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Val-Richer, Jeudi 17 juillet 1851, François Guizot à Dorothée de Lieven
Collection : 1851 (1er janvier-10 novembre) : Guizot observateur des jeux de tensions entre le Président et l'Assemblée
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
Val Richer, Jeudi 17 Juillet 1851
6 heures
Le temps est splendide. J'ouvre mes fenêtres sous le plus pur ciel, et le plus brillant soleil que j’aie jamais vus en Normandie. N'étaient les vapeurs qui roulent en fuyant à l’horizon, je croirais un col et un soleil du midi. Mais je n'y crois pas. L’impression chaude et transparente de l’air du midi est restée trop vive dans ma mémoire. Je viens d'allumer mon feu.
Après la nature, l'histoire. Celle-ci est bien ancienne. Pourquoi êtes-vous si loin ? Le discours de M. de Falloux est excellent, spirituel, sensé, honnête, élevé, élégant. Je comprends que l’assemblée soit restée froide. Ni l’éloquence n'est puissante, ni la politique pratique. Rien qui satisfasse les intérêts, ni qui remue les armes. C'est, pour moitié, la faute de la situation quand il n’y a rien à faire, il n’y a rien à dire. Pourtant on pouvait certainement exciter plus fortement l’inquiétude et faire entrevoir plus distinctement l'avenir. Le Général Cavaignac m'a intéressé et ennuyé. Tout ce qu’il dit est nouveau pour lui et vieux pour moi. Il découvre des théories usées. Mais on sent un homme sous les guenilles un homme fortement convaincu et qui se battra pour la République. Plus l'avenir s'éloigne, plus il m'inquiète. La République ne peut pas vivre, et ne se laissera pas mourir. Je suis dans un état d’esprit très désagréable. Je crois fermement à un certain avenir et je ne vois pas du tout comment il sortira du présent. Comme un homme sûr d'arriver, mais qui marcherait à travers des précipices sans voir du tout son chemin. C’est la foi absolument dénuée de science. M. de Maistre serait content de celle-là.
Je n'ai point oublié les Delmas. Je suis allé chez eux et, ne les trouvant pas j'ai laissé deux cartes p.p.c., pour qu’ils sussent bien que, s'ils ne me croyaient pas, c’est que je n'étais plus à Paris. Quand j'aurais un mauvais procédé, pour vous, vous ou moi, nous irons le dire à Rome. Je vous laisserai le choix. Je n’ai pas dîné le Jeudi 10, chez les Hatzfeldt parce que j’avais un engagement antérieur chez Mad. Lenormant, engagement auquel j'ai manqué parce que j'étais encore souffrant. J’ai passé moi-même et mis des cartes, la veille de mon départ, chez Hatzfeldt, Hübner, Kisseleff et Antonini. On m'a dit que ce dernier était malade.
10 heures
Voilà des visites qui m'arrivent avec la poste. Je n'ai que le temps de fermer mes lettres. Mon bulletin de l'assemblée porte : “ Berryer est depuis quelques minutes à la tribune. Il signale le double danger de l’anarchie, et du Bonapartisme. Il devient magnifique, admirable. Il n’a jamais été plus beau, aussi beau. Mais il faut que je ferme ma lettre. La nomination du Général Magnan est très mal accueillie.” Adieu, Adieu. G.
6 heures
Le temps est splendide. J'ouvre mes fenêtres sous le plus pur ciel, et le plus brillant soleil que j’aie jamais vus en Normandie. N'étaient les vapeurs qui roulent en fuyant à l’horizon, je croirais un col et un soleil du midi. Mais je n'y crois pas. L’impression chaude et transparente de l’air du midi est restée trop vive dans ma mémoire. Je viens d'allumer mon feu.
Après la nature, l'histoire. Celle-ci est bien ancienne. Pourquoi êtes-vous si loin ? Le discours de M. de Falloux est excellent, spirituel, sensé, honnête, élevé, élégant. Je comprends que l’assemblée soit restée froide. Ni l’éloquence n'est puissante, ni la politique pratique. Rien qui satisfasse les intérêts, ni qui remue les armes. C'est, pour moitié, la faute de la situation quand il n’y a rien à faire, il n’y a rien à dire. Pourtant on pouvait certainement exciter plus fortement l’inquiétude et faire entrevoir plus distinctement l'avenir. Le Général Cavaignac m'a intéressé et ennuyé. Tout ce qu’il dit est nouveau pour lui et vieux pour moi. Il découvre des théories usées. Mais on sent un homme sous les guenilles un homme fortement convaincu et qui se battra pour la République. Plus l'avenir s'éloigne, plus il m'inquiète. La République ne peut pas vivre, et ne se laissera pas mourir. Je suis dans un état d’esprit très désagréable. Je crois fermement à un certain avenir et je ne vois pas du tout comment il sortira du présent. Comme un homme sûr d'arriver, mais qui marcherait à travers des précipices sans voir du tout son chemin. C’est la foi absolument dénuée de science. M. de Maistre serait content de celle-là.
Je n'ai point oublié les Delmas. Je suis allé chez eux et, ne les trouvant pas j'ai laissé deux cartes p.p.c., pour qu’ils sussent bien que, s'ils ne me croyaient pas, c’est que je n'étais plus à Paris. Quand j'aurais un mauvais procédé, pour vous, vous ou moi, nous irons le dire à Rome. Je vous laisserai le choix. Je n’ai pas dîné le Jeudi 10, chez les Hatzfeldt parce que j’avais un engagement antérieur chez Mad. Lenormant, engagement auquel j'ai manqué parce que j'étais encore souffrant. J’ai passé moi-même et mis des cartes, la veille de mon départ, chez Hatzfeldt, Hübner, Kisseleff et Antonini. On m'a dit que ce dernier était malade.
10 heures
Voilà des visites qui m'arrivent avec la poste. Je n'ai que le temps de fermer mes lettres. Mon bulletin de l'assemblée porte : “ Berryer est depuis quelques minutes à la tribune. Il signale le double danger de l’anarchie, et du Bonapartisme. Il devient magnifique, admirable. Il n’a jamais été plus beau, aussi beau. Mais il faut que je ferme ma lettre. La nomination du Général Magnan est très mal accueillie.” Adieu, Adieu. G.
Ems, Jeudi 17 juillet 1851, Dorothée de Lieven à François Guizot
Collection : 1851 (1er janvier-10 novembre) : Guizot observateur des jeux de tensions entre le Président et l'Assemblée
Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
Ems jeudi 17 Juillet 1851
Voilà votre petit mot du Val Richer. Nous sommes bien loin l'un de l’autre. Le dimanche arrive ici jeudi la réponse vous parviendra donc lundi. Il y a de quoi aller et venir quatre fois en Angleterre. Ma soirée s’est passée comme l’autre, d’Haubersaert & moi au piquet. Le Prince George de Prusse, Duchâtel, la duchesse d'Istrie, le comte [?] très joli jeune homme aide de camp du Prince, au lansquenet Marion regardant. On lui prend son argent je ne veux plus qu’elle joue.
Je ne me baigne pas aujourd’hui, je veux me reposer. J’en profiterai pour aller faire visite à la petite princesse. 2 heures. J’ai été les voir. De charmants enfants, & la petite, jolie comme un ange. Ellice viendra probablement ici. Le parlement va se séparer bientôt. Adieu. Je n’ai pas un mot de plus à vous dire Adieu.
Voilà votre petit mot du Val Richer. Nous sommes bien loin l'un de l’autre. Le dimanche arrive ici jeudi la réponse vous parviendra donc lundi. Il y a de quoi aller et venir quatre fois en Angleterre. Ma soirée s’est passée comme l’autre, d’Haubersaert & moi au piquet. Le Prince George de Prusse, Duchâtel, la duchesse d'Istrie, le comte [?] très joli jeune homme aide de camp du Prince, au lansquenet Marion regardant. On lui prend son argent je ne veux plus qu’elle joue.
Je ne me baigne pas aujourd’hui, je veux me reposer. J’en profiterai pour aller faire visite à la petite princesse. 2 heures. J’ai été les voir. De charmants enfants, & la petite, jolie comme un ange. Ellice viendra probablement ici. Le parlement va se séparer bientôt. Adieu. Je n’ai pas un mot de plus à vous dire Adieu.
Ems, Mercredi 16 juillet 1851, Dorothée de Lieven à François Guizot
Collection : 1851 (1er janvier-10 novembre) : Guizot observateur des jeux de tensions entre le Président et l'Assemblée
Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
Ems le 16 juillet 1851
Comme de raison je n'ai rien eu aujourd’hui. Vous vous éloigniez. Qu’est-ce qu’un Baron de Renduff qui dit qu’il était ministre du Portugal à Paris à l’époque de la Révolution ? Il tombe chez moi comme une bouche hier soir. Je dis que je ne le connais pas. Duchâtel lui dit la même chose. Il reste un peu, & puis il part et quand il a été parti, il nous est venu un souvenir vague de l’avoir vu.
Nous nous sommes amusés au piquet, au lansquenet à des bêtises, à 9 heures je renvoie tout le monde.
J’ai l’esprit un peu tourmenté sur Paris. Attendu que je n'ai point pris de robes, je crois qu'il arrivera là des choses qui m’empêcheront d’y retourner, excellente raison n'est-ce pas ? Parlez-moi raison je vous prie afin que je sois rassurée.
J’avais passé chez Mad. d’Ust. Elle vient de me rendre ma visite, c'est une aimable personne tout à fait. Elle était accompagnée d'un vieux général. J’irais voir la petite princesse. Je suis bien aise de faire des politesses au roi Léopold. M. van Praet a été parfaitement poli pour moi. Jamais je n'oublierai cette belle et bonne voiture qui m’a conduit à Cologne.
Je ne vous ai pas parlé de ma santé encore. Cela ne va pas si bien que l’année dernière, j’ai un an de plus. Le temps aussi est exécrable. Adieu. Adieu, vous êtes donc seul au Val-Richer ? Je ne vous conçois pas tout-à-fait seul. Adieu.
Comme de raison je n'ai rien eu aujourd’hui. Vous vous éloigniez. Qu’est-ce qu’un Baron de Renduff qui dit qu’il était ministre du Portugal à Paris à l’époque de la Révolution ? Il tombe chez moi comme une bouche hier soir. Je dis que je ne le connais pas. Duchâtel lui dit la même chose. Il reste un peu, & puis il part et quand il a été parti, il nous est venu un souvenir vague de l’avoir vu.
Nous nous sommes amusés au piquet, au lansquenet à des bêtises, à 9 heures je renvoie tout le monde.
J’ai l’esprit un peu tourmenté sur Paris. Attendu que je n'ai point pris de robes, je crois qu'il arrivera là des choses qui m’empêcheront d’y retourner, excellente raison n'est-ce pas ? Parlez-moi raison je vous prie afin que je sois rassurée.
J’avais passé chez Mad. d’Ust. Elle vient de me rendre ma visite, c'est une aimable personne tout à fait. Elle était accompagnée d'un vieux général. J’irais voir la petite princesse. Je suis bien aise de faire des politesses au roi Léopold. M. van Praet a été parfaitement poli pour moi. Jamais je n'oublierai cette belle et bonne voiture qui m’a conduit à Cologne.
Je ne vous ai pas parlé de ma santé encore. Cela ne va pas si bien que l’année dernière, j’ai un an de plus. Le temps aussi est exécrable. Adieu. Adieu, vous êtes donc seul au Val-Richer ? Je ne vous conçois pas tout-à-fait seul. Adieu.
Val-Richer, Mercredi 16 juillet 1851, François Guizot à Dorothée de Lieven
Collection : 1851 (1er janvier-10 novembre) : Guizot observateur des jeux de tensions entre le Président et l'Assemblée
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
Val Richer Mercredi 16 Juillet 1851
6 heures
Je me lève. Voilà une vie tranquille et saine. J’écrirai, des lettres ou autre chose jusqu'à 10 heures. La poste arrive. C'est mon événement. Je lis mes lettres. Je descends dans le jardin. Je remonte et je fais ma toilette. A 11 heures, je déjeune. Je me promène. Je remonte dans mon Cabinet, et je lis mes journaux. D'une heure à 7, je travaille et je me promène. A 7 heures je dîne. Après mon dîner, j'arrose mes fleurs une demi-heure. Je rentre et je lis jusqu'à 10 heures. Pas une âme, pas une voix, autre que mon valet de chambre et mon jardinier. On va commencer à savoir dans le pays que je suis arrivé, et on viendra un peu me voir. Nous parlerons de l'assemblée et du Président. Mais je resterai encore en grand repos.
Ma petite fille continue à aller mieux ; mais comme elle continue aussi à être fort délicate, je doute que le médecin d'Henriette lui permette de quitter Paris avant quinze jours. Je mettrai ce temps là à profit pour mon travail et pour mon repos.
Voilà donc la révolution Portugaise qui avorte comme les autres. Etrange temps où les révolutions sont si aisées à faire et si impossibles à poursuivre ! On ne les empêche jamais d’arriver ; mais dès qu'elles sont là, on les arrête. Je voudrais que le comte de Thomas vint à Paris l'hiver prochain. Je serais bien aise de le connaître. Que dites-vous de l'aplomb de Palmerston sur Pacifico ? et du bon sens anglais qui laisse tomber cette sottise sans mot dire, étant décidé à n'en pas renverser l’auteur ? Le vice originel du gouvernement représentatif, ce sont les paroles exagérées, et les paroles vaines tous les pays qui en essayent donnent à plein collier dans ce vice-là. L'Angleterre seule s’en défend ; elle sait parler bas, et même se taire.
10 heures
Je viens de lire mes lettres d'abord ; puis un coup d'œil sur les journaux. M. de Falloux me plaît, et le général Cavaignac m'amuse. Je lirai attentivement. J'en ai le temps. La campagne double la longueur de la vie. Vous allez mieux puisque vous ne m'en parlez pas. Vous ne me dites rien de Marion. Il me semble qu’elle doit être une grande ressource de conversation habituelle. A-t-elle autant d’esprit que de mouvement ? Ce n’est pas tout de remuer ; il faut avancer. Point de nouvelle de Paris. C’est vues qu’il faut dire. A qui se rapporte ce mot vu ? De qui parlez-vous ? De vous et de Marion. Vous êtes femmes, donc le mot qui vous regarde doit être au féminin. Vous êtes deux femmes. Donc il doit être au pluriel. Est-ce clair ?
Adieu. Adieu.
Je vais faire ma toilette. Je la fais pour moi seul comme si je devais passer ma journée à voir du monde. Adieu. G.
6 heures
Je me lève. Voilà une vie tranquille et saine. J’écrirai, des lettres ou autre chose jusqu'à 10 heures. La poste arrive. C'est mon événement. Je lis mes lettres. Je descends dans le jardin. Je remonte et je fais ma toilette. A 11 heures, je déjeune. Je me promène. Je remonte dans mon Cabinet, et je lis mes journaux. D'une heure à 7, je travaille et je me promène. A 7 heures je dîne. Après mon dîner, j'arrose mes fleurs une demi-heure. Je rentre et je lis jusqu'à 10 heures. Pas une âme, pas une voix, autre que mon valet de chambre et mon jardinier. On va commencer à savoir dans le pays que je suis arrivé, et on viendra un peu me voir. Nous parlerons de l'assemblée et du Président. Mais je resterai encore en grand repos.
Ma petite fille continue à aller mieux ; mais comme elle continue aussi à être fort délicate, je doute que le médecin d'Henriette lui permette de quitter Paris avant quinze jours. Je mettrai ce temps là à profit pour mon travail et pour mon repos.
Voilà donc la révolution Portugaise qui avorte comme les autres. Etrange temps où les révolutions sont si aisées à faire et si impossibles à poursuivre ! On ne les empêche jamais d’arriver ; mais dès qu'elles sont là, on les arrête. Je voudrais que le comte de Thomas vint à Paris l'hiver prochain. Je serais bien aise de le connaître. Que dites-vous de l'aplomb de Palmerston sur Pacifico ? et du bon sens anglais qui laisse tomber cette sottise sans mot dire, étant décidé à n'en pas renverser l’auteur ? Le vice originel du gouvernement représentatif, ce sont les paroles exagérées, et les paroles vaines tous les pays qui en essayent donnent à plein collier dans ce vice-là. L'Angleterre seule s’en défend ; elle sait parler bas, et même se taire.
10 heures
Je viens de lire mes lettres d'abord ; puis un coup d'œil sur les journaux. M. de Falloux me plaît, et le général Cavaignac m'amuse. Je lirai attentivement. J'en ai le temps. La campagne double la longueur de la vie. Vous allez mieux puisque vous ne m'en parlez pas. Vous ne me dites rien de Marion. Il me semble qu’elle doit être une grande ressource de conversation habituelle. A-t-elle autant d’esprit que de mouvement ? Ce n’est pas tout de remuer ; il faut avancer. Point de nouvelle de Paris. C’est vues qu’il faut dire. A qui se rapporte ce mot vu ? De qui parlez-vous ? De vous et de Marion. Vous êtes femmes, donc le mot qui vous regarde doit être au féminin. Vous êtes deux femmes. Donc il doit être au pluriel. Est-ce clair ?
Adieu. Adieu.
Je vais faire ma toilette. Je la fais pour moi seul comme si je devais passer ma journée à voir du monde. Adieu. G.
Val-Richer, Mardi 15 juillet 1851, François Guizot à Dorothée de Lieven
Collection : 1851 (1er janvier-10 novembre) : Guizot observateur des jeux de tensions entre le Président et l'Assemblée
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
Val Richer, Mardi 15 Juillet 1851
A toutes les perfections que possède Auguste, je voudrais bien qu’il ajoutât celle de bon cuisinier. Je n’ose vous dire de faire comme moi, quand le mouvement de bile se prolonge ; une petite, très petite pilule de très peu d'opium. Il ne faut pas jouer avec l'opium ; n'en prenez jamais que sur l’ordre d’un bon médecin en qui vous ayez confiance. Mais pour moi, la diète et une ou deux pilules mettent fin sûrement à cet ennui
Vous avez toujours eu l’esprit que vous avez. Mais vous en faisiez un usage très exclusif, la vie du monde et votre diplomatie Russe. Hors de là, vous ne pensiez à rien. Depuis vous avez découvert de nouveaux mondes. Vous en découvrez encore ; témoin M. de Maistre. Vous êtes, en tout, très exclusive, ce qui est singulier, étant très impartiale. Et ce qui est encore plus singulier, c’est que vous êtes beaucoup plus impartiale pour les personnes que pour les choses. Vous rendez volontiers justice à toutes les personnes, n'importe lesquelles. Mais pour les choses vous dédaignez souverainement, ou vous ne voyez pas du tout celles qui ne rentrent pas dans vos habitudes et dans vos goûts de tous les jours.
J'ai reçu hier tous mes journaux, sauf les Débats qui, j'espère bien ne me manqueront pas aujourd’hui. Je n’y trouve rien d'important si ce n'est les trois élections qui viennent d'avoir lieu pour l'assemblée ; toutes trois Elyséennes, et deux en remplacement de deux rouges. C’est un symptôme remarquable. L’abstention systématique des légitimistes et des rouges est remarquable aussi. La loi du 31 mai en est bien atteinte. Dans une élection générale, l'abstention n'aurait certainement pas lieu ; mais de graves désordres la remplaceraient. Il faudrait un gouvernement bien fort pour faire pratiquer en paix un système électoral qui rencontre une si forte opposition. Un autre fait qui mérite d'être remarqué, c’est la guerre déclarée, dans le soin du parti légitimiste entre l'Union, et l'Opinion publique, le journal de Berryer, et celui de M. de St Priest. Le Duc de Lévis doit être désolé. Il employait tout ce qu’il a d'influence à prévenir l'explosion de la scission. La scission n’ira pas jusqu'à brouiller les individus ; mais elle troublera la marche du parti. Ni uni, ni divisé ; c'est le caractère du temps, et le symptôme d’une transformation.
10 heures
Sachez donc une fois pour toutes, je vous en prie, que toutes vos lettres sont intéressantes pour moi. Mon bulletin de l'Assemblée à la fin de la séance du 14, me dit. " M. de Falloux vient de parler avec un grand talent, beaucoup d'élévation et d'habilité. Il a franchement arboré le drapeau de la fusion. L'assemblée est restée froide. Nous ne sommes pas encore compris. M. de Falloux a répondu très heureusement au mot de M. Thiers : " la république est le gouvernement qui nous divise le moins. " - " C'est le gouvernement, a-t-il dit, qui nous tient divisés, puisqu'il, nous permet de rester divisés." - Le discours a été court sans être écouté. La force physique manquait. " Ceci vous arrive par un long détour. Je vous l'envoie pourtant. J'aurai un bulletin tous les jours ; les impressions intérieures de l'Assemblée. Adieu. Adieu. G.
A toutes les perfections que possède Auguste, je voudrais bien qu’il ajoutât celle de bon cuisinier. Je n’ose vous dire de faire comme moi, quand le mouvement de bile se prolonge ; une petite, très petite pilule de très peu d'opium. Il ne faut pas jouer avec l'opium ; n'en prenez jamais que sur l’ordre d’un bon médecin en qui vous ayez confiance. Mais pour moi, la diète et une ou deux pilules mettent fin sûrement à cet ennui
Vous avez toujours eu l’esprit que vous avez. Mais vous en faisiez un usage très exclusif, la vie du monde et votre diplomatie Russe. Hors de là, vous ne pensiez à rien. Depuis vous avez découvert de nouveaux mondes. Vous en découvrez encore ; témoin M. de Maistre. Vous êtes, en tout, très exclusive, ce qui est singulier, étant très impartiale. Et ce qui est encore plus singulier, c’est que vous êtes beaucoup plus impartiale pour les personnes que pour les choses. Vous rendez volontiers justice à toutes les personnes, n'importe lesquelles. Mais pour les choses vous dédaignez souverainement, ou vous ne voyez pas du tout celles qui ne rentrent pas dans vos habitudes et dans vos goûts de tous les jours.
J'ai reçu hier tous mes journaux, sauf les Débats qui, j'espère bien ne me manqueront pas aujourd’hui. Je n’y trouve rien d'important si ce n'est les trois élections qui viennent d'avoir lieu pour l'assemblée ; toutes trois Elyséennes, et deux en remplacement de deux rouges. C’est un symptôme remarquable. L’abstention systématique des légitimistes et des rouges est remarquable aussi. La loi du 31 mai en est bien atteinte. Dans une élection générale, l'abstention n'aurait certainement pas lieu ; mais de graves désordres la remplaceraient. Il faudrait un gouvernement bien fort pour faire pratiquer en paix un système électoral qui rencontre une si forte opposition. Un autre fait qui mérite d'être remarqué, c’est la guerre déclarée, dans le soin du parti légitimiste entre l'Union, et l'Opinion publique, le journal de Berryer, et celui de M. de St Priest. Le Duc de Lévis doit être désolé. Il employait tout ce qu’il a d'influence à prévenir l'explosion de la scission. La scission n’ira pas jusqu'à brouiller les individus ; mais elle troublera la marche du parti. Ni uni, ni divisé ; c'est le caractère du temps, et le symptôme d’une transformation.
10 heures
Sachez donc une fois pour toutes, je vous en prie, que toutes vos lettres sont intéressantes pour moi. Mon bulletin de l'Assemblée à la fin de la séance du 14, me dit. " M. de Falloux vient de parler avec un grand talent, beaucoup d'élévation et d'habilité. Il a franchement arboré le drapeau de la fusion. L'assemblée est restée froide. Nous ne sommes pas encore compris. M. de Falloux a répondu très heureusement au mot de M. Thiers : " la république est le gouvernement qui nous divise le moins. " - " C'est le gouvernement, a-t-il dit, qui nous tient divisés, puisqu'il, nous permet de rester divisés." - Le discours a été court sans être écouté. La force physique manquait. " Ceci vous arrive par un long détour. Je vous l'envoie pourtant. J'aurai un bulletin tous les jours ; les impressions intérieures de l'Assemblée. Adieu. Adieu. G.
Ems, Mardi 15 juillet 1851, Dorothée de Lieven à François Guizot
Collection : 1851 (1er janvier-10 novembre) : Guizot observateur des jeux de tensions entre le Président et l'Assemblée
Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
Ems le 15 juillet 1851, Mardi
Voici du renfort. La duchesse d'Istrie & d’Haubersaert sont tombées chez moi hier soir à ma grande joie. Comme je reçois bien les gens quand je m'ennuie. Le Prince George est venu un moment après, subitement touché de la beauté de Madame d'Istrie. Cela plaît à Duchâtel aussi. Il m’a envoyé ce matin toutes ses lettres de Paris parfaitement conformes aux vôtres. Nous allons être curieux ici comme vous au Val-Richer de la discussion de la semaine. Je ne crois pas qu’elle offre rien de très vif.
Marion me fait certainement une grande ressource. Elle me fait bien rire. Petite républicaine qui ne veut absolument pas dire Monseigneur au prince de Prusse, cela lui reste dans le gosier. Elle se moque de lui pas mal, elle lui trouve l'air d'une bête fauve innocente, mais qui a de l’esprit. Bouteneff est venu me voir. Esprit droit, sensé, & doux. Il vient de Pétersbourg. Il sera bon à l’usage. Grand ami d’Alexandre, qu'il me donne pour un bien bon fils. Cela me fait du bien à entendre. Duchâtel veut faire demain une partie à Stolzenfels avec la duchesse d’Istrie et Marion et d'Haubersaert. Ils vont s’amuser. Le temps est toujours à la pluie, au vent, au froid. C’est détestable. Je bois, & je baigne. Les princes Belges sont arrivés hier avec un grand train. Cela avait très bon air. J'ai beaucoup de goût à tout ce qui a l'air royal. Adieu voyez comme je vous écris des lettres intéressantes.
Adieu encore.
Voici du renfort. La duchesse d'Istrie & d’Haubersaert sont tombées chez moi hier soir à ma grande joie. Comme je reçois bien les gens quand je m'ennuie. Le Prince George est venu un moment après, subitement touché de la beauté de Madame d'Istrie. Cela plaît à Duchâtel aussi. Il m’a envoyé ce matin toutes ses lettres de Paris parfaitement conformes aux vôtres. Nous allons être curieux ici comme vous au Val-Richer de la discussion de la semaine. Je ne crois pas qu’elle offre rien de très vif.
Marion me fait certainement une grande ressource. Elle me fait bien rire. Petite républicaine qui ne veut absolument pas dire Monseigneur au prince de Prusse, cela lui reste dans le gosier. Elle se moque de lui pas mal, elle lui trouve l'air d'une bête fauve innocente, mais qui a de l’esprit. Bouteneff est venu me voir. Esprit droit, sensé, & doux. Il vient de Pétersbourg. Il sera bon à l’usage. Grand ami d’Alexandre, qu'il me donne pour un bien bon fils. Cela me fait du bien à entendre. Duchâtel veut faire demain une partie à Stolzenfels avec la duchesse d’Istrie et Marion et d'Haubersaert. Ils vont s’amuser. Le temps est toujours à la pluie, au vent, au froid. C’est détestable. Je bois, & je baigne. Les princes Belges sont arrivés hier avec un grand train. Cela avait très bon air. J'ai beaucoup de goût à tout ce qui a l'air royal. Adieu voyez comme je vous écris des lettres intéressantes.
Adieu encore.
Ems, Lundi 14 juillet 1851, Dorothée de Lieven à François Guizot
Collection : 1851 (1er janvier-10 novembre) : Guizot observateur des jeux de tensions entre le Président et l'Assemblée
Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
Ems le 14 juillet 1851
Je vois par une lettre de Lady Allen que le vote by ballot emporté à la ch. des communes n’a pas fait le moindre effet. Cela ne veut rien dire du tout, personne n’a combattu car on sait bien que cela ne peut pas passer. Les ministres traitent toujours ces choses là avec dédain. Elle me dit que le Parlement va être très prochainement prorogée.
Le temps se relève un peu aujourd’hui. Hier soir rien que Duchâtel & le piquet. Il se trouve très at home chez moi. Moi je le trouve original. Au fond il n’y a personne qui ne le soit un peu. Plus nous rabâchons & plus nous sommes contents de Claremont. Mais je répète, la situation de Berryer vis-à-vis la proposition Creton va en devenir embarrassante. Notre situation à Copenhagen est très puissante. Celle de l’Angle terre bien faible. A Vienne nous commandons à Berlin on nous obéit et au delà (La réaction va trop vite.) Tout ceci de notre part avec les formes les plus modestes. Radowitz conserve sa correspondance privée avec le roi. Cela reste un sujet d'inquiétude pour l’avenir. Dans le moment tout va bien. Voilà ce que j’ai relevé de mon diplomate à Copenhagen. Je verrai celui de Rome sans doute aujourd’hui. La duchesse d’Istrie est arrivée aujourd’hui. J’en suis bien aise. Adieu.
Votre lettre de vendredi me fait adresser ceci au Val-Richer. Hier j’ai écrit à Paris. Marion vous dit mille souvenirs.
Je vois par une lettre de Lady Allen que le vote by ballot emporté à la ch. des communes n’a pas fait le moindre effet. Cela ne veut rien dire du tout, personne n’a combattu car on sait bien que cela ne peut pas passer. Les ministres traitent toujours ces choses là avec dédain. Elle me dit que le Parlement va être très prochainement prorogée.
Le temps se relève un peu aujourd’hui. Hier soir rien que Duchâtel & le piquet. Il se trouve très at home chez moi. Moi je le trouve original. Au fond il n’y a personne qui ne le soit un peu. Plus nous rabâchons & plus nous sommes contents de Claremont. Mais je répète, la situation de Berryer vis-à-vis la proposition Creton va en devenir embarrassante. Notre situation à Copenhagen est très puissante. Celle de l’Angle terre bien faible. A Vienne nous commandons à Berlin on nous obéit et au delà (La réaction va trop vite.) Tout ceci de notre part avec les formes les plus modestes. Radowitz conserve sa correspondance privée avec le roi. Cela reste un sujet d'inquiétude pour l’avenir. Dans le moment tout va bien. Voilà ce que j’ai relevé de mon diplomate à Copenhagen. Je verrai celui de Rome sans doute aujourd’hui. La duchesse d’Istrie est arrivée aujourd’hui. J’en suis bien aise. Adieu.
Votre lettre de vendredi me fait adresser ceci au Val-Richer. Hier j’ai écrit à Paris. Marion vous dit mille souvenirs.
Alverbank Gosport, le 14 juillet 1851, John Croker à François Guizot
Collection : 178_Lettres de John Croker : 1837-1857
Auteurs : Croker, John-Wilson (1780-1857)
Paris, le 14 juillet 1851, Gabriel Moulin à François Guizot
Collection : 158_Lettres de Gabriel Moulin à Guizot : 1843-1870
Auteurs : Moulin, Gabriel (1810-1873)
Ems, Dimanche 13 juillet 1851, Dorothée de Lieven à François Guizot
Collection : 1851 (1er janvier-10 novembre) : Guizot observateur des jeux de tensions entre le Président et l'Assemblée
Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
Ems Dimanche 13 juillet 1851
Voilà enfin votre récit et très détaillé, très intéressant de la visite à Claremont. Au total c'est très bon. Je n’ai point de nouvelle. Une lettre de Berlin de mon fils Alexandre qui y est arrivé très malade, qui ne peut pas marcher, & qui s'emballait cependant pour la Courlande.
Hier soir le prince George, & Beroldingen, Duchâtel profondément ennuyé mais moqueur, il y a de quoi. Le prince connaît beaucoup Melle Rachel. Il vient à Paris [?] et va chez elle tous les jours. Il la trouve bien belle et une bonne diseuse. Voilà comme il caractérise son talent. Marion et Duchâtel crèvent de rire. Au fait Duchâtel aime mieux les patiences que les princes.
L'accueil à Claremont, & le hint à Berryer vont faire un embarras pour la proposition Creton. Comment s'opposer après cela ? Changarnier était-il prévenu du voyage ? Je crois que non. Je suis bien ennuyé de vous savoir incommodé. Et puis voilà mes lettres qui s’en vont au Val Richer vous l'avez voulu ainsi. Vous me l'avez écrit. J’espère bien que celle-ci vous y trouvera. Le temps est toujours laid. Hier arrive. J’ai été me promener sous la galerie des boutiques, [Flanguin] à gauche par le duc de Saxe Meiningen à droite Le Prince George de Prusse. Devant moi le Landgrave de Hesse. Et puis, néant, pas une âme de connaissance. Duchâtel va être charmé de lire votre lettre. Il vient toujours & à 1/2 après mon bain & puis le soir. Je le renvoie dans ma voiture fermée, car il a peur de l'air du soir. He takes good care of himself. Adieu. Adieu, remettez-vous & écrivez-moi toujours tout. Nous sommes très à sec ici malgré la pluie ! Adieu.
Je me décide à adresser ceci à Paris. Vous pourriez y être encore si votre petite fille était malade et en tout cas Pauline est là pour vous la faire passer. Mes précédentes lettres sont allées au Val-Richer.
Voilà enfin votre récit et très détaillé, très intéressant de la visite à Claremont. Au total c'est très bon. Je n’ai point de nouvelle. Une lettre de Berlin de mon fils Alexandre qui y est arrivé très malade, qui ne peut pas marcher, & qui s'emballait cependant pour la Courlande.
Hier soir le prince George, & Beroldingen, Duchâtel profondément ennuyé mais moqueur, il y a de quoi. Le prince connaît beaucoup Melle Rachel. Il vient à Paris [?] et va chez elle tous les jours. Il la trouve bien belle et une bonne diseuse. Voilà comme il caractérise son talent. Marion et Duchâtel crèvent de rire. Au fait Duchâtel aime mieux les patiences que les princes.
L'accueil à Claremont, & le hint à Berryer vont faire un embarras pour la proposition Creton. Comment s'opposer après cela ? Changarnier était-il prévenu du voyage ? Je crois que non. Je suis bien ennuyé de vous savoir incommodé. Et puis voilà mes lettres qui s’en vont au Val Richer vous l'avez voulu ainsi. Vous me l'avez écrit. J’espère bien que celle-ci vous y trouvera. Le temps est toujours laid. Hier arrive. J’ai été me promener sous la galerie des boutiques, [Flanguin] à gauche par le duc de Saxe Meiningen à droite Le Prince George de Prusse. Devant moi le Landgrave de Hesse. Et puis, néant, pas une âme de connaissance. Duchâtel va être charmé de lire votre lettre. Il vient toujours & à 1/2 après mon bain & puis le soir. Je le renvoie dans ma voiture fermée, car il a peur de l'air du soir. He takes good care of himself. Adieu. Adieu, remettez-vous & écrivez-moi toujours tout. Nous sommes très à sec ici malgré la pluie ! Adieu.
Je me décide à adresser ceci à Paris. Vous pourriez y être encore si votre petite fille était malade et en tout cas Pauline est là pour vous la faire passer. Mes précédentes lettres sont allées au Val-Richer.
Ems, Samedi 12 juillet 1851, Dorothée de Lieven à François Guizot
Collection : 1851 (1er janvier-10 novembre) : Guizot observateur des jeux de tensions entre le Président et l'Assemblée
Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
Ems Samedi le 12 Juillet 1851
Je suis étonnée que vous ne me disiez pas un mot des visiteurs à Claremont. Nous n'en savons des nouvelles que par l’Indépendance Belge qui raconte le fait et le bon accueil ! Je n’ai pas lu le rapport de M. de Tocqueville. C’est trop long. Je me contente de ce que vous m’en dites. Vous faites comme a fait dit-on l’Assemblée. Ni contente, ni fâchée seulement elle ne manifeste pas comme vous sa surprise de l'omission des questions capitales. Nous allons être curieux ici de la discussion. C’est insoutenable d’être si loin des nouvelles. Les postes sont sauvages. A moins d’aller lire au Cabinet de lecture il faut attendre 24 heures.
Duchâtel hier toute la soirée, patience, piquet, bavardage. Cela va très bien. Vous ai-je dit que le comte Beroldingen est ici ? Ancien collègue de Wurtemberg à Londres l’année 1814. Depuis & pendant 25 ans premier ministre dans son pays. Aujourd’hui en retraite, riche, bien portant & bon homme. Voilà de la pluie encore. C’est abominable. Adieu. Adieu. Vitel & [Malat] écrivent de mercredi à Duchâtel que vous me mandez tous les détails des voyageurs. Et votre lettre, de mercredi aussi, n’en parle seulement pas. Duchâtel est furieux. Quelle [?]. Voilà ce que c'est de se fier les uns sur les autres !
Adieu !
Je suis étonnée que vous ne me disiez pas un mot des visiteurs à Claremont. Nous n'en savons des nouvelles que par l’Indépendance Belge qui raconte le fait et le bon accueil ! Je n’ai pas lu le rapport de M. de Tocqueville. C’est trop long. Je me contente de ce que vous m’en dites. Vous faites comme a fait dit-on l’Assemblée. Ni contente, ni fâchée seulement elle ne manifeste pas comme vous sa surprise de l'omission des questions capitales. Nous allons être curieux ici de la discussion. C’est insoutenable d’être si loin des nouvelles. Les postes sont sauvages. A moins d’aller lire au Cabinet de lecture il faut attendre 24 heures.
Duchâtel hier toute la soirée, patience, piquet, bavardage. Cela va très bien. Vous ai-je dit que le comte Beroldingen est ici ? Ancien collègue de Wurtemberg à Londres l’année 1814. Depuis & pendant 25 ans premier ministre dans son pays. Aujourd’hui en retraite, riche, bien portant & bon homme. Voilà de la pluie encore. C’est abominable. Adieu. Adieu. Vitel & [Malat] écrivent de mercredi à Duchâtel que vous me mandez tous les détails des voyageurs. Et votre lettre, de mercredi aussi, n’en parle seulement pas. Duchâtel est furieux. Quelle [?]. Voilà ce que c'est de se fier les uns sur les autres !
Adieu !
Paris, Samedi 12 juillet 1851, François Guizot à Dorothée de Lieven
Collection : 1851 (1er janvier-10 novembre) : Guizot observateur des jeux de tensions entre le Président et l'Assemblée
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
Paris, Samedi 12 Juillet 1851
8 heures
La rumeur de la visite à Claremont, va croissant. Et aussi l'humeur en certains lieux. On dit que le Président et ses ministres en sont très préoccupés. Je le comprendrais s'ils étaient, comme moi, des philosophes patients et regardant au loin dans l'avenir. Mais pour des hommes d'affaires et d'affaires à courte échéance, je m'en étonne. Ils sont bien bons. Le fait n'a pas d’importance directe et prochaine. On n’a rien réglé, rien avancé ; on est resté dans la situation où l'on était, et que l’en connaissait. Seulement on s’est mutuellement exprimé des sentiments, et fait des politesses qui un jour rendront l’événement plus facile et qui, d’ici là, rendent tout autre événement plus difficile. C'est beaucoup à mon avis ; mais ce n’est pas redoutable pour 1852.
J'ai dîné hier à Passy, chez François Delessert. J’ai été frappé de la vivacité du sentiment des femmes de la famille pour Mad. la Duchesse d'Orléans, ses enfants, ses droits & C'est comme Mad. de Ségur, Mad. de Vatry, Mad. Rothschild &. Il faut que l’idée de la légitimité monarchique soit bien naturelle, car elle naît bien vite. Mais en même temps, on est bien aise, là, de tous les symptômes de conciliation et de paix entre les personnes et les partis. Si le mot de fusion était venu s'en mêler, c'eût été autre chose ; on l'aurait repoussé. Mais on aime la conciliation, et on me questionnait sur la visite avec bienveillance et en s'en félicitant.
La poste est venue et ne m'a rien apporté de vous. Vous m'aurez-peut-être déjà écrit au Val Richer. Je pars toujours ce soir, sans savoir quel jour ma fille aînée pourra venir me rejoindre ; il faut que son enfant soit tout-à-fait bien. Elle a confiance dans le médecin qui la soigne ici. Je travaillerai je lirai et je me promènerai en attendant.
Une heure
Je renvoie les visiteurs et je ferme ma porte ; je n'aurais pas le temps de ranger mes papiers et de faire mes malles. Dumon a causé hier longtemps avec Bocher qui est parti de Claremont après les visiteurs. Le dire de Bocher, confirme pleinement le récit de Berryer.
Voici deux phrases assez significatives, dans la conversation au moment où il était question de l’exil des Princes, le duc de Nemours a dit : " M. le comte de Chambord peut être bien certain que nous ne désirons, et que nous ne tenterons rien contre ses intérêts. Ceci allait à l'adresse de la proposition Creton, et pour écarter la crainte d’un coup de moins régentiste. Bocher a conduit la Reine mardi au chemin de fer d’Edimbourg ; elle lui a dit : " Nous avons été très contents d'eux et j’espère qu’ils ont été contents de nous. " Thiers, Lasteyrie, et Duvergier de Hauranne sont visiblement troublés et fâchés.
Ma petite fille va mieux mais doucement. Adieu. Adieu.
Je compte trouver votre lettre demain, au Val Richer. Adieu. G. Grande réunion hier soir à la rue de Rivoli. MM. Nettement et Léo de Laborde ont vivement poussé Berryer pour qu’il leur redit tout ce qu’il était allé dire et tout ce qu'on lui avait dit. Il a vivement repoussé leur curiosité radicale, et avec très grand succès. Approbation presque unanime de la réunion. G.
8 heures
La rumeur de la visite à Claremont, va croissant. Et aussi l'humeur en certains lieux. On dit que le Président et ses ministres en sont très préoccupés. Je le comprendrais s'ils étaient, comme moi, des philosophes patients et regardant au loin dans l'avenir. Mais pour des hommes d'affaires et d'affaires à courte échéance, je m'en étonne. Ils sont bien bons. Le fait n'a pas d’importance directe et prochaine. On n’a rien réglé, rien avancé ; on est resté dans la situation où l'on était, et que l’en connaissait. Seulement on s’est mutuellement exprimé des sentiments, et fait des politesses qui un jour rendront l’événement plus facile et qui, d’ici là, rendent tout autre événement plus difficile. C'est beaucoup à mon avis ; mais ce n’est pas redoutable pour 1852.
J'ai dîné hier à Passy, chez François Delessert. J’ai été frappé de la vivacité du sentiment des femmes de la famille pour Mad. la Duchesse d'Orléans, ses enfants, ses droits & C'est comme Mad. de Ségur, Mad. de Vatry, Mad. Rothschild &. Il faut que l’idée de la légitimité monarchique soit bien naturelle, car elle naît bien vite. Mais en même temps, on est bien aise, là, de tous les symptômes de conciliation et de paix entre les personnes et les partis. Si le mot de fusion était venu s'en mêler, c'eût été autre chose ; on l'aurait repoussé. Mais on aime la conciliation, et on me questionnait sur la visite avec bienveillance et en s'en félicitant.
La poste est venue et ne m'a rien apporté de vous. Vous m'aurez-peut-être déjà écrit au Val Richer. Je pars toujours ce soir, sans savoir quel jour ma fille aînée pourra venir me rejoindre ; il faut que son enfant soit tout-à-fait bien. Elle a confiance dans le médecin qui la soigne ici. Je travaillerai je lirai et je me promènerai en attendant.
Une heure
Je renvoie les visiteurs et je ferme ma porte ; je n'aurais pas le temps de ranger mes papiers et de faire mes malles. Dumon a causé hier longtemps avec Bocher qui est parti de Claremont après les visiteurs. Le dire de Bocher, confirme pleinement le récit de Berryer.
Voici deux phrases assez significatives, dans la conversation au moment où il était question de l’exil des Princes, le duc de Nemours a dit : " M. le comte de Chambord peut être bien certain que nous ne désirons, et que nous ne tenterons rien contre ses intérêts. Ceci allait à l'adresse de la proposition Creton, et pour écarter la crainte d’un coup de moins régentiste. Bocher a conduit la Reine mardi au chemin de fer d’Edimbourg ; elle lui a dit : " Nous avons été très contents d'eux et j’espère qu’ils ont été contents de nous. " Thiers, Lasteyrie, et Duvergier de Hauranne sont visiblement troublés et fâchés.
Ma petite fille va mieux mais doucement. Adieu. Adieu.
Je compte trouver votre lettre demain, au Val Richer. Adieu. G. Grande réunion hier soir à la rue de Rivoli. MM. Nettement et Léo de Laborde ont vivement poussé Berryer pour qu’il leur redit tout ce qu’il était allé dire et tout ce qu'on lui avait dit. Il a vivement repoussé leur curiosité radicale, et avec très grand succès. Approbation presque unanime de la réunion. G.
Mots-clés : Autoportrait, Bonaparte, Charles-Louis-Napoléon (1808-1873), Conditions matérielles de la correspondance, Conversation, Enfants (Guizot), Famille royale (France), Femme (politique), Femme (statut social), Politique (Analyse), Politique (France), Réseau social et politique, Salon, Santé (enfants Guizot)
Paris, Vendredi 11 juillet 1851, François Guizot à Dorothée de Lieven
Collection : 1851 (1er janvier-10 novembre) : Guizot observateur des jeux de tensions entre le Président et l'Assemblée
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
Paris, Vendredi 11 Juillet 1851.
J’ai vu hier Berryer, et St Priest chez Molé. Ils sont très contents. M. de St Priest témoigne une crainte d’honnête homme que les journaux légitimistes ou fusionnistes n'enflent la visite, et ne prétendent en tirer ou en faire présumer autre chose, que ce qui s’y est réellement passé et dit. Elle faisait hier à l'Assemblée beaucoup d'effet. Thiers en a parlé à M. de St. Priest. " Vous avez donc été à Claremont ; vous y avez été bien reçu. C’est tout simple ; je suis sûr que si j’allais à Froshsdorff, M. le comte de Chambord me recevrait très bien. "
Le journal régentiste, l’Ordre, en parle ce matin avec une réserve inquiète, et pour empêcher qu’on n’y attache une importance politique. L'enfantillage dans le mensonge c’est la ressource des partis de mauvaise humeur.
J’ai fait votre commission sur le duc de Noailles auprès de M. Molé et j’y ai ajouté Berryer. Sauf la visite à Claremont, on ne s'occupe à l'Assemblée que du rapport Tocqueville et du débat qui se prépare. Les Elyséens et les Montagnards sont amers contre le Rapport. C’est M. de Lamartine qui ouvrira le débat. M. Payer s'est inscrit pour lui. Les chefs Républicains font tous leurs efforts pour que de leur côté, on soit modéré, et qu’on laisse tout dire. Le Duc de Broglie, que j’ai vu hier soir, est très préoccupé de son propre discours. Le vent est plus favorable à la révision qu’il y a huit jours au moins pour une grosse majorité. Fould est venu me voir avant-hier et Morny hier. Fould confiant, Morny inquiet. Morny craint des élections rouges. Si on continue d'aller à la dérive. On ne s’entendra pas dans le parti de l’ordre ; on n’aura pas une seule liste de candidats ; on ne sera pas de bonne humeur et en train, et les rouges passeront. Il cherche, sans trouver ce qu'on pourrait faire pour ne pas attendre le printemps prochain, et pour résoudre la question plutôt, de concert entre les pouvoirs aujourd'hui en vigueur ou par je ne sais quel appel inattendu au peuple, qui placerait tout le monde, Assemblée, président, électeurs, dans une situation nouvelle, et étrangère aux querelles de constitution et de légalité. Pure rêve d'un esprit prévoyant et inquiet. On me dit et il me l'a dit lui-même, que l'inquiétude de Morny pourrait bien provenir un peu de l'état de son propre département, le Puy de Dôme, où il craint fort que les rouges ne triomphent.
Que dites-vous du vote de la Chambre des Communes sur le ballot et du silence de Lord John ? Si c'était sérieux ce serait très sérieux. Je ne puis croire qu’une telle question soit ainsi décidée inopinément, par quelques membres et sans débat. On reviendra sur ce vote dans les Communes mêmes. Sinon, l’Angleterre serait bien plus malade que je ne le crois. A dire vrai, je la crois malade, c’est-à-dire que je crois que la maladie et là comme ailleurs. Mais je crois aussi qu’il y a là des forces saines, capables de résister et de vaincre. Je serais bien triste de me tromper. Adieu.
C'est bientôt en effet de vous ennuyer déjà. J’ai peur que l'ennui de Duchâtel ne vous guérisse pas du vôtre. Ma petite fille va mieux. J'en ai été un moment très inquiet. Si le mieux continue, je ne changerai rien à mes projets et je partirai demain soir pour le Val Richer. C'est de beaucoup le plus probable. Adieu, Adieu.
Mes amitiés à Marion.
J’ai vu hier Berryer, et St Priest chez Molé. Ils sont très contents. M. de St Priest témoigne une crainte d’honnête homme que les journaux légitimistes ou fusionnistes n'enflent la visite, et ne prétendent en tirer ou en faire présumer autre chose, que ce qui s’y est réellement passé et dit. Elle faisait hier à l'Assemblée beaucoup d'effet. Thiers en a parlé à M. de St. Priest. " Vous avez donc été à Claremont ; vous y avez été bien reçu. C’est tout simple ; je suis sûr que si j’allais à Froshsdorff, M. le comte de Chambord me recevrait très bien. "
Le journal régentiste, l’Ordre, en parle ce matin avec une réserve inquiète, et pour empêcher qu’on n’y attache une importance politique. L'enfantillage dans le mensonge c’est la ressource des partis de mauvaise humeur.
J’ai fait votre commission sur le duc de Noailles auprès de M. Molé et j’y ai ajouté Berryer. Sauf la visite à Claremont, on ne s'occupe à l'Assemblée que du rapport Tocqueville et du débat qui se prépare. Les Elyséens et les Montagnards sont amers contre le Rapport. C’est M. de Lamartine qui ouvrira le débat. M. Payer s'est inscrit pour lui. Les chefs Républicains font tous leurs efforts pour que de leur côté, on soit modéré, et qu’on laisse tout dire. Le Duc de Broglie, que j’ai vu hier soir, est très préoccupé de son propre discours. Le vent est plus favorable à la révision qu’il y a huit jours au moins pour une grosse majorité. Fould est venu me voir avant-hier et Morny hier. Fould confiant, Morny inquiet. Morny craint des élections rouges. Si on continue d'aller à la dérive. On ne s’entendra pas dans le parti de l’ordre ; on n’aura pas une seule liste de candidats ; on ne sera pas de bonne humeur et en train, et les rouges passeront. Il cherche, sans trouver ce qu'on pourrait faire pour ne pas attendre le printemps prochain, et pour résoudre la question plutôt, de concert entre les pouvoirs aujourd'hui en vigueur ou par je ne sais quel appel inattendu au peuple, qui placerait tout le monde, Assemblée, président, électeurs, dans une situation nouvelle, et étrangère aux querelles de constitution et de légalité. Pure rêve d'un esprit prévoyant et inquiet. On me dit et il me l'a dit lui-même, que l'inquiétude de Morny pourrait bien provenir un peu de l'état de son propre département, le Puy de Dôme, où il craint fort que les rouges ne triomphent.
Que dites-vous du vote de la Chambre des Communes sur le ballot et du silence de Lord John ? Si c'était sérieux ce serait très sérieux. Je ne puis croire qu’une telle question soit ainsi décidée inopinément, par quelques membres et sans débat. On reviendra sur ce vote dans les Communes mêmes. Sinon, l’Angleterre serait bien plus malade que je ne le crois. A dire vrai, je la crois malade, c’est-à-dire que je crois que la maladie et là comme ailleurs. Mais je crois aussi qu’il y a là des forces saines, capables de résister et de vaincre. Je serais bien triste de me tromper. Adieu.
C'est bientôt en effet de vous ennuyer déjà. J’ai peur que l'ennui de Duchâtel ne vous guérisse pas du vôtre. Ma petite fille va mieux. J'en ai été un moment très inquiet. Si le mieux continue, je ne changerai rien à mes projets et je partirai demain soir pour le Val Richer. C'est de beaucoup le plus probable. Adieu, Adieu.
Mes amitiés à Marion.
Ems, Vendredi 11 juillet 1851, Dorothée de Lieven à François Guizot
Collection : 1851 (1er janvier-10 novembre) : Guizot observateur des jeux de tensions entre le Président et l'Assemblée
Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
Ems, Vendredi 11 Juillet 1851
Etais-je donc si stérile et si bête l’année dernière ? Je n’ai pas un pauvre mot à vous dire. Personne et rien à Ems. Hier Duchâtel & Duchâtel. Quel bonheur qu'il soit ici ! Il dit cela peut être de moi, quoiqu'il ait des consolations. 30 & 40 & & &
Aujourd’hui 8 degrés, pluie battante & beaucoup de vent. Jugez tout ce que cela ajoute ! Pourquoi avez-vous refusé les Hatzfeld ? Je crains aussi que vous n’ayez oublié, Delmas. Ce serait un mauvais procédé pour moi. Molé a tenu parole, il y a été !
Kolb me demande un congé de huit jours pour aller voir ses parents à Augsbourg. Il prétend que Duchâtel tient très bien sa place. Le duc de Richelieu n'est pas venu encore.
Selon ce que vous m’en dites le rapport de M. de Tocqueville a l'air bien. Je serai curieuse de la discussion. Vraiment qu’est-ce qui arrivera en 52 ? Je crois toujours au Président, et cependant il m’arrive de temps en temps de douter, et plus souvent encore de trembler. Je voudrais bien prier tout le monde de laisser les choses comme elles sont. Pour mon goût elles sont très bien.
1 heure. Je viens de lire les journaux au Cabinet de lecture. Je vois que le travail de Tocqueville a été lu à l’Assemblée, que c’est une pièce importante, nous verrons. Je vois aussi que les voyageurs ont été reçus à Claremont. Vous me direz cela. Comme il fait très laid j'ai été au salon, Duchâtel était établi à la table de jeu. Absorbé. Et ne nous a pas vu. Dit-on vu-ou vues, ou vus. Voilà où je pêche toujours.
3 heures. Duchâtel est venu. il a fait des patiences, tiré les cartes, il nous a montré la rouge. & noire. Voilà les occupations d'Ems. Nous recommençons ce soir. Adieu. Adieu et encore de vos bonnes lettres. Adieu.
Etais-je donc si stérile et si bête l’année dernière ? Je n’ai pas un pauvre mot à vous dire. Personne et rien à Ems. Hier Duchâtel & Duchâtel. Quel bonheur qu'il soit ici ! Il dit cela peut être de moi, quoiqu'il ait des consolations. 30 & 40 & & &
Aujourd’hui 8 degrés, pluie battante & beaucoup de vent. Jugez tout ce que cela ajoute ! Pourquoi avez-vous refusé les Hatzfeld ? Je crains aussi que vous n’ayez oublié, Delmas. Ce serait un mauvais procédé pour moi. Molé a tenu parole, il y a été !
Kolb me demande un congé de huit jours pour aller voir ses parents à Augsbourg. Il prétend que Duchâtel tient très bien sa place. Le duc de Richelieu n'est pas venu encore.
Selon ce que vous m’en dites le rapport de M. de Tocqueville a l'air bien. Je serai curieuse de la discussion. Vraiment qu’est-ce qui arrivera en 52 ? Je crois toujours au Président, et cependant il m’arrive de temps en temps de douter, et plus souvent encore de trembler. Je voudrais bien prier tout le monde de laisser les choses comme elles sont. Pour mon goût elles sont très bien.
1 heure. Je viens de lire les journaux au Cabinet de lecture. Je vois que le travail de Tocqueville a été lu à l’Assemblée, que c’est une pièce importante, nous verrons. Je vois aussi que les voyageurs ont été reçus à Claremont. Vous me direz cela. Comme il fait très laid j'ai été au salon, Duchâtel était établi à la table de jeu. Absorbé. Et ne nous a pas vu. Dit-on vu-ou vues, ou vus. Voilà où je pêche toujours.
3 heures. Duchâtel est venu. il a fait des patiences, tiré les cartes, il nous a montré la rouge. & noire. Voilà les occupations d'Ems. Nous recommençons ce soir. Adieu. Adieu et encore de vos bonnes lettres. Adieu.
Ems, Jeudi 10 juillet 1851, Dorothée de Lieven à François Guizot
Collection : 1851 (1er janvier-10 novembre) : Guizot observateur des jeux de tensions entre le Président et l'Assemblée
Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
Ems Jeudi le 10 Juillet 1851
Vos lettres sont toujours intéressantes. Et les miennes. Quelle pauvreté ! Je me suis fort ménagée hier. Le temps était froid. J’ai vu le médecin d’Ems, il ne trouve pas que je doive suspendre les eaux. Mon indisposition ne sera rien.
Hier soir le Prince George de Prusse et Duchatel. Pas gai du tout. Le prince est très raide & lent. Mais nous lui croyons de l'esprit. Il en a sur sa figure. Duchatel ne s’est pas amusé ni Marion, ni moi ; cela ira mieux. Il me semble que Beauvais a parfaitement réussi !
Je reçois vos lettres à 7 heures du matin. Je crois vous l’avoir déjà dit. Les mêmes porteurs à la même heure ce qui fait qu’elles doivent être mises à la poste la veille avant 6 heures du soir. Quels sots arrangements.
Les enfants du Roi des Belges arrivent je crois aujourd’hui. Ils ont pris tout l’hôtel à côté du Panorama. Je suis bien fâché que le roi lui-même ne vienne pas. Montebello avait promis à Duchâtel de lui écrire de Londres. Il ne l’a pas fait, cela le fâche. J'écris à l'impératrice sans trop savoir quoi. Ma scribomanie.
Adieu. Adieu Duchâtel trouve que cela vous irait très bien d’être catholique. Je ne trouve pas.
Vos lettres sont toujours intéressantes. Et les miennes. Quelle pauvreté ! Je me suis fort ménagée hier. Le temps était froid. J’ai vu le médecin d’Ems, il ne trouve pas que je doive suspendre les eaux. Mon indisposition ne sera rien.
Hier soir le Prince George de Prusse et Duchatel. Pas gai du tout. Le prince est très raide & lent. Mais nous lui croyons de l'esprit. Il en a sur sa figure. Duchatel ne s’est pas amusé ni Marion, ni moi ; cela ira mieux. Il me semble que Beauvais a parfaitement réussi !
Je reçois vos lettres à 7 heures du matin. Je crois vous l’avoir déjà dit. Les mêmes porteurs à la même heure ce qui fait qu’elles doivent être mises à la poste la veille avant 6 heures du soir. Quels sots arrangements.
Les enfants du Roi des Belges arrivent je crois aujourd’hui. Ils ont pris tout l’hôtel à côté du Panorama. Je suis bien fâché que le roi lui-même ne vienne pas. Montebello avait promis à Duchâtel de lui écrire de Londres. Il ne l’a pas fait, cela le fâche. J'écris à l'impératrice sans trop savoir quoi. Ma scribomanie.
Adieu. Adieu Duchâtel trouve que cela vous irait très bien d’être catholique. Je ne trouve pas.
Paris, Mercredi 9 juillet 1851, François Guizot à Dorothée de Lieven
Collection : 1851 (1er janvier-10 novembre) : Guizot observateur des jeux de tensions entre le Président et l'Assemblée
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
Paris, Mercredi 9 Juillet 1851
8 heures
Les journaux vous apportent le rapport de M. de Tocqueville. Tout a marché plus vite qu'on ne croyait. Il n’en sera probablement pas de même du débat. 55 orateurs inscrits, sans compter les incidents ! Le Président ne posera pas sa candidature à la présidence de la République plus clairement que M. Od. Barrot n'a posé la sienne à la Présidence du Conseil du Président réélu.
J’ai éprouvé tout à l'heure, en lisant ce rapport une singulière impression de surprise et de malaise. J'attendais toujours qu’il parlât des deux questions auxquelles le sort de ce pays est suspendu, la question socialiste et la question monarchique. Qui dominera dans notre société le haut ou le bas de la population ? Dans quel gouvernement s’arrêtera la France, la République ou la Monarchie ? Voilà de quoi il s’agit vraiment, et de cela presque pas un mot. Tout cela est renvoyé à l'assemblée constituante qui viendra, si elle vient. La crainte de la réélection inconstitutionnelle du Président et la mauvaise organisation constitutionnelle de la République, voilà les motifs dominants, et seuls développés de la révision ! Je ne connais pas de plus forte preuve de l'ineffable timidité et faiblesse des esprits et des cœurs. Il me paraît impossible que le débat public ne pousse pas plus avant. Qui sait pourtant ?
Voilà votre lettre de samedi. J'espère que nous avons ressaisi le fil et qu’il ne se rompra plus. L'absence est déjà beaucoup trop ; mais le silence dans l'absence est insupportable. Je suis content que vous soyez contente d'Ems. Et très content de ce qu'on vous a dit à Bruxelles. Cela confirme la lettre d'Aberdeen. Je n'espère que de ce côté-là un peu d'influence sur Claremont. Il se peut qu’on se soit trompé ici sur l'effet produit là par la lettre du comte de Chambord au moment du vote sur la proposition Créton, et c'est grand dommage. Pourtant, je doute beaucoup de ce qui serait arrivé, si le vote eût été autre. Les bonnes intentions auraient-elles suffi pour résister au courant ? Je n'ai rien de plus. Je suis resté chez moi avant-hier et hier soir, un peu souffrant. Cela passe. Moi aussi j'ai besoin de sortir de Paris et de changer d'air.
Dans son discours à Beauvais, le Président, en parlant de Jeanne d'Arc et de Jeanne Hachette, a dit, et trés vivement : " Elles marchaient en avant aux cris de vive le Roi ! Vive la France ! " Vous jugez de l'effet. Les Ministres ont retranché, cette phrase dans Le Moniteur. Adieu. Adieu. J’ai ce matin chez moi, à midi, le baptême des mes deux petites-filles. Je vais faire ma toilette. Adieu. G.
8 heures
Les journaux vous apportent le rapport de M. de Tocqueville. Tout a marché plus vite qu'on ne croyait. Il n’en sera probablement pas de même du débat. 55 orateurs inscrits, sans compter les incidents ! Le Président ne posera pas sa candidature à la présidence de la République plus clairement que M. Od. Barrot n'a posé la sienne à la Présidence du Conseil du Président réélu.
J’ai éprouvé tout à l'heure, en lisant ce rapport une singulière impression de surprise et de malaise. J'attendais toujours qu’il parlât des deux questions auxquelles le sort de ce pays est suspendu, la question socialiste et la question monarchique. Qui dominera dans notre société le haut ou le bas de la population ? Dans quel gouvernement s’arrêtera la France, la République ou la Monarchie ? Voilà de quoi il s’agit vraiment, et de cela presque pas un mot. Tout cela est renvoyé à l'assemblée constituante qui viendra, si elle vient. La crainte de la réélection inconstitutionnelle du Président et la mauvaise organisation constitutionnelle de la République, voilà les motifs dominants, et seuls développés de la révision ! Je ne connais pas de plus forte preuve de l'ineffable timidité et faiblesse des esprits et des cœurs. Il me paraît impossible que le débat public ne pousse pas plus avant. Qui sait pourtant ?
Voilà votre lettre de samedi. J'espère que nous avons ressaisi le fil et qu’il ne se rompra plus. L'absence est déjà beaucoup trop ; mais le silence dans l'absence est insupportable. Je suis content que vous soyez contente d'Ems. Et très content de ce qu'on vous a dit à Bruxelles. Cela confirme la lettre d'Aberdeen. Je n'espère que de ce côté-là un peu d'influence sur Claremont. Il se peut qu’on se soit trompé ici sur l'effet produit là par la lettre du comte de Chambord au moment du vote sur la proposition Créton, et c'est grand dommage. Pourtant, je doute beaucoup de ce qui serait arrivé, si le vote eût été autre. Les bonnes intentions auraient-elles suffi pour résister au courant ? Je n'ai rien de plus. Je suis resté chez moi avant-hier et hier soir, un peu souffrant. Cela passe. Moi aussi j'ai besoin de sortir de Paris et de changer d'air.
Dans son discours à Beauvais, le Président, en parlant de Jeanne d'Arc et de Jeanne Hachette, a dit, et trés vivement : " Elles marchaient en avant aux cris de vive le Roi ! Vive la France ! " Vous jugez de l'effet. Les Ministres ont retranché, cette phrase dans Le Moniteur. Adieu. Adieu. J’ai ce matin chez moi, à midi, le baptême des mes deux petites-filles. Je vais faire ma toilette. Adieu. G.
Paris, Mardi 8 juillet 1851, François Guizot à Dorothée de Lieven
Collection : 1851 (1er janvier-10 novembre) : Guizot observateur des jeux de tensions entre le Président et l'Assemblée
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
Paris, Mardi 8 Juillet 1851
M. Vitet et M. Moulin sont venus hier à 5 heures. L’un quittait le Gal Changarnier ; l'autre sortait de le Commission de révision où le Rapport de M. de Tocqueville venait d'être lu. Rapport pas trop républicain. La république est encore le seul gouvernement possible ; il faut en prolonger l’expérience, mais ne pas prétendre y lier définitivement le pays. Il est le maître de choisir le gouvernement qui lui convient, et l'assemblée constituante sera la maîtresse d’exprimer comme elle l’entendra, le vœu du pays. On ne peut limiter, ni la souveraineté nationale, ni le pouvoir constituant. En attendant, il faut observer strictement la légalité, seul frein qui subsiste encore, et la faire observer, à tous ceux qui voudraient la violer.
Le ton du Rapport est triste, très triste, connu d’un homme sans confiance dans les gouvernements qu’il préfère et dans le pays qu’il invoque. Les Montagnards s’en sont montrés surpris, et mécontents. Le Gal Cavaignac a dit à M. de Tocqueville : " C'est le moins de mal que vous ayez pu dire de nous. " selon M. Charras, c’est de la métaphysique bien vague ; il faut du temps pour la comprendre. "
Ils ont demandé, l'impression immédiate du Rapport pour eux seuls et du temps. Ils le discuteront aujourd’hui et demain. On croit qu'il ne sera déposé que jeudi, et que le débat ne commencera que le jeudi suivant 17. Après la séance de la Commission les révisionnistes se sont réunis chez le duc de Broglie pour arrêter la liste des orateurs qui doivent parler et s'inscrire pour la révision. M. de Montalembert très ardent, poussant tout le monde à parler ; ce qu’il faudrait, dit-il, ce serait que les 233 membres, qui ont signé pour demander la révision, s’inscrivissent pour la soutenir. Il s'est plaint du rigorisme excessif du rapport quant à la légalité. " Il n'y a pas moyen de nous plaindre, lui a dit le duc de Broglie, ni de parler autrement ; nous pouvons subir l’illégalité ; nous ne pouvons pas l'autoriser et l'accepter d'avance. "
On a dressé la liste des Orateurs ; une douzaine environ, MM de Montalembert, Broglie, Daru, Beugnot, Goulard, O. Barrot, Berryer, Falloux, Kerdrel & &. O. Barrot prêchant avec passion, la prudence, la modération " On sera très violent contre le Président ; il faut être très doux, jeter de l’eau froide. " Il fait sur tout le monde l'effet d’une ambition impatiente et sénile, qui veut arriver, qui se croit près d’arriver, et qui meurt de peur qu’on ne la dérange, ou qu’on ne lui impose des efforts qu'elle ne pourrait pas faire. On ne sait pas encore si beaucoup de Montagnards parleront, et lesquels. On s’attend à un débat long, violent, confus et plein d’incidents.
Changarnier est triste et inquiet. Il y a évidemment recrudescence de mouvement Bonapartiste et de timidité parmi les anti bonapartistes. L’intérêt électoral gouvernera tout le monde. Dans les masses, Changarnier est un candidat inconnu. Pour lui donner quelques chances, il faudrait écarter d'avance, et absolument au nom de la légalité, les trois candidats connus Le Napoléon, le Prince de Joinville & Ledru Rollin, Est-ce faisable ? En allant à Beauvais, le Président a été harangué à Clermont-Oise, par le Président du tribunal qui lui a dit : " Vous avez été élu il y a trois ans ; vous serez réélu l'an prochain, quoiqu'on fasse, et quoi qu'on dise. " Cette boutade inconstitutionnelle de la part d'un magistrat, a fait quelque rumeur. Le Président n’a rien répondu. Thiers ne songe qu'au libre échange. Michel Chevalier voyage pour recueillir des faits contre son discours. Thiers en recueille pour le défendre. Duvergier de Hauranne revient de Claremont, et se loue de l'accueil qu’il y a reçu. Je n'ai encore point de nouvelles, des autres voyageurs. Il en viendra probablement aujourd’hui. Je pars toujours samedi. J’ai été un peu incommodé hier ; ce n'est rien. Les Hatzfeldt m’ont engagé à dîner pour Jeudi. Je n'irai pas. Je mettrai quelques cartes p.p.c. Adieu.
J’ai bien peur de ne pas avoir ce matin une lettre d'Ems. L'Allemagne ne me ressemble pas ; elle ne prend ni la ligne droite, ni le chemin le plus court. Adieu, Adieu.G.
M. Vitet et M. Moulin sont venus hier à 5 heures. L’un quittait le Gal Changarnier ; l'autre sortait de le Commission de révision où le Rapport de M. de Tocqueville venait d'être lu. Rapport pas trop républicain. La république est encore le seul gouvernement possible ; il faut en prolonger l’expérience, mais ne pas prétendre y lier définitivement le pays. Il est le maître de choisir le gouvernement qui lui convient, et l'assemblée constituante sera la maîtresse d’exprimer comme elle l’entendra, le vœu du pays. On ne peut limiter, ni la souveraineté nationale, ni le pouvoir constituant. En attendant, il faut observer strictement la légalité, seul frein qui subsiste encore, et la faire observer, à tous ceux qui voudraient la violer.
Le ton du Rapport est triste, très triste, connu d’un homme sans confiance dans les gouvernements qu’il préfère et dans le pays qu’il invoque. Les Montagnards s’en sont montrés surpris, et mécontents. Le Gal Cavaignac a dit à M. de Tocqueville : " C'est le moins de mal que vous ayez pu dire de nous. " selon M. Charras, c’est de la métaphysique bien vague ; il faut du temps pour la comprendre. "
Ils ont demandé, l'impression immédiate du Rapport pour eux seuls et du temps. Ils le discuteront aujourd’hui et demain. On croit qu'il ne sera déposé que jeudi, et que le débat ne commencera que le jeudi suivant 17. Après la séance de la Commission les révisionnistes se sont réunis chez le duc de Broglie pour arrêter la liste des orateurs qui doivent parler et s'inscrire pour la révision. M. de Montalembert très ardent, poussant tout le monde à parler ; ce qu’il faudrait, dit-il, ce serait que les 233 membres, qui ont signé pour demander la révision, s’inscrivissent pour la soutenir. Il s'est plaint du rigorisme excessif du rapport quant à la légalité. " Il n'y a pas moyen de nous plaindre, lui a dit le duc de Broglie, ni de parler autrement ; nous pouvons subir l’illégalité ; nous ne pouvons pas l'autoriser et l'accepter d'avance. "
On a dressé la liste des Orateurs ; une douzaine environ, MM de Montalembert, Broglie, Daru, Beugnot, Goulard, O. Barrot, Berryer, Falloux, Kerdrel & &. O. Barrot prêchant avec passion, la prudence, la modération " On sera très violent contre le Président ; il faut être très doux, jeter de l’eau froide. " Il fait sur tout le monde l'effet d’une ambition impatiente et sénile, qui veut arriver, qui se croit près d’arriver, et qui meurt de peur qu’on ne la dérange, ou qu’on ne lui impose des efforts qu'elle ne pourrait pas faire. On ne sait pas encore si beaucoup de Montagnards parleront, et lesquels. On s’attend à un débat long, violent, confus et plein d’incidents.
Changarnier est triste et inquiet. Il y a évidemment recrudescence de mouvement Bonapartiste et de timidité parmi les anti bonapartistes. L’intérêt électoral gouvernera tout le monde. Dans les masses, Changarnier est un candidat inconnu. Pour lui donner quelques chances, il faudrait écarter d'avance, et absolument au nom de la légalité, les trois candidats connus Le Napoléon, le Prince de Joinville & Ledru Rollin, Est-ce faisable ? En allant à Beauvais, le Président a été harangué à Clermont-Oise, par le Président du tribunal qui lui a dit : " Vous avez été élu il y a trois ans ; vous serez réélu l'an prochain, quoiqu'on fasse, et quoi qu'on dise. " Cette boutade inconstitutionnelle de la part d'un magistrat, a fait quelque rumeur. Le Président n’a rien répondu. Thiers ne songe qu'au libre échange. Michel Chevalier voyage pour recueillir des faits contre son discours. Thiers en recueille pour le défendre. Duvergier de Hauranne revient de Claremont, et se loue de l'accueil qu’il y a reçu. Je n'ai encore point de nouvelles, des autres voyageurs. Il en viendra probablement aujourd’hui. Je pars toujours samedi. J’ai été un peu incommodé hier ; ce n'est rien. Les Hatzfeldt m’ont engagé à dîner pour Jeudi. Je n'irai pas. Je mettrai quelques cartes p.p.c. Adieu.
J’ai bien peur de ne pas avoir ce matin une lettre d'Ems. L'Allemagne ne me ressemble pas ; elle ne prend ni la ligne droite, ni le chemin le plus court. Adieu, Adieu.G.
Ems, Mardi 8 juillet 1851, Dorothée de Lieven à François Guizot
Collection : 1851 (1er janvier-10 novembre) : Guizot observateur des jeux de tensions entre le Président et l'Assemblée
Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
Ems Mardi le 8 Juillet 1851
Votre lettre fait ma journée Je n’ai donc rien à vous dire de plus que je ne vous disais hier. Les verres d’Eau, le bain, la promenade, Duchatel & sa femme. Ah, Le prince George de Prusse neveu du roi. Jeune homme sérieux et agréable, mais qui va partir. Je suis curieuse de Londres, Montebello a promis à Duchâtel de lui écrire de là. Je suis honteuse je n'ai rien à vous dire du tout. Il ne vaut pas la peine de vous envoyer cette lettre. Elle restera jusqu'à demain.
Mercredi 9 juillet. J’espère que vous ne me gronderez pas de vous avoir manqué un jour d’autant plus que hier ressemble à aujourd’hui avec ceci de plus que je suis fort dérangée dans ses entrailles ; le dîner est détestable et cela me cause de vilains mouvements de bile. Je vais essayer aujourd’hui les talents d'Auguste. J’ai peur que cela n’aille pas. Voilà mon seul souci d'Ems.
Comment n'avez-vous pas encore reçu dimanche ma lettre de Cologne de vendredi ? C'est étrange. Dites-moi, ou répétez moi, si vous l'avez reçu ou non. Cela m'importe, car j’avais écrit d’autres lettres de là. Duchatel n’est pas reçu hier soir. Lui aussi a ces mêmes accidents que moi, et de plus un peu de fièvre. Il est mieux ce matin & reconduit sa femme à Coblence.
Le comte de Chambord a parfaitement raison de ne pas risquer Londres. Quel plaisir pour moi de lire M. de Maistre, & quel remord ! Quelle honte ! Tous les soirs chez moi pendant tant d’années et ne me souvenir que de sa figure. Certainement je n’ai pas de l’esprit naturellement. On m'en a donné un peu, et bien tard ; et pour être tout-à-fait vrai je crois qu’il ne m’en est venu un peu qu’à Paris et depuis 14 ans. Il fait très froid ici 8-10 degrés pas davantage,
Adieu. Adieu.
Votre lettre fait ma journée Je n’ai donc rien à vous dire de plus que je ne vous disais hier. Les verres d’Eau, le bain, la promenade, Duchatel & sa femme. Ah, Le prince George de Prusse neveu du roi. Jeune homme sérieux et agréable, mais qui va partir. Je suis curieuse de Londres, Montebello a promis à Duchâtel de lui écrire de là. Je suis honteuse je n'ai rien à vous dire du tout. Il ne vaut pas la peine de vous envoyer cette lettre. Elle restera jusqu'à demain.
Mercredi 9 juillet. J’espère que vous ne me gronderez pas de vous avoir manqué un jour d’autant plus que hier ressemble à aujourd’hui avec ceci de plus que je suis fort dérangée dans ses entrailles ; le dîner est détestable et cela me cause de vilains mouvements de bile. Je vais essayer aujourd’hui les talents d'Auguste. J’ai peur que cela n’aille pas. Voilà mon seul souci d'Ems.
Comment n'avez-vous pas encore reçu dimanche ma lettre de Cologne de vendredi ? C'est étrange. Dites-moi, ou répétez moi, si vous l'avez reçu ou non. Cela m'importe, car j’avais écrit d’autres lettres de là. Duchatel n’est pas reçu hier soir. Lui aussi a ces mêmes accidents que moi, et de plus un peu de fièvre. Il est mieux ce matin & reconduit sa femme à Coblence.
Le comte de Chambord a parfaitement raison de ne pas risquer Londres. Quel plaisir pour moi de lire M. de Maistre, & quel remord ! Quelle honte ! Tous les soirs chez moi pendant tant d’années et ne me souvenir que de sa figure. Certainement je n’ai pas de l’esprit naturellement. On m'en a donné un peu, et bien tard ; et pour être tout-à-fait vrai je crois qu’il ne m’en est venu un peu qu’à Paris et depuis 14 ans. Il fait très froid ici 8-10 degrés pas davantage,
Adieu. Adieu.
Ems, Lundi 7 juillet 1851, Dorothée de Lieven à François Guizot
Collection : 1851 (1er janvier-10 novembre) : Guizot observateur des jeux de tensions entre le Président et l'Assemblée
Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
Ems lundi le 7 juillet 1851
Votre lettre m’est remise à 7 h. du matin. C'est réglé, & j'aime bien la règle. Je serai au régime de la règle en toute chose ici. Je commence déjà à m'ennuyer c’est bien tôt !
Il fait froid très froid même. Les Duchatel sont venus hier soir, je le vois lui deux fois le jour. Il joue à la roulette. Il est très étonné de n’avoir par la moindre nouvelle de Montebello. Je n'imagine que la partie du palais de cristal sera remise au mois d’août.
Aujourd’hui je n’ai point de lettres de mes correspondants, au fond j’en ai peu maintenant et comme Constantin va aux eaux, lui aussi n’aura rien à me mander. Le duc de Saxe Meiningen est ici, je pense que je le verrai. Du reste personne. Personne regrette la [?], Schomburg, Bückeburg ! Rappellez-vous que Mad. Hatzfeld reçoit le jeudi. Vous devriez y aller, dernière soirée de Paris.
2 heures. J'ai pris mon premier bain, & un somme après. L’un et l’autre très agréable. Voyez les nouvelles intéressantes que je vous mande ? Adieu Adieu.
Votre lettre m’est remise à 7 h. du matin. C'est réglé, & j'aime bien la règle. Je serai au régime de la règle en toute chose ici. Je commence déjà à m'ennuyer c’est bien tôt !
Il fait froid très froid même. Les Duchatel sont venus hier soir, je le vois lui deux fois le jour. Il joue à la roulette. Il est très étonné de n’avoir par la moindre nouvelle de Montebello. Je n'imagine que la partie du palais de cristal sera remise au mois d’août.
Aujourd’hui je n’ai point de lettres de mes correspondants, au fond j’en ai peu maintenant et comme Constantin va aux eaux, lui aussi n’aura rien à me mander. Le duc de Saxe Meiningen est ici, je pense que je le verrai. Du reste personne. Personne regrette la [?], Schomburg, Bückeburg ! Rappellez-vous que Mad. Hatzfeld reçoit le jeudi. Vous devriez y aller, dernière soirée de Paris.
2 heures. J'ai pris mon premier bain, & un somme après. L’un et l’autre très agréable. Voyez les nouvelles intéressantes que je vous mande ? Adieu Adieu.
Paris, Dimanche 6 juillet 1851, François Guizot à Dorothée de Lieven
Collection : 1851 (1er janvier-10 novembre) : Guizot observateur des jeux de tensions entre le Président et l'Assemblée
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
Paris, Dimanche 6 Juillet 1851
M. Paget vient de m’apporter deux lettres de Lord Aberdeen, des 28 juillet et 4 juillet. M. d'Harcourt après l’avoir promis, avait négligé d’envoyer chercher la première, ou de donner son adresse. Légèreté française comme vous diriez. Longue lettre. Voici les points intéressants. Le Roi Léopold point hostile à la fusion, mais croyant que les Princes ont peu à y faire ; tenant le même langage que le feu Roi ; se plaignant de la déraison impertinente de quelques légitimistes, surtout autour du comte de Chambord. Celui-ci serait convenablement reçu à Londres, s'il y allait. Les désirs de la famille d'Orléans, surtout de la Reine et du duc de Nemours, y seraient pris en grande considération. Le Cabinet anglais, plus discrédité que ne l'a jamais été aucun gouvernement ; mais il achèvera la session. " We are threatened with a new reform bill at the commencement of the next session ; and although lord John looks to this as the means of acquiring additional strength, it may very possibly lead to his ruin. This is a matter upon which all conservatives might act cordially together. "
Changarnier s'est montré fort perplexe. Il craint une grosse majorité pour la révision. Des hommes sur qui il comptait pour voter contre, M. de Maleville et M. de Rémusat, par exemple, voteront pour dans leur intérêt électoral. Il insiste ardemment pour qu’on prenne d'avance des mesures législatives contre l'élection des trois candidats inconstitutionnels. Il regarde, en ce cas, sa propre élection comme certaine, avec toutes les meilleures conséquences. Mais il doute beaucoup que l'Assemblée le fasse. Il dit les mêmes choses que vous lui avez entendu dire, avec moins d’assurance. J’irai lui rendre sa visite avant mon départ. Quelques autres personnes ce matin, mais rien de nouveau. Décidément les affaires commerciales reprennent assez.
Le public a moins peur de 1852, sans savoir comment, il se croit sûr qu’il s’en tirera, à assez bon marché, et il ne demande rien de plus. La chute d’ambition est encore plus grande que la chute de puissance.
Lundi 7 9 heures
Votre mot de Cologne m’arrive. J'espère que demain je vous saurai arrivée et établie à Ems. Cela me plaît de connaître les lieux, maison et pays. J’irai me promener avec vous à Nassau. J'espère aussi que vous aurez pensé à m'écrire au Val Richer, à partir de Mercredi 9. Rien n’est changé dans mes projets.
Je n'ai vu personne hier soir. Je reçois ce matin une lettre de Donoso Cortes qui me croit et m'écrit au Val Richer. Voici le dernier paragraphe : " Mon Dieu ! je suis émerveillé de voir combien sont faciles les choses difficiles. Je crois, par exemple, qu’il se peut que le salut de l’Europe tienne à ce qu’un homme, qui est à Val Richer, le veuille ou ne le veuille pas. Le voudra-t-il ? " Comprenez-vous ? La lettre roule sur l’Eglise catholique qui peut seule sauver le monde, parce qu’elle en sait plus que le monde, et aime plus que le monde n'aime. Et la question est de savoir si je voudrai me faire catholique. Suis-je assez flatté pour me décider ? Qu'en pensez-vous ? Adieu, adieu.
Dites-moi, je vous prie, à quelle heure vous arrivent mes lettres et partent les vôtres. Adieu. G.
M. Paget vient de m’apporter deux lettres de Lord Aberdeen, des 28 juillet et 4 juillet. M. d'Harcourt après l’avoir promis, avait négligé d’envoyer chercher la première, ou de donner son adresse. Légèreté française comme vous diriez. Longue lettre. Voici les points intéressants. Le Roi Léopold point hostile à la fusion, mais croyant que les Princes ont peu à y faire ; tenant le même langage que le feu Roi ; se plaignant de la déraison impertinente de quelques légitimistes, surtout autour du comte de Chambord. Celui-ci serait convenablement reçu à Londres, s'il y allait. Les désirs de la famille d'Orléans, surtout de la Reine et du duc de Nemours, y seraient pris en grande considération. Le Cabinet anglais, plus discrédité que ne l'a jamais été aucun gouvernement ; mais il achèvera la session. " We are threatened with a new reform bill at the commencement of the next session ; and although lord John looks to this as the means of acquiring additional strength, it may very possibly lead to his ruin. This is a matter upon which all conservatives might act cordially together. "
Changarnier s'est montré fort perplexe. Il craint une grosse majorité pour la révision. Des hommes sur qui il comptait pour voter contre, M. de Maleville et M. de Rémusat, par exemple, voteront pour dans leur intérêt électoral. Il insiste ardemment pour qu’on prenne d'avance des mesures législatives contre l'élection des trois candidats inconstitutionnels. Il regarde, en ce cas, sa propre élection comme certaine, avec toutes les meilleures conséquences. Mais il doute beaucoup que l'Assemblée le fasse. Il dit les mêmes choses que vous lui avez entendu dire, avec moins d’assurance. J’irai lui rendre sa visite avant mon départ. Quelques autres personnes ce matin, mais rien de nouveau. Décidément les affaires commerciales reprennent assez.
Le public a moins peur de 1852, sans savoir comment, il se croit sûr qu’il s’en tirera, à assez bon marché, et il ne demande rien de plus. La chute d’ambition est encore plus grande que la chute de puissance.
Lundi 7 9 heures
Votre mot de Cologne m’arrive. J'espère que demain je vous saurai arrivée et établie à Ems. Cela me plaît de connaître les lieux, maison et pays. J’irai me promener avec vous à Nassau. J'espère aussi que vous aurez pensé à m'écrire au Val Richer, à partir de Mercredi 9. Rien n’est changé dans mes projets.
Je n'ai vu personne hier soir. Je reçois ce matin une lettre de Donoso Cortes qui me croit et m'écrit au Val Richer. Voici le dernier paragraphe : " Mon Dieu ! je suis émerveillé de voir combien sont faciles les choses difficiles. Je crois, par exemple, qu’il se peut que le salut de l’Europe tienne à ce qu’un homme, qui est à Val Richer, le veuille ou ne le veuille pas. Le voudra-t-il ? " Comprenez-vous ? La lettre roule sur l’Eglise catholique qui peut seule sauver le monde, parce qu’elle en sait plus que le monde, et aime plus que le monde n'aime. Et la question est de savoir si je voudrai me faire catholique. Suis-je assez flatté pour me décider ? Qu'en pensez-vous ? Adieu, adieu.
Dites-moi, je vous prie, à quelle heure vous arrivent mes lettres et partent les vôtres. Adieu. G.
Ems, Dimanche le 6 juillet 1851, Dorothée de Lieven à François Guizot
Collection : 1851 (1er janvier-10 novembre) : Guizot observateur des jeux de tensions entre le Président et l'Assemblée
Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
Ems Dimanche le 6 juillet 1851,
Vos lettres m’arrivent régulièrement mais tard. Le matin du 3° jour c-à-d. la lettre du 3 est chez moi le 6. Pas moyen de remédier à cela. Duchatel est arrivé avec sa femme qui passera 3 jours avec lui. J’ai commencé aujourd’hui. à boire mais je ne me sens pas très bien. C’est peut-être le changement de climat. Ici il fait plutôt froid, 8 degrés seulement ce matin.
Pas l'ombre de nouvelle comme de raison, & je n'en prévois guère si personne n’arrive. Tout à l’heure une lettre de Constantin du 4 de Potsdam. Le roi a reçu le duc de Noailles, le 3 à merveille. Il a beaucoup causé avec lui & aura l’occasion de recauser encore. Il a été présenté à la grande Duchesse Marie, et dîné avec elle chez le roi. La grande Duchesse veut me voir, nous nous donnerons rendez-vous quelque part sur le Rhin. Voilà pour aujourd’hui. Adieu. Adieu.
Pauvre lettre. Il y en aura beaucoup qui ne seront pas plus belles. Adieu.
Dites à M. Molé, le duc de Noailles. Hambold, & mon neveu l'ont placé entre eux à dîner, pour l’orienter. Il y avait 22 princes ou princesses. Il a été présenté à tous et cela n’a pas été chose facile que de l’édifier sur chacun d'eux. On est très poli & empressée pour lui.
Vos lettres m’arrivent régulièrement mais tard. Le matin du 3° jour c-à-d. la lettre du 3 est chez moi le 6. Pas moyen de remédier à cela. Duchatel est arrivé avec sa femme qui passera 3 jours avec lui. J’ai commencé aujourd’hui. à boire mais je ne me sens pas très bien. C’est peut-être le changement de climat. Ici il fait plutôt froid, 8 degrés seulement ce matin.
Pas l'ombre de nouvelle comme de raison, & je n'en prévois guère si personne n’arrive. Tout à l’heure une lettre de Constantin du 4 de Potsdam. Le roi a reçu le duc de Noailles, le 3 à merveille. Il a beaucoup causé avec lui & aura l’occasion de recauser encore. Il a été présenté à la grande Duchesse Marie, et dîné avec elle chez le roi. La grande Duchesse veut me voir, nous nous donnerons rendez-vous quelque part sur le Rhin. Voilà pour aujourd’hui. Adieu. Adieu.
Pauvre lettre. Il y en aura beaucoup qui ne seront pas plus belles. Adieu.
Dites à M. Molé, le duc de Noailles. Hambold, & mon neveu l'ont placé entre eux à dîner, pour l’orienter. Il y avait 22 princes ou princesses. Il a été présenté à tous et cela n’a pas été chose facile que de l’édifier sur chacun d'eux. On est très poli & empressée pour lui.
Paris, Dimanche 6 juillet 1851, François Guizot à Dorothée de Lieven
Collection : 1851 (1er janvier-10 novembre) : Guizot observateur des jeux de tensions entre le Président et l'Assemblée
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
Paris, Dimanche 6 Juillet 1851
9 heures
J’ai vu hier au soir M. de Corcelles et M. de Rémusat. Le rapport de M. de Tocqueville est prêt et sera le demain à la Commission où il n'excitera point de vif débat. Il n'a rien d’irrévocablement républicain. Le droit divin de la république y est fortement nié et combattu. L’idée d’un vote qui limiterait les pouvoirs de l'Assemblée constituante, et la contraindrait de se renfermer dans le cercle des institutions républicaines, y est également repoussée. La nécessité actuelle de la République et de l'expérience républicaine légalement prolongée voilà le thème. On croit que le Rapport sera lu Mercredi à l’assemblée. Berryer, qui est encore à Londres, ne l’entendra probablement pas lire demain, dans la commission M. de Rémusat croit que la discussion pourra se compliquer et embarrasser assez les ministres. Il y a des gens qui la dirigeront surtout contre eux. On leur demandera ce qu'ils comptent faire tant que la Constitution ne sera pas révisée, si le président se portera candidat, s'ils donneront aux administrateurs ordre d’appuyer sa candidature s’ils feront exécuter envers et contre tous la loi du 31 mai & on tendra devant leurs pas tous les pièges de la légalité.
J’ai retrouvé, dans la conversation de M. de Rémusat, tout cet esprit d'opposition quand même que j'ai tant vu à l’œuvre. Cela pouvait aller sous l'ancien régime, quand l'opposition n'était qu'une causerie de salon, très longtemps vaine. Cela va en Angleterre où le Gouvernement est assez fort pour supporter tout ce que l'opposition peut dire. Ici et aujourd’hui. C'est autre chose ; le gouvernement n’est pas en état de vivre devant une opposition qui ne s’inquiète pas de le tuer.
La poste vient d’arriver, et ne m’a rien apporté de Cologne.
Onze heures
Je vous reviens après ma toilette. J'espère que le beau temps vous revient aussi, comme à nous. Vous n'aurez eu la pluie que pour abattre la poussière devant vos pas. C’est charmant.
Savez-vous que sans les sergents de ville que M. Cartier avait eu la précaution d'envoyer à Châtellerault, le Président y aurait personnellement reçu quelque grosse insulte ?
J’ai vu hier Mad. Mollien qui part aujourd’hui pour Claremont. J’y ai trouvé la maréchale Lobau toujours très bonne femme et ouvertement fusionniste, et en dépit de sa Princesse qui le lui pardonne, mais qui la laisse volontiers à Paris. Mad. Paul de Ségur a accompagné Mad la Duchesse d'Orléans à Portobello, et y restera auprès d'elle tout le temps du voyage. M. le duc de Nemours a donné rendez-vous à sa femme à Leipzig et ne va la prendre que là. Il ramène en Allemagne la Princesse Clémentine qui manquera seule (avec le duc de Montpensier) à la réunion de famille du 26 Août. Le Duc de Levis, qui est venu me voir hier ne m'a laissé aucun doute sur l'intention, pleine de regret, du comte de Chambord de ne pas aller à Londres. Il regrette le profit, mais ne veut à aucun prix, courir le risque.
1 heure
Adieu, adieu. Voilà le Général Changarnier qui entre et l’heure de la poste me presse Adieu. G.
9 heures
J’ai vu hier au soir M. de Corcelles et M. de Rémusat. Le rapport de M. de Tocqueville est prêt et sera le demain à la Commission où il n'excitera point de vif débat. Il n'a rien d’irrévocablement républicain. Le droit divin de la république y est fortement nié et combattu. L’idée d’un vote qui limiterait les pouvoirs de l'Assemblée constituante, et la contraindrait de se renfermer dans le cercle des institutions républicaines, y est également repoussée. La nécessité actuelle de la République et de l'expérience républicaine légalement prolongée voilà le thème. On croit que le Rapport sera lu Mercredi à l’assemblée. Berryer, qui est encore à Londres, ne l’entendra probablement pas lire demain, dans la commission M. de Rémusat croit que la discussion pourra se compliquer et embarrasser assez les ministres. Il y a des gens qui la dirigeront surtout contre eux. On leur demandera ce qu'ils comptent faire tant que la Constitution ne sera pas révisée, si le président se portera candidat, s'ils donneront aux administrateurs ordre d’appuyer sa candidature s’ils feront exécuter envers et contre tous la loi du 31 mai & on tendra devant leurs pas tous les pièges de la légalité.
J’ai retrouvé, dans la conversation de M. de Rémusat, tout cet esprit d'opposition quand même que j'ai tant vu à l’œuvre. Cela pouvait aller sous l'ancien régime, quand l'opposition n'était qu'une causerie de salon, très longtemps vaine. Cela va en Angleterre où le Gouvernement est assez fort pour supporter tout ce que l'opposition peut dire. Ici et aujourd’hui. C'est autre chose ; le gouvernement n’est pas en état de vivre devant une opposition qui ne s’inquiète pas de le tuer.
La poste vient d’arriver, et ne m’a rien apporté de Cologne.
Onze heures
Je vous reviens après ma toilette. J'espère que le beau temps vous revient aussi, comme à nous. Vous n'aurez eu la pluie que pour abattre la poussière devant vos pas. C’est charmant.
Savez-vous que sans les sergents de ville que M. Cartier avait eu la précaution d'envoyer à Châtellerault, le Président y aurait personnellement reçu quelque grosse insulte ?
J’ai vu hier Mad. Mollien qui part aujourd’hui pour Claremont. J’y ai trouvé la maréchale Lobau toujours très bonne femme et ouvertement fusionniste, et en dépit de sa Princesse qui le lui pardonne, mais qui la laisse volontiers à Paris. Mad. Paul de Ségur a accompagné Mad la Duchesse d'Orléans à Portobello, et y restera auprès d'elle tout le temps du voyage. M. le duc de Nemours a donné rendez-vous à sa femme à Leipzig et ne va la prendre que là. Il ramène en Allemagne la Princesse Clémentine qui manquera seule (avec le duc de Montpensier) à la réunion de famille du 26 Août. Le Duc de Levis, qui est venu me voir hier ne m'a laissé aucun doute sur l'intention, pleine de regret, du comte de Chambord de ne pas aller à Londres. Il regrette le profit, mais ne veut à aucun prix, courir le risque.
1 heure
Adieu, adieu. Voilà le Général Changarnier qui entre et l’heure de la poste me presse Adieu. G.
Ems, Samedi le 5 juillet 1851, Dorothée de Lieven à François Guizot
Collection : 1851 (1er janvier-10 novembre) : Guizot observateur des jeux de tensions entre le Président et l'Assemblée
Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
Ems Samedi le 5 juillet 1851
Je suis arrivée hier à 7 heures après un voyage excellent. Je me suis séparée de mon fils à Coblence, bien bon garçon. Ici je retrouve tout, très bien, matériellement, pas une âme de connaissance. Nous avons bien besoin l’un de l’autre. Duchatel & moi.
Votre lettre du 2 qui est venue ce matin. Une d’Ellice aussi. Le discours de Thiers n'a pas fait fortune en Angleterre du tout. Ellice me dit quel effort de déraison ! Lord john est parfaitement raffermi, & restera très solidement. pour l’éternité. Amen. On m’a dit à Bruxelles qu'on ne s’est pas douté à Paris de l’effet produit à Claremont par la lettre du comte de Chambord en février. La duchesse d’Orléans était rendue complètement. On songeait à une entrevue. La proposition Creton renversée par Berryer a renversé toute la [?]. Léopold est très sensé. Il donne les meilleurs conseils. Les doutes que j’avais exprimés à ce sujet ont beaucoup déplus & étonnés. J’ai dit des choses utiles.
A Bruxelles comme partout, on est convaincu de la durée du Président, et comme partout, on la désire car on ne voit rien de bon que cela en fait de choses possibles. A Naples chaque fois qu'on se rencontre, on fait un petit programme de phrases à s'adresser ni plus ni moins. C’est positif. Je crois que je vous ai dit tout ce que j'ai ramassé.
Marion est ravie d’Ems elle a une fort jolie chambre à la gauche de mon salon. L’air est délicieux, ni trop chaud, ni trop froid. Je ne regrette de Paris que vous, car du reste je pense de lui avec mépris, au physique & au moral. Adieu. Adieu. Adieu.
Brunnow ne parle de Walensky que comme d’un polisson. S'il fait comme il parle cela va faire une relation agréable. Le discours à Châtellerault est excellent.
Je suis arrivée hier à 7 heures après un voyage excellent. Je me suis séparée de mon fils à Coblence, bien bon garçon. Ici je retrouve tout, très bien, matériellement, pas une âme de connaissance. Nous avons bien besoin l’un de l’autre. Duchatel & moi.
Votre lettre du 2 qui est venue ce matin. Une d’Ellice aussi. Le discours de Thiers n'a pas fait fortune en Angleterre du tout. Ellice me dit quel effort de déraison ! Lord john est parfaitement raffermi, & restera très solidement. pour l’éternité. Amen. On m’a dit à Bruxelles qu'on ne s’est pas douté à Paris de l’effet produit à Claremont par la lettre du comte de Chambord en février. La duchesse d’Orléans était rendue complètement. On songeait à une entrevue. La proposition Creton renversée par Berryer a renversé toute la [?]. Léopold est très sensé. Il donne les meilleurs conseils. Les doutes que j’avais exprimés à ce sujet ont beaucoup déplus & étonnés. J’ai dit des choses utiles.
A Bruxelles comme partout, on est convaincu de la durée du Président, et comme partout, on la désire car on ne voit rien de bon que cela en fait de choses possibles. A Naples chaque fois qu'on se rencontre, on fait un petit programme de phrases à s'adresser ni plus ni moins. C’est positif. Je crois que je vous ai dit tout ce que j'ai ramassé.
Marion est ravie d’Ems elle a une fort jolie chambre à la gauche de mon salon. L’air est délicieux, ni trop chaud, ni trop froid. Je ne regrette de Paris que vous, car du reste je pense de lui avec mépris, au physique & au moral. Adieu. Adieu. Adieu.
Brunnow ne parle de Walensky que comme d’un polisson. S'il fait comme il parle cela va faire une relation agréable. Le discours à Châtellerault est excellent.
Paris, Samedi 5 juillet 1851, François Guizot à Dorothée de Lieven
Collection : 1851 (1er janvier-10 novembre) : Guizot observateur des jeux de tensions entre le Président et l'Assemblée
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
Paris, samedi 5 Juillet 1851
Midi
Je suis impatient que notre correspondance ait pris son cours régulier. Je n'aurai pas de lettre aujourd’hui. Il en est venu hier de Montebello. Tard, mais bonnes. Il a trouvé la Reine et le Duc de Nemours exactement dans les mêmes dispositions où nous les avions laissées ; établis dans l'abstention, mais toujours pour la fusion, et approuvant qu’on démente hautement, dans les conversations et dans les journaux les gens qui veulent se servir de l'abstention contre la fusion. Le Prince de Joinville a tenu le même langage. Le Courrier de la Gironde n’avait nul droit de dire ce qu’il a dit et on a droit de le lui dire. D'après ceci et sur l'avis formel de Montebello, la résolution qui avait été prise avant son départ a été immédiatement exécutée. Ils sont partis hier soir. Nous verrons, si et comment ils seront reçus. Mad. la Duchesse d'Orléans, peu avant de quitter Claremont pour Edimbourg, a dit en rencontrant dans la conversation, le nom de M. de Falloux : " On dit que c’est vraiment un homme distingué ; je serais bien aise de causer avec lui. " Donc là rien de nouveau et rien de décisif.
Ici, toujours même travail pour répandre que les Princes sont décidément contre la fusion. On dit plus ; on dit que nous le savons, et que nous sommes bien près, nous-mêmes de n'être plus pour, faute d'espérance. De braves gens viennent me demander, si je suis encore du même avis. Je suis tenté de demander à mon tour, si on me prend pour un étourneau. Mais je ne fais pas le fier ; j'écoute, je démens, j'explique le mensonge, je raconte la vérité. Que de tracas dont on pourrait se dispenser ! Mais le tracas est l'amusement.
J’ai été hier au soir chez Mad. de Staël. Le Duc de Broglie était aux Pyramides. Piscatory est venu arrivant de Tours où il avait eu l'affront de n'être pas invité à déjeuner à la table du Président. Il a déjeuné avec le commun peuple. Il en dit long sur le mauvais accueil. Les socialistes ne veulent pas entendre parler de la candidature du général Cavaignac, et reviennent à Ledru Rollin. Les seuls candidats sérieux seront ses candidats inconstitutionnels. Louis Napoléon, le Prince de Joinville et Ledru Rollin. Aussi Changarnier, a plus que jamais la passion de la légalité.
Je n'ai rien de Lord Aberdeen. Adieu.
Mes amitiés, je vous prie à Marion. Prend-elle les eaux d’Ems ? Je lui envie les promenades au haut du rocher. Adieu, Adieu. G.
Midi
Je suis impatient que notre correspondance ait pris son cours régulier. Je n'aurai pas de lettre aujourd’hui. Il en est venu hier de Montebello. Tard, mais bonnes. Il a trouvé la Reine et le Duc de Nemours exactement dans les mêmes dispositions où nous les avions laissées ; établis dans l'abstention, mais toujours pour la fusion, et approuvant qu’on démente hautement, dans les conversations et dans les journaux les gens qui veulent se servir de l'abstention contre la fusion. Le Prince de Joinville a tenu le même langage. Le Courrier de la Gironde n’avait nul droit de dire ce qu’il a dit et on a droit de le lui dire. D'après ceci et sur l'avis formel de Montebello, la résolution qui avait été prise avant son départ a été immédiatement exécutée. Ils sont partis hier soir. Nous verrons, si et comment ils seront reçus. Mad. la Duchesse d'Orléans, peu avant de quitter Claremont pour Edimbourg, a dit en rencontrant dans la conversation, le nom de M. de Falloux : " On dit que c’est vraiment un homme distingué ; je serais bien aise de causer avec lui. " Donc là rien de nouveau et rien de décisif.
Ici, toujours même travail pour répandre que les Princes sont décidément contre la fusion. On dit plus ; on dit que nous le savons, et que nous sommes bien près, nous-mêmes de n'être plus pour, faute d'espérance. De braves gens viennent me demander, si je suis encore du même avis. Je suis tenté de demander à mon tour, si on me prend pour un étourneau. Mais je ne fais pas le fier ; j'écoute, je démens, j'explique le mensonge, je raconte la vérité. Que de tracas dont on pourrait se dispenser ! Mais le tracas est l'amusement.
J’ai été hier au soir chez Mad. de Staël. Le Duc de Broglie était aux Pyramides. Piscatory est venu arrivant de Tours où il avait eu l'affront de n'être pas invité à déjeuner à la table du Président. Il a déjeuné avec le commun peuple. Il en dit long sur le mauvais accueil. Les socialistes ne veulent pas entendre parler de la candidature du général Cavaignac, et reviennent à Ledru Rollin. Les seuls candidats sérieux seront ses candidats inconstitutionnels. Louis Napoléon, le Prince de Joinville et Ledru Rollin. Aussi Changarnier, a plus que jamais la passion de la légalité.
Je n'ai rien de Lord Aberdeen. Adieu.
Mes amitiés, je vous prie à Marion. Prend-elle les eaux d’Ems ? Je lui envie les promenades au haut du rocher. Adieu, Adieu. G.
Cologne, Vendredi 4 juillet 1851, Dorothée de Lieven à François Guizot
Collection : 1851 (1er janvier-10 novembre) : Guizot observateur des jeux de tensions entre le Président et l'Assemblée
Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
Cologne vendredi le 4 juillet
8 heures de matin 1851
Je suis arrivée ici hier très tard. Le tapage dans l’auberge m’a empêchée de dormir toute la nuit, je vais repartir & je vous dis seulement deux mots. J’ai eu une longue conversation à Bruxelles. J’efface c’est inutile, je vous dirai cela d’Ems. Le Roi Léopold était attendu hier à Bruxelles. Ses enfants seuls vont à Ems. Il reste à Bruxelles M. Van Praet a été pour moi, charmant. Il m’a donné jusqu' ici une voiture royale qui me recommande tout-à-fait avec les chemins de fer. Mon fils me conduit à Coblence Adieu. Adieu. Je suis très fatiguée, Je serais bien contente d'être arrivée.
Marion & Kolb, des perfections. Adieu
8 heures de matin 1851
Je suis arrivée ici hier très tard. Le tapage dans l’auberge m’a empêchée de dormir toute la nuit, je vais repartir & je vous dis seulement deux mots. J’ai eu une longue conversation à Bruxelles. J’efface c’est inutile, je vous dirai cela d’Ems. Le Roi Léopold était attendu hier à Bruxelles. Ses enfants seuls vont à Ems. Il reste à Bruxelles M. Van Praet a été pour moi, charmant. Il m’a donné jusqu' ici une voiture royale qui me recommande tout-à-fait avec les chemins de fer. Mon fils me conduit à Coblence Adieu. Adieu. Je suis très fatiguée, Je serais bien contente d'être arrivée.
Marion & Kolb, des perfections. Adieu
Paris, Vendredi 4 juillet 1851, François Guizot à Dorothée de Lieven
Collection : 1851 (1er janvier-10 novembre) : Guizot observateur des jeux de tensions entre le Président et l'Assemblée
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
Paris. Vendredi 4 Juillet 1851
Sept heures
On dit que le rapport de M. de Tocqueville sera plus républicain qu’on ne voudrait, et adressé surtout aux républicains de l'assemblée, modérés ou Montagnards, pour les décider à voter en faveur de la révision, seul moyen, selon lui de consolider la république. Une assemblée constituante, fût-elle composée en majorité d'hommes monarchiques au fond, n’osera pas voter le rétablissement de la Monarchie ; elle aura peur des républicains et d'une révolution de plus. Donc elle votera le maintien de la République, et une meilleure constitution républicaine. Les républicains seraient fous de ne pas mettre à profit la timidité des hommes monarchiques. Déjà la première assemblée constituante, qui n’eût point fait la République, l'a bruyamment acclamée (Je répète avec déplaisir ce mauvais mot pour une mauvaise action). L'assemblée législative actuelle, qui ne l'aime pas du tout, l’a reconnue. Une nouvelle Assemblée constituante la confirmera, et l'améliorera en la détestant. Je ne sais si l'argument sera présente dans toute sa crudité ; mais on m’assure qu’il fera le fond du Rapport et que M. de Tocqueville se flatte même qu'à la seconde épreuve, en novembre prochain, les Montagnards, devenus intelligents, voteront en masse la révision qui aura ainsi, les trois quarts des voix à la grande humeur comme à la grande honte des monarchiques pris dans leur propre piège. Le revirement serait bizarre. Je n’y crois pas, et le duc de Broglie doute que le Rapport soit si nettement républicain. Mais rien n'est impossible aujourd’hui.
Voilà votre billet de Bruxelles. Merci. Ce n'est pas le Roi de Wurtemberg qui me fera regretter Ems, quoique je prisse plaisir à l'y rencontrer. Mais je ne puis vraiment pas me donner mon plaisir cette année. Je suis resté à Paris plus longtemps que de coutume. Il me faut un séjour de campagne. J’ai plusieurs choses à faire que je veux avoir faites, et prêtes, pour l'hiver prochain, avant la crise de 1852. Je ne travaille de suite, et vite, qu’au Val Richer. Je serai dérangé par ma course obligée à Claremont. Un autre dérangement dérangerait tout. J’avais du remords quand je n'étais pas sûr que vous seriez bien entourée à Ems. Aujourd’hui je n'ai plus que du regret. C'est bien assez. Malgré ma superbe, si le Roi de Würtemberg vient à Ems, soyez assez bonne pour lui dire qu'à coup sûr je regretterai bien vivement de n’y être pas venu cette année. J’irais plus loin qu’Ems pour causer avec un Roi homme d’esprit.
2 heures
Je reviens de chez Molé. Rien de nouveau. Plusieurs personnes manquaient. Tout le monde part. Molé va demain au Marais jusqu'à Jeudi prochain. Pas la plus petite nouvelle de Montebello à Londres. C'est singulier. La seconde course du duc de Nemours à Vienne est singulière aussi. Ils seront tous réunis à Claremont le 20 août.
Plus on va, plus on apprend que l'accueil fait au Président a été partout froid, et sur plusieurs points hostile. Son discours à Châtellerault a été un acte de défense. Il est revenu triste du voyage, quoique content du succès de son discours. Adieu.
Je vais à l'Académie. Je n'aurai que Dimanche votre billet de Cologne. Adieu, Adieu. G.
Sept heures
On dit que le rapport de M. de Tocqueville sera plus républicain qu’on ne voudrait, et adressé surtout aux républicains de l'assemblée, modérés ou Montagnards, pour les décider à voter en faveur de la révision, seul moyen, selon lui de consolider la république. Une assemblée constituante, fût-elle composée en majorité d'hommes monarchiques au fond, n’osera pas voter le rétablissement de la Monarchie ; elle aura peur des républicains et d'une révolution de plus. Donc elle votera le maintien de la République, et une meilleure constitution républicaine. Les républicains seraient fous de ne pas mettre à profit la timidité des hommes monarchiques. Déjà la première assemblée constituante, qui n’eût point fait la République, l'a bruyamment acclamée (Je répète avec déplaisir ce mauvais mot pour une mauvaise action). L'assemblée législative actuelle, qui ne l'aime pas du tout, l’a reconnue. Une nouvelle Assemblée constituante la confirmera, et l'améliorera en la détestant. Je ne sais si l'argument sera présente dans toute sa crudité ; mais on m’assure qu’il fera le fond du Rapport et que M. de Tocqueville se flatte même qu'à la seconde épreuve, en novembre prochain, les Montagnards, devenus intelligents, voteront en masse la révision qui aura ainsi, les trois quarts des voix à la grande humeur comme à la grande honte des monarchiques pris dans leur propre piège. Le revirement serait bizarre. Je n’y crois pas, et le duc de Broglie doute que le Rapport soit si nettement républicain. Mais rien n'est impossible aujourd’hui.
Voilà votre billet de Bruxelles. Merci. Ce n'est pas le Roi de Wurtemberg qui me fera regretter Ems, quoique je prisse plaisir à l'y rencontrer. Mais je ne puis vraiment pas me donner mon plaisir cette année. Je suis resté à Paris plus longtemps que de coutume. Il me faut un séjour de campagne. J’ai plusieurs choses à faire que je veux avoir faites, et prêtes, pour l'hiver prochain, avant la crise de 1852. Je ne travaille de suite, et vite, qu’au Val Richer. Je serai dérangé par ma course obligée à Claremont. Un autre dérangement dérangerait tout. J’avais du remords quand je n'étais pas sûr que vous seriez bien entourée à Ems. Aujourd’hui je n'ai plus que du regret. C'est bien assez. Malgré ma superbe, si le Roi de Würtemberg vient à Ems, soyez assez bonne pour lui dire qu'à coup sûr je regretterai bien vivement de n’y être pas venu cette année. J’irais plus loin qu’Ems pour causer avec un Roi homme d’esprit.
2 heures
Je reviens de chez Molé. Rien de nouveau. Plusieurs personnes manquaient. Tout le monde part. Molé va demain au Marais jusqu'à Jeudi prochain. Pas la plus petite nouvelle de Montebello à Londres. C'est singulier. La seconde course du duc de Nemours à Vienne est singulière aussi. Ils seront tous réunis à Claremont le 20 août.
Plus on va, plus on apprend que l'accueil fait au Président a été partout froid, et sur plusieurs points hostile. Son discours à Châtellerault a été un acte de défense. Il est revenu triste du voyage, quoique content du succès de son discours. Adieu.
Je vais à l'Académie. Je n'aurai que Dimanche votre billet de Cologne. Adieu, Adieu. G.
Paris, Jeudi 3 juillet 1851, François Guizot à Dorothée de Lieven
Collection : 1851 (1er janvier-10 novembre) : Guizot observateur des jeux de tensions entre le Président et l'Assemblée
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
Paris, Jeudi 3 Juillet 1851
6 heures
Je me lève. On m'a apporté le discours du Président hier à 6 heures. Celui-ci n'est pas agressif. Des compliments pour tous. La royauté et la révolution, le peuple et les chefs des Assemblée, Charles VII et l'Empereur. Et derrière les compliments, les dangers ; la société toujours près de s'abîmer sur elle-même. Faute d’union et de tranquillité durable. Excellent plaidoyer pour la fusion, et pour lui-même en attendant la fusion. Je n'ai vu personne hier soir, ni lu encore aucun journal ce matin. Je nous donne là ma première impression, et la mienne seule.
M. Molé m’a écrit hier soir qu’il viendrait me voir aujourd’hui entre 11 heures et une heure. Notre point de réunion nous manque. Il faut se chercher et s'avertir. Le Messager de l'Assemblée d’hier soir dit : “ Les paroles du Président de la République à Poitiers ne sont point de nature à fournir un élément sérieux aux discussions actuelles... son discours est un progrès en arrière sur celui de Dijon ; il vaut mieux que celui-ci, même après les corrections de M. Faucher. "
2 heures
Molé et Duchâtel sortent d’ici. Même impression que moi sur le discours du Président. Celui qu'il a tenu à Châtellerault a été encore plus net et plus vif, dans le même sens. A cette occasion, j'ai insisté sur la nécessité de se tenir, envers lui, dans une attitude tout-à-fait impartiale, l'approuvant ou le blâmant librement, avec des égards dans l’indépendance. Nous ne sommes et ne voulons pas être dans sa barque. Nous ne devons pas être non plus dans la barque d’où l'on fait feu sur lui à tout moment et à tort et à travers. C’est un enfantillage passionné, et vain qui ne nous convient pas. Avant le discours, sur la route et à Poitiers même, l’accueil avait été décidément froid, presque malveillant. Après le discours, il a été beaucoup meilleur.
On m'assure que la Duchesse d'Orléans est partie avant-hier pour Edimbourg. On ne sait pas encore précisément ce que feront la Reine et les Princes...
Chabannes est entré comme j'écrivais. La Reine et les Princes partiront lundi 7 pour aller rejoindre Mad. la Duchesse d'Orléans à Edimbourg. C'est le Prince de Joinville qui a décidé ce voyage général. L’Ecosse lui plaît assez. Ils y passeront quatre ou cinq semaines Mad. Mollien partira le 10 Juillet pour aller passer deux mois auprès de la Reine. Le Général Aupick est venu aussi ce matin. Il part pour Madrid. Molé part samedi pour aller je ne sais où. Il reviendra Jeudi 10. Je ne vous parle que de départs. La dispersion devient complète.
Adieu, adieu.
J'attends un mot de Bruxelles. Tout mon monde va bien. Armand Bertin ne va pas à Hombourg, Sacy, qui le remplace toujours dans ses absences, est gravement malade. Adieu. G.
6 heures
Je me lève. On m'a apporté le discours du Président hier à 6 heures. Celui-ci n'est pas agressif. Des compliments pour tous. La royauté et la révolution, le peuple et les chefs des Assemblée, Charles VII et l'Empereur. Et derrière les compliments, les dangers ; la société toujours près de s'abîmer sur elle-même. Faute d’union et de tranquillité durable. Excellent plaidoyer pour la fusion, et pour lui-même en attendant la fusion. Je n'ai vu personne hier soir, ni lu encore aucun journal ce matin. Je nous donne là ma première impression, et la mienne seule.
M. Molé m’a écrit hier soir qu’il viendrait me voir aujourd’hui entre 11 heures et une heure. Notre point de réunion nous manque. Il faut se chercher et s'avertir. Le Messager de l'Assemblée d’hier soir dit : “ Les paroles du Président de la République à Poitiers ne sont point de nature à fournir un élément sérieux aux discussions actuelles... son discours est un progrès en arrière sur celui de Dijon ; il vaut mieux que celui-ci, même après les corrections de M. Faucher. "
2 heures
Molé et Duchâtel sortent d’ici. Même impression que moi sur le discours du Président. Celui qu'il a tenu à Châtellerault a été encore plus net et plus vif, dans le même sens. A cette occasion, j'ai insisté sur la nécessité de se tenir, envers lui, dans une attitude tout-à-fait impartiale, l'approuvant ou le blâmant librement, avec des égards dans l’indépendance. Nous ne sommes et ne voulons pas être dans sa barque. Nous ne devons pas être non plus dans la barque d’où l'on fait feu sur lui à tout moment et à tort et à travers. C’est un enfantillage passionné, et vain qui ne nous convient pas. Avant le discours, sur la route et à Poitiers même, l’accueil avait été décidément froid, presque malveillant. Après le discours, il a été beaucoup meilleur.
On m'assure que la Duchesse d'Orléans est partie avant-hier pour Edimbourg. On ne sait pas encore précisément ce que feront la Reine et les Princes...
Chabannes est entré comme j'écrivais. La Reine et les Princes partiront lundi 7 pour aller rejoindre Mad. la Duchesse d'Orléans à Edimbourg. C'est le Prince de Joinville qui a décidé ce voyage général. L’Ecosse lui plaît assez. Ils y passeront quatre ou cinq semaines Mad. Mollien partira le 10 Juillet pour aller passer deux mois auprès de la Reine. Le Général Aupick est venu aussi ce matin. Il part pour Madrid. Molé part samedi pour aller je ne sais où. Il reviendra Jeudi 10. Je ne vous parle que de départs. La dispersion devient complète.
Adieu, adieu.
J'attends un mot de Bruxelles. Tout mon monde va bien. Armand Bertin ne va pas à Hombourg, Sacy, qui le remplace toujours dans ses absences, est gravement malade. Adieu. G.
Paris, Mercredi 2 juillet 1851, François Guizot à Dorothée de Lieven
Collection : 1851 (1er janvier-10 novembre) : Guizot observateur des jeux de tensions entre le Président et l'Assemblée
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
Paris. Mercredi 2 Juillet 185
Une heure
Je ne suis pas du tout résigné à la séparation. Mon plaisir me manquera aux heures accoutumées, et mon attente de mon plaisir tout le jour.
En vous quittant hier soir je suis retourné chez Mad. de Staël. Point d'autre visiteur que Viel-Castel uniquement préoccupé des affaires de La Plata dont le rapport se fait ces jours-ci. M. Thiers, les a toujours à coeur, plus que vous. Il ne refera pourtant pas son discours cette année, mais il en fera faire plusieurs. Pour rien, car la paix sera faite avec Rosas. 13 membres de la commission sont pour la paix contre 2. M. De Tocqueville lira Lundi 7, à la Commission, son rapport sur la révision. La Commission le discutera lundi et mardi. Il le lira à l’assemblée mercredi, ou jeudi. Le grand débat commencera, le mardi 15, grand peut-être, et long certainement.
Pour la réunion des Pyramides, sept orateurs, MM. de Broglie, Montalembert, Daru, Odilon Barrot, Beugnot, Gal Bedeau et Coquerel. Pour la République, plaine ou Montagne, MM. le Gal Cavaignac, Lamartine, Gal Lamoricière, Jules Favre, Charras, Mathieu de la Drôme Michel de Bourges. Pour le Tiers Parti, MM. Dufaure, Tocqueville et Laboulais. Pour les légitimistes, MM. Berryer, Falloux, Vatimesnil, La Rochejacquelein, Laboulie. Pour les fusionnistes MM. Molé, Montebello, Moulin. Pour le Ministère, MM. Baroche. Léon Faucher et Rouher. Voilà le programme général. Et comme il s’agit de prendre position pour les élections futures, peu de gens se retireront de la scène. Au moins dix ou douze jours de débat. Je n’ai encore vu personne qui connût le discours du Président.
La réception de Poitiers n'a pas valu celle de Tours. Peu de visites ce matin. Deux légitimistes, MM. de Neuville et de Limairac, bien pressés qu’on s'entende avec eux pour faire, à la loi du 31 mai une petite modification qui leur permette de ne pas attaquer la loi, et de voter avec la majorité, contre la Montagne. Le parti est assez découragé.
Je verrai demain le général Chabannes qui part le soir pour Claremont. Je lui dirai bien des choses à redire et il les redira. Je ne suis pas plus intéressant que cela. Adieu. La pluie me plait. Vous aurez moins chaud et point de poussière. Adieu, adieu.
Tout va bien chez moi. Adieu. G.
Une heure
Je ne suis pas du tout résigné à la séparation. Mon plaisir me manquera aux heures accoutumées, et mon attente de mon plaisir tout le jour.
En vous quittant hier soir je suis retourné chez Mad. de Staël. Point d'autre visiteur que Viel-Castel uniquement préoccupé des affaires de La Plata dont le rapport se fait ces jours-ci. M. Thiers, les a toujours à coeur, plus que vous. Il ne refera pourtant pas son discours cette année, mais il en fera faire plusieurs. Pour rien, car la paix sera faite avec Rosas. 13 membres de la commission sont pour la paix contre 2. M. De Tocqueville lira Lundi 7, à la Commission, son rapport sur la révision. La Commission le discutera lundi et mardi. Il le lira à l’assemblée mercredi, ou jeudi. Le grand débat commencera, le mardi 15, grand peut-être, et long certainement.
Pour la réunion des Pyramides, sept orateurs, MM. de Broglie, Montalembert, Daru, Odilon Barrot, Beugnot, Gal Bedeau et Coquerel. Pour la République, plaine ou Montagne, MM. le Gal Cavaignac, Lamartine, Gal Lamoricière, Jules Favre, Charras, Mathieu de la Drôme Michel de Bourges. Pour le Tiers Parti, MM. Dufaure, Tocqueville et Laboulais. Pour les légitimistes, MM. Berryer, Falloux, Vatimesnil, La Rochejacquelein, Laboulie. Pour les fusionnistes MM. Molé, Montebello, Moulin. Pour le Ministère, MM. Baroche. Léon Faucher et Rouher. Voilà le programme général. Et comme il s’agit de prendre position pour les élections futures, peu de gens se retireront de la scène. Au moins dix ou douze jours de débat. Je n’ai encore vu personne qui connût le discours du Président.
La réception de Poitiers n'a pas valu celle de Tours. Peu de visites ce matin. Deux légitimistes, MM. de Neuville et de Limairac, bien pressés qu’on s'entende avec eux pour faire, à la loi du 31 mai une petite modification qui leur permette de ne pas attaquer la loi, et de voter avec la majorité, contre la Montagne. Le parti est assez découragé.
Je verrai demain le général Chabannes qui part le soir pour Claremont. Je lui dirai bien des choses à redire et il les redira. Je ne suis pas plus intéressant que cela. Adieu. La pluie me plait. Vous aurez moins chaud et point de poussière. Adieu, adieu.
Tout va bien chez moi. Adieu. G.
Hôtel Bellevue, Mercredi 2 juillet 1851, Dorothée de Lieven à François Guizot
Collection : 1851 (1er janvier-10 novembre) : Guizot observateur des jeux de tensions entre le Président et l'Assemblée
Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
Hôtel Bellevue. Mercredi le 2 juillet 1851,
6 heures
Je viens d’arriver fatiguée. Voilà toutes mes nouvelles. Si le train ne part pas de trop bonne heure demain je poursuis, sinon je me repose. Je sais que le Roi de Würtemberg va venir à Ems. Pensez un peu quel dommage que vous ne le voyiez pas ! Je crois qu’il y vient dans l'espoir que vous y serez. J’en saurai davantage après-demain.
Adieu, je tombe de fatigue de faim et de sommeil.
Adieu. Adieu.
6 heures
Je viens d’arriver fatiguée. Voilà toutes mes nouvelles. Si le train ne part pas de trop bonne heure demain je poursuis, sinon je me repose. Je sais que le Roi de Würtemberg va venir à Ems. Pensez un peu quel dommage que vous ne le voyiez pas ! Je crois qu’il y vient dans l'espoir que vous y serez. J’en saurai davantage après-demain.
Adieu, je tombe de fatigue de faim et de sommeil.
Adieu. Adieu.
Mots-clés : Aristocratie, Santé (Dorothée), Voyage
Paris, 1851, Eloi Mallac à François Guizot
Auteurs : Mallac, Eloi (1809-1876)
London, June 30, 1851, Thomas Wright à François Guizot
Collection : 182_Correspondances : 1831-1861
Auteurs : Wright, Thomas (1810-1877)
Wilton Crescent, le 23 juin 1851, Henry Hallam à François Guizot
Auteurs : Hallam, Henry (1777-1859)
Paris, le 22 juin 1851, François Guizot à Sarah Austin
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
Le Marhallache, le 16 juin 1851, Louis de Carné à François Guizot
Collection : 163_Lettres de Louis de Carné : 1842-1873
Auteurs : Carné, Louis de (1804-1876)
Paris, Dimanche 1er juin 1851, François Guizot à Sarah Austin
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
Paris, Samedi 17 mai 1851, Dorothée de Lieven à François Guizot
Collection : 1851 (1er janvier-10 novembre) : Guizot observateur des jeux de tensions entre le Président et l'Assemblée
Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
Paris Samedi le 17 Mai 1851
Hier Duchatel seul, le matin. Le soir M. Molé, Antonini, Hotzfeld. Molé est remis et en bon train & bonne humeur. Il avait eu la visite de M. Dupin, revenu très révérencieux pour la fusion. Il ne parle plus que chapeau bas de M. le comte de Chambord il dit seulement qu'il faut que tous les prétendants se fusionnent Antonini me contait les fureurs du parti Thiers contre Changarnier. M. de Rémusat crie à l'ingratitude. " C'est moi qui lui ai fait les pauvres petites phrases qu'il a encore à débiter à la tribune." !
Duchatel est bien amusé de Lady Allen pas reçue à Esher. Cela l’enchante. On dit beaucoup que Léopold passe à la fusion. J’ai eu une lettre de Constantin du 15 il parlait à l’instant même avec le Roi. La reine ayant reçu la nouvelle de la mort de la duchesse de Leuchtenberg, sa sœur n’a pas pu aller à Varsovie. Cette mort met en deuil toutes les cours de l’Europe. Prusse, Autriche, Russie, Saxe, Suède, Piémont, Elysée ! C’est sa tante. Il ferme ses portes. On espère que les 3 souverains se rencontreront, c’est très désirable. Dans tous les cas, on se concerte pour les éventualités françaises et cela deviendra visible bientôt. Montebello est repris, une troisième rougeole s’est déclarée chez lui. C'est insupportable. J'ai eu une visite ce matin qui me dit que Mazzini désavoue la pièce. D'un autre côté M. Carlier a dit hier à quelqu’un qu’elle était authentique. J’espère qu’elle l’est.
Adieu. Adieu, jusqu’à lundi. Adieu.
Hier Duchatel seul, le matin. Le soir M. Molé, Antonini, Hotzfeld. Molé est remis et en bon train & bonne humeur. Il avait eu la visite de M. Dupin, revenu très révérencieux pour la fusion. Il ne parle plus que chapeau bas de M. le comte de Chambord il dit seulement qu'il faut que tous les prétendants se fusionnent Antonini me contait les fureurs du parti Thiers contre Changarnier. M. de Rémusat crie à l'ingratitude. " C'est moi qui lui ai fait les pauvres petites phrases qu'il a encore à débiter à la tribune." !
Duchatel est bien amusé de Lady Allen pas reçue à Esher. Cela l’enchante. On dit beaucoup que Léopold passe à la fusion. J’ai eu une lettre de Constantin du 15 il parlait à l’instant même avec le Roi. La reine ayant reçu la nouvelle de la mort de la duchesse de Leuchtenberg, sa sœur n’a pas pu aller à Varsovie. Cette mort met en deuil toutes les cours de l’Europe. Prusse, Autriche, Russie, Saxe, Suède, Piémont, Elysée ! C’est sa tante. Il ferme ses portes. On espère que les 3 souverains se rencontreront, c’est très désirable. Dans tous les cas, on se concerte pour les éventualités françaises et cela deviendra visible bientôt. Montebello est repris, une troisième rougeole s’est déclarée chez lui. C'est insupportable. J'ai eu une visite ce matin qui me dit que Mazzini désavoue la pièce. D'un autre côté M. Carlier a dit hier à quelqu’un qu’elle était authentique. J’espère qu’elle l’est.
Adieu. Adieu, jusqu’à lundi. Adieu.
Val-Richer, Samedi 17 mai 1851, François Guizot à Dorothée de Lieven
Collection : 1851 (1er janvier-10 novembre) : Guizot observateur des jeux de tensions entre le Président et l'Assemblée
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
Val Richer, Samedi 17 mai 1851
9 Heures
Le beau temps continue. Je me suis promené hier tout le jour. Ce matin il fait déjà chaud. Je voudrais vous envoyer pour dîner demain soir votre salon, une vingtaine de mes belles tulipes. Vraiment très belles, des combinaisons infinies de toutes les nuances, de toutes les couleurs.
C’est un singulier effet de ne voir personne et de n'entendre parler de rien. Il faut vivre à la campagne, pour comprendre combien la plus grande partie, la presque totalité de la population est loin de la politique, et se doute peu de tout le monument qu’on se donne ailleurs pour disposer d’elle. Je me figure que les plus grandes tempêtes de l’océan, pénètrent aussi bien peu avant sous les eaux, et que le fond reste très tranquille pendant que la surface est si agitée.
J'attends votre lettre et les journaux. Un seul journal ; je n'ai demandé que l'assemblée nationale, et si je ne me trompe elle m’apportera un long fragment de l'éternel panégyrique de la Monarchie. Je suppose que c’est un livre que M. de Salvandy nous donne par chapitres. Puis il recueillera les chapitres pour nous donner le livre. Cela vous est assez égal.
Onze heures
C'est très bien fait de penser à moi quand je n’y suis pas. Ce sera très bien fait d’y penser et tout autant, quand j’y serai. Car j'y serai après-demain. Je pense à mon retour avec autant de plaisir que si j'étais loin de vous depuis un mois.
Merci de vos nouvelles. Je ne connais personne qui sache comme vous ramasser les miettes et en faire un bon plat. Je ne savais pas que la Duchesse de Parme eût ordre de voir les d’Aumale. On a raison de le lui prescrire. Du reste, je regrette peu, en y pensant, qu’elle n'ait pas eu cet ordre là il y a trois ans. C’était trop tôt. Il fallait du temps, et il en faut encore. Puisque entre Princes, on na pas fait l'affaire vite et qu'on l'a laissé traiter entre nous autres, autant vaut, il vaut même mieux qu'elle s'achève entre nous et que les Princes la reçoivent de nos mains. Ce sera leur faute s'ils n’y paraissent que pour accepter au lieu de faire.
On aura écrit de Paris à la Duchesse d'Orléans, sur Lady Allice. Je ne crois pas plus que vous à l'abdication de la Reine du Portugal, ni au message de Mazzini. Armand Bertin a dîné chez Paul de Ségur, avec Lasteyrie seulement. Il avait refusé l'autre. Dîner insignifiant, et plutôt triste, à ce qu’il dit. Je suis bien aise que vous soyez rentrée possession de Montebello et de Duchâtel. Adieu.
Moi, je n'ai pas même de miettes à ramasser pour vous. Adieu, adieu jusqu'à après-demain. G.
9 Heures
Le beau temps continue. Je me suis promené hier tout le jour. Ce matin il fait déjà chaud. Je voudrais vous envoyer pour dîner demain soir votre salon, une vingtaine de mes belles tulipes. Vraiment très belles, des combinaisons infinies de toutes les nuances, de toutes les couleurs.
C’est un singulier effet de ne voir personne et de n'entendre parler de rien. Il faut vivre à la campagne, pour comprendre combien la plus grande partie, la presque totalité de la population est loin de la politique, et se doute peu de tout le monument qu’on se donne ailleurs pour disposer d’elle. Je me figure que les plus grandes tempêtes de l’océan, pénètrent aussi bien peu avant sous les eaux, et que le fond reste très tranquille pendant que la surface est si agitée.
J'attends votre lettre et les journaux. Un seul journal ; je n'ai demandé que l'assemblée nationale, et si je ne me trompe elle m’apportera un long fragment de l'éternel panégyrique de la Monarchie. Je suppose que c’est un livre que M. de Salvandy nous donne par chapitres. Puis il recueillera les chapitres pour nous donner le livre. Cela vous est assez égal.
Onze heures
C'est très bien fait de penser à moi quand je n’y suis pas. Ce sera très bien fait d’y penser et tout autant, quand j’y serai. Car j'y serai après-demain. Je pense à mon retour avec autant de plaisir que si j'étais loin de vous depuis un mois.
Merci de vos nouvelles. Je ne connais personne qui sache comme vous ramasser les miettes et en faire un bon plat. Je ne savais pas que la Duchesse de Parme eût ordre de voir les d’Aumale. On a raison de le lui prescrire. Du reste, je regrette peu, en y pensant, qu’elle n'ait pas eu cet ordre là il y a trois ans. C’était trop tôt. Il fallait du temps, et il en faut encore. Puisque entre Princes, on na pas fait l'affaire vite et qu'on l'a laissé traiter entre nous autres, autant vaut, il vaut même mieux qu'elle s'achève entre nous et que les Princes la reçoivent de nos mains. Ce sera leur faute s'ils n’y paraissent que pour accepter au lieu de faire.
On aura écrit de Paris à la Duchesse d'Orléans, sur Lady Allice. Je ne crois pas plus que vous à l'abdication de la Reine du Portugal, ni au message de Mazzini. Armand Bertin a dîné chez Paul de Ségur, avec Lasteyrie seulement. Il avait refusé l'autre. Dîner insignifiant, et plutôt triste, à ce qu’il dit. Je suis bien aise que vous soyez rentrée possession de Montebello et de Duchâtel. Adieu.
Moi, je n'ai pas même de miettes à ramasser pour vous. Adieu, adieu jusqu'à après-demain. G.
Paris, Vendredi 16 mai 1851, Dorothée de Lieven à François Guizot
Collection : 1851 (1er janvier-10 novembre) : Guizot observateur des jeux de tensions entre le Président et l'Assemblée
Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
Paris vendredi le 16 Mai 1851
C’est très ennuyeux d’avoir à vous écrire. C’est plus ennuyeux encore d’avoir pensé à vous hier tout le jour. Quand vous êtes pris je ne m'occupe pas autant de vous. Expliquez cela, arrangez cela. Point de nouvelle à ce qu’il me semble. J’ai vu le matin le Prince Paul Montebello, Lord Holland des Russes. Un comte Koutouzoff bien bel homme. Le soir Dumon, Meradi, Viel Castel, Meradi charmant. Thiers est de bien mauvaise humeur. Assis à la Chambre à côté de Heeckeren. Un député les appelle les débris qui se consolent. Thiers trouve débris très impertinent. L’interlocuteur dit : " Glorieux débris dès 18 ans. "
Je vous redis des bêtises. La Duchesse de Parme va à Naples avec injonction de voir les d’Aumale. Puisque vous ne m'avez pas dit cela, je vous l’apprends. Lady Allen croit que le Ministère tiendra. Stanley le désire. Graham au con traire voudrait que Stanley le remplaçât tout de suite, afin que son tour à lui, Graham vint plutôt. La duchesse d'Orléans boude lady Allen, & ne l’a pas vue encore. Joli retour des ardeurs de lady Allen.
Le message Marzini fait du bruit. Je n’y crois pas du tout moi. Mes petites amies ont passé leur soirée hier chez Thiers. Elles l'ont trouvé en très bonne humeur croyant à la prorogation du Président peut être à sa perpétuité. Paul de Ségur était là. Charlotte Rothschild se moque de la fusion et ne croit à rien. Mais elle est en grande haine de l'Elysée. Elle veut un Dictateur. J'espère que me voilà suffisamment commère. Adieu et demain encore Adieu.
G. Viel-Castel ne savait rien du Portugal. En y pensant bien je ne crois pas du tout à l’abdication de la reine ou à sa chute. L'Angleterre la soutiendra.
C’est très ennuyeux d’avoir à vous écrire. C’est plus ennuyeux encore d’avoir pensé à vous hier tout le jour. Quand vous êtes pris je ne m'occupe pas autant de vous. Expliquez cela, arrangez cela. Point de nouvelle à ce qu’il me semble. J’ai vu le matin le Prince Paul Montebello, Lord Holland des Russes. Un comte Koutouzoff bien bel homme. Le soir Dumon, Meradi, Viel Castel, Meradi charmant. Thiers est de bien mauvaise humeur. Assis à la Chambre à côté de Heeckeren. Un député les appelle les débris qui se consolent. Thiers trouve débris très impertinent. L’interlocuteur dit : " Glorieux débris dès 18 ans. "
Je vous redis des bêtises. La Duchesse de Parme va à Naples avec injonction de voir les d’Aumale. Puisque vous ne m'avez pas dit cela, je vous l’apprends. Lady Allen croit que le Ministère tiendra. Stanley le désire. Graham au con traire voudrait que Stanley le remplaçât tout de suite, afin que son tour à lui, Graham vint plutôt. La duchesse d'Orléans boude lady Allen, & ne l’a pas vue encore. Joli retour des ardeurs de lady Allen.
Le message Marzini fait du bruit. Je n’y crois pas du tout moi. Mes petites amies ont passé leur soirée hier chez Thiers. Elles l'ont trouvé en très bonne humeur croyant à la prorogation du Président peut être à sa perpétuité. Paul de Ségur était là. Charlotte Rothschild se moque de la fusion et ne croit à rien. Mais elle est en grande haine de l'Elysée. Elle veut un Dictateur. J'espère que me voilà suffisamment commère. Adieu et demain encore Adieu.
G. Viel-Castel ne savait rien du Portugal. En y pensant bien je ne crois pas du tout à l’abdication de la reine ou à sa chute. L'Angleterre la soutiendra.
Claremont, le 9 mai 1851, Louis d'Orléans à François Guizot
Auteurs : Orléans, Louis Charles Philippe Raphaël d' (duc de Nemours) (1814-1896)
Courbevoie, le 5 mai 1857, Comte de Jarnac à François Guizot
Auteurs : Rohan-Chabot, Charles Rosalie de (comte de Jarnac) (1814-1896)
Paris, le 2 mai 1851, François Guizot à Louis Vitet
Collection : 164_Lettres de Louis Vitet : 1832-1867
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
West Molesey, the 24th Ap. 1851, John Croker à François Guizot
Collection : 178_Lettres de John Croker : 1837-1857
Auteurs : Croker, John-Wilson (1780-1857)
Paris, le 18 avril 1851, le comte Molé à François Guizot
Auteurs : Molé, Louis-Mathieu (1781-1855)
Paris, le 30 mars 1851, François Guizot à Sarah Austin
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
Paris, le 24 mars 1851, Le comte Molé à François Guizot
Auteurs : Molé, Louis-Mathieu (1781-1855)
Weybridge, March 23, 1851, Sarah Austin à François Guizot
Collection : 180_Lettres de Sarah Austin : 1840-1867
Auteurs : Austin, Sarah (1793-1867)
pp. 263-265.
Wilton Crescent, le 15 mars 1851, Henry Hallam à François Guizot
Auteurs : Hallam, Henry (1777-1859)
Paris, Mercredi 9 mars 1851, Dorothée de Lieven à François Guizot
Collection : 1851 (1er janvier-10 novembre) : Guizot observateur des jeux de tensions entre le Président et l'Assemblée
Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
Merci, merci tendrement. Hélas c’était hier. Que de choses qu’on ne dit pas, tout juste ce qui remplit le cœur. Encore, encore merci. Adieu. adieu.
10 heures
Mercredi 9 mars 1851
10 heures
Mercredi 9 mars 1851
Mots-clés : Amour, Relation François-Dorothée
Paris, Mercredi 9 mars 1851, François Guizot à Dorothée de Lieven
Collection : 1851 (1er janvier-10 novembre) : Guizot observateur des jeux de tensions entre le Président et l'Assemblée
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
Un mot de tendre affection avant une heure. Tous les jours, et aujourd’hui plus qu’un autre jour, ce qui vous touche me touche. Même quand nous ne nous en disons rien. On se dit si peu ! Adieu. Adieu G.
Mercredi 9.
Mercredi 9.
Mots-clés : Relation François-Dorothée
Val-Richer, Samedi 6 mars 1851, François Guizot à Dorothée de Lieven
Collection : 1851 (1er janvier-10 novembre) : Guizot observateur des jeux de tensions entre le Président et l'Assemblée
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
Val Richer, Samedi 6 mars 1851
L’article du Constitutionnel est en effet très remarquable, et celui de l’Univers peut-être encore plus. Armand Bertin doit être bien perplexe. Je crains beaucoup qu’il ne finisse par tomber du mauvais côté. Par camaraderie et par faiblesse plutôt qu'avec confiance et par goût. Même dans ce cas, je doute fort qu’il prête un appui bien énergique et bien actif. La désapprobation percera à travers l'apologie. De tout ceci, quoi qu’il arrive il restera toujours un grand mal ; une recrudescence de désunion et d'aigreur dans les partis monarchiques, et des Princes très compromis et affaiblis. Si la République était viable, elle aurait bien des chances de vivre. Étrange pays où il se fait au même moment des mouvements en sens contraires ; c’est au moment où, dans l’Assemblée et dans les Conseils Généraux, les deux grands camps monarchiques, se rapprochent, et agissent ensemble, que dans la région princière, l’esprit de division et de politique égoïste pénètre et prévaut. M. Royer Collard disait souvent, en parlant de Thiers : " Ce sera l'homme fatal de la Monarchie de Juillet, et si on le laisse faire de la France ! Nous verrons si la seconde moitié de la prédiction s'accomplira. J'espère toujours que non.
Est-ce que vous n'avez pas revu le Général Changarnier. A part l’intérêt positif, qui est grand, il y a, dans cet homme, un problème qui excite vivement ma curiosité. S’il était vraiment sincère et décidé dans ce qu’il nous dit, il y aurait un grand parti à tirer de lui, précisément dans le trouble actuel.
Qu’entendez-vous dire de la Belgique depuis que la loi sur les successions directes a été rejetée par le Sénat ?
J'irai le 16 ou le 17 passer huit ou dix jours à Broglie. Tout ce qui me revient de la disposition du duc en bon ; s’il n'est pas décidé pour le bon côté, il l’est tout-à-fait contre le mauvais.
Je viens de lire les deux volumes d'Histoire de la Restauration de M. de Lamartine. Grand pamphlet politique comme l'histoire des Girondins. D'abord pour gagner de l'argent, puis pour faire de l'effet théâtral, puis, pour servir à la situation personnelle de l’auteur, puis pour nuire à la Restauration comparée à la République, puis pour nuire surtout à la Monarchie de Juillet comparée à la République et à la Restauration. Grande profusion d’esprit et de talent sur un chaos continu de vrai et de faux. C'est certainement un homme très remarquable. Il a l'abondance et l'éclat. Il se promène magnifiquement à la surface des choses. Au fond, artisan de désordre. Je crois pourtant qu’à tout prendre ce livre-ci fera plutôt du bien que du mal. Mais s’il le continue sur ces dimensions là, il fera vingt volumes.
10 heures
L’article de ce matin dans les Débats me plaît fort. Il éluderont la polémique, au lieu de l'y enfoncer, et je suis charmé que ma conversation y soit répétée. J'étais bien sûr que j’avais raison de parler. Je ne concevais pas mon silence. Adieu. Adieu. Je vous dirai ce que j'écrirai à Lord Aberdeen. Mais le Prince de Schwartzenberg à tort de dire de lui ce qu’il en dit ; il ne faut pas jeter ainsi le manche après la cognée à la tête de ses amis. Adieu G.
L’article du Constitutionnel est en effet très remarquable, et celui de l’Univers peut-être encore plus. Armand Bertin doit être bien perplexe. Je crains beaucoup qu’il ne finisse par tomber du mauvais côté. Par camaraderie et par faiblesse plutôt qu'avec confiance et par goût. Même dans ce cas, je doute fort qu’il prête un appui bien énergique et bien actif. La désapprobation percera à travers l'apologie. De tout ceci, quoi qu’il arrive il restera toujours un grand mal ; une recrudescence de désunion et d'aigreur dans les partis monarchiques, et des Princes très compromis et affaiblis. Si la République était viable, elle aurait bien des chances de vivre. Étrange pays où il se fait au même moment des mouvements en sens contraires ; c’est au moment où, dans l’Assemblée et dans les Conseils Généraux, les deux grands camps monarchiques, se rapprochent, et agissent ensemble, que dans la région princière, l’esprit de division et de politique égoïste pénètre et prévaut. M. Royer Collard disait souvent, en parlant de Thiers : " Ce sera l'homme fatal de la Monarchie de Juillet, et si on le laisse faire de la France ! Nous verrons si la seconde moitié de la prédiction s'accomplira. J'espère toujours que non.
Est-ce que vous n'avez pas revu le Général Changarnier. A part l’intérêt positif, qui est grand, il y a, dans cet homme, un problème qui excite vivement ma curiosité. S’il était vraiment sincère et décidé dans ce qu’il nous dit, il y aurait un grand parti à tirer de lui, précisément dans le trouble actuel.
Qu’entendez-vous dire de la Belgique depuis que la loi sur les successions directes a été rejetée par le Sénat ?
J'irai le 16 ou le 17 passer huit ou dix jours à Broglie. Tout ce qui me revient de la disposition du duc en bon ; s’il n'est pas décidé pour le bon côté, il l’est tout-à-fait contre le mauvais.
Je viens de lire les deux volumes d'Histoire de la Restauration de M. de Lamartine. Grand pamphlet politique comme l'histoire des Girondins. D'abord pour gagner de l'argent, puis pour faire de l'effet théâtral, puis, pour servir à la situation personnelle de l’auteur, puis pour nuire à la Restauration comparée à la République, puis pour nuire surtout à la Monarchie de Juillet comparée à la République et à la Restauration. Grande profusion d’esprit et de talent sur un chaos continu de vrai et de faux. C'est certainement un homme très remarquable. Il a l'abondance et l'éclat. Il se promène magnifiquement à la surface des choses. Au fond, artisan de désordre. Je crois pourtant qu’à tout prendre ce livre-ci fera plutôt du bien que du mal. Mais s’il le continue sur ces dimensions là, il fera vingt volumes.
10 heures
L’article de ce matin dans les Débats me plaît fort. Il éluderont la polémique, au lieu de l'y enfoncer, et je suis charmé que ma conversation y soit répétée. J'étais bien sûr que j’avais raison de parler. Je ne concevais pas mon silence. Adieu. Adieu. Je vous dirai ce que j'écrirai à Lord Aberdeen. Mais le Prince de Schwartzenberg à tort de dire de lui ce qu’il en dit ; il ne faut pas jeter ainsi le manche après la cognée à la tête de ses amis. Adieu G.
Mots-clés : Histoire (France), Lecture, Politique (France), Portrait, République, Réseau social et politique