Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


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Auteurs : Humboldt, Alexander von (1769-1859)

Auteurs : Lenormant, Amélie (1803-1893) ; Lenormant, Charles (1802-1859)

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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202 Val Richer, samedi 18 Nov. 1854

J'étais bien sûr que la mort de ce pauvre Ste-Aulaire vous ferait une vraie peine. Vous avez raison, vous aussi vous perdez un ami. Outre mon regret pour lui, il m'en laisse un autre ; il n’a pas terminé ses Mémoires sur son ambassade de Londres, et il y aurait dit beaucoup de choses que j'aurais été fort aise de savoir dites. Il ne laisse de complet que ses ambassades de Rome et de Vienne. Sa mort laisse à l'Académie une place pour laquelle M. de Falloux se présentera très naturellement, et aura bien des chances d'être nommé. Il a assisté à la séance de l'évêque d'Orléans, et pas avec beaucoup de tact, ni écrit-on. Il a applaudi, et applaudi seul, quand l'Académie, y compris l'évêque est entrée dans la salle. Ce n’est pas l’usage. Personne ne l’a suivi. Il n'en a pas moins persisté dans son applaudissement solitaire et remarqué avec des sourires. On ajoute qu’il est fort changé " il n’a plus l’air souffrant ; il a l’air vieux."
Je n’ai rien trouvé hier dans mes journaux sinon de beaux détails sur l'héroïque étourderie, non pas qu'à faite Lord Cardigan, mais qu’un ordre mal porté et mal interprété lui a fait faire. J’aime beaucoup le mot du général Canrobert en voyant cette charge de la cavalerie anglaise : " C'est magnifique, mais ce n’est pas là la guerre. Cette guerre-ci prouve deux choses ; l’une, que vous n'êtes pas des barbares, l'autre que la civilisation n'énerve pas les peuples. Entre nous, je vous dirai que même sans compter que je suis Français le courage, et le dévouement de nos hommes, officiers et soldats me touchent plus que celui des Anglais. Il y a vraiment, en Angleterre de l’ardeur de l'enthousiasme et du profit national à cette guerre. Chez nous, il n’y en a point. Nous n’y partons que le sentiment du devoir, et le goût du métier. Le sacrifice est plus grand.
Les Turcs ne grandissent pas en Crimée. Silistrie leur vaut mieux que Sébastopol.
Kisseleff doit être bien triste. Brünnow me semble mieux traité que lui. Il a du moins un certain air d'activité. Il va et vient. Votre diplo matie a fait une bien mauvaise campagne. Votre armée vaut mieux.
Midi
Rien de nouveau. Adieu, Adieu. Mon facteur est arrivé très tard.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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176 Val Richer, samedi 7 oct. 1854

Cette irrégularité de me lettres me déplaît beaucoup, malgré les douces paroles qu’elle me vaut. Je ne vous veux pas ce surcroît d’agitation. Je ne sais qu’y faire Mercredi, en passant à Lisieux, je me plaindrai au directeur de la poste et j'accuserai l’inexactitude de mon facteur, probablement très innocent. On verra du moins que j'y fais attention.
Je reçois de trois points très différents, des lettres qui me montrent quel effet faisait la prise de Sébastopol et quel effet fera la méprise. C'est plus étourdi qu’il n’est permis. Le silence du Moniteur n’est pas une excuse suffisante. Pendant que le Moniteur n'affirmait pas, le gouvernement semblait croire fermement et accréditait la nouvelle de cent manières. Le même effet a été produit à Londres quoique le Duc de Newcastle ait été plus explicite dans ses assertions qu’il ne savait rien au delà de la petite lettre de Lord Raglan après la bataille de l’Alma. A présent, il faut que Sébastopol soit pris, et sans trop attendre. Vous me pardonnez mais il faut. Je parle Français.
Je ne crois même meilleur Français que Barbés malgré la grâce qu’il vient d'obtenir.
Barante m'écrit, dans la fois générale : " La supériorité mécanique d’une civilisation avancée, la régularité de l'administration et de la machine du gouvernement, et par dessus tout la supériorité financière ont donné à cette guerre un aspect nouveau. Ce qui avait été impossible par terre, il y a 40 ans, a pu s'accomplir facilement par mer. Ce n’est pas que je suppose une expédition dans l’intérieur de la Russie. Le but est atteint. Sébastopol était évidemment le point décisif. Maintenant que vont faire les vainqueurs et le vaincu ? Je doute que l'Empereur Nicolas se soumette aux conditions que nécessairement on lui imposera. Il serait, ce semble, plus raisonnable et plus pacifique d’exiger la suppression de toute marine militaire dans la mer Noire que y aller les flottes anglaises et françaises mais l’un et l'autre hypothèse ne seront sans doute pas acceptées par la Russie. Je suis curieux de savoir jusqu'à quel point l'opinion Russe poussera le blâme et le mécontentement, et de quelle façon, l'Empereur supportera l'adversité. Il ( Barante) m'écrit d'Orléans, où il est allé passer deux jours avec Madame de Talleyrand qui s'en retourne dans sa patrie allemande. " Elle se conserve merveilleusement, dit-il, et ne vieillit pas. Elle aime mieux sa vie princière et féodale de Sagan que le séjour de France.
Onze heures
Le courrier ne m’apporte rien. Adieu, Adieu. G.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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146 Val Richer, Samedi 26 Août 1854

Je n’ai pas la plus petite nouvelle. Les journaux vivent encore sur Bomarsund. Il paraît que les fortifications de granit ne résistent pas à notre grosse artillerie, et qu’une fois entamées, elles tombent même plus promptement que d'autres et plus dangereusement pour leurs défenseurs. Au moment même où cette expérience se faisait dans la Baltique, l’inventeur du monstrueux canon qui fait de tels ravages, le général Paixhans mourait du Choléra près de Metz. On dit que son invention mourra aussi bientôt, détrônée par d'autres machines qui porteront la mort plus vite encore et plus loin. Jamais l’esprit de l'homme n’a exploité et dominé la matière avec plus d'empire. Si c'était là toute la civilisation, notre temps n'aurait point de rival.
Je ne vous reparle pas de mon chagrin à propos de votre inquiétude. C’est déjà un grand ennui de s'écrire sur des faits qui seront oubliés, ou à peu près, quand la lettre arrivera. C'est bien pis pour des sentiments personnels et intimes. Je m'indignais hier, en lisant votre lettre, de n'avoir rien su de votre chagrin au moment où vous le sentiez, et de ne vous avoir pas crié sur le champ : " Je me porte bien."
Onze heures
Mon facteur ne m’apporte qu’une lettre de Duchâtel qui est au fond de la Saintonge. Il finit en me disant : " Avez-vous de bonnes nouvelles de Madame de Lieven ? Que fait-elle ? Revient-elle cet automne à Paris ? Vous serez bien aimable de me rappeler à son souvenir. Je nose pas lui écrire, n'ayant à lui dire rien qui vaille ; mais je serais bien heureux de la pensée de la revoir cet hiver. " Je ne vous répète pas ce qu’il me dit de la politique, c’est trop dur pour vos oreilles quasi-Impériales. Voici la phrase la plus douce : " Je m'imagine que les Russes ne sauront pas mieux défendre Sébastopol. Leur guerre n'est pas mieux conduite que leur diplomatie." Je ne vois rien dans les journaux. Adieu. Adieu. G.
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