[1556c_TJI_Denise] 123 Or suis-je donc demeuré le vaincueur

Présentation générale du poème

Titre de la pièceRencontre de deux Amants.

Incipit non moderniséOr suis-je donc demeuré le vaincueur

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Présentation de l'exemplaire

Formatin-16

Imprimeur-libraireDenise, Étienne

Date1556

Lien vers la notice du catalogue de la bibliothèque où est conservé l'exemplairehttp://data.onb.ac.at/rec/AC10385967

Type de numérisationNumérisation totale

Transcription du poème

Texte{F3r}Or suis-je donc demeuré le vaincueurApres avoir contre le chaste cœurDe ma déesse essayé maints alarmesDoubteusement mes souciz pleurs & larmesQue contre moy Venus trop courrousséePour mon amour aux Muses adresséeAvoit brassez y ont faict tel effort,Que j’ay vaincu mon avantureux sort :Car tout ainsi que l’eau peu vertueuse,Par trait de temps la roche dure & creuse,J’ay par mes pleurs amolly la durtéDu jeune cœur aymant virginité,Et toutesfois ne vous estounez pasS’en me voyant si pres de mon trespasPour me sauver en fin elle à soufferteD’un peu d’honneur je ne sçay quelle perte :Sans point de doubte on n’avoit esperanceQue de ma mort n’eust esté l’asseuranceDe trouver fin à mon ma miserableMais qu’elle fin sa grace pitoyable,Lors me faisoient les maulx que j’enduroisTrouver meilleur le bien que j’esperoisComme la faim crue par la demeure,Faict ressembler la viande meilleure,J’ay ce pendant un enfant qui m’appelle,Je dy l’enfant c’est Mercure fidelle,Lequel, me dit : Amy trop langoureux{ F3v}Viens accomplir ton desir amoureux,M’amye estoit au secret cabinetD’un tresplaisant & riche jardinet,Trop mieulx remply de graces & doulceursQue le verger des Hesperides sœurs :La leurs chez verdz courboient de tous costezLes Saux branchuz, par bon ordre plantez.Qui estendoient leurs umbres verdoyantesComme en un champ les pavillons & tentesLe vif ruisseau d’une fontaine clere,Et le long fil d’une grosse riviere,Qui plus qu’argent en coulant reluisoientDes deux costez la closture en faisoient.Non loing de la au joly verd bocageDix mil oyseaulx de chanter faisoient rageSi qu’ilz sembloient accorder leurs chansonsAux claires eaux & leurs argentins sons.Les joyeulx chants des accordans oyseaulx,Et le doulx bruit des murmurans ruisseauxM’amye avoit de se coucher contrainteSus l’herbe fresche & diversement painte,Quant je la vy en ce point estendueEt a sommeil par sa doulceur rendueContenté fuz car je ne povois mieulx,Tant seulement de repaistre mes yeulx,Or pris je donc en sa beaulté pasture,Et au plaisant ouvrage de nature{F4r}Qui la dedans produisoit tant de fleurs,Faisant mes yeulx à infinies couleurs.Puis tant d’oyseaulx de chanter s’efforçoyentQue de leurs sons tout le lieu remplissoientCar il sembloit que chascun voulust faireChose qui peult au nouveau juge plaireBrief, tout ainsi qu’en l’Arabie heureuse :Tout estoit plain d’odeur delicieuseTant y avoit de belles violettesEn tous endroitz, & de choses doulcettesEn tout cela grand plaisir y avoitMais un plaisir qui chascun jour se void.O combien plus de joye me donnaQuand le sommeil m’amye habandonna :Je voudrois bien à chascun departirLa volupté que j’y ay peu sentirMais mon esprit ravy lors deplaisanceA peine en peult avoir la souvenance,Et ce recit à ma langue est à faire,Laquelle encor’ ne scauroit satisfaireA exprimer l’heur qu’elle savouraEt comment donc le bien d’autruy diraNymphes icy vueillez donc accourirPour ma memoire au besoing secourir :Car quand ce bien ainsi se departoitParmy les eaux mainte herbe vous portoit.Ce qui advint, certes Dames, vous veistes.{F4v}Peult estre aussi que non tout : mais si fiste.Vous veistes tout aumoins tout ce que honteNous à permis & en scavez le conte.Quand le sommeil eut delaissé mamye,D’une voix foible & quasi endormie,Incontinent elle s’escrie ainsi :Helas amy que n’estes vous icy ?Car pres de soy alors ne me cuydoit.Et se plaignant ses deux bras estendoit,Que je receu, & sa force esgaréeLuy fut par moy rendue & restauréeAdonc ses yeulx qu’a ouvrir commençaSi vivement vers moy elle adressaQue la vigueur & constance des miensNe peult souffrir la grand’lueur des siensSi que mes yeulx de sa veue empeschezDedans les siens demeurerent fichez,Ou sont ceulx la, qui estonnez ne fussentDe tant de bien, si veu comme moy l’eussent ?Ouvrant a donc sa tant aymée bouche,Est ce bien vous, dist-elle, que je touche ?Est ce bien vous, mon seul bien & desirQu’en ce doulx jour j’embrasse à mon plaisirEt de ce pas chanta de sa façonUne elegante & bien belle chanson,Qu’aucunesfois à part elle chantoitQuand par amours tristement lamentoit.{F5r}Cruelle peur de faulx bruitz mal semez.Pourquoy noz biens, en plaisir consommezEmpesches tu ? Amour de tout vaincueurVaincra il point ta mortelle rigueurSi fera si c’est un trop puissant DieuOr donne donc à sa puissance lieuCrainte abusant du fol peuple les yeulx,Car il ne fault mener la guerre aux dieux.

Voyla le sens que sa chanson portoit,

Que de tel son & grace elle chantoit,Que faict au bord de sa riviere un CigneLequel sa mort en chantant, predestine.Au plaisant son de l’angelique voisFirent silence, & fontaines, & boys,De la autour, & le semblable firent :Incontinent les Nymphes qui l’ouyrentL’oyant chanter mes oreilles levay.Mais aussi tost estonné me trouvayQui tournera toutesfoys à merveilles,Que tant de biens estonnoient mes oreilles.Ce temps pendant que la belle attendoisEt de sa bouche à peu pres despendois,De descouvrir son blanc sein fut contraintePar la chaleur dont elle fut attaintePas n’eut si tost descouvert sa poictrineQue l’on eust dit un odeur tresdivineD’encens, de myrrhe, & de celeste basme{F5v}Issu du sain que desnua ma-dameS’en moy y eut lors de sens quelque resteIl fut perdu par c’est odeur celeste.Et en est il encor un qui s’estonneQu’un si grand heur eust ravy ma personne,Lors je la prens, & l’embrasse à mon ayseEt de son gré doulcement je la baise,Mais noz baisers receuz & presentezEstoient confitz en mille voluptez .O quel plaisir de recueillir & prendreL’heureuse fleur de ceste aleine tendre,Qu’en respirant la bouche gracieuseFaict departir d’une dame amoureuse :Tout aussi tost de moy furent absens,Par ce plaisir, le surplus de mes sens :Et ne doibt on en rien trouver estrangeQue tant de biens ayent jamais faict change.Or ce pendant que noz bouches vermeillesConjoinctes sont de voluptez pareillesS’entre-baisans & confondans ensembleLes deux espritz, que le corps de-sassemble.Je sens, helas : helas soubdainementMes membres pris, je ne scay quellementD’une fureur secrette, & incongneue,Et qui jamais ne m’estoit advenue,Telle fureur, ainsi comme je croySentoit aussi ma-mye comme moy{F6r}Laquelle en soy tant de doulce force eutQue doulcement, la surprint & deçeutMais qu’elle embusche & secrette surpriseAdressa lon ? pourquoy fustes vous prisePensez vous bien, que j’eusse peu avoirAssez d’esprit lors pour vous decepvoir ?Si par dessus les baisers non contezJ’ay pris de vous le point dont vous doutezCe n’est pas moy : car trop estoit surpris,Ce n’est pas moy : c’est amour qui l’a pris,Pardonnez doncq’ au Dieu qui les ravitOu à celuy que sa fureur suyvit.Car vous scavez que vous plus qu’autre choseDe ma fureur alors fustes la causeJe baisois doncq’ ma-mye doucement,Et elle moy avant finablement :Que noz deux corps allez de tous poinctzFurent ensemble, à leurs grand plaisir joinctzSi qu’en estans mes membres desireuxUniz aux siens, se sentoient bien heureux.Les siens aussi de rencontres pareillesS’esjouyssoient & plaisoient à merveillesQue pensez vous que devint lors mon ameElle cherchoit, pour entrer à ma-dame,Quelque sentier tant estoit surpriseQue long temps fut sus mes levres assiseDe sens aucun retenue n’estoit{F6v}Et sa prison liberté luy prestoit :Parquoy soudain à son plaisir allaEt vers ma dame & son ame volla,Vrays amoureux, je dy vous, en effect,Qui savoureux de l’amour l’heur parfaict.Vous sçavez bien, & ceulx pouvez sçavoir,Combien de joye elles peuvent avoirCar s’ainsi est que deux corps assemblezReçoivent tant de plaisirs redoublezCombien prendront de joye & voluptéLes deux espritz conjoinctz en libertéJe croy pour vray que les dieux & déessesSentent au ciel de pareilles lyessesEt leur Nectar & Ambrosie aussiN’est autre cas que ce plaisir icy,D’aucun soucy jamais ne si tristerMais toute joye en soy-mesme porterTout ce qui est estimer ce seul bien Et le surplus sans cela n’estre rienS’ebahit on si par mortelle guerreA feu & sang, on voit parmy la terreSe travailler maintz corps & bons espritzPour parvenir à si grand & hault prisAmour adonc veu ce ravissementUsa de grace à nous egalementEt ne voulut que nostre grand plaisanceFinist au jour propre de sa naissance :{F7r}Car par amour, mon ame, de la sienneEstoit ravie, & elle de la mienneSans point doubter d’elle chacune alorsFust delaissé son inutile corpsTost eust amour esveillez & remisNoz sens quasi yvres & endormizCar chascune ame en ce point rencontréeIl commanda en son corps faire entrée.En son corps doncq’ alors entra chascuneQui luy sembla prison fort importuneTant luy estoit plaisante la maniereDe l’assemblée en la fureur premiereL’œil desiroit ceste amyable face,L’oreille aussi ce chant de bonne graceEt les nazeaux ce basme souhaittoientBouches & bras l’un l’autre regrettoientLa couleur blanche estoit noire à mes yeulxTout plaisant me sembloit ennuyeuxToutes odeurs me sentoient toute ordure,Tout doux, amer, la chose molle, dureFinablement ce que mon corps aymoit,Au paravant, & mon cœur estimoitFut tout autant hay & despriséComme il estoit desiré & prisé.

Qui n’eust alors enduré grand tourment

De veoir perir le fruict en un momentDe ces labeurs : Mais qu’est ce qui pourroit{F7v}Plaire à un cœur, qui si fasché seroitSoucy, travail, pleur & dueil infinyVous avez tout commencé & finy.Que par malheur ne soit un jour deffaict,Ainsi void on qu’il n’est heur si parfaictVoila la joye & le plaisir humain :C’est le lien, que la mortelle mainTraine tousjours le long de ceste vieA tristes maulx & douleur asservie.

Forme poétiqueDistiques

Emplacement du poème

Rang dans le recueiln° 123

FoliotationF2v, F3r, F3v, F4r, F4v, F5r, F5v, F6r, F6v, F7r, F7v

Présentation typo-iconographiqueIllustration avant le titre sur le folio F2v.

Informations sur la notice

Contributeur(s)Réach-Ngô, Anne

ÉditeurÉquipe Joyeuses inventions ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle)

Mentions légales

Fiche : Équipe Joyeuses inventions ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
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Notice créée par Équipe Joyeuses Inventions Notice créée le 23/06/2017 Dernière modification le 04/11/2021