Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


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Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris Vendredi le 5 Septembre 1851

Voici Aberdeen. Vous me dites très vrai sur les Débats. Aujourd’hui ce journal est en retraite. Je vous enverrai copie de ce que me dit Beauvale sur Claremont. Le voici ; Marion est expéditive. Comme vous avez bien fait de parler à Claremont. Je suis charmée que les Débats aussi répètent la conversation. Les arrestations font assez d’effet. Il me semble avoir compris que la commission incitait le [gouvernement] à faire des démarches auprès du [gouvernement] anglais.
J’ai vu hier soir des Napolitains. Le [Prince] San Giacomo entre autres ami de mon fils Alexandre. Il arrive de Vienne. Schwarzenberg lui a dit : " Il nous restait une espérance. Un ministre conservateur en Angleterre. C’est fini, L. Aberdeen même fraie avec la Révolution. " Il est impossible de se conduire plus pitoyablement. que ne l'a fait notre ami. Dites-moi que vous lui avez écrit et dit des vérités, de mon côté ce n’est pas fini. Je lui en dirai de bonnes sur sa lettre. What en apology ! Je ne sais vraiment rien. J'ai vu hier Montebello, le soir des diplomates, ils ne savent pas grand chose. J'ai mal dormi, je ne retrouve pas mon équilibre. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris Samedi le 6 septembre 1851

J’ai vu assez de monde hier soir, et un moment Dumon & Vitet seuls. Nous avons parlé de la lettre dans le Times. Ils sont d’avis de regretter les détails de la mise en scène. Il y a peu de convenance à ce récit pris par le menu. Cela m’avait frappée aussi. Je vous crois brouillée avec Claremont dès cette lettre car il est clair que c’est dans vos conversations qu'on aura recueilli tout cela. L'effet est excellent pour la chose essentielle est peut être un peu dommageable pour vous. Je suis étonnée qu’aucun journal ennemi ne relève cela encore. Je ne vois pas ce qu'il y a à faire. Il faut laisser passer.
On rit beaucoup du journal des Débats d’hier. Le Constitutionnel en tire bon parti ce matin. Léon Faucher a dit hier. Les arrestations sont très nombreuses, & les papiers sont trés importants. A quelqu’un qui lui demandait si l’on avait arrêté quelques représentants, il a répondu, pas encore.
Hubner reconnaît parmi les personnes saisies le plus mauvais des assassins du [général] Latour. Je n’ai pas vu Montebello hier. Sa femme allait moins bien. Moi je me plains aussi. Deux nuits sans sommeil. Je ne saurais comprendre cela. Votre petit ami est venu tout à l'heure. Nous avons parlé de ce qui fait le sujet du commencement de cette lettre. Il n'est pas de mon opinion, & il m'y a fait renoncer facilement. Il y avait tant de monde dans ce salon qu’il n’est pas nécessaire de vous attribuer le récit. En attendant cette lettre du Times fait un bruit énorme. Hubner croit qu’elle retentira bien fortement dans toute l’Europe. Quel abaissement pour les Princes ! Je crois la candidature ruinée par là, ce serait une bien bonne affaire. Je ne sais rien de nouveau à vous dire. Thiers est attendu aujourd’hui. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris Dimanche le 7 Septembre 1851

Plus j’y pense, plus je suis contente de ce que vous avez fait à Claremont. Comme cela a éclairé la situation ! & puisque vos princes sont de si pauvres gens, tant mieux que cela soit proclamé. Quelle mauvaise race et comme la bonne aura toujours raison de se défier d'eux.
Carlier a dit hier à [Kisseleff] qu'on a saisi surtout des papiers importants. L’affaire n’ira pas devant le jury. Elle sera jugée plus sommairement. La grande chose à présent c’est les élections. On les veut très prochaines. A la question si cela serait encore cette année, il y a eu doute à cause de mouvement de [communes] du nouvel an, mais certainement cela sera au mois de janvier. J’ai vu hier Hatzfeld, Dumon & Kisseleff. J’avais fermé ma porte aux autres. J’étais trop fatiguée. Hatzfeld est d’opinion que les arrestations sont un prélude. Le public ne s’est pas ému le moins du monde. On peut aller de l’avant & de degrés en degrés faire un coup d'Etat qui n’a pas l’inconvénient d’un coup de tonnerre. Je crois qu’on serait fâché à l’Elysée de voir la candidature Joinville tout à fait morte, car elle sert à effrayer les légitimistes et à les rapprocher de l'Elysée. Quant à nous autres nous sommes très décidément pour le Président. Il n'y a pas mieux, il n’y a pas si bien, il n'y a même personne.
Je n'ai plus entendu parler de Morny. La Redorte est parti depuis plusieurs jours. Je n'ai pas encore fait savoir à Changarnier mon retour. Je le ferai demain. Je vous ai dit qu'il va aujourd’hui à Champlatreux avec Montebello. Molé m'écrit pour me presser beaucoup d'aller le voir. J’irai dans la semaine mais pour quelques heures seulement. Comme vous dites bien sur Lamartine ! J'ai un peu dormi cette nuit, pas beaucoup. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 8 septembre Lundi

Votre lettre sur Aberdeen est excellente. Vous me direz ce que vous lui aurez dit. La mienne est partie, de la tristesse de la part [?] qu'il a à une mauvaise action. Votre observation sur le langage de Changarnier à la Commission me parait bien juste aussi, & neuve. Je ne l’ai entendu faire à personne. Je saurai des nouvelles de lui aujourd’hui.
Hier soir j’ai vu la diplomatie y compris le nonce et mon nouveau favori le Prince San Giacomo. Vraiment charmant. Rien de nouveau du tout. Paris est désert & ignorant. Le Président s’est établi à St Cloud pour la chasse. Constantin me mande qu'on est ravi des ordonnances autrichiennes. L’entrevue entre Le Roi de Prusse & l’empereur d'Autriche à [?] a réussi à merveille. J'écris aujourd’hui à l'Impératrice par une bonne occasion. Adieu ma lettre est pauvre. Je crois que je vaudrai mieux demain. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 9 Septembre 1851 Mardi

Thiers est revenu en très belle humeur, il dit que le pays est bien plus démocratique qu’il ne l’avait cru, mais qu'il s'accommoderait très bien de la forme monarchique recouvrant le socialisme. Il va à Londres. Voilà ce qui m’a été dit hier de source à ce qu’il me paraît. Changarnier est bien animé. Plein de professions de dévouement à la bonne cause. Il met toute la gloire à la servir, mais il ne peut pas affecter cela sans compromettre son élection à la présidence sur laquelle il compte, à quoi il travaille, & qui servira au moins à diviser les voix. On veut lui imposer un certain engagement, obtenir quelque garantie, il est prêt à la donner, il faut inventer, chercher. L'Elysée semble disposé à se rapprocher de Molé, on dit même de Changarnier ; je vous redis ce qu'on me dit et tout cela est encore à l’état de symptômes. Je n’ai pas vu Changarnier. J’ai vu hier Mad. Decazes. Elle est convaincu que Joinville sera élu. Elle dit : " Pourquoi pas ? Ceci vaut mieux que 1830. On ne chasse personne. " On fait aujourd’hui l'opération de la peine au Duc Decazes. Il en a fort peur. Lord Granville est ici. Il est venu me voir hier. Spirituel & doux, & ne m’apprenant rien de nouveau.
Je ne me sens toujours pas bien. Pas de sommeil et très nervous. Adieu. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 10 Septembre 1851

Hier M. de Buttenval, arrivé de Turin. Il est bien noir sur l’Italie. Pas le Piémont là cela va assez bien, & l'on se rapproche un peu de l’Autriche. Mais à Milan, à Florence à Rome, c’est aussi mal que possible. La compression autrichienne arrivée à sa dernière limite dans les deux premières villes. Une explosion, probable. Il ne sait rien sur Naples.
J’ai eu un long tête-à-tête hier soir avec le Général Changarnier. Il a beaucoup parlé et bredouillé, car vous savez que je ne saisis pas tout ce qu'il dit. Il s’est plaint des défiances, des maladresses, du manque d'ensemble dans le parti conservateur. On ne devait pas voter la révision, les départements n'ont été que les échos de la majorité. Elle est donc puissante. Elle pourrait donc faire mieux & autrement qu’elle ne fait. Sur la candidature Joinville il pense comme moi à peu près ; seulement il ne lui préfère pas comme moi le président. Il ne veut ni de l’un ni de l’autre. Et si c’était le Président nous aurions la guerre tout de suite. Il la ferait pour se soutenir. Cela faisait réponse l’indépendance est fort injurieuse pour vous au sujet des lettres sur Claremont.
Je vous écris vite et mal. J'ai les nerfs mal arrangés. Toujours de mauvaises nuits, toujours de l'agitation. Oliffe est revenu hier. Il me trouve changé et mon pouls aussi. Il dit que cela se remettre, mais je ne suis pas entrain de me remettre. J’avais fixé d’aller à Champlatreux aujourd’hui, j'y renonce C'est de la fatigue Adieu. Adieu. Adieu
On a fait hier l’opération à Decazes. Il ne va pas mal aujourd’hui !

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 11 septembre 1851 Jeudi

Je réponds à vos questions. Pas un de mes diplomates n'a encore vu Thiers, Marion seule l’a vu. Elle l'a trouvé engraissé de très bonne humeur. Ses femmes disent qu’elles veulent aller en Écosse. Lui a dit à Marion, qu’il ne s’en souciait pas, & il a joute, je ne veux pas que le Times raconte mes conversations. La vraisemblance est qu'il n’ira pas. Quant à Berryer je l’ai vu hier soir. Il arrivait de la campagne pour avoir aujourd’hui à midi une réunion avec ses ami Noailles & &. Après quoi il s’en retourne de suite à la campagne. Il doute de son voyage à Frohsdorf. Je crois qu’il ne le fera pas.
J'avais hier soir tous mes diplomates & Vieil Castel. Hubner avait eu la veille une audience d'une heure & demie chez le Président. Il en est sorti charmé. Il l’a trouvé plein de sens, & de convenance & d'esprit. Son impression est qu'il est en pleine confiance et sans aucun projet de coup d’état. Il a parlé de Joinville et ne croit pas à ses chances. Il faut l’une ou l’autre condition être légitime ou souverainement populaire. (C'est une autre expression dont il s’est servi, mais à peu près cela) il n’a pour lui ni l’un ni l’autre. Je retourne à Changarnier. Il s’est moqué selon sa coutume à peu près de tout le monde seulement en parlant de Molé il a dit, il ne faut pas que j'ai [?] car dans ce moment il est bien pour moi. Vous ai-je dit que je lui ai raconté la duchesse d'Orléans, se moquant des dîners fusionnistes, & disant Changarnier m’appartient ? Cela l’a piqué un peu et il m'a assez longuement raconté, qu’il ne devait rien aux Orléans.
Hatzfeld le matin. Il est malade et ne sort pas le soir. Il trouve insensé que je veuille me renouveler. Il croit à un hiver très agité mais tranquille dans la rue. Mais vers le premier de Mai si rien n’est décidé, il enverra sa femme en Angleterre, & il me conseille d’y aller alors. Croyez-vous cela vrai ? Voici mon affaire je crois. J’ai envie d’être propre, il n’y a pas assez de péril pour me refuser ce plaisir. Si je n’en avais pas envie, j’ai les meilleures raisons pour ajourner après la crise. Voyons décidez.
Vous aurez soin de me dire comment on adresse des lettres à Broglie. La Duchesse de Maillé est morte hier matin. On dit que c'est une perte. Elle était un centre, et une personne très utile. Montebello va s’établir demain avec sa femme à Beauséjour. Je suis très contente de votre lettre à Gladstone. Soyez tranquille, je n'en abuserai pas. Vous avez encore. été bien modéré. L’article dans l’Indépendance contre vous a fait de l’effet, ce n’est pas dans la correspondance de Paris mais le Leading article. Cela a l'air de venir de la cour. Je vous l’envoie pour le cas où vous ne l’ayez pas. et voici qui je découpe aussi une lettre de Paris sur ce même sujet qui est bien faite / & que je lis à l’instant. Adieu. Adieu

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris vendredi le 12 septembre 1851

Saint-Aulaire est venu hier & Vitet & Montebello, voilà pour la matinée. Le soir je n’ai vu qu’Antonini tout seul. J’expédie d'abord celui-ci. Valdegamas avait dîné chez lui se louant extrêmement du gouvernement français qui met la flotte des Antilles aux ordres des gouverneurs de Cuba. Tandis que le gouvernement Anglais donne raison aux américains. Morny aurait eu une entrevue avec Mallat. Est-ce vrai ?
Ce que je sais c’est que Morny est à la chasse. Vitet était bien sombre. Si on ne convient de rien avant l'Assemblée, la gauche proposera les loix pénales contre les votes illégaux & il sera bien difficile de s'opposer. Changarnier pousser à ce vote tant qu’il peut. Comment entre l'Elysée & les légitimistes n’'y a t il pas quelque rapprochement ? Si cela était, tout pourrait aller. Je suis étonnée que le duc de Noailles ne soit pas venu me voir hier. Il passait la matinée en ville. J'ai oublié de vous dire qu'on a envoyé chercher Falloux. C'est Berryer qui me l’a dit. Montebello serait bien d'avis qu'on s’arrangeât avec le président. Saint-Aulaire croit savoir que le duc de Broglie est en grave blâme des lettres dans le Times. C'est un peu l’opinion de tout le monde. Barante dit que son département est très Joinvilliste.
Vous avez là tous les commérages que je sais. Marion a dîné hier chez Salomon Rothschild en famille avec Changarnier. Mad. (James] seule manquait elle est à [Ferrières]. Changarnier folâtre et disant à Marion qu’elle avait eu tort de nous quitter avant hier. Il n'a de secret pour personne. Sa politique est la plus nette dégagée de tout image. Il est monarchien, & veut un Roi. Il n’a pas dit lequel. Le ton de la maison était hostile à l’Elysée. La Rochejaquelein disait hier à Montebello que sa candidature, qu'il avait traité lui-même de plaisanterie devenait très sérieuse, & qu'il avait déjà au-delà de 600 m. voix ! Le duc de Lévis parle très mal de tout projet de rapprochement avec l’Elysée. Marion a vu hier matin M. Royer, très animé et se moquant beaucoup de Changarnier.
Mes nuits continuent à être mauvaises. Je n'ai pas à me plaindre d’autre chose. C'est bien assez. Le Prince Metternich trouve comme moi la lettre d'Aberdeen pitoyable. Marion est convaincu que Gladstone et peut-être même notre ami n'ont pas été fâché de se réhabiliter auprès des libéraux et de reprendre un peu de la popularité que leur avait fait perdre leur vote sur le bill Catholique. Elle pourrait bien avoir raison. Ma lettre est une vraie mosaïque on m’interrompt. Joaillier & tapissier. Je suis embarquée pour ma chambre à coucher. Il faut aller. Mais j’arrête pour les autres. On m’interrompt. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 13 septembre 1851

Le duc de Noailles est venu hier matin. Il ressemble parfaitement au duc de Broglie. “c'en est fait de la France. Nous périssons, seulement j’aime mieux périr avec le Président qu’avec le prince de Join ville " Voilà toute sa politique. On fait venir M. de Falloux. C'est l'homme utile & convenable si l’on peut faire quelque chose. Mais rien ne pourra être fait que lorsqu'on aura vraiment peur. Peur à l’Elysée, puis dans le camps légitimiste. Ce moment sera la proposition Creton. Si elle passe, ou alors les légitimistes se déclarent. Berryer passe à l’Elysée & dira pourquoi. Mais il faut que l’Elysée prenne en retour des engagements. Si la proposition est rejetée ou écartée, on restera comme on est. Des bruits de coup d’état ont circulé dans la journée. Cela vient de quelques déplacements de régiments. Mad. Royer qui est venue voir Marion était toute pleine de cela.
Le soir Dumon, Kisseleff, Antonini, Mercier. Rien de neuf. Marion me quitte aujourd’hui pour huit jours. D'abord chez les Royer & puis à Ferrières. J'ai un peu dormi cette nuit, mais cela ne va pas encore. Adieu. Adieu. C’est drôle, Barante.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris dimanche le 14 septembre 1851

J’ai vu hier Montebello. Kisselef ; le soir Dumon, Viel Castel, Antonini & Hubner. Celui-ci revenait de Champlatreux où je vais faire visite ce matin. Le Times est toujours un sujet de causerie. On ne me dit pas sur cela tout ce qu’on pense mais au fond on regrette qu'il y ait prétexte à vous attribuer les matériaux de ces articles. & tout ce ce que j’accorde c’est que vous avez peut être trop dit à des bavards. Je crois que la rancune sera longue à Claremont. Andral dit que le duc Decazes est perdu. Saint-Aulaire m’a dit l’autre jour tout le contraire.
Marion me manque et me manquera toute la semaine. Votre fille va être à Hyéres dans une grande solitude, mais le climat. est dit-on charmant. Pas de nouvelle du passeport cela m'inquiète tous les jours davantage. Adieu, vous voyez qu’aujourd’hui je suis maigre.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris lundi le 15 septembre 1851

J'ai mené hier Kisseleff à [?] nous y avons passé deux heures. Je suis revenue dîner chez moi. J’ai trouvé très occupé de ce qui doit, ou de ce qui devrait se passer. S'il voyait le président voici le conseil qu'il lui donnerait. Une présence de cette multitude de partis incohérents voulant les uns une chose, les autres une autre, devant l'impossibilité de parvenir à s’entendre, lui le représentant de 6 millions se croit le devoir et le droit d’aviser & de sauver le pays et il le proclame.
La Constitution est suspendue, la France en état de siège. Il appelle à lui un ou deux représentants de chacun des partis honnêtes du pays. Et dans ce conseil intime on délibère et décide d'une autre forme de gouvernement et puis on l'impose au pays. Tout ceci demande des mesures vives. Ainsi, l’arrestation de tous les meneurs incommodes, [?] Cavaignac & Changarnier. Si le Président ne fait rien du tout, ou s'il fait tièdement, il est perdu et la France avec lui. Il ne faut pas risquer la proposition Creton. Voilà en gros & brutalement l’opinion de [?], je vous prie de ne point me compromettre ni lui. J'ai vu assez de monde hier soir mais je ne sais rien. On s’étonne bien de l’article sur l’Autriche & le Prince Metternich dans Le Journal des Débats. [?] au corsaire ou au charivari de parler de [?] qui arrivent solennellement, mais M. Bertin a vécu dans le monde.
Il n'y a pas un mot de vrai dans tout ce qui est relatif à Metternich, il va à Vienne parce que depuis longtemps il aurait pu le faire, mais il n'a pas été invité. Je suis bien contente de ce que dit le Times sur Gladstone. Morny a vu Mallak mais cela a été sans importance. Après mes insomnies, vient mon estomac. Un grand dérangement. Je n’ai pas de Médecin. Oliffe arrive enfin demain. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 16 septembre 1851 Mardi

Depuis minuit je n'ai pas dormi. Voilà une belle nuit ! Je suis accablée. Comment pouvez-vous penser que Metternich soit aise de l’article du [Journal] des Débats. Si quelque chose pouvait l’empêcher d’aller à Vienne ce serait cet article. C'est un bien mauvais service qu’on lui a rendu là. Il l’aura lu en route. C'est avant hier qu'il a dû quitter le Johannisberg.
Le duc de Noailles est venu hier chez moi tout éploré. Il se rendait à Mouchy de Maintenon où la nouvelle de la mort de la Vicomtesse est venue le trouver hier matin. Elle était morte subitement dans la nuit. C'est encore une perte. pour le parti, & un peu pour le monde. Montebello avait eu le matin par un voyageur des nouvelles curieuses de Claremont. Le prince de Joinville disant que si des troubles survenaient en France il répondait au Constitutionnel en allant en Bretagne planter son drapeau c.a. d. celui de Henry V. La Bretagne étant la province la plus légitimiste de France. Il dit encore qu'on se moque de lui ou qu'on l’offense quand on suppose qu'il puisse jamais accepter d'être président. Ceci vient d’excellente source. On se le redit avec précaution. Le Times effraie tout le monde. Qu’est-ce que c'est que vos Princes ? Je les tiens en grand mépris.
Je n’ai rien à vous dire. La journée s'est passée hier très bien. On avait cru à quelque chose. Le président a été très bien reçu partout. Adieu. Adieu. Voilà encore de l’Indépendance

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 17 septembre 1851

J’ai dormi cette nuit. Si je n’avais pas dormi je n’aurais plus été en état de vous écrire. Hier Rothschild, Kisseleff, Hubner, Mercier. Thiers a dit à celui-ci que le Président resterait probablement. Rothschild est bien orléaniste & il veut à tout prix sortir de la République. Il ne se dit rien de nouveau. J’ai rencontré hier le Président. Je l'ai salué avec empressement et respect. Il a bien répondu : “ Moi, je suis très pour le président.” Baroche a dit hier à Antonini que Sartiges lui mande que Lopez a été tué dans un combat et que cette nouvelle est un grand débarras pour le [gouvernement] américain. Quand on a appris en Angleterre que la France voulait soutenir Cuba, le langage, a changé & on marche comme la France. Je vous dis ce que me dit Antonini, c’est mon rapporteur. Montebello, ira je crois certainement à Claremont avant le 4 nov. Il veut aller dire que si on persiste, il votera contre la proposition Creton. Adieu. Adieu.
J'écris enfin à l’Impératrice au sujet de mon fils. Je perds patience et je [?] à elle. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 18 septembre 1851

J'ai bien certainement adressé ma lettre Mardi comme vous me l’indiquez & comme je fais pour celle-ci. Mes lettres sont toujours mises dans la boîte à 2 1/2. Il n’y a pas de ma faute si vous ne les recevez pas. Voici une nouvelle de Lisbonne de la meilleure source quelqu'un du Palais. [?] est arrivé là chargé de négocier un mariage pour le Président avec la fille de Don Pedro. Vous savez que je vous ai toujours dit que c’était tout trouvé si le Prince Louis se mariait. Mais dans ce moment il n’a à offrir qu’un avenir très menacé. Le gouverne ment français avait donné à Païva une frégate à vapeur pour le mener a Lisbonne. J’ai vu hier soir Dumon Viel Castel & Ribeaupierre arrivés tout frais de Pétersbourg aimable homme.
Quel excellent article hier dans l'Assemblée nationale. Bien rigoureux, bien net. Le pauvre Montebello est inquiet de se femme. Ils sont à Beauséjour. La fièvre a repris de plus fort Voici Saint-Aulaire qui sort de chez moi. Il a vu du monde bien renseigné ce matin. On croit à un coup d'Etat immédiat, tout au moins se croit-on sûr qu’il arrivera avant la réunion de l’Assemblée. Ah mon dieu & moi que faire ? Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris vendredi le 19 septembre 1851

J'ai vu hier M. Fould très longtemps. On ne songe pas à un coup d'État. Il serait sans aucune cause ni prétexte à présent. L'Assemblée se réunira. La [proposition] Creton sera rejetée. La loi pénale pour vote inconstitutionnel sera rejetée. La révision aura au moins la même majorité. Mais alors, le prétexte est trouvé. Devant tant de manifes tations du voeu public entravé par la minorité révolutionnaire, il faut faire. Qui fera ? C’est incertain. L’irrégularité sera commise de l’une ces trois manières : de concert avec l'Assemblée, sans l’Assemblée, ou par le pays. Pourquoi les légitimistes sont-ils si mal pour le Président ? Pourquoi un dédain dans leurs journaux ? Il est sensible aux bons comme aux mauvais procédés. Si on s'approche on sera accueillis. Très disposé à bien recevoir M. Molé moi, mais il faut que quelqu’un commence. (deux fois dans la conversation & sans aucune provocation de ma part) Le Président ne songe pas à se marier. Il n’a point, il n’aura point de dynastie. Il ne se fera pas empereur et l’avenir de la France y songe-t-il ? Henry V hériterait de lui. A part cela, la conversation a été bonne et sensée. Il est parfaitement sûr de son affaire. Le Président n’a qu’à attendre. On lui sait gré de sa patience. Joinville n’a pas de chances et en eut-il tant mieux car c’est cela qui rallie les hommes sensés au président. J’ai parlé de l’Assemblée prochaine, il n’a pas pris cela beaucoup au sérieux on ne peut pas recommencer ce mode de suffrages. C'est une loterie. On peut avoir une chambre rouge tout comme une bonne chambre. Le vote par arrondissement. Il faut revenir à cela. J’en conclus que le coup d’état qui doit se faire embrasserait cette question aussi. Je crois vous avoir répété l’essentiel.
Certainement toute la manière de Fould indiquerait de la tranquillité & de la confiance. Il regrette qu’il n’y ait pas de rencontres. Si on se parlait cela pourrait aller mieux. J'ai manqué hier le duc de Noailles. Je le regrette. Je suis inquiète de Montebello. Il n’est pas venu me voir, & je vois qu'il n'a pas été à la commission. Le voici qui m’a interrompue. Sa femme avait été mal. Elle va mieux j’ai dormi. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris samedi le 20 7bre 1851

Longue visite de Hatzfeld le matin. Très souffrant & très chagrin de l'être. Très sensé à discuter les chances. Il ne croit pas si facile d’écarter les lois pénales, si la [proposition] Creton est rejetée, les légitimistes tranquilles de ce côté, se retourneront de l’autre pour empêcher la réélection. Croyez-vous cela. On parle beau coup de discussions dans le camp légitimiste. Je ne sais rien, je n’ai pas revu le duc de Noailles.
La [duchesse] de Montebello va mieux. Le soir assez de monde et beaucoup de conversa tion sur l'unique sujet. Le nonce est inquiet en pensant que l’armée à Rome peut se trouver Dieu sait en quelles mains dans quelques mois. Je vous envoie Ellice sans presque l’avoir lu moi-même, mais cela me parait curieux, pour l'Angleterre. Renvoyez-moi cette lettre elle appartient à Marion qui ne l’a pas lue. Je ne lui en ai envoyé que la première partie à Ferrières. Elle y reste jusqu’à lundi. Il fait très froid ici. Adieu. Adieu.
J’ai dormi mais je suis mécontente. Ce sera un mauvais hiver. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 21 septembre 1851

J'ai vu hier Morny longtemps. Il venait une querelle, vous quereller de ce qu'on lui a redit qu’il ne voulait plus d’Assemblée. Ce n’est ni à vous, ni à moi qu'il l'a dit. Moi je l'ai deviné à son sourire, on n’est pas bien coupable de dire que Morny rit. Tout ce que cela me prouve c’est qu'il ne pense pas tout-à-fait ce qu’il pensait il y a trois semaines. Certainement il est plutôt sombre que gai. Il ne m’a rien dit que je puisse relever mais mon impression générale est du découragement. Il doit être raccommodé avec le Constitutionnel car il admire fort ses articles politiques. Il ne voit aucun moyen de compter sur le courage de l'Assemblée en supposant même qu'on se rapproche des hommes importants, ce à quoi on ne me paraît pas trop songer. J'ai manqué hier soir M. Fould.
Le samedi je suis en vacances. J’ai été le passer chez la jeune comtesse avec Ribeaupierre & Kisseleff. Aujourd’hui le temps est atroce. Montebello vient tous les jours. Sa femme l’inquiète mais c’est toujours la même chose. Je ne vois rien à ajouter à ma lettre. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris lundi le 22 septembre 1851

J’ai vu assez de monde hier soir, considering le désert. Les deux ministres, mes voisins & le corps diplomatique, & Lord Brougham qui avait déjeuné le matin à Walmart avec le duc de Wellington. Fould est toujours in good spirits. Chasseloup très sensé spirituel. Je n’avais jamais causé avec lui. J’ai trouvé sa manière bonne & le fond très raisonné & bien jugé du nouveau, il n'y en a point. Le Prince de Joinville écrit à beaucoup de marins, & certainement cette correspondance prouve la résolution d'accepter. Fould avait voulu faire un peu clandestinement le voyage ds cristal palace, je crois qu'il y renonce. Les Mouvements de bourse demandent à être surveillés.
Il regrette que vous reveniez si tard. Il est fâché que Molé ne soit pas ici. C'est vrai à la veille d'un si grand événement en revenir que le jour de la bataille, c’est peu prévoyant. Fagel avait vu le Président le matin. Il lui avait paru triste et lui a parlé sur ce ton. Montebello est allé à Châlons pour les commis agricoles. Il ne revient que jeudi. Brougham est en blâme d’Aberdeen comme nous. Mais il n’a pas fait comme nous, il n’a pas osé le lui dire. Ils se sont écrit sans toucher le sujet. Le prince Metternich est reçu triomphalement sur toute sa route dans le midi de l’Allemagne. Bade, Wurtemberg, la plus mauvaise partie. Il arrive aujourd'hui à Vienne. Je ne vois plus Hatzfeld que le matin, il est trop malade pour sortir le soir. Mécontent, triste & un peu noir. Très sensé. Marion ne me reviendra que jeudi. Adieu. Adieu. Comme vous dites-vrai sur Thiers & Ellice !

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Paris le 23 septembre 1851 Mardi

Personne ne sait me donner des nouvelles de M. de Montalembert. En sortant tantôt je passerai moi-même à sa porte pour m'en enquérir. Je ne pourrai vous mandez que demain si j’ai fait quelque découverte. M. Carlier a dit hier matin à un diplomate. " Nous allons bien mal. Si nous avions de nouvelles élections nous serions perdus. " Textuel. l’inquiétude commence à devenir générale. Qu’est-ce que ce sera vers Novembre ?
Jai vu hier soir [Glucesberg] entre autre. Son père est convalescent ils ne sont plus inquiets. On me dit que Thiers est engraissé et de très bonne, humeur. Boutonné quant à la candidature Joinville. Pas d’opinion. Il a passé chez moi hier, sans en trouver. M. Pougoulat /je crois que je dis bien / votera pour la rentrée. des Princes. On dit qu’une grande partie des Légitimistes fera comme lui. Le sort de cette cette proposition est fort douteux et le temps qui coule est à l’avantage de Joinville. Peut-on courir ce risque-là ? Mais les grands hommes se proclament / il n'y a que le petit homme qui soit ici, & il ne perd pas son temps. Dumon était noir hier. Adieu. Adieu.

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Paris le 24 septembre 1851

Hier matin F. Byng. le duc de Noailles. G. Delessert, celui-ci bien triste, bien affecté. Très contre Joinville. Byng ditto. Du reste sur les affaires anglaises un peu de l’avis de la personne à qui il parle. Le duc de Noailles de fort mauvaise humeur, cela est plus saillant que la tristesse. Il venait causer avec le duc de Lévis qui part aujourd’hui pour Frohsdorf comme Molé, Noailles est pour le coup d’Etat. C’est superbe et facile à l’entendre parler. Seulement... Il faut que le Président le fasse seul, personne n’en veut partager la responsabilité. C’est commode. Il ne faut pas dire après cela que c'est le Président qui manque de courage. Les Légitimistes voteront tous contre la [proposition] Créton, mais après si elle est rejetée il leur sera difficile de ne pas voter les lois pénales, ils les voteront donc sous condition expresse qu’elles s'appliquent à Joinville. Le duc Rollin, tous les candidats inconstitutionnels. Voilà donc tout le monde écarté. Alors quoi ? Changarnier. Et Changarnier pour qui est-il ? Tout cela est de la pitoyable conduite. Dumon me disait hier soir que Paul de Ségur arrive de Claremont. La Candidature semble décidée. Le duc d’Aumale est de cet avis. Il est allé à Eisenach. M. A. Bertin finira par appuyer Joinville quoique ce ne soit pas tout-à-fait son goût.
Je regrette que vous ayez quitté Broglie. Il me semble que vous y étiez utile. Mes yeux ne vont pas bien. Voilà mon souci actuel. Marion ne revient que demain. Adieu. Adieu.

Dumon est allé passer la journée à Champlatreux. Montebello revient de Chalons demain. J’ai rencontré hier le Président très triste. Il suivait tout pensif le chemin de St Cloud. Il ne manquait rien. Le cheval se conformait à sa triste pensée. Je trouve comme vous l’article sur la vicomtesse trop, & même beaucoup trop. Vitet ne vient jamais. Je lui fais cependant parvenir des agaceries. À propos, j’ai parlé moi-même au concierge de Montalembert. On ne sait pas son adresse. Pas un de ses gens n'est à Paris. Où demander. Je demanderai cependant encore.

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Paris le 25 septembre Jeudi 1851

J’ai vu hier matin Richard, Metternich et Brougham. Celui-ci me racontait. les fureurs du duc de [Wellington]. A propos de [Lady G. Faxe]. Il a déclaré que si quelqu’un s’avisait de lui parler de cette affaire. Il lui passerait son épée par le corps. Brougham s’est bien gardé de lui en parler. Richard m’a raconté les triomphes de son père partout. Il en est bien touché.
Le soir Changarnier & Berryer. Longtemps seuls à nous trois. Cela n'était pas commode du tout. Aucune sincérité. Grand orateur, grand capitaine, on s’envoyait cela à la figure, et des mots couverts. J’ai été plus franche et deux fois j’ai montré mes préférences pour le Président. Le duc de Berryer était qu'il fallait à la fois écarter les deux concurrents princiers, cela plaisait parfaitement. Changarnier, cela m’a paru à moi ou une bassesse ou une sottise. Ces deux messieurs ne se sont pas dit un mot à part. Berryer est parti le premier. Changarnier avait quitté Ferrières pour un rendez-vous à Paris avec le duc de Lévis. C'est pour cela aussi que Berryer était venu en ville.
J'ai une lettre de Molé aujourd’hui, sur le ton que vous connaissez. " Si le Président entendait ses véritables intérêts." & vous devinez le reste. Molé ne reviendra que pour le 1er novembre. Octobre va être encore bien vide à Paris. (Je crois que c’est le contraire qu'il fallait dire. C'est égal.) Le temps est redevenu bien beau. Je fais deux heures de promenade. Marion revient aujourd’hui. Changarnier est très frappé d’elle. Adieu. Adieu.

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Paris le 26 septembre 1851

Je suis bien triste de votre lettre. Votre pauvre fille me fait une grande peine. On m’a dit hier de deux très bonnes sources 1° que le général Magnan a déclaré au Président qu'il ne devait pas compter sur lui pour un coup d'État. 2° que le Président a fait passer de l’argent en Angleterre. Les propos hier soir n'étaient pas bons.
La duchesse de Marnier part après demain pour son service à Claremont, toute radieuse des excellentes nouvelles de sa province, le Doubs, je crois, pour la candidature Joinville. On cite des lettres de M. de Montalembert dans le même sens, (du fait, pas de la joie.) Thiers a dit hier matin à la Princesse Menchikoff chez qui il va tous les jours. “ Le comte de Chambord est impossible, jamais la France ne l’acceptera. La tentation Joinville n’est pas sûre, mais il faut la tenter, elle a beaucoup de chances, c'est la seule façon de retrouver la monarchie. Mais je conviens que si elle échoue le Prince est perdu & la Monarchie aussi. "
Dumon est revenu charmé de sa journée à Champlatreux. Hatzfeld trouve assez naturel que le Prince de Joinville laisse l'espoir qu'il prêtera serment à la République puisque c'est la seule façon de gagner les votes de la montagne dans la [proposition] Creton. Cette affaire-là se présente tous les jours comme plus graves. On croit beaucoup qu’elle passera dans le public. Le sobriquet de sourd donne de l’intérêt, un petit nom tendre. Je vous répète le bavardage. Et si on bavarde à présent qu’est-ce que ce sera dans quarante jours ?
Changarnier a dit à Marion que dans 15 jours il saurait quelles sont ses propres chances. A propos elle a eu avec lui les scènes les plus drôles. Elle s’est [montrée] soucieuse de ce que vous me dites. Mon pauvre fils attend encore. Il venait d'envoyer ma lettre à Orloff. Les apparences étaient mauvaises au dire du [gouverneur] de la Province le Prince Souvoroff. Vitet est venu me voir hier matin. Spirituel & très perplexe, qui ne l’est pas ? Adieu. Adieu.
Brougham a dîné hier chez Thiers avec Changarnier. Très Présidentielle, mais elle lui a promis de devenir très Changarnier, si lorsqu'il sera président, elle le voit accablé d’injustices & de calomnies, elle sera alors son Don Quichotte enragé. Ceci a fait prendre feu au général et pendant une heure il a harangué avec passion et éloquence. Elle vous amuserait bien, si elle vous racontait cela. Elle est fort drôle. Mad. Rothschild est venue me voir hier pour me la ramener fort engraissée & fort gaie. Gladstone est un fou. Je vous renverrai sa lettre & j’aurais [...]

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Paris samedi le 27 septembre 1851

Dites je vous en prie à votre fille ma vive & sincère sympathie, pour sa douleur. Un semblable malheur m’a frappé à son âge. Quand je me reporte à cette époque de ma vie je ne puis m'empêcher d'un grand remord de n'en avoir pas éprouvé un assez long chagrin. Que de fois depuis j’ai demandé à Dieu une fille, j’ai pleuré cette fille. Pauvre enfant, heureux enfant sans doute. Henriette a plus que je n’avais alors ces sentiments religieux qui font supporter avec douceur les volontés de Dieu, les peines qu'il vous envoie. Elle a plus que moi aussi la réflexion. Marion me prie de vous dire et à votre fille sa plus tendre sympathie. Elle est vraiment touchée de votre affliction.
J’ai vu hier apparaître Bulwer vraiment comme un ghost. Quelle mine ! Il passera sans doute l'hiver à Paris. Les Ministres lui ont fait mille éloges flatteurs, mais Palmerston a été froid. Il demande un autre poste. On ne le lui promet pas. Il ne veut pas retourner en Amérique, & comme je doute qu'on s'emploie en Europe, je suppose qu’il demandera sa pension de retraite. Pacha est venu aussi, on débarquait. Il est nouveau à Pétersbourg & va s’y rendre. Il a voulu tout de suite démentir le bruit qui avait couru qu’il était chargé de négocier un mariage pour le Président, il dit qu'il n'y a pas un mot de vrai. Il parle tristement de son pays. Les septembristes vont tout à l’heure être les maîtres. L'armée est complètement indisciplinée, perdue.
Fould est venu le soir, il y avait du monde nous n’avons pas pu causer. Son dire général est toujours une grande confiance dans le succès & assez de mépris pour tout autre concurrent. Montebello est revenu de Chalons disant que dans la Marne le mouvement napoléonien est irrésistible, unanime. Grande défaveur pour Joinville. Il a causé très longuement avec Léon Faucher, sur les élections d’abord, il lui a dit que le mot d’ordre du [gouvernement] devrait être de voter pour les 446 qui ont formé la majorité pour la révision, & ne pas s’inquiéter de tel ou tel parti. Ceci serait le mot de ralliement. Léon Faucher a gouté cela. On a parlé ensuite de la prorogation. & Léon Faucher a dit que le Président ne l’accepterait certainement pas des mains de l’Assemblée seule, qu’il lui fallait le suffrage du pays. Je trouve qu'il a raison.
Palmerston a fait un bon discours, et habile ; avec de la malice pour n’en pas perdre l'habitude. Comment trouvez-vous la réponse du [gouvernement] napolitain à Gladstone ? Je n’ai pas lu encore. Adieu. Adieu.

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Paris dimanche 28 septembre 1851

J'ai vu Granville, plus questionneur que discoureur. Montebello qui avait reçu de M. Moulien une mauvaise lettre, mauvaise sur la fusion. Le Prince Paul très sourd, très malade, très anti Joinville. L'unanimité sur ce point est remarquable. Si on savait cela à Claremont il est impossible que cela ne fasse pas d’effet. J’ai vu les Delessert aussi. Madame, très vive dans le même sens. Tout le monde en critique sévère de Thiers. Pas de nouvelle de la journée. On est tranquille et on le restera probablement pendant le mois d’octobre.
Montebello part après demain pour Brest où il établit son fils dans la marine. De là il ira probablement rejoindre sa femme à Tours. On s'y transporte. Beauséjour n'a pas réussi. Je n’ai pas vu Dumon depuis jeudi. Il part le 10 octobre pour sa province. Adieu. Adieu.
Voici la lettre de Gladstone. Je l'ai relue. C'est un sot.

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Paris Lundi le 29 septembre 1851

J’ai vu toute l’Europe hier soir mais pas de France du tout. Pas un échantillon. Les Normanby sont revenus engraissés, joufflus & de très belle humeur. Il dit que dans tout le midi on ne connaît que le Président. Il a beaucoup vu là M. Royer, qui s’est dit parfaitement autorisé à tenir le langage de sa lettre. Normanby lui a montré le premier la fameuse lettre de Thiers, il en été abasourdi. [Noailles] n'a pas vu Thiers. Byng dit que Thiers se croit menacé d’être mis à Vincennes. Aujourd’hui le Président vient en ville pour un conseil de ministres. Il fait cela une fois la semaine, une autre fois c’est les Ministres qui vont à St Cloud. Il voit Normanby aujourd’hui.
La Princesse Menschikoff qui voit Thiers, beaucoup, me dit qu’il était, il y a quatre jours encore très inquiet d'un coup d’État. Personne n'y croit aujourd’hui. Je n'ai rien absolument à vous dire. Je suis bien aise que votre fille aille à Rome. C'est une idée heureuse. Elle y aura l’esprit bien agréablement occupé & quant à l'air, il n y a rien de mieux. Adieu.

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Paris le 30 septembre 1851 Mardi

J’ai vu peu de monde hier, mais j’ai su par Marion quelques rapportages. Mad d'Asur lui a fait visite le matin. Et elle a remonté Thiers à dîner chez lady Sandwich. Assise entre lui & M. Royer à table. Il a parlé de Changarnier de ce qu’il eut été s'il avait su se conduire, précisé ment dans les mêmes termes que vous m'en avez parlé le matin & que Marion avait lus. Il n'épargnait rien à la ressemblance. Il n’est pas sûr que le prince de Joinville passe. Le pays est encore fort attaché au nom du Président. Quant à Changarnier c'est risible, le pays ne le connaît pas du tout, il aura pour lui les Légitimistes, & encore.. Beaucoup d’incertitude sur la proposition Creton. Thiers avait dit le matin à Mercier ( qui est venu chez moi le soir) Si Henry V était possible se serait ce qu'il y aurait de mieux peut-être. Mais c’est archi impossible. Le pays, le repousse absolument. Il est impossible. Il nous faut la Monarchie, il ne nous reste donc que la branche cadette, et bien pour faire arriver la Monarchie il faut que le Prince de Joinville soit à la tête du [gouvernement] du pays. Il ne serait pas longtemps président. Tout autre ferait durer la République. Le pays s’y accoutumerait, je ne veux pas de cela. Voilà mes motifs et pourquoi le Prince de Joinville a raison de se laisser faire.
Dumon hier soir était fort noir. On parle de message pour le 4 nov. invitant l'Assemblée à voter la révision à la simple majorité. C’est M. Fould qui avait dit cela à je ne sais qui que Dumon ne m’a pas nommée, le même anonyme ayant rencontré hier aussi M. Granier de Cassagnac celui-ci aurait ajouté et si l’Assemblée recule devant cette illégalité, on casse l'Assemblée. Mais l’armée que dira-t-elle, que fera-t-elle ? Voilà à quoi personne ne répond. On devient très triste très inquiet. Fould a dit que tout s’en allait dégringolant, crédit, ouvrage. & & De raisonnements en raisonnements, on en vient à dire qu’il n'y a que la guerre qui puisse tirer de là. On a tant jasé & si tard que j'en ai très mal dormi cette nuit. Je me lève et il est midi déjà. Bastide & Cavaignac se donnent tous deux pour Joinvillistes.
J'ai fait hier la plus mélancolique des promenades. J’ai été voir Neuilly. Ah quel aspect horrible ! Adieu. Adieu

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Paris le 1er octobre 1851

J’ai vu M. Fould hier soir, très confiant et très sérieux. Je lui ai dit mon inquiétude il s’en est fort diverti. Certainement il y aura un message. On en est occupé déjà. Les intrigues n'inquiètent pas. Quand on verra le travail [?], les fonds baisser, l’agitation & la peur gagner tout le monde, on viendra à [rescipi ?] & on sera trop heureux de se rallier autour du président. Les légitimistes doivent l’aider à refaire des institutions monarchiques. Voilà le langage. En attendant le Prince s'amuse à St Cloud & son entourage s’y ennuie, avant hier gand dîner dans le salon de la Reine. La belle Mademoiselle Montejo & sa mère la duchesse. Un grand concert de 30 personnes. Fould y va à ce qu’il me semble tous les jours.
J’ai vu Dumon hier matin ; il me dit qu'il vous a écrit ; quand il partira, ce qui sera dans 10 jours, je n’aurai plus de causerie française du tout. Kisselef est malade. Hubner & Hatzfeld en voyage. Vous voyez que je suis très délaissée. Je voulais aller à Champlatreux mais c’est fatigant.
J’ai entendu ces jours-ci parler de votre fils avec les plus grands éloges. Il a une grande popularité dans son collège et dans le monde, mais je dois vous dire qu'on vous blâme de permettre qu'il prenne si jeune encore et sans frein aucun, des plaisirs qui ruinent sa santé. Outre que c’est d'une morale un peu relâchée qui étonne de votre part, c’est d'une imprévoyance qui étonne encore plus. Il est dans l'âge où la constitution se forme & s'endurcit. L'ébranler à présent c’est un immense risque. Pensez au malheur que vous avez eu ! Je vous dis là des choses dures mais vraies. Personne n'ose vous dire la vérité, je crois que c’est parce que personne ne vous aime autant que je vous aime. Veillez sur votre fils & retenez le.
Constantin a un nouveau petit garçon. Personne ne m’a parlé de la Belgique, mais il me semble que le ministère n'y est pas en triomphe. Les Ligue ont marié hier leur fils à M. de Talleyrand. Il va célébrer cela très pompeusement et magnifiquement à [Bélocil]. Don Magnifico tout-à-fait. Il est de l'opposition au Sénat. Adieu, car je ne vois pas de nouvelle à vous dire. Adieu. Adieu.

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Paris le 2 octobre

Je me suis trompé en écrivant ou vous en lisant. Je parlais de la lettre du Times dans le temps & vous avez lu Thiers. Je veux ajouter à ce que j'aurais pu vous dire hier ceci. Fould en me parlant de la proposition Creton & de ses chances me dit : moi-même si je ne servais pas ce gouvernement-ci, je me croirais obligé de voter pour la proposition. Et puis Thiers avait dit à Marion en parlant du Président : " Changarnier a eu tous les torts dans la rupture. " Dumon se dit malade. Le soir, il vient chez moi le matin. Il est vrai qu'il a mauvais visage. Il a rectifié le dire de Fould en ce sens. - Si l'Assemblée veut décider la révision à la majorité des voix, je la soutiendrai. - Cela change beaucoup le sens, & rend la phrase irréprochable. vous savez que je parle de messages présumés. Tous les jours les perplexités augmentent c.a.d. dans l’opinion des bavards irresponsables & ignorants.
J'ai vu hier la duchesse Decases. Elle croit que le Président perd. Il me semble qu’elle le désire, le corps diplomatique devient tous les jours plus ardent pour le succès du Président. L'article de Véron ce matin me paraît fort bon. J'avais hier soir Viel Castel, Stratford Canning est très embarrassé. Il avait donné au sujet du chemin de fer à la Porte des assurances que la conduite du Conseil anglais à Alexandrie a démenti. Ce sera un démêlé entre Palmerston & Canning. On refuse à Kossuth de traverser la France et on trouve fort mauvais qu'on lui ait permis de mettre pied à terre à Marseille. Adieu voilà tout je crois. Adieu

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Paris Vendredi le 3 octobre 1851

J’ai vu hier matin Saint-Aulaire & Vitet. Celui-ci un moment seulement. La commission de permanence s’était ajournée au bout d'une demi-heure. On a parlé des discours de M. Léon Faucher. On a décidé qu'on lui ferait des questions à la tribune. Changarnier a dit de Léon Faucher qu’il ne fallait pas le prendre au sérieux. Fould a rencontré hier quelqu’un à qui il a parlé sans beaucoup d’assurance Il avait le langage triste, et a laissé la conviction que la loi du 31 mai serait abrogée. Il a dit que c’était une idée fixe dans la pensée du Président. Selon lui, il n'y a que deux vrais pouvoirs, ou la légitimité, ou le suffrage universel. Il représente et veut représenter celui-ci. Odillon Barrot se met en mesure de redevenir Ministre, car Léon Faucher & quelques autres cesseraient de l’être. Barrière est revenu bien malade encore.
Hier soir longuement seule avec Changarnier. J’ai dit ce qu'aurait dû dire Marion. Vous deviez rester à la tête du parti de l'ordre. Vous avez excité des méfiance. Vous n’avez pas d’armée, où est votre parti ? & & & de trés belles vérités. Il a été très irrité. Ah, je n’ai pas de parti ? Si je parle à l'Assemblée tout le monde m’obéit vous verrez quand j'irai à la tribune. Mais que veut-on de moi. Que j'écrive sur mon chapeau [?] Henry V ? Mais c’est insensé. Je suis perdu & tout le monde l'est avec moi. Est-ce que je n’ai pas assez dit ce que je suis. Je l’ai dit pendant 2 heures en tête-à-tête à Berryer. Il est sorti de là disant : que j’étais très réservé. Ce sont des menteurs. On veut toujours me croire orléaniste. Je ne le suis pas du tout. Je n'ai aucune raison de l’être. Alors il m’a fait un beau morceau sur son élection qui ne dépend que des Légitimistes. Qu’ils lui doivent seulement 400 mille voix & c’est fait, il est entre les cinq. Alors un discours à la tribune racontant ses services. Etranger à la Révolution de 30, à celle de 48, étranger à toutes les batailles sanglantes à Paris. En connaissant de batailles que celles sur le sol algérien, à Paris trop batailles pacifiques, voilà l'homme qu’on présente à la France. Très beau discours que ferait Berryer ou tout autre, & il est nouveau. J'écoutais en toute humilité et attention. Grandes éloges de St Priest, Nettemont, Barthélemy. Grande haine de Berryer. Peu d’estime pour les grands hommes. Grande confiance dans sa popularité en France. Mais Thiers lui-même dit que hors Paris, on ne vous connaît pas en France. C’est menti, il n'y a pas un [?] qui ne connaisse mon nom. Depuis trois ans j'ai rempli la France de mon nom. Toujours haine du Président, de mon Président. Je vous promets que j'empêcherai votre Président de le redevenir. Je ne sais ce que je saurais faire mais je suis sûr d'empêcher. Voilà le ton pendant une heure.
Beaucoup de diplomates sont venus ensuite. Il est resté jusqu'au bout de la soirée. Dumon a voulu causer avec lui. Cela ne prenait pas. A moi il avait dit, je ne suis un candidat qu’avec vous, il ne me convient pas d’aller me proposer à d’autres. Je crois que voilà tout sur Changarnier. J'ai fait l’éloge du Président. Nous n’avons eu qu'à nous louer de lui, politique, honnête, & pacifique. Il est parti de là pour l'appeller le candidat de l'Empereur Nicolas. Enfin cela m’a amusée.
Grasalcoviz est arrivée. Elle a eu hier chez elle. Thiers & Changarnier. Kisseleff va mieux. Que dites-vous de la correspondance entre Londonderry & le Président, c'est impayable. Le temps est laid et froid. Paris vaut mieux je crois que la campagne. La duchesse de Montevago a dîné à St Cloud avant son départ, elle est partie hier, après le dîner on a joué au lansquenet. Elle a gagné deux mille francs au Président dont elle était très honteuse. Adieu. Adieu.
[Changarnier] m’a dit que le duc d’Aumale est en pleine approbation de ce qui s'est fait à Claremont. Il m’a dit encore 1000 contre 1 que Joinville se proclamera candidat. Il n’attend que la proposition Creton. Pour celle-là [Changarnier] croit fermement qu’elle sera rejetée. D’autres pensent le contraire, et disent que si l’exil est levé Joinville annoncera qu’il ne veut pas de la Présidence. Il ne veut que rentrer en France.

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Paris Samedi le 4 octobre 1851

Le duc de Noailles est venu me voir hier un moment. Vous devez savoir que le Comité légitimiste a décidé ces deux choses. 1° on ne choisira pas de candidat avant l’élection de la nouvelle assemblée & l'on pressera cette élection 2° on ne prendra pas pour candidat à la Présidence un nombre qui aurait voté pour la proposition Creton. L’exclusion est formelle, et elle a été formellement annoncée au général Changarnier Il est évident qu'il a repoussé, et qu’il votera pour. Voilà donc qui est fini. Je trouve l'humeur des Légitimistes très tranchante. Certainement ils finiraient par voter pour le Président actuel.
J’ai rencontré Thiers chez la [duchesse Mackikoff], il y est tous les jours & tout le jour pérorant, ne se compromettant pas. Je lui ai dit quelques petite paroles provocatrices il ne s’est pas laissé entraîner. Il est monarchiste orléaniste et puis c’est fini. Très contenu sur les personnes. Enfin je n'ai rien à citer. On ne se battra pas dans la rue, les rouges sont battus d'avance. On se battra beaucoup à l’Assemblée & & & bien amusé comme tout le monde de la correspondance sur Abdelkader. Cela passe vraiment toute imagination ! Je me permets de blâmer la réponse du président. Lamoricière veut [rosser] Londonderry quand il viendra à Paris.
J’ai vu le soir mes diplomates. Je n’ai pas vu Dumon. Il ne m’est pas très fidèle. On ne parle que d'ici. Je ne sais pas un mot sur ce reste de l’Europe. Thiers était bien monté hier contre l'Angleterre. Sur ce point il dit comme tout le monde. Vitel est parti pour 15 jours pour les environs de Dieppe. Narvaez & Bulwer sont les plus grands amis du monde. Celui-ce retourne à Londres. Lady Cowley est fort malade. Adieu, adieu.

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Paris Dimanche le 5 octobre 1851

Je n'ai vu hier personne que Stockhausen & Richard le matin, & Stockhausen & Richard le soir aux français. J’ai été voir les Demoiselles de St Cyr. Il y a un bon acteur. Cela m’a médiocrement amusée. Pas un mot de nouvelle à vous dire.
M. Royer le Ministre de Belgique est revenu de Bruxelles hier chargé d’assurer que le roi est & restera complètement étranger & ignorant de toute l’intrigue pour la candidature. M. Baroche a reçu le comte Batthyany. Je ne puis pas cesser de rire de la lettre de Londonderry. Antonini est parti pour Bruxelles, Hatzfeld va à Berlin, Hubner pérégrine dans le midi de la France. Montebello absent, Dumon va l’être. Il ne me restera rien. Adieu. Adieu. Voilà une belle lettre.

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Paris le 6 octobre 1851 Lundi
Je suis bien aise de ce que vous me dites à propos d'Abdel Kader c'est bon au besoin. Trop long à vous expliquer pourquoi. J’ai vu assez de monde hier mais rien d’intéressant, le comte de Thomas, comme nouveauté. Pas de Français intéressant. Thiers part aujourd’hui pour Valenciennes, dit-il. Une absence de 5 jours. Lamoricière n’est pas allé en Angleterre comme il en avait le projet. Hatzfeld est venu me dire adieu. Il part ce soir pour Berlin.
Malgré tout mon [?] de rester si longtemps sans vous voir, d'autant plus qu’à présent je suis vraiment sans ressource, je ne puis pas regretter votre absence. Il est bon que vous restiez tranquille et loin dans ce moment de bavardage stérile. L’agitation ne sert jamais et elle ôte toujours un peu de la dignité. Quelle pauvre lettre ! Mais je ne sais absolument rien. Adieu. Adieu

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Paris le 7 octobre 1851

Hatzfeld est parti. Je verrai si Brandebourg qui reste chargé d’affaire peut le remplacer pour la lettre au [Ministre] de Prusse à Rome. Antonini est parti aussi, par lui j’aurais pu apprendre où sont les [Rignano ; Brignoles, Durazo, tout cela est, parti. Peut-être Garibaldi pourra-t-il me le dire. Je donnerai à votre fille une lettre pour mon ministre & pour ma nièce Wolkonsky. Je vous écris en croisant Molé un supplice, tant de venir causer que je vais ce matin à Champlatreux. J’emmène Dumon. Je reviens dîner. Pas de nouvelle. J’ai vu Bulwer, ami intime de Narvaez. Mollé a dîné ces jours-ci chez le Président à St Cloud il l'a trouvé très gai. Le Kossuth fait bien de bruit.
Votre refus de passage, & les ovations à Londres, font un grand contraste fort louable pour vous Adieu. Adieu. Une longue lettre d’Ellice que je vous enverrai quand je l'aurai lue. Lord John viendra probablement, à Paris en Novembre. L’assemblée Nationale a un pauvre article sur Abdel Kader. & où a-t-il pris la mission de Londonderry à St Pétersbourg ?

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 8 octobre 1851

J’ai trouvé Molé très bien de santé & imperturbable dans son opinion : que si le Président ne fait rien, il est perdu. Et il est très parfaitement pour le Président. Les articles de l'Union, l’Opinion publique & le Messager édifient sur la candidature Changarnier. Il a refusé de voter contre la [proposition] Creton. On a négocié l’abstention, & je ne sais si l'union s’en contente. Je ne crois pas jusqu’à présent. J’ai vu hier soir beaucoup de monde. & Fould & le duc de Noailles entre autres. Celui-ci aussi grognon & muet qu'il sait l’être. Très insupportable. On fait mieux de rester chez soi. Nous nous sommes querellés sur la lettre du Duc de Nemours. Lui trouve pitoyable qu’un Prince écrive à un journaliste. C’est peut être vrai, mais le genre admis, je trouve la lettre excellente, moins l’hospitalité.
Fould avait comme toujours l'air confiant & gai. Nous sommes restés cinq minutes seuls il était tard. Voici les seules paroles : faire de l'ordre à outrance. Les rouges attendent et espèrent tout des divisions. L'assemblée ne sera pas écoutée, elle est mourante. Mais le Président, il a la puissance, la force. On lui conseille beaucoup d'agir Fould n’est pas de cet avis, cependant ceci ne m’a pas paru définitif.
Mad. de l’Aigle qui revient d'Angleterre a beaucoup vu la famille royale. La reine très fusionniste, mais sans aucune autorité, les princes mal entre eux. Les jeunes disant devant Nemours, si nous avions été à Paris la monarchie ne serait pas touchée. Mad. Joinville mal avec Mad. de Nemours. La première très ambitieuse & gouvernant beaucoup son mari. La reine veut finir dans un couvent.

2 heures le duc de Noailles sort d'ici très content de Carni, il voudrait bien qu’on le prit au journal [Assemblée] nationale. Très content de vos conseils, ce qu’était aussi extrêmement M. Molé à qui j’ai montré hier votre lettre. Soutenir le président. Rester gouvernemental en attendant qu'on puisse faire la Monarchie. L’air est au coup d’état, cela revient de plusieurs bons côtés. Je ne puis plus aller. Mon pauvre Alexandre on lui refuse le passeport et on l’invite à aller au Caucase ! De l’ironie par dessus le marché. Adieu. Adieu.

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Paris le 10 octobre 1851

Pardonnez-moi hier, je n’étais plus en état d'écrire une ligne. J’avais passé ma matinée en allées & venues, consultations & & pour l’affaire de mon fils. Constantin me conseille une lettre à l’Empereur. Je l'ai écrite de suite, je l'ai fait partir. Quel sera son sort ? Je vous envoie la copie. La croyez-vous bonne ? Hélas si elle ne l’est pas, il est trop tard. M. Fould est venu hier matin. Il est décidé pour le maintien de la loi du 31 mai. Il admettrait quelque modification, mais l'abrogation jamais. Un changement de Ministère est très possible. Odilon [Barrot] sera ministre peut être. Pourquoi M. de Falloux ne le serait-il pas ? Il l'a bien été. Les Légitimistes doivent comprendre que leur intérêt est de soutenir le président.
J’ai lu un passage de votre lettre où vous prêchez cela aussi. Cela lui a fait un grand plaisir. Le coup d’état, il n’y a pas de raison pour le faire. Et après tout on a aisément raison de l’Assemblée. Elle reviendra très divisée et très impuissante. La candidature Joinville ne fait aucun progrès. Partout c’est le président qu’on nomme. Grande résolution de faire de la force. On proposera [par exemple] la déportation pour les sociétés secrètes. Voilà à peu près tout ce qu’il m’a dit je vous envoie la lettre d’Ellice, vous me la rendrez par Génie. John Russell [...]

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Paris samedi le 11 octobre 1851

J’ai enfin dormi, et c'est là tout ce que j'ai à vous apprendre. Les journaux sont pleins du bruit d'un changement. Votre petit ami auquel j’ai confié ma lettre hier, a pu vous porter les dernières nouvelles. Moi, je les ignore, entièrement. Je n’ai vu personne qui pût m'en donner. Viel-Castel ne sait ou ne dit jamais rien, & c’est le plus capable de mes visiteurs d’hier. Lasteyrie a parlé avec humeur feinte ou réelle de la conduite des Princes qui font toujours des bêtises. Il a parlé aussi avec une colère très sincère quoique contenu de Changarnier et tout joute sincère parce qu’elle était coutume. Il croit à la réélection du Président. Me voilà au bout.
Mon fils Paul va venir. Je le crois très effrayé. S’il va en Russie, ce sera pour lui bien pire que pour son frère. Et s’il ne va pas dans 6 mois on met le séquestre sur ses biens. Ce qu'il fera probablement sera de vendre ses terres et très mal. Comme il a des capitaux cela ne le dérangera pas. Et pour ce qu'il dépense il restera toujours beaucoup trop riche. Nicolas Pahlen va venir passer l'hiver à Paris. Kossuth fait un véritable événement en Angleterre. Palmerston reculera certainement. Le Morning post l’indique. Le journal des Débats serait-il bien informé à propos de Gladstone Palmerston & la diète de Francfort ? Hubner revient aujourd’hui de Corse. Adieu. adieu
Francfort est vrai. Je viens de l’apprendre à l’instant.

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Paris le 12 octobre 1851 Dimanche

Je n'ai absolument rien à vous dire sur la crise. Je n’ai vu personne hier qui put m'en donner des nouvelles en me rappelant ma dernière conversation avec [Fould]. Je suis portée à croire qu’il y aura modification à la loi, & modification dans le Ministère. Je ne crois pas à [?] tranchée.
J’ai passé 10 heures bien inutilement dans mon lit. Je n’ai pas dormi du tout. Ces insomnies accusent un bien mauvais état de nerfs. Je suis accablée aujourd’hui. J’essayerai de dormir en calèche. Je ne vaux rien pour ce soir, et cependant, il faudra ouvrir ma porte. Montebello est à Passy. Je ne l’ai pas vu encore. Il parait que sa femme n'était pas encore partie pour Tours. Adressez lui donc votre lettre à Paris 73 rue de Varennes. Je serai curieuse de causer avec lui.
Le pauvre Constantin a perdu son second fils âgé de 12 jours seulement. Il répète qu'Alexandre ne peut pas subir un pareil qu arrêt et que l’Empereur ne peut pas l’avoir ordonné. C’est le mot d’ordre, nous verrons. Si vous vous attendiez à des nouvelles, ma lettre va vous désappointer. Cela n’est pas ma faute. Adieu. Adieu

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Paris le 13 octobre 1851

Pas de lettre par la poste, ce qui me fait espérer Génie. Pas de nouvelles ce qui fait croire qu’on délibère. Molé m'écrit un mot pour me dire qu’il ne sait rien. Je suis aussi avancée que lui. La statue de Guillaume le conquérant est exposé aux Champs Elysées. Elle est affreuse. Sa vue ne pourra pas inspirer vos paroles.
J’ai vu beaucoup de monde hier mais rien que des étrangers. En français il n’y avait que Chalais. et d’Aremberg. Hubner est revenu très gai. Il a tout-à-fait de l'aplomb. Valdegamas me dit que Narvaez reste tout l'hiver ici. Voici Génie qui m’envoie la lettre d’Ellice que vous me renvoyez. Comme il n’est pas venu lui-même, je ne sais rien. Adieu.
J’ai vu Montebello un moment bien inquiet de sa femme & ne sachant pas un mot de rien.

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Paris le 14 octobre 1851

Comme votre petit homme n’est pas venu me voir, je ne sais pas un mot de ses conversations. M. Fould est venu hier soir. La retraite des ministres tout entier n’est plus douteuse. Celle de M. Carlier aussi. Le Président est décidé au retrait de la loi du 31 Mai. Dans le conseil qui se tenait à midi à St Cloud, les ministres donneront probablement leur démission, & probablement aussi. Ils seront invités à garder leurs portefeuilles jusqu'à la nomination de leurs successeurs. Ces successeurs très inconnus encore, mais certainement le Président n’ira pas les chercher à la montagne. En même temps qu’il retourne au suffrage universel il donne des gages au parti de l’ordre. Par quelque mesure conservatrice très vigoureuse. Jamais il ne fera ménage avec les démocrates. Il a vu M. Girardin une fois pour une affaire privée. On parle de M. Billant, mais au fait, on ne sait rien. Que fera l’Assemblée ? Si elle accorde le retrait de la loi elle le déjuge. Si elle refuse elle accroît son impopularité au profit de celle du Président. Il y a profit pour lui de l'une ou l’autre façon. Les nouvelles de Bourges & autres villes de ce côté sont que les rouges travaillent beaucoup.
J'avais hier soir Rothschild assez inquiet et curieux. En sortant de chez moi, il a fait une chute dans la cour. Oliffe l’a ramené chez lui, il s'est beaucoup blessé à la jambe. Cet accident a fait lever la séance, il était bien tard 11 1/2. Normanby était venu chez moi le matin, très curieux aussi, & assez inquiet. J’ai dîné hier chez Delmas. à mon heure, mes lampes &. il n’y avait pas eu moyen de refuser. Rothschild hier était Présidentiel, ce qui a fait dire à Fould que tout le monde le deviendrait, & qu’après tout les partis conservateurs de l'assem blée s'étaient conduits, bien maladroitement à quoi [Rothschild] a dit amen aussi. La soirée était fort curieuse. J’ai dit en l'air, Mais pourquoi le Président ne passerait-il pas par dessus la tête de l'Assemblée pour demander pays de rétablir le au suffrage universel ? A quoi de grands éclats de rire, & Fould disant mais vous allez droit au plus vif, c'est là la question. Je saurai quelque chose plus tard, mais trop tard pour vous le mander.
Changarnier a perdu sa sœur. [Rothschild] dit qu’il en est très affecté. Adieu. Voilà tout, pour aujourd’hui. Le Président n’a pas été à Chantilly. On l’attendait préfet & &. C’est Carlier qui a donné le premier le signal de la retraite du Ministère.

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Paris le 15 octobre 3 heures

J’ai passé la nuit ayant Oliffe auprès de moi, & des cataplasmes de moutarde autour du corps. Un mouvement de bile affreux. Je me suis levée à l'heure seulement & depuis là jusqu'à présent Molé, Vitet & Montebello. Ils me quittent à l’instant.
La commission a décidé d'appeller demain les ministres. L'avis de Molé est qu’il ne faut pas convoquer l'Assemblée. Il est persuadé que le Président ne fera pas un coup d'état. On ne trouvera pas de ministres. Les anciens resteront en attendant. Thiers est effrayé à mort. Changarnier n’a pas ouvert la bouche à la commission. Montebello seul a parlé pour ce que vous dit le commencement de ma lettre. Pardonnez cette brièveté. Je suis bien souffrante. L'heure me presse. Molé est venu à 11 heures, & repart tout de suite. Falloux est chez lui à Champlatreux. Molé bien sensé. Adieu. Adieu.

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Paris le 16 octobre 1851

M. Fould est venu avant le dîner. Très gai mais très décidé. Il doute que le Président trouve des Ministres, mais ceux-ci ne peuvent durer que jusqu’à la rentrée de l'Assemblée, car aucun d'eux ne signerait le projet de loi pour révoquer le 31 Mai. Ils voteront tous contre ce projet. La situation est très violente & le Président très content & très obstiné dans sa pensée. Il n’en reviendra pas. Si l’Assemblée se conduit bien, elle peut reprendre une grande autorité & popularité. Cela est très vrai, si elle est bien conduite. Mais où est le chef ?
Les nouvelles des départements sont mauvaises. Les paysans armés contre les châteaux. Quel moment pour un changement complet de Ministère & de politique. On persiste à dire cependant que ce Président veut rester fidèle à la politique conservatrice & qu’il en donnera des gages. Cela a l’air d’un puzzle !
[Helkerm] était chez moi hier soir. Il avait eu lundi un tête-à-tête de 2 heures avec le Président. Il prétend lui avoir dit toute la vérité & très fortement, & avoir complètement échoué. Le Président s’est plaint avec une grande amertume de Thiers & [?].
Il est 2 heures, je n’ai pas de lettres de vous. Qu’est-ce que cela veut dire ? Voilà Aberdeen que je vous enverrai demain. Constantin après avoir lu ma lettre à l’Empereur [?] mon procès gagné. Puisse-t-il avoir raison ! Cette affaire m'a bien détraquée. Je me sens vraiment malade. Oliffe me traite.
Je vois beaucoup de monde cela me fatigue, l’opinion est bien unanime que le Président a fait une grande faute. On dit qu’il restera à St Cloud. Il a là beaucoup de troupes. Adieu, j’ai donné mes lettres à votre fille, je l'ai manquée. Marion l’a vue & lui a trouvé bonne mine. Adieu.
Je viens de voir Vitet. La commission après avoir entendu les ministres a résolu de ne point convoquer encore l’Assemblée. Cette commission se réunira dimanche. Faucher avait dit qu’ils n'étaient en dissidence avec le Président que sur la loi du 31 Mai. Mais que cela ne lui avait pas permis de rester.

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Paris le 17 octobre 1851

Voici vos deux lettres à la fois. Pourquoi cela ? Je n’en sais rien. La journée d’hier paisible, on trouve que la commission de permanence se conduit très sagement. Le blâme est universel. On ne comprend pas que le Président aie pu faire pareille faute. Tout le monde était pour lui, aujourd’hui c'est le contraire. Le corps diplomatique ne se gène pas de le dire. On croit qu’il ne trouvera pas de Ministres, & on dit que cela lui est égal car il a un grand mépris de l'Assemblée. Elle a un peu donné lieu à cela jusqu'ici. Je sais que tout dernièrement il a appellé M. E. Girardin un misérable. Il n'y a donc pas de vraisemblance qu'il le prenne. Avant-hier M. Fould croyait savoir que M. Billault refusait.
Hier il y avait dîner de dames russes à St Cloud. Kisseleff n'en était pas. Je n’ai pas dormi encore cette nuit, c’est bien ennuyeux . Est-ce que c’est une infirmité naturelle de mon âge. Adieu. Adieu.
Je n’ai pas encore vu Génie. C'est drôle. Adieu

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Paris le 18 octobre 1851

J'ai vu hier soir M. Fould très gai, très décidé ; décidé pour son compte à voter contre l'abrogation de la loi du 31 mai. Très sûr de la résolution du Prince de demander cette abrogation. Presque sûr que l’Assemblée aura peur et fera la volonté du Président. Le Président a fait une faute, il peut en faire impunément beaucoup encore car il est très puissant. Le pays est à lui. Les salons, les classes élevées, tout est unanime à blâmer ce qui vient de se passer. Il n’y a personne qui ne soit de cet avis. Mais cela n'y fait rien. Le prince sait tout cela, & cela lui est égal. Voilà ce qui s’est dit devant une demi douzaine de personnes. Le Prince multiplie les dîners. Aujourd’hui Kisseleff. On joue le soir au Lansquenet. Quand il n'y a pas dîner, le prince va au spectacle. Il rit beaucoup aux variétés. Voilà !
Viel Castel s'en va pour huit jours à Broglie. Baroche est parti pour sa campagne. Tout le monde est en vacances. Hier le Président a donné audience au comte Louis Batthyany qui devait être pendu.
Voici la lettre de Lord Aberdeen. Je lui ai répondu hier. Il est évident que cette affaire Gladstone le vexe beaucoup.
Dans le gros public, je vous rapporte le dire de mon médecin, on est persuadé que l’Assemblée fera la volonté du Président. Elle aura peur des rouges & peur de la popularité du Président ; c’est exactement ce que dit Fould. Il n’avait aucune idée sur le nouveau ministère. Il doute que Billault accepte. On dit que Victor Lefranc a refusé. Piscatory est ici, je suis fâché qu’il ne vienne pas me voir. Changarnier parle beaucoup. Il est en grande espérance. Marion le voit tous les jours chez les Rothschild. Le Baron est couché depuis sa chute. chez moi. Adieu. Adieu.

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Paris dimanche le 19 octobre 1851

Je n’ai vu personne hier qui put me donner des renseignements nouveaux. Rothschild m’a fait dire que Billault avait refusé. Voilà tout ce que je sais.
Mad. [Marichkein] a trouvé le Président très triste et préoccupé. Il n’a pas dit un mot de la crise. Si j’avais été sa voisine à table j’aurais su m'y prendre. Mad. de la Redorte est revenu me voir hier. En grand blâme du Président, très convaincue que l'Assemblée ne votera pas le rappel du 31 mai. Son mari arrive demain, j’en suis bien aise.
Montebello n’est pas revenu de Tour où il a conduit sa femme. Le départ de Dumon le laisse tout-à-fait sec. J’ai oublié de vous dire hier que Génie est venu me voir. Il était intéressant. Je verrai peut être quelqu’un de la commission de permanence ce matin, mais trop tard pour vous en redire quelque chose. Je vous quitte. Je verrai Chomel. Je commence à m’inquiéter de moi. Adieu. Adieu.

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Paris le 20 octobre 1851

Le Président a dit avant hier que rien ne serait changé à sa politique. L’Europe peut être tranquille sur ce point. Il n'a jamais accepté pour son compte le 31 Mai. Il veut être réélu comme il a été élu. Il le sera. Il restera là où il est. Les vieux temps & les vieux hommes sont passés. Il a beaucoup réfléchi à tout cela, et il a le pays avec lui. Il est fort indifférent à ce que fera, ou ne fera pas l’Assemblée. Son entourage tient un langage très vif, les autres ont plus à perdre que nous. Ils ont des terres, des maisons des familles. Nous sommes indépendants de tous ces biens. Nous irons résolument au but et au bout. Cela sent un peu le brigand, c’est égal.
Hier soir [Hecheren] se croyait sur que Billault entrait que le général [Bourjolis] serait [Ministre] des Affaires étrangères. Saint-Arnaud à la guerre. Ducos je ne sais quoi. Il croyait aussi que Fould resterait. Cela je ne le crois pas du tout. Il faudrait pour cela que le Président se prêtât à une modification de la loi du 31 Mai.
J'ai revu hier soir le brave Lahitte, & cela m’a fait grand plaisir. Le Président rentre à l'Elysée. Samedi J’ai vu assez de monde hier point d’hommes politiques. Thiers a été si effrayé pendant 3 jours, qu’il en a été malade et ses accidents d’aphtes lui sont revenus. On dit beaucoup qui Carlier l’avait prévenu lui & Changarnier qu’ils seraient arrêtés.
Hier [Heseren] disait que le Président ne demandait pas mieux que d’être mis en accusation, alors il ira de l’avant. Je cite [Hesseren] parce qu'il voit dit-on le président tous les jours. Il a beaucoup d’esprit.
Il y aura consultation pour moi aujourd’hui. Il y a de quoi. Je suis toute jaune & tirée.
Samedi
J'avais une loge aux italiens. Je n’ai pas eu le courage ni l’envie d'y aller. Adieu. Adieu.
Vitet a été très frappé de ce que vous me dites du travail légitimiste contre vous. Je verrai le duc de Noailles aujourd’hui je lui en parlerai. Le comte Buol va arriver ici de Londres aussitôt que Kossuth y paraîtra. Hubner m'a dit qui si la princesse Grasalcovitz se permettait le moindre propos factieux, l'Empereur lui ordonnerait sur le champ de revenir en Hongrie. On est là très sévère. Le corps diplomatique blâme toujours ceci, & attend sans curiosité les nouveaux Ministres. On dit beaucoup que ce ne se sera qu’un relais, & que la troupe dorée est derrière. Montebello est revenu. Sa femme va mieux.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857) ; Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 21 octobre 1851

Le duc de [Noailles] sort d'ici. Il nie formellement qu'on combatte votre candidature c’est impossible, & il se fait fort de vous faire adresser un démenti de cela par les personnes accusées de ce travail. Berryer accepte son élection à l’Académie et va faire dans la huitaine ses visites aux académiciens. Berryer a passé un jour à Champlatreux. Le parti légitimiste est parfaitement résolu à combattre le projet d'abrogation de la loi du 31 mai. Ils seront unanimes. Ce parti était décidé à voter pour la candidature du Prince Président ; aujourd’hui, c’est différent. Ce sera sans doute Changarnier qui aura ses voix.
J’ai vu hier soir M. Fould. Il croyait que le Ministère était ou allait être fait. Billault, Ducos, Turgot, Casabianca, Ste Arnoult. J'oublie les autres. Turgot aurait les Aff. étrangères.
Fould avait passé la veille toute la journée à St Cloud, dîner avec le Président, avec lui au théatre de St Cloud un mélodrame abominable. Fould toujours très bonne humeur et très décidé à voter contre l'abrogation, et à croire que l’Assemblée ne l'aura pas. Chasseloup était ici aussi. C’est très drôle aujourd’hui, toutes ces situations. Le Président est toujours là [? ] garde de l'ordre. C’est lui ou la guillotine. Et bien, il faut le soutenir, tout en [vaut] qu' il a fait une grave faute.
Le duc de Noailles va vous écrire demain. Il revient à Paris jeudi. Molé rentre en ville le 30. Je vous ai tout dit. J’attends Dimanche ou Lundi la réponse sur mon fils. Je tremble. J’ai vu Chomel, il me met au régime d'un artichaut par jour. Pas autre chose Je me soumets mais cela a l'air d'une comédie. Adieu. Adieu.
On veut reconstituer la réunion dit du Conseil d’Etat. C’est M. Base qui en a fait la proposition. Les légitimistes en sont tout-à-fait d’accord.

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Paris le 22 octobre 1851

Mon ministère était défait dans le moment où je vous l’envoyais hier. On ne savait rien dans la soirée. On croit beaucoup à [Brunier] aux Aff étrangères & à des collègues tous extra parlementaires. Ce sera un relai, le vrai attelage arrivera plus tard.
Je me sens bien faible. Deux jours de suite vivre sur un artichaut c’est trop extravagant. Aujourd’hui je me révolte, car j'ai des défaillances.
Antonini est revenu hier de Bruxelles. La candidature Joinville se poursuit très hautement. Léopold lui en a parlé, en se donnant pour étranger absolument à tout ce qu'on fait à Claremont. Antonini est convaincu que les Légitimistes seraient des sots s'ils se donnaient à Changarnier.
Le nonce a vu le Président hier il lui a répété les mêmes choses qu'à moins de détails, du moins il ne m'en a pas conté autant. J'oubliais de vous dire que parlant de la loi du 31 Mai il a dit : " Elle était faite en vue des intérêts orléanistes. Elle s’adressait à la bourgeoisie. Moi, mes mandataires c’est le peuple, la campagne. C'est là où je retourne.”
J'ai eu une longue lettre de Lady Palmerston non provoquée, très tendre. & pas intéressante. Vous la verrez quand vous viendrez. Adieu. Adieu.
Le Prince de Joinville a chargé M. Adiot l'orfèvre, le 19, il y a trois jours, d'annoncer qu'il accepte la candidature pour le Président. Arrangez cela avec les lettres où il dit de suspendre !

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Paris jeudi 23 octobre 1851

Fould hier soir. Billault est encore possible. Mais tout est difficile, comment trouver des nouveaux qui fassent le [?]. Deux visages révolutionnaires pour rendre le suffrage universel, réactionnaire pour des mesures extrêmement sévère que le Président va mettre au jour. Il est également résolu à l'une & l’autre chose. Très convaincu que l'Assemblée fera sa volonté & si elle ne la fait pas, ça lui est indifférent. Il la place dans une impasse. inextricable, où elle s’avilit, s'annule, entièrement, ou bien elle s’interdit toute chance de réélection. Le Président se venge bien des dégoûts qu'elle lui a fait subir ! Toujours en grandissime désapprobation de ce que le Président vient de faire. Mais persuadé que c'est encore lui qu’il faut soutenir qu’il n’y a que lui de capable de sauver la France. Le Président ou la guillotine. Voilà pour hier soir.
Tout à l'heure le duc de Noailles qui passe la journée en ville. On m’interrompt. La commission s’ajourne à Lundi sauf la nomination du ministère dans lequel cas on s’assemble le lendemain. On écrit à Claremont. pour rappeler qu'il faut envoyer complimenter à Frohsdorf sur la mort de la duchesse d’Angoulême. Adieu. Adieu.

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Paris le 24 octobre 1851 Vendredi

Je suis si malade, et si tourmentée que je ne sais pas vous écrire une lettre raisonnable. Pardonnez-moi et acceptez le peu que je vous donne. La crise n’a pas fait un pas. Le public est très insouciant. J’ai vu hier-soir Berryer et beaucoup de monde, trop pour mes nerfs. On est très monté sur tout ce qui se passe. Le parti légitimiste très résolu à tenir tête. Je ne sais pas les autres. On me dit qu'on est très content de Changarnier. La mort de la Duchesse d'Angoulême est un événement et pourrait mener à bien, si à Claremont on veut le bien.
En attendant vous avez vu les paroles du Prince de Joinville à Adiot. Je vous les envoie pour le cas où vous ne les aurez pas. Deux lettres l'une à M. Foucher de lui qu'on a vues sont en contradiction formelle avec cela. Il veut qu'on soit muet, comment [?] cela. Les paroles dites à Adiot sont du 17. Les lettres des 20, & 21. Le Chancelier était aussi chez moi hier soir, très vif sur ce qu’on doit faire par suite de la mort de La [Duchesse] d’Angoulême. Noailles reste encore aujourd’hui ici. Le comte Bual est à Bruxelles. On retient Brunnow à Pétersbourg. Je ne sais ce que fera Brunnow. Mais évident le monument Kossuth fait fiasco. Lord John a réuni le cabinet le 14, & ne lui a pas dit un mot encore sur la réforme. Les Ministres n’en savent pas le premier mot. C’est Bauvale qui me le dit.
Une nouvelle impertinence de Lord [Palmerston] a provoqué de le part de Fortunato une [?] très vive, dit Antonini. La légation napolitaine à Londres est rappelée toute entière. On désigne un autre ministre Carini mais qui n’ira pas encore Antonini est plus furieux que jamais. A propos il est le seul diplomate qui approuve ce que fait le président.
Je suis triste pour moi du retard de votre arrivée à Paris. Pour vous je ne le regrette pas. Je ne vois pas le bien que vous pourriez faire, & je vois, même dans ce qui se passe aujourd’hui l’avantage pour vous de votre absence. Si l'on cherche à peser sur Claremont il vaut mieux pour la chose, que vous y soyez tout à fait étranger. Qu’allez-vous dire à Falaise depuis certaines préfaces il me reste de l’inquiétude dès que vous parlez ou écrivez. Vous me pardonnez mon impertinence.
Je ne sais rien de Morny. Vitet est établi à Paris depuis hier. Je le questionnerai sur Duchatel. Adieu. Adieu.

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Paris Samedi le 25 octobre

Encore beaucoup de monde hier soir. Vitet, Noailles, le Chancelier, Albert de Broglie, Salvandy, Fould, et la diplomatie. Le chancelier est en grandes éloges de Fould. Il a raison. Sa conduite et son langage sont excellents. Le ministère ne se fait pas, il n’y a pas moyen à moins d'une transaction, peut-être le Président cèdera-t-il un peu. Mais dans ce cas il fallait vous céder à vous, et vous restiez. Mais peut-être le Président était-il bien aise d'un prétexte pour nous chasser. Fould croit à présent que le message sera porté le 4 novembre, seulement il faut que soit proposé un seul ministre comme l’a été le duc de Wellington pendant 3 semaines l’année 34. Fould a trouvé l’expédient bon, on cherchera un duc de Wellington ! Enfin, on a ri.
On parle beaucoup de ce que fera, ou de ce que devrait faire Claremont, vis-à-vis de Frohsdorf. Ils sont capables de se déshonorer. On avait pensé à faire aller, Montebello à Claremont pour rappeler les devoirs de convenance on y a renoncé. Il se croit sûr que tout se fera bien, & spontanément. & que son apparition y aurait [nui]. D’ailleurs depuis les lettres du Times, vos amis sont englobés dans l’extrême colère qu’il y a contre vous à Claremont.
Duchâtel est chez lui faisant ses vendanges. Il viendra probablement du 15 au 20 novembre. Marion a été chez les Thiers tard hier soir. Elle a trouvé le salon triste, Thiers inquiet de lui- même. Le gosier, la langue embarrassés. On dit là tout est bien mauvais mais on s’en tirera, et on finira bien on se moque un peu là de l’importance & de la satisfaction de Changarnier.
Je ne trouve pas le duc de Noailles radieux. Il est agité, occupé de temps à autre passioné. Tout cela restera stérile. Je crois au succès du Président malgré ses fautes. Le Président croit à la platitude de l’Assemblée. Mais il désire peut être qu’elle résiste cela avancerait son affaire. Adieu. Adieu.
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