Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


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Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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106. Ems le 29 juillet 1854

J'ai été voir hier ma grande Duchesse Marie de Weimar, à Coblence où elle est en visite de quelques jours chez sa fille la princesse de Prusse. Grandes tendresses. Grande tristesse. Je l’ai trouvé très russe mais sensée. La princesse de Prusse fort modérée dans son langage. Un éloge de l’Empereur Napoléon. Ma course & la Conversation m'ont fatiguée. Ma Grande Duchesse est plus sourde que le Prince Metternich.
Morny va mieux et se décide à rester à Ems. Je voudrais bien amener à Ems Léon de Schlangenbad. J’y resterais bien volontiers mais il n’y a pas moyen comme j'aimerais continuer ces conversations deux fois. le jour. Morny est décidément très agréable, & suis tout à fait fâchée le quitter.
On s’attend à Paris à l'accession de l’Autriche au traité Franco anglo turc, dans 10 jours. St Arnaud, dit on, se prépare à une bataille. rangée sur le Danube. On ne parle plus de la Crimée. Je n’ai pas de nouvelles de Pétersbourg. Voilà bien de la confusion à Madrid. Je pense qu'Espartero gouvernera cette révolution. Greville s'inquiète à l’idée qu'on puisse s'en mêler. Il dit que l'Angleterre n'a plus un soldat, ni un vaisseau à fournir. Il espère que la France verra faire sans prendre la moindre part. Que dites-vous de l'Angleterre prenant à sa solde une armée Turque à laquelle elle fournira ses officiers ? C'est comme les pays. La voilà maîtresse en Turquie comme elle l’est aux Indes, nous avons fait de belles affaires ! Elle a bonne grâce à nous reprocher notre ambition envahissante. Mais sans compter la Turquie que cela fait disparaître, ça peut s' arranger la France & d'autres ? Quels événements !
Metternich n’a pas eu plus de part à la conduite de son gouvernement que vous et moi. Tout cela était inventé de même Aurep. Il écrit à sa femme qu'il se porte très bien. Jusqu’ici la Prusse résiste quand même l’Autriche marcherait. Mais on lui demandera très net de dire oui ou non. Je doute qu’elle ose l'un où l’autre. Alors quoi ? Adieu. Adieu.
J’apprends que l'ordre vient d’arriver de Berlin de mobiliser l’armée. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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105. Ems le 26 juillet 1854

Toujours ici encore. Vos lettres se promènent mais elles m'arrivent je n’ai pas fixé de jour, je lèverai le camps du soir au matin. Je suis restée emballée depuis 8 jours. Morny est bien malade, et découragé. Il ne veut pas rester ici, mais il ne se décide pas. La conversation me plaît et m’amuse, je m'ennuierais à Schlangenbad profondément. Hélène m'écrit pour m'exhorter à rester. Elle sait que l'ennui est ma plus grande maladie. Enfin je suis encore là, sans savoir si j’y serai demain. Nous avons des chaleurs excessives. On ne peut pas bouger le jour. On ne peut pas dormir la nuit.
Pas de nouvelles. D'Orient rien militairement & politiquement on élabore quelque nouveau protocole qui voudra dire que nos propositions ne sont pas acceptées. Je sais ce pendant qu'on les a trouvé pas sables et que sans y donner suite à présent, on les regarde comme des jalons pour l’avenir. L’Espagne. Que va-t-elle devenir ? Je crois que c'est Espartero qui va reparaître et régner.
Je ne sais sur la mort du général Aurep que ce qu’en disent les journaux. Sa femme avait passé ici il y a une dizaines de jours. Elle ne s’y est arrêté que quelques heures pour me voir. Les journaux sont si menteurs que je ne crois pas encore à cette mort. Si l'Espagne était arrivée dans la belle saison du bavardage de mon salon, que de choses à se dire, et Dumon comme il parlerait ! Adieu. Adieu, que se passera- t-il encore jusqu’au temps où nous nous retrouverons tous ? Ce temps viendra-t-il ? Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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104. Ems le 24 Juillet 1854

Me voilà encore. J’ai du plaisir à la société de Morny. Je ne trouve rien de si agréable à Schlangenbad. D’abord c’est que je n’y trouve rien du tout. La chaleur est excessive. Je recule devant ce voyage. Je reste emballée cependant, mais je lambine. Ici nous causons beaucoup, toute la journée. Morny est bien agréable. Il a de plus un talent de musique charmant. La plus belle voix. Il est bien à son aise, je n’ai plus personne, car le prince de Prusse est absent pour quelques jours.
L'Espagne devient une véritablement grosse affaire. Personne ne s’en mêlera. C’est convenu. B. d'Hilliers va avec ses troupes occuper l'île de Gothland, c. a. d. qu'on l’y reçoit. La Suède se serait donc compromise contre nous. Cela me parait exorbitant mais nous devons nous attendre à tout. Nous avons bien mené nos affaires !
Comme il y a à parler, à penser. Une grande révolution s’opère en Europe. Toutes les situations sont changées. & l'ancien état de choses ne peut plus revenir. J'ai beaucoup à dire, mais Je meurs de chaud, et j’écris un peu loin.
Morny est découragé. Il croit qu’Ems ne lui conviendra pas. Olliffe est d'un avis contraire. Ils vont décider ce soir s’il reste ou s’il va à Plombières. Il a eu aujourd’hui une reprise de ses audiences de Paris. Adieu. Adieu. Je n'ai aucune nouvelle de Russie, & je ne crois pas un mot aux nouvelles des journaux. J’attends les faits. Une bataille. Encore ! Personne n’aura été battu. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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103. Ems Samedi le 22 juillet 1854

Morny est arrivé hier au moment où je venais de vous écrire. Je ne lui trouve pas mauvais visage mais il se plaint beaucoup de puis un mois il ne peut ni manger ni dormir. Olliffe est avec lui. J’ai eu un grand plaisir de cette arrivée. Nous avons beaucoup causé. Je n’ai rien recueilli de bien nouveau. La détermination de pousser jus qu’au bout. Point de conquête, point de restitution, mais liberté du Danube. Protectorat collectif des pptés, et dans la mer noire régler les choses de façon à donner sécurité à la porte, c.a.d. limiter le nombre de nos vaisseaux de guerre et posséder un point de la côte qui serve d'abri aux vaisseaux anglais & Français. Je crois que ces trois points sont arrêtés & convenus avec l'Angleterre. de plus on parles d'indemnité des frais de la guerre, mais cela ne peut pas être sérieux.
Le plus intime accord avec l'Angleterre et celle dans les plus grande coquetterie pour vous. En vous offrant ses vaisseaux pour le transport de vos troupes dans la Baltique, elle les défraie de tout.
On compte toujours sur l’Autriche et le langage de Hubner y autorise. On est mécontent de la Prusse mais on est convaincu & je le suis aussi, qu’elle sera forcée de faire comme le voisin. On est très préparé a une longue guerre, et comme elle nous ruinera et qu’elle ne ruinera pas la France on compte sur la désaffection qui se produira chez nous, & qui forcera à faire la paix. On se trompe, il n’y aura jamais chez nous ni découragement, ni désaffection et tout cela me paraît éternel. Et je suis parfaitement malheureuse. La cour ne reviendra guère à Paris que pour le [?].
On ne se mêlera pas de l'Espagne. Cependant si le désordre s’établit là, comment laisser faire ? Je trouve toujours que c’est une très grosse question. Il fait une chaleur effroyable. 26 degrés à l'ombre (réaumur) Comment me trainerai-je à Schlangenbad ? Je ne sais encore si j’y vais demain ou après demain. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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102. Ems vendredi 21 juillet 1854

Encore Ems. Tout était prêt ; mes gens à peu près partis & moi sur le point de monter en voiture hier, j’attendais seulement la poste & mes lettres. En voilà une d’Olliffe qui m'annonce que lui & Morny seront ici aujourd’hui. Je remets mon départ, je les attends. Hélène n’a pas pu attendre, elle est partie et mon fils aussi. Ce matin une lettre de Morny du même jour mais plus dubitative. Cela me vexe. Je n’attendrai pas au delà de demain, et je partirai. Par quoi finira ma tristesse ? Je ne me sens de courage à rien si vous étiez là ! Ah mon Dieu quelle bénédiction, quel bonheur ! Mais personne à qui dire ce que je pense, personne même avec qui causer de ce qui se passe et dans quel moment !
Je ne crois pas du tout à la soit-disant dépêche de Nesselrode à Budbery. C’est trop absurde et d'un ton qui n’est pas à notre usage. Les minoteries à droite et à gauche sont incroyables. Constantin est toujours à Peterhof. La mort du Comte Vorontsov a causé là un vif chagrin. Tout de suite après les couches malheureusement de la Grande Duchesse Catherine, femme du Duc George de Mecklembourg. Elle était très mal et l’enfant mort. On ne parle plus des flottes à Peterhof, ni de la guerre.
Évidemment l’Autriche hésite encore. Cela ne peut cependant pas se prolonger. La Prusse est toujours en grande tendresse pour nous. Les petits allemands attendent avec curiosité. Il me paraît que l’Espagne tout entière à fait son prononciamento. Ce n’est pas mauvais, mais cela peut nous donner du nouveau. L’Europe est bien arrangée ! Adieu & Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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95. Ems le 8 juillet 1854

Il n’y a pas moyen de trouver un appartement à Schlangenbad, je ne sais ce que je vais devenir. Voilà un souci de plus, par dessus mes malheurs. Ma vie ici se passe assez agréablement. Mes écritures, les bains, quand le temps me permet de les prendre ; la promenade, ditto. A 3 heures je dîne ; Brignoles vient causer avec moi. Il a beaucoup plus d'esprit que je ne croyais. Ou bien est-ce Ems qui fait cela ? Après une longue promenade en calèche. à 8 heures mon monde, toujours les mêmes. Le Prince George & le bel aide de Camps. Les Melas, les d’Ayne Hélène et Olga. Musique superbe. Le public s’assemble sous les fenêtres pour entendre ces belles voix. De la conversation pas trop. à 10 heures tout le monde est rentré chez soi. A propos du Pce George. Je lui montre de vos lettres. Grande fête pour lui. Il a de l’esprit, il comprend, & il admire avec fureur.
Si j'en crois l’Indépendance il y aurait dans notre réponse de quoi s’arranger. Mais ni vous ni les Anglais ne le voudrez. Il me semble que l’Espagne donne de l’inquiétude à Paris. Je ne crois pas comme vous que la Reine s’en tire maintenant. Et si elle tombe, quoi ? Restauration ? Règne ? L’infante Montpensier ? La réunion au Portugal ? La république ? Rien de tout cela ne peut vous convenir. Vous finirez par aller occuper Madrid, et de quatre. On peut tout croire, & surtout on peut tout rêver quand on s'ennuie à Ems. Adieu. Adieu.
Ma santé n'est ni mieux, ni pire. Dîtes moi que vous n’éternuez plus. Je compte que le soleil vous viendra un jour. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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85. Ems le 22 juin 1854

Quand je ne vous écris pas cela veut dire simplement que je n’ai pas un mot à vous dire. Ne prenez pas exemple sur moi, vous savez toujours parler, parce que vous pensez. Moi je ne pense plus. Je suis tout-à-fait déroutée. No hopes.
Ma seule nouveauté ici. C’est les Melri, elle est un peu folle. Cela fait bien à Ems, un petit changement. Le journal de Francfort qui nous appartient un peu a une lettre de Pétersbourg où les Anglais sont traités de corsaires, les Français des chevaliers courtois, cela m’a fait plaisir. Je n’ai pas une lettre de nulle part. Marion seule m'écrit et naturellement pas une nouvelle. Si fait, elle me dit en grand secret que son oncle est très amoureux de je ne sais qui, dans la société. Voilà des bêtises dont il n'y a que les hommes qui soient capables. Avez-vous jamais ouï dire qu'une vieille femme fût éprise ? Nous avons plus d'esprit que cela.
Ma bouche s’est remise un peu. Mais j’ai une multitude de petits maux très passagers. C’est l'effet des eaux, et quelle saison. Hier à 4 h après-midi 22 degrés à l'ombre, 3 heures après 12.

Le Prince George de Vienne n’est pas animé, & presque pas aimable. En revanche le duc de Richelieu nous divertit, querelleur, moqueur et vraiment de l’esprit. Les d’Ayen vont arriver. On vient chez moi tous les soirs, avec le monde d'Hélène nous sommes 10, c’est beaucoup pour mon petit salon que vous connaissez. Mes prussiens nous trouvent charmants & nous ne le somme guère.
Adieu. Adieu. Quand saurons-nous quelque chose ? et du bon. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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84 Ems le 20 juin 1854

Ce que vous me dites de la retraite de Reschid Pacha est très vrai. Mais comment saurons-nous la vérité sur ce qui s’est passé là ? Il y a un grand progrès dans le management des affaires, c'est le secret. La règle est bonne, pas pour les curieux.
Le Prince George de Prusse est ici avec un très bel aide de camps. C'est bon pour mes jeunes demoiselles. Ils sont chez moi le soir, je suis la seule ressource à Ems. Grande incertitude à Berlin et grand mystère aussi. Me voilà prise par la bouche. Une enflure intérieure très incommode, pourvu que je puisse manger. Voilà cette pauvre Mad. Narishkin morte à Heidelberg, depuis trois semaines elle avait le gosier fermé. Elle est littéralement morte de faim. Les Melzi viennent d’arriver. Ce sera quelque chose. Lui ne fait pas un doute que l’Autriche va nous combattre. J’attendrai encore pour croire.
Hélène demeure au [?] c’est devant la promenade, assez loin de chez moi. Cela rend les relation moins fréquentes. Cependant je la vois 2 fois le jour ordinairement. Serait-il possible que l’Autriche occupe les [principautés] ? Est-ce que nous leur ferons place ? Tout est étrange dans cette guerre. Je n’ai avec qui jaser de tout cela ici. Comme cela me va de me taire ! Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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80. Ems Mardi 13 juin 1854

Votre petit mot de Samedi 10 m'attriste. Il était si court, l'écriture mauvaise, seriez-vous malade ? Il ne manquerait que cela à mes misères. Je vous prie portez-vous bien, & dites le moi dans chacune de vos lettres.
Le duc de Richelieu nous est arrivé hier, très inattendu. Voilà un homme au moins. Tout ce qu’il raconte est sensé, & ressemble à ce que me mandent Molé, Noailles. La disposition à Paris est de la curiosité, pas d'inquiétude. Du contentement, du bien-être de la confiance dans la main qui gouverne, et grande obéissance à sa volonté.
On me mande de Bruxelles que l’Empereur Napoléon a en effet offert à la reine Marie-Amélie de traverser la France. On est là à Bruxelles comme partout, très curieux de la remonter des deux grands souverains Allemands & de la réponse que nous allons faire à Vienne. Elle est sans doute déjà arrivée. Je n’espère rien, je tâche de ne penser à rien, je n’y réussis pas. Je trouve bien pauvres les changements faits dans le ministère anglais. Le Times en est dans une grande colère. Je m'étonne de n’avoir rien de mon correspondant. Hélène est toujours bien touchée de votre souvenir, & la petite honorée et étonnée. Comme elle vous amuserait si vous la connaissiez. Cerini est bien bonne & affectueuse & soigneuss mais elle ne sait rien faire du tout. Perfectly useless.
Adieu. Adieu, nous sommes tous deux bien tristes, mais au moins portons nous bien.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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79 Ems lundi 12 Juin 1854

Voilà votre lettre, aussi triste que je le sens moi même. Des âmes en peine, & qui ne prévoient pas quand elles sortiront de cette peine. Vous avez bien de l’esprit dans la manière dont vous me racontez cela, mais ici votre esprit ni celui de personne n’y pourra quelque chose.
On écrit à Hélène de Pétersbourg, la disgrâce de Meyendorff est publique. Il a été trop vif & cassant, il ne fallait pas se brouiller avec son beau frère. Le Maréchal attend et lambine parce qui il veut savoir d’abord s'il a ou non l’Autriche pour ennui. On trouve l’Empereur d’Autriche ingrat et tartuffe. Tout ce que je vous dis là c'est le public de Pétersbourg qui parle. Je ne sais rien de la cour.
Aujourd'hui il fait beau. Si le temps se soutient ainsi je commencerai un bain demain. Pas une âme de plus à Ems. Nous nous sentons bien perdus & ennuyés. Je n’ai pas le courage d'écrire à mes correspondants, je ne sais que leur dire. Nous voilà bien arrangés vous et moi. Union complète. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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76 Cologne jeudi le 3 Juin 1854

J’entreprends ce voyage avec une grande tristesse. Jusqu'ici je le faisais assez joyeusement. Espoir de santé, de beau temps, & parfaite certitude de Paris au bout de cela. Maintenant quelle différence. Le temps aussi est affreux, froid, pluvieux du brouillard. " Le ciel n’est pas plus noir que le fond de mon cœur. " Enfin que faire.
J’ai eu encore vos 85 & 86 à Bruxelles hier matin. Tout le monde m’a accompagnée au chemin de fer. Russie, Autriche Prusse, Brunnow. A propos avant hier matin quelques personnes chez moi, autres Kisseleff. Je dis ah ah très haut, il s’approche comme un petit garçon. Princesse je viens vous demander pardon, j’ai eu bien tort, grand tort, je vous prie d'oublier. Monsieur en ce cas c’est oublié & puis de la causerie générale. Et puis il se lève pour partir. Encore veuillez me pardonner, j’ai eu bien tort.
Monsieur, je regrette que vous m’ayez dit cela si tard. Et voilà qui est fini j’étais restée 6 semaines sans apercevoir le bout de son nez & avant vous savez. On rit beaucoup. Il n’est pas possible de se conduire plus sottement. Un petit enfant. Je lui ai trouvé bien mauvais visage.
Je ne sais pas de nouvelle naturellement la lettre de Morny m’a fort attristée. Il n'y a rien à espèrer. Adieu. Adieu. Je ne me sens pas bien un mauvais dîner d'auberge hier me rend malade. Hélène & Olga sont charmantes. Cette petite me charme tout à fait. Paul nous mène à Ems, & nous laisse pour aller à Aix-la-Chapelle. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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74 Bruxelles le 4 juin 1854

Je me suis trouvée entraînée hier à une soirée chez moi. On a voulu me faire entendre un chanteur italien de premier ordre. Cela ne m’a pas beaucoup amusé. J’avais tous mes habitués. Ce qui fait que de tous les Russes Kisseleff seul est resté à la maison. J’avais prié les autres.
Aujourd’hui je vais à l’église, & je ferai mes visites d’Adieu. Le temps est possiblement froid. On parle beaucoup du Prince Gortchakoff envoyé à Vienne dit-on. Je le connais fort, il est resté 8 ans premier secrétaire à Londres. Mon mari l'a chassé. Pareille aventure lui était arrivée sous d’autres chefs. Très intelligent. Capable, excellent rédacteur. Insolent, insupportable. Il vaut peut être mieux, je n’en sais rien. Je l’ai revu à Schlangenbad. Là aussi il a fait une impertinence au Roi de Prusse. Le pauvre. Meyendorff ne m'écrit plus du tout. D’abord, malade et bien triste. On me dit ici que dès l'origine de l’affaire on a trouvé à Pétersbourg qu'il faisait fausse route. Il n'était pas assez russe, il voulait qu’on s’arrange. comme cette guerre marche drôlement.
C’est le 1er juin seulement que l’Autriche nous a envoyé une invitation polie de sortir le plus tôt possible des Principautés. La Prusse l’aura fait de son côté. La prise de Silistrie n’est pas cas de guerre. Même le passage des Balkans s’il pouvait avoir lieu, demanderait encore des éclaircissements. Il n'y a donc rien d'imminent du côté de l’Autriche. On dit que l’Impératrice est grosse, Wallisky doit l’avoir annoncé.
Rothschild m’autorise aujourd’hui à ajouter au bail la promesse de ne pas me mettre de club sur la tête. Il n’a pas voulu du 3. 6. 9. Cela m'est égal. J’accepte l’autre forme quoique ce soit drôle. J'envoie le tout à Génie avec l'espoir que je recevrai mon titre Mardi. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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65. Bruxelles le 24 mai 1854
Jeudi

Brockhausen est revenu hier de Paris. Enivré de Paris, malheureux de retrouver Bruxelles. Il dit qu'on sait bien moins là qu'ici. Je suis dans mon lit aujourd’hui c’est bien ennuyeux, j’espère que ce n’est pas dangereux. Redcliffe a fait ses embarras. Il n’a pas voulu aller au dîner donné pour le prince Français, Raglan non plus, c’est drôle. Les spectateurs trouvent cela un singulier début pour l’action commune.
Il y a des gens qui prétendent qu'il y a quelques nuages entre Paris et Londres, c’est des mauvaises langues.
Quelle misère d’aller nous trouver vous en Normandie, moi en Nassau. Ce pauvre Constantin me conseillait l’autre jour de penser comme la Grande Duchesse de Weimar qui dit que le bon Dieu n’aurait pas fait autre ment que l’[Empereur] son frère, j’ai répondu que c’était bon pour un orthodoxe de le croire, mais que moi j’étais Luthérienne, et je crois au bon Dieu plus d'esprit que cela. J'ai été prise d’un accès de sommeil après une nuit blanche, et voilà qu'il est tard. Je suis obligée de fermer ma lettre. Je viens d'en recevoir une de Greville un peu bête. Evidemment l’intéressant il ne veut pas me le dire. Adieu. Adieu.
N'oubliez pas de me donner l’adresse de Génie.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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62. Bruxelles le 20 Mai 1854

Vous aurez eu mon N°60 plus tard car je n’ai pas manqué un jour de vous écrire. Je remets ceci à votre petit ami. Je l’attends car hier je n’ai pas pu causer avec lui.
Ici on croit tout-à-fait que l’Autriche passera à l’action. Le roi Léopold répète que la guerre ne peut pas durer. Je voudrais bien savoir comment elle peut finir ?
Evidemment même d’après la lettre de la Grande Duchesse, l'Empereur est abattu mais autour de lui c’est toujours de l'encens, de l’exaltation, et il a vraiment tellement échauffé les têtes qu’une pauvre paix pourrait lui coûter cher. Greville m'écrit encore charmé de l’Autriche et sur d’elle, très mécontent de la Prusse mais trouvant sa fidélité à nous très naturelle. L'armée prussienne est tout à fait dans le sens Russe. Je suis curieuse de la Suède. Je flaire la défection.
Je vois beaucoup Brunnow. et je lui trouve beaucoup d’esprit. Son grand régal est quand je lui montre une de vos lettres. Il dévore Cromwell. Pour Kisseleff c’est comme s’il était en Chine. Fini tout-à-fait. Cela devait être, je l’avais trop bien traité pour qu'une désertion tion peut être supportée par lui.
En Angleterre on voudrait toujours chasser ces deux messieurs de Bruxelles. à Paris leur présence ici n'incommode pas du tout. Je suppose qu'on la trouve évidente ce qu’elle est en effet. Cela ne pourra pas durer. Le corps diplomatique ici est fâché de leur présence. La cour ne veut pas donner de dîners craignant autant de les inviter que de les exclure. Depuis février personne n’a vu le roi. Van Praet ici est toujours bien fidèle et bien agréable. Infaillible, tous les soirs. C’est lundi matin que Brockhausen quitte Paris si vous savez quelque chose vous savez où le trouver Hotel de Londres rue Castiglione. Adieu. Adieu.
Voterez vous pour Fortoul ? J'ai été charmée de l’Evêque d’Orléans & de M. de Sacy. Génie porte ma lettre à Rothschild Il la trouve très bien, mais il se concertera d’abord avec vous. Si vous ne trouvez pas l’intermédiaire bien laissez cela, mais envoyez simplement ma lettre.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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56. Bruxelles le 13 mai 1854

Je n’avais pas eu de lettre hier, il en est venu deux aujourd’hui. De mon côté, je ne vous ai pas écrit n’ayant vraiment rien à vous dire. De longue lettres de Greville pas grand chose de neuf. Très sûr que l’Autriche marchera avec, & que la Prusse ne le fera pas. Se vantant du forbearance à Odessa. La flotte n’a pas été contente, elle aurait voulu plus Le Havre. Hamelin a été plus que Dundas opposé à ce qu’on devastat la ville. Ici on est très convaincu que l’Autriche marchera avec les alliés. Ce que l’Autriche ne supportera pas c'est la révolution à ses portes, & c’est pour cela qu’elle irait occuper là Bosnie & la Grèce. Montebello m’a écrit il y a huit jours qu’il viendrait après le 15. J’ai donc le droit d’y compter & je viens de m'en rappeler.
Je recommence à maigrir. Cela prouve déclin dans la santé. Le temps est meilleur et le bois de la Cambre charmant, les oiseaux chantent. Mais ce n’est pas vous. [Boldingue] est ici venant de Stuttgart. Le roi de [Wurtemberg]. nous est très fidèle.
Voilà, je n’ai plus rien. Les russes ici m'impatientent un peu. Pleins d’assurance, à la bonne heure, mais je ne sais pas comprendre. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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55. Bruxelles le 11 mai 1854

Quelle curieuse lettre que la vôtre ! Charlemagne. J’ai envie de l'envoyer, mais de la savourer d’abord.
Berlin a été dramatique. Bonin renvoyé sans préface et pour un discours tenu. il y a 5 semaines dans la commission de la Chambre où il disait que se joindre à la Russie serait un Parricide, crime pour lequel les romains n’avaient pas trouvé de punition. Étrange comparaison. C’est égal, il en porte aujourd'hui la peine. Cela a fait une sensation immense. Le prince de Prusse est parti sur le champ pour Bade, sans dire Adieu au Roi, & se démettant de son commandement sur le Rhin, voilà ce que le télégraphe mandait hier soir.
On dit que Manteuffel veut quitter aussi, le Prince lui a fait les plus vifs reproches d’avoir permis le renvoi de Bonin. Il paraît qu’à Vienne comme à Berlin on rêve toujours aux moyens d’arriver à la paix. Mais comment ? A présent c’est impossible. Adieu. Adieu, voilà du monde.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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54 Bruxelles le 10 mai 1854

Je ne trouve vraiment rien à vous dire. Nous attendons les corps dans la Baltique. En Prusse toujours les derniers efforts pour rester à la fois, bien avec la Russie, et bien avec les alliés nos ennemis. Comment cela pourra-t-il aller ?
J'ai eu une longue lettre d’Ellice. On est mécontent de Gladstone & il ne croyait pas que sa demande d’argent avant hier peut-être aussi bien reçue que la première.
Il est très alliance française. Qui ne l’est pas aujourd’hui en Angleterre ? Le pauvre Meyendorff est bien malade, s'il reste encore un peu de temps à son poste. mourra. Que de victimes de cette maudite guerre, ce n’est pas le canon seul qui tue. Je suis retournée hier au bois de la Cambre pour la première fois depuis 3 semaines. Il est vert, charmant. En revenant un violent orage. Le roi de Portugal s’annonce entre Londres & Paris, ou après les deux.
Vous voyez que je n’ai pas de nouvelles. Décidément Seymour m’a fait dire que c'était de peur de rencontrer Brunnow ou Kisseleff qu'il n’est pas venu. Je crois que je me répète. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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51 Bruxelles le 8 mai 1854
Dimanche

Voilà le 58 retrouvé, il vient de m'arriver mais sans le timbre de Paris. Je me trompe, le timbre y est, mais du 6 au lieu du 4 qui est la date de la lettre, il y aura eu négligence chez vous.
On ne sait rien ici. L'emprunt à Londres ne réussit pas. Il y a beaucoup de faillite dans la cité, tout cela peut servir la paix. Je ne sais que penser d'Odessa. Pourquoi ne donne t-on pas le rapport de l’amiral Hamelin ? C’est évidemment tronqué. Nous allons voir la version Russe. Car encore faut il écouter tout le monde. Meyendorff disait le Palais Woronzoff & la statue du duc de Richelieu détruits. Clarendon annonce que les flottes sont allées à Sevastopol.
Avez-vous remarqué dans l’Indépendance qu’on avait trouvé à Vienne Hubner trop anti russe ? Les lettres le disent bien plus encore que les journaux. Je pense qu'il va bientôt revenir et qu’il passera par Bruxelles. Je n’ai vraiment rien à vous dire mais je pense qu’il vous faut un papier vert au Val Richer. Avez-vous chanté, avez vous froid ? Ici il continue à faire très laid. Il y a quinze jours que je n’ai vu le bois de la Cambre. Adieu. Adieu.
M. de Lazaroff à Masa. Cela divertit toute la Colonie russe. It serves him right. La sortie de M. Bonin du Ministère prussien nous débarrasse du dernier ministre anti russe.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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50 Bruxelles samedi 6 mai 1854

Je vous écris encore de mon lit et avant la poste. Je suis dans la plus vive attente de cette poste. Il me faut une lettre, car j’ai passé hier toute la journée dans l’inquiétude.
Pas de nouvelles ici. Le silence du Moniteur sur Odessa étonne. Il y a à Londres beaucoup de faillites cela commence à inquiéter l'insurrection grecque va mal, et l’intervention anglo-franco-autrichien va sans doute l'achever. Car cette intervention parait résolue.
La légion populaire se forme. On recrute partout, & Adam Czartoryski mène tout cela successfully.
Seymour est reparti sans venir me voir. Il a eu peur de rencontrer l'un de nos ministres. Je vous ai dit que son langage sur l’Empereur était trés bon. Il ne trouve pas que son gouvernement fasse assez de cas de lui, le public le comble, mais il n’y a aucun profit à ces démonstrations.
Voilà votre lettre d’hier le 59. Pas de 58. Qu’est-il devenu ? Où le réclamer ? Que concluait-il ? Vous en souvenez-vous, pourriez-vous recommencer, ou du moins vous souvenir un peu ? C’est le jeudi 4 qui me manque. Celui-ci est bien court, & vous voilà bien loin. Cet éloignement me désole. Se parler & se répondre dans 48 heures c’est encore charmant quand on n’a pas mieux.
Mlle Cerini (c’est bien cela famille Italienne de Florence) est repartie ce matin. Nos arrangements sont faits. Elle est tout ce que vous me dites d'elle reste à m’accoutumer à elle et à oublier Marion, ce qui est bien difficile. Elle viendra for good vers le 25 de ce mois. Je compte aller le 6 juin à Ems. Ce sera avec une grande tristesse. M'éloigner de vous encore davantage, c’est à pleurer ! Le Moniteur de ce matin est encore maigre sur Odessa. Il y reste au 22. Je suis curieuse de votre relation, et enfin, de la fin. Brockhausen deux fois le jour, Van Praet une, les Creptovitch, Brunnow souvent, Labensky, voilà sur quoi je roule. La petite Olga me plait bien, elle lit & m’amuse. Adieu. Adieu.

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46 Bruxelles le 2 mai 1854

Je commence par reprendre les chevaux blancs et les acclamations à Bourguenay. J'avais la France pour Fiancée c'est un peu différent. Mauvais griffonnage & des mauvais yeux. C’est très ridicule de vous avoir mandé cela & nous en avons bien ri le soir. Ensuite bonne nouvelle pour moi. Le médecin d'ici a de son propre mouvement (pas trop propre soit dit bien entre nous) renoncé complètement à Spa pour sa malade. & c’est à Ems que nous allons tous. Si vous n'avez rien fait ne faites rien. Si c’est fait tant mieux cela confirme. Merci, pardon, & surtout merci.
Sir H. Seymour est ici. Il parle très bien de mon Empereur, très mal de tous ses serviteurs. Pour lui plaire on le trompe, et il ne s’étonne que d'une chose c’est qu’il ne soit pas trompé davantage. Il ne veut voir aucun Russe ici excepté moi. Il y a recrudescence d’irritation. Chez nous l’approche du danger excite à ce sentiment. Meyendorff a demandé à Bual si l'évacuation de la petite Valachie ne produisait pas une bonne impression sur son cabinet. Pas le moins du monde. On ne sera satisfait que de la retraite absolu des [Principautés]. J'ai beaucoup écrit hier à Pétersbourg pour le courrier de Hatzfeld qui devait passer cette nuit. Brockhausen m’a dit que ce ne serait que la nuit prochaine. C’est ennuyeux. Brunnow vient de louer ici une maison, il se lance dans le monde. Hier deux heures de tête-à-tête avec lui. C’est drôle ! Si intime avec Brunnow et brouillé avec [Kisseleff] car c'est fini, il ne revient plus. Adieu. Adieu.

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45. Bruxelles Lundi le 1er mai 1854

Je vous écris une lettre ostensible pour être lue par Andral. Hélène est tout aussi intéressée à cela que moi, car elle est sûre pour son compte qu’Ems is the thing. Seulement l’esprit de la malade est troublée, et la sentence nette d’Andral décidera tout. Je vous prie je vous prie, Hélène vous supplie, ne perdez pas de temps. J'ai eu une bonne lettre de Morny mais rien de lui. Seulement il a retrouvé le langage plus accoutumé à la guerre. Il n’avait pas encore vu l’Empereur il allait le voir hier. Il me parle des bombardements d’Odessa comme de quelque chose de sauvage. J’ai peine à y croire. Ici on ne sait pas encore d'une manière précise. Vaudrait et Brockhausen sont toujours mes plus fidèles.
Mad. Salvoy m’a écrit de Vienne tout bonnement une lettre spirituelle. Au milieu des récits de toilettes et de fêtes, il y a des observations. Hubner petit rôle, rien du tout. Bual embarrassé. Le public enthousiaste pour la France. Dans la rue hourah pour l'équipage de Bourguenay. Tous les généraux autrichiens, russes. Il pleut, je ne me promène plus. Adieu. Adieu.
Si Andral faisait encore des façons, il me semble qu’il pourrait pour le moins formuler son opinion comme voici, sur l’autre nuance de vert. Vous voyez comme cela m'occupe, mais Hélène est bien mon compère aussi je vous en réponds. Adieu. Vous dites de belles paroles dans votre discours !

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44. Bruxelles le 29 avril dimanche 1854

Le duc de Noailles est parti ce matin. Vous le verrez sûrement dans la journée. Dites lui ma grande reconnaissance, mon grand chagrin, mon grand ennui. Cette semaine a été bien remplie et bien agréablement. J'ai encore eu une lettre de [Greville]. Très curieux de ce qui se fait entre Vienne & Berlin, n'en sachant pas le premier mot. Espérant bien que le bombardement d'Odessa n’est pas vrai." A sheer barbarity, without any sort of use."
Je n'ai rien à vous dire de nouveau depuis hier soir. J'écris beaucoup, cela fatigue mes yeux. Ce sera bien pire quand je n’aurai plus Hélène pour venir à mon aide. Ah qu'Andral aurait pu faire une autre réponse ! C'était si simple, répéter ce qu'il avait prescrit, peut être est il blessé de ce qu'on ne s'en soit pas tenu à cela. Si c'était vrai ce serait bien bon à dire, et peut-être à défaire encore le mal. Adieu. Vous voyez ma préoccupation de cette affreuse perspective d'isolement. Adieu.

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42 Bruxelles Vendredi le 28 avril 1854

Le duc de Noailles passe encore la journée ici. Il s’amuse, il y a de la variété & toujours des nouvelles. Il a dîné hier chez Lamoricière avec M. de Rémusat. Avant hier à un bal chez Brockhausen, Morny y a été aussi. Très élégant bal dit-on.
La convention austro prussienne n’est pas tout-à-fait conclue. Le duc George est encore à Berlin. Sebach en arrive, il dit qu'on est peu russe à Berlin et encore moins français.
On écrit ici de Pétersbourg qu'on a fait transporter à Moscou le trésor de la forteresse 400 millions. De tous côtés cependant on doute qu’on puisse attaquer Cronstadt. Lamoricière qui connaît la place a dit au duc de [Noailles] que par mer elle est imprenable, par terre ce serait possible avec un corps de 30 m h. On dit cela aussi de Sevastopol. Mes yeux vont mal depuis hier. Je fais économie et ceci ira par le duc de [Noailles]. Je me ravise. On ne sait pas l’avenir autant vaut vous envoyer toujours ce bout de lettre par la voie ordinaire sauf à écrire encore si je puis. Adieu. Adieu.

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41 Bruxelles jeudi 27 avril

Morny est réparti pour Paris ce matin. Hier j’ai envoyé le duc de Noailles dîner chez un grand ennuyeux le duc de Beaufort son neveu et toute la journée j’ai possédé Morny hors le moment où il a été à Lacken chez le roi. Il a rencontré chez moi tout le monde. Lord Howard, Brunnow, l'Autrichien, Chreptovitch Brockhausen, Les Belges Brockers, Van Praet, Lebeau, tous hors Kisseleff qu’on dit très embarrassé. J'ai été extrêmement content du langage de Morny, et de tout ce qu’il m’a dit de son Empereur. D’abord je me vante qu'il m’a fait porter des paroles gracieuses de sa part. Toujours désireux de la paix, et si elle s'offre convenable bien décidé à poser sur l'[Angleterre] au reste si elle n'était trop obstinée on n’est engagé à rien, c’est très remarquable. Dans la convention d’alliance très content des allemands dans tout les cas on ne s’attend à aucun concours actif, mais dans tous les cas le concours moral donne une grande force à la France pour accepter la paix quand elle sera possible.
Andral a répondu pour se récuser. Il faut encore les avis du Médecin qui traite ; il n’a pas le droit de juger de loin. C’est donc fini, elle va à Spa. Vous concevez comme cela me désole ! Ma nièce Demidoff écrit d'Odessa en date du 17. Quelques bateaux à vapeur croisaient devant le port. Mais il ne s’était rien passé. Voilà qui détruit la destruction d'Odessa le 14.
J'ai eu de curieuses lettres de Londres. Lord Palmerston très bien très tendre, et pacifique. Agréable. toujours la guerre populaire sachant qu’elle ne l’est pas en France.
C. [Greville] me dit ici d'Aberdeen : charmé de notre déclaration, modéré et pacifique. Et si l’Empereur faisait des propositions tant soit peu acceptables " They might send me to the Tower but nothing on earth would prevent me from accepting peace. " On sait fort bien en Angleterre que les Français détestent la guerre & que l’Empereur serait enchanté de la voir finir. Marion a eu une longue conversation avec Persigny. Excellent langage. La France ne veut rien, ne prendra rien, elle veut l’estime de l’Europe. Elle y a déjà fait beaucoup de chemin, elle en fera encore et forcera tout le monde à la respecter et l'honorer. Marion a proposé la Savoie et le Rhin, il l’a envoyé promener en répétant rien rien rien que l’estime des honnêtes gens. Toutes ces lettres vous plairaient fort. J’emploie ce matin le duc de Noailles, M. Grote & Hélène a me faire des copies. Tout cela établi dans mes deux petites chambres. C’est comme une scène de Comédie et moi vous écrivant au milieu de cela. Morny a été charmant et vraiment sa visite ici a fait un extrême plaisir.
Il n'y a pas un mot de vrai à la nouvelle de son mariage. Il n’y a pas moyen de continuer Adieu. Adieu. Adieu.

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40 Bruxelles Mardi 26 avril 1854

Voilà Morny arrivé hier soir, il reste ici la journée & me la donne. Complication, car Le duc de Noailles est là. Nous venons de déjeuner à nous trois. Longue et bonne conversation dont moi je suis bien contente. Le roi vient de l'envoyer chercher à Lacken. Moi je viens d'écrire, je suis fatiguée je ne vous dis qu’un mot. Morny me donne le reste. de la journée il part demain matin. Vous aurez demain ou après-demain une longue lettre. Adieu. Adieu.

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39. Bruxelles Mardi 25 avril 1854

Le duc de Noailles me raconte et m'amuse, mais une lettre de Marion m’amuse bien d'avantage. Elle est impayable. Elle a vu tout le monde. L’Empereur deux fois, le soir, le matin. Persigny, Fould, causé avec tous, la tête tonsurée, c'est-à-dire là où elle était, anti russe. Alliance française. Drôle, gaie. Ah que cette fille est charmante ! La comtesse Colloredo passe ici deux jours. Elle me dit qu’on est toujours échauffé à Londres.
32 fils aînés de Paris sont partis pour la guerre. Guerre élégante à la mode. Ils sont exaltés l’orient, les contes de fées. Ils seront bientôt déprimés. On écrit de Paris que Morny se marie. Une Delle de Boutteville légitimiste. Pas possible n’est-ce pas ? Le duc de Noailles a votre appartement. Il déjeune et dîne comme vous, à votre place. Distraction, & chagrin. Il reste jusqu’à vendredi. On m’interrompt. Adieu. Adieu.
Le rappel définitif de Brunsen fait un grand événement. Sacrifié à la Russie.

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38. Bruxelles le 24 avril 1854

Votre opinion est la bonne sur nos pièces. Brunnow en pense de même. Faible, confus. Il est assez en blâme de tout. Je doute qu'il reste ici longtemps d’ailleurs, il n'y a rien à faire. Je ne pense pas que nous soyons mécontents du traité entre l’Autriche et la Prusse. On ne nous attaquera pas du côté de la Pologne. Constantin croit que l’automne amènera forcément la paix. De part et d’autre on verra qu'on ne peut rien se faire. Je ne suis pas aussi optimiste que lui on dit que les Turcs commencent à en vouloir beaucoup à Lord Redcliffe. On fait courir le bruit d’une visite de la reine d'Angleterre à Paris. J’ai peine à y croire.
Andral n’a pas répondu encore et la jeune fille a grande foi dans Ems et désire ardemment qu'il persiste dans sa première ordonnance qui était d'y aller. Il fait très froid depuis l'orage. Hier Brunnow a vu chez moi Barrot, ils ont fait connaissance, mutuellement très polis. Barrot m'a priée encore de vous dire son respect. Adieu. Adieu.
Je trouve notre circulaire sur les troubles en Grèce, assez vive. Qu’en pensez-vous ? Adieu encore. Nous envoyons à Vienne Le gouvernement Greenwald, pas grand chose pour assister aux noces. Voilà le duc de Noailles et votre bonne & longue lettre. Que je n’ai pas lu encore. Ah ! Si c'était vous !

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37 Bruxelles le 22 avril 1854
Dimanche 23

Voilà où j’en étais restée hier ; je n’avais absolument pas un mot à vous dire. Aujourd’hui rien non plus que des commérages. On dit que le gouvernement Canrobert n'a rien trouvé de préparé à Galipoli et qu'il est allé s’en plaindre à Constantinople. En Turquie hommes & choses sont épuisés. Tout serait fini si vous n’arriviez.
Le silence d’Andral me parait ominous. Je suis toujours sûre de ce qu'il y a de pire. Ceci serait affreux pour moi. Ni Hélène, ni mon fils, et personne ! Me concevez vous dans cette situation ? Je pense souvent à la cigale & la fourmis. Exacte ressemblance. Comment danser maintenant ? Hier il y a eu ici un orage épouvantable. Trois orages réunis aujourd’hui il fait froid. à quand donc la bataille ? Je sèche d'impatience. Je n’ai pas vu Barrot depuis longtemps. Lord Howardest à la campagne, invisible à tous. Brunnow court les Théâtres. Assis au balcon entre un marchand de toiles & un marchand de bière, causant avec eux de leur industrie, s’instruisant et se rendant très populaire. Si j'essayais cela m'amuserait peut-être. Je suis décidée. Votre lettre m’a décidée. Je ne veux pas que vous me méprisiez un peu plus. Voici des petits papiers. La cire m’a mangé un mot de votre lettre ce matin. Adieu. Adieu.
Savez-vous si Madame. Hatzfeldt est accouchée et de quoi ?

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36 Bruxelles le 21 avril 1854
Vendredi

Je vous envoie l’article du journal de St Pétersbourg pour le cas où il ne paraîtrait pas à Paris. Vous m'en direz votre avis. à moi il me parait très bien, mais je suis sujette à me tromper. C’est la déclaration dont je suis contente. Je n’aime pas autant l’autre article sur les publications secrètes je n’ai lu celui-ci au reste que très en courant. Mais vraiment l’autre me plait et beaucoup. J’attendrai avec impatience ce que vous m'en direz Adieu.
Pas de réponse d’Andral encore. Je m’inquiète.

J'aurai une grande joie à revoir le duc de Noailles Lundi. Mais quelle différence avec l’autre joie ! On me dit qu'il y a eu une entrevue entre Bual & Meyendorff dans laquelle celui-ci aurait demandé quelles seraient les conditions auxquelles on voudrait traiter de la paix. Bual aurait répondu : " très dures, la mer noire & les bouche du Danube. "
Tout ceci prouve que nous sommes disposés à la paix mais également qu’elle est impossible encore. Si j'étais de l’Empereur je n'essaierai plus rien. Il me paraît que le fils de Montebello, ne courra guère de danger. Je ne vois pas comment on parviendra à se battre. Votre mot : les deux géants avec des épées trop courtes. On dit que la convention entre les deux Allemands est conclue. On dit aussi que Bunsen est rentré en grâces.
Avant de me décider à déménager il m’a semblé que je pouvais faire une tentative directe. Elle a deux buts, avoir l’[appartement] qui me convient & finir la tracasserie. Si cela échoue je n’en serai pas plus mal avec [Kisseleff] car nous ne nous voyons plus du tout. La question est de savoir si cela est digne, car il me semble qui c’est suffisamment marquer le dire de rapprochement est-ce que je l'embarrasse, ou le tire d'embarras ? Je ne ferai rien sans votre avis. Vous corrigerez, ou vous direz non, comme fait mon fils. Voyez comme je suis helpless je ne sais pas me mouvoir sans vous.
Je ne vous envoie que le premier article, le bon. Je n’ai pas l’autre sous la main. Adieu.

Je vous ai cru Monsieur quand vous m'avez dit que vous cherchiez un appartement dans le but de rendre possible, de me céder celui que vous occupez et que vous m'avez offert dans le premier moment avec beau coup de bonne grâce, je me semble qui c’est suffisamment trouve donc autorisée à vous prévenir qu'il y a à l'hôtel Bellevue même un apparte ment complet contenant plus même que le nombre de pièces que vous occupez et où la salle à manger à la quelle vous sembliez tenir surtout est plus grande et meilleure. Le seul motif qui me fait hésiter à le prendre moi même est l'obligation de monter l’escalier je ne puis pas douter qu'il ne vous convienne, et je ne veux pas douter qu’il ne vous soit agréable de me rendre un léger service. Ni vous ni moi ne pouvons renier le passé et j'aurai pour mon compte beaucoup de plaisir à reprendre des relations que je regrette d’avoir vue interrompue depuis notre exil commun.

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35. Bruxelles le 20 avril 1854

Vous avez réparé l'erreur des numéros. All right. Je n’ai vu hier que Brockhausen, et Van Praet. Le premier très préoccupé des nouvelles propositions envoyées par son roi à Pétersbourg. Fixer une date pour l’évacuation des principautés ; sortie simultanée des flottes ; congrès, suspension des hostilités en attendant. D’abord mon Empereur acceptera- t-il ? Et puis l'Angleterre voudra-t-elle ? On dit que dans ce moment elle ne veut entendre parler de rien que de coups de Canons. Il n'y a donc aucune vraisemblance. à ce que ceci aboutisse. C’est tout à fait l'avis ici. On ne croit à rien de possible. à présent.
Pardon de la demie feuille. Vous dînez chez Duchatel aujourd’hui. Je voudrais y être. J’aurais accepté s'il m’avait priée. Je me sens capable de tout si j’étais à Paris. Incapable de rien. Un découragement, une tristesse ! Ah mon Dieu ! Vous ne m'avez pas vu dans mon état naturel à Bruxelles. J’étais si heureuse pendant ces cinq jours ! Mais à présent, mais pour longtemps, sans savoir fixer une date ! C'est là ce qu'il y a d’affreux. Voilà l’Autriche bien affichée par la présence du duc de Cambridge à Vienne. Il y a un an Lord Westmorland n'osait pas se montrer dans les rues. Haynau oublié. Que de changements, partout, en tout. Hier Rotensky, Van Straten, et Van Praet le soir. Pas autre chose. Hélène attend avec anxiété la réponse d'Andral, et moi donc ! Il ne manquerait plus que cela. L’isolement à Ems. Mais je crois que ma veine de malheurs n'est pas épuisée. Adieu. Adieu.
Vos lettres font ma seule joie.

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34 Bruxelles le 19 avril 1854

Vous vous trompez de N° ou bien j’aurai encore une lettre. Vous mettez 41. Lundi 17 et 43. Mardi 18. puis je n’ai absolument rien à vous dire. Vous savez sans doute que Richer a été appelé subitement à Vienne. Je ne sais s'il passe ou a passé par Bruxelles ou Strasbourg. Le beau temps s’obstine, et il fait si chaud dans mon salon que je serai obligée de décamper. J’espère trouver un coin au nord à Bellevue mais moins élégant que ceci qui ne l’est guère. C'est bien de l'ennui, petit ennui à côté du gros chagrin. Je ne sais ce qui fait dire de tous côtés que toute cette aventure sera courte. Ah si c'était possible.
Je suis très bien avec Brunnow. Je n’ai plus revu Kisseleff depuis les deux jours de suite qui étaient une commission dont on l’avait chargé. Je suis convaincue que je ne le reverrai plus du tout. Vous savez que le duc de Cambridge est parti hier pour Vienne, sans doute pour assister au mariage, politesse que mon Empereur aurait peut-être faite en personne. Si, j’ignore si la France y envoie quelqu’un de Berlin. Ce sera le Prince de Prusse. Je n’ai plus rien à vous dire. Tous les soirs Van Praet & Brockhausen, quelques fois Lebeau, souvent les autres diplomates qui ne sont pas très amusants. Tous les jours le bois de la Cambre. Ah que j’y pense à vous. Quand est-ce que je n'y pense pas ! Je sais bien que vous me plaignez. Adieu. Adieu.

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33 Bruxelles le 18 avril 1854

Merci de tout ce que vous faites pour moi. Quelle révélation que tout ce que vous me dites sur Marion. Je m'interroge et je vous jure que je ne me trouve d’autre tort que de l’avoir trop aimée, et de l’avoir trouvé trop indis pensable à mon bonheur. Oui égoïste comme cela et sans réflexion, car une fois la parole donnée j'ai cru que ni elle ni sa soeur n’y manqueraient et j’avais arrangé ma vie sur cela et je me suis donc trompée, que de déception dans la vie ! J’ai appris que la lettre pour Andral n’est partie que hier, je serai bien inquiète jusqu'à la réponse. Vous avez été bien exact et bon. Vous ne me tromperez pas vous !
M. Ozeroff notre Ministre à Lisbonne est arrivé se rendant à son poste, et ne sachant comment y aller. On croit que je pourrai l’y aider. Il faut traverser ou l'Angleterre ou la France et on ne communique plus avec l'un ou l’autre. On écrit d’Italie de grands éloges sur la Duchesse de Parme elle montre beaucoup de tête et d’énergie, elle vient de faire un emprunt pour lequel elle a offert la garantie de toute sa fortune privée. Montessin est allé la complimenter de Florence. Pas de nouvelle. Tout le monde dit Cronstadt imprenable. Sweaburg ditto. Si cela est, cette grande expédition navale fera peu de chose, et c’est cependant de ce côté qu’on porte le plus de forces, et qu’on fait le plus de fracas comme tout ceci peut devenir ridicule. Adieu, Adieu.

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32 Bruxelles lundi le 17 avril 1854

Merci des efforts infructueux au près de Marion. Certes il n’y aura pas ici de votre faute. Cette manière de voir est bien étroite, je dirai bien bourgeoise. J'espère que vous réussirez auprès d'Andral, car je me figure que le changement est une fantaisie des médecins d'ici.
Brunnow a rencontré hier Lord Howard chez moi. Celui-ci a dit entre autres choses qu'il ne à aucune impression. se fierait jamais ou opinion de Seymour. Voilà qui est Drôle. La conversation avait commencé très banale & froide. J'ai chauffé cela et c’est demain piquant & bon du côté anglais. Seymour va venir passer quelque jours ici. le soir Van Praet & Lebeau. [Brackhausen] cela va sans dire. Pas l'ombre d'une nouvelle aujourd’hui. On dit ici que l'accueil du public pour le duc de Cambridge a été froid, et que les Anglais se plaignent des lenteurs des Français. Ah si tout cela pouvait n'être pas nécessaire. Adieu. Adieu.
Mes yeux ont la fièvre intermittente, aujourd’hui le mauvais jour. Adieu.

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31 Bruxelles le 16 avril 1854

Voici que j'ai bien besoin de vous. Et vite. Andral avait ordonné Ems à Melle de Offenberg. Ici, un médecin le déconseille, & veut l'envoyer à Spa. Elle consulte Andral aujourd’hui par lettre, lui soumettant le motif du changement, mais attendant qu'il décide par ce que sa confiance est à Andral tout-à-fait. Je vous en conjure décidez Andral à persister dans son premier jugement. Je suis perdue s'il fléchit, car tout ce voyage est pour la santé de cette jeune personne & Hélène y subordonne tous ses mouvements.
Voyez comme c’est pressé et comme c’est grand pour moi. Je suis curieuse de votre rencontre avec Marion. Ah que de choses frappantes à lui dire. M’abandonner, parce que je suis dans le malheur ? Avoir de la résolution et de la volonté pour s'amuser, en manquer quand il s'agit de charité. Je ne suis pas un Cosaque, elle le sait bien et vous encore mieux. Tout ceci me tracasse beaucoup et m'empêche de dormir. Ni embarquer avec une étrangère, grande dame, car on me dit qu’elle l'est quoique ce soit une affaire d’argent. Les mouvements de la dame de compagnie avec l’obligation de faire des cérémonies. Les alle mandes tiennent à cela. Il faudra peut-être que je lui porte sa chaise. Voyez-vous. tout cela se présente à moi sous un jour peu engageant. Ah Marion ! A propos si son père lui refusait de l’argent vous savez bien avec quelle joie je lui livrerais tout ce que j'ai. Je me souviens qu’elle me disait à Brighton : " Si vous me donniez comme à Miss Gibbon 100 £ comme je vous servirais mieux qu’elle ! " Enfin je rabâche avec moi- même, & je vous envoie en rabâchant avec nous. Dans ce moment le pressé, très pressé c’est Andral, car il est capable de répondre dans la journée. Hélas il n'y a donc pas une minute à perdre. Le ferez-vous ?
Hier Brunnow, Van Praet, Van Straten, Brockhausen, celui-ci deux fois par jour régulièrement. Vous ai-je dit qu’ici on a envoyé promener une fois pour toutes les insinuations à propos de la réunion russe. Jamais on ne dit rien de Paris. Les tracasseries venaient de Londres. On dit que la Prusse tente des nouvelles propositions auprès de nous, pour que nous en fassions à notre tour. Tout ce que vous me dites aujourd’hui est plein de good sense. Brockhausen a dû recevoir son courrier régulier ce matin, il ne m'a rien apporté. Sans doute oubli. Adieu. Adieu.

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30 Bruxelles vendredi 14 Avril 1854

Bunsen a un congé de 6 mois, ce qui équivaut à un rappel. J’ai bien peur qu'on ne m’enlève Brockhausen ce qui serait pour moi un vrai chagrin. J’ai vu votre lettre à Hélène, et si well as far as it goes. Merci mille fois d'avoir pris la peine de cet examen. Je crains les susceptibilités Allemandes, et une personne susceptible ne m’irait pas du tout. Je vais encore causer avec Sebach & voir à me décider. C’est grave après les sottes épreuves que j’ai faites à Londres.
Ah Marion ! Pourquoi ne se déciderait-elle pas à passer avec moi 6 mois par exemple ? Rien de nouveau. L’arrangement entre les deux Allemands n’est pas signé encore. Où est Montebello ? Je lui ai écrit deux fois, il ne me répond pas. Hier Brunnow, Sebach, [Chreptovitch] Van Praet. Adieu. Adieu pauvre lettre qui ne dit rien qu’adieu. Samedi le 15 Elle est restée par bêtise. J'ajoute sans avoir cependant rien à dire. Il y a eu à Londres presque catastrophe. John s'entêtait. Aberdeen a montré beaucoup d'énergie & de volonté, on le porte aux nues là & ici. Et tout danger est conjuré. Hier longtemps Lord Howard. Très sensé et clever. Il aimerait à rencontrer Brunnow, mais le hasard ne sait pas. Je suis rendue de chaleur et de fatigue d'écriture. Un courrier à Pétersbourg and no help. Ah si vous pouvez me rendre Marion. Adieu. Adieu.

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28 Bruxelles le 12 avril 1854

Il y a huit jours vous étiez là encore à déjeuner vis-à-vis de moi. Ah mon Dieu quand ? Un nouveau bonheur. Ellice & Marion arrivent à Paris aujourd’hui ou demain. Ils demeureront à l'hotel Windsor rue Rivoli. Le retrait des reform bill par Lord John assure la durée du ministère. J'ai eu hier des nouvelles très intimes de Berlin. Le parti de la guerre l'emportera. Le roi ne résistera pas longtemps & la Prusse nous fera la guerre. On n’en doute pas. Je ne sais si nous savons cela tout-à-fait.
Hier Brunnow, Vilchonsky [Chreptovich], [Brockhausen], Howard le matin. Le soir Van Praet, [Brockhausen] encore & Labensky, un temps superbe. Lord Howard me dit que c’est parce que notre ouverture est venue par l’entremise de la Prusse qu’elle n’a pas pu être accueillie en [Angleterre]. Mauvaise excuse, ce qui a plus de valeur, c'est que la forme de traité avec la porte ne peut pas être admise ce serait du protectorat et on nous l’a dénié à nous. Or, nous affirmons que la porte n’est tenue à rien tant qu’elle ne se lie que par firmans. Howard dit que l’émancipation complète sera obtenue aussitôt les troupes débarquées à Constantinople. Adieu. Adieu.
Toujours le soleil ! Adieu. Le ministère danois a été obligé de se retirer parce qu'il était Russe.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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27 Bruxelles le 11 avril 1854

Oui, tout est bien triste, ce que vous me dites de la lettre de l'[Empereur] d’Autriche c’est le protocole. Approbation de la guerre. Entente pour la paix, si elle est possible. Aucun engagement actuel de la part des Allemands. Ce qui est sûr c’est qu'ils se mettront du côté du plus fort si on les force à se prononcer. On dit couramment que la Prusse nous a déserté. On travaille la Suède maintenant. Il sera facile de l'entraîner, elle aura cédé à la force, cela ne gâtera pas son avenir. Et voilà comment nous aurons tout le monde sur les bras.
Marcellus aspire à l’Académie et m'écrit une lettre fort bien tournée pour obtenir vos bonnes grâces. Pourquoi pas lui, si l'Evêque d’Orléans n'en veut pas ? Que dois-je lui répondre ? Hier M. Barrot, Labensky, Mad. Pourtalis revenant de Paris, qui m’a conté toute la partie frivole. Mad. Chreptovitch a fait avec moi le bois de la Cambre. Le soir le beau (on dit que je lui plais beaucoup. Je m'étonne, il m’endort.) Van Praet et voilà tout. Vous allez être bien content au jourd'hui du retour de votre fille et de vos petits-enfants. Vous êtes bien heureux. Si j’avais cela et la campagne comme vous ! Mais je n'ai rien. Brunnow vient aussi se loger à Bellevue. Adieu, le beau temps continue pour narguer ma tristesse. Adieu. Adieu.
Barrot m’a dit sur vous d’excellentes paroles, & cité de très bonnes choses que vous lui avez dites, et à d’autres aussi. Le [gouvernement] français aurait à se féliciter de vos bons propos.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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26 Bruxelles le 10 mars 1854

Bual en apprenant nos propositions a dit, il est trop tard. L’Autriche ne se prononce pas encore hostilement mais elle aime à nous laisser dans l’inquiétude. Meyendorff est dans son lit de colère et de vexation. Brouillé tout-à-fait avec son beau frère. Tout a très mauvaise apparence. Ce que vous me dites de votre anglais ne présente pas une perspective passable prochaine. Ah mon Dieu que notre joie aura été courte ! A point seulement pour m'empêcher de pleurer quand je me suis séparée de vous. Mais que de soupires je pousse depuis.
Hier un arrivant russe de Vienne. Mad. Barrot, [Chrepto vitch] [Brockhausen] Van Stratten, je n’ai pas vu autre chose. J'oublie Kisseleff cinq minutes pour une commission indirecte. Même froideur de mon côté. Brunnow m’a parlé de lui, du repentir. Et bien qu'il le montre. La commission c’était Mercier lui écrivant de Dresde à propos d'une dame de compagnie, un écho de Mad. Bilinska. Grand commérage déjà. Seebach passera par ici demain se rendant à Dresde. Ah mon Dieu que les jours sont longs.
Vous ne me dites pas si vous avez reçu tous mes N° avez-vous eu le 23 ? Sans importance mais for regularity's sake.
Le Maréchal Paskevitch a des pleins pouvoirs prodigieux militaires et diplomatiques. Il commande tout depuis la Crimée jusqu’à la Baltique et prendra une résidence centrale d'où il dirigera tous les mouvements. Pétersbourg est trop loin. Nous nous replions sur nous-même abandonnant tous les postes exposés. Je crois vous avoir déjà dit cela. Je me souviens d'avoir l'année 34 proposé à l’Empereur de faire cadeau à quelqu’un des îles d'Ossil et Dago. Habitées par des sauvages, car j'en avais vu à bord du bâtiment où j’étais sur la Baltique. Nous avions pensé échoué là sur des rochers, et ces animaux étaient venus nous porter secours. Une honte d’avoir de pareils sujets si près de la capitale. Adieu. Adieu.
Que deviendrai- je sans vos lettres ! Pas un moment de soulagement pour mon esprit dans toute une longue journée. Et Paris, si beau si charmant, si vert, si animé, l'air si doux, et la causerie ! et vous deux fois le jour, quel paradis. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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25. Bruxelles dimanche le 9 mars 1854

Le protocole signé à quatre a une grande valeur en ceci, qu'il témoigne l’accord avec les Allemands après là déclaration de guerre. Voilà l'importance de cet acte, car du reste je crois qu'il ne fait que confirmer les précédentes. Nous avons en effet proposé tout ce que vous savez et que disaient les journaux. " Si l'émancipation des Chrétiens est garantie par traité " & & Mais cela ne peut être qu’un acte de Sultan, ainsi pas de traité. Les affaires intérieures ne peuvent pas être réglées par des étrangers, il y aura des firmans, pas de traité. De cette façon notre proposition n’est pas acceptée. Repoussée à Londres, elle le sera à Paris. Reste l’idée d’un congrès tenu à Berlin. On en prend acte pour l’avenir, & c'est un progrès, car nous n’avions jamais voulu entendre parler de cela. Ce serait pour la question religieuse seulement. Voilà où en sont mes nouvelles.
Brunnow, Labensby, Kisseleff le matin. Celui-ci exactement embarrassé, et moi très froide, il n’est pas resté longtemps. Brunnow m’a vu dîner. Le soir Van [Praet], & [Brockhausen] ma promenade au bois, et toujours le beau temps. Il commence ainsi à m'ennuyer. Adieu. Adieu. Avez-vous entendu parler du Pce de Ligne. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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24 Bruxelles le 8 avril 1854

[Brockausen] n’a pas reçu son courrier encore. Cela prouve qu'on veut lui envoyer les choses faites. Ces choses sont un nouveau protocole à 4 plus obligatoire pour les Allemands que les précédents, mais sans aller encore jusqu'à l’action. On commence à douter tout-à-fait des propositions pacifique de mon Empereur. Hélas, que nous avons été enfants de nous réjouir !
Voici votre lettre, bonne longue, intéressante. Constantin m'écrit. Pas un mot des nouvelles propositions. Nous irons jusqu'au rempart de Trajan, pas au-delà. Nous démantelons ou détruisons toutes les places que nous ne pouvons défendre. Nous avons fait cela en Circassie. Nous le faisons dans la Baltique. Alaud ne sera pas défendu, les ouvrages ont été détruits. Que de sacrifices déjà !
Hier le bois de la Cambre. Le soir Brokham, [Chreptovitch], le fidèle Van [Praet], Dalabier. Une journée comme toutes les journées, pesant bien lourdement sur le coeur et sur l'esprit. Ce beau temps m'agace. Paris doit être si beau ! Je voudrais me figurer qu'il y pleut. Mettez donc comme je fais un petit morceau de papier dans l'enveloppe, entre le cachet & la lettre. La vôtre est toujours collée au cachet. Voilà une des choses intéressantes que j’ai oubliée de vous dire ici. Il y en a d’autres meilleures. Si l'on vous parle de Kisseleff et de moi, je vous prie de ne pas vous gêner et de dire la vérité. J’espère bien que vous n'avez pas parlé de ce qui m’a tant occupé les derniers jours. Tout devient clabaudage aujourd’hui. J’aime bien votre forme de gouvernement, le silence. Croyez-vous franchement qu’un français puisse s'empêcher d’être indiscret. Je n’ai presque pas vu mon fils depuis votre départ. Je ne sais ce qu’il devient. Constantin croit à la neutralité arrivée de toute l’Allemagne mais rien n'était signé encore. Adieu. Adieu. Et Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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23 Bruxelles le 7 avril

Je vais vous quereller. Vous vous faites meilleur que moi en cas. Vous me dites : " Malgré ce qui me manque, je jouis de ce qui m’est donné. " Faites moi l’amitié de me dire ce qui m’est donné. Mais je sais que vous avez un home, des enfants, et des yeux.
Hier soir, Brunnow, Van Praet, Le prince de Ligne & Mad. Villers qui me raconte son dialogue à dîner avec le Maréchal Vaillant. La promenade au bois avec Hélène a été bien sérieuse. Je me suis fait lire la discussion. Chasseloup a bien parlé. Montalembert a été bien imprudent. Je conçois que tout ceci ait fort animé Paris pour un jour. Je n’ai pas un mot de Constantin. Je ne conçois pas cela. Brockausen attendait encore hier au soir le courrier de Berlin qui devait passer ici le 3. Des lettres de Pétersbourg disent que l’[Empereur] a dit à la table ronde chez sa femme. " Je puis très bien m’arranger avec les Turcs s'ils imaginent les Chrétiens, mais avec les Anglais c’est autre chose." Adieu. Adieu.
Je suis plus triste aujourd’hui qu'hier cela ira comme cela. Adieu & Je vous écris par le Pce de Ligne. Dites moi si vous avez reçu ce N°.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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22 Bruxelles jeudi le 6 avril 1854

J'ai eu du courage tout le jour. La nuit, non, mon chagrin est aussi grand que ma joie avait été grande. Je me retrouve plus seule que jamais, et triste, triste. J’ai vu Brunnow longtemps. Il doute de la nouvelle. On a dit me dit que Kisseleff : " Qu’est-ce que nous font les Chrétiens." C'est à Van Praet qu'il a dit cela. C’est un sot. Brunnow convient que si elle est vraie elle peut & doit mener à tout. Le public de ce pays-ci était hier en extase. Le soir Van Praet & Lebeau, un doctrinaire. Certainement de l'esprit et hier en grande coquetterie. Ils sont drôles ici, ils me prennent pour un bel esprit.
Dites-moi je vous prie vos idées sur la nouvelle de Berlin. Brockhausen m'envoie le journal semi officiel qui la contient. Cela a l’air bien vrai, il me semble impossible que cette avance ne soit pas accueillie avec joie mais que de chemin à faire encore avant que cela aboutisse. J’ai écrit à Ellice ; ignorant. qu’il vienne à Paris, je dis quelques paroles qui pourraient toucher Marion. J’attends quelque chose de votre entrevue avec elle. Au fait vous pourriez bien lui rappeler qu’elle a lutté avec ses parents quand il s’est agi de venir chez moi, pour leur plaisir à elles, qu’elle pourrait bien lutter aussi quand cela devient une charité pour moi, et que je ne mérite pas cet abandon. Enfin, je suis sûre que vous direz ce qu'il faudra. Me voilà à cette même. table où nous étions il y a 24 heures. Mais votre place est vide. Cela me serre le cœur, et je suis prête à pleurer. Ah que votre visite m’a fait de joie et laissé de peine. Adieu. Adieu.

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21 Bruxelles le 29 mars 1854 Mercredi

Voici une commission. Priez votre valet de chambre de la faire et de m’apporter cela & de la payer. Je le rembourserai exactement ici. Qu'il ne prenne pas du carré arrondi ; il faut rond rond. Ma derniers lettre, c’est charmant ! Mais après il faudra recommencer. Ce qui est affreux c’est de n’avoir aucun bonheur tranquille en perspective. Nous ne croyons pas ici au passage du Danube par nos troupes. défensive, défensive, pas autre chose. Brunnow est sur cela très affirmatif. Dieu ! Qu'il est laid. Vous me trouverez mauvaise même. Je suis malade depuis Paris. Ces quelques jours me feront du bien. Adieu. Adieu.

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20. Bruxelles Mardi le 28 Mars 1854

Voilà donc la guerre déclarée ; et bien qu'on se batte, mais qu’on fasse vite, et que cela finisse. Hélas c’est cela qui sera difficile. L’Empereur retire toutes les promesses d’Olmentz, il ne se gouvernera plus que selon les circonstances. Nous sommes intoxicated. J'ai eu 4 heures de tête-à-tête avec Brunnow. Il a beaucoup d’esprit. Et il est fort triste. Kisseleff rit tout le jour avec tout le monde excepté moi avec qui il ne rit ni ne pense car je ne le vois jamais. Tous les autres Russes sont très soigneux de moi. L’Autriche ne se déclarera que si nous passons le Danube. Je crois que nous ne le passerons pas.
Je suis charmée que vous preniez le convoi de 7 heures du matin. Mais envoyez encore à Paris prendre des informations précises. Je pense avec tant de joie aux bonnes causeries que nous allons avoir ! Je vous écrirai encore un mot demain. Adieu. Adieu. 

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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19 Bruxelles le 26 mars 1854

Evidemment la nouvelle donnée à Hélène est fausse mais c’est étrange. Brunnow est venu chez moi à son débotté avant d’avoir vu aucun de ses collègues. Il se disait ignorant de l'objet de sa venue. Chreptovitch qui était à la chasse tenait les dépêches enfermées chez lui. Il sera plus édifié aujourd’hui. Le ministre d'Angleterre n’est pas inquiet. Il ne peut voir dans tout cela qu'une pensée de paix. Mais comment la concevoir aujourd’hui ? Lord Howard. a rencontré chez moi Brunnow, très bien ensemble. L'Anglais est très aimable pour moi. Je suis le dernier fil, car on ne va plus les uns chez les autres.
Vous trouverez votre chambre à Bellevue. C’est rempli mais je me suis assuré de ce qu’il vous faut. Que je serai aise de causer, d'entendre. du bon français d’abord ! N’allez pas vous ennuyer ici, cela n’est pas bouffon. Tout ce que vous me dites sur nos affaires & notre conduite. est admirable de vérité. Je vois bien que même les Russes. pensent comme vous là dessus, mais il n'osent pas se le dire. En attendant l'exaltation est énorme en Russie. L’Empereur en visitant Cronstadt a fait faire en sa présence l’essai d'un nouvelle invention épouvantable comme destruc tion. Cela a parfaitement réussi. Il a ôté son casque ici en disant : " Venez messieurs les Anglais, nous sommes prêts. " Voyez-vous tout cela je le trouve abominable. Décidément je ne suis plus bonne qu'au peace society.
Le temps est fort laid, froid ; mettez-vous chaudement. Au reste les voitures sont chauffées sur le chemin de fer. Vous me direz par quel convoi vous comptez partir. 7 du matin vous amène ici à 2. C’est le plus accéléré. Celui de 11 1/2 n’arrive qu'à 10 1/2. Ne prenez pas celui du soir vous seriez trop fatigué le lendemain. Vous l’étiez tant en venant du Val Richer. Adieu, quel plaisir de m’occuper du bout de la semaine.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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18 Bruxelles le 24 mars 1854

Hélène Kotchoubey reçoit aujourd’hui de Pétersbourg la nouvelle qu'il y a eu une rencontre entre nos vaisseaux & les Turcs & Anglais sur la côte d’Asie, 3 frégates turques, 4 vapeurs anglais qui nous ont enjoint de nous retirer nous avons attaqué, & coulé bas les 3 frégates & 2 vapeurs anglais. Les 2 autres sont allés en porter la nouvelle à Constantinople notre amiral a été tué & 8 officiers. Voilà tout ce qu’on dit. Le courrier porteur des rapports officiels n’a fait que traverser Pétersbourg pour aller rejoindre l'Empereur en Finlande. Tout ceci est verbal, sans désignation de lieu ni de date, mais nous allons savoir tout cela officiellement. Voilà donc la guerre commencée ! Les publications anglaises sont inconcevables, et déplorables. Nous ne savions pas ce que nous allions chercher qu’allez-vous me dire de tout cela ? Je grille de ne pouvoir dire à personne tout ce que j'en pense. Je n’ai pas eu un mot de vous du Val Richer.
Vous me direz j’espère si tous mes N° sont en règle, et puis j’attends une réponse. Il n’est peut-être pas trop tard. Je ne vois pas que la nouvelle de Constantinople soit confir mée. Vraiment si les Turcs accordent tout ce qu'on leur demande ils sont bien plus annulés qu'ils ne l'eussent été en cédant à nos demandes. De toute façon je crois que c'est un pays perdu. Je reviens aux publications. Ne vous figurez-vous pas en les lisant que vous êtes la postérité. Dans 60 ans à la bonne heure, mais aujourd’hui. Rien de secret, rien de sacré. Enfin c’est incroyable, je ne sais pas encore l'effet que cela produit. à Paris. Dites le moi je vous en prie. Ici l’effet ne nous est pas favorable. Adieu. Adieu. Le temps est mauvais et mes yeux. vont mal. Dites moi un mot pour Barrot. Adieu.
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