Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


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Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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341 Paris le 10 avril vendredi 1840,
10 h 1/2
J’ai eu longtemps chez moi Génie ; un moment M. de Pogenpohl une assez bonne promenade au bois de Boulogne, de la causerie. avec Lord Granville et une visite à la princesse ont complété ma matinée. Lord Granville s’anni sur la question des souffres. Je lui ai dit le cri générai de la diplomat ie, de tout le monde. Il combat cela ; cependant il persiste à dire que personne ne lui en écrit un mot de Londres. Cela est peu croyable il m’a répété hier, qu’il ne serait pas surpris d’apprendre que M. Odillon Barrat entre au ministère sous peu de jours, Votre véritable adversaire comme vous l’apelliez un jour dans la Chambre !
J’ai dîné seule ; après le diner la Princesse Wolkowsky est venue me dire adieu un moment, elle partait dans la nuit. Lord Granville, Brignole, Armin, l’internonce, les de Castellane, M. de Maussion, le Duc de Noailles, le prince d’Aremberg. Voilà ma soirée. Dès que Granville fut sorti, il n’y eut qu’un cri sur l’affaire de Naples dont on n’a pas parlé pendant qu’il y était. Brignole prétend cependant qu’une seconde note de Temple était écrite en termes plus doux, mais le fond reste le même et Stopford va agir, or la première partie de ses instructions vise à vous tout juste, parce que c’est sur des batiments Français que se trouvent chargés les souffres. Voilà une querelle engagée tout de suite. Qu’est-ce que cela va dévenir ? Vous êtes bien prudent. Vous ne me dites jamais la plus petite nouvelle politique. Brignole se plaint d’un redoublement de rigueur envers les prisonniers de Bourges, il a même fait des démarches auprès du ministre de l’intérieur, mais sans effet jusqu’ici. Il parait que Thiers a fait quelques avances à Caraffa dans l’intention que Naples demande l’intervention de la France. Mais Caraffa n’a pas relevé l’affaire. Il n’a aucun ordre à cet égard. Vos ministres étaient hier très préocuppés des nouvelles des départements où la cherté du pain cause quelques émeutes, les préfets demandent des troupes et il n’y en a pas. Le parti conservateur est content du dernier vote. Il prouve que la minorité est très serrée et décidée. On juge que la situation du Ministère est toujours très épineuse. Granville par exemple le pense.
Je ne me mèle pas de vous parler de ce que vous mande Génie mais je le sais un peu. Ce qui me frappe c’est la nécessité que vous ne laissiez aucun doute à vos amis sur votre résolution en cas de chances pour M. Molé. Vous leur devez de les éclairer sur ce point que je crois bien résolu dans votre pensée et avec raison.
A propos, hier un ministre a dit à Granville : "Ces conservateurs sont étonnants ; ils croient bien nous embarrasser par leur motion Rémilly. Et bien vogue la galère, que la reforme électorale nous vienne par là. Il faut bien qu’elle vienne un jour nous l’accepterons. Vous savez bien qu’on parle déjà de dissolution. Faut il que je fasse mon voyage en Angleterre ? 

2 heures
Votre N° 337. Je vous en remercie tendrement. Vous vous êtes fâchés un peu. Un peu plus à la réflexion qu’au premier moment. Moi le premier moment a été plus vif, la réflexion a adouci. Voilà mes petites observations d’aujourd’hui. Cependant c’est presque imperceptible et je ne le vois que parce que je regarde à tout dans ce qui nous regarde avec une minutie qui surpasse encore votre bonne vue. Vous me consternez dans ce qui vous me dites de Sully, j’en restait à son austérité pour son maître, car enfin il est bien vrai qu’il condanmait sa conduite, et je croyais dès lors que c’était un Quaker. Jne crois plus à personne. Mais je croirai à vous; j’y crois. Oui, oui tout-à-fait. Il y a de si tendres paroles dans votre lettre, des paroles si pénétrantes. Votre programme me convient tout-à-fait et je suis bien aise de votre dîner le 15 à la société savante. J’en suis bien aise bourgeoisement. Ce sera une espèce de répétition avant la représentation du 1er de mai. Vous voyez que je me préocupe beaucoup de votre ménage.
Ce que vous au dites de l’impression que vous a faite la chambre des Communes me plait parfaitement, car c’est celle que j’ai reçue moi même. J’ai chargé Marion de la découverte de nouveaux pauvres. Anglais, et enfants ; c’est les deux conditions. On dit que le Roi, qui s’était mis sur le ton de la résignation a passé maintenant à l’état de plainte et de propos très amers contre son Ministère. Il se plaint aussi que son salon est désert ; on ne vient plus ! Vraiment il y a peu de dignité à ce langage.
Je vous dis à tort et à travers tout ce qui me revient, mais toujours de bonne source.

Samedi le 11 avril 10 heures
J’ai fait hier le bois de Boulogne seule. La petite princesse. Le dîner chez La Redorte, un moment de la soirée à l’Ambassade d’Angleterre, et le reste chez Mad. de Castellane pour entendre chanter les Belgiojoso. A diner Thiers seul a parlé et moi un peu ; le passé; il répétait son Consulat et son Empire. Il a eu tort et j’ai eu raison sur un point de l’histoire. La guerre de la coalition était en 1798, et il la voulait en 99. Elle a fini en 99. Avant dîner il m’a dit un mot.L’exil du Prince de Cassaro, la mauvaie humeur de Lord Palmerston. Il voulait causer seul avec moi, mais cela n’a pas réussi, Mad. de Talleyrand était là. Avant dîner courte reconnaissance et froide. A diner pas un mot, elle n’a pas ouvert la bouche. Après le dîner un long aparté; après lequel ils sont revenus prendre place au milieu de nous. Et il l’appellait "ma chère amie" en lui serrant le bras en haut en bas. Enfin c’était drôle ! Ce qui était drôle aussi c’est le ton hautain et exigeant de Mad. de La Redorte avec Thiers. Tout comme ferait Barrot. "Vous n’êtes pas assez décidé, vous n’avez que nous, il faut donc franchement nous prendre. Il ne faut pas flatter l’ennemi & &." Thiers avait l’air de se défendre un peu, d’accepter un peu le patronage. On a parlé destitution et il a dit : "et bien le temps de cela viendra aussi." Elle était plus pressée. Mais enfin tout cela m’a donné l’idée que le mariage n’est pas aussi arrêté que je le croyais. On a parlé de M. Molé ; tout le monde Mad. de Talleyrand surtout, affirmait qu’il s’était mal défendu l’année dernière, j’ai seule soutenu le contraire parce que j’étais un peu indignée de cette injustice et cette bassesse Montrond m’a appuyée. Savez-vous que j’ai un parfait mépris pour Mad. de Talleyrand ? il y avait toujours mépris d’une certaine espèce, à présent il y a mépris de toute espèce. Vraiment, peut on ainsi se manquer de respect à soi même ? Il y avait à diner outre ce que je viens de nommer Médem, Pahlen, Brignole, Vandoeuvre,  Rambuteau. A l’hotel de l’ambassade on a appris par moi les inquiétudes à Londres sur le vote de la Chambre, je l’ai su par un mot d’Ellice. Cela les a un peu consternés. Granville dit que M. Temple après une attitude très décidée et énergique. Il parle du Roi de Naples comme d’un fool. Il me semble d’après le dire de Thiers que cette affaire n’est pas en train de s’arranger. Nous nous sommes dit deux mots bien bas et bien intimes avant dîner que je n’ai peut être pas besoin de vous redire et que je ne veux pas écrire.
On m’a dit et de bonne source apparente que M. Molé aurait déclaré au Roi qu’il n’est pas en état de fournir un ministère et qu’il lui conseillait dès lors d’accepter la dissolution si elle lui est demandée. J’ai dit Le soir à M. Molé que j’avais ouï dire ce commérage. Il s’est récrié et m’a dit au contraire : "J’encourage perpétuellement le Roi à y résister, à toute outrance." Ce qui n’empêche pas qu’il ne me dit, un moment après : "Le Roi et moi nous n’avons pas seulement proféré le mot dissolution dans nos entretiens."
Je vous laisse à décider où est la vérité. Il y avait de la musique chez Mad. de Castellane, mais il y avait aussi du courant d’air. J’ai craint l’un plus que je n’ai aimé l’autre, et je suis partie de bonne heure. Appony venait de chez le roi qu’il avait trouvé de fort bonne humeur à sa grande surprise, quel terrain mouvant que ceci !
Voici votre N° 338. y a-t-il quelque nouveau réglement pour les drawing rooms ? Sous les autres règnes jamais les ambassadeurs ne restaient jusqu’à la fin à moins qu’ils en eussent envie. Mon mari, Estorhazy, M. de Talleyrand, tout cela partait quand bon leur semblait. Moi, je restais, parce que le roi et la reine venaient après le drawing room me dire un mot, mais j’ai seule. Les hommes diplomates n’ont jamais tenu jusqu’à la fin. Il n’y avait aucune nécessité de le faire.
Je suis bien aise de penser que vous allez vous trouver à Holland House. J’y ai souvent été. Souvent, surtout dans le jardin, mais pas seule.
Je n’ai pas encore écrit à la Duchesse de Sutherland, je ne sais trop que lui dire. La phrase de sa lettre qui me regarde ne parait pas aux autres aussi directe qu’elle vous semble à vous, et Lady Granville n’a pas eu de renseignement à ce sujet. S’il n’en vient pas décidément c’est que nous nous sommes trompés. Il faudra que je prenne d’autres mesures. C’est un peu ennuyeux parce qu’on est fort mal aux auberges à Londres. Je consulterai Ellice et il me trouvera peut être quelque chose hors de Londres du côté de Holland House. Mais il faut un établissement. Enfin je verrai. Vérity me drogue en effet et cela me déplait. Si le beau temps arrive jamais, je lui confierai le soin de ma santé et je laisserai les drogues.
Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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N°90. Lisieux, mardi 17 11 h. du soir.

Je serai rue de la Charte le 31 Juillet entre midi et une heure, c’est-à-dire dans quatorze jours. Je passerai à Paris la première quinzaine d’août. C’est la belle institution du jury qui me vaut cela. Je viens de recevoir ma convocation officielle. On me plaint beaucoup ; mais on me prêche la vertu ; on me dit qu’il n’y a pas moyen de s’en dispenser, qu’il faut remplir ses devoirs de citoyen. Je réponds vertueusement. Avec vous, je ne dis rien, je n’ajoute rien. Le fait sans phrase. Je n’en sais point qui exprime mon plaisir. Ceci vous consolera, je l’espère, de mes quelques lignes de ce matin. Je n’ai pas la moindre envie de vous parler d’autre chose. Je viens de voir tout ce qu’on peut voir de monde à Lisieux, des bosquets illuminés, des alliées sombres, des allées claires. Pendant qu’on se promenait, j’ai joué au trictrac dans un petit pavillon. C’est mon boulevard contre la conversation qui me poursuit ici sans relâche. Chacun veut avoir la sienne. J’en vais chercher autant demain à cinq lieues d’ici à Pont-Lévêque. Puis, je rentrerai chez moi jusqu’au 30 Juillet. Quinze jours ce n’est pas une éternité de huit mois ; mais, c’est quelque chose Nous le dirons ensemble cet adieu que vous me rendez aujourd’hui. En l’attendant, je vais me coucher. Je n’ai vraiment pas le cœur à une conversation quelconque, même avec vous. J’ai un grand déjeuner demain, avant de partir pour aller dîner. Je serai assiégé dès le matin. Je trouverai pourtant bien moyen de vous dire un autre adieu.

Mercredi 6 h. 1/2
J’ai bien dormi, en me réveillant très souvent ; mais des réveils si doux ? J’espère que vous aurez de meilleures nouvelles de votre Grand Duc. Je lui porte intérêt. Vous n’avez pas d’idée de l’effet singulier qu’ont produit sur moi vos paroles J’espère que mes enfants seront heureux sous son règne. Vous avez parfaitement raison. Mais il ne m’est jamais tombé dans l’esprit que le bonheur de mes enfants dépendit du caractère du souverain. Nous faisons un peu plus notre bonheur nous- mêmes. Nous n’y réussissons pas toujours. Mais enfin, quand nous n’y réussissons pas, c’est notre faute. C’était là ce qui m’irritait sous l’Empereur Napoléon. Je sentais mon sort et celui des miens tout-à-fait dépendant de la volonté, bonne ou mauvaise, sage ou folle, d’un autre homme. Je n’ai jamais pu m’y accoutumer. Léopold ira vous voir quand vous l’aurez reconnu. Il ne veut pas s’exposer à ce que vous ne l’appeliez pas par son nom. Je vous quitte. Je vais faire ma toilette. Il faut que je sois prêt quand on m’arrivera. Tout le monde ici se lève de bonne heure. Adieu. Quel joli adieu ! Il n’a pas encore vécu près de la rose, mais il en pressent le parfum. Vous lasserez vous de la comparaison ? G.

8 heures Voilà le N°94. On m’interrompt aussi pendant que je le lis. Mais ce n’est pas le même interrupteur. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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309 Du Val-Richer, Mardi 5 Novembre 1839
7 heures et demie

Il y avait avant-hier du cream cheese à déjeuner, et il y a ce matin sur ma vallée un brouillard, tout-à-fait pareil. On dit que la Normandie ressemble beaucoup à l'Angleterre. Elles se tenaient évidemment avant le déluge, et il y a entre elles, depuis le déluge, des rapports continuels. Si jamais vous avez mangé à Londres de belles poires et de belles pommes elles venaient peut-être du Val-Richer. Les fermiers Normands les expédient par milliers, et il part toutes les semaines, du port de Honfleur vingt mille œufs pour l'Angleterre. J’entends shabby comme vous, et c’est parce que je l’entends que je m'en défends. Je ne vous vole jamais rien, car je vous donne tout ce dont je dispose. Voilà nos questions de Dictionnaire vidées.
Plus j’y pense, plus je me persuade que Benkhausen n’a pas d’inconvénient. Tout sera fini plus vite. Je n’espère toujours rien quant au mobilier de Courlande. Mais au moins la suppression ne passera pas inaperçue. Je suppose que vous avez envoyé à Cumming copie des questions que vous airez adressées à votre fière.
Que voulait faire. M. de Metternich de la mission de M. de Brünnow ? Terminer l'affaire d'Orient sans s'en mêler, ou nous brouiller avec l’Angleterre sans y paraître ? L’un et l'autre a échoué. Je vois, par ce qu’on m'écrit, qu'on a peu d'inquiétude, et qu’on laissera traîner dans l’idée que le temps est au profit du Pacha, qui possède. On a bien fait de renvoyer M. de Labrador, s'il s’agitait encore pour D. Carlos. Nous ne devons aux partisans de D. Carlos que la stricte légalité et à D. Carlos lui-même qu'une politique raisonnable dans sa froideur. L’Europe a envoyé un aigle qui s’appelait Napoléon et qui la troublait, mourir à Ste Hélène. Nous ferons vivre quelques mois à Bourges D. Carlos qui nous tracasse. Il y a eu tout juste proposition.
J’ai aussi mes tribulations d’intérieur. Mon concierge d'ici est malade. Je craignais hier une fluxion de poitrine. On me dit qu'il est mieux ce matin. C’est un factotum très intelligent et qui met sa fierté à être à mon service, ce qui fait que je lui passe des défauts.

10 heures
Je craignais ce qui est arrivé. La poste n’étant venue chez moi que très tard, m'en est répartie que très tard, et n'aura pas été à Lisieux à temps. Vous aurez eu deux lettres ce matin. Mauvaise compensation. Tout cela cessera dans huit jours. Les tristes chances de la vie seront les mêmes ; mais nous serons ensemble. J'espère que vous me direz bientôt que vous avez des nouvelles d'Alexandre Adieu. Adieu. J’aime mieux le Duc que Benkhausen Dix mille francs, c’est beaucoup pour une commission. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton Mardi 26 sept 1848
Une heure

Je suis hors d'état de sortir. Je tousse pas mal, c’est-à-dire très mal. Il me faut un peu de confinement. J'ai bien dormi mais en me réveillant pour tousser. Je me coucherai ce soir de bonne heure. Et de tout le jour, je ne quitterai mon cabinet. Que je voudrais qu’il fit beau demain. J’espère que je pourrai aller vous voir. Peut-être le matin, à 1 heure, si je me suis encore trop pris pour me mettre en route le soir. Ceci est un grand ennui. Et j’ai bien peur que cela ne nous arrive plus d’une fois cet automne. Je me porte très bien au fond ; mais je m'enrhume aisément, et je suis aisément fatigué. Je me résignerais, très bien à n'être plus jeune si je n’avais jamais à sortir de chez moi. Ce qui vaut et ce qui sied le mieux quand on n’est plus jeune, c’est la tranquillité.
J'ai les mêmes nouvelles que vous de Paris. Si Louis Bonaparte se conduit passablement, et s’il n’est pas forcé d'attendre longtemps, il pourra bien avoir son moment. Agité et court car il ne peut pas plus supporter la liberté de la presse que Cavaignac, et il n'aura pas, comme lui, pris la dictature au bout de son épée. Son nom, qui le sert de loin, l’écrasera de près. Mais il vaudrait infiniment mieux éviter cette parenthèse de plus. Je crois encore qu’on l'évitera, que Louis Bonaparte se compromettra avant d'arriver au pouvoir et que l’armée comme l'Assemblée. soutiendront Cavaignac contre lui. Que la République et l'Impérialisme s’usent bien contre l’autre ; c'est notre meilleure chance, et à mon avis la plus probable.
Je ne comprends pas ce que votre correspondant demande à votre oncle. Il le sait prêt à la transaction. Ce n’est pas à lui à aller la chercher. Ce n’est pas à lui qu'on peut s'adresser pour qu'elle marche et se conclue. On désire quelque fait extérieur qui prouve qu'elle peut se conclure, qu'elle se conclura, le jour venu. Qu'on aille donc au-devant de ce fait ; qu'on lui fournisse l’occasion de paraître. L’occasion semblait trouvée ; on semblait même l’avoir cherchée. Tout le monde devait le croire. Non seulement on ne l'a pas saisie ; mais on s'est montré disposé à la fuir. Quand on est pressé, il faut se presser. Je n'ai jamais pensé que votre oncle pût ni dût prendre aucune initiative ; mais je suis encore bien plus de cet avis depuis le dernier incident. Je répète que lorsque la transaction ira à lui, elle le trouvera prêt ; mais il n’a rien à faire qu'à l'attendre dans l’intérêt du succès comme dans la convenance de son honneur. Il disait encore avant-hier à l’un de mes amis qu’il n’avait reçu de sa partie adverse, aucune avance, aucune insinuation qu’il pût sensément regarder comme un pas vers lui.
De Rome et de Florence, mauvaises nouvelles. Les républicains sont furieux de la petite réaction romaine et du peu de succès de l’insurrection de Livourne. La population ne veut pas les suivre, mais comme le gouvernement ne sait pas les chasser, ils sont toujours là, et et commencent, et recommenceront toujours. On dit que Charles Albert meurt de peur d'être assassiné par eux. Il mourait de peur autrefois d'être empoisonné par les Jésuites. Il ne sera probablement pas plus assassiné qu'empoisonné. Mais son succès n’ira pas plus loin. Adieu. Adieu.
Pour Dieu, ne soyez pas malade. Je veux bien être enrhumé, mais pas inquiet. Je vous renvoie votre lettre. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton, Mercredi 8 nov. 1848
9 heures

Voici une lettre très curieuse. Lisez-la, je vous prie, vous-même, malgré vos mauvais yeux et renvoyez-la moi tout de suite. G[énie] me fait dire qu'il importe infiniment que ses lettres restent entre lui et moi, et qu'il n'en revienne rien à Paris. Vous verrez combien tout cela confirme ma résolution. Je devrais dire notre résolution de me tenir parfaitement tranquille et en dehors de toutes les menées.
Le Roi me fait écrire hier par d'Houdetot " Le Roi me charge de vous dire que les accidents de santé de ses chers malades, sans être plus graves, ayant continué, les médecins avaient conseillé un changement d’air immédiat ; ce qui l’avait décidé à aller passer quelques jours à Richmond, à l’hôtel du Star and Garter. Nous partons aujourd’hui même à une heure. Le Roi désire que vous sachiez bien le pourquoi de ce mouvement afin de vous mettre en garde contre les bruits publics." D’Houdetot aurait dû me donner quelques détails sur la Reine. Mais enfin elle a pu évidemment être transportée, sans inconvénient. Je voudrais savoir qui occupera votre petit appartement. J'irai les y voir. Pourvu que mon travail m'en laisse le temps, car je veux absolument le finir sans retard et l'envoyer à Paris. Le moment de le publier peut se rencontrer tout à coup. Et dans l'état des affaires au milieu de tout ce mouvement d'intrigues croisées, je ne serais pas fâché de donner une marque publique de ma tranquillité et liberté d’esprit en parlant à mon pays sans lui dire un mot de tout cela. Cette course à Drayton va me faire perdre encore du temps. Je réponds aujourd’hui à Sir Robert Peel, mais je n’y resterai que jusqu'au mardi 21 et non jusqu'au jeudi 23 comme il me le demande. Ce serait charmant, s'il vous invitait aussi.
Je reçois à l’instant même un billet de Duchâtel qui était allé hier a Claremont au moment où le roi et toute la famille partaient pour Richmond. Il a trouvé le Duc de Nemours et le Prince de Joinville, très souffrant. Ils ont eu une rechute, c’est ce qui a déterminé la résolution, soudaine.
La dernière scène de Vienne est tragique. Le parti révolutionnaire, étudiants et autres est plus acharné que je ne le supposais. On m’apporte de Paris de bien sombres pronostics sur l'Allemagne. On s’attend que l'Assemblée de Francfort se transportera à Berlin, et finira par y proclamer la République. La Monarchie, et l’unité allemande paraissent de plus en plus incompatibles. Le rêve en progrès est celui d’une république allemande, laissant subsister dans son sein, par tolérance et jusqu’à nouvel ordre des monarchies locales. En France les esprits sont malades sans passions. En Allemagne, il y a la maladie, et la passion. Adieu, adieu. Merci de votre accueil, digne réponse à votre merci de ma visite. Adieu vaut mieux. M. Vitet arrive aujourd’hui de Paris. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, lundi 22 oct 1849
sept heures

J’ai eu hier ici Réné de Guitaut. Je l’ai tourné et retourné en tous sens. Il y a quelquefois beaucoup à apprendre des petits hommes de peu d’esprit. Ils reproduisent, sans y rien ajouter, la disposition du gros public. Je n'ai pu découvrir aucune inquiétude prochaine et sérieuse. Il affirme que le public ne croit pas du tout au triomphe des rouges, ni à la guerre, les deux seules choses qu’il craignît s'il y croyait. Je ne comprendrais pas comment le parti modéré se laisserait battre, ayant la majorité dans l’assemblée qui est la force morale, et le général Changarnier, qui est la force matérielle. Le mérite de cette position, c’est qu'elle donne au parti modéré la légalité, et rejette ses adversaires, Président ou autres, dans la nécessité des coups d’Etat, impériaux ou révolutionnaires. L'Empire et la Montagne ne peuvent plus arriver autrement. Je ne puis croire qu’ils tentent sérieusement d'arriver, quelque étourdi que soit l'Empire et quelque folle que soit la montagne. Il crieront ; ils se débattront, ils menaceront ; ils ne feront rien. Le pouvoir restera à l’assemblée, c'est-à-dire aux modérés, car il me semble impossible qu'ils perdent la majorité dans l’assemblée. Cela ne résout point les questions d'avenir. Mais cela prolonge sans secousse la situation actuelle. Je cherche incessamment dans tout cela, ce qui vous touche.
Je ne vois, quant à présent, que la guerre qui puisse réellement vous toucher. Et je ne crois pas plus à la guerre qu’il y a trois semaines. Regardez bien à tout, mais ne vous tourmentez pas plus qu’il n’y a sujet. Je peux bien vous dire cela, car je suis parfaitement sûr, moi, que je me tourmente autant qu’il y a sujet. Je n'aurai jamais un plus cher intérêt, en jeu. On me dit que M. Bixio disait le soir même de son duel avec Thiers : « J’ai eu tort. J’avais entendu dire cela à M. Thiers dans son cabinet, où il n’y avait que deux autres personnes. Je n’aurais jamais dû en parler. Je me suis laissé aller. J’ai eu tort. » Je trouve Montalembert excellent, presque toujours vrai au fond, et toujours saisissant, entrainant dans la forme. Un jeune cœur uni à un esprit qui prend de l’expérience. La dernière partie du discours est charmante, vive, tendre, pénétrée, abandonnée. C’est vraiment le pendant de son discours à la Chambre des Pairs sur les affaires de Suisse. Je saurai le vote ce matin, car je pense qu’on aura voté avent hier. Nous verrons ce qui en résultera pour le Cabinet. Pouvez-vous savoir ce que c’est qu’un M. Edouard de Lackenbacher, Autrichien à Paris, qui se dit envoyé par Le Prince de Schwarzemberg pour causer avec les gens d’esprit et expliquer la politique de son Cabinet ? Il ne parle que des affaires intérieures de l’Autriche, et il en parle dans un bon sens. Je serais bien aise de savoir d’où il vient réellement et ce qu’il vaut.

Onze heures et demie
Je ferme ma lettre avant d’ouvrir un journal. N’allez pas être malade, Tout le reste est passager ou supportable. Adieu, Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer Vendredi 26 oct. 1849
7 heures

Tout est possible ; mais certainement le coup d'Etat, c’est-à-dire l'Empire, fait à la suite d’un mouvement vers la gauche, et de concert avec elle serait une des plus étranges et des plus sottes absurdités qui se pussent voir. L'Empereur serait à peine né qu’il verrait ce que c’est que d'avoir la gauche pour parrain. Il pourrait bien ne pas aller jusqu'à la naissance, et mourir dans l'accouchement. Je croirai cela quand je l'aurai vu. Il y a encore des choses, auxquelles je suis décidé à ne pas croire d'avance. Pour l'honneur de mon bon sens. Vous avez raison de ne pas en faire plus pour l’Angleterre que pour les autres. Pourquoi auriez-vous porté votre carte là et pas ailleurs. Les autres sont bien venus. Presque tous du moins. Vous ne connaissiez pas, ce me semble, d'Autriche. Hatzfeld m'étonne aussi. Sa femme est-elle à Paris ? Vous avez bien raison aussi de prendre garde aux Holland. Faites avec eux comme Cromwell, avec le Long Parlement ; s’en servir et s’en séparer. Il excellait à cela. Je vais chercher à arranger d'ici une manière que Piscatory aille chez vous. Il me semble que Montebello serait bon pour vous l’amener. Vous ne m’avez pas dit si vous aviez vu le Chancelier. Je sais qu'il est de retour à Paris. Et Madame de Boigne, y avez-vous été ? Comment avez-vous trouvé la vicomtesse de Noailles ? On est bien questionneur de loin. J’ai des nouvelles de Madrid. La principale bien triste. On dit que Narvaez est menacé, si ce n'est déjà atteint d’un cancer dans l'estomac. Ce serait grand dommage. Je vous ai dit, je crois, qu'il y avait, dans la lettre que j'ai reçue de lui dernièrement, un air de tristesse sur sa santé. On dit aussi que Thom va rentrer dans le Cabinet. Voilà Bulwer partant pour Washington. A-t-on jamais été plus battu et plus résigné, que Lord Palmerston dans cette affaire-là ?

Midi
La poste est très tardive aujourd’hui. Merci de la lettre de Beauvale que je n'ai pas encore vue. Je vois que Narvaez est rentré aussitôt que sorti. Adieu, adieu. Je ne me figure pas tout ce que nous nous dirons quand nous nous verrons. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Dimanche 28 oct. 1849
7 heures

J’ai devant moi, sur mon jardin et ma vallée un brouillard énorme, pas anglais du tout, bien brouillard de campagne normande. Il fera beau à midi. Les bois, par ce beau soleil étaient charmants il y a quelques jours ; toutes les nuances possibles de vert, de rouge, de brun, de jaune. A présent, il y a trop peu de feuilles. Dans quinze jours, il n'y en aura plus. J’irai chercher à Paris autre chose, que des feuilles. Je vous y trouverai. Et puis, quoi ? J'ai beau faire ; je ne crois pas à l'Empire. Et pourtant, on ne sortira pas de ceci en se promenant dans une allée bien unie.
J’arriverai à Paris sans avoir fini mon travail. Il sera très près de sa fin, mais pas fini. Il me plaît, et je crois qu’il m'importe. Je ne veux le publier que bien et vraiment achevé. J'aurai besoin, chaque jour, pendant trois ou quatre semaines de quelques heures de solitude. Je les pendrai le matin, en me levant. C'est mon meilleur temps. Je ne recevrai personne avant 11 heures. On me dit que j'aurai bien de la peine à me défendre, qu’on viendra beaucoup me voir. Amis et curieux, tous oisifs. Je me défendrai pourtant. Je veux garder pleinement mon attitude tranquille et en dehors. Je n'ai rien à faire que de dire, quelquefois et sérieusement, mon avis.
Que signifie le retard prolongé de Pétersbourg ? C'est plutôt bon, ce me semble. Les partis pris d'avance sont prompts. Avez-vous fait attention aux lettres du correspondant du Journal des débats, de Rome, leading article. Je connais ce correspondant. On finira par s’en aller de Rome, purement et simplement. La question de Rome ne peut être résolue qu'Européennement. Il faut que Rome redevienne une institution européenne. Elle était cela au moyen âge. C'était les Empereurs et les rois d’Europe qui intervenaient sans cesse dans les rapports du Pape avec l’Italie, et qui les réglaient après les grands désordres. Il y avait des révolutionnaires dans ce temps-là comme aujourd’hui et ils chassaient aussi le Pape. La non-intervention dans les affaires du Pape est une bêtise que l’histoire dément à chaque page. Seulement l’intervention est obligée d'avoir du bon sens. On est intervenu pour le Pape, et maintenant on voudrait faire à Rome autre chose qu’un Pape. J’espère que le Général d’Hautpoul qu’on y envoie, sortira un peu de l'ornière où l'on est. C’est un homme sensé, et un honnête homme. En tout, les militaires se sont fait honneur là, généraux et soldats. Il faut qu’il s’en trouve un qui ait un peu d’esprit politique. J’ai oublié hier ceci ; matelas et non pas matelat.

Midi
M. Moulin (un des meilleurs de l’assemblée) m’arrive pour passer la journée avec moi. Votre lettre est bien curieuse et d'accord avec ce qu’il me dit. Adieu, Adieu. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer. Lundi 29 octobre 1849
7 Heures

Vous rappelez-vous bien le 29 octobre, il y a neuf ans mon arrivée à Paris le 26 et les trois jours qui précédèrent la formation du Cabinet ? Je suis décidé à ne pas croire que ce jour-là, et tout ce que j’ai fait du 29 octobre 1840 au 24 février 1848 m'ait été bon à rien. Mais aujourd’hui il n’y a que Dieu qui sache à qui cela a été et restera bon. Hier quand j’ai fermé ma lettre, je n’avais pas ouvert mes journaux. Excellente nouvelle de Pétersbourg. Vous savez que j'y ai toujours compté. Et je pense comme vous que ce n'est pas fini pour les Turcs. L'Empereur n’a pas besoin de se remuer beaucoup pour avancer beaucoup. Bonne nouvelle aussi d’Espagne. Je tiens à Narvaez comme artiste politique, et pour le bon exemple. Je n’avais d’inquiétude que parce qu’on ne sait jamais où en est et ce que fera la Reine Christine. Elle et Narvaez se détestent et se craignent. Mais la haine et la crainte ne leur enlèvent pas leur bon sens. J’en suis charmé. Tant que ces deux personnages se soutiendront mutuellement, l’Espagne se maintiendra. Je suis assez amusé de la fausse joie qu'aura eue Lord Palmerston. Il n’a depuis longtemps que le plaisir des revers de ses adversaires, pas du tout celui de ses propres succès. Il y a bien à parier que Lord Normanby aura lu votre lettre. N’appartient-il pas plutôt à Lord John qu'à Lord Palmerston ? Malgré cela, s’il vous a lue, il se sera donné probablement le mérite d'en dire quelque chose à son chef direct. Il ne lui aura rien appris, rien sur vos sentiments et rien qui le corrige. Outre M. Moulin, j’ai eu hier un autre ancien député conservateur un brave capitaine, le vaisseau, M. Béchameil qui a été destitué après Février à cause d’une lettre de lui à moi que la Revue rétrospective à publier. Il n'en est pas moins décidé, ni moins dévoué. M. Moulin est tout-à-fait un homme de sens et d’esprit. Je le trouve très inquiet, non seulement, en Général et pour l'avenir, mais prochainement. Persuadé que le Président par détresse d'argent autant que par ambition, cherche à faire et finira par faire le coup d'Etat impérial. Faire, c’est-à-dire tenter. Et cette tentative peut amener quelque grand désordre même un triomphe momentané des rouges. Ceci, je ne vois pas comment, l'assemblée étant là, et le Président ne pouvant pas la chasser, ni se faire Empereur par la grâce des rouges qui eux chasseraient bien l’Assemblée par la violence. Mais peu importe que je voie ou que je ne voie pas comment le désordre peut éclater. Evidemment les hommes les plus sensés et les mieux informés craignent qu’il n'éclate. Ceci me préoccupe. Pour vous d’abord. Il y faut bien regarder. Montebello est très bon pour vous tenir bien au courant. N'hésitez pas, comme renseignement à faire venir aussi mon petit fidèle, et à savoir de lui ce qu’il sait. Il est toujours, bien instruit. Au fond, je ne crois pas à ces crises prochaines. Toute crise qui ne sera pas absolument indispensable, et imposée aux hommes par des nécessités actuelles, sera ajournée. Mais nous sommes tombés à ce point qu’il faut craindre même les maux auxquels on ne croit pas. Je ne suis pas très étonné de la simple carte du Duc de Broglie. Je vous dirai pourquoi. Vous n'avez pas idée de sa disposition d'esprit. On va jusqu'à dire que les affaires d'argent de Morny sont si mauvaises que, pendant son séjour à Londres, son traitement de représentant à été saisi à Paris par des créanciers. Je ne puis pas croire cela.

Midi.
Voilà votre lettre. A demain les réponses. Je n’ai jamais craint la guerre Turque, mais j'ai le cœur bien plus léger depuis que je ne peux plus la craindre. Adieu, adieu, adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris Dimanche 4 Novembre 1849
La situation s'est beaucoup modifiée. Le temps a été à l’avantage du président. La majorité est matée. C'est clair. Tout le monde dit aujourd’hui qu'on va à l’empire et que c’est inévitable dans peu de semaines. Broglie, (qui est enfin venu hier) m'a dit qu’on avait proposé au Prince la prolongation de la présidence, une bonne liste civile, que c'eut été difficile à faire, mais enfin que la majorité l’aurait entrepris. Il a refusé, cela ne lui suffit pas. Il lui faut l’empire. Comment cela se fera-t-il, Broglie ne sait pas. Sans doute on aura sous la main un certain nombre de représentants dévoués qui ratifieront le [?] de l’armée, si l'armée le pousse. Après cela, est- ce que la majorité de l’Assemblée qui déteste la République irait se battre pour elle ? C’est stupide d'y penser. Elle joue là un pauvre rôle. On fera sans elle, malgré elle, & il faudra. qu’elle se dise contente, ou au moins qu’elle se soumette. Après tout, le président aura habilement manœuvré. Mais au dire de Broglie, & d’autres, tout ceci pourrait bien être accompagné de gros mouvements dans la rue. Les rouges n’accepteront pas sans essayer autre chose. Les légitimistes pensent s'en mêler aussi. Enfin le bruit est probable. Dans cet état de choses à peu près inévitable, on me dit que vos amis poussent, qu’il vaudrait mieux que vous ne vinssiez pas tomber tout juste au milieu de la bagarre. Qu'il vaut mieux attendre la chose faite, sur tout comme cela ne peut par tarder. Je suis de cet avis aussi. Pour mon compte, selon que je serai avertie, je partirais ou j’irai passer ma journée chez Kisselef, si cela est fort menaçant le chemin de fer est le plus sûr. Mais pour vous songez à ce que je vous dis. Je crois qu’il vaut mieux s'abstenir. Ah, comme Broglie est noir et d'une amer ironie. Il déborde, il n’en peut plus. Au plus fort de sa harangue, Normanby est entré. Vous convenez quel éteignoir. Il venait de l'installation de la magistrature très frappé du spectacle. Le discours du président a été trouvé très bon, & suffisamment impérialiste. Kisselef a dîné avec moi. Il a eu deux courriers. L’un portant des paroles excellentes, sachant gré à la France de s’être conduit très différemment de l'Angleterre, car celle-ci avait eu une dépêche après l’audience de Fuat & Lamoricière point. L’autre un grand étonnement du départ de la flotte, accompagné de paroles. peu agréables. Si Kisseleff avait pu s’acquitter plutôt du premier message, & si on avait d’ici tout de suite rappelé la flotte désormais sans objet, il supprimait le second message. Mais aujourd’hui c’est trop tard. Point de Ministres, personne à qui parler, Molé & Thiers sans action directe pour le moment :et aujourd’hui Kisselef va faire sa petite déclaration à M. Hautpoul. Celui ci au reste est excellent pour nous. Sachez que tout le monde est russe ici. Et très peu anglais. La diplomatie toute entière, regarde l’Empire comme fait. Voilà. Quelle curieuse affaire. Adieu. Adieu. On ne parle on ne rêve qu’empire. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris lundi le 5 Novembre 1849

L’Empire était moins florissant hier que la veille. On a l’air de le croire trop difficile pour qu'il arrive. Cependant comment rester stationnaire après le message. Il faudrait donc reculer ? Mon salon hier était comme il y a deux ans, excepté vous de moins, et M. Molé & Berryer de plus, & quelques légitimistes. La diplomatie au complet moins l'Angleterre. Molé le [?]. Voici le vrai de la situation. Les ministres changent, mais deux hommes restent immuables, importants, sont Molé et Thiers. La diplomatie se tient à eux. On leur parle comme à des Ministres & on leur montre souvent plus qu'aux ministres. C’est naturel, c'est bien jugé, et cela profite. A nous, beaucoup, tous les deux sont bienveillants pour la Russie, et fort impatientés du joug de l'Angleterre. Hier Kisselef a eu sa première entrevue avec Hautpoul, avant d'entamer, celui-ci lui a annoncé que l’ordre pour le retour de la flotte venait de partir. à la bonne heure. Je ne sais pas encore si cela s'est fait d’accord, ou non avec l'Angleterre. Hautpoul très Russe. Je vous dis que tout le monde est russe. Tout le monde entrait chez moi hier en riant, une sorte de plaisir de retrouver du vieux. Cela m’a plu, le commencement m’a plu ; à la fin de la soirée, j’ai dit à Montebello, avec amertume " personne n’a prononcé le nom de M. Guizot. " Cela m’a choquée. Voilà les hommes. Voilà le temps. Montebello m’a cité une exception, la Prince Wittgenstein. Je lui en saurai gré. J'ai eu des lettres d'Aberdeen de Beauvale de Clauricarde. Tout le monde me demande d'écrire, d'expliquer, d'inexplicable message. Montebello est prié à dîner aujourd’hui à l’Elysée. Votre ami B.[roglie] lui a dit de refuser. Moi je lui ai dit d’aller, et il ira. Quelle idée a votre ami. En pratique quel pauvre esprit ! Comme il doit avoir fait des fautes de convenances et de tact dans sa vie. En y pensent bien je crois que le tact est un ingrédient bien nécessaire aux choses de toute taille. 1 heure. Point de lettres ce matin. Qu’est-ce que cela veut dire ? Je ne suis pas bien depuis quelques jours. Du rhumatisme, pas d’appétit et peu de sommeil. cela reviendra peut-être. Adieu. Adieu. Adieu. Que vous écrit-on sur vous ? Adieu. deux choses à relever. Molé ne croit pas à l’Empire. Et en fait d'avenir, il ne croit plus qu'une Monarchie constitutionnelle soit possible autre part qu’en Angleterre.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer. Lundi 5 Novembre 1849
9 Heures

M. Moulin et M. Vitet m’écrivent de ne pas fixer en ce moment le jour précis de mon retour à Paris. Ils croient que le président n'en restera pas là. Ils me recommandent de ne pas arriver au milieu de la crise : " Quelque réservé quelque prudent que vous soyez, on commentera votre arrivée vos paroles, en vous fera parler quand vous n'aurez rien dit. Il ne vous est pas permis, de vous renfermer dans la vie privée ; vous serez, malgré vous malgré nous, traité en homme public. " Voilà leurs paroles. Ce qu’ils disent est vrai. Je n’y vois pas autant d’inconvénients qu'eux ; et ces inconvénients, s'ils existent, existeront à peu près toujours, A quelque moment que j’arrive, il m’arrivera ce qu’ils disent. Pourtant, je crois que pour ce moment-ci, ils ont raison, et qu’il vaut mieux ne pas fixer de jour précis. Quel ennui, et quel prélude, d'ennemis ! Je suis dans une veine de tristesse profonde, pour vous, pour moi. Si j'étais là, je serais bien moins triste, bien moins inquiet. Votre inquiétude à vous me désole au delà de ce que je puis dire. J’espère qu'elle est exagérée ; mais je la trouve bien naturelle. Si j'étais là, vous seriez moins inquiète et moi probablement pas inquiet du tout. Ah, que le monde est mal arrangé ! Madame Austin vient de partir. Elle va à Rouen, et là elle verra si elle veut aller à Paris ou retourner directement en Angleterre. M. Cousin et M. Barthelemy, Ste Hilaire doivent venir l’attendre à Rouen. Elle a traduit tout ce que j'ai écrit. Je lui enverrai le reste. Voilà, par extraordinaire, votre lettre qui m’arrive deux heures plutôt. On a profité d’une occasion. Vous êtes plus tranquille, donc moi aussi. Que l'Empire se fasse ! Il ne serait pas trop sensé en effet d’aller tomber à Paris, en même temps que la bombe. J'attendrai. Mais qu’il se dépêche. Pourquoi tarder, puisqu'il veut tout, et que ceux qui ne s’en soucient pas veulent si faiblement ? Au fait, je trouve tout cela assez logique et naturel. Le plus pauvre rôle, c’est celui des Chefs de la majorité ne voulant rien faire, et ne pouvant rien empêcher. On m'écrit qu'ils en sont embarrassés. Je suis bien aise que vous ayez enfin vu Broglie. Si le vent souffle ainsi dans les voiles de l'Empire, il n’y aura pas de longs désordres, dans la rue. Les émeutiers auront peur et les soldats seront en train. J'espère que vous n'aurez pas même besoin de Kisseleff. Adieu, adieu. C’est absurde de n'avoir pas rappelé la flotte sur le champ. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris Mardi le 6 Novembre 1849

C’est le second Lundi que votre lettre un manque. Cela fait le dimanche de Londres, car je compte bien recevoir deux lettres aujourd’hui. Le bavardage se calme. Hier il y en avait peu. Flahaut est venu causer avant de se rendre au dîner du président. Il part aujourd’hui pour Londres. Il est très partisan du Prince. S’il n’avait pas été ambassadeur du roi, il se mettrait de toutes ses forces à servir celui-ci. Cela ne lui est pas possible. Il ne sait quand on fera le le coup, mais il se fera. C'est un parti arrêté. Vous savez qu'on a offert au Prince de lui donner la présidence décénale & 6 millions de rente. Il a dit " C’est trop peu pour un coup d’Etat. " On reproche au Prince de prendre des petits ministres, mais on lui criait de se défaire de Dufaure. Les grosses gens refusant de se mettre à l'ouvrage. Et bien il prend des petits, et il les prend dans les rangs de la majorité. Elle ne peut pas se plaindre. On lui reproche son entourage. Où en trouver un autre ? Tout le monde s'écarte. Ni légitimistes ni orléanistes ne viendraient à lui. Il lui faut cependant des amis. Voilà le duc de Flahant. Voici vos deux lettres. Oui en vérité c’est bien triste, attendre encore ! Mais je crois que l’avis est bon, c'est à vous d’abord qu'il faut songer. Laissez passer la bourrasque, seulement j’y pousserais [si je pouvais]. Hier, comme je vous dis, cela n’avançait pas. Mais je crois les entours plus pressés de jour en jour ils meurent de faim, et Persigny est infatigable. J'ai été hier soir chez Madame de Boigne, trois hommes que je ne connais pas, & très [?] le langage, hostile, dédaigneux pour l’Elysée. J’ai rencontré le Chancelier lorsque je sortais [?] moi encore froide. Mad. de Boigne très empressée, elle [était] venu quelques jours avant [?] voir le matin, et elle ne sort jamais, mais il y avait tant de monde chez moi que nous n’avions pas pu causer. Je ne vous nomme pas mes visites Il y en a trop. Cela ferait une page de noms. Ce que je remarque c'est beaucoup d'empressement et plus d’amitié. Ainsi Mme de la Redorte hier toute fraîche débarquée, toute douce & gracieuse. A propos Flahaut croit qu'il serait très utile que M. de Broglie en causant avec Lord Lansdowne (qui arrive demain), lui parle très franchement de tout ce qu'il pense sur le compte de Lord Palmerston, & sur la conduite de Normanby ici. Il dit que cela ferait plus d’effet que quoi que ce soit. Il désire beaucoup que je fasse parvenir cela à Broglie. Comme je ne le verrai pas je ne sais comment m’y prendre, mais je suis tout-à-fait d’avis que ce serait très bon. Dites le. Je me mets en tête que le président se fera Empereur le 2 Xbre. C'est le jour où Napoléon a pris ce titre. A Paris partout dans les boutiques, dans les cafés on demande l’empire. Je ne vous dis pas ma tristesse de notre séparation. A quoi bon ? Je cherche à me persuader que cele sera plus long. Mais je suis triste du terrain que vous trouverez ici pour votre compte. Triste et indignée. Adieu. Adieu. Adieu.

Beauvale qui me tient bien en courant me dit que Nesselrode est très aimable & doux pour Lamoricière. Celui-ci n’a fait aucune communication. C’est Bloomfield qui est allé se brûler les doigts. Je crois que je verrai aujourd’hui la réponse. L’Empereur m’apprenant les exécutions en Hongrie s’est écrié publiquement. " C’est infâme." Nesselrode a dit à Lamoricière que le gouvernement russe les regrettait profondément & que le public en était indigné. Beauvale approuve le Président et regarde ceci comme une suite naturelle du langage légitimiste si hautement tenu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Mardi 6 Nov. 1849
8 heures

Je n'ai plus d’objection à l'Empire puisqu'il est en train de se faire. Il n'y a pour moi, qu’une question : mourrons-nous ou guérirons. nous ? Si nous devons mourir, peu m'importe le genre de mort, si nous devons guérir, je suis prêt à accepter tous les moyens de guérison. Le problème est bien indécis dans mon esprit ; le raisonnement me mène à la mort ; mon instinct est pour la guérison. Au fait, c’est une lâcheté de ma part de dire que je suis indécis ; je fais là comme tout le monde ; j'élude la responsabilité de mon avis. Je crois à la guérison. Mais j’ai peur qu'elle ne coûte bien cher. Je trouve que nous sommes encore bien peu préparés aux remèdes. Tout le monde a raison, puisque vous en êtes aussi. Je ne fixe point que ce serait assez. Et j’espère encore plus que vous n'en aurez pas besoin du tout. Je me fie un peu à ce qui me reste d’espérances, car le fond, sur lequel elles subsistent encore est bien noir. Il est impossible qu’on ne rappelle pas bientôt la flotte. Ce serait trop absurde mais on donnera l’air de la platitude à ce qui aurait pu être de la bonne politique. Le général d’Hautpoul est un homme sensé, intelligent et honnête. Ambitieux. Je ne sais s'il est de taille. Bon soldat. Bon administrateur militaire. Ferme avec les troupes. Le sera-t-il politiquement ? J'en doute un peu. Mais je trouve qu’en général on a tort de se montrer malveillant et dénigrant pour les nouveaux venus. On les blesse et on les affaiblit au détriment de la bonne politique. Il ne faut pas seulement dire qu’on attendra pour juger. Il faut attendre réellement et aider en attendant. Le Prince de la Moskowa serait déplorable aux affaires étrangères. Esprit sans suite, sans jugement, sans tact, sans prévoyance ne se doutant pas de la portée de ses actions et de ses paroles. Et cela avec un besoin de mouvement et une certaine faconde qui le jetteraient dans toutes sortes d'aventures. Je ne connais personne de plus propre, là, où amener la guerre. Non qu’il la voulût ; mais il serait chaque jour, à la veille de crier une de ces situations qui l'amènent. Ne vous étonnez pas, s’il arrive quelquefois que mes lettres soient en retard d'un jour. Par je ne sais quel arrangement que je ne comprends pas, la malle de Cherbourg à Paris passe à Lisieux, depuis deux jours, une heure plutôt qu’elle ne ferait. En sorte que le facteur qui emporte d’ici mes lettres pourra bien quelques fois n'être pas arrivé à Lisieux à temps pour le passage de la malle. C’est un ennui dont le directeur de la poste de Lisieux m'avertit en me disant qu’il fera de son mieux pour y porter remède. Adieu, adieu, adieu.

Onze heures
Voilà votre lettre. J'espère que celle-ci ne sera pas en retard. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 7 Novembre 1849

C’est cela. Attendre un peu. Si cela ne se fait pas tout de suite ; vous venez. Sainte-Aulaire & le duc de Noailles ont dîné chez moi hier . Tous d'eux d’avis que vous veniez. Etonnés, que vos amis vous donnent un avis contraire ; cependant je dis ainsi attendez un peu. L’empire stationne. Il n’avance que lentement. Il faut s’assurer de bien des choses avant de le tenter. A la salle des conférences on ne s’entretient que de cela les rouges disent qu’ils reste ront armés de la Constitution et monteront sur les barricades pour la défendre. Les légitimistes préfèrent l'Em pire à la présidence décénale. Ils croient que l'Empire n'aura aucune durée. Ce que vous me dites aujourd’hui sur la situation et la conduite quoique sans conclusion est plein de raison et d'esprit. J’ai passé hier soir un moment chez Mad. de Rothschild qui part ce matin pour la Silèsie. J'y ai rencontré le gouvernement Changarnier. J'ai demandé à faire la connaissance. Je puis bien faire des avances à l'homme qui me fait dormir tranquille. Son extérieur est doux et peut être fin. Tout le monde. l'adore & l’accuse. Longue entrevue hier matin avec Kisselef 1 heure 1/2 entière confiance. Nous faisons une distinction marquée entre Paris & Londres, en pleine défiance de Londres. Très bienveillant pour ici. Content de Thiers, & le lui laissant savoir. Nous remarquons que la France s’est laissé un moment dupé par l'Angleterre, qui voyant poindre de l’intimité entre Pétersbourg & Paris a voulu la détruire en mettant en avant la flotte française. Je vous ai dit qu’elle est rappelée, mais ni Kisselef ni moi ne savons encore si c’est d'avoir avec l'Angleterre. J’espère que non. Il est très possible encore que Stratford Canning empêche à Constantinople ce que nous avons réglé à Pétersbourg nous avons explicitement dit à l'Angleterre comme ici que nous ne permettons à personne de se mêler de cette affaire. Je suis fort contente de tout ce que j’ai vu. L’Empereur est exaspéré des exécution en Hongrie. Ceci me revient par Londres. Aberdeen m'écrit que la presse anglaise revient à Palmerston, Morning Chronicle, même le Times. C'est bien dommage. Sainte-Aulaire m’a dit hier que les nouvelles d'Espagne étaient mauvaises. Narvaez succombera La petite reine joue son jeu, contre son mari, contre sa mère, contre son Ministre. Une perfidie sans exemple. Il me semble que je vous ai tout dit, les Normanby en grandes recherches pour moi. Mon quotidien est toujours Montebello. Excellent honneur et fort intelligent. J’ai vu Jaubert, qui est plein de dévouement, de respect pour vous. Et ce bon Thom à Paris pour quelques jours, qui veut que je vous dise son profond souvenir de vos bontés. Mad. de la Redorte me demande ainsi de vos nouvelles & Flavigny beau coup que j’ai rencontré chez Mad. Rothschild hier. Adieu. Adieu. Adieu.
Le duc de Noailles est pressé, pressant pour la fusion. sans elle on périt ; avec elle on est sauvé. Je vous redis. Il est fort éloquent sur ce point. M. de Saint Aignan est revenu de Clarmont porteur d'un blâme sévère du Roi de l’abstention. Il fallait voter pour la proposition. Le chagrin là est extrême. Ils voulaient tous revenir.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Jeudi 8 nov. 1849
8 heures

Je fais dire au Duc de Broglie, ce que pense Flahault. Je ne vous réponds pas qu’il le fasse. Il est dans une disposition à la fois, très amère et très réservée, de plus en plus dégouté de se mêler de ce qui se passe, en quelque façon que ce soit soit pour nuire, soit pour servir. Je suppose que Lord Lansdowne ne compte pas rester longtemps à Paris. Il serait bien bon en effet qu’il vît les choses telles qu’elles sont réellement. Je ne sais pourquoi je dis cela, car je ne pense pas qu’il résulte grand chose à Londres de son opinion sur Paris, quelle qu’elle soit. Il est de ceux dont le bon sens ne sert à rien quand il faut qu’ils fassent un effort pour que leur bon sens serve à quelque chose. Je suppose aussi que de Pétersbourg, on ne fait pas grand effort pour empêcher, en Hongrie, les exécutions qu'on déplore. C'est le rôle des sauveurs de déplorer et de ne pas empêcher, de nos jours, la Restauration a fait cela en Espagne, la République à Rome ; et vous en Hongrie. Cette affaire des réfugiés hongrois finit bien pour vous. Il était bon à l'Empereur d'avoir à se plaindre de l'action anglaise, et de le faire un peu haut. La République française, sans l'afficher ouvertement, en ayant même l'air de ne pas le vouloir, vous aidera beaucoup à faire de la Turquie votre Portugal. L'état de l'Europe vous est bien bon. L’Autriche sauvée par vous, la France annulée, vous n'êtes en face que de l’Angleterre. Si vous ne faites pas trop de boutades, vous gagnerez bien du terrain. Le refus de la présidence décennale et d’une bonne liste civile est une preuve sans réplique qu’il y a parti pris pour l'Empire. Quand ce jour-là viendra, la partie sera difficile à jouer pour tout le monde. Président, assemblée et chefs de l’assemblée, armée et chefs de l’armée, sans parler du public, pour qui rien n’est difficile, puisqu'il ne fait rien et laisse faire tout. Ce sera l'une de ces grandes eaux troubles, où les petites gens habiles font leurs propres affaires, et ceux-là seuls. Donnez-moi, je vous prie si vous pouvez quelques détails sur ce terrain que je trouverai pour mon propre compte, et qui vous indigne. Je le vois d’ici en gros ; mais il est bon de savoir avec précision, et d'avance. J'en serai plus instruit qu'indigné. J’ai une indignation générale, et préétablie qui me dispense des découvertes. Mad. Austin est à Paris. Elle a trouvé à Rouen, M. Barthélemy, Saint Hilaire qui l’a fort rassurée, et qui l’y a conduite. J'attends aujourd’hui des lettres qui me feront, je pense prendre un parti à peu près précis sur le moment où j'en ferai autant.

Onze heures
Les lettres que je reçois me disent à peu près toutes comme Sainte Aulaire, et le duc de Noailles. Je me tiens donc pour à peu près décidé pour la fin de la semaine prochaine. N'en dîtes rien. Ce sera un charmant jour. Adieu. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer. Lundi 12 Nov. 1849
8 heures

Nous voilà dans la bonne semaine. Qu'il y a de temps que nous n'avons causé. Nous aurons beau faire. nous ne retrouverons pas tout ce que nous nous serions dit. Ce qui me revient de Paris (non par mes amis, mais par des personnes du gros public) est favorable à la perspective de l'Empire. Non par goût, mais parce que " on a soif de silence et d'autorité. " Ce court résumé me paraît bon. On ajoute qu’on ne croit nullement à du trouble dans la rue. Dans le pays que j'habite, grande insouciance sur cet avenir-là. Peu d’espérance, et point de crainte. J’ai trouvé hier le manifeste de M. Carlier dans mon Galignani. On aura voulu l'afficher dans Paris avant de le mettre au Moniteur. Le ton en est ferme et la suppression des termes sacramentels est assez frappante. J'admire de quoi on est réduit à être frappé. Si l'Empire fait, ou si, pour faire l'Empire, on fait la loi sur les gardes nationales dont le Prince Paul vous a parlé, cela seul vaut la peine de courir l'aventure. Mais je doute qu'on ose cela du moins aujourd’hui. Je suis assez curieux du Ministre des Affaires étrangères. Tenez pour certain que si c’est le Prince de la Moskowa, c'est très dangereux. Tout autre est préférable. Je serai charmé d'entendre le discours du Duc de Noailles. Seul d’abord, et puis à l'Académie. J’ai quelque peine à me figurer l'académie et tous les passetemps, littéraires ou autres de Paris. J’ai pris depuis si longtemps l'habitude de ne voir, dans Paris que l’une de ces deux choses, gouvernement ou révolution, qu'il me faut un effort pour y voir autre chose. Je ne me propose pas du reste de prendre grande part à ce qui s’y voit. Il me convient de porter le deuil et j'en profiterai. Mon penchant, et pas de voiture, et l’hiver, ce sont de bonnes raisons pour courir très peu. On m’écrit que ma petite maison est bien arrangée, et sera agréable à habiter. Vous devez bien jouir de votre appartement par ce charmant temps que nous avons depuis huit jours.

Onze heures et demie
Rien à ajouter. Et probablement pas grand'chose à dire d’ici à trois jours. Adieu, adieu. Adieu. Et encore. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Mercredi 16 0ct. 1850
9 heures

Je reçois votre lettre qui me préoccupe. Je m'étais arrangé pour être tranquille par la retraite du Ministre de la guerre. Au fond, je persiste. Il me faut des faits positifs pour troubler ma tranquillité. Avant les revues, et le vin de Champagne, et la commission permanente, j'étais bien plus inquiet pour le Général Changarnier. Depuis longtemps, il n’avait rien fait, rien ne lui était arrivé ; je le trouvais un peu affaibli. Le dernier incident l'a rajeuni. Le voilà de nouveau le représentant de la discipline, de la légalité, de l'Assemblée. Dès que la question se pose ainsi, je ne crois plus que personne y touche. Il n’y a personne aujourd’hui pour rien tenter de gros. Les revues et vive l'Empereur sont le thème du jour. Ce thème mettrait dans son tort quiconque toucherait à quelque chose. Le public est de l'avis de Beauvale. Le vin de champagne a effacé la circulaire. Le public veut le Président et le Général Changarnier. Pourvu qu’ils s’arrangent ensemble, peu importe le reste. Mais il faut qu’ils s’arrangent, et celui des deux qui dérangera l'autre sera le mal venu. Je serais bien surpris, si M. Fould n'était pas de cet avis.
Voyez le Constitutionnel lui-même ; c’est tout ce qu’il peut faire que d’excuser les Vive l'Empereur ! Et il les excuse assez gauchement. Je comprends qu'on fasse l'Empire si on peut ; mais le crier, sans le faire, est absurde.

Midi.
Je suis fort aise de ce que vous me dites de la résolution du général Lahitte quant à l'Allemagne. J’espère qu’elle ne sera pas mise à l'épreuve. Je trouve du reste cette politique déjà annoncée dans le Bulletin de Paris. Lahitte prend ses précautions, et il a raison.
Si vous écrivez un de ces jours à Lord Aberdeen, soyez assez bonne pour lui demander s'il a reçu une longue lettre de moi, celle que vous savez. Je voudrais être sûr qu'elle est arrivée. Ce serait charmant qu’il vînt nous voir à Noël. Pourquoi pas ? Rien ne le retient à Londres et il se plaît à Paris.
Je ne trouve pas que la réponse de M. de Montalivet à Napoléon Bonaparte, dans la Revue des deux mondes qui m’arrive, soit bonne. Elle est vague et timide. Il y avait bien plus à dire, et à dire plus sèchement.
Je vois que la Reine est encore à Lacken, et y restera peut-être plusieurs jours. Je lui ai écrit à Claremont, en envoyant ma lettre au Général Dumas. J'espère qu’il la lui aura envoyée. Madame la Duchesse d'Orléans, s’est hâtée de retourner, sans doute à cause de ses enfants. Adieu, Adieu.
Je vais me promener. Il fait un temps magnifique, doux et pur. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Samedi 18 Oct. 1851

Le programme du Constitutionnel hier était précisément le puzzle que vous m’annonciez ; abolir la loi du 31 mai et rester archi-conservateur. Cela paraît et cela est parfaitement sot. Je parie que si le président va jusqu'au bout et trouve de nouveaux ministres, ce sera là ce qu'ils tenteront, et peut-être ce qu'ils feront. Ils seront dominés, subjugués par la nécessité de défendre l'ordre ; nécessité absolue quand on gouverne, et les petites jacqueries qui commencent, les y aideront ; et il faudra bien que le parti de l’ordre vote pour eux quand ils le défendront matériellement. Et il faudra bien que la Montagne vote l'abolition de la loi du 31 mai quand ils la proposeront. Ils seront tour à tour attaqués et soutenus des deux côtés. C’est un jeu honteux, ridicule, et qui perd au bout d’un mois, le gouvernement qui le joue ; mais en un mois le tour est fait, et quand le tour est fait, on rentre dans l'ornière de tous les gouvernements. Je crois vraiment que c'est là ce qu’on se propose comme on le dit et je ne suis pas sûr que ce fût tout à fait impossible sans les incidents qui viendront à la [traverse] surtout celui de la proposition Créton qui mettra le désordre dans ce désordre et jettera au milieu du jeu des cartes nouvelles dont la portée est incalculable.
Prévoie qui voudra ; j'y renonce, et je vais me mettre à faire mon discours sur M. de Montalembert. J’ai reçu hier une lettre de lui qui m'annonce le sien pour demain ou après-demain. Il n'en est pas content. Il me l'envoie tel quel me demandant de donner des coups de crayon partout où je trouverai quelque passage à modifier ou à retrancher.
" Je serai aussi docile que possible à cette censure si compétente et si amicale ! " Propos d'homme d’esprit qui a grande envie de réussir. Je suis sûr qu’il réussira. Son langage n’est pas d'une correction parfaite, ni d’un tour strictement acadé mique ; mais il a une élévation, un éclat, un jour de jeunesse à la fois noble et naïve qui surmonteront les petits défauts et plairont infiniment au public. Je serais bien étonné qu'il en fût autrement.
Voici un passage d’une autre lettre, d'un autre homme d'esprit, M. de Lavergne, qui vit dans un département du centre, la Creuse et qui observe bien " Le pays n'est ni bon, ni mauvais. Paysans et bourgeois se regardent sans amour ni haine. Les uns et les autres ne savant que faire et selon toute apparence beaucoup d'électeurs n'iront pas aux élections. Les paysans voteront encore pour Nadaud, par esprit de Corps, mais sans y attacher une pensée précise de bouleversement. Les bourgeois n'ont pas encore arrêté leurs choix. On m'a fait l’honneur de penser à moi ; mais j’ai refusé. Je n'ai jamais eu si peu d’attrait pour les affaires publiques et si peu de sympathie pour tous les partis. "
Cela ne présage pas grand chose de bon pour les élections prochaines. Ce pays-ci vaut mieux. Cependant les intrigues électorales commencent ; et si ce qu'on me dit est vrai, il y en a de bien étranger, on m'assure que M. de Saint-Priest a fait écrire ici, par M. Nette ment plusieurs lettres contre mon élection, et que le duc de Lévis et le Duc d’Escars ont parlé dans le même sens. Je ne le crois point, mais quand vous verrez le duc de Noailles, dites-lui, je vous prie que cela se dit et qu'on me le dit. Il est bon que ces messieurs le sachent.
Moi aussi, je voudrais bien être sûr que Constantin, a raison dans ses pronostics sur l'effet de notre lettre. Je penche à le croire. Le contraire serait monstrueux.

Onze heures
Adieu, Adieu. Je ne comprends pas Génie. Ou du moins la raison que je suppose n'est pas bonne. Je vais lui écrire. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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41 Dieppe Jeudi le 22 juillet 1852

Mardi est bien loin, mais je suppose qu'il arrivera un jour. J'ai été tracassée et occupée. J’ai beaucoup réfléchi au Moniteur, je ne puis pas laisser là cette affaire d'un autre côté je ne veux rien faire sans Kisseleff. Je lui adresse donc aujourd’hui. une lettre pour Persigny. Il me dirigera là dedans, je vous dirai ce que j’aurai fait. Je ne sais pas de nouvelle. M. de St Priest a été ici, toujours très fusionniste mais vous savez que je ne le connais pas. Vous parlez très sensibly de l’Empire. A propos vous me deviez 5 Francs au ler Juillet nous ferons un autre pari si vous voulez. Lord Cowley que je vois tous les jours ne sait rien de nouveau d'Angleterre. On m’envoie de là le grand article qui a motivé le communiqué du Moniteur sur moi. On promet entre autre à Marion un mari et une fortune si elle me dispose à servir le président auprès de l’Impératrice. Le tout est de cette force. Comment va-t-on ramasser de ces choses là & y répondre. Est-ce possible ? Adieu. Adieu.
Je ne suis contente ni de la mer ni de ma santé. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Mercredi 18 Août 1852

Je reconnais bien M. de Varenne dans l’idée de faire chanter un Te deum en l'honneur de Napoléon dans l'Eglise catholique publique de Berlin. Il manque tout à fait d’esprit et de tact. Berlin est probablement de toutes les capitales de l'Europe celle où un pareil service devait le moins réussir. Dans la Chapelle de la Légation et entre français à la bonne heure, si le Président avait de grandes affaires, il verrait combien de tels agents sont impraticables.
Je remarque, assez de conseils d’arrondissement qui poussent à l'Empire. Nous verrons ce que feront les conseils généraux. A peu près partout, ils sont tels que l'administration, les a voulus, et elle en aura ce qu’elle voudra. C'est commode, mais pas toujours utile.
Les informations de Lord Aberdeen s'accordent avec celles de mes visiteurs anglais. Pour le moment, je crois plutôt à la durée de Derby, plus ou moins modifié, qu'à l'avènement de Lansdowne. Celui-ci serait obligé de dissoudre presque aussitôt. C’est trop d’émotion et trop de dépense. Lord Cowley redoute-t-il toujours Lord Malmesbury ?

Onze heures
Vous avez donc encore Stockhausen ? Je le croyais parti. Aggy n'aura pas la même popularité mondaine que Marion, mais je suis bien aise qu'elle aille un peu dans le monde, et qu’on l'y traite bien. Cela convient à votre salon.
Ce dont je suis bien plus aise, c’est de vos nouvelles de votre fils Paul. Non seulement cela lui montre ce que vous êtes et ce que vous pouvez pour lui, mais j’espère que si on lui ouvre une belle porte, il rentrera avec plaisir dans sa carrière. Je ne puis souffrir de voir un homme distingué perdre sa vie comme un good for nothing. Adieu. Adieu.
Nous avons eu hier ici un immense orage. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 19 août 1848,

J’ai vu beaucoup de monde hier. Les plus intéressants étaient la [Princesse] Mathilde, Morny, Fould. Celui-ci le soir, ainsi peu de causerie intime. Molé a été froid. Fould part demain pour les Pyrénées, il revient le 5 Sept. Le 15 il repart avec le Prince pour la grands tournée du midi. On ne fait pas ou plutôt on ne veut pas faire attention à la visite de la reine à Bruxelles, de même on ne relève pas le surcroît d'intimité avec Claremont. On veut rester bien avec l'Angleterre. Il n’est que question d'Empire c-a-d qu'on n'en parle plus du tout que pour dire qu'on n'y pense pas dans ce moment. On laissera parler les conseils généraux. La [Princesse] Mathilde affirme que le mariage se fera. Fould n'a voulu n’en rien dire. Cependant il dit que ce n’est pas rompu. Morny dit qu’avant l’Empire, il faut la femme et même l’enfant. On prétend que Rémusat et Lasteyrie ont écrit des lettres insolentes pour se refuser à rentrer. J'ai peine à le croire cependant c'est la [Princesse] Mathilde & Morny qui me l'ont dit. Thiers doit être arrivé hier. Voilà à peu près tout.
Les fêtes à tout prendre ont été froides. L’indifférence est assez générale. On persiste à dire que dans la couche basse, et dans le pays, on est toujours très chaud pour le nom de Napoléon. Morny a l’air content et tranquille. Très content de voir Fould aux affaires, regrettant que cela n’ait pas pu s'arranger pour Rouher. Tout le monde dit que Persigny est vraiment malade et qu'il a besoin de se soigner. Il est retourné à Dieppe hier.
Il revient ici de mauvais propos tenus par Mad. Kalerdgi à Kissingen. Non seulement mauvais pour le Président, mais aussi pour Kisseleff qu’elle veut faire rappeler. Voilà deux grandes perfidies. Les connaisseurs ne s’en étonnent pas. J'en suis fâchée, car elle me plaisait. Je vous ai dit qu’elle passera l’hiver à Pétersbourg. J’ai dit du bien d'elle à l’Impératrice, je m'en repens. A propos l’Impératrice très inquiète de mon accident, & d’être restée 2 jours sans lettre. Elle prie que quelqu'un lui écrive. Enfin une sollicitude charmante et touchante. Adieu. Adieu. Mes jambes vont mieux.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 25 août 1852

On se fâche fort ici de l’événement de Berlin. On conteste cela avez d’autre lieux où tout s’est passé le 15 selon les désirs de la France. Il faut qu’il y ait un luxe de maladresse de la part de M. de Varennes. Au reste je vous ai dit que ce n’est pas là seulement, à Bern cela a été encore pire qu'à Berlin. On me dit que les Belges ont été fort piqués du voyage de la Reine d'Angleterre, de voir tous les vaisseaux anglais sonder l'Escaut, prendre des notes & & cela a été très impopulaire. M. Drouin de Lhuys a dit hier à un diplomate que le nouveau traité avec la Belgique était tout à l’avantage de la France au delà de ce qu’il aurait jamais cru possible. Il a dit aussi au même, l’Empire est fait.
Dumon est venu me voir hier de Versailles. Je lui avais prêté Cromwell. Comme moi. il a été très accusé, mais de même que moi et plus que moi, il dit pourquoi ; & il ajoute que c'est fâcheux pour vous et pour les autres. Je vous en prie restez en là. Voilà votre lettre, qui explique. C'est peu connaître l’homme que de croire qu’un avertissement public puisse agir sur lui et le retenir ce serait plutôt propre à faire l’effet contraire.
Les petits dîners élégants, les lotteries, les cadeaux continuent à St Cloud. Mad. Sebach y a gagné hier une belle bague rubis & et diamants. La surveille Mad. Woronoff m’avait rapporté une émeraude & diamants. Il faut être riche pour cela. Toujours 6 ou 8 dames bien dotées. Le temps est beau, mes forces ne viennent pas, elles s'en vont. Je suis très découragée. Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Vendredi 27 Août 1852

Nous avons eu hier, un peu avant le dîner, un orage qui m’a mis je ne sais pourquoi, dans un grand malaise. J’ai à peine diné. Après dîner, j’ai eu un besoin absolu d’une demi heure de sommeil dans mon fauteuil. J’en suis sorti pour faire un robber de whist, et j’ai été me coucher à 9 heures. J’ai très bien dormi. Je n'ai plus aucun malaise. Je ne suis qu’un peu fatigué. Ce soir, il n'y paraîtra plus.
Je ne comprends pas les gens de Berne d'avoir de si mauvais procédés pour le Président. Il me paraît clair que tout en les menaçant, au fond, il les protège un peu, contre une invasion Européenne du moins, par crainte des embarras intérieurs où elle le mettrait, et aussi par souvenir de l'hospitalité qu’il a reçue en Suisse. Il est, ce me semble, toujours sensible à ce qui lui est, ou lui a été personnel. Les radicaux ont bien peu d’esprit.
Les apparences sont comme le dit M. Drouyn de Lhuys, que l'Empire est fait. Les conseils généraux, en termes plus ou moins positifs votent comme un seul homme. Je vous prie de croire que je n’ai pas cru un moment à l'efficacité d’un conseil historique et public. Mais j’ai été bien aise de donner historiquement le conseil pour dire publiquement mon avis. Quand l'Empire sera fait, je serai ce que je suis aujourd’hui, parfaitement tranquille et respectueux pour l’ordre établi.
Je ne m'étonne pas de l’enfantillage des Belges avec les vaisseaux et les ingénieurs Anglais. Quand nous sommes allés, en 1831 les sauver des Hollandais devant qui ils s'étaient enfuis comme des lièvres, ils ont eu la même humeur et fait à l’armée Française toutes les malices inimaginables. On veut être sauvé, et détester son sauveur. C'est naturel. Il est fort désagréable d'être démontré petit, et impuissant à se sauver soi-même. C'est d'ailleurs la manie du temps que personne ne veuille être petit. La prétention de l'égalité existe entre les états comme entre les individus. C'est la principale cause peut-être de cette passion de constitutions qui a saisi tous les peuples. Affaire d’orgueil encore plus que de besoin. Tout le monde a voulu avoir le même grand gouvernement représentatif que la France ou l'Angleterre, pour être grand aussi.
J’ai essayé un jour de faire comprendre à un général, homme d’esprit que ce gouvernement là n'allait pas du tout à Genève que c’était une machine à vapeur de la force de mille chevaux pour une barque de cent tonneaux. Je n’ai pas réussi. Qui veut être une barque de cent tonneaux ? La Fontaine avait vu cela avant moi. Tout petit Prince à des ambassadeurs. Tout marquis veut avoir des Pages. Les constitutions sont les pages de notre temps. Cela est drôle à dire dans ce moment-ci. Je persiste pourtant. Quand une sottise a fait trop de mal, la platitude vient et prend la place de la sottise ; mais on n’est pas, pour cela, guéri de la sottise.

11 heures
Ne dites donc pas de telles paroles. Votre faiblesse me désole ; mais ce n’est que de la faiblesse. Vous n'avez point de maladie, point de fièvre point d'organe attaqué. C’est une mauvaise veine que vous traverserez. Adieu, adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 30 août lundi 1848

Malgré le Dimanche j’ai vu peu de monde hier. Le Nonce, Hubner Kisseleff la petite princesse voilà tout à peu près. Beaucoup des seconds sont à la campagne. Les jeunes se promènent au clair de lune. Il fait étouffant à Paris, l’air est très lourd et très chaud et partant très malsain. Mais où aller ? Les châteaux me gênent. Ailleurs je suis seule.
On dit qu'on ne songe ni au mariage ni à l’Empire et les Paris sont ouverts de nouveau. Il ne se fera pas. La princesse de Saxe ne plaît pas, elle est trop ronde et pas assez jolie. L'empêchement pour Wasa serait la mésall iance, elle pèche par la grand mère, mais si elle plaisait beaucoup à l’Empereur on passerait par dessus. Il n’est pas question de retirer les troupes françaises de Rome. Il faut d’abord avoir une armée pour regarder, et on ne l’a pas. Lord Cowley est revenu hier. Je ne l’ai pas vu encore mais je sais qu’il est rassuré sur son compte. Je n’ai point de nouvelle. de Russie. Adieu, adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Mercredi 1er Sept. 1852

Ce que vous me dites de Hübner ne m'étonne pas ; il a de l’esprit, mais son esprit est placé trop bas pour se répandre aisément ; il n’y a que les esprits hauts qui soient communicatifs et libres.
Vous avez en effet bien peu de ressources à Paris en ce moment ; mais vous en auriez encore moins ailleurs. La campagne est bonne à ceux qui ne craignent pas la solitude.
A mon avis, vous avez tort de ne vouloir absolument. d’aucun château ; vous n’y seriez pas, il est vrai, aussi parfaitement, sans gêne que chez vous ; mais vous y auriez un peu de bonne conversation et beaucoup de bon air. Il faut bien choisir entre ses goûts et sacrifier quelque chose des uns à la satisfaction des autres. Je vous fais de la très bonne morale, sans compter sur son succès.
Pour moi, je ne parie plus ni pour contre l'Empire ; il viendra, ou ne viendra pas, comme on voudra ; je n’y pense même plus. Je puis oublier beaucoup le présent.
La guerre devient bien vive, entre le Times et le Moniteur. Je ne crois pas que cela serve le Président en Angleterre où tout le monde lit le Times et personne le Moniteur. Et en France, où personne ne lit le Times, et tout le monde à présent le Monteur, cela n’a d'autre effet que d’apprendre au public, que le Times attaque violemment le Président. Ce sont des polémiques où l’on s’engage pour la satisfaction de son humeur, non pour le service de son intérêt. Je les comprends de l'Empereur Napoléon, il faisait la guerre à l'Angleterre ; il la lui faisait dans le Moniteur comme partout ; ses articles étaient soutenus par ses canons, et expliquaient ses canons. Mais le Président, est et veut, être en paix avec l’Angleterre ; le Moniteur ainsi employé lui rend la paix plus aigre voilà, tout. C’est un mauvais calcul un anachronisme.
Je suppose que vous ne lisez pas le Bernardin de St Pierre de M. Ste Beuve. aussi soigneusement que ses Regrets. Quatre Bernardin de St Pierre à la fois, celui qui a eu le prix à l'Académie, celui de M. Villemain dans son Rapport, celui de M. de Salvandy dans les Débats, et celui de M. Ste Beuve dans le Constitutionnel, c’est beaucoup.
Vous êtes vous fait lire le Rapport de M. Villemain ? Aggy lit-elle bien tout haut ?

Onze heures
Je reçois quatre lignes de Piscatory qui me dit qu’il est malade, et qu’on le croit dangereusement malade, d’une esquinancie. Lui, il se croit mieux ; mais il finit en me disant. " Je pourrai me vanter d'avoir été pendu. " J’en suis très fâché, car j’ai vraiment de l’amitié pour lui. Adieu, Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Jeudi 2 sept 1852

2 septembre ! J'étais bien jeune ce jour-là, il y a soixante ans ; mais j’ai été nourri dans une sainte horreur de son souvenir, et je ne vois pas cette date écrite sans retrouver ce sentiment. Le massacres des prisons de Paris ont été certainement quelque chose de plus affreux encore que la Saint Barthélemy ; la haine n’y était pas.
Avez-vous remarqué l’article du Morning Post répété par le Moniteur et par les Débats ? Cela a bien l’air d’un nouvel ajournement de l'Empire et du mariage.
On a raison de se moquer du discours de M. de La Rochejaquelein ; la platitude et la fanfaronnade ne vont pas à ce nom- là. Du reste le Président a très bien fait de le nommer président ; pour lui, il n’y a que profit.
Je suis porté à croire que Lord Granville pourrait bien avoir raison. Quand un homme d’esprit, et de caractère a été longtemps chef d’un grand parti il ne tombe. pas, même quand il déchoit.
Je n'ai point de nouvelles d'Aberdeen. Leur bon vouloir mutuel à Lord John et à lui est ancien ; leur alliance officielle serait étrange, Lord John, Lord Aberdeen et sir dans Graham. Je n'y crois pas. Je crois à Derby pour assez longtemps.

11 heures
J’ai été interrompu par des visites de chasseurs, très matinales. Je n'ai absolument rien qui en vaille la peine à vous dire. Comme j’ai bon cœur, je suis bien aise que Lady Palmerston soit sauvée, pour elle, pour son mari et pour vous que sa mort aurait chagrinée. Adieu, Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val-Richer, Samedi 4 sept. 1852

Evidemment, il faut que Fould revienne et que le Président parte. Leur voyage à travers la France vous donnera seul quelques nouvelles à entendre, si ce sont là des nouvelles. Rien ne se ressemble plus que les voyages de Princes, tous les lieux deviennent semblables pendant ces jours là, et tous les incidents sont les mêmes.
La lutte du Moniteur contre les journaux Anglais continue. Elle est bien plus vive dans les feuilles d’Havas qui jouissent du privilège de l’incognito. Là on prédit la chute de l’aristocratie anglaise, de la monarchie anglaise ; on leur déclare que cette chute arriverait demain s'ils recevaient, comme nous, le bien fait du suffrage universel. Comment résisteraient-il à cette voix du peuple & &.
Ce sont les colères de l’ancien Empire avec le suffrage universel de plus. L'Empereur avait usé deux ou trois fois du suffrage universel, mais il se gardait bien d'en parler tous les jours. C'est vraiment une maladresse extrême, et si inutile !
On m'écrit que le comte de Chambord a reçu la démission de M. de Pastoret par une lettre officielle, très courte et très sèche. Pas un mot de remerciement ni d’ancienne amitié. Cela fait supposer à la brouillerie quelques motifs plus sérieux que ceux qui ont paru. C'est le Duc de Lévis qui est maintenant chargé des affaires financières du comte de Chambord. Cela le fera résider plus habituellement à Paris. On dit qu’il n'en est pas fâché.
Il avait été très sérieusement question de la retraite de l’armée Française de Rome. Mais le Pape n’a pas voulu donner l’assurance que ses propres gardes lui suffisaient, et prendre, l’engagement de ne pas appeler les Autrichiens. Alors on reste, et le Pape en est bien aise, car les Français lui sont plus commodes et moins compromettants que les Autrichiens.
Êtes-vous contente de votre nouveau maître d'hôtel ?

10 heures et demie
Pas de lettre. J’espère bien que ce n’est pas pour raison de santé. Adieu, adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 8 Septembre 1852

J’ai vu hier M. Fould, trés engraissé, très content, très confiant très puissant. Il ne bougera pas de Paris pendant le voyage du Prince tous les autres ministres se relayeront à tour de rôle auprès de lui. Fould reste pour répondre de tout et pourvoir à tout. Il est très content de la disposi tion du pays. Partout l’autorité puissante, obéir, les populations contentes. Ce n’est pas lui qui a rédigé l’adresse de son conseil général c’est M. d’Aguilleau. Il en rit. On ne parle pas d’Empire. Le Prince sait fort bien ce qui est dans son intérêt. Il fera attendre. Il a plus d’esprit que les autres. Le voyage sera une ovation. Il regrette la guerre au Times, cela ne continuera pas. On exécute doucement les décrets. Je n’ai dit que deux choses : que le Prince se conduise toujours dans son intérêt personnel, & il a trop d'esprit pour ne le pas connaître. Et puis qu'il laisse tranquille son oncle. Il en a assez parlé. Il a le droit de parler de lui même. J'ai bien relevé aussi l’impatience des ennemis de le voir empereur. Cela a déjà frappé. Voilà en raccourci. Il n’a pas été question de mariage.
Je suis charmée que Fould reste. J’ai été hier soir un moment chez Mad. Salovoy. Fête, illu mination, bal. 18 Hongrois musiciens admirables, dans leur costume pittoresque j'y ai été pour les entendre. à 10 h. j'étais dans mon lit. Aggy a remis son voyage à la semaine prochaine. Les Delmas restent, Kolb reste donc aussi. On regrette à Berlin que Manteuffel n’aie pas donné sa démission, vu le secret que le Roi lui a fait de la faveur rendue à Radowitz, il aurait eu avec lui l’opinion, la bonne qui est toujours la plus puissante en Prusse. Madame de la Redorte croit que le coup porté à Molé par le [?] de camps de Kalerdgi est plus fort encore pour [?] que le 2 décembre. Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Mercredi 8 sept 1852

Dites-moi précisément quel jour Aggy part pour son petit voyage. J’irai passer avec vous trois jours pendant son absence. Je veux voir par moi-même comment vous êtes et me donner, nous donner ce rafraîchissement dans le cours d’une si longue séparation. Je puis faire cela la semaine prochaine. J’attendrai après demain vendredi votre réponse pour fixer le jour de mon départ. Ce sera un charmant plaisir.
Je m'étonne que le Président ne soigne pas Cowley autant que Hubner. Il compte sans doute davantage sur la complaisance, de l’Autriche pour sa grande affaire ; mais il a besoin aussi de celle de l'Angleterre, et je ne la crois pas inabordable.
Ce que vous me dites de Lord Cowley quant aux chances de l'avenir n’est probablement pas son sentiment à lui seul dans son gouvernement. La politique anglaise est peut-être, de toutes celle qui vit le plus dans le présent. Le Cabinet actuel d'ailleurs n'est guère en état, ni en disposition d’aller au devant d’aucune difficulté, il les éludera tant qu’il pourra et n'en créera à personne pour ne pas s'en créer à lui-même.
Le journal des Débats répond à ma question ; il annonce le rappel du ministre de France à La Haye, le petit d’André, si je ne me trompe. Je doute que cela fasse revenir les Chambres hollandaises, au traité sur la contrefaçon. Ce seront de mauvais rapports inutiles.
Mad. Kalerdgi manquera à l'Elysée et à M. Molé. Il a le goût des comédiennes Mad. de Castellane valait mieux que celle-ci. Elle était capable de dévouement. Je doute qu’il en soit de même de Mad. Kalerdgi. Passe pour le dévouement d’un jour ; mais la dévouement long exclusif, non. Mad. de Castellane, il est vrai n’avait pas commencé par ce dévouement-là ; mais elle y était venue. C'est quelque chose.
A propos de Mad. Kalerdgi, Piscatory me revient à l’esprit. J’ai eu de ses nouvelles il va mieux. Il a eu une forte esquinancie mais il a une de ses filles assez gravement malade, ce qui le tourmente beaucoup. Il a du cœur. Il se tient parfaitement tranquille entre ses enfants et les champs.

Onze heures
Je vous chercherai de vieux Mémoires. Ce pauvre Piscatory a perdu sa fille, une enfant de douze ans. Je reçois trois lignes de lui. Adieu, Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, samedi 18 sept. 1852

Je viens d’arriver, un peu fatigué. J’ai peu dormi et beaucoup pensé vous. Tendrement, doucement, et bien moins tristement que je n'aurais fait si vous n'étiez pas venu me prendre. A quoi tiennent nos impressions ! Il m'en est resté une très douce de ces derniers moments, et elle dans toutes choses, même le chagrin de vous laisser, et de vous laisser souffrante. Merci encore.
J’ai trouvé en arrivant une lettre de Duchâtel à qui le voyage d’Espagne n’a en effet point plu du tout. Voici textuellement son résumé de ce qu’il voit : " La province est plus éteinte qu’on ne peut se figurer à distance. On dit que sous cette cendre, que forment les classes moyennes le feu socialiste couve toujours, j’incline à le croire. C'est un mal moral dont une médecine purement matérielle ne peut pas triompher. Le seul trait saillant de la situation provinciale de nos côtés c’est le progrès de l'indifférence et de l'abstention. On ne va pas voter. J’espère que le suffrage universel finira par mourir de sa belle mort, faute de votants.
La disposition du public est de laisser faire, sans adhésion vive, sans concours actif. Les autorités s'agitent beaucoup pour préparer l'Empire ; le public ne le désire pas, mais ne s'y oppose pas. La partie de la nation qui vise aux places travaille à reculer le plus possible les bornes de la platitude, et de l'abaissement, le reste ne s'occupe que de ses affaires, ne pense pas à l'avenir est à peu près dans l'état de vous qui ont fait une conque maladie, qui se croient en convalescence, mais qui n'ont pas encore repris l’usage de toutes leurs facultés. On dit que le Président renverra l'Empire assez loin. Alors le jeu est singulier. J’ai peine à croire en voyant ce qui se passe, que l'Empire ne soit pas plus proche qu’on ne le dit. Il serait étrange de se donner tant de peine pour préparer les décorations, et les rôles de la pièce et de ne pas lever la toile. "
Tout cela est très sensé, et après le grand bon sens, il finit par son intérêt de cœur : " Nous avons ici un fort beau temps depuis quinze jours. Cela sauve les vendanges, qui étaient compromises. " Adieu, adieu, soignez-vous, faites vous soigner et laissez vous soigner. J'insiste sur Olliffe. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris lundi le 20 Septembre 1852

Hier j’ai été en [?] le jour. Chomel est venu ce matin. Il fait continuer le régime, je ne puis plus marcher du tout. Où est- ce que cela va me mener ? Oliff ne s'accorde guère avec son collègue. On me promet de me donner à manger demain. Voilà mes nouvelles à moi. D’autre part je n'en sais rien. Tous les jours on parle plus & plus de l’Empire. Tristement pour le Président.
J'avais assez de monde hier soir, rien de bien intéressant et pas une nouvelle. J’avais vu Lord Cowley le matin. On est très monté ici contre la Belgique et à en croire le récit de Drouin de Lhuys Cowley dit que c’est avec raison. Il parait que le Duc de [Wellington] ne laisse pas de testament, et comme c’est un bien acquis il sera divisé entre les deux fils. En apprenant la mort du Duc, la reine a envoyé de suite à Londres lord Derby qui se trouvait auprès d’elle. Me voilà au bout, je ne sais plus rien. Adieu, Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer. Lundi 20 sept 1852

Voici ce que dit la correspondance Havas : " Ce que veut le peuple sous un régime comme le nôtre qui a le suffrage universel pour base, doit infailliblement se réaliser. Le prince Louis Napoléon efface complètement sa volonté dans cette affaire de l'Empire, et il a pleinement raison. C'est la seule des questions intéressant la France à propos de laquelle l’initiative ne lui appartienne pas.
S’il désirait changer son fauteuil présidentiel, pour un trône, ce désir de son ambition n'aboutirait que par le libre et spontané consentement du peuple. Si au contraire le Prince tient à garder sa situation actuelle, il est trop l'homme de la France pour ne pas faire au peuple le sacrifice de ses goûts, car il accepte pour lui-même, et il est toujours prêt à pratiquer cette soumission à la volonté populaire qu’il prescrit et impose aux autres.
Peu importent donc, dans cette question, les sentiments du Prince, c’est la France qui doit faire entendre sa grande voix ; et quand l'heure sera venue quand aux yeux même des partis et de l’Europe, il sera plus clair que le jour que la France veut l'Empire, le Prince n'aura plus qu’à remplir son devoir en obéissant à la France. "
C'est le commentaire de la réponse à Charles Dupin, et le commentaire est aussi clair que le texte. Reste toujours à déterminer le moment où l’on jugera que la France a parlé assez haut et qu’il faut absolument obéir.
Autre article d'Havas, très pompeux, sur le vaisseau l’Austerlitz lancé à Cherbourg, en présence du ministre de la marine ; on raconte les détails de la cérémonie, et on finit en disant : " Le vaisseau l’Austerlitz, qui porte le plus beau nom peut-être de nos fastes militaires, avait été mis en chantier sous l’appellation de l'Ajax, le 17 Avril 1832, il y a plus de vingt ans. " Vous voyez que, bien loin de regretter, on se vante d'avoir débaptisé ce vaisseau du nom que nous lui avions donné. La querelle ne peut avoir aucun résultat, et ne vaut pas qu’on y insiste.
En mettant son corps à la disposition de la Reine, le Duc de Wellington a évidemment voulu de grandes funérailles. Que dit-on du prince Albert, comme commandant en chef ? J’ai peine à croire que le choix fût approuvé en Angleterre. Au fond, ce serait peut-être la meilleur, mais c’est certainement le plus compromettant. Si ce n’est pas lui ce ne sera pas le Duc de Cambridge. Pas de Prince du tout en ce cas.
En fait de militaire, je ne vois nulle part le nom de Lord Anglesey ; il n'est question que de Lord Fitz-Roy Somerset ou de Lord Hardinge. Celui-ci est le plus gros. Je parierais pour lui, si je pariais. Que va faire le Roi de Bavière en Espagne ? S'amuser, je suppose. Les Rois se sont toujours beaucoup amusés ; mais autrefois ils s'amusaient sur place. Cela valait mieux.
Voilà, M. frère d'Orban décidément hors du Ministère Belge. Je suis porté à croire que la nouvelle négociation aboutira à l'adoption par les Chambres Belges, de la première convention, et qu'au fond, on ne se propose pas autre chose. Le procédé serait trop étrange, s’il était sérieux.
Je vois, en parcourant les Débats d’hier, qu’ils ont répété l’article d'Havas sur le vaisseau, l’Austerlitz, Est-il vrai que le Duc de Wellington, et Croker se sont vus à Folkstone ? Je le voudrais pour la satisfaction de mon ami Coker qui est bien malade, et que la mort du Duc aura certainement frappé.
11 heures et demie
Mon facteur arrive tard. Il a tort, car votre lettre aussi me plaît. Quel est donc le nouveau traitement ? Adieu, Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Mardi 21 sept. 1852

Je regrette cette idée de noviciat pour votre fils Paul ; d’autant plus que, dans l’apparence, il n’y a pas d'objection raisonnable. à y faire ; elle est naturelle. Mais évidemment, pour lui, cela n’est pas du tout nécessaire : c’est ou une pédanterie administrative, ou un mauvais vouloir détourné. Cependant, à moins que sa santé n’y mette tout-à-fait obstacle, si on insiste, il fera bien de se résigner. S'il a envie de rentrer dans les affaires, il ne peut pas espérer qu’il le fera sans ombre de désagrément ou d’ennui. Est-ce que M. de Meyendorff va à Pétersbourg ? Et y va-t-il, en même temps que M. de Nesselrode et Kisseleff ?
Votre calme de Paris n'est rien à côté de celui dans lequel je viens de rentrer ici. Je n’ai, à la lettre, point d'autre bruit que celui du vent, et point d'autres incidents que les alternatives du soleil et de la pluie. C'est bien vraiment le travail au sein du repos. Vie très saine, et au fond. très douce, sauf ce qui me manque.
Je pense avec plaisir qu’Aggy vous revient aujourd’hui. C’est une sécurité pour vous, et aussi pour moi. Marion est une sécurité et un plaisir. Croyez-vous qu’elle vous vienne avec son oncle, vers Noël, pour passer avec vous l’hiver prochain ? Je me figure que cet hiver, la fin surtout, sera très animé, pour les amateurs du mouvement de salon. L'Empire en répandra beaucoup à son début. Plus tard, il lui faudra un autre mouvement, qu’il aura peine à se procurer, du moins à un prix raisonnable.
Vous dit-on à quel moment Lord Palmerston passera à Paris, en conduisant sa femme à Nice ? Il sera bien reçu là. Le gouvernement actuel du Piémont l’a trouvé bienveillant, et le lui rend sans doute. Je trouve que ce gouvernement a un peu l’air de s'affermir. Quelques unes des querelles que le Clergé lui fait sont mauvaises et le servent.
Vos diplomates ont ils rencontré quelque part, M. de Cavour pendant son séjour à Paris ? Il doit avoir vu Thiers. Thiers a été bien venu à Turin.

Onze heures
Puisque Chomel vous voit souvent, je ne crains pas qu’il fasse de grosse faute ; il modifiera à temps le régime. J’attendrai impatiemment la nouvelle.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 22 Septembre 1852

Vous m'avez pardonné hier. J’étais si fatiguée. Aujourd’hui j'ai dormi, et on m’a permis hier de manger un peu. Je me sens plus vivante. Le discours du Président devant la statue est la grosse affaire. Tout le monde le commente Il est habile. Chaque mot est une intention. Pour l’Empire, il laisse les choses où elles étaient. Cependant il est un peu en arrière des quatre mots à Nevers. Fould que j’ai vu hier matin dit que quant à l’enthousiasme, c'est à ne plus trouver de mots pour le raconter d’une manière vraie. Il en rit lui-même. Il me dit " cet homme est bien le maître de la France, le maître comme on ne l’a jamais été. Il la tient dans sa main. "
J'avais chez moi Heckman hier matin lorsque Montalembert est entré ; à peine celui-ci assis qu’arrive Fould nous voilà à nous quatre ! La place n'était plus tenable. Montalembert avait pâli d’émotion et de colère, il s’est levé et il est parti. Beauvale me mande que le Times est acheté par les Orléans et payé très cher. Lady Palmerston m’écrit aussi ; il n’est pas question de Nice. Le ministère anglais tiendra. La mort du duc de [Wellington] ne fait pas un très grand effet réel mais le regret public est universel.
Fould me dit : " nous avons commencé les hostilités avec la Belgique. " Vous avez lu le décret élevant les droits sur la houille & les fers. On répondra de la par les vins et les soieries et on finira par chasser les ministres. ces décrets au dire de Fould feront grand plaisir en Angleterre. J’ai vu hier soir beaucoup de monde, mais comme je le renvoie à 10 h. Cela ne me fatigue pas. Interruption. Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val-Richer, Mercredi 22 sept. 1849
9 heures et demie

Je suis dans mon Cabinet depuis six heures. Je n'ai pas encore mis le pied dans le jardin quoiqu’il fasse un soleil superbe. Je suis plongé dans mon histoire de la révolution d'Angleterre. Notre temps me sert beaucoup plus pour la comprendre qu’elle ne m'éclaire sur notre temps. Personne, ne me croirait si je disais que je cherche bien plutôt dans le présent des lumières sur le passé que dans le passé des allusions au présent. C'est pourtant très vrai.
Savez-vous un effet qu’on n’a pas prévu ? Il est très probable que ces bruyantes et innombrables démonstrations dont les journaux sont remplis, feront l'Empire ; mais en le faisant, elles l’usent d'avance. On en aura trop entendu parler quand il sera proclamé. On attendra et on demandera autre chose.
Le Constitutionnel allait avant hier au devant des craintes qu'inspirent déjà ces autres choses ; il promettait un Empire qui ne serait pas l'Empire, qui ferait des sociétés de crédit foncier et des chemins de fer une monarchie pacifique et bourgeoise. C’est trop de bruit pour arriver là. Il fallait attendre plus patiemment la nécessité de la monarchie ; elle serait venue, et elle serait venue plus tranquillement, sans blaser d'avance et sans exciter outre mesure. J'en reviens toujours, au chancelier Oxenstiern, qu’il y a peu de sagesse, même dans ce qui réussit !
C'est probablement par mauvais vouloir pour Lord Douro que le Duc de Wellington n’a pas fait de testament ; il a voulu que son second fils, qu’il aime mieux, et qui a des enfants, ont la moitié de sa fortune. Peel et Wellington, jamais les fils n'ont moins ressemblé aux pères ; le contraste est choquant.
Je suis convaincu qu’il y a de la faute des pères en cela, et que des enfants vraiment bien élevés, et en intimité avec leur père, n'en sont jamais si loin, quelque différente que Dieu ait fait la pâte, de toutes les jalousies, celle de père à fils est la seule que je ne comprenne pas du tout. Je ne conçois pas de plus grande satisfaction que de se survivre, et de la perpétuer soi-même dans ses enfants. J’ai pourtant vu de grands exemples de cette jalousie là, et dans de bien frappantes occasions.
Je vous quitte pour faire ma toilette. Je suis impatient de savoir Aggy revenue.

Onze heures
Je remercie Aggy de ses quelques lignes, quoiqu’elles me chagrinent. J’espère qu’un peu de nourriture vous relèvera de votre abattement. Le temps mou et pluvieux paraît vouloir casser ; peut-être qu’un air plus sec et plus vif vous vaudra mieux. Adieu, Adieu, en attendant demain. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val-Richer, Samedi 25 sept. 1852

L'article du Moniteur est certainement ce qu’il y a eu jusqu'ici de plus positif. C'est une vraie déclaration d'Empire. Le Président fait jusqu'au bout ce qu’il a dit ; pour ceci, il ne veut venir qu’à la suite et obéir, sinon à la force, du moins à la volonté publique. Tout le monde le poussera, depuis le peuple jusqu'au Moniteur. Alors il acceptera. Je ne sais pas si le jeu était indispensable ; mais il est bien joué, et il le sera jusqu'au bout. Je ne crois pas que le bout soit bien loin.
Autre grande personne qui ne veut pas prendre d'initiative ; la Reine Victoria pour les obsèques du Duc de Wellington. Je ne comprends guère cette hésitation. Pourquoi ne pas faire soi-même, et tout de suite, tout ce qui se peut faire pour honorer un grand serviteur de la couronne ? Il me paraît que j’avais raison de croire que Lord Hardinge serait commandant en chef. Je le vois dans mes journaux. Est-ce sûr ?
Si Chomel voit aller voir la Duchesse d'Orléans, je suis bien aise qu’il ne vous quitte que lorsque vous commencez à être mieux. La Duchesse d'Orléans ferait bien, je crois, de ne retourner à Eisenach que lorsqu'elle sera tout-à-fait rétablie ; elle est là bien seule et bien loin.
J’ai reçu hier des nouvelles de Mad. de Staël qui me dit que les Broglie la quittent tous dans les premiers jours d'octobre pour revenir à Broglie. Mad. d’Haussonville est allée rejoindre son mari à Gurcy. Il y est fort tranquille, et ne songe plus qu’à chasser.
J’ai peine à croire que le Roi Léopold joue dans la question commerciale avec la France. Ses ministres actuels ne se refusent à ce que la France demande que parce qu'ils n'osent pas ; ils craignent les Chambres et l'opinion Belges. Les ministres que Léopold aurait, s'il renvoyait ceux-ci, oseraient encore moins ; ils auraient tout le cri libéral contre eux. Je n’entrevois pas comment on sortira de cette impasse. Ni à Paris, ni à Bruxelles on n'osera céder. Voilà votre petite lettre. Il ne dépend ni de vous, ni de moi de faire des nouvelles, et la correspondance ne vaut pas la conversation. Adieu, Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris Dimanche le 26 Septembre

M. Fould est venu hier me raconter la découverte de la machine infernale à Marseille. Très préoccupé de cela. On a pris tout le monde. Il croit à des ramifications à Londres. [Brignoles] il est très monté contre les [gouvernements] libres. On le fera sentir. Sentir aux uns, dire à un autre. Mais ceci peut même loin. Il faut voir l'influence que cet événement de Marseille aura sur le reste du voyage, il y a trois semaines encore. Dimanche le 16, il rentre à Paris. Entrée solennelle. Molé est venu hier très frappé de l’événement et triste, Dumon triste aussi. On croyait les fusillés oubliés. Les proportions de ceci étaient affreuses. De centaines de personnes y périssaient. Du reste Molé content de la pensée qu'on va être affranchi en même temps de la République et du suffrage universel ; Fould ne disait hier encore qu’il sera brisé après l’Empire. Celui ci est bien décidé, je ne sais si l'événement de Marseille le rapproche. (Voici votre lettre. Comment vous ne comprenez pas pourquoi la Reine ne fait pas seule. Mais ce serait son argent, elle aime mieux que ce soit celui de Parlement parenthèse) Vous voyez que c’est Hardinge qui commande l’armée. Choix très convenable. On s'occupe beaucoup à Londres de l’idée d'une descente. Le duc de [Wellington] la croyait très possible. et le Times peut la rendre vraisemblable autant que le complot de Marseille. Quoi ? Si l'on demandait à l'Angleterre l’éloignement des exilés ? It will end by war, voilà ce que répète Ellice depuis 4 ans 1/2.
J'ai montré à M. Fould ce que vous m'avez dit du discours du Prince à Lyon, cela lui a fait plaisir, mais quant à la remarque sur ce que le [gouvernement] de [Lord Palmerston] a rendu des respects à la mémoire de Napoléon, il dit qu'il courait après la popularité et que l’ayant reconnu là, la statue et les cendres ensuite ont eu cela pour à l'Angleterre l’éloignement des exilés ? It will end by war, voilà ce que répète Ellice depuis 4 ans 1/2. J'ai montré à M. Fould ce que vous m'avez dit du discours du Prince à Lyon, cela lui a fait plaisir, mais quant à la remarque sur ce que le [gouvernement] de [Lord Palmerston] a rendu des respects à la mémoire de Napoléon, il dit qu'il courait après la popularité et que l’ayant reconnu là, la statue et les cendres ensuite ont eu cela pour mobile. Il n'y a rien à répliquer c’est vrai quant à la légitimité elle n’y avait rien à faire. Pardon du petit bout de papier, je suis avare. Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer. Lundi 27 sept. 1852

On m’a apporté hier de Lisieux la Patrie que je ne reçois pas. Qu'est-ce que cette machine infernale saisie à Marseille ? Quand une diabolique invention a paru une fois dans le monde, elle y devient endémique et à l’usage de tous les scélérats. Ceci précipitera probablement l'Empire, si quelque chose était nécessaire pour le précipiter, ce que je ne crois pas.
Mes journaux du reste ne contiennent absolument rien, sinon les débuts du Duc de Brabant à Bruxelles comme orateur. Roi et peuple belge attirent fort aujourd’hui les regards de l'Europe. S’il y a des événements, ils commenceront par là. J'en doute. En tout cas, ils se feront attendre longtemps.
Je n’ai pas goût à vous écrire jusqu'à ce que j'aie ce matin de vos nouvelles. Il fait très beau ici, et un temps vif qui doit vous être sain. J’espère que vous avez ce temps-là, au Bois de Boulogne.

11 heures et demie
Vos deux lettres (samedi et dimanche) m’arrivent à la fois, et tard. Très intéressantes. Ceci peut avoir des conséquences bien graves. Quand en finirons-nous des idées horribles ? Adieu, Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Vendredi 1er oct. 1852

Un spectateur sensé m’écrit d'Avignon : " Tout s’est très bien passé ici ; au moin 100 000 âmes ; peu de cris, sauf de la part des gendarmes et des membres du Corps législatif ; mais l’absence d'enthousiasme ne laissait pas à sa place le moindre air de mécontentement. Quant aux rois et au barrières des communes des campagnes, c'était Louis-Napoléon et qu'elles demandaient ou saluaient. Le Prince avait fort bon air, gracieux et d’un accès simplement bienveillant. Notre ciel brillant, notre beau fleuve, notre rocher, nos créneaux et nos quais couverts de monde, tout cela ferait une grande fête. "
Evidemment, il n'y a point eu de discours à Marseille ; seulement la réponse du président à l'Evêque. Il aurait tort de faire un autre discours ; il ne paraît pas si bien qu'à Lyon. D'ici au fait de l'Empire, il n’y a plus de place pour des paroles.
Le Roi Léopold doit être bien embarrassé. Un ministère ainsi renversé de l’épaisseur d’un cheveu est difficile à remplacer. Le Cabinet nouveau sera évidemment obligé de dissoudre et de faire des élections. Peut-être lui donneront elle, une meilleure majorité. En tout cas ceux qui tombent ne sont pas regrettables. Ils ont rendu service en Février 1848.
Le lac français est une de ces hâbleries dont les Français se repaissent, et qui sont à la fois ridicules et compromettantes. L'Empereur Napoléon a mis celle-là en circulation, et elle pèse sur vous depuis. Je l’ai ouvertement attaqué un jour à la Chambre des Députés et on a beaucoup murmuré, à peu près autant que lorsque j'ai maintenu le mot sujets dans une Monarchie.
Les Américains ont beaucoup de ces hâbleries là, et les Anglais eux-mêmes, en ont eu ; j'en trouve pas mal du temps de Cromwell. Il faut un bon sens et un bon goût très développés pour que les peuples y renoncent.
Voici le plan qu’on m'envoie de Paris quant à l'Empire. Le Président abrège son voyage de trois jours. Il sera à Paris, le 18. La Sénat ne sera pas convoqué officiellement, mais il sera là. Il se réunira spontanément et portera au Président. Le sénatus consulte déjà rédigé par M. le Premier président. Trop long. Aussitôt après le Sénatus consulte, on fera l’appel au peuple pour battre le fer pendant qu’il est chaud.
Mardi soir, chez vous, M. Fould promettait 10 millions de vous. Est-ce bien cela ?

Onze heures
Je n’ai rien à vous dire qu'adieu. Je vois que vous croyez toujours que le Président ne reviendra que le 16. Adieu, Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val-Richer, samedi 2 octobre 1852

Il n'y a vraiment pas de quoi, en vouloir, au Roi Léopold parce qu’il a remis ses Chambres au 26 octobre. On se félicite, sans doute du renversement du cabinet avec lequel on n’a pu s'entendre ; comment veut-on qu’il en forme un autre les Chambres présentes et parlantes ? En elle-même, la difficulté est déjà très grande pour lui ; au moins lui faut-il un peu de temps et de repos.
Je ne crois point à la guerre prochaine. Quand l'Empire sera fait, vous verrez quelles peines, il se donnera pour l'écarter ; j’ai peur qu’il ne la porte, comme on dit aujourd’hui, dans ses flancs ; mais il fera tout ce qu’il pourra pour en accoucher le plus tard possible, et tout le monde l’y aidera. Ce ne peut pas être son entrée en scène.
Il y a si peu de monde à Paris que je ne vous plains guère des ennuyeux que vous a endossés Lady Ellice, le nombre vaut quelque chose quand on n’a pas le choix, mais pourquoi vous laissez-vous faire par Lady Allice, vous qui en général savez si bien vous défendre des endosseurs ?
Je ne sais pourquoi le Journal des Débats et l'Assemblée nationale ne me sont pas venus hier. J’ai eu ces jours-ci quelques détails assez curieux sur l'Etat des journaux. Le Constitutionnel réussira, dans sa lutte de bas prix contre Le Pays ; il le tuera quoique le Pays reçoive, à ce qu’on assure, 20 000 fr de subvention par mois. Le Constitutionnel relèvera aussitôt son prix. C'est le bénéfice de ses annonces qui le met en état de supporter la perte qu’il fait en ce moment sur les abonnements. Elles lui vaudront cette année 500.000 fr. Le Siècle est en gain. Les Débats, et l'Assemblée nationale se soutiennent. Tout cela ne vous fait pas grand chose.
Madame de Brandebourg reste-t-elle un peu longtemps à Paris ? D'après ce que vous m'en dites, je serais bien aise de la connaitre. Quand reviennent les Hatzfeldt ?
Sauf l'ennui d'être malade, la petite Princesse est-elle bien fâchée d'être obligée de passer l’hiver à Paris ?
Vous devriez résumer vos souvenirs sur le duc de Wellington ; un portrait de caractère, appuyé sur des anecdotes particulières, et intimes ; ce serait vrai et piquant. Un grand homme qui n’est ni un homme d’esprit, ni un homme de coeur (non pas cœur, courage) cela est rare et vaut la peine d'être peint.

Onze heures.
Je n’ai pas du tout vos dernières paroles. Je vous voudrais au moins quelques semaines d’un mieux soutenu. Adieu, Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris dimanche le 3 octobre 1852 hier

Je n’ai pas pu vous écrire. entre mes souffrances & ma profonde tristesse, il valait mieux ne pas essayer. Ne me parlez pas de ma santé, c’est inutile. Les paroles et des louis n'y font rien. Parlons de ce qui se passe. Rien de nouveau.
Le lac français fera une petite affaire. Il faudra désavouer. [Drouin de Lhuys] a blâmé et l’a dit. Les Holland sont ici. Ils ont diné à Meudon. Jérôme est très inquiet. Il ne sait pas quel sera cet empire. Il leur a dit qu'on a offert à son fils de choisir à l’étranger tel poste qu’il voudrait. Il a tout refusé. Il ne bougera pas. Quoique je vois beaucoup de monde le matin et le soir, je n’apprends rien. Tout le monde attend [?]. Le moment de l’Empire reste tout incertain. Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val-Richer, Dimanche 3 oct. 1852

Je suis impatient de la lettre d'aujourd’hui qu’est-ce que ce malaise qui vous est survenu subitement ? J’ai été moi-même assez mal à mon aise ces jours-ci, nous vivons au milieu des ouragans et des orages. J'en ai ressenti l'influence.
Je vois dans les feuilles d'Havas que Hatzfeldt a demandé sa retraite à cause de sa santé. Je ne suppose pas qu’il y ait rien de vrai. Il était au contraire, ce me semble, allé à Berlin pour faire voir qu’il se portait bien.
M. Hébert est même hier passé la journée avec moi. Il dit que l'Empire sera décidément bien vu à Rouen, et dans tout le département de la Seine inférieure. Les affaires y vont très bien ; les manufacturiers gagnent beaucoup d’argent ; les ouvriers ont de bons salaires ; les uns et les autres ne demandent que de la durée, et ils espèrent que l'Empire leur en donnera.
La paix et la durée, ils ne pensent pas à autre chose.
L’Angleterre sera couverte de statues du duc de Wellington, aristocratiques ou populaires ; en voilà une à Manchester, au milieu des ouvriers. Du reste, c’est juste.
Il est vrai que les 2 500 000 fr. donnés pour la Cathédrale de Marseille sont singuliers. Le Président peut dire que c’est une simple promesse dont il demandera la ratification au corps législatif. Ce sera à ce corps à voir ce qu’il aura à faire, et de bonne ou de mauvaise humeur, je ne pense pas qu’il refuse de ratifier.
Le lac français est une parole plus étourdie que les deux millions. Est-ce par cette raison qu’on n’a pas publié le discours ? C’est une nécessaire mais fâcheuse sagesse. Quest-ce qu’une vanterie qu’on cache ?
Montalembert reste donc à Paris. Je croyais qu’il devait aller rejoindre en Flandres son beau-frère Mérode. Je suis bien aise qu’il vous reste plus longtemps.
Ste Aulaire vient-il vous voir quelquefois le jeudi, après l’Académie ?
Je trouve la conversation du Moniteur et de l'Indépendance belge au moins aussi aigre que le fait même. Quelle nécessité à cette discussion prolongée qui ne fera qu'embarrasser la négociation prochaine ? Quelques lignes d'explication suffiraient.
Croit-on à la formation d’un cabinet catholique et à la dissolution de Chambres Belges, ce ne serait guère dans les procédés habituels du Roi Léopold.
Avez-vous lu, dans les deux derniers N° de la Revue contemporaine, les fragments des Mémoires du comte Beugnot sur les derniers temps de l'Empire. Quoiqu'un peu bavards et longs, ils vous amuseraient. Je l’ai beaucoup connu, c'était un homme d’esprit et d’expérience, très douteux et très gouailleur, ce qui m’est antipathique. J’aime les gens qui veulent quelque chose et qui ne se moquent pas de tout.

Onze heures
Je remercie bien Aggy. Si je n'avais rien eu du tout, j’aurais été inquiet, triste et fâché, très mauvais états d’âme. Je suis fort aise que vous ayez vu. Andral et qu’il vous prescrive de vous bien nourrir. Adieu, Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris lundi le 4 octobre 1852

M. Fould veut que le complot de Marseille soit traité avec le mépris que méritent de pareils actes. Il loue fort les Anglais de décréter la folie, à défaut de cela qu'on fait est bien fait. Point de haute cour, car l'éclat encourage les incitations. Il ne dit rien sur l’époque de l’Empire mais il me renvoie aux Moniteurs après le 16, jour du retour. Il trouve très naturel que Jérôme soit inquiet.
Le lac français est une parole en l'air à laquelle il ne faut attacher aucune importance la dépêche de [Drouin de Lhuys] est jugée très raide par tout le monde et sa publication un événement. Je crois que je vous ai tout dit. Bacourt qui est ici pour un moment et qui connaît intimement les Wasa mère & fille, dit que si le mariage avec l’Empereur d’Autriche ne se fait pas, vu l'anicroche de la naissance du côté maternel, il ne sait pas pourquoi elle n'épouserait pas le Prince Président. Il la dit charmante dans ce moment elle est à Vienne. Molé part aujourd’hui, pour Champlatreux. Montalembert est parti. Ste Aulaire ne vient jamais me voir. Dumon est à Trouville. Viel Castel chez les d'Haussonville. Kisseleff part à la fin de la semaine j'en suis désolée. Lady Allice ne m’est bonne à rien d’ailleurs. Elle part demain. Les Holland vont je crois rester un peu ici. Voilà toutes ces nouvelles si ma lettre peut s’appeler ainsi. Adieu. Adieu.
On dit qu'on a crié à Nîmes Amnistie. En général cette partie du voyage a été faible.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val-Richer Lundi 4 octobre 1852

Puisque vous avez besoin des médecins. Je suis bien aise que vous ayez vu concurremment les deux meilleurs. Le départ de Chomel vous y a obligé. Vous ne pourrez pas les garder tous les deux à son retour ; mais vous comparerez leurs avis et leurs procédés et Olliffe se changera de prendre de l’un et de l'autre, ce qui vous sera bon. Andral est moins agréable de sa personne que Chomel ; mais je lui crois plus d’esprit, et il est extrêmement consciencieux.
Je n’ai absolument rien à vous dire. Rien n’est plus stérile que l’attente d’une chose prévue et regardée comme certaine.
Dans le sentiment public, l'Empire est déjà du passé. Pour moi, je ne vis plus qu’avec Cromwell. Si vos yeux vous le permettent quand il paraîtra, il vous amusera à connaître quoique aucun passé ne vous amuse guère.
C'est le bruit de la bourse, m’écrit-on que le Pape viendra sacrer le nouvel Empereur. Je n'y crois pas. Pourtant, il se fera sacrer. L'exemple de son oncle, et ses propres relations avec le Clergé lui en font une loi. Par qui ? L’archevêque de Paris sera bien petit Il n’ira pas le faire sacrer à Reims. Peut-être un sacre collectif ; tous les cardinaux Français réunis. Je suppose qu’on a pensé à cet embarras.

Onze heures
Adieu, adieu. Les paroles sont aussi vaines sur l'Empire que sur la santé. Il faut attendre. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23015_00385.jpg
Paris le 5 octobre 1852 Mardi

Sainte-Aulaire est venu me voir hier soir. Il me dit que Montalembert était venu à Paris pour soigner l'impression d'un ouvrage qui va paraître sur le gouvernement représentatif & sur l’église. Le fond sera que la religion ne peut fleurir qu’avec la liberté, qu'il n’y a pas de liberté en France & que les prêtres ne sont plus que des courtisans, il veut un [gouvernement] représentatif. Vous voyez comme cela va faire fortune ici ! Je doute que son ouvrage paraisse. Il est indigné de la servilité du clergé. On le dit très amer. comme je ne l'ai jamais vu seul, je n’en sais rien.
Hecken est aussi venu hier soir entre le sérieux & le comique c'était assez drôle et assez menaçant. Après l’empire on prendra la Savoie en conseillant au roi de Sardaigne de se dédommager par la Lombardie, & puis on effacera la Belgique. Et puis, si la Russie et l’Autriche se fâchent, on leur lancera la révolution. Tout cela accompagné d'éclats de rire, vous en ferez ce que vous voudrez. Non pas ceci à la lettre s’il vous plaît car même en plaisanteries je n'aime pas que rien ressorte de chez moi. On trouvera une princesse. Cela ne peut pas manquer. Le Moniteur annoncera les fiançailles un beau jour lorsqu'on s’en doutera le moins. Jérôme est inquiet et mécon tent. L’Empire héréditaire et l’adoption cela ne lui convient pas du tout, & il dit : " Le frère de l’Empereur est plus fort que le neveu. " Vous fais-je assez de commérages ? On voulait savoir hier qu'il était venu une note Anglaise sur le lac français. Je veux bien croire à une dépêche peut être, à une note non. Au reste, je ne sais rien de direct depuis ce que je vous ai dit sur ce sujet. Il y a des tempêtes affreuses la nuit. Kisseleff part dimanche. Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val-Richer, Mardi 5 oct. 1852

Je viens de lire les longues pièces Française et Belge sur la négociation commerciale. La pièce Française est plus aigre de ton et plus raisonnable au fond ; la pièce Belge est douce, obstinée et rusée. Il y a, au fond de tout cela, cette difficulté que la Belgique n’a aujourd’hui aucune confiance dans le bon vouloir de la France, et qu’elle ménage les voisins Allemands et autres, beaucoup plus encore qu’elle ne le faisait de mon temps. La France de son côté demande à la Belgique de négocier commercialement avec elle sans tenir aucun compte de la politique. Cela ne se peut pas. Commercialement la France a raison. Politiquement, la Belgique a raison. Je ne vois pas comment on sortira de cette impasse.
Voilà votre lettre d’hier qui m’arrive de très bonne heure. Je ne dis pas qu’on n’a pas raison de réduire à de petites proportions la machine infernale de Marseille ; mais il ne fallait pas en faire, au premier moment, un si gros bruit.
J’ai cru qu’on allait sommer l’Angleterre et la Belgique d'expulser les réfugiés.
Savez-vous un défaut que je découvre au voyage du président ? Il est trop long. Ce n’a pas été bien calculé. Il valait mieux en faire une moitié avant et l'autre après l'Empire. A moins qu’on n'ait voulu avoir pour l'Empire, la manifestation de toutes les grandes villes de France, Lyon, Marseille, Toulouse, Bordeaux. Mais certainement quand le président reviendra, le public sera aussi fatigué du voyage que lui.
Les journaux m’apportent de Bruxelles la réintégration du professeur qui avait lu à ses élèves des fragments du dernier pamphlet de Victor Hugo contre le Président. Cela ne raccommodera pas les affaires entre la France et la Belgique.
Le journal le Pays prend très vivement cet incident. Bacourt doit bien connaître les dispositions de [?], et j’attache quelque importance à ce qu’il vous a dit de la Princesse Wasa. Si elle n’est pas prise à Vienne, elle pourrait bien être reprise d’ici. Adieu, Adieu.
Le départ de Kisseleff me contrarie bien pour vous. Il vous est un agrément et une sécurité. J’espère qu’il reviendra bientôt. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 6 octobre 1852

Ce que vous me dites des dépêches belge & française me paraît très frappant et doit être vrai. J’ai vu Fould hier soir qui ne savait pas encore comment cela se dénouerait. Je lui demandais de quelle couleur seraient les nouveaux ministres. Il en répondit : Le roi en cherche-t-il ? Je l’ai trouvé monté sur un tout autre ton que Hecken. La paix, la paix, & l’Empire sera modeste. Cela ne ressemble pas du tout à avant hier. D’abord [Hekern] est un hâbleur et puis je crois qu'il a plus dans ce cas là on cherche à faire peur aux autres, façon de se rassurer. J’ai vu très peu de monde hier. Comme quotidien personne qu’Andral. J’attends Dumon j'aime bien à pouvoir compter sur quelqu’un. Je suis très interrompue et nervous, je vous dis Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 7 octobre 1852

Il y a si peu de monde à Paris dans ce moment que j’en suis à prévoir une complète solitude après le départ de Kisseleff. Je n’ai pas un habitué. C'est désolant. Quelle perte que Stockhausen ! Molke vient tous les matins, mais il ne le remplace pas. Je ne sais rien d’hier. On dit que le conseil est divisé sur la question de la réception à faire au Président. Faut-il ou ne faut-il pas de fracas ? Les plus sages Fould & & veulent le convenable, l'ordonnance. Les autres voudraient des arcs de triomphe de l’étalage. On ne sait pas ce que veut le Prince. Je tiens toujours mon pari avec Molé, pour l’Empire avant Le 1er Janvier. L'armée autrichienne rend de grands honneurs funèbres au Duc de Wellington. Il ne sera sans doute de même chez nous au retour de l’Empereur. Sans doute il y aura de partout des députations pour assister à ses funérailles. On dit qu’elles sont fixées au 13 Novembre. On disait hier aussi que le Parlement s’assemblerait le 26 octobre. Nous saurons cela bientôt.
Voilà la petite Princesse qui m'interrompt et l'heure qui presse. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 8 octobre 1852

Je donnerai cette lettre à votre petit ami. Mais elle ne méritera pas une si bonne occasion. J’ai vu du monde. Je ne sais pourquoi l’idée s'établit, qu’il n’y aura pas d'empire de sitôt. [Kisseleff] s'en va persuadé de cela tout-à-fait. D’un autre côté hier soir Valdegamas affirmait que le Pape viendra sacrer l’Empereur. Le Nonce qui était là, a seulement répondu que dans son discours de Lyon le Prince a rappelé que l’Empereur Napoléon a été sacré par le Pape. J’ai trouvé cette réponse un peu compromettante.
Je ne sais rien d'Angleterre. Je ne crois pas que Cowley ait été dans le cas de reparler du lac. Le duc de Noailles est venu pour un moment. Il n’a plus qu'une idée fixe. La peur qu'on n'assassine le Président. Il ne pense pas à autre chose. Il voudrait lui donner 50 ans de vie & de pouvoir. Si l’Empire se fait, le chiffre sera une question. N. III effacerait les deux monarchies, cela n'est pas admissible. Louis Napoléon serait le plus naturel.

Midi 1/2 Dans ce moment je reçois une lettre d’Ellice père qui m’annonce la mort de Fanny. Je suis dans un grand trouble pour cette pauvre Aggy. Comment le lui dire ? Enfin je m'en tirerai. Le père me prie ou supplie de la garder chez moi c’est bien ce que j’entends, mais comme je crains son élan vers Marion écrivez lui un mot (à Aggy) Very impressive à votre façon pour lui dire que vous savez que son Père veut absolument qu’elle ne retourne pas, et que par dessus le marché ce serait cruel & inhumain de m'abandonner malade. Enfin regardez comme impossible qu'elle songe à me quitter même pour 8 jours. Tout à fait inutile. Je vous prie écrivez bien. Le Père veut que Marion vienne ici avec l'oncle en décembre, il m'a l'air d’avoir grande envie de se débarrasser de ses enfants. Adieu. Adieu vite.
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