne. Je reste ici, et j’y attends les élections. Mais si mon pays m’appelle, il me trouvera prêt. Je le dis d'avance, et je ne me laisserai éconduire par personne. Toutes les jalousies sont ridicules aujourd’hui. Toutes les coteries seront impuissantes. Je n'en formerai aucune pour moi ; mais je n'en accepterai aucune contre moi. J’ai écrit hier en ce sens au duc de Broglie une lettre que je vous montrerai. Et une aussi à Piscatory, plus propre à éventer les pièges et à les déjouer. Duchâtel a les mêmes renseignements. On l'englobe, nécessairement, dans le même travail ennemi. Il prend le même parti que moi. Il reste ici jusqu'après les élections, malgré l'ennui de chercher une nouvelle maison. Il n'a la sienne que jusqu'au 1er mars. Voici une petite lettre de Barante. Il m'a envoyé sa brochure avec un exemplaire pour vous que je vous apporterai jeudi. A quelle heure arriverez-vous ? Je ne puis dire combien ces deux dîners me déplaisent. J’aimerais presque mieux que nous ne vinssiez que samedi. Dialogue entre Thiers et sa femme. Elle parlait mal du Président, de sa cour, des personnes qui y vont, de l'air et des prétentions de la maison. Ma chère amie, pas de ces propos ; tout cela ne vaut rien ; il faut être plus respectueux. - Ah, par exemple si vous croyez que je me gênerai pour le président, vous n'y pensez pas. Vous ne vous gênez pas pour mieux que lui. Souvenez-vous que vous alliez chez le duc de Nemours, en cravate noire et en bottes. Je ne m'en souviens que trop. J’avais tort, grand tort. Ah, si ce bon temps là pouvait revenir, je n'irais plus jamais aux Tuileries, qu’en cravate blanche, peut-être même, en culotte courte. Pour ceci pourtant, je ne m’engage pas. " Le Maréchal Sébastiani est à peu près en enfance. Très courtisan du Président, chez qui il va à tort et à travers. Même au bal. On en est choqué. D’Haubersaert lui disait l'autre jour, la veille du bal : " M. le Maréchal ne pourriez- vous pas avoir demain, pour ne pas aller au bal, le rhume que vous auriez du prendre sur la place Louis XV, le jour où vous avez assisté à la lecture de la Constitution ? " Voilà un volume. Ce serait bien plus long si vous étiez là. Une heure Je crains que ce ne soit ce froid, qui ravive votre rhume. Vous avez la manie de vous promener par le froid. Adieu, Adieu. Je regrette votre séance avec M. de Metternich. Je disais un jour à M. de Talleyrand : " Le premier plaisir de ce monde, c’est la conversation. " Il me dit : " Non, c'est l’action. Nous ne disions vrai ni l'un ni l'autre. Il y a un autre plaisir qui vaut mieux que ces deux là. Adieu. Adieu. Adieu. G.
Brighton, Mercredi 14 février 1849, Dorothée de Lieven à François Guizot
Midi.
J'ai été bien triste hier, car vous l'aurez été ce matin en recevant la lettre de Marion. Une rechute avec redoublement des accès terribles, pas moyen de tracer un mot. Le médecin ce matin décide que je reste encore ici deux jours. Je ne partirai que Samedi. Votre lettre hier est bien longue et intéressante. Quoiqu'on fasse contre vous, vous n'y perdez pas. Je m’étonne de la sottise. Votre tranquillité fait un excellent contraste. Laissez user tous ces gens-là et tous ces évènements. Je crois tout-à-fait à l’Empire. Je n’y vois pas de mal, pourvu que cela ressemble à du despotisme. Hier le Times au jourd’hui le Chronicle sont des articles excellents sur Palmerston. Bulwer dit qu’il ira en Amérique pour [?]. C’est trop tôt montrer la comédie. Je n’ai pas de lettres.
8h. L'enveloppe était faite, et je n’ai pas pu reprendre ma lettre. Marion continue ce soir. Elle prétend que je vois mieux qu’hier à cette heure-ci. Moi, je n’en suis pas sûre. Adieu. Adieu.
Brompton, Mercredi 14 février 1849, François Guizot à Dorothée de Lieven
J’étais sûr que vos promenades par ce froid ne vous valaient rien. Il n’y a qu’une manière de se débarrasser d'un rhume, c’est de rester dans la même atmosphère, et dans une atmosphère douce. J'espère avoir de meilleures nouvelles demain. J'en veux bien à votre toux de vous avoir empêchée de m’écrire vous-même. Je doute que ce soit à votre toux que je doive m'en prendre. Mais je n’y veux pas regarder de plus près. Guérissez-vous de la toux ; elle vous fait mal et vous conseille mal. Au fait ne soyez pas souffrante ; il n’y a que cela qui me préoccupe. Je répète que j’aime mieux que vous ne veniez pas demain. Il vaut mieux ne pas voyager par ce froid. J’ai vu hier le général Dumas. Rien de plus que ce que je vous ai mandé hier, mais bien ce que je vous ai mandé. Très timidement, très indirectement. J’ai très nettement, été toute espérance que je laissasse faire, de moi, un bouc émissaire. Voilà la phrase dans laquelle se résume ma lettre au duc de Broglie : " Je ne demande rien à personne. Rien à mes anciens amis. Rien à plus forte raison, à mes anciens adversaires. Je ne recherche point la réparation qui m’est due. Mais lorsqu'elle vient spontanément à moi, j'ai droit d'attendre qu'on ne se mette pas en travers pour l'empêcher de m’arriver. Et je ne le souffrirai pas. " Ma conversation avec Dumas a été le commentaire de cette phrase. La Reine est dans le même état. Abattu, ne voulant, ni manger, ni marcher, quoique ses médecins l'exigent. Le duc d’Aumale vient de louer, un pied à terre à Londres, entre Charing-cross et la rivière. Il y passe ses journées à arranger une petite bibliothèque. Les nouvelles du général Changarnier excellentes. L'espoir est là. Je viens de voir Montebello. Il part demain pour aller passer quinze jours à Paris, voir sa mère, et aviser un peu à ses affaires électorales dans le dép. du Gers en celui de la Marne. Il y tient et il a quitté la France depuis si longtemps qu'on l'y connaît peu. Il a besoin d’exhorter ses amis. Je l'ai mis bien au courant de la situation. Il est absolument de mon avis. Son attitude et son langage seront très bons. Il regrette fort de n'avoir pas le temps d'aller vous voir. Barante est spirituel, sensé, ingénieux et judicieux, un peu terne, et pas très frappant. ni pour les hommes de beaucoup d’esprit ni pour le gros du public. De plus, un peu confus et incohérent ; les idées se suivent plus qu'elles ne se tiennent. Adieu. Adieu. Il me semble que je vous entends tousser. Cela me poursuit. Adieu. Je remercie la bonne Marion. Adieu. G.
Brighton, Jeudi 15 février 1849, Dorothée de Lieven à François Guizot
3 heures
Ah qu'il y a une mauvaise parole, une mauvaise et injuste pensée dans votre lettre d’hier. En deux mot de conversation je vous ferais honte, je n'ai pas assez de mes yeux pour vous écrire cela. J'approuve complétement ce que vous avez écrit au duc de Broglie. Voilà les amis français ! Je n'ose pas dire que je suis mieux aujourd’hui, ce serait probablement un mensonge se soir. Quoiqu’il en soit à moins de catastrophe j'ai bien le projet d'aller à Londres samedi. Ecrivez moi encore demain. Je suis très contente du Président. Sa visite à la bourse me plait. Il a de bonnes inspirations. Metternich est en pleine sécurité sur Bruxelles. Cette médiation n’ira pas. Je crois qu’on le tient. fort au courant.
8h. du soir. Metternich dit que la fuite du duc de Modène est en Humberg. Les Autrichiens occupent Modène. Il est très noir sur l'Allemagne. Evidemment Vienne et Berlin ne s'entendent pas. Schwarzenberg le dit dans sa proclamation. Cela finira par une guerre civile. C’est l'impression de M. de Metternich. Mme de Rothschild arrive ici demain. Elle sera très intéressante à entendre. Si elle ne vient que tard demain soir. Je ne la verrai pas, ce que je regretterai. Adieu. Adieu
Brompton, Jeudi 15 février 1849, François Guizot à Dorothée de Lieven
J’aime bien votre écriture. Et ce temps doux qui doit vous être bon même ne sortant pas. Soyez sure que ce sont vos promenades par le froid, qui vous ont donné ce redoublement. Que je serai content samedi, car j'y compte et sans rhume. Voulez-vous que je vienne dîner samedi, avec vous ? Ne manquez pas de me dire à quelle heure, vous arriverez. J’attends le vote définitif sur la proposition Lanjuinais. Mais je ne crois au succès d’aucun des amendements tentés pour ajourner les élections. J’ai eu hier une nouvelle lettre de Génie contenant de nouveaux détails sur ce qui me touche. Toujours la même chose. Et Molé se faisant valoir à Dumon de sa bonne conduite, déplorant les passions du centre gauche : " La révolution de Février ne leur a rien appris ; ils sont toujours personnels, jaloux, envieux, mêlés à toute sorte d’intrigues ! " M. Marrast sera renommé président pour le mois prochain, malgré ses mésaventures à l'opéra. Dimanche dernier quand il est entré dans sa loge, les chuts, les Ah ! Ah ! ont été si vifs et si soutenus qu’il n’y a pas eu moyen de rester. Au moment où il sortait, le sifflet de la coulisse a donné le signal de la rentrée en scène. Le public a aussitôt appliqué ce sifflet à Marrast, applaudissant et criant bravo. C’est la troisième fois qu’il est forcé de renoncer à sa soirée d'Opéra. Les républicains sont les seuls qui ne s'amusent pas. Mad. Lenormant m'écrit matin : " Paris est tout en danse. C’est une frénésie. On a hâte de mettre à profit la sorte de trêve dont nous jouissons. Le faubourg St Germain n'est pas le moins pressé de se divertir. La Duchesse de Laynes donne de très beaux bals. Au dernier, on a agité la question de savoir si le faubourg St G. irait au bal du Président (il en donne un vendredi). Après des discours éloquents de ces dames, on a décidé qu’on devait son concours au Président ; concours de sa personne ; c'est pourquoi les hommes prennent toujours les armes au premier coup du rappel ; mais qu’il n’y avait pas urgence à prêter un concours moral, et qu’on s'abstiendrait. Ainsi le concours moral, c'est le concours dansant. " Je vous envoie mes balivernes.
Avez-vous vu celle-ci dans vos journaux ? Au spectacle, je ne sais lequel, on chantait un couplet contre la République. Un coup de sifflet se fait entendre. Un homme se lève de sa place et dit très haut : " Est-ce qu’il y aurait ici un républicain ? " Le siffleur s’est tu. Le public a applaudi. Voilà les consolations de la France. Adieu. Adieu. Vous auriez bien dû me dire si vous aviez dormi. Vous ne savez pas ce qu’il faut dire. Je vous écrirai encore demain. Vous ne partirez certainement pas, samedi avant 11 heures. Probablement à 1 heure, adieu. Adieu. G.
Brompton, Vendredi 16 février 1849, François Guizot à Dorothée de Lieven
Midi
Demain sera charmant. Et je serai charmé que vous me fassiez honte de mes mauvaises pensées. J’ai tort de dire mes. Je ne devrais dire que ma. J’en ai bien rarement. Votre lettre de demain matin me dira si vous voulez que j'aille dîner avec vous. La dernière tentative pour ajourner la fin de l'Assemblée à échouer. Les élections auront très probablement lieu, le 22 avril. Cela met mon retour en France aux premiers jours de mai. Je n’ai point de nouvelles ce matin. Duchâtel, qui sort de chez moi, m’a apporté les siennes. Tout à fait d'accord avec les miennes. Seulement il ne croit pas qu'au fond Molé sait bien en ce qui touche notre élection. Il se croit sûr que Molé, sous main, travaille activement contre lui à Bordeaux. Je lui ai montré ce que j’ai écrit au duc de Broglie. Il approuve complètement et écrira dans le même sens. Thiers a fait sa paix avec le Président. Il a vu que les affaires du Président allaient mieux, et il s'est rapproché de lui. C’est Morny qui l’écrit à Flahault. Flahault toujours très bien, très gentleman et tenant un très bon langage. Dites, je vous prie, au Prince de Metternich que je regrette, et que je regretterai beaucoup mes visites à Brighton. Nous avons à peine commencé à causer, et nous avons ce me semble, de quoi causer des années. J'espère que nous nous reverrons à Londres. Je me désespère même pas de Paris. Faites-moi aussi la grâce de demander pour moi, à la Princesse de Metternich, une petite place dans ses souvenirs de Brighton. Et notre bonne Marion ? Est-ce quelle ne m’écrira pas quelques fois pour son compte ? Est-ce qu’elle ne viendra pas vous voir ? Il y a bien peu de personnes qui gagnent plus on les voit. C'est le sort de Marion. Je la charge de mes amitiés pour ses sœurs. Adieu. Adieu. Il fait plus froid ce matin. Prenez bien vos précautions demain. Adieu. Adieu. G.
Brighton, Vendredi 16 février 1849, Dorothée de Lieven à François Guizot
8 heures Vos anecdotes de Paris. sont divertissantes. 8 h. du soir. Je persiste. Et je partirai demain. Je vois que le Constitutionnel est nul pour l'Autriche. Voilà le donc la République à Rome. C'est dégoutant. Plus contente de Bugeaud. Quel Bavard ! Adieu. Adieu.
Mots-clés : Politique (Italie), Santé (Dorothée)
[?], lundi 5 mars 1849, François Guizot à Dorothée de Lieven
Lundi 5 mars-1849
Mots-clés : Santé (Dorothée)
Kimbolton Castle, lundi 19 mars 1849, François Guizot à Dorothée de Lieven
9 heures
J'arrive. Je viens de m'habiller. On dîne à 6 heures. La poste part dans une demi-heure. Grand château délabré. Vous aviez raison. A coup sûr il n'est pas riche. Deux choses seules l’occupent ; les prophéties hébraïques et les ruines de Ninive. Bon et saint homme, très poli. Il vient de me remettre ses papiers. J'examinerai cela demain matin. Je désire qu’il vaille la peine d'être venu. Car sans cela, j’en serais fort ennuyé. Point de Macaullay. Un beau-frère, M. Calérafh, que j’ai rencontré au chemin de fer, assez d’esprit, ami de Peel. Une jeune fille de 18 ans en grand deuil, jolie, noble, intelligente et gauche. Des chambres très froides. Je m'en doutais. J’ai ma pelisse. Adieu. Adieu. Je vous disais demain à quelle heure je partirai après demain. Adieu. G.
Clarendon, Lundi 19 mars 1849, Dorothée de Lieven à François Guizot
Midi
Je commence sans avoir un mot à dire. Êtes-vous content de la rue de Poitiers ? Moi je trouve la proclamation bonne, mais je ne suis pas juge. Certainement elle ne compromet personne. Le temps est horriblement triste. 3 heures Lord Aberdeen a vu une lettre de devant Palmerston du 8. Les propositions d’abord repoussées ont été reprises, et on s’attendait à les voir acceptées. Le Constitutionnel annonce que la guerre en Piémont est inévitable. Le Roi n'a pas écouté les remontrances des alliés. Aberdeen est d’avis qu'il faut rappeler Abercrombie. Peel trouve la situation du Cabinet bien mauvaise ses mesures ne passeront pas. Selon toutes les règles il devrait tomber. Je n'ai encore vu et entendu que ce que je viens de vous dire. Je crains les visites Je vous fais ma lettre, in good time. Adieu. Adieu.
[?], Mardi 6 mars 1849, Le prince de Metternich à Dorothée de Lieven
Kimbolton Castle, Mardi 20 mars 1849, François Guizot à Dorothée de Lieven
20 mars ! Quel jour, il y a 35 ans! Louis XVIII avait fui de Paris dans la nuit. Napoléon y entrait le soir. très tard, et en se cachant, quoique le maître. Trois trônes sont tombés à Paris depuis ce jour-là. Trois Rois ont fui de nouveau. Et qui sait ?
Merci de votre lettre. Je l’avais ce matin, à 5 heures et demie. Vous d'abord. et puis des nouvelles. Mais voici un grand déplaisir. Il m’est absolument impossible d’en finir aujourd’hui avec les papiers. Il y en a plus que je n'en attendais. Il me faut la journée de demain. Et Guillaume aura à copier sans relâche pendant ces deux jours. Je ne puis pas être venu ici pour n'en pas remporter ce que j’y ai trouvé. J’en partirai après-demain Jeudi, vers 10 heures du matin, pour être à Bedford à onze heures trois quarts, à Londres à 3, à Brompton à 4, et chez vous le soir avant 8 heures. Pouvez-vous m'envoyer votre voiture à 7 heures et demie ? Je vous écrirai encore demain. J’ai deux déplaisirs, le mien et le vôtre. Ce serait bien pis si je n'en avais qu’un. Je travaille depuis ce matin. Il n'y a pas moyen. Le manifeste de la Rue de Poitiers est ce que j'attendais. Une sonate sans défaut. L'impression universelle sera celle-là. Par conséquent complète impuissance, ce qui n'est jamais bon pour des hommes importants. Il faut parler pour tous, ou parler seul et pour soi seul. Mais parler tous ensemble et tous du même ton, c’est si impossible que cela devient ridicule, quelque irréprochable que soit le ton. Je suis toujours sans nouvelles de Paris. Ce qui fait que j’en suis chaque jour plus curieux. Ce voyage m'a fort dérangé. Si je n’avais pas quitté Brompton, ce que j'ai à écrire eût été écrit cette semaine.
Je crois à l’arrangement des affaires de Sicile. Les Siciliens se résigneront. Le monde a vu des fanatismes qui ne se résignaient pas et qui résistaient, même sans chances de succès. Mais aujourd'hui ce n’est pas au fanatisme, c’est à la folie que nous avons à faire. La folie se décourage bien plutôt. Le Roi de Naples donne aux Siciliens tout ce à quoi ils ont droit, et peut-être plus qu'ils ne pourront porter. Mais cela n'en fera pas moins pour l'Angleterre, en Sicile l'effet d’un abandon honteux après une provocation coupable. Je suis, quant à la situation du cabinet, de l'avis de Peel qui en sait plus que moi. Et c’est l'avis que je trouve ici, parmi deux ou trois hommes simples et sensés qui vivent loin des Affaires. Quand les hommes simples et les hommes d’esprit sont du même avis, ils sont probablement bien près de la vérité. Pourtant je parierais pour le maintien. Adieu. Adieu. Cela me déplait beaucoup de voir les jours s'écouler. Vous partirez dans onze jours, et je serai plus de six semaines, sans vous voir. Ecrivez-moi encore un mot demain. Je l’aurai après-demain à 8 heures et demie, et je ne partirai qu'à 10. Adieu. Adieu.
G.
Clarendon, Mercredi 21 mars 1849, Dorothée de Lieven à François Guizot
Midi
Quelle contrariété. Je ne vous ai pas écrit hier parce que je trouvais plus simple que vous vinssiez recevoir ma lettre à Brompton, ignorant si elle vous arriverait à Kimbolton avant votre départ. Voici que vous n’arrivez pas. C'est plus que contrariant, c’est malheureux. Si vous avez de de l’esprit vous le comprendrez. J'ai bien affirmé que vous serez ici aujourd’hui. Ma visite de 2 1/2 y compte. Je n’ai guère de nouvelles à vous donner. Lord Clauricarde est venu m'annoncer hier que Lord Aberdeen fait demain une motion sur l'Italie. Cela a surpris la Chambre haute & moi aussi. J’ai été contente du premier dans des Débats à propos de la proclamation de la rue de Poitiers. Duchatel m’a dit que le manifeste n’a plu à personne. Broglie est parti pour la province. On lui mande qu’il était à l’état d’automate galvanisé. Piscatory a été chez le Président. Quelle platitude. Vitet écrit très lugubrement. Le nouveau roi de Hollande est parti hier matin. Une députation de ministres était venue le chercher. Il était très saisi très ahuri. Mes soirées sont abominables. Personne. Il faut donc encore aujourd’hui subir ma société toute seule.
4 heures. Je dois vous déclarer formellement qu'il faut que vous veniez du chemin de fer droit chez moi, avant d’aller à Brompton. L'heure presse, et cela est de toute urgence. Je pense que vous pourrez être ici à 3 1/2 ou 3/4 on vous y attendra ; j’ai répondu de vous, il est impossible que vous ne compreniez pas qu'il faut faire ce que je vous dis. Morney écrit que Piscatory est de son avis sur votre élection et le lui à dit. D'Haussonville un peu cela aussi, mais avec une [ ?]. La fin de Morny est curieuse. Pourquoi M. Guizot ne dirait-il pas (par écrit je suppose) qu'il faut à la France une Monarchie ? j’ai répondu Ah, Ah on sait donc qu’il n'y a que lui qui ait du courage. La motion pour demain fait du bruit. Le camps ministériel est embarrassé. Lansdowne décidé à se conduire dans son intérêt d’honneur personnel. A demain chez moi entre 3 & 4 sûr. Ma voiture vous ramènera chez vous. Si j’ai quelques personnes vous entrerez droit dans ma chambre. Adieu. Adieu. Je ne saurais vous dire le chagrin de ne pas vous avoir parlé aujourd’hui. Mais demain.