Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


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Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond le 25 Juillet 1849
5 heures

Je vous écris au milieu d'un violent orage. J’ai peur. Je me réfugie auprès de vous. J’ai là la visite du Président à Ham. Je demeure très frappée & charmée de son discours au dîner. Ce que vous m’avez rapporté de l’opinion de vos amis sur son compte est excellent aussi. Curieuse apparition que cet homme. Juste ce qu'il faut pour la situation. Je suis d’avis qu'il faut la rendre meilleure encore, et que personne n'y convient mieux que lui.
J’ai lu à Lord Aberdeen ce que vous m'en dites. Cela l'a beaucoup intéressé. Ces visites dans les provinces sont bonnes, utiles, je suis pressée du dénouement. Je ne vous ai pas parlé du discours de M. de Montalembert. Décidément je rechercherai sa connaissance. Beau talent, nature honnête, sincère. C’est très frappant l’un après l'autre on vient se confesser. Tout le monde a eu tort. Je me propose ce texte pour ma première conversation avec le prince Metternich, je suis sûre qu'il me dira : " Oui tout le monde, hors moi. " Je n'ai encore vu personne aujourd’hui, et je ne me suis pas trop ennuyée. Cela m’étonne. Je ne serais pas fâchée que la prorogation de l’Assemblée ne fut pas longue, car Paris vide ne me conviendrait pas du tout.

Jeudi le 26. Onze heures
L'orage a continué presque tout le jour hier, j’ai cependant trouvé moyen de me promener dans les intervalles de pluie mais personne n'est venu de Londres. Lord Beauvale est décidément un grande ressource. J’y vais le soir, et puis les Delmare, gens très faciles à vivre et en grande passion pour moi. On écrit de Paris à Lord Palmerston que tout le monde s’attend à un événement c. a. d. un avènement. Dans les derniers jours le nom de duc d'Aumale est devenu très populaire par suite de ce qu’a dit M. Charras à l'Assemblée. Mais cela n’a pas le sens commun. S’il y a un changement, ce ne peut être que l’Empire. Comment finira l’affaire entre l'Autriche & le Piémont. Cela devient vif. Le choléra a beaucoup augmenté à Londres. 732 morts dans la dernière semaine. C’est beaucoup.
Vous ne sauriez croire tout ce que j’ai d’invention pour me faire passer le temps plus vite. Comme je suis polie pour les ennuyeux, comme Ils m'ennuient moins, depuis que je n’ai plus qu’eux. La veille duchesse me parait avoir un peu d'esprit. Je lui laisse son dire sur les Hongrois en toute liberté, cela l'enchante. A propos, Palkevitch a commencé par un petit échec. Il parait que les Hongrois sont parvenus à couper la ligue. Cependant les récits sont bien confus & contradictoires. Mais tout cela est long, beaucoup plus long que nous ne comptions.

Midi.
Certainement c’est le Dimanche qui a fait votre désappointement. Mardi. Accoutumez-vous à la tristesse du Mardi comme moi à celle du Dimanche. C'est à dire résignez vous. C'est bien triste un jour sur 7. Mauvaise législation Anglaise. Vous voyez que je viens de recevoir votre lettre. Elle me parle de M. de Montalembert. Je vous en ai parlé. J’étais sûr que nous serions d’accord. Je m'en vais lire le discours de Thiers. Adieu. Adieu. Vos lettres font toute ma joie. Adieu mille fois.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond vendredi le 27 juillet 1849

Hier nous avons eu le plus violent orage qu’on ait jamais eu en Angleterre. 3 heures de durée, éclairs et tonnerre incessant. L'orage s'acharnait sur le Castel & le royal hôtel. J’ai passé tout ce temps seule, la communication impossible. Le déluge. La pluie a passé le toit & j’ai reçu un vrai bain de douche dans ma chambre à coucher. Plus tard j’ai été voir Metternich il m’a prouvé très longuement que cet orage devait tuer le Choléra. Electricité & & C’était de la sienne. En politique, il est charmé de Montalembert, de Thiers. Il dit que les nouvelles de Hongrie sont excellentes. Je ne vois pas cela encore. Il m'a beaucoup demandé de vos nouvelles. Je l'ai trouvé fort maigre, mais il est bien.
Le soir j’ai vu Beauvale, et puis de la musique chez Delmas. Cela m’a un peu échauffé, & j'ai mal passé la nuit. Hier il est mort 120 personnes du Choléra à Londres, avant-hier 64. Cela augmente beaucoup. J'ai lu ou plutôt parcouru Thiers, il a dit d'excellentes choses, et le ton de ce discours m’a paru bon. Les journaux anglais disent qu'il a produit beaucoup d’effet. Ils le donnent aujourd’hui tout en entier.
Voici votre lettre. Je vais affranchir la mienne, et nous verrons. Comment il n'y a que huit jours aujourd’hui que vous êtes arrivé au Val Richer ? Dieu que cela a été long. Je ne vous parle pas de ma santé par superstition en effet. Quand je serai malade je vous le dirai. Le parlement sera prorogé le 31. Point de séance royale. La reine part d'Osborne le 1er août pour l’Irlande. Adieu. Adieu. Je n’ai pas un mot de nouvelle à vous donner l'orage a intercepté tous les arrivages. La province a vécu sur son propre fond. God bless you dearest.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Star & Garter. Samedi 28 juillet 1849

Quelle journée hier, & quelle nuit. Mon Médecin est venu m'annoncer le choléra à Richmond et qu’une dame venait d'en mourir depuis une heure à côté de chez moi. Il ajoute le conseil de partir. Partir pour aller où, avec qui ? J’ai perdu la tête, mes voisines ont été bien bonnes pour moi, moi incapables de rien faire, rien décider, non de quitter sur le champs le royal Hotel. J'ai demandé un Médecin pour me conduire à Brighton. Personne ne veut quitter. J’ai écrit à M. G. de Mussy hors de Londres à St Léonard. Je demande une chambre ici. pas un coin. Me voyez- vous au milieu de tout cela ? Enfin à 10 h. du soir on me procure une chambre et rien de plus. Je n’ai pas fermé l’œil, j’ai l'air d’un revenant ce matin, Ah mon Dieu, que faire ! Horrible isolement, & impuissance de me conduire moi-même. Je vous écris ce peu de mots. Ah que votre amitié est dure dans ce moment & comme je sens que sans vous je n’ai ni protection, ni soutien. Adieu, adieu dearest adieu, quel malheur que ce diner demain, Vous attendez de mes nouvelles & moi-même. Je ne puis rien entreprendre. Adieu. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond dimanche le 29 Juillet 1849

Ma journée a été plus calme hier. Si elle avait continué sur le ton de la veille, je ne crois pas que j'eusse été en état de vous en rendre compte aujourd’hui. Mad. Delmas, [Crasalcowy], les Beauvale, Brougham. Les Collaredo, tout cela m’a aidé à me calmer. Aujourd’hui j’attends M. Guenaud de Mussy. Je ferai ce qu’il me dira. Le choléra avait un peu diminué à Londres avant hier pour ici je n’en sais rien. Personne ne me dira plus la vérité, & je ne croirais pas aux bonnes nouvelles s’il y en avait. J’ai dîné chez Beauvale avec Brougham pas déconcerté du tout. Il m’a donné copie d’une lettre qu'il adresse à la reine. Lettre de remontrance & d'avertissements " Votre ministre tout en protestant qu'il veut l’existence de l'Autriche, prononce des paroles. sympathiques pour les Hongrois. Le lendemain la cité retentit de discours et de vœux pour les rebelles, encouragés par ce qui s’est dit à la chambre des Communes. Rappelez-vous que votre Empire se compose aussi de nationalités diverses que c'est s’attaquer à votre couronne que se liguer avec les Révolutions au dehors. " & & & Tout cela fort bien développé. Extraordinaire créature. & il commence sa lettre en s’appuyant sur son droit de conseiller de la Couronne & son droit d’une audience de la Reine, il préfère lui écrire plutôt que l’incommoder. Tout cela est en règle. J'ai une lettre d’Hélène. La grande Duchesse était retournée à Pétersbourg. Le duc de [Lench] devait la suivre par mer & puis s'embarquer de Peterhoff pour son grand voyage, qui pourrait bien cependant se borner au midi de l'Angleterre. Beaucoup de tendresses impériales pour moi. Votre lettre de jeudi est charmante. Hélas aujourd’hui, rien du tout. Je crois l'air sur la montagne meilleur, & si je reste ici j’ai l’assurance d’un appartement [?] que celui où je suis nichée maintenant. Ellice est parti pour l’Ecosse. Tout le monde quitte Londres. Lady Palmerston a eu hier une dernière soirée. On était curieux de savoir si on y rencontrerait le Prince de Canino. Je ne crois pas, mais Pulsky, bien sûr.

Lundi le 30 juillet
Guenaud de Mussy est venu. Il me plait beaucoup et d’abord il m’a fort rassuré, comme la famille royale arrive demain à Claremont, il a exploré tous les environs pour s'assurer de l’état sanitaire. A Richmond 2 cas. Au surplus toutes les raisons contre la maladie m'ont paru excellentes. Il reviendra me voir jeudi. Enfin! Il m’a calmée. Je me suis prévalue de votre nom. Il me parait qu'il vous est dévoué avec enthousiasme. Kielmansegge est venu hier. Il part pour le Hanovre. Il ne m'a rien dit de nouveau. J’ai vu lord John aussi. Il espérait que la paix allait se conclure avec le Piémont. Il m’a beaucoup parlé de Paris. Il a fort critiqué le discours du président à [?] et s'en est moqué. Moi je l'ai défendu, nous avons eu une petite discussion la dessus. Il est convenu cependant que le discours avait fait un bon effet à Paris. Et bien, c'est tout ce qu'il faut. Lord John est ravi de la fin de Palmerston. A propos, autre discussion sur Palmerston. A mon tour je me suis permis de critiquer et très fort les paroles grossières qu'il a adressées à Lord Aberdeen, et j’ai dit qu’un homme de bonne éducation ne se permettrait pas cela, et que lui Lord John depuis 35 ans qu’il est à la chambre n'a jamais adressé de semblables paroles à ses adversaires. En résumé que cette grossière épithète avait gâté son discours du reste habile. Il m’a donné raison, & sa femme aussi. C'était très drôle cette conversation. Elle vous aurait amusé. J’ai dîné chez Delmas. C'est de la distraction. J'en cherche, j'en ai besoin. Duchâtel vient me voir ce matin. Je crois qu'il part après-demain. Cela me fait de la peine ; mon seul lien avec la France. Je n’en causerai plus avec personne de compétent. Adieu. Adieu. J’essayerai de vous écrire par la poste de 4 heures. Vous me direz si la lettre vous arrive en même temps que celle-ci de 1 heure. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond lundi le 30 juillet 1849

Duchâtel m’a tenu longtemps et mon essai de la poste de 4 heures ne peut pas se faire aujourd’hui. Il part le 4. Il s'embarque à Ostende, le lendemain il dîne à Spa chez sa belle-mère. Il ira ensuite à Paris pour peu de jours & de là chez lui dans le midi. Je crois qu'il préfère ne pas débarquer dans un port français. Son arrivée ne fait pas événement et il aura fait d'une pierre deux coups, la France & Paris. On lui écrit pour lui conseiller cela. Il sera à Paris encore avant la dispersion de l'Assemblée. On lui mande que Morny est un vrai personnage et que c’est lui qui pousse à l’Empire. Duchâtel n’y croit pas. Il ne voit d’où viendrait le courage. En même temps je pense, que si on le tentait cela serait accepté par tous, lui, Duchâtel le premier. Morny a écrit à Duchâtel une lettre très vive d'amitié, de vœux de le voir à Paris, à l’Assemblée, disant que des gens comme lui sont nécessaires & &
Il faut que je vous dise qu'ayant été très inquiétée par suite de ce qui s’est passé au Havre le 19. J’avais écrit au duc de Broglie pour lui demander s’il voyait du danger pour vous au Val-Richer, il me répond et me rassure pleinement, me disant que les quelques cris poussés au Havre n’avaient aucune signification aucune portée mais voici comme il finit sa lettre... " Votre bon souvenir m’est d’autant plus précieux que je n’espère point vous revoir ici. Vous avez vu les derniers beaux jours de la France, ni vous, ni nous ne les reverrons plus. " Il n’espère pas me revoir. Cela veut dire poliment que je ferai grand plaisir en ne [?] pas. C’est clair. Je [?] bien ne pas lui faire ce plaisir. Lettres de vendredi et Samedi très intéressantes. Je vois que vos journées sont bien garnies. J’en [suis] bien aise. J’aime qu’on vienne [vous] voir.

Mardi 31. Onze heures
[?] ce que m'écrit mon fils de [?] en date du 20. [Je] vous ai écrit dans le temps que les français mettaient le maintien [de] la constitution comme prix au [retour] du Pape, ils n’auraient rien [?], & que si le Pape avait la faiblesse d’accepter cette condition [?] serait recommencé. D’après tout ce que j'ai su, le [?] Pape retournerait à Rome les mains libres. Lui de sa personne ne retournera qu’après un an à Rome où il serait représenté par une commission, et toutes les commissions le [?] à une sécularisation partielle de l’administration. En attendant le Pape irait probablement résider dans quelque ville des légations. Rayneval qui c’est conduit dans toute cette affaire avec sagesse et habileté succéderait dit-on à Haverest. Si le pays est tranquille et gouvernement fort. "
Voilà un petit rapport très bien fait. Je lis avec plaisir que mon Empereur a écrit au Président pour lui annoncer, je crois la mort de sa petite-fille. Voilà les relations régulières rétablies. Cela ne fera pas à Claremont autant de plaisir qu'à moi.
Hier M. Fould s’est annoncé chez moi, je l'ai reçu. Quelle figure ! Che bruta facia ! Puisque nous sommes voisins, il a cru devoir venir. Il m’a rassurée sur le choléra de Richmond aussi bien que sur celui de Paris. Il arrivait de là. Il dit que c'est bien vide & bien triste. J'ai fait ma promenade en voiture avec lord Chelsea. Le soir j’ai [?] le piquet à Lord Beauvale. Cela ne lui a pas plu du tout. Je suis un mauvais maitre.
J’ai pris un nouveau médecin à Richmond. J'ai horreur de celui qui m’a tant effrayé l’autre jour. M. G. de Mussy reviendra me voir aussi. Adieu. Adieu. Aujourd’hui Mardi, Il y a quinze jours, je vous ai vu encore. Je ne veux pas me laisser aller à vous dire tout ce que je sens, tout ce que je souffre ! Trouvez un mari, je vous en prie. Travaillez- y. Adieu. Adieu dearest adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Mercredi 1er août 1849,

Un nouveau mois, qui sera un bien mauvais mois pour nous comme cela me serre le cœur ! J’ai lu hier une lettre de lord Ponsonby de Vienne à lord Beauvale. Il dit que la guerre peut trainer quelques semaines encore, mais que l’issue n'est pas douteuse, et personne ne s'en inquiète. Il dit aussi que les relations entre la France et l’Autriche sont excellentes ; tant mieux.
Mon fils est venu me voir hier. Brünnow est un peu noir sur la Hongrie. Je ne sais pas de nouvelles du reste. Le choléra continue et grandit. 130 morts dans la journée. C'est beaucoup, & ce n'est pas tout ; on avoue cela, mais le vrai chiffre est au-delà de 200. Je reste cependant. Je me soigne. Je me fais beaucoup trainer dans le parc, il n’y a pas de choléra là. Je passe et repasse devant le beau chêne, & vous savez à quoi je pense et repense tous les soirs chez Beauvale et un peu aussi chez Mad. Delmas.
A propos elle a été bien flattée de votre souvenir. Faites dire un mot à la vieille princesse. Le temps est passable. J’occupe dans ce moment-ci l'appartement qu’avait la Reine. Mais c’est un peu bruyant, & j’espère succéder à Mad. Steigley qui part dans peu de jours.
Je suis allée aux informations à propos de la lettre de l’Empereur au Président ; c'est la même formule que pour le Président des Etats-Unis. Mon grand et bon ami. N’importe je suis bien aise qu’il ait écrit. Je ne vois pas cependant que les journaux français le disent. C’est dans le Morning Chronicle que je l’avais trouvé.
J’ai rendu compte à Lord Aberdeen de ma petite discussion avec Lord John à son sujet. Cela l’amusera. Je n’ai pas manqué avant hier de lui faire parvenir votre lettre. Adieu. Adieu dearest, adieu.
Que c’est long déjà, & que ce sera long encore. Les correspondances de Paris dans les journaux anglais disent qu'on est inquiet. On croit à un coup d’état on le craint parce que les trois partis monarchistes sont divisés mais on ne peut pas rester comme on est. Quel puzzle. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Jeudi le 2 août 1849

Votre lettre de Lundi me prouve que ma frayeur vous a bien effrayé aussi. Je me reproche de vous avoir tant dit sur cela. Aujourd’hui je suis très calme sans avoir de bonnes raisons de l’être. J’attends ce matin M. Guenaud de Mussy. Hier j’ai été faire mon luncheon à Ken. Les dames Cambridge toujours fort en train et aimables. Rien de nouveau à apprendre là. Dans le courant de la journée mes visiteurs ordinaires ; Crasalcovy, Delmas, & le soir chez Beauvale. Les Delmas vont s’établir dans 15 jours à Brighton, j'en suis très fâchée. Je crois que Les Metternich finiront par là aussi. & je crains que les Ellice n'imitent tout ce mauvais exemple. On a peur de Paris, d'une nouvelle alerte. On s’ennuie en Angleterre mais on y dort en sécurité. Tout cela est bien vrai & bien raisonable, et je sens que mon inquiétude sera grande à Paris. Cependant vous êtes en France. Je ne veux pas rester en Angleterre.
Il n'y a plus de quoi bavarder ici, calme plat. Plus de Parlement, la Reine en Irlande, la société débordée. Les journaux sont fort insipides. On devient marmotte. Si je ne causais un peu tous les jours avec Lord Beauvale je deviendrais parfaitement bête. Je n’étonne qu'il aie tant d'esprit, car il vit bien seul, et sa femme n'en a pas du tout. Je vous envoie toujours ma lettre avant d’avoir reçu la vôtre, c'est ennuyeux mais c’est plus sûr pour le sort de ma lettre. Ce changement provient du changement de domicile, il y a une grande demi-heure de perdue par la distance. Adieu. Adieu. Je ne vous ai rien dit, je n'ai rien à redire je n’aurais qu’à répéter ce que nous savons si bien par cœur dans le cœur. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond vendredi le 3 août 1849

Votre lettre me fait rétrograder dans mes espérances. On restera donc comme on est. Si cela pouvait rester ainsi toujours, je n'ai rien à dire mais cela ne se peut pas. Hier un temps charmant aujourd’hui de la pluie. Une longue lettre de Constantin de Berlin. Sa femme n'accouche pas il s’impatiente. Il voudrait aller retrouver ses cosaques. Je crois qu’au fond il les aime mieux que son ménage. Les élections bonnes, pas assez pour défaire tout le mauvais ouvrage, surtout pas assez pour se rapatrier avec l’Autriche. En Autriche on s'en moque de la constitution promulguée à [?], personne n'y pense plus. On est tout militaire. On veut ressaisir tout le pouvoir que donne la force des baïonnettes. Cependant la guerre traine, mais nous écraserons. C’est toujours le langage. On ne sait que faire de Bade. Pays pourri. La famille régnante très déconsidérée. En Bavière l’opposition unitaire gagne. Constantin furieux du discours de Lord Palmerston. Voilà sa lettre. Le duc de Cambridge m’a fait une longue visite. Cela ne m’a pas extraordinairement divertie. Beauvale valait mieux. J’y ai rencontré le L. Holland qui m'a demandé de vos nouvelles avec bien de la tendresse. Le choléra toujours gros à Londres, sans changement. J'ai diné chez Delmars avec Mad. de Caraman. Voici M. Genaud de Mussy. Pardon & Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond vendredi 5 heures 3 août 1849

J'ai sur le cœur d’avoir coupé si court à ma lettre tantôt. M. de Mussy n’avait que 10 minutes à me donner. Jean me pressait pour porter la lettre à la poste. Vous voulez bien que je parlasse à votre médecin. Il me plait beaucoup. Je voudrais l’enrôler pour ma [?] à Paris. Il me dit que je me porte bien. Je le prie de ne pas me tenir ces mauvais propos. Lord John sort d'ici. Si bon, si facile à vivre, bon enfant. On peut tout lui dire. Rien de nouveau cependant. Il espère la paix avec la Sardaigne, il convient avec moi qu’elle n’a pas le droit d'exiger que l'armistice pour les Lombards fasse partie du traité ! Et il m’assure que lord Palmerston a émis cette opinion aussi. Fâché que la guerre de la Hongrie traîne. S'avouant incapable de comprendre la question Hongroise tout entière. Il part le 20 pour rejoindre la reine en Ecosse. Il a trouvé chez moi lady Jersey qui est venue me dire adieu avant son départ pour Vienne, Elle est sortie lorsqu'il est entré. Ils ne se parlent pas. J’ai vu Metternich ce matin, il est mieux et presque remis. Hier il a eu une lettre de son Empereur. Lettre charmante à ce qu'il dit : évidemment cela lui a causé une grande joie. Mais voyez le menteur. Vous vous souvenez que c’est sa fille qui m’a dit combien le silence absolu de l'Empereur le navrait. Je me souviens d’avoir écrit cela à l'Impératrice, il y a quelque 6 semaines (entre nous soit dit je ne serais pas étonnée si cela avait contribué à la lettre actuelle) je dis à Metternich : " Ah, je suis bien aise que votre empereur ait enfin rempli ce devoir. - Comment mais je suis en relation constante avec lui ; et ce n’est pas la relation du souverain avec son ministre. " celle de l'élève avec son maître. Orgueil et mensonge.

Samedi 4 août. Onze heures
Je passe dans une demi-heure dans mon nouvel appartement. Mad. [Steiley] vient de le quitter. Je regrette celui-ci, il était confortable mais on l’avait promis. Le Roi Charles Albert est mort. Samedi dernier à Porto. Je vois que le voyage du Président n’a pas été aussi brillant qu'on l’avait espéré. c. a. d. quant aux conséquences. Je le regrette. Je désire ces conséquences et qu'il y eut quelque chose de fait avant mon retour. Je ne suis pas du tout curieuse d'événements, je veux de la tranquillité une fois que je serai à Paris. Vous, et du repos voilà ce que je demande. Les Metternich iront dans un mois à Brighton. Les Beauvale retourneront à cette époque aussi chez eux, ils voudraient m'y entrainer, mais je n’aime pas faire des visites. Je verrai ce que j'aurai à faire dans un mois. S’il n’y a plus de ressources ici, il faudra bien aller quelque part. Adieu Dearest adieu. Je vous quitte pour déménager. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Dimanche 5 août 1849

Mauvais dimanche, qui ne m’apporte rien, c’est si triste. Les Duchâtel sont encore venus me dire Adieu hier. Je me suis presque attendrie en leur disant Adieu. C'est mon dernier lien avec la France dans ce pays-ci et c'est de vos amis. Si nous nous retrouvons à Paris, je me propose bien de continuer cette connaissance. Ils partent ce soir. Samedi 11 ils seront à Paris. Les Paul de Ségur étaient encore venues les voir de Dieppe. Duchâtel avait été à Claremont avant hier. Grande préoccupation là du séjour de la duchesse de Bordeaux à Ems. Evidemment préparatifs de lignée. Cela les trouble beaucoup. La Duchesse d'Orléans veut toujours partir le 15. M. Fould est revenu me voir aussi et m’a gâté ma dernière demi-heure avec Duchâtel. Je ne le trouve pas plus beau à la seconde visite qu'à la première, mais dans ces temps de révolution j'essaie d’être polie. Le soir Beauvale & les Delmas, habitude qui durera tout le mois d'août encore. Après quoi tout le monde part. Je dîne aujourd’hui chez Beauvale avec les Palmerston.

4 heures
J'ai été faire mon luncheon chez La Duchese de Glocester. Bonne. vieille princesse, bien contente de me voir. De là j’ai été faire visite à lady John Russell. Je les trouve toujours seuls, et ayant l’air content de me voir. Nous n’avons guère parlé que de la France. Il désire l’Empire. Il désire quelque chose qui ait l’air de durer. Il dit que Changarmier n’attend qu'un signe & l’armée proclame l’Empereur. Mais ce signe, on ne le donne pas. Il me dit aussi que Molé rêve à la présidence pour lui-même. Cela, je ne l’avais pas encore entendu dire ! Lundi 6 août, onze heures Le dîner chez Beauvale était fort agréable. Lord Palmerston très naturel & amical. Sa femme ni l’un ni l’autre tout-à-fait, quoique elle est l'intention de le paraitre. J’ai fait quelques questions. La paix avec le Piémont n’est pas douteuse quoique pas faite encore. En Hongrie Paskévith a essuyé quelques revers. Georges est meilleur tacticien que lui. En le nommant L. Palmerston disait Gorgy au lieu de Georgy, ce qui m'a fait lui demander qui lui avait enseigné cette prononciation, il m’a répondu. Les Hongrois qui sont ici. Sur la France vif désir d'y voir une forme de gouvernement plus solide. " La constitution est tout ce qu'il y a de plus absurde, c’est comme fait exprès pour rendre tout impossible. On ne peut pas aller comme cela. Il ne dépend que de la volonté de Louis Bonaparte de changer cette situation. Qu'il dise un mot, Changarnier se charge de reste. Cela pouvait se faire le lendemain de la visite à Amiens. Cela peut se faire tous les jours. Une fois fait, la France sera trop contente. "
Enfin, cela est fort désiré ici et moi j'en suis. Avant de venir chez Beauvale les Palmerston avaient passé à Richmond Green. Ils se sont montrés chez Metternich avec Disraeli. Sans doute mutuelle surprise. A propos, Lord Palmerston m’a dit que Disraeli s’est vanté à elle d’avoir été très heureux & glorieux du succès de son mari, parce qu'il avait prédit à ses amis que des attaques sur lui ne pouvaient aboutir qu'à un triomphe. 100 membres de la Chambre des communes ont souscrit pour un portrait de Lord Palmerston qui sera offert à sa femme ! Et voilà ! J'attends la poste avec impatience. A propos serait-il question de vous nommer pour le Conseil général ? Qu'est-ce que cela voudrait dire ? J’ai bien envie que vous n'en soyez pas. Je n’aime pas vous savoir au milieu de ces mauvaises populations. Adieu. Adieu. Dearest Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Mardi le 7 août 1849

Vos lettres sont des fêtes pour moi. Je lis & relis. Point de nouvelles. On va patienter chez vous et vivre pauvrement toujours avec la perspective d’un événement. Quel état ! Ici l’on ne parle que du voyage de La Reine en Irlande. L’enthousiasme le plus énorme. Heureux pays où ce sentiment se conserve ! Outre la Reine, les Irlandais auront cette année de bonnes pommes de terre. Ils sont donc enchantés.
Je n’ai vu hier que les habitants de Richmond. Lord Chelsea & les Delmas chez moi. Lord Beauvale chez lui. Il était fort amusé d’une petite [?]. Duchâtel a enlevé à Lord Faukerville une belle dame, demoiselle je crois, Miss Mayo nièce d'une Lady Guewood. Fort jolie et fort leste. Elle venait chez les Duchâtel souvent, elle vient de partir avec eux pour Spa et Paris, & peut être Bordeaux. Quelle bonne femme que Mad. Duchâtel.
J'ai eu une longue lettre de Lord Aberdeen. Il s’ennuie à périr en Ecosse, il me le dit. Je crois que nous lui manquons. Je lui avais raconté mon dialogue avec John Russel au sujet du discours de Palmerston. Cela lui a fait plaisir. Beauvale ne croit pas à nos revers en Hongrie. Moi je ne sais [?] que croire. Pourquoi n’y a-t-il pas de bulletin officiel ? Dans tous les cas l’affaire traine beaucoup.
M. de Mussy m’a interrompue. Il m’a dit qu'il avait une lettre de vous. Je ne lui ai pas dit que je le savais. Il est en redoublement de soucis ; je crois bien que c’est lui qui m'accompagnera à Paris ce serait excellent. Le duc de Lenchtenberg est attendu à Londres cette semaine. Les ministres ici s’étonnent beaucoup qu’au milieu des immenses difficultés de vos finances, on ne songe pas à une réduction de l’armée & de la Marine. John Russell & lord Palmerston m'en ont parlé tous deux. Ils disent que très certainement ils vous imiteraient tout de suite pour leur marine, & que vous leur ferez un grand plaisir. L’épouvantail de l'armée russe n’a pas le sens commun. Elle ne veut pas, elle ne peut pas, & personne ne permettrait qu'elle vous attaque. C’est des bêtises. Gardez amplement ce qu'il vous faut pour chez vous & [?] le reste. Adieu, Adieu, que je voudrais jaser, comme nous jaserions. Comme ce serait charmant. Adieu. Adieu dearest. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond le 8 août 1849

J'ai eu hier une longue & bonne lettre de Montebello. A propos de tous les mea culpa exprimés par tous les côtés, il me dit " Thiers a fait le procès du gouvernement provisoire qui est aussi un peu le sien. Si on était logique il faudrait en conclure que celui qui a le moins failli est M. Guizot et se hâter de l’envoyer chercher au Val-Richer, où, tout considéré je suis bien aise de le voir. Il grandit dans sa retraite et son jour viendra. " Il veut vous faire visite. Il veut venir ici aussi. Je le voudrais bien.
J'ai eu aussi une très bonne et affectueuse lettre du grand duc héritier, pleine de respect, de souvenir, & d’amitié. Il m'écrit de Grodus en marche pour Varsovie à la tête de la garde Impériale. La femme de Constantin est accouchée d'un fils. Il en est dans un grand bonheur. Il allait la quitter le 3ème jour pour retourner auprès de l'Empereur à Varsovie. J’ai vu hier lord John Rusell tout rempli du succès de voyage de la Reine. L’enthousiasme est immense. Cela ne peut s’adresser qu'à la durée d'une dynastie, ou à un très grand homme. Il n'y a plus de grands hommes, et une petite fille de mérite très médiocre devient un objet de vénération et d’idolatrie par cela seul que son arrière grand-père, a régné là où elle règne aujourd’hui. Certainement il y a dans cette réflexion de quoi frapper beaucoup aujourd’hui les esprits partout si toutes fois, les esprits du continent sont susceptibles de réflexions sages.
La princesse Crasalcovy à dîner chez moi hier, nous nous sommes fait traîner à nous trois en calèche très découverte jusqu’à 10 heures du soir par le temps le plus beau, le plus chaud du monde. Cette nuit il y a eu de l'orage mais l'air n’en est pas rafraîchi. J’ai fait lire à John Russell la lettre de Montebello qui l'a fort intéressé. Il dit ce que vous me dites. Cela ne peut pas durer comme cela, mais on ne sait comment s'y prendre. Tranquillité assurée pour quelques mois, mais après ? God knows. Tolstoy m'écrit du Havre. Ce pauvre Pogenpohl est en paralysie. Adieu, dearest Adieu. Mille fois.

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Richmond Jeudi 9 août 1849 Midi

Ce que vous mande Piscatory est triste. Comme tout le monde dit de même, ce doit être la vérité attendue. J’ai eu hier quelques visites du voisinage. (à propos la vieille princesse si touchée de ce que vous lui adressez, que vite elle a envoyé chercher des fleurs, bouquets, plantes & & pour orner mon salon) le duc de Cambridge qui part aujourd’hui pour faire visite à son frère à Hanovre. Plus tard j’ai été dîner chez la duchesse de Glocester, rien que la famille royale et moi. J’ai regretté d’avoir accepté, car malgré mes barricades, mes yeux ont souffert de la lumière rien d’intéressant naturellement. A onze heures j'ai été dans mon lit. La duchesse de Cambridge se plaint et avec raison, de la duchesse d’Orléans qui ne lui a pas fait visite quoiqu’elle en ait fait aux autres membres de la famille. Cela fait un petit commérage qui les occupe. Sa fille de Meklembourg me plait chaque fois que je la rencontre. Le vieux Dennison M.P. frère de la. Marquise de Conyngham vient de mourir. Il laisse à lord Albert Conyngham, second fils de sa sœur toute sa fortune en terre et de plus deux millions de Livres, ce qui veut dire deux millions de Francs de rente. Vous avez vu lord Albert chez moi à Paris, pas grand-chose.
Voici votre lettre de Mardi. Toujours un nouveau bonheur quand j'aperçois votre petite lettre dans la grosse main de Jean. Quand aurai-je un autre bonheur que celui-là ? Adieu. Adieu. Je ménage mes yeux aujourd’hui, et je n’ai pas une nouvelle à vous donner ici on ne parle que de la reine et de l'Irlande. Il me semble que nos affaires vont cependant bien en Hongrie, Dieu merci. Adieu dearest Adieu. Comme vous êtes loin ! Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond vendredi 10 août 1849
Onze heure

Flahaut est venu passer quelques jours à Richmond, il est venu me voir hier matin triste aussi sur la France mais beaucoup plus noir qu’il ne faut. Il est ridicule de dire que c'est un pays perdu, une nation pourrie. Une grande nation, un grand pays savent toujours se relever. Il attend Morny en Écosse après la prorogation. Je le verrai sans doute ici puisque l'une des petites Flahaut y reste. Flahaut a fait visite à Claremont. La conversation s’est engagée sur la Hongrie. La Duchesse d’Orléans espérant bien qu’on ferait grâce à un Bathiany à un Caroby, Flahaut espérant bien qu’ils seraient pendus. La duchesse d’Orléans parlant de nationalité, de leurs droits ; Flahaut décidant que ce ne sont que des révolutionnaires et des rebelles. Enfin la conversation s'est échauffée au point que Flahaut a dit : " Pour moi, j'ai une telle horreur de tout ce qui sent une révolution que je demande pardon à Dieu tous les jours de m'être réjoui de la révolution de juillet. " Grand silence que le roi a rompu en disant : " vous savez bien que ce n’est pas moi qui l'ai faite. " La Duchesse d’Orléans parle de rester jusqu’à la fin du mois.
Grand orage hier qui a un peu rafraîchi l'air, ce qui était nécessaire. J’ai manqué John Russell qui était venu me voir. Beauvale comme de coutume, Lady Alice, les Delmas. Pas de nouvelles. Le cholera continue à Londres. Hier 110 morts. On ne me parle pas de celui de Richmond, & je n'interroge pas. Flahaut m’a interrompue ; il croit qu'il se passera quelque chose à Rouen ou au Havre. Va pour quelque chose. Voici votre lettre d’avant hier. Bonne. Restez comme vous êtes à l’écart, tranquille. Cela a très bon air. Profit tout clair. Soyez en sûr. Adieu. Adieu. Adieu.

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Richmond samedi le11 août 1849

J’ai vu longtemps Flahaut hier le matin chez moi, le soir chez Beauvale. Il ne sait rien de nouveau de Paris. Il a des lettres de G. Delessert de Naples. Il avait passé à Rouen quelques jours, grande tranquillité, excellente tenue de l'armée, sa population bienveillante pour elle. Quant au Pape la plus complète indifférence à son égard. A Naples tout va bien.
Lady Palmerston est venue me voir, très radicale et parlant toujours de concessions à faire à l’esprit du temps. Ce rabâchage est ennuyeux. Lord Chelsea était présent, il a ri comme moi. Elle ne m’a rien appris de nouveau. Toujours le même vœu pour la France. Ils attendaient hier Le duc de Lenchtemberg à Londres. Le Roi Louis-Philippe la reine et toute la famille sont venues prendre le thé au Star & Garter hier. J’ai rencontré la duchesse d’Orléans marchant sur la terrasse. Lady Alice est venue dîner avec moi. Elle n’a plus de cuisinier du tout. Pourquoi a-t-on rappelé le général Oudinot ? Est-il trop catholique ? M. de Falloux me plait beaucoup. C'est une vraie acquisition pour le gouvernement. Le Times a aujourd’hui à son sujet un long article fort bien fait ou il démontre. Comment Louis Philippe était à tout jamais privé des services des gens de ce parti, tandis que la République peut les réunir tous. Seulement il range M. de Tocqueville parmi les légitimistes. Ceci n’est pas exact je crois. Comme je regrette que vous ne veniez pas dîner chez moi ! Le pain ici est excellent, le dîner fort bon aussi, vous voyez bien que je ne vous regrette que pour cela. Lady Palmerston me disait hier que le Consul Anglais à Yassy annonce l’entrée de 25 m. hommes de troupes hongroises en Moldavie. On n’y comprend rien, & l’étonnement là est extrême. Cela peut forcer la Porte à faire cause commune avec l'Autriche & la Russie.
Voici votre lettre. Il faut causer pour que je comprenne votre préface, & j'espère bien que nous causerons. L’occasion serait excellente pour dire d’excellentes choses. Adieu. Adieu. Demain le mauvais dimanche. Adieu dearest adieu. J'aime mieux que vous ne soyez pas du Conseil général. Flahaut souhaite le contraire. Adieu.

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Richmond Mardi le 14 août 1849

Je suis mieux aujourd’hui, mais hier je suis restée tout le jour sur mon lit souffrant beaucoup de crampes & d’agression. Le médecin ici m’a fort bien traitée. Tous mes voisins sont accourus, mon fils aussi de sorte que je n’ai pas été seule. Il ne valait pas la peine d'envoyer chercher Mussy qui était à Claremont. Enfin je le répète je suis mieux, je je crois même que je sortirai. Merci merci des deux lettres de Vendredi & Samedi. Je reviens au duc de Lenchtemberg honnête jeune homme, conversation sensée, pleine d’affection, mais reste étranger sous beaucoup d'autres rapports. Du good sense, et bonne vue des choses. Il a vu l’Empereur il y a quinze jours, qui lui a dit que la guerre en Hongrie serait terminée au plus tard en six semaines donc, dans un mois. Qu’aussitôt, cela fait il dirait le bonjour aux Autrichiens &t rentrerait chez lui avec armes & bagages, mais que son armée resterait en Pologne, prête à d’autres éventualités. La totalité de nos forces actuellement en Hongrie & Transylvanie est de 220 mille hommes, 130 mille de réserve en Pologne. En tout 350 m/ sur pied de guerre. On se préparait à recevoir très bien le général Lamoricière. L'empereur lui a assigné un palais à Varsovie (c'est énorme !) Nous allions nommer de suite ses Ministres à Paris. Brunnow affirme que c’est Kisseleff. Le prince a souci & a dit qu’on était mécontent de Kisseleff sans beaucoup de rapports, & qu’il ne croyait pas que ce serait lui, moi, je crois Brunnow mieux renseigné. Après le Prince j’ai eu une longue visite d'un des cavaliers de sa suite, homme d’esprit, français. Il me dit que l’empereur est devenu très serieux, très grave, qu’on a fort peur de lui. Ces propres enfants. Refus absolu de passeport pour l’étranger, pas une exception, personne, personne ; ne peut sortir de Russie. Cela a été provoqué par la conduite de certains Russes à Paris Branitzky entr'autres. Le Prince repart après demain pour Madère. Grande suite 12 ou 14 personnes, toutes grands noms, & des gens comme il faut !
Je n’ai pas de nouvelles à vous mander d’ici. Les Palmerston devaient y venir coucher hier et à côté de moi lorsque tout à coup ils sont partis pour Tunbridge où un autre petit garçon de Ashley est mourant. Lady Holland m'écrit une lettre assez curieuse. Il parait que Thiers a complètement désorganisé le parti conservateur. Brouillé ouvertement avec Montalembert & Barryer. Molé s’en montre fort triste, & dit : " je ne vois plus ce qui peut sauver le pays." Il y a quelque rapprochement entre l’Elysée & les Invalides. Le rappel d’Oudinot n’est pas du tout sûr. Le ministre le rappelle mais le président lui écrit de rester. Cela serait-il possible ? Oudinot a toujours été mal avec Tocqueville et ne lui faisait pas de rapport tandis qu'il écrirait tout confidentiellement mais par intermédiaire au Président. Je vous donne là lady Holland. Son mari est venu pour huit jours. J'espère le voir. Lady Alice est encore ici mais malade. Elle vient de louer Marble Hill. Le temps est à la tempête. Et je suis ici comme dans une cabine de vaisseau. On meurt beaucoup du Choléra à Londres. Adieu. Adieu.
Voici votre lettre d’accord avec lady Holland quant à la scission dans le parti modéré. Si on va de ce train, Ledru Rollin sera président dans 3 ans. Adieu. Adieu. Adieu. Tournez. Vous me faites bien plaisir en continuant votre langage & votre attitude réservée. Persistez, persistez, sans un moment de distraction. Adieu encore.

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Richmond le 15 août 1849
Midi.

Je suis sortie hier, cela veut dire que je suis mieux. Toujours des visites chez moi le matin toutes mes voisines. Metternich, Crasalcovy, Delmas, Berry & M. Fould revenu de Paris avant hier. Il dit que l’aspect est meilleur, qu’on est & restera tranquille. Que le Président penche vers les légitimistes, que Dufaure & Tocqueville sortiront du Cabinet, qu’on espère que Molé y entrera. Qu’aux petits spectacles on se moque toujours de la république. & &
J’ai été chez Beauvale, nous nous sommes émerveillés du meeting de Drury Lane où Lord Nugent a proclamé Lord Palmerston le grand ministre "up with Palmerston, down with all the others. " Amusant les autres ministres d’intriguer contre lui, et les denonçant. Enfin la séparation éclatante, je verrai ce que me dira lord John la dessus. Le meeting avait pour objet reform of Parliament. Peelsky a eu la place d’honneur. Je n’ai rien appris du reste hier le voyage d’Irlande est fini, & s’est passé supérieurement. La reine toute électrisée, courant vers la poupe des vaisseau pour de là saluer encore avec son mouchoir la foule innombrable qui criait à tue tête. Tout le monde est charmé. Madame de Caraman est venue hier aussi. Comme on ne trouve rien pour elle qu’un mauvais sitting room et qu’elle veut absolument être au Star, je lui ai offert la chambre de Jean, imaginez et elle accepte avec transport.

1 heure.
Voici votre lettre je serai curieuse des Lenormant & Vitel. Je vois qu’au Havre cela ne s’est pas passé très poliment pour le Président. Vos Français sont.. J’allais leur dire une impolitesse. Je devrais en charger ma voisine du Richmond green. Moi, je suis mécontente. Il fait froid aujourd’hui. Cela ne me plait pas non plus. Il n'y a que vous qui me plaisiez. Adieu dearest Adieu, j'écris aujourd’hui à lord Aberdeen, un peu les nouvelles d'ici. Le Ministère est peu uni. Palmerston est le black sheep. Mais que faire ? Adieu & Adieu. Le petit des Ashley est mieux & les Palmerston viennent ici demain.

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Richmond Mercredi 15 août 1849 6 heures

Je viens de voir lord John, le hasard a fait qu’il me citait un mot un peu radical de Lord Grey l'actuel, je lui dis à cela, que je croyais que lord Palmerston était le seul radical des ministres, qu'au moins on prenait bien du soin pour le classer ainsi et le distinguer des autres. Vous voulez parler du portrait & du discours dans les meetings ? oui. à quoi Lady John observe qu’elle ne croit pas qu’il ait recherché cela. C’est possible, mais il l’a mérité Lord John. I Wonder whether they are flatered by it. Si Lord Palmerston est un homme d'esprit, il devrait ne pas l’être, ce sera la pierre de touche, quant à moi je croirai convenable de lui en faire un compliment de condoléance. Lord John a ri ; bien des petits mots & des petits gestes m'ont prouvé que la chose lui déplairait fort. J’ai eu soin de glisser dans la conversation le mot de position isolée. J’ai voulu vous dire cela tout de suite pour ne pas l'oublier. Hier lord John & les Palmerston ont dîné chez Brunnow avec le duc de Lenchtemberg. Il n’y avait d'Anglais qu’eux. Les Collaredo y étaient mon fils aussi qui ne parait que quand il y a du [?]. Lord John a distingué un nommé Mussard le secrétaire du commandement du Prince avec lequel il a causé & qu'il a trouvé homme d'esprit. Vous ai-je parlé de lui ? Il a vraiment de l’esprit.

Jeudi le 16. Je ne me remets pas et cela m'ennuie. Je fais ce qu'on me dit ; j'ai une très pauvre mine je crois que M. G. de Mussy vient aujourd’hui. Je vois toujours chez moi tout Richmond, je suis sortie aussi le temps était avez beau quoiqu'il soit fort rafraîchi. Lord John en me parlant hier de Rome, me dit qu'on leur demande conseil sur ce qu’il y a à faire là (je suppose qu'il veut dire les Français) et qu'on a répondu d'ici qu’on n’avait aucun conseil à donner. La situation est bien désagréable. Il est évident que la conduite du Pape est insensée. Les français vont-ils soutenir et protéger les cardinaux, ou les combattre ? Ou se retirer de là absolument ? Mauvaise affaire.
Je vous prie ne soyez pas du conseil général. Un journal anglais dit ce matin que vous en êtes. Je ne veux pas le croire.
1 heure. Voici votre lettre. Vitet dit comme le Journal des Débats sur le Havre. Va donc pour la république. What a bore ! Imaginez que les Ellice restent à Brighton, pas de Paris les parents n’en veulent plus. Adieu. Adieu & Adieu dearest.

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Richmond vendredi le 17 août 1849

Lord et Lady Palmerston sont venus ici hier pour quelques jours je crois. Ils sont au Star comme moi et mes voisins de Chambre. J’ai dîné avec eux chez Lord Beauvale. A table conversation générale se félicitant de trois choses finies. Le Danemark, la Sardaigne, & l’unité allemande dont il n’est plus question. Nous avons cependant trouvé que s’il n'en était plus question à la façon de Francfort, il fallait que quelle qu’autre façon la remplace à moins d’en revenir à l'ancienne. L’Empire français remis au mois d’octobre. M. Drouyn de Lhuys, très agréable et facile en affaires. Il n'y a guère eu que cela pour la galerie. après le dîner il s'est rapproché de moi pour me dire, d'abord, que nous avions battu les Hongrois en Transylvanie et en Hongrie. [?] a failli tomber en nos mains, nous lui avons pris tout sont bagage, sa voiture de voyage, ses papiers, tout. De l’autre côté [Paskeviez] a battu Georgy. Partout où nous les rencontrons, l’avantage est à nous, mais ils trouvent le moyen d’échapper. L'issue de la lutte ne saurait être douteuse mais elle peut être longue. En transaction est toujours ce qu’il y a de désirable. Pourquoi l’Empereur d’Autriche ne dit-il pas ce qu’il veut faire ? Il est impossible qu'il songe à [?] la constitution hongroise. Pourquoi ne dit-il pas qu’il leur rendra leurs droits, leurs privilèges ? On ne sait pas qui gouverne là. C’est comme au temps du Prince Metternich où l’un rejetait la faute sur l’autre. La constitution faite par Stadion est impraticable, impossible aujourd’hui il n'y a rien, pas de constitution, on n’y songe plus. L'Autriche et la France sont en très bonne entente sur l'Italie. L’Autriche et la Prusse se divisent tous les jours, davantage. Mais la Bavière est encore bien plus que l'Autriche en guerre de paroles avec la Prusse. J'ai demandé si deux Allemagne n'était par la chose probable ? Peut être. Et puis se rapprochant de moi un peu davantage et à voix basse. Le général Lamoricière a été fort mal reçu à Varsovie. On lui avait d’abord destiné un bel appartement au palais de Bruhl et il le savait. Mais à son arrivée, porte close. Il a fallu aller chercher à se caser dans une auberge. Là, avec difficulté, de mauvaises chambres. Cela a fort étonné. Deux jours après, audience de l’Empereur qui l'a reçu très froidement. On cherche les causes ; il a passé par Cracovie. Parfaitement lors de la route de Berlin à Varsovie. Un énorme détour. Qu’est-il allé faire là ? Autre motif qu'on insinue de Paris. C’est un avis confidentiel qu'aurait reçu l’Empereur que Lamoricière n’avait point du tout la confiance du Président, & qu’il fallait se méfier de lui. Cet avis serait venu de source directe. Lord Palmerston ne comprend pas bien. Il s’étonne et me raconte sans beaucoup de déplaisir. Je lui ai demandé qui conduisait les affaires à Paris. Il me dit qu’au fond c’était le Président qui faisait tout & qu'il avait plus de good sense que tous les autres. Il a entendu parler aussi du dégout de M. de Tocqueville et de son envie de se retirer. Je crois vous avoir tout redit. La visite impromptue du Prince Scharamberg à Varsovie ne lui est pas expliqué. Il n’a passé que 24 heures. On dit à Lord Palmerston qu’il venait demander plus d'activité dans les opérations militaires. L’Empereur lui a répondu en lui montrant les rapports des deux engagements cités plus haut. Lord Palmerston blâme vivement le gouvernement autrichien pour avoir fait exécuter un prêtre à Bologne. Il avait été pris les armes à la main dans la suite de Garibaldi, mais il était sujet roumain & ne pouvait pas être jugé par les Autrichiens. A propos de prêtre, de quoi s'avise votre archevêque de Paris ? Voici Lord Palmerston. Je vous quitte adieu.

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Richmond Samedi le 18 août 1849

J’aime bien la lettre de M. Cousin. C'est un brave homme Piscatory est un peu noir. Savez-vous que vos affaires me déplaisent. Metternich me disait hier qu'il a la pleine conviction d’une nouvelle catastrophe à Paris. Ah mon Dieu, cela serait-il possible ! Car, si cela était possible, tout serait fini pour les honnêtes gens. Mais cependant les éléments de résistance sont là. Je ne sais que penser mais je suis inquiète. Dans un mois je songe aller à Paris, mais j'y veux de la sécurité. Qui me répond que j’en aurai ?
J’ai vu hier matin Lady Palmerston, Sabine, Beauvale, les Metternich. Sabine est amusante. Elle a vu tout le monde à Paris, dîner chez le président et passé beaucoup de soirées chez lui. Elle en parle très bien. Elle gémit de la désunion dans le parti modéré, elle aime les vieux légitimistes, elle parle bien des jeunes. Elle vante Changarnier, sans savoir à qui il appartient. C’est égal tout le monde l’adore. Elle croit Molé tout-à-fait au Président. Beauvale va hélas quitter Richmond bientôt, ce sera pour moi une grande perte. Je le vois tous les jours et ordinaire ment deux fois. Je crois que lui me regrettera aussi. Metternich est fâché de l’exécution du prêtre à Bologne, Il appelle cela du mauvais zèle. Il se plaint que son gouvernement au lieu d’adoucir, envenime la querelle avec la Prusse. J’ai dîné hier chez lord John Russell. Il y avait lord Lansdown racontant vraiment des merveilles de cette Irlande. Je remarque que ce qui fait le plus de plaisir n’est pas tant l’enthousiasme irlandais pour la Reine, que la découverte, que la reine est susceptible d’en ressentir de son côté. Elle passe pour froide & fière. Elle a oublié tout cela en Irlande. Il y avait à ce dîner trois Anglais inconnus à moi de nom & de visage. L'un grand ami de Mackaulay & bavard comme lui, je serais curieuse de savoir lequel des deux se tait quand ils sont ensemble. Je n’ai rien à vous raconter de mon dîner, la conversation a toujours été générale. Je me suis un peu ennuyée, car on n’a parlé que royaumes unis. Attendu que j’ai dîné tard je me sens un peu incommodée aujourd’hui. Misérable santé. Prenez-vous encore les eaux de Vichy.
L’autre jour en parlant du sentiment public Hongrois ici, je dis " malheureusement, le Ministre des affaires étrangères donne l’exemple." à quoi Brunnow dit que je me trompe et qu'il sait que malgré de mauvaises apparences le fond de la pensée est bon. Je reporte " êtes-vous donc le bon dieu pour lire au fond des cœurs ? " Le duc de Lenchtemberg écoutait. en riant. Et bien tout ceci a été redit à lord Palmerston par Brünnow en ajoutant que j’avais voulu donner au prince une idée défavorable du ministre. Je me dispense des commentaires. Adieu. Adieu, mille fois adieu.

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Richmond dimanche le 19 août. 1849

J’ai dîné hier chez lord Beauvale avec les Palmerston. Nous faisons très bon ménage. Tout-à-fait de l’intimité sans beaucoup de sincérité, mais cela en a presque l'air.
Il n’avait pas de nouvelles hier seulement il croit savoir que le voyage de Schwarzenberg à Varsovie avait pour objet de se plaindre des lenteurs du Maréchal Paskowitz. Celui-ci se plaint à son tour que le gouvernement autrichien ne donne pas à manger à notre armée. Ce qu’il y a de vrai c’est que selon les lettres de Constantin on est mécontent chez nous du Maréchal, on dit que cela traîne, que nous laissons échapper l’ennemi quand tout ne va pas bien il y a toujours quelqu’un qu'on en amuse. En Transylvanie cela va mieux. [Bem] a été parfaite ment battu, c’est littéralement vrai, car outre que nous avons détruit un corps de 6000 hommes. Voici ce qui est arrivé. La calèche de [Bem] tombe en notre pouvoir on y trouve deux hommes. Le plus grand on le tue, l’autre était petit et si laid, qu'on se met à le fouetter, et lui, si agile qu'il parvient à s’évader au milieu des coups. C'était [Bem]. Constantin a lu avec Schwarzenberg les papiers trouvés dans cette calèche. C’était la correspondance de [Bem] avec Kossuth, très curieuse, & bonne à connaître. Constantin me dit que Lamoricière a été bien reçu mais il me dit cela froidement on l’a fait assister à un exercice de cavalerie, et il a dit qu’il n’avait jamais rêvé à une pareille merveille. Bon courtisan. Lord P. m’a dit que l’Autriche et la Russie seraient très empressées et très charmés de reconnaître l’Empire français. Il faut d'abord le faire.

4 heures
Longue visite de Lady Palmerston et curieuse conversation. Elle est venue pour me démontrer combien son mari avait raison en toutes choses, en dépit de ce que, public européen, public anglais, la presse toute entière, les collègues. même, la cour, étaient contre lui Curieux aveu. Alors sont venus les détails il est très autrichien & & très conservateur partout & & - C'est donc un homme bien calomnieux. - C’est cela. Horriblement calomnieux. Mais enfin après tout ce que je vous ai expliqué n’est-ce pas que j’ai fait quelque impression sur vous ? - Certainement vous m'avez convaincue que vous croyez très sincèrement à tout ce que vous me dites. - Mais ce que je vous dis est la vérité. - Je veux bien le croire, mais prenez de la peine pour détruire tout ce qu’on croit de contraire. Votre mari est puissant, puissant en actions, en paroles, en écriture. Et bien que tout ce qui vient de lui action, parole tout porte le cachet de ce que vous dites. On ne demande pas mieux que de voir lord Palmerston dans la bonne voie mais il faut le voir pour le croire, & aujourd’hui je vous déclare qu’on ne le croit pas & Voilà pour l'ensemble ; dans le détail ; - On accuse mon mari d'être personnel ? Personne n’est moins cela que lui. Il aime tout le monde, Il aimait beaucoup M. Guizot. (Comment voulez-vous ne pas rire ?) Enfin j’ai ri, j'ai écouté, je n’ai voulu ni disputer, ni discuter. Je me suis amusée, et je vous amuse. Au milieu de tous les bons principes, elle est convenue avec beaucoup de plaisir même que lord Palmerston était le roi des radicaux. Enfin c'était très drôle, et cela a duré une heure & demi.
Je rentre d'un luncheon chez la duchesse de Cambridge où j’ai trouvé Madame Rossy (?) La duchesse a rencontré avant hier la duchesse d’Orléans chez la reine douairière. Elle ne lui a pas plu du tout, Elle a surtout éte désappointée dans sa tournure. Elle ne lui trouve pas l’air grande dame, & elle lui a paru très laide. Elle a dit deux choses désobligeantes à sa fille la grande duchesse de Meklembourg. Manque de tout plutôt qu’intention, je suppose. Car alors ce serait grossier. La Reine douairière n’a pas longtemps à vivre.
Lundi 11 heures
Hier encore dîner chez Lord Beauvale avec les Palmerston point de nouvelle de la causerie rétrospective. Toujours énorme désir de voir en France une autre forme de gouvernement, et ferme conviction que cela doit arriver. J’ai vu hier matin lord John Russell un moment très occupé, il est parti ce matin pour rejoindre la reine en Ecosse. Mad de Caraman est [?] installée au Star & Garter. Elle veut absolument faire mon portrait, c’est bon s'il pleut, et une séance plus, pas possible. Van de Weyer est revenu hier de Bruxelles, il est mon voisin aussi à la porte du parc. Cela sera une ressource j'en ai beaucoup cet été. Encore interrompue par lady Palmerston. Mais c’est fini. Ils retournent à Londres aujourd’hui pour dîner chez C. Fox avec l’ambassadeur de France. Grande satisfaction de n'être mêlé en rien dans l’affaire de de Rome, en rien dans l’affaire de La Hongrie toutes les deux détestables et dont on ne peut pas comprendre le dénouement. Van de Weyer rapporte de Bruxelles la conviction que la France aura l’Empire Léopold, glorieux, heureux, fort aimé. On va lui offrir une couronne civique. Voici la poste. Votre lettre, une de Duchâtel, intéressante avec rien de nouveau cependant grande tranquillité. De la division et beaucoup dans le camps modéré. Thiers en grand discrédit. Molé un peu aussi. Il n'y a qu'un seul homme dont on attende quelque chose c'est Changarnier lui-même Duchâtel a été parfaitement traité à la douane. Du respect, de l’empressement Adieu, Adieu voici l'heure de fermer ma lettre et puis ma promenade. Vous avez là une grosse lettre. Adieu. Adieu. Je répondrai à la vôtre tantôt. God bless you dearest.

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Richmond mardi 21 août 1849

Je ne puis vous être bonne à rien pour la sœur de M. Chopin. Si j'écrivais à Varsovie, la conséquence infaillible serait un refus très sec, et beaucoup de mauvaise humeur contre moi. Non seulement on ne ferme à aucun russe de sortie du pays, mais les étrangers même domiciliés depuis longtemps n'obtiennent point de passeports. It is a hopeless case.
J’ai vu longtemps hier lady Palmerston toujours chez moi, car je n’ai pas été une fois chez elle. Je respectais les [?] de son mari. Très longtemps, aussi les Collaredo, qui sont venus de bonne heure m’ayant toujours manquées plus tard. Il avait de bonnes nouvelles. Le dénouement est prochain. L'ennemi est cerné. Temesvar occupée par le général Hequan. Enfin, je crois que cela va finir. Il est bien vrai qu’alors commenceront les plus grandes difficultés, mais cela ne nous regardera plus. Lord Palmerston parle toujours de conciliation, il demandé à Collaredo pourquoi le général autrichien ne dit pas aux Hongrois ce qu’il veut faire, pourquoi ne pas promettre, ce qui est juste, le retour à leur ancienne constitution ? Collaredo répond, qu’avant de leur parler, il faut les battre. J'espère que voilà ce qu’on fait dans ce moment.
Je vois toujours du monde chez moi, le matin. Hier Lord Chelsea, lady Wharmliffe, les dames Caraman & Delams, M. Fould. Enfin ce qu’il y a à Richmond. Fould est reparti hier pour Paris, il revient samedi et ramènera dit-il M. de Morny. La petite Flahaut la [?] est ici il vient la voir. Hier deux lettres de Metternich, des réflexions, des nouvelles. Je vais là rarement. Il parle trop longuement, je n’ai pas le temps d'écouter par le beau temps. Quand il pleuvra j’y irai. Le choléra augmente beaucoup à Londres. Dans la journée d’hier 280 morts. Vous ai-je dit que j'ai eu une longue lettre de Madame Fréderick bonne femme, amicale, fidèle ; des détails sur l'intérieur impérial toujours admirable. Mes lettres toujours reçues avec joie. Lady Holland me mande que l'audience de Lamoricière a mal été parce qu'il a voulu parler Hongrie, et que l’Empereur lui aurait dit sèchement que la France n’avait rien à y voir. Je ne sais si elle est à même d'en savoir quelque chose. Je suis seulement frappée de ceci, que Lord Palmerston, et Lord Holland parlent d'un mauvais accueil, tandis que Constantin me dit qu’il a été bien reçu, & que Brünnow me dit en P. S. dans un billet insignifiant. " Le général Lamoricière a été reçu avec distinction." Le vrai me parait être que cela n’a été ni très empressé, ni très mal. Nous verrons la suite.
Mad. de Caraman n’est pas autre chose que ce que vous dites, complimenteuse, & sans le moindre tact. J'ai déjà été rude, mais je me ravise, car elle pourrait m’être utile. Elle a fait de son salon un atelier de peinture & de musique harpe, piano, chevalet, biblio thèque. C’est très drôle. Je ne sais pour qui, car il n'y a ici personne. Elle a rencontré chez moi les seuls élégants, Chelsea & Fould ! Lord Lansdowne est à Bowood. Je vais tous les soirs chez lord Beauvale. Je ne sais comment il fera pour se passer de moi. Mais dans huit jours cela finit, car son loyer finit. C’est très drôle de le voir avec la Palmerston se disputant sur tout . Quelques fois jusqu’à la colère, Il déteste toute la politique de son beau-frère. Adieu. Adieu. Adieu.

2 heures. Voici votre lettre sur Rome. Des plus curieuses et sensées. J'en vais régaler mon paralytique. Qu'il sera content. Je suis bien aise qu’on ait donné tort à ce que je vous dis sur le passeport. Le noir n’est pas si diable.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Mercredi 22 août 1849

J’ai livré à lord Melbourne. Votre lettre sur le Pape. Il en raffole. Elle est admirable. (Il me l'a rendue cependant, mais lue tout à loisir.) C’est dommage que Metternich a tort une fois. dans cette lettre car du reste elle lui ferait un grand plaisir. Nous n’avons rien de nouveau par ici. Mais évidemment la guerre de Hongrie touche à sa fin. Dans huit jours j'espère apprendre le dénouement. Ce sera une grande affaire de terminée après cela cependant viendront pour le gouvernement autrichien les plus grosses difficultés. Vous savez qu'il a demandé à la Bavière 20 m. d'hommes pour venir garnisonner Vienne. Quelle situation pour ce grand empire ! Lord Palmerston est toujours et restera toujours bien hostile à l’Autriche. Il l'est un peu à nous maintenant. Ah comme Melbourne le déteste !
J'ai fait mon luncheon hier chez la duchesse de Glocester. Rien, qu'une excellente femme, et qui aurait bien envie que je passasse l’automne à Brighton avec elle. Mon fils est venu me voir hier. Il a pauvre mine, il est sans cesse malade à Londres et il est trop paresseux pour quitter sa vie de club. Brünnow est à Brighton, il n’y a vraiment personne à Londres. Lord Ponsonby écrit de Vienne à Lord Melbourne une excellente lettre. Toujours occupé à empêcher les personnalités entre Lord Palmerston & le Prince Schwarzemberg. Quand aux affaires de Hongrie, il n’a plus l'ombre du doute. Nous écrasons l’insurrection. L'Empereur sera bien content.

2 heures
Voici votre lettre. Curieux portrait de Lamoricière. Ce doit être vrai. Duchâtel vous mande exactement ce qu’il m’a mandé à moi. Il est clair que la durer de ceci n’est pas possible. Mais d’où partira l’explosion ? Que je voudrais qu'elle se fit vite ! Je n’ai plus aucun goût aux événements ; Je voudrais trouver les choses faites. Adieu. Adieu, vous voyez que je suis stérile aujourd’hui. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond jeudi 23 août 1849

Quelle grande nouvelle ! Et comme je suis contente & fière. Convenez que nous avons bon air. Tout Richmond était en l'air hier, et radieux. La duchesse de Cambridge est accourue chez moi des plus joyeuses. Lady John Russell l’était fort peu. Elle a même très sincèrement avoué son regret. Et puis elle m’a dit " au moins nous ne nous sommes pas mêlés de ceci. " C’est tout juste pourquoi cela si bien été, et fini si vite. Elle n’a pas répliqué, je ne finirais pas si je vous disais tout ce que je vois au bout de cela. Et pour comment je suis persuadée que cela fait plaisir à l’Elysée, et aux bien pensants dans votre gouvernement. Vous verrez les fonds se relever partout. Ce qui remet sur jambes, un grand gouvernement donne de bonnes jambes à tous les autres. Dans tous les coins de l’Europe on se ressentira des coups que nous avons porter à la révolution. Melbourne est fou de joie. Quel dommage que les Palmerston ne soient pas ici, qui John soit en Ecosse !
Ma journée s’est dépensée hier comme toutes les autres en promenades visites, reçues, rendues, & jaserie, mais quelle charmante jaserie. Le cœur si content, c’est-à- dire, l’esprit content, car pour le cœur, il faut autre chose. Voici votre lettre. Ma question sur la sécurité à Paris ne porte que sur la rue. Peu m’importe le reste. Vous dites que la rue sera tranquille cela me suffit. J'aurais mieux aimé Boileau aîné que cadet. Quelle idée de se promener en Amérique ? Adieu. Adieu. Adieu. Oui il y a bien longtemps que nous nous disons adieu de si loin. Quand, quand, viendra le bonjour. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond vendredi 24 août 1849

Une longue lettre de Constantin du 20 de Berlin. Intéressante racontant Varsovie au moment où les bonnes nouvelles y sont arrivées. D’abord, rapport de Leeds, destruction & dispersion, du corps de Bem le 10. Une heure après courrier de Paskevitch annonçant la soumission de Georgy et la fin de la lutte L'Empereur était dans son cabinet avec quelques intimes il s’est jeté à genoux remerciant Dieu de sis faveurs. Et puis il envoie son fils aîné à l’Empereur d’Autriche pour le féliciter de la soumission de la Hongrie ne voulant confier cette mission délicate qu'à ce jeune prince qui certainement la remplira avec toute convenance ! Un autre Russe aurait laissé percer de la hauteur. Et puis courrier à Pétersbourg, à Moscou, annonçant la fin de la guerre. Constantin à Berlin mission de Convenance. Très bien reçu par le roi, grand dîner à la cour. Le roi portant au bruit des fanfares la santé des braves soldats russes leur souhaitant victoire toujours. Constantin ajoute mais modestement que le roi a porté sa santé à lui aussi. Il repartait le 22 pour Varsovie. Il restera auprès de l'Empereur jusqu’au départ de celui ci pour Pétersbourg. Dans 4 semaines toutes nos troupes seront sorties de Hongrie. J’espère que tout cela a bonne mine ! Les Hongrois se sont souciés absolument uniquement à mon Empereur. La nouvelle de ces grands événements est arrivée à Vienne le 18 anniversaire de la naissance du jeune Empereur et au moment du Te Deum à St Etienne pour cette solennité. Cela a fait une sensation immense. On y a vu un heureux augure pour son règne. Lui-même était allé à Ishel passer 8 jours auprès de sa mère. C'est là que mon grand duc sera allé le chercher. Van de Weyer est venu me voir hier. Tout-à-fait convaincu de l’Empire, ou du moins persuadé que le Président en est convaincu en grande gloire de son propre roi. Lady Palmerston a annoncé il y a quinze jours que tant qu’elle restera à Londres, elle recevra le corps diplomatique tous les Mercredi avant hier jour de l’arrivée de la grande nouvelle elle écrit à Koller pour le prier de prévenir l’ambassade d'Autriche que ce jour-là elle ne peut pas recevoir concevez-vous quelque chose de plus bête. Melbourne enrage Lord Westmorland est arrivé hier. Je le verrai. Ils viennent demain pour quelques jours au Star & Garter.

1 heure.
Pas de lettre ! Voici la première fois que cela m’arrive. J’en suis pétrifiée. Qu’est-ce que cela veut dire ? Je vous en prie, donnez-moi ma lettre aujourd'hui car je ne pourrai pas achever ma journée, si je ne l’ai pas reçue. Je ne puis rien vous dire de plus, car je ne pense qu’à votre lettre. Adieu. Adieu. Adieu.

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Richmond vendredi soir 24 août 7 heures

J’ai été à la poste moi-même et j'ai eu l'air si misérable qu'il m’a semblé que les gens là ne pouvaient pas se dispenser de me fabriquer une lettre du Val Richer. J'ai eu raison, j’ai eu ma lettre. Pourquoi pas plutôt c’est ce que je ne conçois pas. Mais la voilà et me voilà contente. Mais quelle drôle de chose que dans cette lettre vous vous plaignez du même accident pas de lettre de moi ! Faites comme moi, allez mendier, et on vous donnera bien longue visite de Milnes, impayable, amusant, enragé hongrois. Proclamant à son de trompe l'humiliation de l'Autriche, le triomphe de la Russie, des barbares, disant mille absurdités. Au bout de tout cela, il me plait assez, bon enfant écoutant tout sans se fâcher, & je lui en ai dit dans ma couleur sans en gêner le moins du monde. Il a souvent des lettres de M. de Tocqueville. Les dernières étaient pleines de soucis. A propos des affaires de Rome. Il est resté chez moi deux heures ; je m'imagine que je l’ai diverti à mon tour Je l’ai mené chez Lady John Russell. Nous avons rencontré chemin faisant Madame de Metternich, elle a traité Milnes très mal, moi pas très bien, vu que j'étais une mauvaise compagnie.

Samedi 25 août
Lady Palmerston écrit à son frère des lettres fort aigres. Elle s'amuse de se laisser mener par moi comme un petit garçon, de n'être plus un Anglais, d’être devenu Russe. Enfin elle est bien contrariée de l'affaire de la Hongrie. Plus j'y pense moi, plus j'en suis contente. L'effet est immense. Je remarque que les rapports autrichiens éludent, quand il s'agit de dire à qui Georgy et son armée se sont rendus. C’est petit il faut dire la vérité. Il est bien naturel que les Hongrois préfèrent se rendre aux Russes. Les Russes rendent ensuite à l’Empereur d’Autriche, il fera comme il voudra. Nous ne lui passerons rien. Milnes veut qu’on ne condamne personne. Je lui demande pourquoi O'Brien avait dû être pendu. Il répond que quand les insurrections sont sur une grande échelle comme en Hongrie, ce n’est pas comme en Irlande. c-à-d. Que parce que le mouvement d'O'Brien na pas fait tuer des milliers d’hommes, il faut le pendre et attendre que Kossuth en a sacrifié 100 mille peut- être et ruiné son pays. Il faut [...]

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Richmond mardi le 4 septembre 1849

Lord Beauvale est venu de Londres hier pour me voir. C’est dans sa calèche que s’est passé la visite. 1h 1/2 au milieu de la rue au grand divertissement de toutes les commères de Richmond, la Duchesse de Glocester en tête. Il m’a fort diverti ne me racontant la mauvaise humeur du f.o. bien grognon, bien aigre, & certainement broyant du noir encore, partout. Entre autre espérant que les révolutionnaires traqués & chassés de tous les pays iront en Grèce, & que là ils renverseront le roi Othon. Ce propos est littéralement vrai. Très mécontent du gouvernement de Malte qui a imaginé de refuser de recevoir les Marsini & &. Ce gouverneur arrive ici et sera sans doute destitué. Il est de mode de dire que l'Autriche n’est plus qu’une province Russe. On cherche à aigrir, à blesser. Votre diplomatie parle bien plus convenablement.
J'ai eu un mot de John Russell hier, aussi de la mauvaise humeur, je copierai cela pour demain, avec ma lettre qui a donné lieu à cette réponse. Mon fils m'écrit de Naples que le Pape y était attendu pour le 1er septembre. Il tiendra ensuite un consistoire à Benavente, et puis il ira passer l'hiver à Loretto. La question politique bien incertaine bien vague. Ma soirée s’est passée à faire de la musique. Mad de Caraman chante. Cela m'amuse assez. Bulwer est de retour, je ne l’ai pas vu encore.
1 heure
Comment n'avez- vous pas eu ma lettre de vendredi ! Elle a bien été remise de bonne heure. Que faire ! Le grand duc Michel a encore une fille à marier. La grande duchesse Catherine charmante, il va la marier. Je crois à un Mecklembourg. Elle ne vous épouserait pas. Vous trouverez peut-être quelque petite allemande, mais surement pas avant de vous être fait empereur. Adieu. Adieu.

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Richmond le 6 septembre 1849

Pourquoi n'avez-vous pas votre parapluie quand vous sortez pour une grande promenade ? C’est ridicule, et cela me fâche. Hier, jour d'orage, quoique toujours une température bien douce. Je fais toujours au moins trois promenades par jour. Toujours le parc, pas de choléra parmi les vaches et les daims. Je n'ai vu que mon fils hier matin, il n’avait rien de nouveau si non que le duc de Bordeau & la duchesse d'Orléans se sont manquées d'une heure à Cologne. Lord Harry Vane en vient & lui a couté cela. Voici ma correspondance. Il est de mode de dire que l'Autriche est désormais notre vassale. On ne réussira pas à nous brouiller. Je suis étonnée de n’avoir rien de Varsovie. Le grand duc au moins n’est pas mort, car voilà sa femme et sa fille qui sont allées le rejoindre. Bulwer m'écrit de Brighton. C'est là qu’il va rester jusqu'à son départ pour les Etats-Unis en octobre. Sa femme en adoration devant lui à ce que m'écrit Marion. Cette pauvre Marion, aucun espoir de Paris ! Voilà votre lettre. Une page sur l’Allemagne très curieuse, frappante & vraie. Metternich n’est pas accouché de sa feuille volante, elle s’est envolée. Je ne crois pas que vous y perdiez grand chose. Il me semble qu’il n'y a rien de nouveau dans le monde. Les journaux très vides ce matin, et ma lettre aussi. Je n'ai que la ressource d'une quantité d’adieux. Adieu. Adieu.

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Richmond Jeudi le 6 septembre 1849

Morny est venu hier. Je l'ai fait dîner avec moi et causer beaucoup. Grande affection pour le président, et l'opinion de lui qu'en a tout le monde, sans exagération. Le président ne veut rien hâter. Cela viendra de soi-même. Un changement dans le ministère est inévitable dés le retour de l’Assemblée. Molé & Thiers sont prêts et désirent le pouvoir. Barrot resterait garde des sceaux, Molé aff. étr., Thiers finances ou intérieur. Benoist, je ne me rappelle plus qui encore. Le président aime beaucoup Molé. Celui-ci & du courage beaucoup plus que Thiers, et au fond c’est le président qui n'était pas pressé de prendre celui-ci comme ministre. Grand discours éloge de Falloux, tout-à-fait premier personnage dans l’Intérieur & la confiance de tous. Montalembert aussi. Les légitimistes imbéciles et rendant tout difficile. Berger n’est pas de ce nombre. Broglie très compté & respecté mais pas très pratique. Piscatory faible. On avait tant dit de lui qu’il était cassant, qu'il s'est mis à joué le modéré, il fait cela gauchement avec exagération et on en rit. On rit surtout de la Redorte. L’un et l'autre ayant frisé le ministère se considèrent toujours comme candidats. Excellentes relations avec Kisselef. Grand éloge de celui-ci. Normanby une vacature qui ne quitte pas le président. Tout aussi ridicule que jamais Morny a essayé une explication de la conduite envers vous. Vous avez été mal informé. C'est par égard & amitié pour vous qu’il craignait que vous ne fussiez élu. Et certainement plus le temps coule & plus on voit que vous êtes le premier homme de votre pays. Is not the word this war the meaning.
Les Orléans parfaitement oubliés. Paris tranquille & charmant. Il va en Ecosse & retourne pour la rentrée de l'Assemblée. Je le verrai encore. J'ai eu une longue lettre de d’Impératrice, excellente, de [?], elle a voulu aller à Fall voir le tombeau de mon frère. Elle en revenait encore. Grande joie de nos victoires et elle me dit : " Palmerston va être bien affligé pour ses chers Hongrois, lui qui formait des vœux sincères pour nos défaites. " Cette lettre a été bien ouverte. J'espère que c’est en Angleterre. J'ai déjeuné hier chez la duchesse de Glocester. On serait charmé dans la famille royale que Claremont décampât et allât en Italie. On est fatigué de leur présence. La reine est de cet avis aussi. Cette reine vient de passer deux jours dans une petite chaumière isolée dans les Moors. Personne que son mari, une femme de chambre, un valet de pied & un marmiton & deux [ ?]. Le valet de pieds habillant le prince, les [?], & ramant le couple royal sur le lac. Une hutte composée de deux chambres pour le ménage un autre pour les domestiques pas d'habitation à 40 miles à la ronde. Elle écrit dans des extases de joie. C’est charmant d’être jeune. Voici mon petit billet de Metternich. Assez spirituel. Pas de grande feuille. Vous ne l'aurez jamais. Votre lettre m’arrive. Quelle idée que l’Empereur ait donné son portrait et celui de l’Impératrice à Lamoricière. C’est un conte. Mais Morny me dit qu'on le traite très bien. Adieu. Adieu. Adieu.

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Richmond le 6 septembre jeudi 1849
5 heures

Deux longues lettres de Constantin par Nicolay arrivé de Varsovie cette nuit. Le grand Duc Michel sans ressource. Paralysé du côté droit, la parole embarrassée. L’Empereur au désespoir, ne le quittant pas d’un instant. On était au 7eme jour. Sa femme était attendue à tout instant, on craignait qu’elle ne vint trop tard. On juge Lamoricière comme vous le jugez mais on est très content de son langage. Grande distance dans la manière de le traiter lui et ses collègues de Prusse & d'Autriche. Ceux-ci dans l’intimité, lui non, mais beaucoup de politesse. Au Te deum pour nos victoires l’Empereur s’est approché de lui & lui a dit. " général j’espère que c'est la fin de la lutte, de la même bataille commencée dans les rues de Paris et dont les premiers lauriers vous reviennent et à vos amis." Les Polonais sont furieux de voir des uniformes français dans le cortège de l’Empereur, ils montrent un grand éloignement pour Lamoricière et évitent de faire sa connaissance. Nous rendons tout aux Autrichiens jusqu'au dernier canon, nous ne nous réservons d’autres trophées que les étendards & drapeaux pris à l'en nemi par nos troupes. Cent drapeaux ont été entre autres envoyés à Moscou. c’est au général russe Grabbe que [ ?] va se rendre. Peterwardeim seul est réservé aux Autrichiens. Beaucoup de froid entre [ ?] et Haynau. On nous a ordonné de vaincre les Hongrois mais nous ne les haïssons pas. Haynau est haineux, & féroce, et ne voit dans ceux que se sont soumis à nous que des victimes qui échappent à la vengeance. (Cela me prouve que nous protégeons.) Grand embarras pour le gouvernement autrichien. La haine qu’il rencontre en Hongrie est extrême. Vous avez là à peu près tout. L'empereur très soucieux à propos de l’Allemagne.

Vendredi le 7 Septembre.
Nicolay est venu hier compléter les informations de Varsovie. Beaucoup de détails très curieux. Certainement la position de l’Autriche est critique. Les Hongrois nous adorent & la détestent, à nous tout le monde veut se rendre. Exemple : à Arad le Corps de Schlik 16 / m hommes se présente & somme la garnison de se rendre. Refus absolu. Jamais à un autrichien. Un escadron russe, un seul, se présente à la porte de la forteresse, On l’ouvre de nuit & on se rend à nom, à discrétion. Tout cela est bien humiliant & pénible à supporter aussi on nous déteste à Vienne mais les Empereurs vont à merveille ensemble. Ils se tutoient en s'écrivant, mon Empereur n'attend cela que la mort ou la guérison de son frère pour retourner à Pétersbourg. Il en est pressé, il est ennuyé de toute cette affaire, quoiqu’il en soit bien glorieux. Son chagrin est excessif. Il ne quitte pas Michel. Nous retirons toutes nos troupes de la Hongrie. Georgey est toujours à notre quartier général et très bien traité. On dit un homme très distingué de toutes façons. La tournure du général Lamoricière parait bien convenue, son entourage aussi. On le traite très poliment. Il y a de la bienveillance pour la France, avec un peu d’indifférence. " Qu’est-ce que cela nous fait ! " On vous sait gré d’avoir chassé nos mauvais sujets. Branicz, Goldwin & & Mad. Kalergi en est, vous l’avez prie poliment de s'en aller. Nicolay l'a vu à Berlin. Kossuth, Dembinsky, Massaro sont chez les Turcs. On est curieux de voir ce qu'ils vont en faire. On s’attend à les voir protégés par Stratford Canning.
Les journaux anglais disent que Lord Aberdeen est chez la reine. La dépêche de Palmerston est arrivée à Schvarsenky trois jours avant la soumission de Gorgey, cela a beaucoup fait rire. Je crois que je vous ai fait là tous mes commérages. Je demeure ici dans la partie haute de la maison, le coin, ce qui me donne même la vue de la Terrasse outre la belle vue de la rivière. Un bon appartement avec balcon, et tout-à-fait séparée du bruit. M. Fould me disait hier que selon ses nouvelles Thiers ne voulait à aucun prix être Ministre, c’est tout le contraire de ce qu'affirme Morny. Adieu, mes yeux me font un peu mal & j'écris trop. Votre lettre m’arrive. L'orage vous à donc cependant donné du rhume. Encore une fois où était le parapluie ? Adieu. Adieu. Adieu.

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Richmond samedi le 8 septembre 1849

Je vous que vous allez faire un assez long séjour chez le duc de Broglie. Y serez-vous seul, ou avec vos enfants ? Avez-vous chez vous Melle Chabaud ? J’ai vu hier chez moi Van de Weyer, Morny, & Lord Harry Vane qui passe quelques jours, à Richmond. C’est devenu un lien élégant. Lord & Lady Ashley sont ainsi au Star & Garter elle est très bien, le mari encore bien triste. Harry Vane revient d'une tournée en Allemagne, pays ruiné, démoralisé. Plus de voyageurs. Rien que des soldats là où en voyait jadis que les jolies femmes. Grande confusion d’idées, & de vœux. On ne sait ce qui va arriver. Morny se prolonge ici pour des affaires d’argent. J’en profite car il m’amuse. J’ai vu hier les Metternich. Je crois qu'il se décide pour Bruxelles. M. Fould part avec toute sa famille pour Paris. Morny le trouve bien Orléaniste. Morny dit qu'il n'y en a plus en France. Voici votre lettre, Madame Austin me parait avoir grand goût aux royautés. Voilà pourquoi elle trouve à Mme la duchesse d’Orléans, l'esprit si juste. C’est juste ce que je croyais qui lui manquait.
Vos affaires à Rome deviennent sérieuses. Mais au fait vous ne pouvez pas dument assister à là réaction. Les Cardinaux n'ont pas le sens commun. C'est la duchesse d’Orléans qui a tort dans sa querelle avec la duchesse de Cambridge. Elle a fait comme elle devait la première visite aux deux reines, & à la duchesse de Kent & Glocester. Pas de visite à la D. de Cambridge pourquoi ? Celle-ci parce que sa fille est marié en Mekenbourg. Mais ce devait être une raison de plus de venir. Adieu. Adieu. aujourd’hui. Je n'ai rien à vous mandez du tout. Et demain est Dimanche ; ce sera pire encore. Nous avons toujours notre ressource. Adieu. Adieu.

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Richmond Lundi le 10 septembre 1849

Imaginez que je n’ai pas trouvé une seule minute hier pour vous écrire. Il faut commencer par dire que mes yeux me tracassent depuis quelques jours, j’ai écrit une longue lettre à l’Impératrice. J'avais une longue imagination et avec un agent, pour une maison pour Beauvale, un déjeuner chez la duchesse de Glocester. En rentrant de là, Morny & Harry Vane ; un bout de promenade, & le dîner, & la lampe, alors tout est fini comme occupation. Ces deux Messieurs sont partis ce matin. Morny reviendra d'Ecosse dans dix jours. Il me paraissait inquiet de l’opinion qui se produirait à propos de la lettre du Prince à M. Ney. Elle est certainement inconstitutionnelle, & très impérative. Si elle atteint son but il aura en raison. Les embarras de l’Autriche vont être bien grands. Quoiqu'on dise de la bonne intelligence entre les Empereurs, & leurs cabinets respectifs, cette affaire de Hongrie laissera un long ressentiment. Nous sommes vraiment trop puissants et l'effet moral de notre conduite dans les provinces autrichiennes tourne bien en défaveur de gouvernement. Ce n’est pas notre faute. Nous retirons notre dernier soldat ; Nous sommes irréprochables, c’est sans doute notre tort. L’Allemagne s’arrangera Je crois. Mais l’intérieur de l'Empire autrichien c'est une autre affaire. Lord John Russell est revenu. Je ne l’ai pas vu encore. Lord Beauvale me parait en train de se brouiller avec sa sœur, elle est partie. Le mari & le frère sont à Londres.
Savez-vous que Madame de Caraman est pour moi une vraie ressource. Elle a plus de fond qu’il n’y parait. La vieille princesse part un peu piquée. Elle croit que je ne lui trouve pas assez d'esprit. J'attends demain ici Lady Allice au Star. Elle n’a plus sa maison. Voici votre lettre, très intéressante. Une longue lettre d'Aberdeen Il avait passé trois jours chez la Reine. La reine ravie de nos soins les meilleurs sentiments longue conversation avec John Russell, dont il est assez content. J'y reviendrai, pour aujourd'hui je ne puis plus continuer. Mes pauvres yeux ! Adieu Adieu.

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Richmond mardi 11 7bre

Je suis bien malheureuse des yeux inflammés. Je vous écris les yeux fermés. Je ne vous dirai que deux mots. Quelle misère. Et tant à dire ! Ah si vous étiez ici. J’ai vu lord John hier résigné mais pas content. Aberdeen a eu avec lui de longues conversations. Il me l'écrit & John me le dit. D'abord sur les questions générales. Nicolay est venu dîner avec moi hier. Scharzenberg n’a pas encore répondu à la dépêche de Palmerston. Cette dépêche était d'une longueur assommante. Une de ses plus pauvres productions. Fould est parti ce matin for good. Beauvale ne vient plus. C’est rompu. Le grand duc Michel allait un peu mieux. Mais on ne le sauvera pas. J’ai vu hier aussi mon fils, à Londres 450 morts du Choléra dans un jour. Comme je suis triste de mes yeux. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Mercredi 12 sept. 1849

Les yeux vont un peu mieux. Mais j’écrirai peu. Voici ce que mande Lord Ponsonby : " nobody here cares one reach what all the goodies in England ta hef say as advice to be listen to, but great disgust is created by it, and entre nous. [?] there may be source danger of desagreable results." Ceci est tout frais. Lord John a épluché devant moi la lettre du Président à M. Ney. Il voulait trouver les quatre conditions exigées, très élastiques et peu compromettantes. Cela me semble difficile. Au reste il critique la lettre beaucoup dans la forme, dans le fond & ne comprend pas comment on se tirera de toute cette affaire. Je n’ai pas vu M. de Metternich, je ne sors pas. Morny m’avait dit sur la composition de l’Assemblée à peu près ceci. De 150 à 170 rouges. 150 légitimistes, 50 légitimistes exagérés, une quarantaine de flottant & ce bagage passant aisément aux rouges. Les vrais conservateurs en minorité. Grande majorité s'il s'agit d’ordre. Fractionnant immédiat s'il s’agit de forme de gouvernement ou de tout ce qui y mène. Impossibilité de rien entreprendre par le moyen de l’Assemblée actuelle. Morny reviendra dans huit jours, je chercherai à mieux fixer les chiffres.
Aberdeen a eu de longues conversation avec Lord John à Balmoral. Il me dit. (J'abrège) "We talked freely of every thing. Without naming his colleague we certainly talked of various matters in astrain to which he would not have [?] at the same time I think Lord John is radically disposed, but corrects his radicalism by his policy and prudence. his colleague is not naturally dispond to radicalism but being without political principles freely of every thing. Without naming his colleague we certainly talked of various matters in astrain to which he would not have [?] at the same time I think Lord John is radically disposed, but corrects his radicalism by his policy and prudence. his colleague is not naturally dispond to radicalism but being without political principles principles yields at once to the passion or interest of the moment. The proportion as the world is rettering to his senres, his failures become more manifest." Voilà beaucoup pour mes yeux. Je finis Quel dommage que je ne puisse pas tout conter. P. E. la dépêche de Lord. Palmerston à John. Mais c'est si long. Voici : Rough Sketch " il y a le probable & le possible (comme cela ressemble à Metternich). Probable vous battrez les Hongrois. Possible vous serez battus par eux. Alors quoi ? Ne risquez ni le probable ni le possible. Arrangez vous tout de suite. Donnez indépendance && " Adieu. Adieu, si vous me donnez des yeux, je vous amuserais davantage. Adieu Adieu.
J’ajoute encore. [?] ne veut pas se rendre. Les autres l’attaqueront avec toutes leurs forces. La Prusse n’est pas assez forte pour faire sa volonté en Allemagne. L'Autriche qui ne veut pas de ce que veut la Prusse n'opposera que son vote et son inertie. Mais si la Prusse employait la force alors Autriche, Russie & &France tout serait là pour s'opposer. Voilà ce que mande Lord Ponsonby.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond jeudi 13 septembre 1849

Jai vu hier lord John ; il me paraît parfaitement convaincu que vous allez à l’Empire. " Très préoccupée de Rome. Je lui ai lu votre lettre à ce sujet, il est fort approbatif, cependant j’ai cru voir qu’il ne regarde pas comme impossible de faire vivre la papauté avec un Parlement. Ce parlement ne s’occuperait pas des finances par exemple. Lord Minto était présent. Il a retrouvé dans votre lettre tout ce que Rossi lui avait montré, dans ce temps de votre correspondance. Très peu d'espoir du côté du Pape. Excellent homme, sans esprit. Enorme indignation de [?] de publier certain livre de Gioberti. Gioberti reçu par le pape avec tant de bonté, il y a un an encore. Enfin on voit un parti pris de réaction violente et cela amène à toute extrémité. Les français ne peuvent pas. reculer. Enorme embarras. Normanby a été à Champlatreux il y a rencontré Odilon Barrot. Le général français va nommer une commission de gouvernement à Rome, pour s'opposer aux cardinaux. Voilà tout John Russell hier.
J'oublie évidemment de l’inquiétude de cette réunion des mauvais esprits de tous les coins de l'Europe à Londres. Liaison intime et patente entre eux & les Chartistes. Travail pour révolutionner partout. Céphalonie n'inquiète pas beaucoup. Je voudrais que les anglais passassent par l'épreuve d’une insurrection. Comme ils y iraient rondement ! J’ai dîné hier chez lady Allice avec lord Somerton. Aujourd’hui l'on dîne chez moi. J’ai vu Mad. de Metternich. Son mari ne dit aucune opinion il est perplexe. Il ne croit pas que le pape cède. Evidemment Vienne a les Russes en horreur. On ne nous pardonne pas notre secours. Avez-vous remarqué la sécheresse de nos pièces officielles ? Exécution très froide de l’Autriche, ou pas d'exécution du tout. Je n’ai plus vu les Collaredo depuis quinze jours. Auparavant ils venaient au moins une fois la semaine, Metternich ne sait où aller, je crois que ce sera Bruxelles. 1 heure. Ni lettre, ni journaux ce matin. La malle n’est pas arrivée, peut être gros temps sur mer. Je ferme donc sans avoir eu mon plaisir. On me dit que lady Holland est partie en toute hâte de Paris pour venir trouver son mari malade du choléra à Holland house. Je saurai dans la journée si c’est vrai. Adieu. Adieu.
Le temps est à la pluie, beaucoup de vent, cela ne va pas à mes yeux. Adieu. On me dit que le duc de Bedford est devenu très protectionniste. Lord Palmerston avait auprès de Kossuth un commissaire appelle Wight. Je demanderai à John Russell s'il savait cela.

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Richmond vendredi le 14 septembre 1849

J'ai vu hier lord John. Mauvaise nouvelle de Paris, Le général Changarnier a dit à lord Normanby qu'on se battrait encore vers la fin d’octobre. Que faire que devenir ? Molé est un critique de la lettre du Président. Il approuve le fond, mais pour tout le reste il dit que c'est le bon moyen de ne pas arriver à son but, et que l’affaire est complètement manquée par la France. Certitude que Molé prendra les affaires ; lui, Thiers, Falloux. Falloux l'homme important de France, car il dispose de toute la portion religieuse du pays. Conviction intime qu’on passera à l’Empire. J'ai eu à dîner chez moi Hier lady Allice, Mad. de Caraman, Lord Somerton & [?] Byug. Le soir comme de coutume chez Delmas de la musique. Cet aveugle m'a remis entrain. C’est son seul plaisir, et à force de jouer, je reprends ma mémoire et mes doigts. Le temps est devenu froid, je m’y résignerai avec plaisir si cela nous débarrasserait du choléra. Lady Holland est décidément arrivée, mais on dit que le mari n'a jamais été malade. Elle ne m’a pas donné signe de vie encore.

1 heure. Quelle intéressante lettre que la vôtre du 11 & 12. Paris se complique, & certainement il y aura des bourrasques, peut être des orages. Cela m'importe peu tant qu’il n’y a pas d'orage dans la rue. Je ne connais pas de bon contré parapluie contre cela Vous me paraissez si bien au courant que vous saurez me dire quelque chose ainsi sur les projets des rouges. Adieu. Adieu Les yeux vont mieux, comme vous voyez, mais il faut que je les ménage beaucoup. Adieu.

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Richmond samedi le 15 septembre

Lord John est fort préoccupé de Paris et de Rome. Nous discutons longuement. Il désapprouve beaucoup la lettre du Président, et comprend tous les embarras auxquels cela entraine au dehors comme au dedans. Toute cette affaire atteste bien de l’inexpérience & de la légèreté de la part de tout le monde. Nous avons passé à la Hongrie. Lady John fait les vœux les plus ardents pour les Hongrois Kossuth & & Encore ? Oui encore. C’est vraiment trop bête. J’ai vu Metternich, il ne fait plus autre chose que rabâcher. Impossible de redire parce que ses paroles sont absolument vides ; il envoie un courrier à Vienne aujourd'hui avec un long mémoire sur les affaires. Je pense que Schwarzenberg en dira ce que je vous dis. J'évite Metternich à présent, parce que l'ennuie est sans compensation aucune. J'aime bien mieux sa femme. Elle était chez moi hier matin pâle de colère, et la bouche pleine d’invention contre Lord Palmerston. J'ai bien ri, surtout lorsque elle s'arrête tout court devant une expression sans doute trop énergique. Je lui demande quoi donc ? - " Non, je ne puis pas dire cela, c’est trop polisson." Lady Holland était chez moi. Elle ne me dit rien, absolument rien de nouveau sur Paris, elle a l’air malheureux & triste. Elle dit qu'elle n’a vu personne que Jérôme Bonaparte. Il est en meilleur termes avec son neveu. Les Holland retournent à Paris. Lord John attend les prochaines nouvelles de Céphalonie sans inquiétude. Il dit que le mal est provenu de ce qu'après le premier mouvement insurrectionnel en mai dernier le gouverneur général, Lord Seaton qui est un Tory a proclamé une amnistie entière, ce qui est une bêtise, que le gouvernement de Céphalonie. M. Ward, un Whig, ne sera pas si bête, il fera pendre et ce sera fini. C’est impayables ! Les Palmerston sont en Hertfordshire chez Cowper. Il me semble que le corps diplomatique est parfaitement délaissé à Londres. Voici votre lettre avec extrait de Piscatory. C’est un esprit [?] & qui est resté doctrinaire. Je vous en prie ne le redevenez pas. Adieu. Adieu. Adieu.

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Richmond dimanche 16 septembre 1849

J'ai oublié de vous dire que Lord John parle beaucoup & fort mal de Radoviz. Il parait que c'est l'homme puissant au jourd’hui. Collaredo qui était chez moi hier le défend en disant qu'il fait son devoir de prussien, et qu’à ce point de vue sa conduite est habile et fera aboutir. Personne ne se fait une idée exacte de ce qui ressortira de ce travail en Allemagne, mais évidemment on s’arrange. Les deux grandes puissances s'entendront et la Prusse aura la part d’influence prépondérante qui lui revient. Je crois à deux portions nord & midi unies pas un lien fédéral. Le grand duc Michel était à l’agonie il y a huit jours. Le comte Nesselrode me l'écrit. Son désespoir pour sa femme, & le désespoir de l'Empereur pour son frère sont extrêmes. Cela jette un voile bien lugubre sur ce que devrait être les jours de Varsovie. L'Empereur ne quitte pas le lit de son frère.
Lundi 17. Sept Le journal m'annonce la mort du grand duc je suis sûre que sa femme a trouvé le moyen de se conduire très sottement à cette occasion. C'est une femme de beaucoup d’esprit avec pas l'ombre de tact et une absence de cœur complète. Lord John est malade, mais je le vois. Hier il me faisait l’éloge de Lord Aberdeen. Beaucoup pour moi. Développant tout son mérite politique, grandes vues. Vues générales. Homme plein de sens, de tenue & & & Vous entendez cela. Il approuvait seulement, dit-il, une bévue, le mariage espagnol. Comment bévue ? Mais s’il était resté le mariage ne se faisait pas. Et alors, les preuves. Il a tout écouté sans contester. ces conversations m’amusent & je crois lui aussi. Mais je pense que nous ne faisons pas grande impression l'un sur l’autre. La vieille princesse [Crasalcoviz] est partie ce matin, elle passe une semaine à Londres et puis Paris. Je regrette de voir disparaître une pièce d'une si petite réunion. A propos hier Lord John me faisait un grand éloge du Duc de Broglie, décidemment il l’aime, outre qu'il le respecte.
1 heure. Voici vos deux lettres de Broglie. Merci merci, & adieu bien vite, car lady Allice est là qui me prend mon temps ; elle part for good. Adieu. adieu.

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Richmond Mardi le 18 septembre 1849

Deux mois, deux grands mois depuis votre départ ! Comme notre courte vie est massacrée. Je comprends que vos hôtes aiment votre visite, mais je suis sure que vous aussi vous aimez avoir à qui parler, avec qui raisonner un peu. Moi je n’ai eu personne. Lord John tout seul, mais il n’y a pas assez de liberté d’esprit. J’avale à tout instant ce que j’allais dire. Cependant sa conversation m’amuse. Nous devisons Hier j’ai passé la soirée, chez eux. Tous seuls à nous trois. Cherchant à comprendre comment peut se débrouiller ce chaos partout, surtout en France, aboutissant un peu à dire, c’est John qui dit que les Français sont particulière ment faite pour un bon despotisme militaire. Je suis d’accord de cela malgré que cela ne vous plaise guère. Je crois vous avoir dit, il y a une dizaine de jours que Lord Palmerston voulait qu'on destituât le gouvernement de Malte pour avoir refusé l'hospitalité aux réfugiés italiens. Lord John ne veut pas, et cela ne sera pas. Il approuve la conduite du gouvernement. Il est très curieux de ce que va faire le gouvernement turc à l'égard de Kossuth & & &. L’Autriche les réclame et nous réclamons les Polonais. Je suis étonnée de n’avoir rien de Constantin depuis la mort du grand duc. Des nouvelles privées parlent du chagrin violent de l’Empereur. Il prend les joies comme les peines avec une fougue, effrayante. Mon fils est venu me voir hier. Le temps tourne au froid, et je commence à craindre que Richmond ne le soit trop pour moi bientôt. Je ne suis cependant pas pressée de Paris. Le choléra, & les menaces de Changarnier. Morny revient ici dans huit jours. Lord Melbourne m'écrit souvent mais il demande, car il ne sait rien. Il me dit sur Lord John " Quel cocher pour l’attelage qu’il devrait conduire, et dont il est mené." Je suis un peu colère contre Melbourne pour une question de 3 £ il laisse aller cette belle maison qu’avait M. Fould. Les Delmas viennent de la prendre. Lord John approuve fort le vote de la Chambre à Turin qui condamne l’arrestation de Garibaldi.
Je vous envoie une lettre de Marion. Je lui avais fait tenir celle où vous me parliez d'elle. (c’était trop long à copier.) Voyez la drôle de fille. Voici votre lettre. Je suis bien aise du peu de valeur que vous attachez à au dire de de Lord Normanby. Mais regardez y toujours et au choléra. Adieu. Adieu mille fois.

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Richmond le 19 septembre 1849

Journée froide hier, & pas de visites. Je n’ai vu que les Metternich & Mad. de Caraman. Je ne devrais pas dire qu’elle m’ennuie par ce qu’enfin elle vient rompre ma solitude et qu’elle le fait avec ma nièce de dévouement et de plaisir. Mais à vrai dire si je n’étais pas rude ce ne serait guère endurable. Si peu naturelle, & si peu de fond ! Mais elle chante ; un peu faux c’est vrai mais très bien. Son talent pour le dessin est merveilleux & ses ressemblances frappantes. Seulement je n’ai Aucune patience, et je ne veux pas poser. Ah l'ennui mon ennemi !
Lord Aberdeen m'écrit souvent Il me dit : "The letter of the President, was an act of great imprudence, and a a piece of insolence offered to the whole word. His own ministere has also good cause to be offended." Quant aux conseils donnés au Pape dans cette même lettre il les trouve de nature à être parfaitement acceptés ; et dit d'eux comme Lord John qu’ils sont élastiques. Le Times de ce matin a un article admirable sur la conduite de la Russie, comparée à celle de l'Angleterre.

1 heures. Votre lettre, et Constantin, & Beauvale. Constantin décrit le désespoir de l'Empereur, énorme, déchirant. Il a dit à Constantin. "Allez chez mes sœurs, & ma fille. Dites leur mon malheur, je ne puis pas écrire." Constantin m'écrit de Weymar, et va de là à Stuftgard, & La Haye. Beauvale curieux. On a donné une constitution à Malte. Le conseil législatif composé de Jésuites intolérant. Refusant refuge même aux malades & blessés. Palmerston choqué, furieux. John Russell & Lord Grey soutenant le gouvernement que Palmerston veut faire chasser. Que va-t-il se passer Beauvale conclut. Garderons-nous Grey ou les colonies les deux ne peuvent pas exister. Le Cap & le Canada en pleine insurrection. Il me semble que je vous ai parlé hier de Malte. Vous aurez vu que John Russel approuve la conduite du gouverneur. Adieu. Adieu. Je n’ai pas lu mes lettres encore. Une longue de Berlin adressée à Beauvale & qu’il m’envoie. S'il y a quelque chose, je vous le manderai. Adieu.

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Richmond le 19 septembre 1849

Ah si j’avais des yeux ou si j’avais Marion. Il n’y a pas moyen. Je vous envoie la lettre de Beauvale, elle vous donnera une idée plus exacte que ce je vous ai dit ce matin de l’affaire de Malte. Quant à la lettre de Berlin, elle traite longuement la question allemande. On cherche à s’entendre avec l'Autriche. Il est probable qu'il y aura deux Allemagnes nord & midi. J'en ai causé ce matin avec Metternich. Il dit que ce serait la guerre. entre elles. & que le feu au centre de l’Europe c’est le feu partout. Selon lui Il n’y a de possible & de sensé que 1815. Il ne sort pas de là. M. de Persigny a fait bien des efforts à Berlin pour faire comprendre la nécessité de donner de la force au Président démontrant qu’il n’y avait possible que Louis B. en France. Il faut donc le soutenir. Le correspondant de Berlin ajoute : la question de dynastie en France embrouillera tout l’avenir de l'Europe. Moi, je ne vois pas cela. C'est une question de ménage. jeudi le 20 septembre. Longue conversation hier avec lord John. Certainement il soutiendra le gouverneur de Malte, & approuve complétement son refus de recevoir les réfugiés, Nous allons voir qui l’emportera de lui ou de Palmerston sur ce point. Le gouverneur [?] est en Angleterre dans ce moment un protégé de lord Minto. Quant au Cap, quoique les habitants ne veulent pas recevoir les Convites, le gouvernement cédera, et fera revenir ceux qui sont déjà partis. Longue discussion commençant par un : " Quel beau rôle vous avez fait à mon empereur ! Vous pouviez le partager avec lui, vous n'aviez qu’à rester tranquille, & & &. Vous voyez tout ce que j’ai dit à la suite. J’ai été très belle vous auriez eu plaisir à m’entendre. Les busy body poussant les révolutions, & puis abandonnant. S’aliénant les gouvernement et les peuples. battus partout. Nous tranquilles d’abord, et puis le reste, finissant par dire. Il y a plus d’honneur aujourd’hui à être Russe qu’Anglais. " Il a voulu expliquer les motifs les nécessités d’intervention partout. Les répliques n'ont pas été difficiles. De tout cela il résulte qu’il est bien bon enfant, qu’on peut tout lui dire, mais je doute qu'il entend souvent tant de vérités. C’est très sain pour un Ministre et puis réflexions générales. Par quoi finira tout ceci. Le bouleversement est si profond qu’il ne peut rien ressortir de raisonnable, de tempéré. Ce sera l'un on l’autre extrême partout. absolutisme, ou démocratie. tous avons trouvé cela spontané ment & simultanément et nous nous sommes quittés sur cette belle perspective. Vous comprenez que j'aime mieux la première & lui aussi. En parlant des nouvelles inventions, il dit : là où il n'y a qu’une chambre, il n'y a plu de gouvernement, il ne vaut pas la peine d'en avoir. Adieu.
Il fait froid, cela ne me plait pas. Je reçois dans ce moment une lettre de Bro[ ?]. Palmerston y est. " Il a grande. envie de l'empire. Il y croit, il déteste les 2 branches de Bourbon, et ne croit pas du tout que l’état actuel puisse durer. Christine & Narvaez cherchent à faire abdiquer la Reine en faveur de sa sœur, et profitant pour cela de l'absence d'un représentant d'Angleterre ! " Est-ce que cela ne voudrait pas dire que Palmerston a envie d’en envoyer. un ? Voilà tout & je finis. Adieu. Adieu.

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Richmond jeudi le 20 septembre 1849

On mande de Paris à Lord Palmerston qu'en effet Thiers dit qu'il était sur le point d’accepter le Ministère mais la publication de la lettre à Ney lui a servi de prétexte pour reculer. Il donnera son appui à Louis Napoléon où à tout autre qui lui offre l'espoir de pouvoir dire jusqu'à son dernier jour qu’il n’a jamais servi une république. On va proposer de doubler le salaire du président. Si les légitimistes ne votent pas, on sera battu. Je vous redis ce qu'on sait ou ce que l’on croit le savoir ici. Je vous ai dit que Palmerston croit tout. à fait à l'Empire.

Vendredi 21 sept. J’ai vu hier matin van de Weyer, & Nicolay le soir. Le premier fort spirituel et charmé de l’article du Times avant hier qui donne sur les doigts à Lord. Palmerston à propos de la grande [?] de l’Empereur Nicolas. Du reste peu orienté, puisqu'il n’y a pas un ministre et pas une âme à Londres faisant un grand éloge du président, et pas indisposé pour l’Empire. Nicolay racontant un courrier de Varsovie arrivé hier matin, mais rien de plus que ce que je vous ai dit sur les derniers moments du grand duc. Le désespoir de l'Empereur. Nous faisons rentrer jusqu'au dernier soldat. L’Empereur d'Autriche voulait venir à Varsovie, la catastrophe du grand duc Michel l’a empêché. Peut être n'a-t- on pas été fâché à Vienne de l'empêchement et nous cela nous était fort égal. Le ton à Varsovie est de traiter tout cela dédaigneuse ment. Nous sommes venus nous avons montré notre force, & bonjour. Je médite ce matin une course à Claremont, le temps est fort laid, mais il faut avoir fait cela. C'est bien ennuyeux. Rabâchage pour rabâchage, celui du Roi est cependant plus gai et surtout moins long que celui de Metternich. Adieu. Adieu.

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Richmond Samedi le 22 Septembre 1849

Je suis restée 3/4 d'heures à Claremont la reine en merveilleuse santé. Le roi très bien, mais à mon avis très changé d'humeur. Je ne l'avais pas vu depuis plus d’un an. Je l’ai trouvé triste, résigné peut-être. Pensant mal de la France, & de la situation de tous les autres états. Il a repris l'examen des fautes, tout le monde en a convenu, (pas lui je suppose.) Le seul homme bien renseigné à Paris était Delassort, mais on ne l'écoutait pas. Duchatel est paresseux et léger. Il ne vous a pas [ ?] pendant toute ma visite pas une seule fois, ni la reine non plus. Il a dit ; il n’y a pas d’homme en France. Voilà Le duc de Broglie et Molé, ils sont de l’assemblée, et bien que font-ils ? Et puisqu'ils ne font rien, pourquoi ont ils été se mettre dans cette mauvaise compagnie. Pas la moindre allusion aux légitimistes. J'avoue que je n’ai pas pensé à eux sans cela j'aurais pu amener là dessus la conversation. Je me reproche cet oubli. Mais voici ce que Lord John m’a dit hier soir : " Savez-vous que le roi a fait prescrire à tous ses adhérents de soutenir les légitimistes. " Je ne sais pas autre chose. Le roi m’a dit, et bien l'Empereur fait donc au Président les notifications d'usage, il lui a écrit. Oui, sire comme au Président des Etats-Unis. A moi, il ne m'a jamais fait l'honneur de m'écrire. Je n’ai pas répondre. Evidemment la blessure est profonde. Il y a eu une petite discussion sur la résidence d’hiver. La reine se prononce vivement contre l'Angleterre. Le roi très décidé à y rester. Je vous ai dit je crois qu’ici cela ennuie, la cour. J’ai lu à Lord John le petit passage où vous me parlez du duc de Broglie, de son bon souvenir du secours qu'il a trouvé quelques fois en John. Cela lui a fait un très visible plaisir. Vous Vous rappelez que ce secours, était un recours contre Lord Palmerston. Il a ri et assenti. Nous avons reparlé de Malte, du gouverneur qu’il protège beaucoup. Je lui ai dit : " Mais on dit que Lord Palmerston le blâme beaucoup et voudrait qu’on le destituât. Qu’est-ce que cela fait ? Lord Grey & moi, nous l’approuvons cela suffit. Il m’a dit plus au long ce qu’on m’avait écrit à propos de Thiers. à l’époque où Morny me dirait qu’il entrerait c’était vrai. " Il avait fait savoir au président qu'il accepterait l’intérieur même avec un président du Conseil. Tout à coup, il a changé, et il a dit. Je veux qu’on puisse inscrire sur ma tombe. Thiers n’a jamais servi la république. Est-ce que la chance d'une Monarchie n'importe quelle, lui parait plus prochaine ?

1 heure Merci de votre bonne lettre. Certainement nous faisons notre possible pour suppléer à la parole qui serait si douce, si abondante que faire ! Beauvale est bien content de mes conversations avec Lord John. Il croit que personne ne lui dit ce que je lui dis, & que cela fait du bien. Il ajoute que si Palmerston savait mes jaseries quotidiennes cela l’inquiéterait fort. Il est toujours chez Beauvale. Entre celui-ci et moi correspondance de tous les jours. Style très abrégé Adieu. Adieu. Adieu. Le gouvernement français va diminuer l’arrière de 60 000 hommes.

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Richmond dimanche le 23 sept. 1849

Voici le résumé du langage tenu à Berlin par M. de Persigny et évidement celui qu'il est chargé de tenir partout. La monarchie est la seule forme de gouvernement qui convienne à la France. Il y a maintenant deux partis, républicain & monarchique. Le premier se compose des plus mauvais éléments de la société. Il est en minorité. L’autre est puissant et considérable, grande majorité. Ce parti : 3 sections. Légitimistes, Orléanistes & Napoléoniens Les légitimistes comptent un grand parti religieux qui est plus catholique que Henri quinquiste, et la portion rurale de la France, [?] dans la noblesse est plus napoléonienne que Bourbonne. grand abime sépare la branche ainée, de la nation. C'est la révolution de 89 et la restauration par les baïonnettes étrangères. La branche cadette compte très peu d'adhérents. On déteste Louis Philippe, il n’avait de force que dans la bourgeoisie & celle-ci a passé en grande partie dans le camp napoléonien grande magie dans ce nom, et le prince peut à l'ombre de ce nom faire plus que tout autre pour la restauration de lord & d'un bon gouvernement. Sa bonne conduite lui a déjà rallié la majorité de la nation. Si Henry V venait à manquer, les légitimistes se rallieraient certainement autour du Prince plutôt que du comte de Paris. L'armée lui est entièrement dévouée. La noblesse sait très bien qu’il n'y a que lui qui puisse rétablir l'hérédité de la pairie , en même temps que les classes inférieures ont confiance en lui pour conserver une forme libérale de gouvernement. Ce qui a rendu le grand Napoléon impopulaire c’était la conscription. M. de Persigny [?] expose the parallel between the Ceasar & the Napoléon. Louis Napoléon would receive his uncle line as Julien. Ceasar was ultimatly replaned by Augustus. Copié textuellement. Deux fois déjà le Prince pouvait être proclamé Empereur, il a trouvé qu’il ne perdait rien à attendre. L’état actuel ne peut cependant pas durer. Un appel au peuple. établissait l’Empire, cela se serait fait maintenant, sans la circulaire de M. Dufaure ! Il a tout gâté. M. de Persigny a vu le roi & le Ministre des Affaires étrangères. L’un et l’autre se sont bornés à faire l’éloge de la bonne conduite du Prince. La conduite de la Prusse vis-à-vis de la France se règlera sur celle des autres puissances. Le but de M. de Persigny était de s’assurer de la reconnaissance de l’Empire. Je vous ai redit bien exactement ce qui vient de source. Le roi de Hollande reprend son naturel, il est violent, absurde, une espèce d'enragé. Cela pourra finir mal. L’Empereur Nicolas ne veut pas entendre parler de rivalité entre ses généraux & les Autrichiens. Nous avons à nous plaindre, et quand on se plaint, l’Empereur fait taire. Le Maréchal lui a écrit, pas de réponse, & lorsque le Maréchal a voulu lui en parler à son arrivée à Varsovie, l’Empereur lui a fermé la bouche. C'est de la bien bonne conduite. L'Empereur d’Autriche a envoyé à Petersbourg l’archiduc Léopold son cousin, pour remercier solennelle ment de l’assistance. On ne dira pas ceci à Vienne. Ils sont là pro fondement humiliés de notre secours. Que c'est petit !
J'ai eu hier pendant deux heures M. Kondratsky secrétaire d’ambassade ici, arrivé en courrier de la veille. Ses récits sont très curieux sur l'empereur, sur l’excès de la joie, et puis l’excès de la douleur. Douleur énorme, qui inquiète. Le voyage l’aura réuni, mais je suis impatiente des premières lettres de Pétersbourg.

Lundi le 24 sept. Hier dimanche, petite pluie fine tout le jour j'ai été déjeuner chez La duchesse de Glocester, et puis rendre enfin visite à Mad. Van de Meyer. J’y trouve une petite personne bien tournée, comme dans les boutiques élégantes de Paris, visage tartare, large & rond, très Russe, jolie. On me l’a présentée, c'était Mad Drouyn de Lhuys. Son mari est à la chasse en province. Elle dit qu’on dit autour d’elle qu’il y aura du bruit à Paris. Vous ai-je dit que Mad. Lamoricière est retournée à Paris. Son mari est allé à Pétersbourg. Les voyageurs de Varsovie disent que sa tournure n’est pas grand chose. Un peu français à cheval, et pas distingué à pied. Mais on est content de lui chez nous. Kisselef sera nommé ministre très prochainement. Hier John Russell. Il y a toujours quelque petit cous pi quant et utile dans le dialogue. Hier, réflexions sur la facilité dans le travail. Très bon quand On a connu [?]Lord John l’esprit simple et droit ; dangereux quand on a trop de goût a faire des affaires. Lord Palmerston a beaucoup de facilité. Incontestablement c'est fâcheux entre un ministre qui ferait trop peu, & un qui ferait trop, le premier is the safest. - I think you are right. It reminds me of Lord Grey who always said. Let a thing alone ; in dropping it, it minds sooner by itself.- - Trés vrai, en travaillant toute chose on ne fait quelque chose, et quelques fois une très mauvaise affaire. Voilà notre train de conversation. avez-vous lu la lettre de l’Empereur au comte Nesselrode ? Et le passage où il parle du conquérant ambitieux d'il y a 36 ans ? Cela ne promet pas beaucoup de faveur pour la [?] Je vous ai dit je crois que l’Empereur a donné à la fois son portrait à Nesselrode & Orloff. Faveur très rare et l’altesse à (Sernicheff, très rare aussi. Avec lui en voilà 6 dans l'Empire. Que de choses diverses je vous écris, & que de choses encore j'aurais à vous dire. Lord Normanby a déjeuné l'autre jour avec le président qui lui a raconté M. de Falloux. Il con naissait la lettre mais on a commis la faute de ne point le prévenir de sa publication. On est curieux de voir comment se prononcera la majorité de l’Assemblée sur l’affaire de Rome. Si elle reste unie pour soutenir le gouvernement. It is all safe, & je puis retourner à Paris, si elle se fractionne, il y aura du bruit et il vaudra mieux attendre qu’il soit passé. Je vous envoie une toute fraîche lettre de Lord Melbourne, si sensible (anglais) que je crois vraiment qu'elle vous frappera vous et le duc de Broglie. Lisez-la avec attention. Moi elle me paraît concluante. Lisez bien.

Midi. La poste de France n'arrivera que plus tard pas de lettres. Adieu. Adieu. Adieu

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Richmond Mardi le 25 septembre 1849

J’ai causé hier avec Lord John du même sujet que traite la lettre de Beauvale que je vous ai envoyée hier. Il s'est mis à rire. " Les Français sont si drôles. Ils raisonnent, ils raisonnent & n’arrivent jamais à du plain good sense. Of course leur assemblée comme notre parlement est bien maîtresse de faire ce qu'elle veut & sa dé[?] ne la gêne pas. What did we do in George 1st reign ? At that time te parliement sat for three years, that was the law. But as the country was agitated by the intrigues of the Jacobit party and as there might have been danger from it, parliament renewed sitting for 7 years. And this has been the rule ever since. So that we did not fear to do an unlawfull thing. When there was necessity for it. And certainly there is necessity in France to do away with their mons truous constitution. This assembly is just as powerfull as was the former. But they will go on talking and talking without doing anything that has common sense. Vous voyez que c’est bien là le même langage que Beauvale. Pas de nouvelles. Je crois que Flahaut & Morny arrivent d'Ecosse aujourd'hui. Lady Shelborne étant ici. Je pense qu’ils y viendront.
N’est-ce pas demain que je vous adresse pour la dernière fois ma lettre au château de Broglie. Je le regrette, J'aimais à vous savoir avec lui, & de la bonne conversation. De quoi êtes- vous convenu avec lui sur l’époque de votre retour à Paris, car enfin vous n'avez pas le projet de passer l'hiver au Val-Richer, & l'hiver commence en 9bre 1. Quel ennui ! Depuis deux jours on ne me donne les lettres & journaux de France qu'a 3 heures. A propos, écrivez-moi le vendredi une lettre séparée, Elle me sera remise le lundi, plusieurs heures avant celle de Samedi. Ainsi écrivez & envoyez tous les jours de la semaine. Achille Fould est à la campagne chez Lady Allice. Voilà qu’elle veut me l'envoyer quelle drôle de femme. Il repart Samedi pour Paris. Adieu.

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Richmond le 25 septembre 1849

Lord John a été frappé de la lettre de l'Empereur au comte Nesselrode. C’est au Manifeste. Il y a de l’intention dans chaque ligne pas mal d'orgueil. L'avez-vous lu avec attention ? le 26. jeudi Le feuilleton des Débats de Samedi est très remarquable. Des choses très frappantes, seulement la dernière scène n’est pas exacte. Le roi ne gouvernait plus alors ; C'était la princesse de Montpensier Emile Girardin & &. Du reste vraiment c'est un article très curieux & très bien fait. Le roi & la Reine se promenaient hier à pied dans le parc ils viennent en [raiment], mais toujours à l’heure où je suis rentrée, de sorte que je ne les rencontre pas. J’ai vu hier matin Van de Weyer & Flahaut. Celui-ci arrive d'Ecosse. Il restera probablement une quinzaine de jours à Richmond. Sombre sur Paris, sur la France. Renvoyez-moi je vous prie la dernière lettre de Beauvale celle sur vos affaires. Elle m’a tant plus que je veux la garder, tant de good sens. Les Metternich sont décidés pour Bruxelles. Je ne sais si cela plait tout-à-fait au roi Léopold. Je suis bien contrarié de ne plus recevoir vos lettres que tard, je ne puis pas y répondre. J’appends que mon fidèle correspondant que lord Palmerston est bien aigre contre lord Grey & contre lord John à propos de l’affaire de Malte. J’apprends aussi que lord Palmerston est en grande espérance d'une révolution en Grèce, et qu'il s’en mêle. Voilà tous mes commérages pour aujourd’hui. Adieu. Adieu Pauvre lettre Adieu.

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Richmond Mercredi 26 septembre 1849

Vous voilà donc écrivant toujours vous fatigant la tête. Pourquoi ? [Vain est] bien la peine de parler raison à des gens qui ne savent pas la comprendre. Dire des vérités mais de quoi cela sert il ? Si non à augmenter le paquet assez gros d’ennemi que vous avez déjà. Moi je vous voudrais tranquille, reprenant tranquillement une douce vie à Paris. Ceci ne vous la rendra pas plus facile qui sait si cela ne vous empêchera pas d'y venir ? Vous aurez fait de la belle. besogne. Dormez. Mangez, pas trop, menez une vie paisible, ne vous tracassez pas. Laissez aller le monde comme il lui plait d’aller. Vous ne le reformerez pas. Il y aurait trop de vanité à croire que vous le pouvez. Les Français sont incorrigibles, vous ne les corrigerez pas. Mais je veux que vous vous portiez bien, et que nous causions tranquillement des misères de ce monde, de ses drôleries aussi, car il est drôle. N'êtes-vous pas un peu philosophe aussi ? On le porte mieux à ce métier. ces deux pages sont le produit de votre lettre. Je parlerai [?] cela bien mieux que je ne puis vous écrire. I do my best.
Jeudi 27 septembre Voici une lettre. Assez curieuse, vous me la renverrez. Flahaut est venu jaser hier. Trois heures de séance, très bonne conversation. Beaucoup de good sense. Deux idées favorites absolues : l’Empire, et l'abolition de la liberté de la presse. Sans elle on ne sortira jamais des Révolutions. De quoi servent des lois restrictives ? On publie journellement des horreurs. Si cela continue, le monde croulera, la société s’entend pour cela je le crois. Flahaut a parlé à lord John un langage bien France sur lord Palmerston. Il est impossible de dire plus & plus fort. Il écoute, il sourit el va à Woburne pour 10 jours. Je le reverrai encore à son retour. Evidement les Metternich tout bien de quitter l'Angleterre. Elle ne se possède plus. Son langage est si violent qu'elle pourrait bien s’attirer des désagréments ici. On peut bien haïr & nuire mais avec plus de convenance M. Guenau de Mussy vient me voir quelques fois. Hélas il est prié par le roi. Il reste attaché à sa maison. 20 m. Francs par an, & les pratiques qu’il pourra se procurer à Londres. Je regrette fort qu’il ne vienne pas à Paris. J'aurais en lui pleine confiance. Imagines que lord John Russell & M. Drouyn de Lhuys ne se connaissaient pas. Ils se sont vus une fois à la chambre des communes. Voilà tout. John a porté sa carte, l’Ambassadeur l'a rendue, & c’est fini. C’est incroyable. Certainement le tort est à l’Ambassadeur. C'est à lui à rechercher le premier ministre. Adieu, car je n’espère pas votre lettre. Je vais me plaindre à lord Clauricarde. Adieu. Adieu.

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Richmond le 28 septembre 1849

Je croyais lord John parti hier matin, au lieu de cela je l’ai trouvé m'attentant chez moi à mon retour de ma première promenade. Il m’a dit qu'il avait des nouvelles des îles.
On a pendu pas mal de gens. On en pendra encore. La tranquillité est rétablie. Ce qui l’a surtout compromise est la presse, de détestables journaux prêchant le vol & l’assassinat. Et bien suspendez, ou abolissez. Quel grand & salutaire exemple vous donneriez là !
Sourire.

Le soir je suis allée chez eux. Et bien, j’ai relu tous les rapports, & j’ai eu une lettre de Lord Grey sur toute cette affaire. C’est des horreurs. On forçait les gens à souscrire pour ces journaux, sous peine d'assassinat. Nous allons suspendre toute publication de journaux dans les îles. (J'ai poussé un cri de joie.) Attendez, attendez, mais nous voulons le faire légalement et nous soumettons cette question aux gens de loi à Londres. Qu’est-ce que vous croyez qu'il diront ? Je crois qu'ils nous donneront raison. Que vous êtes de brave gens vous et lord Grey ; ayez soin surtout de ne pas consulter lord Palmerston. Toujours sourire.
Nous avons brodé & broché sur ce sujet longtemps, & je vous assure que je lui ai dit d'excellentes choses. I heure. Voici votre lettre. Je suis très frappée que la mienne de Lundi ne vous soit pas parvenue Mercredi comme elle devait. Je crois me souvenir qu’elle était curieuse et qu’elle renfermait une lettre de Beauvale curieuse aussi. Elle aura trouvé des curieux peut-être. Donnez moi des nouvelles de cette lettres je suis un peu accablée d’écritures. J’ai trop de correspondances. Est-ce que des lettres peuvent se perdre ? Ma lettre de Lundi m'inquiète. Celle de Mardi y faisait suite, le même sujet. Adieu. Adieu Je reçois une longue lettre de Lord Aberdeen, pas lue encore. Constantin de la Haye, très tendre, la Reine en pleurs. Sa Sœur de Weymar arrivait pour pleurer aussi. Un château dans une forêt qui a l'air d’un cercueil,, & Constantin retournant là pour pleurer avec les deux sœurs. Que de lettres pleureuses. J'ai été obligée d'écrire. Adieu. Adieu.

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Richmond vendredi le 28 sept. 1849

M Achille Fould est venu me voir, je ne sais trop pourquoi. Sa conversation m’a intéressée. Il a de l'esprit, & il n'y a rien d’exagéré dans ses idées ni son langage. Espérant, désirant autre chose comme tout le monde. En voyant pas trop comment on pourrait s'y prendre pour y arriver. Le parti conservateur mais seulement tant qu'il a peur. Le jour où l’on n’aurait plus peur, chacun voudra tirer de son côté. Croyant aux charmes de Louis Napoléon plutôt qu’à tout autre. croyant aussi que la président pour 10 ans est une question sur la quelle tout le monde pourrait s’entendre. Mais même pour cela il faudrait un homme de courage pour le proposer. Il n’est amoureux ni de M. Dufaure, ni de M. de Falloux. Il dit de celle-ci, un doctrinaire et un jésuite. De l’autre, il travaille pour Cavaignac. Disant beaucoup de bien du prince. Approuvant toutes ses fautes, parce qu’en définitive elles lui profitent toutes. Il a passé deux heures hier avec le Roi. Pas l’idée de rapprochement entre les 2 Bourbons. Au contraire, le roi se plaignant que la branche aîné ne fait rien pour cela et répétant que l’initiative ne saurait être prise par la cadette. Les princes sont en Ecosse à la chasse. Les Nemours ne sont pas revenus d'Allemagne. M. Fould serait fâché que M. Molé entrât, il doit se réserver pour un meilleur moment. Mais il sait qu’il en a envie, quant à Thiers ce ne serait pas une acquisition. On n'a pas confiance en lui, ni aucune considération pour lui.
Il m’a parlé de vous, de ce que dans un an ou deux vous deviez nécessairement vous retrouver l’homme important, le seul. Qu’en attendant il valait bien mieux pour vous et pour cet avenir ne pas faire partie de l'assemblée. On a accusé le parti conservateur de n’avoir pas poussé à votre élection. C'était par amour pour vous. J’ai dit ici. On a repoussé. Et c'est là ce qui a étonné tout le monde. Il a équivoqué des interrogations sur ce que vous allez faire. Rien, il reste tranquille chez lui. Il écrit. Parce qu'il a besoin d'écrire. Une grande honte pour notre pays. Et puis si vous viendriez à Paris. Je ne sais pas, peut être. Il n’est pas prévu. Voilà à peu près tout.
Samedi le 29. Flahaut a été voir le roi hier. Il l'a trouvé bavard, mécontent de tout le monde. N’aimant que l'Angleterre. Et décidé à mourir ici ; même à Claremont, ce qui véritablement n’arrange pas la cour. Mais dit Flahaut "Le roi a raison de penser à lui même." Voilà donc le manifeste du Pape. Que ferez-vous ? 1 heure. Vous avez donc eu mes lettres, me voilà rassurée. Ce que vous me répondez est triste. Pauvre pays. Petits hommes ! Adieu. Adieu. Bien vite. Je suis en retard aujourd’hui, mauvaise nuit, levée tard. Adieu

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Richmond dimanche 30 septembre 1849

Je sais le fait que Schwarzenberg a enfin répondu à la dépêche de Lord Palmerston sur la Hongrie & que cette réponse est excellente. Je ne l’ai pas lue, j'en saurai peut-être davantage. Lord Aberdeen est très curieux de cela. Il ne cesse de m'écrire à ce sujet. Peel va passer quelques jours chez lui, & il tient à l’endoctriner. Peine perdue je crois. Le Pce Metternich est fort occupé de son départ. Dans 10 jours il s'embarque pour Ostende. Il est en bonne santé. M. de Hübner est ou sera nommé ministre à Paris. C'est le président lui-même qui l’a désiré. Ce Hübner est, dit Metternich un homme très intelligent, et de la bonne école. Mais il n’est ni plus ni moins que le gendre de M. Pilat, rédacteur des Oestereihisher [?] et fils naturel d'un ami de ce même Pilat. Ce n'est pas très aristocratique. Thom passe ministre en Suisse. Je le regretterai beaucoup à Paris. Morny est très occupé d’affaires à Londres. Il ne retourne pas encore à Paris. Ces affaires c'est des affaires d’argent. Je vous ai dit que Lord John est allé à Woburn pour huit. jours. Il y a maintenant près de deux mois qu’il n’a vu lord Palmerston. J’ai lieu de croire qu’ils sont assez froidement ensemble. A propos vous saviez César & Auguste avant Lord John, car il n'en a eu connaissance qu'il y a trois jours. C’est drôle. Je vous envoie un billet de Metternich, spirituel & sévère sur le journal des Débats. Je crois qu'en vous rendant compte de la conversation de M. Achille Fould je n’ai pas assez appuyé sur ce qu'il m’a dit de vous. Personne n’approche de votre talent, & vous êtes le seul homme en France qui ayez du courage. Infailliblement vous vous retrouverez là où vous devez être. Moi je dis que je vous prêche & que je désire [ ?] l'abstention, le repos. Il dit c’est impossible. Il fait beaucoup plus de cas de Molé que de Thiers.
4 heures. Voici Morny qui est venu passer une heure avec moi. Ses nouvelles de Paris sont qu’il peut considérer M. de Falloux comme hors du cabinet. Il le regretterait du reste toujours le même dire. On ne peut rien faire parce qu'on ne peut pas s’entendre sur la chose à faire. Si l'Empire On perd les légitimistes. On les perdrait peut-être même si on demandait la présidence pour 10 ans. Son opinion est qu’on restera comme on est, et que c'est là l'avis de tout le monde. Il m’a parlé très mal de Lamoricière de Drouyn de Lhuys, de tout le paquet qui tient de près ou de loin au paquet Cavaignac, Dufaure. Il croit que l’assemblée fera renvoyer & les préfets objectionnables. Il n’est pas prévu de retourner à Paris. Deux choses : il se dit charmé du Manifeste du pape. Après tout. Il a fait des concessions & il est meilleur juge que la France de la mesure des concessions. Et puis plainte de ce qu'on, nous russes par exemple, nous sommes trop polis pour la république. Nous avons par non rudesses contribué à la chute de la monarchie de juillet. Nous pourrions bien par nos bons procédés contribuer à la durée de la république. On était plus poli même pour Cavaignac que pour Louis Philippe. Morny voudrait que tout le monde se mêlât de décréditer cette forme de gouvernement.
1er octobre lundi. Voici l’étonnante nouvelle de la rupture entre la Russie & la porte ! Si cela est vrai c'est une bien grosse affaire. J’ai peine à y croire. Mais je crois certainement que Palmerston y pousse. Ah quel homme ! Je suis très préoccupée de cette grande nouvelle. Brunnow n’a pas bougé de Brighton depuis 6 semaines. Il ne cesse d'écrire et d’envoyer des courriers, mais il est là tout seul, il n’a pas vu une seule fois Lord Palmerston qu'est-ce qu'il écrit ? J’attends votre dernière lettre du Chateau de Broglie. Voici vos deux lettres, merci merci. Curieuses. Intéressantes. Je n’ai pas le temps d’y répondre il faut que ceci parte. Adieu. Adieu, adieu.
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