Votre recherche dans le corpus : 1140 résultats dans 5493 notices du site.Collection : 1850-1857 : Une nouvelle posture publique établie, académies et salons (La correspondance croisée entre François Guizot et Dorothée de Lieven : 1836-1856)
Ems, Samedi le 5 juillet 1851, Dorothée de Lieven à François Guizot
Je suis arrivée hier à 7 heures après un voyage excellent. Je me suis séparée de mon fils à Coblence, bien bon garçon. Ici je retrouve tout, très bien, matériellement, pas une âme de connaissance. Nous avons bien besoin l’un de l’autre. Duchatel & moi.
Votre lettre du 2 qui est venue ce matin. Une d’Ellice aussi. Le discours de Thiers n'a pas fait fortune en Angleterre du tout. Ellice me dit quel effort de déraison ! Lord john est parfaitement raffermi, & restera très solidement. pour l’éternité. Amen. On m’a dit à Bruxelles qu'on ne s’est pas douté à Paris de l’effet produit à Claremont par la lettre du comte de Chambord en février. La duchesse d’Orléans était rendue complètement. On songeait à une entrevue. La proposition Creton renversée par Berryer a renversé toute la [?]. Léopold est très sensé. Il donne les meilleurs conseils. Les doutes que j’avais exprimés à ce sujet ont beaucoup déplus & étonnés. J’ai dit des choses utiles.
A Bruxelles comme partout, on est convaincu de la durée du Président, et comme partout, on la désire car on ne voit rien de bon que cela en fait de choses possibles. A Naples chaque fois qu'on se rencontre, on fait un petit programme de phrases à s'adresser ni plus ni moins. C’est positif. Je crois que je vous ai dit tout ce que j'ai ramassé.
Marion est ravie d’Ems elle a une fort jolie chambre à la gauche de mon salon. L’air est délicieux, ni trop chaud, ni trop froid. Je ne regrette de Paris que vous, car du reste je pense de lui avec mépris, au physique & au moral. Adieu. Adieu. Adieu.
Brunnow ne parle de Walensky que comme d’un polisson. S'il fait comme il parle cela va faire une relation agréable. Le discours à Châtellerault est excellent.
Ems, Vendredi 1er août 1851, Dorothée de Lieven à François Guizot
Je pars demain et je suis très souffrante aujourd’hui. Toujours ce vilain point à la tête. Chreptovitz est arrivé hier. Il ne me dit rien de nouveau. Il demande, & moi, je ne sais rien. Je vois que Changarnier est sur toutes les listes de commission des permanences, et Molé & Broglie sur celle de la gauche. Seulement, c’est drôle.
2 h. J'ai revu tout à l'heure Chreptovitz et j’ai recueilli d'assez curieuses choses. L’Empereur a fort approuvé le Président pour avoir été le commandement à Changarnier. Il faut rester le maître. Nous trouvons que le Président se conduit sagement. Nous attendons de lui qu’il fera encore de bonnes choses à l’intérieur ; ses rapports avec l’étranger sont excellents, et pour le moment nous voyons tout profit à ce que le Président soit prorogé. J'ai si mal à la tête que je ne puis pas continuer. Adieu. Adieu.
Mots-clés : Diplomatie (Russie), Politique (France), Santé (Dorothée)
Ems, Vendredi 2 août 1850, François Guizot à Dorothée de Lieven
Ems
Vendredi 2 août 1850
Mots-clés : Relation François-Dorothée, Santé (Dorothée)
Ems, Vendredi 9 août 1850, Dorothée de Lieven à François Guizot
De la pluie, de la pluie ; pas autre chose depuis mardi. Je ne parviens pas à montrer à mon fils le vieux château de Nassau. Les petites Beauvau sont parties ce matin, les nouveaux arrivants je n'y pense pas, puisque je m’en vais. Je fais mes paquets demain je pars. Alexandre va de son côté. Je vous reprends à 2 heures. Nous avons profité d'un petit moment de vacances de pluie pour aller à Nassau. Mon fils est monté au vieux château & m'a répété ce que vous avez écrit, qu'il croit très propre à charmer ce pays.
J’ai eu une lettre de Marion. qui ne dit rien que son admiration de votre lettre. Que faire de cette lettre-ci ? Il faut bien vous l’envoyer puis que vous vous fâcheriez s’il n'en venait pas. Mais vous est-il jamais arrivé d'en recevoir une pareille ? Adieu. Adieu.
Ems, Vendredi 11 juillet 1851, Dorothée de Lieven à François Guizot
Etais-je donc si stérile et si bête l’année dernière ? Je n’ai pas un pauvre mot à vous dire. Personne et rien à Ems. Hier Duchâtel & Duchâtel. Quel bonheur qu'il soit ici ! Il dit cela peut être de moi, quoiqu'il ait des consolations. 30 & 40 & & &
Aujourd’hui 8 degrés, pluie battante & beaucoup de vent. Jugez tout ce que cela ajoute ! Pourquoi avez-vous refusé les Hatzfeld ? Je crains aussi que vous n’ayez oublié, Delmas. Ce serait un mauvais procédé pour moi. Molé a tenu parole, il y a été !
Kolb me demande un congé de huit jours pour aller voir ses parents à Augsbourg. Il prétend que Duchâtel tient très bien sa place. Le duc de Richelieu n'est pas venu encore.
Selon ce que vous m’en dites le rapport de M. de Tocqueville a l'air bien. Je serai curieuse de la discussion. Vraiment qu’est-ce qui arrivera en 52 ? Je crois toujours au Président, et cependant il m’arrive de temps en temps de douter, et plus souvent encore de trembler. Je voudrais bien prier tout le monde de laisser les choses comme elles sont. Pour mon goût elles sont très bien.
1 heure. Je viens de lire les journaux au Cabinet de lecture. Je vois que le travail de Tocqueville a été lu à l’Assemblée, que c’est une pièce importante, nous verrons. Je vois aussi que les voyageurs ont été reçus à Claremont. Vous me direz cela. Comme il fait très laid j'ai été au salon, Duchâtel était établi à la table de jeu. Absorbé. Et ne nous a pas vu. Dit-on vu-ou vues, ou vus. Voilà où je pêche toujours.
3 heures. Duchâtel est venu. il a fait des patiences, tiré les cartes, il nous a montré la rouge. & noire. Voilà les occupations d'Ems. Nous recommençons ce soir. Adieu. Adieu et encore de vos bonnes lettres. Adieu.
Ems, Vendredi 18 juillet 1851, Dorothée de Lieven à François Guizot
Grand émoi hier. Marion avait reçu un jeune Monsieur envoyé par le Prince Metternich pour l’escorter au Johannisberg. Il apportait une lettre de la fille du Prince. Sotte petite lettre. Le jeune homme veut qu’elle parte de suite la faire coucher à Coblence. Marion dit oui à tout, seulement elle attend que je rentre. J’étais chez les Belges. J’ai trouvé tout cela bien leste. Pas un mot du reste des parents, pas un mot à moi. Un inconnu, des cheveux blonds, très jeune. Cela ne va pas. J’ai refusé. J'ai fait comprendre à Marion qu’il fallait la traiter avec plus d'égards, et puis je ne sais pas quand on me la rendrait. Je trouverai moyen de lui faire faire une visite au Johannisberg quand je serai à Schlangenbad, cela n'est pas loin.
Aujourd’hui j’envoie Marion à Stolzenfels avec la duchesse d'Istrie, Duchâtel & d’Haubersaert. Tout cela était hier ici et le duc de Richelieu, [Bouteneff] et Beroldingen. Je garde un grave quelconque pour le piquet les autres jouent à ce qu’ils veulent, à 9 1/4 je les renvoie tous. Le prince George n’a pas où monter chez moi hier il avait un frac coupé en rond, il a eu peur de moi. C’est trop.
L'indépendance me donne bien vite les nouvelles de la Chambre. Je vois que Berryer a fait un superbe discours. Jusqu’ici tout cela va si tranquillement que je nous trouve très sots d’y avoir attaché. quelque importance. Je fais ici quelques connaissances. Des Prussiens & Prussiennes appartenant à la cour. Le roi sera probablement à Stolzenfels le 15 août. La Princesse de Prusse revient à Coblence dans huit jours.
Adieu votre solitude & mon éloignement ne nous donnent pas beaucoup de sujets à traiter. Vous me direz cependant votre opinion des discours & de l'ensemble de la discussion. J’ai écrit hier au duc de Noailles. Charles Greville me dit que le rising [?] est Lord Granville. Grande popularité & talent à la Chambre des Pairs. Le ministère est très solide. Adieu. Adieu.
Ems, Vendredi 19 juillet 1850, Dorothée de Lieven à François Guizot
Vous me faites un tableau très frappant de la situation morale de votre pays, et tous les jours cela devient plus drôle. Ce qui est sûr c’est que tous les jours le Président avance. Il n'y a que lui qui soit quelque chose. J'ai eu des lettres de Londres aujourd’hui lady Allice, & Ellice. La première a été à Saint Léonard, elle trouve au Roi mauvaise mine. Il vient à Londres cependant pour la première communion du Comte de Paris demain. De là ils vont lui & la reine, à Claremont et plus tard à Richmond. La duchesse d’Orléans les y rejoindre après un petit séjour seule à St Léonard. Elle reste en Angleterre jusqu’en septembre. Elle montre une grande inquiétude qu'on ne prolonge les pouvoirs du Président. Elle dit que l’Assemblée sera certainement réunie au commencement d'octobre. Le reste de la lettre de Lady Allice traite de l’hésitation dans le parti Peel. Elle croit qu'il se décidera à rester parti séparé, portant son nom. Le [gouvernement] très faible, pas possible qu'il fasse une autre session. Ellice est assez noir aussi sur ses amis. Il dit que John a fait une grande faute de ne pas donner sa démission après le vote de la Chambre haute. Il serait rentré bientôt & plus fort. Aujourd'hui, il est très affaibli. Les comités lui sont tous contraires, & il n’y a plus Peel pour le soutenir. Le comité d’Économie a décidé que les seules ambassades existantes aujourd’hui Paris & Constantinople seront converties en mission avec 5000 £ de salaire. Le [gouvernement] résistera mais on ne sait pas s’il ne sera pas battu comme Ellice l’a été dans le comité. Un autre comité sur le gouverneur de Ceylan, Lord Torrington, s’est aussi prononcé contre lui. Lord John veut aussi le défendre, cela lui réussira t-il ? Voilà une lettre.
Constantin est arrivé hier. Curieux sur beaucoup de détails Je vous dirai demain ce que je pourrai vous dire, pour aujourd’hui je suis bien fatiguée et un peu malade. La femme de Constantin n’est pas jolie peut être que je découvrirai qu’elle l'est, la première vue n’est pas favorable. On me dit que le Prince Emile de Darnstadt est ici, mais pour quelques heures seulement. Je vous dis adieu. Adieu.
Ems, Vendredi 25 juillet 1851, Dorothée de Lieven à François Guizot
Une lettre de Constantin confirme la nouvelle d’hier sur le nouvel oukaze. Imaginez que c’est cette nièce rouge qui en est cause ! On a trouvé des correspondances entre elle & des professeurs de Dorpat. Je ne sais ce que va faire mon fils Paul, je crois qu'il faut qu'il aille en Russie. Comme il va être furieux.
Je vois que le vote de Lundi n’incommodera pas le ministère. J'en suis bien aise. C'est de la chicane. Comme cette assemblée se conduit sottement. Claremont me paraît plus sot encore. Ce qui m'en revient ici par Duchâtel me fait penser que le Président a là d’excellents auxiliaires. Duchatel & Marion partent demain. Ellice reste jusqu’à Lundi. Je ne sais rien encore sur les mouvements de ma grande duchesse. Je reste à mes premiers projets d’être à Schlangenbad le 2 août. Mais jusqu’à nouvel avis adressez toujours à Ems. C’est plus sûr.
La brochure de Gladstone est détestable. Il peut avoir de l’esprit ce n’est pas un homme politique, ni un futur ministre. Irait-il faire la guerre au roi de Naples, si demain il entrait aux affaires ? Adieu. Adieu.
Ems, Vendredi 26 juillet 1850, Dorothée de Lieven à François Guizot
Puisque votre dernière lettre ne me parle plus de venir, j’espère que vous y aurez renoncé pour le moment. J'ai eu beaucoup de lettres aujourd’hui lord Aberdeen il partait le même jour pour l’Ecosse. Le dîner pour Palmerston a été une pauvre affaire. Pas un ministre n’a voulu en être. Leur absence a semblé très significative. J’attends ce que Ellice m'en dira. Brunnow va en août à Pétersbourg. Il a beaucoup parlé et raconté à Aberdeen, très triste, voyant très en noir notre avenir avec l'Angleterre & désirerait connaître exactement la volonté de l’empereur, doutant de son propre retour à Londres. La guerre en Danemark tout de suite après s’être vanté du succès de la médiation pour la paix, fait à Londres un effet singulier.
Duchâtel & Montebello me disent tous deux que le Bonapartisme fait de grands progrès, même celui qui devait former notre partie carrée avec Marion à dîner, est dans cette opinion. On veut rappeler d'exil les princes. Lamoricière est à la tête de tout ce qui peut vexer l’Elysée. Il me semble que la commission est mal arrangée pour y plaire dans ce quartier. Enfin il peut encore survenir d’étranges complications. J’ai lu l’article de M. de Lavergne dans la revue des deux mondes et j'en ai été charmée. On me parle tout à l'heure d'un article du Moniteur du soir qui serait la guerre déclarée, par l’Elysée à l’assemblée. Cela a l’air vif, ce ne sera probablement rien. J'ai passé une nuit détestable des crampes, oppression de poitrine, j’ai suspendu aujourd'hui les verres d'eau, & le bain. Adieu. Adieu.
Ems, Vendredi le 12 juillet 1850, Dorothée de Lieven à François Guizot
Le froid continue, les averses aussi. On me fait prendre les l'eau cependant, & boire de l'eau. Cela ne me fait ni bien ni mal. Je me lève à 6 heures. Je me couche à 9. Je voudrais bien me coucher plutôt, car je meure d'ennui. Rothschild. Ma seule ressource ! Une demie heure tous les jours.
J'ai eu une lettre de Beauvale. Il me dit que John Russell a beaucoup baissé & Palmerston grandi. Aujourd’hui le Roi des radicaux, fausse position, car à l’intérieur il est bien moins radical que John. Les choses ne resteront pas comme elles sont mais personne ne devine quelle tournure elles vont prendre. Londres se disperse, & le parlement va se proroger. Montebello me tient un peu au courant de l'Assemblée. Il m'écrit de son banc et me divertit beaucoup.
Vos extraits de Londres & de Paris sont curieux. Tout cela tend à devenir de la grande politique ou plutôt de grandes affaires sérieuses. Nous verrons.
3 heures. Il y a eu des petits Princillons que j'ai connus jadis. Mari & femme, Prince régnant de Lippe, de Hambourg, Bukebourg. C’est bien long. Plus long que leurs états. Ils sont venus me relancer et comme je suis polie j’ai été leur rendre leur visite. Un Chambellan au bas de l’escalier. Le Prince en haut, la Princesse devant le vestibule. Des questions sur Paris. le général Changarnier a dit-on fait un superbe discours. J’espère que la comtesse de Chambord n’est pas grosse. Charles X se porte mieux à ce qu’on dit. Voilà exactement ma Princesse régnante. Ah quel lieu que cet Ems ! S'il y avait ici seulement la moitié du plus insignifiant de mes visiteurs du Dimanche ! Voyons, la moitié de M. de Flamarens ou de M. de Mézy. Adieu, Adieu. La pluie a cessé depuis un instant. C'est une nouvelle. Adieu encore.
Falaise, Dimanche 26 octobre 1851, François Guizot à Dorothée de Lieven
8 heures
Un déjeuner à 9 heures et demie. Une grand messe à 11 heures. La Statue à midi et demie. Des cérémonies et des discours jusqu’au delà de 3 heures. La poste part à 2. Un dîner de 200 personnes à 5 heures. Un bal après. Voilà, ma journée.
J'ai tout juste le temps de faire ma toilette avant le déjeuner. Je repartirai demain à 6 heures du matin. Je n'étais jamais venu ici. Le lieu est très pittoresque. Il y a beaucoup de monde ; toute la Normandie. Adieu, Adieu.
J'espère trouver demain, en arrivant au Val-Richer, de bonnes nouvelles de Pétersbourg. Adieu.
Mots-clés : Voyage
Falaise, Dimanche 26 octobre 1851, François Guizot à Dorothée de Lieven
Onze heures du soir
Je rentre du bal. J’ai exécuté pleinement mon programme. Le succès du discours a été complet. Les amis le disent ; et les ennemis disent qu'ils ont raison. Mon toast (c'est-à-dire le toast qu'on m'a porté) au banquet a été très bruyant. Je crains la journée bonne, pour la bonne cause et pour moi. Adieu. Je vais me coucher. Je pars demain à 6 heures, pour aller trouver deux lettres de vous. Adieu. G.
Mots-clés : Réception (Guizot)
Francfort, Dimanche 10 août 1851, Dorothée de Lieven à François Guizot
Avant de quitter Schlangenbad. J’ai reçu votre lettre du 5, et ce matin ici, celle du 6. Voilà qui est bien, mais les perdues restent perdues. Je suis arrivée ici à 8 h. La grande Duchesse un quart d’heure après moi, et une minutes après j’étais dans ses bras, car c’est ainsi qu'elle m’a reçue. Aussi tendre, plus tendre qu'il y a 16 ans à Pétersbourg. J’ai eu un grand grand plaisir à la voir & la contempler. Elle est charmante. Une heure de conversation intime, toutes choses. Je n’ai retrouvé mon lit qu'à dix et demie. Ce qui est hors de mes habitudes. J'ai dormi un peu. Je passe la journée ici. Demain, je ne sais pas. Ma tête va toujours mal.
Brunnow a été appellé en toute hâte à Petersbourg. On me mande cela de Londres. Il est radieux. J’ignore tout-à-fait pourquoi on l’a fait venir. Mon ministre ici le Prince Gortchakoff qui a été huit ans secrétaire chez mon mari à Londres est un homme d'esprit et fort au courant. Il est content de l’Allemagne, les deux grandes puissances laissent de côté les questions politiques & ne songent dans ce moment qu'à la question sociale. Premier intérêt pour tous, & sur cela on s’entend à merveille, & on agit avec une merveilleuse activité. Je suis interrompue par des visites, & de peur d'accident je fermerai ma lettre. Adieu. Adieu.
Francfort, Lundi 11 août 1851, Dorothée de Lieven à François Guizot
Je reste ici encore tout le jour la grande Duchesse me le demande. Hier soir elle est venue prendre son thé chez moi, elle m’a trouvée en tête-à-tête avec le Prince de Prusse qui venait d’arriver & qui est réparti ce matin pour Cologne à la rencontre du Roi. La conversation devenait intéressante. Il me racontait la duchesse d’Orléans qu'il a beaucoup vue à Londres. J'ai regretté de n’avoir pas pu reprendre sérieusement ce sujet. La grande duchesse est vive, animée. Nous somme restés à 3 à nous amuser & rire. Elle est vraiment charmante. Elle plairait bien à mon salon. Elle est allé dîner à Biberich aujourd’hui. Nous passerons la soirée ensemble, & demain nous partons en même temps elle pour Bade, moi pour Schlangenbad.
Je suis un peu fatiguée et la tête va toujours mal. Le Prince Gortchakoff a bien de l’esprit. Il passe son temps chez moi & m'apprend bien des choses. Comme il a envie de Paris ! Qui n’en a pas envie ? Vos lettres m’arrivent ici bien régulièrement à mon réveil. Je serai curieuse de celles que vous m'écrirez de Paris. Adieu. Adieu.
Hôtel Bellevue, Mercredi 2 juillet 1851, Dorothée de Lieven à François Guizot
6 heures
Je viens d’arriver fatiguée. Voilà toutes mes nouvelles. Si le train ne part pas de trop bonne heure demain je poursuis, sinon je me repose. Je sais que le Roi de Würtemberg va venir à Ems. Pensez un peu quel dommage que vous ne le voyiez pas ! Je crois qu’il y vient dans l'espoir que vous y serez. J’en saurai davantage après-demain.
Adieu, je tombe de fatigue de faim et de sommeil.
Adieu. Adieu.
Mots-clés : Aristocratie, Santé (Dorothée), Voyage
[Londres], [25] août 1851, François Guizot à Dorothée de Lieven
Tous ceux qui la connaissent ont remarqué que Lady Alice Peel n'était pas là hier. Duchâtel dit qu'elle est à Twickenham. Mad. Graham y représentait l'Angleterre.
10 heures
Mes lettres de France sont arrivées, mais non pas la vôtre de Cologne ou de Bruxelles. Je l'espérais peu. Adieu, Adieu. Je voudrais bien vous savoir arrivée à Paris et en train de vous y reposer. Adieu. G.
Mots-clés : Femme (diplomatie), Réseau social et politique
Londres, Mardi 26 août 1851, François Guizot à Dorothée de Lieven
Une heure
Je trouve en rentrant votre lettre de Griberich. Merci de me l'avoir adressée directement ici. Je vous dirai pourquoi tenant à avoir vos lettres, comme vous dites avec un si, j’avais cru mieux faire en ne changeant rien. C’est trop long à écrire. Je reviens de l’office. Bien petite église bien pleine. Rien que des Français ; cinq ou six anglais seulement. Deux Princesses étrangères la Princesse Bayration et la Princesse Grasalcovitch.
De mon bord Duchâtel, Dumon, Montebello, Vitet, Tryel, Montalivet, Jaÿr. Il ne manquait que Salvandy qui n’est pas venu, à dessein, dit-on ; en quoi il a eu tort ; Hébert qui est malade et Canin Gridaine.
Du bord régentiste, Rémusat, Lasteyrie et Ségur. Personne n'a entendu parler de Piscatory ; je ne sais ce qu’il devient. Beaucoup d'autres bons, venus exprès, d'Haubersaert, Ch de la Ferronays, Hippolyte de la Rochefoucauld, Bussion. Les vrais amis nombreux ; les flatteurs rares. Ce qui n'empêche pas les flatteurs d'être les favoris. Dans la tribune réservée, la Reine, la Duchesse d'Orléans, la Duchesse de Nemours, la Princesse de Joinville, le duc de Nemours, le Prince de Joinville, le comte de Paris, le Duc de Chartres, le comte d’Eu et le duc d'Alençon. Point de pompe ; le curé de la chapelle ; l’office des morts complet, grave et simple. L'auditoire recueilli très convenable. Assez de curieux autour, très convenables aussi.
J’irai demain à Claremont. Ce qu'on m’en dit ressemble fort à ce que j'en attends. Triste mélange d'impatience et d'impuissance. Grande ardeur à revenir ; grande terreur d'avoir un avis et de prendre un parti. Et en attendant on prend celui de se laisser faire par ceux qu’on croit le plus capables de nuire. Ils ont perdu le père par leur opposition ; ils perdront les fils par leurs services. J’y vais demain dans l'unique intention de dire mon avis sans y demander de réponse. Il y a, je crois une conduite à tenir, qui n’est pas prompte, mais qui doit être efficace. Reste à savoir si en France, on saura la tenir.
J’ai entrevu Jarnac en sortant de l'église. Il viendra me voir ce soir, et nous causerons. Il est toujours très bon et très décidé.
Ce que vous me dîtes de vous me déplait beaucoup. J'y regarderai, j’espère le 29. Je compte partir, d'ici après-demain jeudi soir. Quand j’aurai fait ma visite à Claremont et donné une matinée à l’exposition, je serai quitte. Le très peu de personnes que j'ai vues me prouvent que les lettres de Gladstone ont fait ici beaucoup d'effet, et de mal. On vient de me les envoyer. Je ne veux écrire à Lord Aberdeen qu'après les avoir lues. Adieu. Adieu, Duchâtel et d'Haubersaert repartent ce soir. Dumon, demain soir. Montalivet avec moi, après-demain. Adieu. G.
N°1 Paris, Mardi 1er juin 1852, François Guizot à Dorothée de Lieven
2 heures
Vous êtes en route depuis six heures. Je voudrais bien savoir comment vous traite le voyage. Je me figure qu’il vous reposera en vous tranquillisant. Je crains moins pour vous la fatigue même que la perspective de toutes les chances. Je viens d'écrire à Marion ; une lettre very impressive, je crois. Je lui persuade que son retour, elle ou Aggy, est pour elle un devoir, et pour vous une nécessité. Après avoir écrit, je me suis aperçu que je ne savais pas son adresse. Clothall, c’est bon mais où est Clothall. Je viens de la faire demander à M. Hanguerlot qui me l'a donnée. Il m’écrit que Fanny est très préoccupée de ce qui vient de France et demande à lire toutes les lettres. Il n’y a rien dans la mienne qu’elle ne puisse lire.
Je n'ai, comme de raison, rien à vous mander. Je n'ai vu ce matin que trois anciens conservateurs en retraite braves gens préoccupés surtout de leur conseil général et que la lettre du comte de Chambord contrarie quoiqu'ils n’osent pas s'en plaindre.
On dit que M. Baroche envoyé chercher M. Cornudet et Reverchon, les rapporteurs du conflit au conseil d'Etat, et leur a demandé d'abord, leur avis sur le conflit, puis leur démission, si leur avis était contraire au conflit. Ils ont avoué leur avis et refusé leur démission, disant qu’il fallait qu’on prit la peine de les destituer. Les journaux sont parfaitement vides. Adieu, adieu. Et que Dieu vous garde !
Je vous écris une heure plutôt parce que je vais à l'Académie. G.
N°2 Paris, Mercredi 2 juin 1852, François Guizot à Dorothée de Lieven
9 heures
En revenant hier de l'Académie j’ai vu vos fenêtres fermées et j’ai passé devant votre porte sans entrer. Cela m'a souverainement déplu, j'en ai été attristé le reste du jour. L'affection et l'habitude, ce sont deux puissants Dieux.
L'Académie elle-même se dépeuple. Hier M. Molé, M. Cousin, M. de Montalembert, le Chancelier n’y étaient pas. Barante part demain. Je partirai probablement le 12. Je suis pressé d'aller m'établir dans mon nid de campagne. A défaut des douceurs de la société au moins faut-il avoir celles de la solitude, le grand air et la liberté.
Montebello est revenu hier de sa Champagne. Il l'a trouvée froide, l'humeur renaissant un peu dans les villes et l'indifférence dans les campagnes, mais un grand parti pris de tranquillité. Tant que le gouvernement fera passablement son métier de gendarme et d'homme d'affaires, il n’a rien à craindre, on ne lui demande, et on n'en attend rien de plus. On ne sent nul besoin de l’aimer, ni de l'estimer. Je ne me résigne pas à cet abaissement et du pouvoir et du public.
J’ai rencontré hier M. de St Priest. Toujours le même modéré inintelligent, fait pour être l'esclave des fous de son parti et la Dupe des intrigants du parti contraire. Il avait, m'a t-il dit de bonnes nouvelles de Claremont. Le capitaine, Brayer envoyé à Frohsdorf avec de très bonnes paroles ; il aurait l’air d'en douter, par décence de légitimiste, mais au fond, il y croyait. Il était sûr aussi que le petit article des Débats, sur Changarnier, était faux et avait été inséré, sans l'autorisation du Général.
Je n'ai moi, aucune nouvelle de Claremont. J'en attends ces jours-ci. Je vois que la Reine, les Princes et M. Isturitz sont allés recevoir à Douvres le Duc et la Duchesse de Montpensier. L'entrevue sera assez curieuse entre les nouveau débarqués et la Reine Victoria ; ils avaient bien de l'humeur quand ils ont été obligés de quitter précipitamment l'Angleterre dans les premiers jours de mars 1848. Mais le temps, la chute de Palmerston et l’amitié de la Reine Victoria pas à cet abaissement et du pouvoir et du pour la famille effaceront tout.
Le Constitutionnel publie ce matin, sauf quelques phrases, la lettre de Fernand de la Ferronnays et la commente avec convenance et perfidie. C’est tout simple. Je persiste dans mon opinion. Le comte de Chambord a eu raison, au fond ; sa lettre l’a grandi, lui, et contribuera beaucoup à isoler de plus en plus le président en France, comme votre Empereur l'isole en Europe ; mais il fallait un autre langage ; il fallait se montrer plus touché des sacrifices et des tristesses qu’on imposait à son propre parti, et en mieux présenter les motifs.
Vous m'avez peut-être entendu dire qu’on disait que M. Duvergier de Hauranne allait fonder à Gênes un journal, dans l’intérêt de son opinion. Il paraît que ce n’est pas, M. Duvergier, mais le Roi de Naples qui veut fonder ce journal, intitulé Il mediterraneo, et écrit en Italien quoique rédigé par un réfugié Français ; et ce n’est pas au profit des opinions et du parti de M. Duvergier, mais contre le gouvernement Piémontais qu’il sera rédigé. On en a beaucoup d'humeur à Turin et on y parle aigrement de l’ambition et des intrigues du Roi de Naples.
4 heures
J’ai des nouvelles de Claremont. de bonne source, et malgré votre scepticisme et le mien elles me paraissent bonnes. On se dit décidé à ne pas attendre l'Empire et à saisir l'occasion du retour du Duc de Montpensier à travers l'Allemagne pour faire une démarche décisive. Nous verrons. Le porteur, si vous avez le temps de l'écouter, vous donnera des détails.
Dumon, qui sort de chez moi est très frappé de ce qu’on nous dit. Il paraît que la situation de Flahaut à Londres est bien désagréable. On dit que le 5 mai, la Reine l’avait invité à Buckingham Palace, et qu’il n’y est pas allé, à cause de la date. On a trouvé que, pour Walewski, c'était bien, mais que pour Flahaut c'était trop. On ne l’invite plus dit-on.
Vous ririez bien si je vous disais les inquiétudes que cause à quelques personnes, à quelques uns de vos amis, votre voyage. Ils craignent votre action auprès de l'Empereur en faveur du Président ; ils disent que l’Elysée compte tout-à-fait sur vous. Si l'Empire se fait en votre absence, c’est vous qui l'aurez fait. Adieu.
Ceci vous sera remis demain matin. Je vous écrirai demain à Schlangenbad. Je serai bien content quand je vous saurai arrivée, et sinon reposée, du moins calmée. Adieu. Adieu.
Mots-clés : Académies, Amis et relations, Bonaparte, Charles-Louis-Napoléon (1808-1873), Diplomatie (France-Angleterre), Diplomatie (Russie), Discours du for intérieur, Famille royale (France), Femme (politique), France (1848-1852, 2e République), Fusion monarchique, Mariâ Aleksandrovna (1824-1880 ; impératrice de Russie), Nicolas I (1796-1855 ; empereur de Russie), Politique (France), Presse, Relation François-Dorothée, Réseau social et politique, Tristesse
N°3 Paris, Jeudi 3 juin 1852, François Guizot à Dorothée de Lieven
9 heures
Vous serez arrivée quand ceci vous arrivera, chère Princesse. Je regrette de ne pas connaître Schlangenbad. Pour ma satisfaction pendant votre absence, je vous aimerais mieux à Ems que je connais. Il faut voir ses amis en pensant à eux et on ne les voit qu’en voyant les lieux où ils vivent.
J’ai passé hier ma soirée chez Mad. de Stael. Rien de plus politique que Rumpff et Viel-Castel. Celui-ci triste quand il a donné sa démission, il ne croyait pas la donner pour si longtemps. Dieu a bien raison de cacher aux hommes l'avenir ; ils ne feraient pas la quart des bonnes actions qu’ils font s'ils savaient ce qu'elles leur coûteront. Il est vrai qu’ils feraient aussi moins de sottises. Conversation donc toute littéraire.
Vous n'avez probablement pas lu dans le Constitutionnel, M. de Ste Beuve racontant la passion rétrospective de M. Cousin pour Mad. de Longueville, et sa haine pour M. de La Rochefoucauld, son rival heureux, il y a 200 ans. M. Cousin est très irrité de cet article et en parle comme d’une publication malveillante qui lui aurait fait manquer une bonne fortune à laquelle il touchait. M. de Ste Beuve a proposé, pour son tombeau cette épitaphe : " Ci gît M. Cousin ; il voulait fonder une grande école de philosophie, et il aima Mad. de Longueville. " Vous voyez que les nouvelles manquent tout- à-fait.
On dit que le Président ira en Algérie. Ce serait hardi. J’ai vu hier deux personnes qui arrivent d’Algérie, émerveillés des progrès.
Voilà votre lettre de Bruxelles. Merci d'avoir écrit et dormi. J’espérais bien que le voyage vous reposerait.
On est très préoccupé ici de l’attitude des partis monarchiques. Je coupe pour vous, le petit leading article des feuilles d'Havas d’hier soir. Cela n’est pas écrit pour le public de Paris et la presse de Paris n'en dit rien, mais les journaux des départements le reproduisent et le répandent partout. C'est là le langage qu’on veut parler au public intérieur sur lequel on compte.
4 heures
Jules de Mornay est mort hier soir d’une congestion cérébrale. C'était une bien pauvre tête, et un assez noble coeur. Il m’a fait de l'opposition jusqu’au 24 février, mais depuis, nous étions bien ensemble. Trés fusionniste, et le disant très haut à Madame la Duchesse d'Orléans. C’est une famille bien frappée. En six mois Mad. de Mornay a perdu son père, sa mère, son mari et la fille aînée qui s’est faite religieuse malgré elle. Je vous quitte pour l'Académie. On ne remplit jamais mieux ses devoirs qu’au dernier moment. Adieu.
J’ai bien peur d'être un ou d'être un ou deux jours sans nouvelles de vous. Adieu, Adieu. G.
Mots-clés : Absence, Amis et relations, Bonaparte, Charles-Louis-Napoléon (1808-1873), Conditions matérielles de la correspondance, Conversation, Deuil, Discours du for intérieur, France (1848-1852, 2e République), Fusion monarchique, Portrait, Presse, Relation François-Dorothée, Relation François-Dorothée (Politique), Salon, Voyage
N°4 Paris, Vendredi 4 juin1852, François Guizot à Dorothée de Lieven
9 heures
Hier soir chez Mad. de Boigne. Elle part lundi pour Pontchartrain, et de là à Trouville. Le Chancelier part le 15 pour aller la rejoindre. Il est moins pressé qu’elle de quitter Paris.
Dumon, M. d'Houdetot, M. et Mad. de la Guiche, M. de Lurdes, le général. d'Arbouville, voilà la conversation. Le Général d'Arbouville rentre en activité de service, comme inspecteur général des troupes. Il court toujours des bruits de changements dans le Ministère. C’est Fould et Roucher qui les font courir. Je n'y crois pas.
Les décrets du 22 Janvier leur barrent toujours la porte. La décision du Conseil d'Etat ne peut plus tarder beaucoup. On en parle peu. J'en espère encore moins. Cependant je vois des gens bien informés, qui ne désespèrent pas. On se décide très difficilement en France à tremper dans une iniquité judiciaire. La probité politique Française s'est nichée là. Les confiscations révolutionnaires sont encore un souvenir très odieux et très présent. Le Président ne sait pas cela.
On parlait hier d’une circulaire du Ministère des affaires étrangères à ses agents pour démentir les bruits répandus sur la mission de M. de Heeckeren. Je n'y crois pas. Ce n’est pas un dehors, c’est au dedans qu’on travaillera à discréditer ces bruits. On s'aperçoit qu’ils inquiètent plus qu’ils n'irritent. Inquiétude fort calme du reste, et qui ne se manifeste que dans les raisonnements sur l'avenir. On est, quant à présent, de plus en plus tranquille. Point d'événement en perspective, le commerce en assez bon train, et la dispersion de l'été, il y a là du repos pour le reste de l’année.
2 heures
J’ai eu du monde jusqu'à présent, et je vais à l'Académie des Inscriptions. Les Mornay et les Dalmatie sont venus me demander de dire quelques mots demain aux obsèques. Je le ferai, à cause de la conduite du Marquis pendant et depuis Février 1848.
Merci de votre mot d’hier. Certainement vous êtes moins fatiguée. On parle un peu de la fête de lundi dernier à St Cloud et du Président si attentif à amuser les dames Russes.
C'est décidément M. de Chasseloup Laubat qui fait le rapport du budget. Il y aura fort peu de discussion. On croit que le Conseil d'Etat, acceptera la plupart des réductions demandées.
J’ai rencontré hier deux de vos diplomates qui ont bien envie que celle des 31 000 hommes soit du nombre. Adieu, Princesse.
C'est demain, et peut- être après demain que seront mes mauvais jours. Adieu.
N°5 Paris, Samedi 5 juin1852, François Guizot à Dorothée de Lieven
Je n'ai absolument que deux minutes. Je viens d'écrire mon discours sur le tombeau de ce pauvre Jules de Mornay. Il faut que je sois là avant onze heures. Quand j'en reviendrai, je trouverai chez moi une réunion de membres de l'Académie qui veulent s'entendre pour nommer un secrétaire perpétuel. J’ai à peine le temps de faire ma toilette.
Adieu, Adieu. J’attends bien impatiemment la première lettre de Schlangenbad.
Adieu. G.
Samedi 5 Juin 1852
10 heures
N°6 Paris, Dimanche 6 juin1852, François Guizot à Dorothée de Lieven
Beaucoup de monde hier aux obsèques du marquis de Mornay, des légitimistes, des Orléanistes, des tiers parti des républicains, le Duc de Castres, le Duc de Montmorency, tous les La Rochefoucaud, le maréchal Vaillant, le maréchal Reille, Montebello, Duchâtel & &, au moment où le service allait recommencer, quatre soeurs de la Charité ont traversé l'Église, l’une d'elles était Mlle de Mornay ; elle est allée rejoindre sa mère dans une petite tribune d'en haut ; ses trois compagnes se sont placées près du chœur.
Un de mes voisins s'est penché vers moi, et m’a dit " Elle a pris cet habit comme un jeune homme, par un coup de tête, s’engage dans un régiment. " Tout le monde dit que c’est une personne de beaucoup d’esprit et de distinction. Elle n’est pas folle ; mais elle porte très bien, simplement et dignement, la robe de sœur grise. Sa mère, la fille du Maréchal Soult qui n’a pas, je crois, beaucoup d’esprit est une femme de beaucoup de sens et de courage, passionnée et forte, sentant vivement et supportant tranquillement ses chagrins. Son mari, vivant et mourant, lui en a donné beaucoup. Et par dessus les chagrins, des affaires assez dérangées. Elle les arrangera avec sa part dans la fortune de son père. Le Maréchal laisse environ cinq millions, y compris la galerie qui vient d'être vendue. Le majorat attribué à son fils absorbe à peu près un million. Restent quatre millions à partager. Ce n’est pas énorme.
Mon petit discours a réussi. Il y a trois ou quatre paroles que j’ai été bien aise d'avoir cette occasion de dire.
Personne ne disait là rien de nouveau. On parlait de l'article du Constitutionnel sur la Belgique. Vraiment officiel. Vous avez très bien parlé à Van Praet. Il s'est établi en Europe. quant au droit d'asile politique, des idées, très fausses, pleines de péril et qui finiront par coûter cher aux réfugiés eux-mêmes. Cela date de l'émigration Française, à laquelle les gouvernements Européens portaient un intérêt très naturel et auquel ils se sont abandonnés, sans penser aux conséquences. Tous les autres réfugiés ont profité de ce précédent. Il faudra bien que le bon sens rentre là comme ailleurs. On ne sauvera le droit d'asile politique, qu’il faut sauver, qu’en l'obligeant à ne plus être un droit de guerre, avec inviolabilité.
Il paraît décidé que le Président ira en Afrique. Ses entours le disent. J'en discute toujours. Il faudrait qu’il laissât un régent, serait-ce le roi Jérôme ? J'efface une redite.
On ne croit pas que la session du Corps législatif soit prolongée. Chasseloup fera, dit-on. Vendredi prochain le rapport du budget des dépenses. Ce rapport fera du bruit, le bruit qui se peut faire aujourd’hui. Pas beaucoup mais encore trop. C'est le principal défaut de la situation du gouvernement actuel que le moindre bruit est trop gros pour lui. Il l'a pris trop haut, en fait de silence. Je suis convaincu qu’il pourrait faire beaucoup plus de pouvoir qu’il n'en fait, de pouvoir vraiment réparateur et efficace, en permettant un peu plus d'opposition. La mesure, la mesure, c’est le grand secret de l'art de gouverner. On annonce pour samedi prochain, ou pour le lundi suivant, la délibération du Conseil d'Etat sur l'affaire des biens d'Orléans. Toujours même incertitude.
Adieu, Princesse. Je vous ai vidé mon sac.
Je vais dîner aujourd’hui à la campagne, un dîner d'académie des sciences. Je crois que je partirai samedi 12 pour le Val Richer. Je voudrais bien avoir de vos nouvelles ce matin. Je ne l’espère pas beaucoup. Adieu, adieu.
N°7 Paris, Lundi 7 juin 1852, François Guizot à Dorothée de Lieven
9 heures
Merci de votre lettre de Cologne, et Coblentz qui m’arriva à l'instant. Vous êtes parfaitement aimable de m'avoir écrit ces petits bâtons rompus. J’attendrais plus patiemment des nouvelles de Schlangenbad que je n'espère pas avant après-demain. J’ai frémi de l'aventure de votre malle. Puis, j’ai ri quand vous l'avez retrouvée. Non pas de votre trouble, mais de celui de vos compagnons.
Assez de visites hier avant de partir pour mon dîner de campagne. Paul Daru, Lagrené, St Aignan, le général Trézel &. Les détails qu’on vous a donnés à Bruxelles sur Claremont sont vrais et paraissent décisifs. Le Duc de Montpensier restera là jusqu'au 26 août, et retournera dans les premiers jours de septembre, en repassant par l'Allemagne.
Il est un peu bruit, ici d’une circulaire récente de M. de Persigny, écrite aux Préfets à propos des élections de Maires, Conseils généraux, conseils municipaux et leur enjoignant de s’appuyer fermement sur le peuple source et base du gouvernement actuel. L’idée que M. de Persigny m’a développée, le jour où je l’ai vu chez vous, devient un fait officiel et pratique. Et vraiment il est difficile qu’il en soit autrement. Il faut bien poser sur quelque chose. Je ne crois pas qu’il soit tout-à-fait impossible de poser sur autre chose ; mais il y faudrait moins de passion, et plus de patience qu’on n'est en droit d'en attendre des hommes. Du reste, je ne me préoccupe pas beaucoup de ces velléités de Gouvernement systématique ; de nos jours, les idées, et les paroles ont l’air tranchant et exclusif ; les conduites ne le sont pas ; en fait, il y aura de la modération et de la prudence, et la situation ne se développera que lentement.
Le docteur Véron de ce matin vous amusera. Hier, en vous écrivant, je n'avais pas vu le communiqué du Moniteur. Je l’ai peu compris. Que le président se serve de M. Granier de Cassagnac pour lancer dans le monde telle ou telle insinuation, rien de plus simple ; mais qu’il se croie ensuite obligé de l'avoir ou de le désavouer quand ses paroles font un peu de bruit cela m'étonne. Le bruit sans réponse est la condition, et souvent le moyen des gouvernements.
Je reviens à mon idée ; il y a, autour du pouvoir actuel, trop ou trop peu de silence, trop ou trop peu d'opposition. Si on ne parlait pas du tout, il n'aurait pas à répondre, et si on parlait un peu plus, il ne se croirait pas obligé de répondre. Le juste milieu n’est pas encore trouvé.
On croit que la discussion du budget dans le corps législatif sera très peu de chose. On veut en finir le 29 Juin sans prolongation de la session. Les députés sont au moins aussi pressés de retourner chez eux que le gouvernement de les y renvoyer. Tout ce qu’il y aura de malice, s’il y en a sera dans le Rapport. Mais certainement pour la plupart ce seront des mécontents qui retourneront chez eux.
Adieu, princesse. Soignez vous. Je suis un peu préoccupé, pour vous, des fatigues de promenade, et de conversation. Paris se vide. tout-à-fait. Duchatel et Montebello y seront bientôt tout seuls. Je pars toujours samedi. Adieu.
N°8 Paris, Mardi 8 juin 1852, François Guizot à Dorothée de Lieven
L’avertissement donné par le Ministre de la Police est Constitutionnel et la réponse du Dr Véron feront aujourd’hui encore plus de bruit que n’en faisait hier le premier article du Docteur. Il n'en pouvait guère être autrement ; l’offense était trop rude pour n'être pas ressentie.
On dit que Morny a dit il y a deux mois, quand la loi de la presse a paru : " Vous verrez que le Constitutionnel sera le premier journal supprimé." C’est une question de savoir si le silence de M. Granier de Cassaignac aura pour le président plus d’inconvénient que d'avantage. Il sera moins détendu, et moins compromis. On sera satisfait à Bruxelles. C'est là certainement un témoignage de bon vouloir pour les bonnes relations et un acte de déférence envers la paix Européenne. Je suppose que la Belgique y répondra par quelque mesure un peu efficace pour protéger le Président contre les attaques de la presse Belge ; elle ne peut guère s'en dispenser.
Duchâtel, Charles de La Ferronay, le Général Trézel, Neuvet de Bord, Nisard, Salvandy, tous les Mornay, voilà mes visiteurs d’hier.
Madame de Mornay m'a remercié par quelques lignes d’une fermeté émue et simple qui m’a touché. Elle a autant d’énergie native, et plus de vertu réfléchie que son père. C’est une curieuse chose que la forte et longue préoccupation du Maréchal sur son tombeau. Il y a fait travailler, sous ses yeux, pendant, trois ans. Il n’a pas voulu le placer dans sa terre qui peut passer un jour entre les mains, on ne sait de qui : " Je ne veux pas être vendu avec mon château." Pas même dans l’intérieur de l'Église de sa petite ville de St Amand ; il a trouvé la place trop petite et trop sombre. Il l’a fait construire sur la place publique de St Amand, adressé à l’Eglise et incrusté en partie dans le mur de l'Eglise, pour avoir à la fois la publicité et une sanction religieuse ; puis il a légué une rente perpétuelle aux pauvres de St Amand ; perpétuelle à condition que la commune ferait respecter à perpétuité l'emplacement du tombeau. Si l’on y touchait un jour, la rente cesserait ; en sorte que toute la population de St Amand est intéressée à sa conservation. Le monument est simple et assez grand, en marbre ; il n’y a que deux places, pour lui et sa femme. Il a pris toutes les précautions possibles pour touché. Elle a autant d’énergie native, et leur union dans l'éternité.
Charles de La Feronnay revient de Claremont, disant les mêmes choses. On m’avait mal informé hier. Le Duc de Montpensier et l'Infante en repartent, le 16 Juillet, et non pas après le 26 août. La Reine aurait désiré qu’il attendit jusques là ; il ne l’a pas pu ; l'Infante est grosse et ne peut pas trop retarder son long voyage à travers l'Allemagne. Mad. la Duchesse d'Orléans part, sous peu de jours, avec ses enfants, pour les eaux de Baden, en Suisse ; elle ira de là s’établir pour quelque temps à Interlaken. On dit que ses confidents intimes, M. de Lasteyrie, M. de Rémusat et même M. Thiers iront l’y rejoindre. J'en doute, au moins pour plusieurs.
Mad. de Rémusat, que j'ai vue avant hier, m’a paru avoir d’autres projets.
Adieu Princesse. Je pense avec plaisir que vous êtes arrivée, établie. Je vous désire un beau soleil et un peu de force pour jouir de votre jolie vallée et de vos charmantes conversations, car il y a un grand charme à retrouver les souvenirs et les affections de sa première vie. Ici il pleut et les matérialistes s'en réjouissent. A la bonne heure, pourvu que le soleil revienne quand je serai en Normandie. Adieu, Adieu.
N°9 Paris, Mercredi 9 juin 1852, François Guizot à Dorothée de Lieven
Peu de monde hier. J’ai manqué M. Fould et le Duc de Noailles qui sont venus me chercher. J'étais à l'Académie. Vous vous y seriez horriblement ennuyée ; mais si vous ne vous étiez pas ennuyée vous auriez ri : un vrai tournoi philosophique autour du corps de M. Hegel, feu le grand philosophe de Berlin, on voulait ou l’on ne voulait pas donner un prix à une traduction française de l’un de ses ouvrages son Esthétique. Pour lui MM. Villemain, Ste Aulaire, Salvandy, [?] Marc Girardin ; contre lui, le chancelier, moi, et par grand extraordinaire, M. Cousin d'accord avec moi. Au vote, 9 contre 9.
Je suis sûr que M. de Meyendorff vous dirait à merveille ce que cela signifie, si vous ne vous en ennuyez pas.
Le Constitutionnel fait encore un peu de bruit. Ce sont les ministres qui ont vivement insisté au près du président pour que Granier de Cassaignac fût désavoué. On cite surtout le Ministre de la guerre et le général Magnon. Cela fait honneur à leur jugement. On dit beaucoup que le gouvernement va prendre, à cette occasion, une résolution dont on a déjà parlé ; il fera du Moniteur, un journal intéressant et à très bon marché ; deux parties, l’une officielle l'autre non officielle ; celle-ci contiendra de la littérature, de la polémique, tout ce qu’on voudra pour amuser les lecteurs. Et le journal exempté des frais de timbre et de poste, ne coutera que 40 francs. Grande alarme parmi les grands journaux qui auraient grand peine à soutenir cette concurrence. Voilà, comment on punirait le Constitutionnel qui du reste laissera volontiers tomber sa querelle. On n'a nulle envie de part ni d’autre, de la pousser vivement. Pourtant, il restera du venin.
Mes nouvelles d’Angleterre ne me plaisent pas : mon ami, M. Hallam m’écrit : " In truth. I think ill of our prospects, and it is no consolation that other contries may have more to lament. Lord Derby's ministry have a combination of enemies to encounter, and have diminished their friends honneur à leur jugement. On dit beaucoup by abandoning the protection of corn, which it que le gouvernement va prendre, à cette was wholly impossible to retain. I see no probability of their continuance ; yet what is to replace them ? The tone of advertisements and public meetings, relatively to the next election, is strongly radical, and I anticipate changes of a constitutional nature, much for the worse, in the next year or not much later. The remains of sir R. Peel's party are more hostile to Lord Derby's than they ought to be, but are to weak, even in conjunction with Lord John Russell, to stand against the waves of democracy. I pity our poor Queen, who has much to dread in her future life though her personal popularity may be of some service in checking the republican spirit. "
Je suis frappé de la coïncidence de ces paroles avec celles de Croker ; un vieux Tory et un vieux Whig du même avis, et de la même alarme. Je me méfie de la vieillesse ; elle est triste et découragée. Mais ces deux vieillards sont deux esprits très éclairés, et Hallam est parfaitement désintéressé. Pourtant mon instinct persiste à espérer mieux de l’Angleterre. Adieu. Je sors de bonne heure pour rendre les visites que j'ai manquées.
J'espérais un peu une lettre ce matin. Vous m'avez sûrement écrit, Dimanche. Faut-il donc quatre jours à une lettre pour venir du Schlangenbad ? J’ai eu hier de vos nouvelles par Trubert qui a trouvé son voyage parfaitement agréable. Je sais qu’une voiture de l'Impératrice vous attendait à Biberich et vous a emmenée sur le champ. Adieu, Adieu.
Avez-vous des nouvelles de Marion ? G.
N°10 Paris, Jeudi 10 juin 1852, François Guizot à Dorothée de Lieven
2 heures
J’ai eu du monde jusqu'à présent, M. de La Farelle d’Escayrac, de La Tournelle, le Duc de Noailles, Liadières, Berryer, Dumon. Tout le monde dit toujours la même chose. Le Constitutionnel seul ne dit plus rien.
On dit que M. Véron s'est donné le divertissement d’inviter à dîner des généraux, des sénateurs, par des cartes calquées sur le modèle des invitations du Président, et dans sa maison de campagne d’Auteuil, la Tuilerie, que vous connaissez. Seulement il a supprimé la et mis simplement Tuilerie. A ceux qui font des impertinences sérieuses, on en prête de frivole. Cet incident dure encore. Les ennemis s'en amusent. Les gens sensés s'étonnent que le Président se brouille si aisément et si vite avec les amis. Il a l'indifférence fataliste ; confiant dans le mérite et le succès de son idée, il ne s’inquiète pas des instruments ; s’il se prive des uns, il en trouvera d'autres ; si les habiles ne veulent pas l'aider, les médiocres y suffiront.
Voilà l'explication. Voilà enfin une lettre, le N°4 de Dimanche 6. Il faut donc quatre grands jours de Schlangenbad ici ; et cinq quand je serai au Val Richer, c'est-à-dire Dimanche prochain. J’espère que vous aurez pensé à m'adresser là vos lettres.
J’aime à vous savoir établie. Vos premières entrevues vous auront émue. C'est sur M. de Meyendorff que je compte pour vous donner du mouvement sans fatigue. Une bonne conversation anime, et repose à la fois.
Ce n'est pas pour les enfants, c’est pour elle-même que Mad. la Duchesse d'Orléans va à Baden d'abord, puis à Interlaken ; et c'est le Dr Chomel qui l’y envoye. Il revient de Claremont ; il a trouvé la Duchesse d'Orléans souffrante, toussant beaucoup la poitrine et les nerfs ébranlés ; il lui a ordonné Baden et puis des bains de petit lait.
Berryer me paraît content de son voyage mais très frappé du ferment révolutionnaire qui gronde, toujours un Autriche, et qui absorbe les forces répressives du gouvernement, sans que la répression pénètre au delà de la surface ; on vit, mais on ne guérit pas. Je ne connais pas l’Autriche. En France, je suis sûr qu’on peut guérir ; je n'ose pas dire qu’on guérira.
Le comte Strogonoff est venu me voir hier, passant par Paris pour aller conduire sa femme à Vichy. Je lui ai demandé s’il n'allait pas à Bruxelles. Il m’a répondu qu’il n'en avait pas été question, quoiqu’il n’y eût maintenant aucun obstacle, les officiers Polonais étant tous congédiés.
3 heures et demie.
J’ai été interrompue par des arrangements de départ. Je vais faire quelques visites au lieu d'aller à l’Académie. Adieu Princesse. Il pleut constamment ici. Pour vous à Schlangenbad et pour moi, au Val Richer, je demande du soleil. Adieu, adieu. G.
N°11 Paris, Vendredi 11 juin 1852, François Guizot à Dorothée de Lieven
On nous inquiète ici sur l'état intérieur de l’Autriche ; on dit que l’esprit révolution naire y est toujours très fort, et que le gouvernement reste moralement faible depuis la mort du Prince de Schwartzenberg et disposé à se conduire comme les gouvernements faibles, des concessions et des ajournements partout. Que faut-il croire de cela ?
Je suis frappé de l'échec du Cabinet Anglais à propos de la motion de M. Horsman. Vous ne l’avez peut-être pas remarqué. C’est un symptôme positif de l'accès de ferveur protestante qui va présider aux élections. Il en résultera une nouvelle décomposition des anciens partis anglais. Les Torys étaient les Protestants par de excellence ; l’esprit protestant était dans le peuple leur point d’appui contre l’esprit révolutionnaire ; ils ne peuvent plus, ou ils ne savent plus, ou ils n'osent plus s'adosser fortement à ce point d’appui-là. Ils seront sans force, dans les masses, contre les radicaux politiques. Je crois qu’il y avait moyen, pour eux, de rester énergiquement Protestants sans persécuter les catholiques. M. Pitt trouverait, ce moyen là. Mais M. Pitt est mort, décidément mort. Toutes mes craintes anglaises viennent de là.
Votre N°5 qui m’arrive à l’instant m'inquiète un peu malgré vos résolutions d'impolitesse, vous serez plus polie que vous n'êtes forte, et vous vous fatiguerez. Vous aimez les Princes, Dieu s'amuse à vous en donner plus que vous n'en pouvez porter.
J’ai rendu à M. Fould sa visite, sans le trouver aussi. Il venait de partir pour Fontainebleau, avec le président, je suppose. Ils sont toujours très bien ensemble. On parle de quelques changements ministériels, partiels et politiquement insignifiants. Le ministre de l’instruction publique, M. Fortoul serait remplacé par l’un de ses prédécesseurs. M. de Parieu. On prononce le nom de M. Nisard, homme d’esprit et de mes amis, vous savez. Il est, je crois, en bons rapports avec M. de Maupas. Je ne sais rien de plus, et je ne crois pas qu’il y ait rien de plus à s'avoir.
Nous entrons décidément dans la saison morte. Tout le monde s'en va et se tait. Il n’y a plus que les évêques qui parlent, et qui se disputent. Voilà M. l'archevêque de Rheims et M. l’évêque d'Orléans aux prises sur le Christianime ou le Paganisme des livres classiques. Et l'Univers, chassé des séminaires du diocèse d'Orléans, régnera dans ceux du diocèse de Rheims. Est-ce que nous aussi, nous échangerons les querelles politiques contre les querelles religieuses ? Adieu. Je crains bien quelque trouble dans nos lettres à l'occasion de mon départ pour le Val Richer. Mais vous y aurez pensé. j’espère. Adieu, Adieu. G.
N°26. Val-Richer, Lundi 28 juin 1852, François Guizot à Dorothée de Lieven
Vous vous rappelez la réponse de Mad. la Duchesse d'Orléans à son frère qui s'alarmait, non sans raison du sort auquel elle pouvait être réservée en France. " J’aime mieux être un an Duchesse d'Orléans à Paris que passer ici ma vie à regarder par la fenêtre qui entre dans la cour du Château."
J’ai toujours trouvé que c’était là, une de ses meilleures, et même de ses plus sensées paroles. Si on m’offrait mille ans de la vie d’une huître, certainement je n'en voudrais pas. Vous verrez bien en réponse à quelle lettre, et à quelle rencontre de vous ceci est dit.
Je voudrais bien savoir si, en quittant Schlangenbad le 30 vous aurez quelque certitude sur Aggy.
J’ai des nouvelles de Barante, rétabli chez lui après avoir passé quelques jours chez sa fille en Bourgogne. Il m’écrit " Sur la situation politique, l'indifférence est complète ; on ne sait rien que ce qui est dans les journaux et il n’y a pas une grande curiosité d'être mieux informé des dessous de cartes et des conjectures. Pourtant cette inertie des esprits n'est ni confiante, ni bienveillante. Le projet d'imposer les voitures, les chevaux, les chiens plaisait assez aux gens de la campagne ; dans les villes, même les plus petites, on en jugeait tout autrement, et l’on comprenait ce que le luxe fait gagner à l'industrie et au commerce. Quant à l'impôt sur le papier, et bien plus encore l'accroissement du droit de mutation des terres le mécontentement était plus général et plus vif. Le budget sera la pierre d'achoppement. Si le pouvoir ne se compromet pas par de grosses et aventureuses fautes, s’il suit une route de prudence, ce qui nous restera de libertés et ce que nous en pourrons reconquérir nous viendra par les nécessités financières. Cela est d’autant plus probable que l’usurpation du pouvoir absolu a évidemment eu pour principal motif, le désir de jouir tout à son aise de notre argent."
Je vous envoie les phrases telles quelles et je vous demande pardon des mots qui s'y trouvent, pouvoir absolu, nécessités financières, libertés. C'est par faiblesse et pour ne pas entrer en longue discussion que je vous demande ce pardon là, car à vrai dire, je ne trouve pas qu’il y ait pour vous ni pour un Russe quelconque, le moindre motif à ce que ces mots-là vous déplaisent. En Russie le pouvoir absolu est évidemment la garantie des libertés, des nécessités financières de toute la civilisation ; sans votre Empereur et son pouvoir absolu, toute votre nation serait la proie, de je ne sais combien d’anarchies et de tyrannie. Je ne connais pas de plus grand et plus beau rôle que celui de votre Empereur chez lui, il est le protecteur de la justice, de la civilisation, des droits des petits, aussi bien que de l’ordre et des droits des grands, en Europe, il est le patron de la paix et l'adversaire tranquille des révolutions. souverain absolu et point ambitieux ; absolu pour le progrès de ses peuples, et puissant pour le repos de ses voisins. C’est une combinaison de grandeurs diverses, jusqu'ici sans exemple, et on dirait que la révolution de Février a été faite pour leur donner l'occasion de se déployer. N'en veuillez pas aux libéraux de ma sorte et ne vous méfiez pas de nous, votre Empereur n'a point de spectateurs qui le comprennent mieux, ni qui l'admirent davantage, ni qui lui portent plus de reconnaissance pour ce qu’il fait depuis quatre ans. Certainement, si j'étais Russe, je me tiendrais pour fou de faire de l'opposition. Mais je ne suis pas Russe, et la France n’est pas la Russie, et pour être en France anti-démagogique, anti-révolutionnaire monarchique et conservateur, il faut être libéral comme je le suis.
Adieu, Princesse. Je ne finirais pas si je vous disais tout ce que j'aurais à dire sur ce sujet-là. Adieu, adieu. G.
N°27. Val-Richer, Mardi 29 juin 1852, François Guizot à Dorothée de Lieven
Nous allons être encore bien plus sans nouvelles ; le corps législatif finit aujourd’hui. Il ne venait rien de là, mais on en attendait toujours quelque chose. Les feuilles d'havas disent que M. de Montalembert peut bien faire imprimer et distribuer, à ses frais, son discours, mais qu’il ne peut pas le faire vendre chez des libraires, car alors ce ne serait plus à ses frais. J’ai vu que votre pauvre favori Mérode avait perdu un enfant.
N'ayant point de nouvelles à recevoir ni à donner, je travaille ; je vis, avec Cromwell, et les républicains anglais, d’il y a deux siècles. Je les aime mieux que ceux d'aujourd’hui, quoique je ne les aime pas du tout. Si je ne suis pas dérangé, comme je l’espère, j'achèverai bien des choses cet été.
Je suis très aise de la douce impression que vous rapporterez de Schlangenbad sur votre impératrice ; mais je suis fâché de celle que je vois percer en vous sur ces deux pauvres petites Ellice. Vous n'êtes pas juste. Vous avez de l’amitié pour elles, mais ce n’est pas par amitié pour elles que vous les désirez près de vous ; c’est pour vous-même. Elles ont de l'amitié pour vous et elles se trouvent très bien près de vous ; mais leur soeur est plus malade que vous, et bien plus isolée que vous sans elles. Elles ont toujours vécu toutes les trois ensemble, et si elles doivent rester de vieilles filles ce sera en vivant ensemble qu'elles supporteront le mieux leur solitude, et leur vieillesse. Elles pensent probablement à tout cela, et elles sont perplexes. Comme agrément et amusement, elles sont infiniment mieux chez vous que chez elles. Pourquoi donc sont-elles perplexes ? Uniquement par sentiment des devoirs et des affections de famille, et par prévoyance de leur propre avenir. J’espère que l’une d'elles viendra vous retrouver ; vous en avez besoin, comme vous dites, et vous ne trouverez jamais aussi bien qu'elles ; mais soyez juste pour elles, et ne gâtez pas d'avance, par des amertumes de coeur que vous ne cacherez pas longtemps la douceur et le plaisir que vous trouvez dans leur société.
J’ai des nouvelles de Duchâtel, de Vitet, de Mallac, d'Arnaud Bertin, de Molé. Ils n'en savent pas plus que vous et moi. Molé est occupé de la querelle des Évêques, et de l’abbé Gaume sur les livres classiques Païens ou Chrétiens. Je viens de lui écrire quelques lignes de condoléance sur la mort de sa soeur. Je ne crois pas que ce soit pour lui un vif chagrin.
Je n'ai pas entendu parler du duc de Noailles, il est à Maintenon mettant en ordre les lettres de Mad. de Maintenon et cherchant à grand peine les dates qu’elle n’y a pas mises, car vous n'étiez pas là pour la corriger de ce défaut.
Albert de Broglie est revenu d’Angleterre, ramenant sa soeur, son père, qui était allé passer quelques jours en Alsace pour les affaires, est de retour à Broglie. Ils y vivent très paisiblement et très solitairement.
Il n’y a pas encore beaucoup de monde à Trouville ; mais on en attend beaucoup du beau monde ; toutes les maisons sont louées Mad. de Boigne et le chancelier y sont établis. Voilà les nouvelles de ma province, à défaut de Paris.
11 heures
Voilà votre N°21. Grâce à Dieu l'ordre est bien rétabli. Adieu, Adieu. G.
N°28. Val-Richer, Mercredi 30 juin 1852, François Guizot à Dorothée de Lieven
Vous n'aurez que deux lignes ce matin, uniquement pour que vous ne soyez pas sans nouvelles ; j’ai une forte migraine et des visiteurs qui repartent ce soir et me prennent tout mon temps. Je voudrais bien savoir Aggy près de vous Aggy et du soleil. Mon facteur n’est pas encore arrivé.
11 heures
Voilà votre N°22. Long et par conséquent bon, comme preuve de santé et comme contenu. Celui-ci ne le vaut pas. Adieu. Adieu, à demain. G.
N°29. Val-Richer, Jeudi 1er juillet 1852, François Guizot à Dorothée de Lieven
Mon petit homme m’a dit que vous auriez certainement Aggy . Comment ne me l’avez vous pas dit hier ? Je voudrais bien être sûr qu’il dit vrai.
On a été frappé de la majorité qui s’est prononcé, dans le corps législatif, pour l'impression du discours de Montalembert. Tout le monde dit que la session qui vient de finir ne peut pas se recommencer et que la prochaine sera différente. C’est téméraire de le dire car personne ne sait où l'on en sera à l'époque de la session prochaine, dans neuf mois ! Cependant je trouve que le message du Président, indique qu’il a lui-même le sentiment que sa machine n’a pas bien fonctionné et que la session prochaine devra en effet être différente. Il l'a dit presque ouvertement, et très convenablement, sans fanfaronnade, et sans complaisance ; il a l’instinct du ton du pouvoir. Nous verrons s’il a réellement l’instinct du pouvoir. Ce serait bien le moment.
L’Europe est évidemment dans l’une de ces époques critiques où l'habileté des gouvernants peut décider, pour un assez long temps, de l'avenir. L’esprit révolutionnaire a beau être encore très fort ; il est bien malade, car il est décrié ; il a été naguères le maître, et il n’a rien su faire, rien de bon, ce qui est fort simple mais rien non plus de hardi et de grand, même mauvais ce qui lui arrive quelquefois. Evidemment la balle revient à l’esprit de gouvernement ; saura-t-il la saisir et la manier ? Démêlera-t-il bien ce qui se peut et ce qui ne se peut pas, ce qui suffit et ce qui ne suffit pas ? C'est là l'art et le secret.
J’ai des nouvelles d'Aberdeen décidément la question religieuse dominera dans les Élections anglaises. Popery or not Popery ! Voilà le résultat de ce qu’a fait la cour de Rome en Angleterre et du coup de tête du cardinal Wiseman. Je suis et je reste protestant ; mais je ne veux point de mal à l’Eglise catholique, tout au contraire. Je suis convaincu qu’elle peut seule reprendre l'influence religieuse et relever moralement la société dans les pays qui sont restés catholiques, et qui ne se feront certainement pas protestants. Mais je crains un peu que l’Eglise catholique, n'ait perdu les qualités qui l’ont jadis distinguée et qui ont tant fait pour la force, la connaissance, des temps et la mesure. Je trouve qu’elle n’a pas l’air de comprendre du tout ce temps ci. Elle se remue beaucoup partout ; elle tracasse ici les gouvernements, là les peuples, mais ce sont de vieilles tracasseries, toujours les mêmes, et qui indiquent, dans les chefs catholiques, une grande ignorance, non seulement du temps actuel et de l’esprit des nations, mais du temps passé et de leur propre histoire. Ils se souviennent de ce qu’ils ont été ; ils ne savent plus par quelles voies ni à quel prix ils étaient devenus ce qu’ils ont été. Je serais bien fâché que l’Eglise catholique fût déchue à ce point ; le monde à besoin d'elle car elle y tient encore une place qu'aucune autre église Chrétienne ne peut prendre. Et il faut que le monde reste, ou devienne, ou redevienne chrétien.
Soyez sûre que si ces affaires là ne vous intéressent pas, vous avez tort ; ce seront certainement de grandes, et peut être les plus grandes affaires des temps qui s'approchent.
10 heures et demie
Je reçois le N°23, et les extraits qu’il contient et qui sont intéressants. Adieu, adieu. Je ne sais où vous recevrez ceci. G.
N°29. Val-Richer, Vendredi 2 juillet 1852, François Guizot à Dorothée de Lieven
Voici une lettre de Marion qui ne vous plaira guères. Vous en savez certainement déjà une partie ; elle vous a écrit, me dit-elle, qu’Aggy ne vous rejoindrait qu'à Paris. Il faut que vous sachiez le tout. Je ne sais si vous auriez mieux aimé rester sur le Rhin avec Aggy que revenir à Paris et l’y trouver ; après le mois que vous venez de passer, vous devez avoir besoin de repos sans solitude, et vous aurez cela à Paris mieux que sur le Rhin. Vous venez d'être très fatiguée et très intéressée ; il vous faut du calme sans vide, il me semble que sur le Rhin, à Baden, Wiesbaden, Ems, n'importe, vous n'auriez ni l’un ni l’autre. Pourquoi n'iriez-vous pas un peu à Versailles, où vous trouveriez Dumon, un peu à Maintenon un peu à Dieppe ? Je parle au hasard ; il n’y a pas moyen de discuter cela de loin.
Fould est un homme d’esprit qui sait se conduire dans le présent, et qui voudrait bien arranger l'avenir. Envie fort naturelle aux gens d’esprit. Mais l'oeuvre est plus difficile.
Je suis fort aise que la rencontre de l'Impératrice, et du Roi Léopold ait réussi, et j’espère que ce sera le prélude de quelque chose de plus et de mieux encore. Soyez sûre que pour toutes les affaires de tout le monde, le Roi Léopold est un homme considérable, et qui ne demande qu’à faire très bien, pourvu qu’il soit un peu bien traité.
Avez-vous remarqué le discours de Lord Palmerston à propos de la motion de Sir Harry Verney sur les missionnaires anglais expulsés de Hongrie par l’Autriche ? Il a rarement été plus perfidement anti-autrichien et plus habile pour plaire en Angleterre. Le coup de patte qu’il a donné en passant à Lord Granville doit être fort désagréable à celui-ci. Palmerston jouira encore un rôle. Je ne sais si le comte de Bual sera très flatté de ses compliments. Aberdeen me dit qu’il part pour l'Ecosse trois jours après la dissolution du Parlement.
J’ajoute un fait à ce que je vous disais hier sur l'importance prochaine des questions religieuses. Il se prépare et déjà, il se commence dans l'Eglise anglicane, une scission pareille à celle qui s’est faite, il y a quelques années, dans l'Eglise Presbytérienne d’Ecosse, c’est-à-dire que l’Eglise Anglicane se coupera en deux, l’une restant officielle et unie à l'Etat, l'autre séparée et indépendante. Et voilà, un M. Gladstone frère, je crois du politique, qui entre dans ce mouvement. Les Catholiques croiront que c'est la reine de l’Eglise anglicane qui commence et ils se tromperont, ne comprenant pas l’Angleterre, ni la liberté religieuse.
11 heures
Votre rhume me déplait. Et par conséquent votre dîner en plein air, même quand on vous regarde manger. Ce régime-là ne vous irait pas longtemps. Je vois qu'ayant Kolb vous retournerez vous reposer dans Schlangenbad solitaire, de Schlangenbad impérial. Adieu, adieu. G.
N°30. Val-Richer, Samedi 3 juillet 1852, François Guizot à Dorothée de Lieven
Mon gendre arrive de Paris. Il n’y a pas la moindre nouvelle. Tout le monde se promène et s'ennuie. Plusieurs mois vont se passer dans cet état. On a été un moment très troublé de l'ombre d'opposition du Corps législatif. Il a été question de le dissoudre. Le décret, dit-on a été signé. On est rassuré. La manie de l'opposition était jadis de supprimer le pouvoir ; la manie du pouvoir est de supprimer l'opposition ; ni l’un ni l'autre ne réussira.
Vous avez passé hier la journée à Stolzenfels. J'espère que vous avez eu le magnifique temps que nous avions ici. Un beau soleil est encore plus beau sur la vallée du Rhin que sur mon vallon. Je suis d’un bon caractère ; j’aime les grandes choses et je jouis des petites.
Je crois que le comte de Chambord persiste à interdire le serment, et il ne peut faire autrement. Ce sont des questions sur lesquelles on peut se taire ; mais quand on parle, il faut bien parler d’une certaine façon, et quant on a parlé d’une certaine façon, il faut bien s'y tenir. Voilà les querelles de Protestants et de Catholiques qui commencent en Angleterre. Ils se sont battus à Stockport. Il se battront peu. Le vent n’est pas à la guerre, à aucune guerre, étrangère ou civile. Ils se querelleront, se dénigreront, se verront.
Est-il vrai qu’on est très préoccupé en Prusse aussi de l’attitude agressive du catholicisme, et qu’on se disposa à ne pas se laisser faire ? Cela paraît dans les journaux, et il me revient que le Roi de Prusse, ses conseillers, ses anciens sujets, toute l'Allemagne protestante, princes et peuples, sont extrêmement sur le qui vive. Ceci influera beaucoup sur la politique.
Je me suis abonné pour trois mois au Moniteur. J’ai voulu voir la métamorphose annoncée. Il n’y paraît pas encore, et on dit qu’il n’y en aura point du tout. Moniteur et autres, tous les journaux sont insignifiants.
Si vous restez sur le Rhin, tout le mois de Juillet, il me semble qu'Aggy pourra aller vous y rejoindre ; c’est le 30 Juin qu’il lui était impossible d’y arriver, à ce que me disait Marion, je crois. Puisqu'elle devait venir vous joindre à Paris dans les premiers jours de Juillet, elle pourrait de là, aller vous chercher sur le Rhin. Du reste tout est difficile pour une personne encore trop jeune pour courir seules.
11 heures
Malgré votre N°25, je vous adresse encore ceci sur le Rhin. Vous me direz quand il faudra cesser. J'étais sûr que votre dîner en plein air ne vous réussirait pas. Je voudrais vous savoir revenue de Stolzenfels, autre plein air, Adieu, adieu. G.
N°31. Val-Richer, Dimanche 4 juillet 1852, François Guizot à Dorothée de Lieven
Il n’est pas huit heures ; le temps est magnifique ; pas un nuage ; le soleil déjà chaud ; assez d’air pour qu’il ne soit pas trop chaud, je viens d’errer une demi heure dans mon jardin, très doucement. J’aimerais mieux y être avec vous ; mais vous n'en jouiriez pas aussi tranquillement que moi. J'oublie beaucoup ce qui se passe hors du cercle de ma vie et de ma vue ; je n’y ai rien à faire, et le spectacle ne m'en plaît pas.
Je ne suis pourtant pas aussi irrité que Molé qui m'écrit " ce n’est pas la faute des circonstances, s’il n’y a rien à faire, c’est la faute de l'abâtardissement des âmes, c'est défaut de courage, c’est enfin ce trait caractéristique de la décadence d’une nation qui lui fait accepter le repos de toute main à toute condition, et réserver ce qui lui reste d’énergie pour se préserver de tous les hasards de l'action. Pardonnez moi cette boutade ; je suis las de tout comprimer."
Je la lui pardonne de tout mon cœur. Il en veut beaucoup à l'abbé Gaume et à tous ces ultra-dévots qui ne veulent pas qu’on apprenne le Latin et le Grec dans les auteurs païens ! Je me laisserais croire Mahométan me dit-il, plutôt que tolérant pour de pareilles absurdités.
J’ai reçu hier du Père Ravignan une admirable lettre sur ce sujet ; il y est aussi prononcé que vous et moi. Il m’apprend en même temps que tout son ordre, y compris le Général est dans les mêmes sentiments. Je vous envoie ce qu’on m'écrit, comme si je savais quand et où cela vous arrivera. C’est un ennui d'écrire au hasard ; je me figure ma lettre courant après vous et vieillissant à la peine.
J'oubliais la dernière phrase de Molé : " Comment se porte la Princesse ? Quand revient-elle ? Malgré ses promesses, elle ne m’a pas écrit. "
11 heures
Je fais ce que vous me dites. J'adresse cette lettre-ci à Paris où elle vous attendra au moins trois jours. Je ne vous écrirai pas demain, à moins de contr'ordre. Adieu, Adieu. Je suis charmé que vous soyez de cœur, si contente de votre voyage. Adieu. G.
N°33. Val-Richer, Mardi 6 juillet 1852, François Guizot à Dorothée de Lieven
6 heures
J’ai eu hier vos N°27 et 28, Schlangenbad et Stolzenfels. J’espère, pour vous, que vous n'avez pas en la chaleur que nous avons ici depuis trois jours ; avec votre fatigue, vous en auriez été accablée. Vous aurez certainement grand besoin de repos. Je suppose que vous arriverez à Paris demain ou après-demain. Vous y aurez bientôt Aggy, si elle n’y est déjà ; la lettre que je vous ai envoyé était positive sur cela ; elle valait mieux pour le présent que pour l'avenir. Votre navigation sur le Rhin a dû être très agréable. J’aime le Rhin, les bons bateaux et la bonne compagnie. Je serais fâché de savoir que je ne reverrai jamais Stolzenfels.
Malgré la saison, vous ne serez pas seule à Paris, on n’y est jamais seul. C'est le lieu où l’on peut le plus se reposer sans s'ennuyer. Vous y avez toujours vos diplomates. Je regrette pour vous Stockhausen. Connaissez-vous son successeur ? Les hommes du nouveau Roi ne vous seront probablement pas aussi familiers, ni aussi dévoués que ceux de l'ancien. Je n’ai toujours point de nouvelles à vous dire. C'est vous qui m'en direz.
Le discours de la Reine d'Angleterre m’a assez plu, quoique trop long. Il est d’un ton tranquille. On aurait peine à y voir, si on ne le savait pas, qu’elle a changé de ministère et de parti.
Je travaille et je m'amuse vraiment à travailler. Je raconte comment Cromwell a eu envie de se faire Roi, et pourquoi il a eu le bon sens de ne pas se faire Roi. Je n’ai pas choisi récemment le sujet et je ne cherche pas du tout les analogies ; mais je m'amuse à les rencontrer. J’ai peine à croire à l'expulsion de Thiers de la Suisse ; les conservateurs suisses ne sont pas si brutaux et les radicaux suisses auraient tort d'être si rancuniers. Il a défendu les corps francs.
10 h 1/2
Voilà votre N°30. Je suis charmé que ce soit fini. Vous en aviez vraiment besoin. Vous êtes cependant plus forte que vous ne croyez. Ce que vous me dites de votre journée du 3 et de votre matinée du 4 aurait lassé je ne sais qui ; et vous ne vous arrêtez-même pas à Cologne vous allez coucher à Aix-la Chapelle, et vous ne savez pas si vous vous reposerez un jour à Bruxelles. Ne dites pas, je n'en puis plus.
Adieu. Adieu. Vous serez certainement demain à Paris, comme cette lettre. Adieu. G.
N°34. Val-Richer, Mercredi 7 juillet 1852, François Guizot à Dorothée de Lieven
Vous arrivez, je pense, aujourd’hui. à Paris. J’espère que malgré votre vaillance. vous vous serez reposée un jour à Bruxelles. Le voyage, par cette chaleur doit vous fatiguer beaucoup. Je regrette que vous ne jouissiez pas de ce temps-là comme j'en jouis. Je me promène dans mon jardin à toutes les heures. La chaleur, et la lumière, c’est la vie. à moins que vous n'ayez tout-à-fait besoin de moi, je n’irai pas vous voir tout de suite. J’attends quelques visites. Je suis en train d’un travail que je ne voudrais pas interrompre. Je me suis promis de finir cet été plusieurs choses que je tiens en effet à finir d'avance dans la vie, et j'ai l'âme encore assez pleine pour désirer que les années qui me restent ne soient pas vides. J’aimerais mieux aussi placer nos quelques jours de réunion un peu moins loin du terme de notre longue séparation. Quand vous aurez un peu entrevu ce qu’il vous convient de faire dans ce moment, vous me le direz, et j'adapterai mes plans aux vôtres.
J’espère bien qu’Aggy ne se fera pas attendre longtemps. C'est bien dommage que la maladie de cette pauvre Fanny’s soit venue troublée vos arrangements avec ses deux soeurs ; ils étaient bien bons pour vous. Vous garderez, je vois, de votre séjour à Schlangenbad. Un agréable souvenir ; agréable au coeur, ce qui vaut mieux que tout ; et aussi comme agrément d’esprit. Je ne suppose pas qu’à prendre les choses, en grand et dans leur ensemble, vous ayez beaucoup appris là ; il n’y a plus de grands secrets ; mais beaucoup de détails intéressants, et qui rectifient les idées. Il n’y a rien de si commun aujourd’hui que les idées vrais en gros et chargées d’erreurs ou pleines de lacunes. Je n’aime pas cela. J’aime à savoir les grandes choses exactement, et par le menu.
Vous ne lisez pas les feuilles d'havas. Je vous assure qu’elles le mériteraient quelque fois. Il y avait hier, sur les prétentions et le ton du gouvernement anglais dans les affaires Mather à Florence et Murray à Rome, un article excellent. On comparait ces deux affaires à celles du général Haynac et du prêtre Achille, et on demandait à l’Angleterre. si elle avait de quoi être si exigeante, en fait de police et de justice. C’était de la justice amère, et dont il ne faudrait pas tirer des conclusions générales, mais de la justice vraie et topique dans l'occasion.
Je suis curieux de savoir si lord John Russell sera élu dans la cité. Cela se décide aujourd’hui. 11 heures Je n’ai pas de lettre aujourd’hui. Je m’y attendais un peu. J’ai bien envie de vous savoir arrivée à Paris et pas trop fatiguée de cette chaleur. Adieu, Adieu. G.
N°35. Val-Richer, Jeudi 8 juillet 1852, François Guizot à Dorothée de Lieven
A part la fatigue les bains de Schlangenbad vous ont-ils fait quelque bien ? Vous êtes-vous baignée régulièrement ? Et l'Impératrice, comment s'en est-elle trouvé ? Le mois de Juillet vaudra mieux que celui de Juin pour des eaux allemandes. Par cette chaleur-là, les environs d’Ems doivent être charmants. Je conserve une impression singulièrement vive des lieux qui m'ont plu, et où je me suis plus.
A mesure que les élections anglaises, approchent, il me semble que leur aspect en plus favorable à Lord Derby. La question sera décidé ces jours-ci. Je veux du bien à Lord Derby quoi que je n'en espère pas beaucoup. Si Lord John ou sir James Graham reviennent au pouvoir ils y feront les affaires des radicaux, ce qui fera, sur le continent, les affaires, soit des révolutionnaires, soit des absolutistes. Ni les unes, ni les autres ne sont les miennes. Ceci ressemble presque à une provocation. Ce n’est pourtant pas mon goût. Je n’aime pas du tout à me disputer avec les gens que j’aime. J’aimerais bien que nous fussions toujours du même avis. Mais puisque vous êtes toujours du même avis que le Prince Charles de Prusse, il n’y a pas moyen.
Il m’est arrivé ces jours-ci de l'administration locale, une question très bienveillante, elle m’a demandé, si je voulois être porté au conseil général dont les élections se feront bientôt, comme de raison, j’ai répondu que non, que je voulais rester en dehors des affaires comme de l'opposition. Je n'ai jamais vu l’horizon plus calme. Pour mieux dire, il n’y a rien du tout à l'horizon. C'est même là le mal principal de la situation. Il faut qu’un gouvernement ait devant lui un avenir. Celui-ci est traitement renfermé dans le présent. C’est là ce que je crains pour lui ; il ne se résigne pas à une portée si courte ; il voudra étendre plus loin la main, et il se fera de mauvaises affaires sans nécessité, si ce n’est qu’il faut avoir des affaires.
11 heures
Je suis charmé de vous savoir arrivée même en compagnie de Juifs, vous devez avoir en effet grand besoin de repos. Je vous ai écrit hier qu'à moins de vraie nécessité, je n'irais pas vous voir tout de suite. Cela me dérangerait vraiment beaucoup. Ne vous tourmentez pas trop de l'avenir quant aux Ellice. J’espère bien que vous n'aurez pas à y renoncer. En attendant, vous allez avoir Aggy. Nous verrons ce qu’il faudra faire pour vous l’assurer, elle ou la sœur. Adieu, adieu. G.
Mots-clés : Autoportrait, Discours du for intérieur, Elections (Angleterre), Mariâ Aleksandrovna (1824-1880 ; impératrice de Russie), Politique (Analyse), Politique (Angleterre), Posture politique, Relation François-Dorothée, Relation François-Dorothée (Dispute), Santé (Dorothée), Travail intellectuel
N°36. Val-Richer, Vendredi 9 juillet 1852, François Guizot à Dorothée de Lieven
Si vous avez vu, ou quand vous aurez vu M. Fould, pouvez-vous me dire pourquoi le Prince-Président (du Sénat) a dit dans son discours d'adieu. " Le Sénat a adopté deux des senatus consultes organiques qui lui sont attribués par la Constitution. " Quels sont ces deux senatus consultes. Je ne m'en souviens pas du tout. Est-ce que la fixation de la liste civile en est un ?
Autre question. Je vois qu’on prépare par tout des fêtes au Président ; Lille, Nancy, Limoges, Bordeaux ce sont trois points extrêmes de la France. Est-ce qu’il ira partout ? Encore M. Fould saura cela.
Je trouve que dans le petit article du moniteur sur les bruits de complot, dans l’armée qui n'ont aucun fondement sérieux." Le mot sérieux est de trop. C'est le premier mot que je relève dans le Moniteur depuis que je m'y suis abonné.
C'est singulier que les mauvaises passions de la vile multitude de Vichy soient encore échauffées au point de s'adresser au Général St Arnaud. Il n’y a pas de mal que les avertissements soient si clairs. Personne n’est plus convaincu que moi que les mauvaises passions ne sont pas vaincues. Le Roi Louis Philippe. me disait souvent : Nous ne faisons que de l'eau claire ; c’est un prophète qu’il faut oui un prophète, quelqu’un qui change les esprits ; Rousseau a rendu les hommes fous ? C'est très bien fait de déployer la force matérielle ; il la faut d'abord, et absolument ; c’est les sine qua non de la victoire ; mais elle ne suffit pas, bien s'en faut ; et quand on l’a, on se persuade trop aisément qu’elle suffit. On est trop absolutiste et pas assez anti-révolutionnaire.
Le Ministre de la guerre fera très bien de bien punir les gens qui l’ont insulté ; mais quand ceux là auront été envoyés à Lambassa, il s'en refera d'autres à Vichy, si on ne sait, ou si on ne peut que punir.
Voilà notre ami Ellice réélu à Coventry, Je n'étais pas inquiet pour lui. Il sait faire ses affaires. Il se serait fait radical s'il l’avait fallu pour être élu. Le caractère de l’esprit révolutionnaire, c’est précisément le regarder tout comme permis et tout comme possible. Ellice en est un peu entaché, tout anglais, tout riche et tout spirituel qu’il est. Je suis bien pressé que vous ayez Aggy. Vous aurez Duchâtel tout le mois de Juillet. Son fils le retient à Paris, jusqu'au commencement d'Août. Je ne sais pas les projets de Montebello.
10 heures
Pas de lettre. Cela m'étonne un peu heureusement j'en ai une de Duchâtel qui me dit qu’il vient de vous voir, et que malgré les fatigues du voyage, vous lui avez paru avoir très bonne mine. Adieu, Adieu. G.
N°38. Val-Richer, Dimanche 11 juillet 1852, François Guizot à Dorothée de Lieven
Avez-vous lu tout le discours de Lord Palmerston à Tiverton ? Certainement un des plus sensés, et des plus spirituels qui aient été faits en ce genre. Populaire et conservateur à la fois. Et si vraiment anglais ! Je tiens pour évident qu’il se prépare à être le chef, ou à peu près, à un cabinet free trade et conservateur. Il a touché à toute les questions Old England, pas de république, pas de ballot, pas de Parlement triennaux. Si, cela arrive ce sera une singulière destinée, un personnage secondaire et malfaisant jusqu'à 70 ans ; premier, et utile en cheveux blancs. Je suppose qu’il ne redeviendra plus ministre des affaires étrangères. Le comble serait qu'Aberdeen le fût dans le même cabinet. Je n'espère pas tout. Jusqu'ici le parti protectionniste me semble bien battu. Et bien tranquillement battu. Ce sont là les vraies défaites. Il y aura du nouveau dans ce pays là. Dieu veuille que ce soit du bon !
J’espère bien que vous trouverez un bon logement à Dieppe. Je me figure que l’air de la mer vous fera du bien. C’est un tonique qui n’agite pas. On dit qu’il y a beaucoup de monde. Il y en a beaucoup partout. Pas de soleil aujourd’hui, et des apparences d’orage. J’ai beaucoup joui de cette chaleur brûlante et brillante. Avez-vous rapporté quelques bonnes paroles, sur vos fils ? Vous les méritiez bien. Avec tout ce que vous m'avez dit de l'Impératrice de son coeur, de son esprit et de son tact, il me semble impossible qu’elle ne veuille pas, et qu’elle ne sache pas vous faire ce grand plaisir.
Je suis charmé que vous n'ayez pas un moment de solitude. On n'est jamais seul à Paris. Le contraire de Londres. Je vous trouve en effet un peu paresseuse, de ne pas pousser un jour jusqu'à Champlatreux. Ce n’est guère plus qu’en une fois, la somme de vos promenades de la journée. Vous êtes encore plus adonnée à vos habitudes que paresseuse ; il vous en coûte de faire ce que vous ne faites pas tous les jours.
11 heures
Votre lettre ne vient pas. En voilà deux qui manquent cette semaine. C'est singulier. à moins que vous ne m'ayez pas écrit tous les jours. A demain donc. Adieu. Adieu. G.
Je viens de vérifier vos numéros. Le 32 m’a manqué. Par conséquent jusqu'à avant hier vendredi 9 vous avez écrit tous les jours. J'attendrai demain impatiemment.
N°39. Val-Richer, Lundi 12 juillet 1852, François Guizot à Dorothée de Lieven
C'est curieux à quel point on peut vivre dans le passé. Je m'occupe des nouvelles d'aujourd’hui, je lis mes journaux par routine, par convenance ; au fond, ce n’est pas à cela que je pense spontanément et avec intérêt l’histoire de Cromwell, et ma propre histoire de 1830 à 1848 voilà ce qui m'interesse, ce qui remplit, et anime mon esprit. C'est dommage que vous n'ayiez pas la même disposition ; je serais bien plus intéressant pour vous. Mais vous m'aimez que le présent vous êtes la contemporaine par excellence.
Que va-t-il arriver en Angleterre ? Vous devriez bien me le dire, car cela, j'en suis curieux aussi, selon ma conjecture, rien de décisifs, quand ils n’ont point de grande entreprise sur les bras et point de grand homme à leur tête, ils savent vivre, modestement au jour le jour faisant petitement leurs petites affaires, et se contentant de ne point faire de grosses sottises. Si le Président a la même sagesse il durera tant qu’il voudra.
Je suis bien aise que les radicaux des corps francs laissent Thiers tranquille à Verrey. Quand les justices providentielles arrivent, mon premier mouvement est la satisfaction. Mais je pense très vite aux personnes à leurs souffrances, à leurs chagrins, et je n’ai plus du tout soif de justice. D'ailleurs, après ses amis ce qu’on aime le mieux ce sont ses ennemis. Je m'intéresse à Thiers. Je ne le voudrais pas puissant mais point malheureux. Je ne vois pas pourquoi on met M. Drouyn de Lhuys aux affaires étrangères à la place de M. Turgot ; il a un peu plus d'encolure diplomatique au fond. Il ne fera ni plus, ni mieux. Passe pour ôter M. Duruffé des travaux public ; on peut avoir là un homme capable ; il y sera utile sans y être embarrassant. Est-ce que M. Magne, qui y était du temps de M. Fould ne serait pas disposé à y revenir ? C'est un homme vraiment capable. Je ne sais pourquoi je vous parle de cela. J’ai vu hier quelqu'un qui venait de Dieppe. Il dit qu’il y a beaucoup de monde, et très bonne compagnie, et qu’on trouve très bien à s'y loger. Mais je ne me fie pas à ce rapport, c’est un homme du pays, moins difficile que vous en fait de logement. Il vous faut la plage, ou près de la plage et un bon appartement dans la meilleure auberge.
Je vous quitte pour attendre plus patiemment le facteur en faisant ma toilette. Malgré la chaleur j'irai faire aujourd'hui une visite à trois lieues, dans un assez joli château. J’ai là un voisin savant, antiquaire infatigable qui ne vit qu’avec Guillaume le conquérant et Bossuet.
11 heures
Je suis bien aise que votre temps soit si plein, et vous savez que je ne me fâche jamais. à demain la conversation sur mon peu de curiosité en ce moment. Si j’avais pu aller à Paris, j’y serais allé pour vous voir plus que pour vous entendre. Je vous écrirai donc demain à Dieppe. Adieu, adieu. G.
[Paris], Dimanche 1er janvier 1854, François Guizot à Dorothée de Lieven
Depuis le 18 Janvier 1838 c’est la 17e fleur que je vous envoie au 1er Janvier. Cette année qui commence m'inquiète. J'y vois moins clair peut-être que dans aucune autre. Plus de ténèbres et plus d’orages que jamais. Que Dieu vous garde et vous laisse ici ! Qu’il vous garde partant, mais vous ne pouvez être bien qu'ici. Adieu, Adieu.
Je viens de me lever. J’ai très bien dormi. Dans deux ou trois jours, à moins d'accident ou de 20 degrés de froid, je reprendrai ma liberté. Adieu.
Dimanche 1er Janvier 1854
Mots-clés : Relation François-Dorothée
[Paris], Dimanche 1er janvier 1854, François Guizot à Dorothée de Lieven
Depuis le 18 Janvier 1838 c’est la 17e fleur que je vous envoie au 1er Janvier. Cette année qui commence m'inquiète. J'y vois moins clair peut-être que dans aucune autre. Plus de ténèbres et plus d’orages que jamais. Que Dieu vous garde et vous laisse ici ! Qu’il vous garde partant, mais vous ne pouvez être bien qu'ici. Adieu, Adieu.
Je viens de me lever. J’ai très bien dormi. Dans deux ou trois jours, à moins d'accident ou de 20 degrés de froid, je reprendrai ma liberté. Adieu.
Dimanche 1er Janvier 1854
Mots-clés : Relation François-Dorothée
[Paris], Dimanche 1er janvier 1854, François Guizot à Dorothée de Lieven
Depuis le 18 Janvier 1838 c’est la 17e fleur que je vous envoie au 1er Janvier. Cette année qui commence m'inquiète. J'y vois moins clair peut-être que dans aucune autre. Plus de ténèbres et plus d’orages que jamais. Que Dieu vous garde et vous laisse ici ! Qu’il vous garde partant, mais vous ne pouvez être bien qu'ici. Adieu, Adieu.
Je viens de me lever. J’ai très bien dormi. Dans deux ou trois jours, à moins d'accident ou de 20 degrés de froid, je reprendrai ma liberté. Adieu.
Dimanche 1er Janvier 1854
Mots-clés : Relation François-Dorothée
[Paris], Dimanche 1er janvier 1854, François Guizot à Dorothée de Lieven
Depuis le 18 Janvier 1838 c’est la 17e fleur que je vous envoie au 1er Janvier. Cette année qui commence m'inquiète. J'y vois moins clair peut-être que dans aucune autre. Plus de ténèbres et plus d’orages que jamais. Que Dieu vous garde et vous laisse ici ! Qu’il vous garde partant, mais vous ne pouvez être bien qu'ici. Adieu, Adieu.
Je viens de me lever. J’ai très bien dormi. Dans deux ou trois jours, à moins d'accident ou de 20 degrés de froid, je reprendrai ma liberté. Adieu.
Dimanche 1er Janvier 1854
Mots-clés : Relation François-Dorothée
[Paris], Dimanche 1er janvier 1854, François Guizot à Dorothée de Lieven
Depuis le 18 Janvier 1838 c’est la 17e fleur que je vous envoie au 1er Janvier. Cette année qui commence m'inquiète. J'y vois moins clair peut-être que dans aucune autre. Plus de ténèbres et plus d’orages que jamais. Que Dieu vous garde et vous laisse ici ! Qu’il vous garde partant, mais vous ne pouvez être bien qu'ici. Adieu, Adieu.
Je viens de me lever. J’ai très bien dormi. Dans deux ou trois jours, à moins d'accident ou de 20 degrés de froid, je reprendrai ma liberté. Adieu.
Dimanche 1er Janvier 1854
Mots-clés : Relation François-Dorothée
[Paris], Dimanche 1er janvier 1854, François Guizot à Dorothée de Lieven
Depuis le 18 Janvier 1838 c’est la 17e fleur que je vous envoie au 1er Janvier. Cette année qui commence m'inquiète. J'y vois moins clair peut-être que dans aucune autre. Plus de ténèbres et plus d’orages que jamais. Que Dieu vous garde et vous laisse ici ! Qu’il vous garde partant, mais vous ne pouvez être bien qu'ici. Adieu, Adieu.
Je viens de me lever. J’ai très bien dormi. Dans deux ou trois jours, à moins d'accident ou de 20 degrés de froid, je reprendrai ma liberté. Adieu.
Dimanche 1er Janvier 1854
Mots-clés : Relation François-Dorothée
[Paris], Dimanche 1er janvier 1854, François Guizot à Dorothée de Lieven
Depuis le 18 Janvier 1838 c’est la 17e fleur que je vous envoie au 1er Janvier. Cette année qui commence m'inquiète. J'y vois moins clair peut-être que dans aucune autre. Plus de ténèbres et plus d’orages que jamais. Que Dieu vous garde et vous laisse ici ! Qu’il vous garde partant, mais vous ne pouvez être bien qu'ici. Adieu, Adieu.
Je viens de me lever. J’ai très bien dormi. Dans deux ou trois jours, à moins d'accident ou de 20 degrés de froid, je reprendrai ma liberté. Adieu.
Dimanche 1er Janvier 1854
Mots-clés : Relation François-Dorothée
[Paris], Dimanche 1er janvier 1854, François Guizot à Dorothée de Lieven
Depuis le 18 Janvier 1838 c’est la 17e fleur que je vous envoie au 1er Janvier. Cette année qui commence m'inquiète. J'y vois moins clair peut-être que dans aucune autre. Plus de ténèbres et plus d’orages que jamais. Que Dieu vous garde et vous laisse ici ! Qu’il vous garde partant, mais vous ne pouvez être bien qu'ici. Adieu, Adieu.
Je viens de me lever. J’ai très bien dormi. Dans deux ou trois jours, à moins d'accident ou de 20 degrés de froid, je reprendrai ma liberté. Adieu.
Dimanche 1er Janvier 1854
Mots-clés : Relation François-Dorothée
[Paris], Dimanche 1er janvier 1854, François Guizot à Dorothée de Lieven
Depuis le 18 Janvier 1838 c’est la 17e fleur que je vous envoie au 1er Janvier. Cette année qui commence m'inquiète. J'y vois moins clair peut-être que dans aucune autre. Plus de ténèbres et plus d’orages que jamais. Que Dieu vous garde et vous laisse ici ! Qu’il vous garde partant, mais vous ne pouvez être bien qu'ici. Adieu, Adieu.
Je viens de me lever. J’ai très bien dormi. Dans deux ou trois jours, à moins d'accident ou de 20 degrés de froid, je reprendrai ma liberté. Adieu.
Dimanche 1er Janvier 1854
Mots-clés : Relation François-Dorothée