Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


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Collection : 1850-1857 : Une nouvelle posture publique établie, académies et salons (La correspondance croisée entre François Guizot et Dorothée de Lieven : 1836-1856)

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris Lundi le 29 septembre 1851

J’ai vu toute l’Europe hier soir mais pas de France du tout. Pas un échantillon. Les Normanby sont revenus engraissés, joufflus & de très belle humeur. Il dit que dans tout le midi on ne connaît que le Président. Il a beaucoup vu là M. Royer, qui s’est dit parfaitement autorisé à tenir le langage de sa lettre. Normanby lui a montré le premier la fameuse lettre de Thiers, il en été abasourdi. [Noailles] n'a pas vu Thiers. Byng dit que Thiers se croit menacé d’être mis à Vincennes. Aujourd’hui le Président vient en ville pour un conseil de ministres. Il fait cela une fois la semaine, une autre fois c’est les Ministres qui vont à St Cloud. Il voit Normanby aujourd’hui.
La Princesse Menschikoff qui voit Thiers, beaucoup, me dit qu’il était, il y a quatre jours encore très inquiet d'un coup d’État. Personne n'y croit aujourd’hui. Je n'ai rien absolument à vous dire. Je suis bien aise que votre fille aille à Rome. C'est une idée heureuse. Elle y aura l’esprit bien agréablement occupé & quant à l'air, il n y a rien de mieux. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 30 août lundi 1848

Malgré le Dimanche j’ai vu peu de monde hier. Le Nonce, Hubner Kisseleff la petite princesse voilà tout à peu près. Beaucoup des seconds sont à la campagne. Les jeunes se promènent au clair de lune. Il fait étouffant à Paris, l’air est très lourd et très chaud et partant très malsain. Mais où aller ? Les châteaux me gênent. Ailleurs je suis seule.
On dit qu'on ne songe ni au mariage ni à l’Empire et les Paris sont ouverts de nouveau. Il ne se fera pas. La princesse de Saxe ne plaît pas, elle est trop ronde et pas assez jolie. L'empêchement pour Wasa serait la mésall iance, elle pèche par la grand mère, mais si elle plaisait beaucoup à l’Empereur on passerait par dessus. Il n’est pas question de retirer les troupes françaises de Rome. Il faut d’abord avoir une armée pour regarder, et on ne l’a pas. Lord Cowley est revenu hier. Je ne l’ai pas vu encore mais je sais qu’il est rassuré sur son compte. Je n’ai point de nouvelle. de Russie. Adieu, adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris Lundi 30 septembre 1850

Voici Bruxelles, de première source. Grandissime joie de la Circulaire de Wiesbade. La fusion n’est plus possible. Elle ne l’a au reste jamais été, et personne n'y a sereinement pensé à Clarmont. La mission de Salvandy réduite à un simple remerciement du bon procédé, aucune portée politique. Il faut rester séparé, conserver intactes ses propres chances. Voilà le roi & van Prast. Je vous en réponds. Et très très décidés. M. Guizot a beaucoup faibli. En revanche M. Thiers est plein de vigueur et d'énergie, pleine confiance dans Thiers et d'amour pour lui. C’est toujours le roi et son Ministre dont je vous parle. La Reine mourante, & sans doute morte dans peu de semaines. Immense péril pour le Roi. La population. amuse le roi, la reine meurt du chagrin qu’il lui cause. La maîtresse, une Mme Mayer a été huée l’autre jour comme elle passait en voiture avec son fils, le fils du roi. On est convaincu à Bruxelles que si la reine meurt la populace ira attaquer la maison de cette femme l’émeute grossira. Le roi résistera. Ce sera une seconde édition de Lola Montès, et l’on s’entretient publiquement dans les rues de l'abdication du roi et d’une future régence. Voilà qui est gros, & je vous répète que la source est excellente. Eye witness, et qui a reçu toutes les confidences.
J’ai vu hier deux fois Kisseleff. Le soir une nouvelle dame Baratinsky avec des yeux fascinants. On ne peut pas regarder autre chose, noirs, une forêt de cils dessus, dessous, comme je n'en ai jamais vus agréable avec cela. Elle vient de Bade, elle a été témoin du désappointement. de la grande duchesse Olga, & de son piteux retour de Heidelberg. Elle est très lié avec tout ce monde. Je saurai par elle davantage. Pas de nouvelle ici. Adieu. Adieu.
Brignoles. Bauffremont. Antonini. Durazzo & hier soir.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris lundi le 4 octobre 1852

M. Fould veut que le complot de Marseille soit traité avec le mépris que méritent de pareils actes. Il loue fort les Anglais de décréter la folie, à défaut de cela qu'on fait est bien fait. Point de haute cour, car l'éclat encourage les incitations. Il ne dit rien sur l’époque de l’Empire mais il me renvoie aux Moniteurs après le 16, jour du retour. Il trouve très naturel que Jérôme soit inquiet.
Le lac français est une parole en l'air à laquelle il ne faut attacher aucune importance la dépêche de [Drouin de Lhuys] est jugée très raide par tout le monde et sa publication un événement. Je crois que je vous ai tout dit. Bacourt qui est ici pour un moment et qui connaît intimement les Wasa mère & fille, dit que si le mariage avec l’Empereur d’Autriche ne se fait pas, vu l'anicroche de la naissance du côté maternel, il ne sait pas pourquoi elle n'épouserait pas le Prince Président. Il la dit charmante dans ce moment elle est à Vienne. Molé part aujourd’hui, pour Champlatreux. Montalembert est parti. Ste Aulaire ne vient jamais me voir. Dumon est à Trouville. Viel Castel chez les d'Haussonville. Kisseleff part à la fin de la semaine j'en suis désolée. Lady Allice ne m’est bonne à rien d’ailleurs. Elle part demain. Les Holland vont je crois rester un peu ici. Voilà toutes ces nouvelles si ma lettre peut s’appeler ainsi. Adieu. Adieu.
On dit qu'on a crié à Nîmes Amnistie. En général cette partie du voyage a été faible.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris lundi le 20 Septembre 1852

Hier j’ai été en [?] le jour. Chomel est venu ce matin. Il fait continuer le régime, je ne puis plus marcher du tout. Où est- ce que cela va me mener ? Oliff ne s'accorde guère avec son collègue. On me promet de me donner à manger demain. Voilà mes nouvelles à moi. D’autre part je n'en sais rien. Tous les jours on parle plus & plus de l’Empire. Tristement pour le Président.
J'avais assez de monde hier soir, rien de bien intéressant et pas une nouvelle. J’avais vu Lord Cowley le matin. On est très monté ici contre la Belgique et à en croire le récit de Drouin de Lhuys Cowley dit que c’est avec raison. Il parait que le Duc de [Wellington] ne laisse pas de testament, et comme c’est un bien acquis il sera divisé entre les deux fils. En apprenant la mort du Duc, la reine a envoyé de suite à Londres lord Derby qui se trouvait auprès d’elle. Me voilà au bout, je ne sais plus rien. Adieu, Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris Mardi le 1er octobre 1850
Midi.

J'ai eu hier par courrier deux longues lettres de Constantin & de Meyendorff. La nomination de Radovitz Un grand & déplorable événement. Mais il ne pourra pas se soutenir. Détesté en Prusse, réprouvé par nous, par l’Autriche. Pas Prussien, Catholique, & quand il a porté les armes c’était contre la Prusse. Enfin c’est détestable, mais Viel Castel me disait hier soir qu'il fait qu'on l’ait pris pour quelque chose et que nous allons voir. En attendant il est impossible. qu'on s’arrange. Il n’est pas vraisemblable qu’on se batte, & cependant on n'en a jamais été si près qu’aujourd’hui. Meyendorff regrette que nous soyons si peu bien avec la France, mais les tendances affichées de l’Elysée pour Lord Palmerston nous ôtent toute envie d'être mieux, c’est très naturel, j'ai vu hier au soir les Ligne, les Kontouzof, jolie & aimable femme, Dumon, Antonini, Viel Castel. Un aimable homme celui-ci, commence très doux. La lettre de Piscatory est curieuse, bonne, il y a de l’étoffe !
Je déteste votre journal des Débats. Au reste il faut que je vous dise que tous les journaux m'ennuient à présent. Ils ne disent rien, ou bien ils disent des mensonges. Qui est- ce qui dit un mot sincère aujourd’hui ? Adieu. Adieu.
Ellice père m'écrit avec des excuses de ce que Marion n’est pas venue me voir. Ils ont à réparer ; je me tiendrai sur ce pied-là.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris mardi 1er octobre 1850
2 heures

Vendredi dernier 27, Changarnier est venu inopinément chez le duc de Noailles à 9 heures du matin. Il y est resté jusqu'à 11. Longue controverse, sur la fusion après la fusion après avant la chute du Président. Voilà le texte. D’excellentes raison de part et d’autre. C’est trop long & cela n’a pas abouti. L’essentiel de la visite est ceci. Changarnier très pressé, passionné, possédé du désir, du besoin de renverser. Mille avances aux légitimistes. La Circulaire de Wiesbade. Il n’en tient aucun compte Elle est regrettable mais elle ne change en rien le fond des choses et le droit, & la nécessité. " On me dit orléaniste. Je ne suis pas orléaniste. Je veux travailler avec vous, pour vous. Je suis obligé à beaucoup de ménagement mais il faut nous voir. Nous avons besoin de M. Guizot avec lui plus de précautions encore. mais il faut qu'il revienne bientôt, il faut reprendre vos réunions. Il faudrait même en élargir le cercle. Il serait bien bon, bien utile d'y admettre Jules de Lasteyrie ! " L'impression sur le duc de Noailles. Excellente, très vive. Jamais Changarnier n’avait été aussi ouvert, aussi explicite, à moi cela me paraît capital, s’il n'était pas sincère ce n’est pas envers un homme comme Noailles qu'il se serait compromis ainsi. Il a parlé de Molé, de ses soupçons de celui-ci contre lui, de ce que déjà il lui a aliéné la confiance de Berryer. " Il est cependant utile d’avoir Molé ", et c’est pour cela que Changarnier y est allé dimanche avec Bérard. Je ne sais ce qu’il aura gagné mais Molé m'écrivait à moi la veille." J’espère que les Légitimistes ne se laisseront pas prendre au piège." J’ai dit au duc de Noailles qu’il fallait se garder de l’excès de méfiance car cela pourrait mal mener. Changarnier l'a autorisé à mander à Frohsdorff ce qu'il a dit de la Circulaire & qui rencontrera le courage là. D’un autre côté vous saurez par Dumon, que le duc de Noailles lui a remis sur ce sujet une petite note excellente qu'il vient d'envoyer à Clarmont dernier moment à Champlâtreux. M. Molé m’a dit : " Il faut que Changarnier renverse le président, car sans cela il sera renversé lui- même." Vous voyez donc qu’une crise peut être très prochaine. Je crois qu’elle s'élèvera à propos du dire de Champlâtreux, & qu'on mettra le ministre de la guerre en cause pour avoir toléré cela. L’assemblée demanderait sa destitution. Dans ce moment Lahitte est journellement employé à empêcher que la brèche entre les deux généraux ne devienne trop vive. C’est Viel Castel qui me disait cela hier au soir. Bérard a dit dans le temps dans quelque château, que ce que j’avais dit à Changarnier du comte de Chambord avait fait une forte impression sur lui. Ils étaient ensemble le jour où je les ai rencontrés à Champlâtreux. J'ai causé avec le porteur, je lu ai dit quelques détails du plus, mais ici j'ai mis l'essentiel. Qu'est ce qui arrivera et bientôt ? Impossible de deviner. Je crois que je vous dis adieu parce que je ne trouve plus rien. Mais ici il y a à toute heure quelque chose. Adieu.
Je vous ai écrit par la poste comme de coutume

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Le 2 Nov. Mardi

Quoique je n’ai pas encore vu Hatzfeld je sais que ce qu'il porte est la pleine confiance que nous les 3 sommes d’accord sur la conduite & le langage à tenir devant le nouvel événement. Avec cette assurance je reste parfaitement tranquille, mais il me faut Kisseleff. Je ne sais rien du tout. J’ai vu hier peu de monde après-demain sera curieux. Je ne suis pas content du tout de Hubner. Le temps est bien doux & j'en essayerai aujourd’hui au bois de Boulogne. Si vous me voyez vous com prendrez mes courtes lettres. Pas de forces. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 2 septembre 1851 Mardi

Quelle tristesse de ne plus vous avoir ici ! Vous nous laissez la pluie et le journal des Débats pour aujourd’hui. L’article me fâche beaucoup parce qu'il est très bien fait. Je ne sais que dire. J’ai vu Montebello hier au soir. Il a causé longtemps avec le prince de Joinville. Rien de nouveau, ni de plus que le langage que vous avez entendu vous même. Le Prince de Joinville compte entièrement sur Changarnier et Lamoricière. Ils attendent à Claremont le retour du duc d’Aumale pour tenir un conseil de famille et décider le langage & la conduite. J’ai vu hier matin La Redorte. Evidemment il se prépare à tout événement. Il dit que la candidature Joinville gagne tous les jours & que la proposition Créton passera infailliblement pour peu que la montagne ou seulement les républicains s’y prêtent. Je n'ai vu hier que ce que je vous dis là. Ma porte est restée fermée le soir. J'oublie, j’ai vu Hatzfeld avant dîner perplexe, curieux, assez au courant de Champlatreux, pas fort au courant d'ici. Nous avons jasé, & trouvé en définition que le coup d’état devenait nécessaire si l'on ne veut pas mourir. Mais sera-t-on soutenu ? That is the question. Je crois que chaque journée aura son intérêt, sa nouvelle. La commission de permanence se réunit après-demain. Adieu. Adieu.
Votre entrevue hier à 2 heures ne me paraît pas avoir été heureuse. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Mardi 4 Juin 1850
Toute la journée. Je suis envahie. J’en ai trop, car je n’ai le temps d'écrire à personne pas même à vous comme je le voudrais. L’affaire de Changarnier peut être reportée elle n’est pas fini. Il sort de la fort amoindri. Il est évident que le Président a eu le dessus sur lui maintenant, car l'article du Moniteur était convenu. D'accord avec Chang[arnier] : d'un autre côté ses propensions orléanistes un peu trop dévoilées lui ont beaucoup nui auprès des Légitimistes. Supposez un éclat entre lui & l’Elysée, l’Assemblée ne soutiendrait pas Changarnier. Le voilà donc affaibli à droite et à gauche. C’est triste quand il était le seul homme. On dit que sur les bancs de l’Assemblée hier on faisait circuler le projet de demander de l’argent. Cela n’a pas pris, on le critiquait fort. On doutait du succès malgré beaucoup de bonne volonté de la part de beaucoup de monde. Ne croyez pas aux nouvelles de journaux. Nous ne nous engagerons pas du côté de la Prusse. Nous essaierons de tenir la balance, & peut-être dirons-nous à tous deux. " Celui qui sera l’agresseur nous aura pour ennemi."
On parle très diversement de l’état du Roi, du côté de Thiers on le croit plus mal que vous ne dites, & Thiers invoque le témoignage de Guéneau de Mussy. On croit le médecin dans l'intérêt régentiste. Lui et d’autres empêchent que les bons n’approchent du roi. Que pensez-vous de ceci ? Ces doutes se sont élevés dans l’esprit de Nesselrode. Il redoute le médecin. Delessert part pour Londres aujourd’hui. D’Haussonville est parti ce matin. Montebello qui avait voulu partir avant hier, reste pour la loi déportation qui sera reprise après demain. Demain réunion du 17 chez le duc de B[roglie] pour la conduite à suivre en général, les lois à porter & & Nous ne croyons pas ici que l'Empereur parle de Varsovie à la France. Il ne viendra rien aujourd’hui peut-être. Il arrive à Pétersbourg, c’est de là que son Chancelier vous dira le reste. Pourquoi vous parler ? C'est à vous à venir à nous, vous n'en donnez pas le moindre signe. Vous n'êtes pas un gouvernement. C'est pourquoi vous en prenez l'initiative de rien. Vous êtes isolé venez à nous, vous serez très bien accueillis, mais nous, nous n’avons pas besoin d'aller au devant. Voilà le résumé de réflexion de [Chroptovitch]. Il part dans peu de jours, pour un rendez-vous avec son beau-père. Certainement il est venu regarder ici. Il repart sans admiration. Adieu. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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A mon grand regret je ne puis aller vous voir aujourd’hui qu'après 4 heures et demie. J’ai reçu hier une convocation du Consistoire Protestant pour ce matin, 1 heure. Je ne puis m'en dispenser.
C’est pour vous un triste jour. L’âge apaise la violence dans la douleur, et laisse la douleur au fond de l'âme. Nous avons été bien frappés l’un et l'autre. Pour moi, en regardant mon fils qui vient d'avoir vingt ans, je me surprends à le confondre avec celui que j'ai perdu, il y a seize ans et qui en avait alors vingt et un ; et j'éprouve un saisissement douloureux. en me rappelant que ce n’est pas lui, et que le fils que j'ai ne me rend pas celui que j'ai perdu. A mesure qu’on avance dans la vie, il se fait dans l’âme un bizarre mélange des sentiments et des souvenirs les plus contraires ; les joies et les tristesses passées se mêlent et se confondent. On a peine à s'y reconnaître. Que rien ne vous ramène habituellement que les souvenirs doux ! Je voudrais vous voir toujours le repos du cœur, à défaut de la joie. Adieu, Adieu.
G.
4 mars 1853

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 5 octobre 1852 Mardi

Sainte-Aulaire est venu me voir hier soir. Il me dit que Montalembert était venu à Paris pour soigner l'impression d'un ouvrage qui va paraître sur le gouvernement représentatif & sur l’église. Le fond sera que la religion ne peut fleurir qu’avec la liberté, qu'il n’y a pas de liberté en France & que les prêtres ne sont plus que des courtisans, il veut un [gouvernement] représentatif. Vous voyez comme cela va faire fortune ici ! Je doute que son ouvrage paraisse. Il est indigné de la servilité du clergé. On le dit très amer. comme je ne l'ai jamais vu seul, je n’en sais rien.
Hecken est aussi venu hier soir entre le sérieux & le comique c'était assez drôle et assez menaçant. Après l’empire on prendra la Savoie en conseillant au roi de Sardaigne de se dédommager par la Lombardie, & puis on effacera la Belgique. Et puis, si la Russie et l’Autriche se fâchent, on leur lancera la révolution. Tout cela accompagné d'éclats de rire, vous en ferez ce que vous voudrez. Non pas ceci à la lettre s’il vous plaît car même en plaisanteries je n'aime pas que rien ressorte de chez moi. On trouvera une princesse. Cela ne peut pas manquer. Le Moniteur annoncera les fiançailles un beau jour lorsqu'on s’en doutera le moins. Jérôme est inquiet et mécon tent. L’Empire héréditaire et l’adoption cela ne lui convient pas du tout, & il dit : " Le frère de l’Empereur est plus fort que le neveu. " Vous fais-je assez de commérages ? On voulait savoir hier qu'il était venu une note Anglaise sur le lac français. Je veux bien croire à une dépêche peut être, à une note non. Au reste, je ne sais rien de direct depuis ce que je vous ai dit sur ce sujet. Il y a des tempêtes affreuses la nuit. Kisseleff part dimanche. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 7 octobre 1851

Hatzfeld est parti. Je verrai si Brandebourg qui reste chargé d’affaire peut le remplacer pour la lettre au [Ministre] de Prusse à Rome. Antonini est parti aussi, par lui j’aurais pu apprendre où sont les [Rignano ; Brignoles, Durazo, tout cela est, parti. Peut-être Garibaldi pourra-t-il me le dire. Je donnerai à votre fille une lettre pour mon ministre & pour ma nièce Wolkonsky. Je vous écris en croisant Molé un supplice, tant de venir causer que je vais ce matin à Champlatreux. J’emmène Dumon. Je reviens dîner. Pas de nouvelle. J’ai vu Bulwer, ami intime de Narvaez. Mollé a dîné ces jours-ci chez le Président à St Cloud il l'a trouvé très gai. Le Kossuth fait bien de bruit.
Votre refus de passage, & les ovations à Londres, font un grand contraste fort louable pour vous Adieu. Adieu. Une longue lettre d’Ellice que je vous enverrai quand je l'aurai lue. Lord John viendra probablement, à Paris en Novembre. L’assemblée Nationale a un pauvre article sur Abdel Kader. & où a-t-il pris la mission de Londonderry à St Pétersbourg ?

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 7 Septembre 1852

J'ai lu tout Mad. d’Arbouville tout Georgia Fullarton. Vos autres recommandations ne me promettent pas grand chose. Trouvez mieux je vous prie ; du vieux historique, mémoires. Ne prenez pas la peine de me les expliquer. Dites les titres et à côté, " bien, passable, curieux. " selon qu'ils le méritent.
Molé a vu Thiers longtemps et l'a trouvé résigné pour longtemps au Président, et puis disant qu'on reviendra à la monarchie mais qu'il faut pour cela que les deux monarchies se réunissent et ensuite l'abdication ou l’adoption, ce qui veut et donc bonjour. Moi je crois que Cowley a raison, et Dieu sait ce que verra la France. Dumon est rentré en ville. Molé part ce matin pour le Marais, mais il reviendra dans 15 jours avant le départ de Kalergi.
Hubner a été étonné de lire qu'on a lancé ma nouvelle frégate portant le nom d'Austerlitz. Toujours ces souvenirs affichés, cela finira par provoquer. Qu'il laisse dormir en paix les masses et les triomphes de son oncle. Je le trouve trop modeste, il a assez fait lui-même et peut se passer désormais de ces souvenirs.
Kalerdgi m’amuse. Elle a beaucoup recueilli, et elle bavarde. Son oncle trouve les Bourbons immensément bêtes. Le général Haynau est parti fort content de son séjour ici. Adieu, adieu. Kolb a décidé les Delmas à rester, cela m’arrange.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Paris, Mardi 8 Juillet 1851

M. Vitet et M. Moulin sont venus hier à 5 heures. L’un quittait le Gal Changarnier ; l'autre sortait de le Commission de révision où le Rapport de M. de Tocqueville venait d'être lu. Rapport pas trop républicain. La république est encore le seul gouvernement possible ; il faut en prolonger l’expérience, mais ne pas prétendre y lier définitivement le pays. Il est le maître de choisir le gouvernement qui lui convient, et l'assemblée constituante sera la maîtresse d’exprimer comme elle l’entendra, le vœu du pays. On ne peut limiter, ni la souveraineté nationale, ni le pouvoir constituant. En attendant, il faut observer strictement la légalité, seul frein qui subsiste encore, et la faire observer, à tous ceux qui voudraient la violer.
Le ton du Rapport est triste, très triste, connu d’un homme sans confiance dans les gouvernements qu’il préfère et dans le pays qu’il invoque. Les Montagnards s’en sont montrés surpris, et mécontents. Le Gal Cavaignac a dit à M. de Tocqueville : " C'est le moins de mal que vous ayez pu dire de nous. " selon M. Charras, c’est de la métaphysique bien vague ; il faut du temps pour la comprendre. "
Ils ont demandé, l'impression immédiate du Rapport pour eux seuls et du temps. Ils le discuteront aujourd’hui et demain. On croit qu'il ne sera déposé que jeudi, et que le débat ne commencera que le jeudi suivant 17. Après la séance de la Commission les révisionnistes se sont réunis chez le duc de Broglie pour arrêter la liste des orateurs qui doivent parler et s'inscrire pour la révision. M. de Montalembert très ardent, poussant tout le monde à parler ; ce qu’il faudrait, dit-il, ce serait que les 233 membres, qui ont signé pour demander la révision, s’inscrivissent pour la soutenir. Il s'est plaint du rigorisme excessif du rapport quant à la légalité. " Il n'y a pas moyen de nous plaindre, lui a dit le duc de Broglie, ni de parler autrement ; nous pouvons subir l’illégalité ; nous ne pouvons pas l'autoriser et l'accepter d'avance. "
On a dressé la liste des Orateurs ; une douzaine environ, MM de Montalembert, Broglie, Daru, Beugnot, Goulard, O. Barrot, Berryer, Falloux, Kerdrel & &. O. Barrot prêchant avec passion, la prudence, la modération " On sera très violent contre le Président ; il faut être très doux, jeter de l’eau froide. " Il fait sur tout le monde l'effet d’une ambition impatiente et sénile, qui veut arriver, qui se croit près d’arriver, et qui meurt de peur qu’on ne la dérange, ou qu’on ne lui impose des efforts qu'elle ne pourrait pas faire. On ne sait pas encore si beaucoup de Montagnards parleront, et lesquels. On s’attend à un débat long, violent, confus et plein d’incidents.
Changarnier est triste et inquiet. Il y a évidemment recrudescence de mouvement Bonapartiste et de timidité parmi les anti bonapartistes. L’intérêt électoral gouvernera tout le monde. Dans les masses, Changarnier est un candidat inconnu. Pour lui donner quelques chances, il faudrait écarter d'avance, et absolument au nom de la légalité, les trois candidats connus Le Napoléon, le Prince de Joinville & Ledru Rollin, Est-ce faisable ? En allant à Beauvais, le Président a été harangué à Clermont-Oise, par le Président du tribunal qui lui a dit : " Vous avez été élu il y a trois ans ; vous serez réélu l'an prochain, quoiqu'on fasse, et quoi qu'on dise. " Cette boutade inconstitutionnelle de la part d'un magistrat, a fait quelque rumeur. Le Président n’a rien répondu. Thiers ne songe qu'au libre échange. Michel Chevalier voyage pour recueillir des faits contre son discours. Thiers en recueille pour le défendre. Duvergier de Hauranne revient de Claremont, et se loue de l'accueil qu’il y a reçu. Je n'ai encore point de nouvelles, des autres voyageurs. Il en viendra probablement aujourd’hui. Je pars toujours samedi. J’ai été un peu incommodé hier ; ce n'est rien. Les Hatzfeldt m’ont engagé à dîner pour Jeudi. Je n'irai pas. Je mettrai quelques cartes p.p.c. Adieu.
J’ai bien peur de ne pas avoir ce matin une lettre d'Ems. L'Allemagne ne me ressemble pas ; elle ne prend ni la ligne droite, ni le chemin le plus court. Adieu, Adieu.G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris Mardi le 9 Nov.

Absolument rien de nouveau. Hier l'ordre aux Sénateurs de se retrouver à Paris, dans 3 jours, pour un nouveau. Senatus consulte. Ils ne savent lequel, ce sera Jérôme. La princesse Mathilde me dit qui son père sera grand amiral de France. Elle se dit sûre du mariage & la princesse Wasa. Le message du Président n'a pas plu en Angleterre. On voit la guerre. J’ai vu hier Andral très tard le soir & de très bonne heure ce matin. Voilà où j’en suis. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 9 Septembre 1851 Mardi

Thiers est revenu en très belle humeur, il dit que le pays est bien plus démocratique qu’il ne l’avait cru, mais qu'il s'accommoderait très bien de la forme monarchique recouvrant le socialisme. Il va à Londres. Voilà ce qui m’a été dit hier de source à ce qu’il me paraît. Changarnier est bien animé. Plein de professions de dévouement à la bonne cause. Il met toute la gloire à la servir, mais il ne peut pas affecter cela sans compromettre son élection à la présidence sur laquelle il compte, à quoi il travaille, & qui servira au moins à diviser les voix. On veut lui imposer un certain engagement, obtenir quelque garantie, il est prêt à la donner, il faut inventer, chercher. L'Elysée semble disposé à se rapprocher de Molé, on dit même de Changarnier ; je vous redis ce qu'on me dit et tout cela est encore à l’état de symptômes. Je n’ai pas vu Changarnier. J’ai vu hier Mad. Decazes. Elle est convaincu que Joinville sera élu. Elle dit : " Pourquoi pas ? Ceci vaut mieux que 1830. On ne chasse personne. " On fait aujourd’hui l'opération de la peine au Duc Decazes. Il en a fort peur. Lord Granville est ici. Il est venu me voir hier. Spirituel & doux, & ne m’apprenant rien de nouveau.
Je ne me sens toujours pas bien. Pas de sommeil et très nervous. Adieu. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris mercredi le 10 août 1852

Je ne vous ai pas écrit hier. Je n’ai pas trouvé un moment. Du monde, des affaires, & quelle affaire pour une estropiée de s'embarquer pour Paris ! Un train spécial détestable. Je ne suis arrivée qu'à 9 heures éreintée. J'ai reçu à Dieppe encore votre lettre & la revue dont je vous remercie bien, & ce matin encore votre lettre. Je me lève après avoir assez bien reposé.
Je verrai quelques personnes ce matin. Avant hier soir tout Dieppe était chez moi, entre autres Madame de Persigny que son mari m'a amené. Elle est jolie, très jeune, & ils ont l’air fort amoureux. Mais elle est mieux portante que lui. Tout Paris est bouleversé des préparatifs de la fête. Chez moi ce sera superbe.
J’ai trouvée une invitation pour St Cloud pour le 16. Un bal. Cela me va ! Ma conversation le matin avec Persigny était au fond très curieuse quand une [race] a été chassée trois fois, quand de si grand, de si haut, on est tombé si bas, c'est fini archi fini. Il n’y a que cette race-ci pour la France, le monde est gouverné pas des symboles. Ce nom de Napoléon est un symbole. Il restera personnifié n’importe en qui. Celui-ci crée & fonde. L'administration, les institutions survivront à l'honneur et avec [?] père, ou Napoléon fils cela ira. Tout de même quand même on aurait le malheur de perdre celui-ci ou qu’il ne laissât pas d’enfants. L'Europe ne comprend pas la France, & en général la transformation des idées en Europe. [Persigny] a l’esprit frappé qu'on veut empêcher le mariage. Moi je ne le crois pas du tout.
Adieu. Adieu on m'interrompt.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris Mardi 10 septembre 1850

Kisseleff qui est venu hier matin m’a dit que la princesse Mathilde où il avait dîné la veille lui avait dit que Thiers était revenu de Bade & devait partir le lendemain qui était hier pour Clarmont. Duchâtel qui est venu le soir en doute beaucoup, cependant la source me parait bonne. Avez-vous lu dans la presse du 8 une lettre de M. Vesin racontant Wiesbaden, & se déclarant pour le comte de Chambord. Cette lettre fait assez de bruit. Le portrait qu'il fait des Prince est exactement ce que vous en aviez entendu dire à d’autres.
J’avais chez moi hier soir Duchâtel, Dumon, Kisself et Chalembourg et Edwardes. Rien de nouveau, & moi je n'ai de nouveau qu’un peu de mal de gorge, pris chez vous, il y faisait vraiment bien froid. Voilà qui est mal de vous dire cela. Mais je suis vraiment par trop délicate, c’est ridicule. Il faut m'envoyer à Madère. Adieu. Adieu. et adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Paris. Mardi 13 août 1850

Certainement je veux tous les jours des lettres. J'aime mieux les longues; mais je veux les courtes. Vous n'aurez aussi que quelques lignes aujourd'hui. Je reviens du Collège Bourbon ; je pars ce soir, et j'ai beaucoup de petites commissions et affaires. Les journaux vous disent l’accueil que j'ai reçu hier du public au grand concours. Fort au delà de ce que je pensais. J’étais à peine entré, toute la salle s'est levée, et les applaudissements ont duré trois minutes au moins. Tout-à-l'heure, la même chose, a recommencé au collège Bourbon, sur une plus petite échelle. Je suis moins ironique que le Duc de Wellington ; j'ai salué de bonne grâce, au lieu de hausser les épaules Comme les jalousies, pas plus les politiques que les amoureuses, ne meurent jamais, vous remarquiez que le Constitutionnel ne dit pas un mot de ce qui s’est passé à mon entrée dans la salle du grand concours.
Je n'ai rien appris hier ni ce matin, quoique j'aie vu beaucoup de monde. Paris est parfaitement tranquille, assez prospère et toujours triste au fond, un peu par inquiétude de l'avenir, un peu par honte du passé. C’est un pays qui ne veut pas remué, mais qui vit mal à l'aise dans son repos. Adieu. adieu.
Je retourne à Trouville, en passant par le Val Richer où j'ai quelques ordres à donner et quelques papiers à prendre. J’arriverai à Trouville le soir au lieu du matin. Je manquerai très probablement l'heure de la poste, et il vous manquera une lettre. Adieu. Nous n'avons pas ici une pluie continue comme vous à Ems, mais des orages qui recommencent sans cesse.
Adieu, et adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 14 octobre 1851

Comme votre petit homme n’est pas venu me voir, je ne sais pas un mot de ses conversations. M. Fould est venu hier soir. La retraite des ministres tout entier n’est plus douteuse. Celle de M. Carlier aussi. Le Président est décidé au retrait de la loi du 31 Mai. Dans le conseil qui se tenait à midi à St Cloud, les ministres donneront probablement leur démission, & probablement aussi. Ils seront invités à garder leurs portefeuilles jusqu'à la nomination de leurs successeurs. Ces successeurs très inconnus encore, mais certainement le Président n’ira pas les chercher à la montagne. En même temps qu’il retourne au suffrage universel il donne des gages au parti de l’ordre. Par quelque mesure conservatrice très vigoureuse. Jamais il ne fera ménage avec les démocrates. Il a vu M. Girardin une fois pour une affaire privée. On parle de M. Billant, mais au fait, on ne sait rien. Que fera l’Assemblée ? Si elle accorde le retrait de la loi elle le déjuge. Si elle refuse elle accroît son impopularité au profit de celle du Président. Il y a profit pour lui de l'une ou l’autre façon. Les nouvelles de Bourges & autres villes de ce côté sont que les rouges travaillent beaucoup.
J'avais hier soir Rothschild assez inquiet et curieux. En sortant de chez moi, il a fait une chute dans la cour. Oliffe l’a ramené chez lui, il s'est beaucoup blessé à la jambe. Cet accident a fait lever la séance, il était bien tard 11 1/2. Normanby était venu chez moi le matin, très curieux aussi, & assez inquiet. J’ai dîné hier chez Delmas. à mon heure, mes lampes &. il n’y avait pas eu moyen de refuser. Rothschild hier était Présidentiel, ce qui a fait dire à Fould que tout le monde le deviendrait, & qu’après tout les partis conservateurs de l'assem blée s'étaient conduits, bien maladroitement à quoi [Rothschild] a dit amen aussi. La soirée était fort curieuse. J’ai dit en l'air, Mais pourquoi le Président ne passerait-il pas par dessus la tête de l'Assemblée pour demander pays de rétablir le au suffrage universel ? A quoi de grands éclats de rire, & Fould disant mais vous allez droit au plus vif, c'est là la question. Je saurai quelque chose plus tard, mais trop tard pour vous le mander.
Changarnier a perdu sa sœur. [Rothschild] dit qu’il en est très affecté. Adieu. Voilà tout, pour aujourd’hui. Le Président n’a pas été à Chantilly. On l’attendait préfet & &. C’est Carlier qui a donné le premier le signal de la retraite du Ministère.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 15 octobre 1850 Mardi

On me parait bien agité ici, mais je doute que la solution soit ce que vous pensez et ce que tout homme censé désire, la retraite du Ministre de la guerre. J’avais hier soir chez moi le général Lahitte & M. Fould, et si j'ai bien compris ceci n’arriverait pas, on s'arrangera. Même M. Fould a été jusqu’à dire qu’il n’y a pas d’homme indispensable. Il tirait là sur le général Changarnier. Jamais je n’ai vu M. Fould si gai, & assuré. Je pense qu'on se moque de l’Assemblée. On ne lui demandera pas la prolongation, & on ne l’acceptera pas de sa main dût-elle l’offrir." Le pays élira le Président, c’est le chef inévitable, indispensable de la France. Lahitte était fort préoccupé de l’Allemagne. Très décidé à la neutralité si la lutte s'engage. La mort de la reine des Belges l’afflige même politiquement il dit que princesse Françoise, Elle était un lien avec la France ; Léopold pourrait bien tourner à l’Allemandisme. Je n’avais pas de diplomate hier soir. Des femmes. Lord Brougham un autre homme, propos tranquille, modeste, grave, on ne le reconnait pas. Je suis inquiète. J’aime mieux Brougham l'ancien. Je ne sais pas de nouvelles à vous dire. Dumon était ici aussi. Fould très empressé pour lui, regrettant qu’il ne fût pas de la Chambre, les deux Ministres sont entrés & sortis de chez moi ensemble ils ont l’air fort intimes. Beauvale n’en revient pas de ce qu’on permet ici les cris et le vin de Champagne. Longue tirade qui finit par : vive la guerre civile ! Autre tirade sur l'impuissance de quatre grandes puissances qui signent un protocole et sont incapables de l'exécuter. Paul, Brunnow, Drouyn, Reventhon tout cela ensemble & sans cesse, et rien, rien.
Lord Aberdeen a passé trois jours chez la Reine, pas de ministre bien content du ménage sur toutes choses (on n'a pas parlé du tout Allemagne) la reine pense comme Aberdeen sur la fusion. Aucune réflexion sur les affaires du pays. Il viendra peut être ici pour Noël. Voilà tout. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 16 septembre 1851 Mardi

Depuis minuit je n'ai pas dormi. Voilà une belle nuit ! Je suis accablée. Comment pouvez-vous penser que Metternich soit aise de l’article du [Journal] des Débats. Si quelque chose pouvait l’empêcher d’aller à Vienne ce serait cet article. C'est un bien mauvais service qu’on lui a rendu là. Il l’aura lu en route. C'est avant hier qu'il a dû quitter le Johannisberg.
Le duc de Noailles est venu hier chez moi tout éploré. Il se rendait à Mouchy de Maintenon où la nouvelle de la mort de la Vicomtesse est venue le trouver hier matin. Elle était morte subitement dans la nuit. C'est encore une perte. pour le parti, & un peu pour le monde. Montebello avait eu le matin par un voyageur des nouvelles curieuses de Claremont. Le prince de Joinville disant que si des troubles survenaient en France il répondait au Constitutionnel en allant en Bretagne planter son drapeau c.a. d. celui de Henry V. La Bretagne étant la province la plus légitimiste de France. Il dit encore qu'on se moque de lui ou qu'on l’offense quand on suppose qu'il puisse jamais accepter d'être président. Ceci vient d’excellente source. On se le redit avec précaution. Le Times effraie tout le monde. Qu’est-ce que c'est que vos Princes ? Je les tiens en grand mépris.
Je n’ai rien à vous dire. La journée s'est passée hier très bien. On avait cru à quelque chose. Le président a été très bien reçu partout. Adieu. Adieu. Voilà encore de l’Indépendance

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 17 août 1852

Dans toute la journée hier je n’ai vu que Stolham, & la Duchesse Decazes. Tout le reste se reposait de la veille et se préparait à St Cloud. Aggy même y a été. Il ne restait rien à Paris pour moi. St Cloud a été brillant, beau ; Aggy très fêté par tout le monde. Le Président gracieux pour elle. Des nouvelles, elle ne m'en a point rapporté. Je serai donc très peu intéressante aujourd’hui car ma lettre part toujours avant que je n'aie vu du monde. L'Électeur ne se présente pas. Il a vu le feu d’artifice dimanche de dessus les plombes dans ma maison à côté des chambres de mes domestiques. Je saurai ce qu'on en pense ici.
Je reçois dans ce moment une lettre de Paul. L’Impératrice l’a fait venir et l’a tenu une heure et demi. C'est énorme et une énorme faveur. Voyez comme elle est bonne & fidèle ! Paul ne peut assez se vanter de sa bonne grâce pour lui, moi j'en suis bien touchée. Mes jambes vont mieux, je marche avec mon parapluie en guise de canne, je ne veux pas de canne. J’espère bientôt être émancipée. Je n’ai pas entendu parler du tout du pamphlet de Victor Hugo. Remarquez que je ne vis qu'avec des diplomates. Meyendorff m'écrit. L'Autriche & la Prusse ne s'arrangent pas (le Zollverein) ce qui n'empêche pas que sur les grandes affaires, les grands principes, on ne soit en complet accord.
Mad. Decases me dit que Thiers va arriver. Son mari ira vous voir au Val Richer. On a été étonné de ne voir personne de la famille Bonaparte auprès du Prince [...]

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 17 septembre 1850

J’ai vu le duc de Noailles hier un moment. Salvandy a eu le temps de s'ennuyer. Le comte de Chambord n’arrive à Frohsdorf que demain, & personne ne sait où il a été tout ce temps, probablement une promenade pittoresque dans le Tyrol Bavarois. Darmstadt devient aussi menaçant que la Hesse électorale. Schulenbourg qui était ici hier soir dit qu'on s'inquiète beaucoup de tout cela à Berlin. Changarnier était ici hier au soir. Mad. de Contades les Clans Hamilton, les Cavendish. Piscatory a été à Clarmont prêcher une croisade contre les légitimistes. Il a été très mal reçu. Il est revenu. Je ne sais rien de positif sur la Reine des Belges, mais il paraît qu’elle est bien mal.
J'enverrai à Fleichmann votre petit mot. Dans toute cette affaire rappelez-vous que les Fleischmann n'y rêvaient pas & que les avances son venues de l’autre côté. Au commencement vous m'avez parlé de 20 à 25 mille francs de rente. Eux disent d'emblée ce qu’ils donnent vraiment, pas de humbug. En tous cas c'est un brave jeune homme & de brave parents. Votre fils est bien sensé pour son âge, & sa lettre lui fait grand honneur. Je n’ai pas vu Dumon depuis trois jours. Le temps est superbe, trop beau pour Paris ! Votre lettre pour A.[berdeen] part aujourd’hui ou demain. Adieu. Adieu.

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Paris le 18 juin 1850

J’espère une lettre de vous aujourd’hui. J’ai donné à dîner hier aux Chreptovitz. J’avais entre autres Molé, Changarnier, Morny. Les deux premiers aiment mieux je crois dîner séparément. Le soir je suis allée un moment chez les Hatzfeld. Le g[énéral] de Lahitte y est venu. Je ne sais aucune nouvelle. Seulement rien n’est terminé avec l'Angleterre. On est, je crois, d’accord sur le fond, mais non pas sur la forme. On ne parle que de la dotation. Toujours du doute mais je ne crois vraiment pas possible que cela soit refusé. La discussion à ce que dit Berryer ne viendra que Lundi. Un mot d’Ellice de hier. Mais je n’ai pas à vous parler de Londres. Vous savez tout à présent, & nous, nous n’en savons rien.
Thiers raconte à tout le monde son émotion des [ ?] de St Léonard. On dit qu’il pleure encore en racontant. On dit aussi qu'il est revenu fusionniste. Chreptovitz part après demain avec un grand regret de ne pas vous voir. J’ai écrit à Marion une lettre suppliante, Hélas cela n’y fera rien. Ste-Aulaire me quitte à l’instant. Hier on m’a dit que si l’Assemblée refuse, le pays fera une souscription, et qu'on lui votera 15 millions peut être. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857) ; Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 21 octobre 1851

Le duc de [Noailles] sort d'ici. Il nie formellement qu'on combatte votre candidature c’est impossible, & il se fait fort de vous faire adresser un démenti de cela par les personnes accusées de ce travail. Berryer accepte son élection à l’Académie et va faire dans la huitaine ses visites aux académiciens. Berryer a passé un jour à Champlatreux. Le parti légitimiste est parfaitement résolu à combattre le projet d'abrogation de la loi du 31 mai. Ils seront unanimes. Ce parti était décidé à voter pour la candidature du Prince Président ; aujourd’hui, c’est différent. Ce sera sans doute Changarnier qui aura ses voix.
J’ai vu hier soir M. Fould. Il croyait que le Ministère était ou allait être fait. Billault, Ducos, Turgot, Casabianca, Ste Arnoult. J'oublie les autres. Turgot aurait les Aff. étrangères.
Fould avait passé la veille toute la journée à St Cloud, dîner avec le Président, avec lui au théatre de St Cloud un mélodrame abominable. Fould toujours très bonne humeur et très décidé à voter contre l'abrogation, et à croire que l’Assemblée ne l'aura pas. Chasseloup était ici aussi. C’est très drôle aujourd’hui, toutes ces situations. Le Président est toujours là [? ] garde de l'ordre. C’est lui ou la guillotine. Et bien, il faut le soutenir, tout en [vaut] qu' il a fait une grave faute.
Le duc de Noailles va vous écrire demain. Il revient à Paris jeudi. Molé rentre en ville le 30. Je vous ai tout dit. J’attends Dimanche ou Lundi la réponse sur mon fils. Je tremble. J’ai vu Chomel, il me met au régime d'un artichaut par jour. Pas autre chose Je me soumets mais cela a l'air d'une comédie. Adieu. Adieu.
On veut reconstituer la réunion dit du Conseil d’Etat. C’est M. Base qui en a fait la proposition. Les légitimistes en sont tout-à-fait d’accord.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 22 octobre 1850 Mardi

Je passais la soirée chez lord Grey le jour où lord John Russel portait le bill de réforme à la Chambre des Communes. Lord Howick écrivait de là à son père le billet suivant. the Mountain is in rupture the Tories are in a rage, our friends are astounded. J’ai ce billet. Vous voyez comme cela donne raison à ce que vous me dites de ce bill ? J’ai mené hier Hubner à Champlatreux, grande course en voiture.
[Breguey] a fait son effet à Berlin, la reculade est forte, cependant Hubner ne regarde pas encore la guerre comme impossible. Mais elle est invraisemblable. Il m’a dit si elle commence, nous ne nous arrêterons qu'à la Mer du nord & à la Baltique, il était consterné du régiment prussien donnée à Paskevitch, certainement sa cour n’a pas pensé à cette galanterie là. & elle ira droit au cœur de mon Empereur. L'Empereur d’Autriche a une érysipèle au pied, mais on croit cependant qu'il pourra aller à Varsovie. Nous avons trouvé M. Molé fort peu au courant, il ne nous a rien donné et nous lui avons beaucoup appris. La visite & la rencontre à Ferrières l'ont consterné. Vous l'avez un peu guéri de ses méfiances, il les a reprises toutes. Il m’a questionné sur votre billet à Morny. Je lui ai montré ce que vous m'en dites. Cela l’a parfaitement défié & pacifié.
J’ai oublié de vous dire hier que M. de Montalembert est allé à Rome hier même, il avait passé la matinée. La veille chez le général Lahitte. Je ne sais si c’est en mission, Lahitte un mot disant son voyage ne m’a pas laissé cette impression.
Vous ai-je dit que dans une longue conversation que M. de Heckern a eu avec le roi de Prusse celui-ci lui a dit ces trois choses. Le Prince Schwarzenberg ne connait pas l’Allemagne moi je la connais. La Hesse, voyez-vous, c’est mon nombril. Je ne souffrirai pas qu'on marche dessus. Et sur l'observation de Heckern vous aviez avec vous la Révolution. Bah, il n’y a plus d'électricité. La révolution est finie. Quand je dis que Molé en n'a rien appris. J'oublie Salvandy qui venait de le quitter revenant tout frais d’Allemagne. Dans le ravissement de Frohsdorff, la comtesse de Chambord est même belle, on a menti en disant qu’elle ne l’était pas. Ils étaient à déjeuner lorsque les journaux arrivent avec la circulaire. Le Prince abasourdi. Le duc de Lévis [Ditto] & tous deux prévoyant le parti qu’on en tirerait, & se perdant en conjectures pour deviner comment & qui. Molé crois d’après ce qui lui est revenu que c’est M. de Saint Priest accouchant de cela à Paris. La Comtesse de Chambord questionnant sur le comte de Paris, parlant de ceci avec attendrissement, & attendrissant Salvandy. Il a mandé tout cela à Clarmont.
Antonini est revenu hier de Bruxelles. Je l’ai vu le soir. Il a longtemps causé avec la reine. [Charmante], forte, droite, en train, parlant de tout, de bêtises mêmes dit Antonini, aussi une querelle d’un petit consul Napolitain. Le Roi lui a demandé de rester, ou de revenir, elle a dit qu'il fallait que les ministres le lui demandassent, ils l'ont fait, elle a promis de revenir. Le Prince de Joinville courbé, charnu, un homme de 55 ans. Le duc d'Aumale boitant, le duc de Nemours brillant. Le ménage Cobourg allant mal . Le Prince est retourné en Allemagne. La Princesse Clémentine partie avec la reine. Le roi Léopold très impopulaire. Et le sentant. Il a besoin de la reine Amélie pour le soutenir dans son pays ! Je vous ai tout dit & Je suis fatiguée. Il fait bien froid. Adieu. Adieu.

Encore un mot. Au moment de la mort Léopold a dit : " On a beau être incrédule à cette religion là, quand on voit mourir comme cela, on est ébranlé. " Vilain propos d'un lâche, et d'un courtisan, que n’allait-il à la messe après ? Molé ne croit pas au renvoi des ministres de la guerre, quoique cela lui ait été promis à lui même.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 23 septembre 1851 Mardi

Personne ne sait me donner des nouvelles de M. de Montalembert. En sortant tantôt je passerai moi-même à sa porte pour m'en enquérir. Je ne pourrai vous mandez que demain si j’ai fait quelque découverte. M. Carlier a dit hier matin à un diplomate. " Nous allons bien mal. Si nous avions de nouvelles élections nous serions perdus. " Textuel. l’inquiétude commence à devenir générale. Qu’est-ce que ce sera vers Novembre ?
Jai vu hier soir [Glucesberg] entre autre. Son père est convalescent ils ne sont plus inquiets. On me dit que Thiers est engraissé et de très bonne, humeur. Boutonné quant à la candidature Joinville. Pas d’opinion. Il a passé chez moi hier, sans en trouver. M. Pougoulat /je crois que je dis bien / votera pour la rentrée. des Princes. On dit qu’une grande partie des Légitimistes fera comme lui. Le sort de cette cette proposition est fort douteux et le temps qui coule est à l’avantage de Joinville. Peut-on courir ce risque-là ? Mais les grands hommes se proclament / il n'y a que le petit homme qui soit ici, & il ne perd pas son temps. Dumon était noir hier. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 24 août Mardi 1852

Je ne suis sentie si lasse hier que j'ai fermé ma porte et je me suis couchée à 9 heures. J’ai mal dormi, ma faiblesse augmente. Pour peu que cela continue, j'y périrai. Je n'ai pas d’autre mal, mais je suis prête à crier de faiblesse. J’ai vu du monde le matin, il y a ici peu d’accord dans les procédés le 15. Il me semble qu'à tout prendre c’est les anglais qui se sont le mieux prêtés à la Célébration. Je vous ai dit Berlin. A Hanovre le peuple a [?] d'immortelles ce jour-là la colonne de Waterloo sur une place publique. Enfin il y a de quoi donner ici beaucoup d’humeur, mes sources d’information sur ici me manquent. J’ai rencontré hier au bois le Prince. Très gracieux salut. J’étais avec la princesse Schonberg. Elle est chez moi tous les jours. Elle a de l’esprit, mais pas beaucoup, moins qu'il y a 12 ans.
Les Conseils généraux voguent en plein empire. Ceci vous prouve que je lis le Moniteur. Je n’ai que lui, tous les autres journaux m’ennuient je ne les vois plus. La conclusion du traité avec la Belgique était hier l'événement diplomatique. Je ne m'y connais pas. Adieu. Adieu, car voilà qu'on m’interrompt.
Avez- vous lu les regrets dans le Constitutionnel ?

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 24 septembre 1850

Beaucoup de monde hier toute la journée. Le matin, les Holland, Richelieu, le Prince Paul, Mad. Rothschild, la princesse Sophie W. Le soir Lady Allice, Dunon. M. A. Fould très agréable. On ne parle que de la circulaire déplorable. Le parti est consterné. Une vraie banqueroute. Tout le monde s’étonne de la faute énorme, incroyable. Ce matin Rothschild disant : Voilà la république pour longtemps, pour toujours peut-être. M. Fould trouvant avec raison, que rien ne pouvait être plus favorable aux intérêts du Président. Il a beaucoup causé hier avec Dumon, un homme d’esprit. Tenez pour certain que ceci est une grande affaire qui ruine le parti légitimiste. Sont-ils bêtes aussi ! La duchesse d’Orléans va être bien contente. Mais elle se trompe, il n'y a rien pour elle-là.
J'ai reçu deux tristes lettres de mon fils Alexandre. Il est bien malade. La fièvre tous les jours, la tête rasée, on l’envoie à Naples, & il ne peut pas même habiter sa maison qu'on refait. On lui promet que deux mois de régime là le remettront entièrement. Dans ce cas, il vient ici. Si non il va au Caire. Je suis très affligé de cela & très inquiète. Aujourd’hui manoeuvre à Versailles. Le Président déjeunera chez Normanby. Il traitera les sous-officiers. Pendant 6 semaines, les manoeuvres se renouvellent une fois toutes les semaines. Je verrai le duc de Noailles aujourd’hui. Demain il va à Champlatreux, à son retour sans doute il s’arrêtera au moins une demi-journée à Paris. Voilà tout ce que je sais. Rothschild part ce soir pour Turin. Adieu, je verrai surement assez de monde aujourd’hui. Lady Allice repart pour Londres ce soir. Adieu Adieu

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Paris mardi le 25 Juin 1850

Quelle grande journée que celle d’hier ! Ce n’est pas à vous que j'ai à en faire la remarque. On dit que l’effet a été prodigieux à l'Assemblée. La loi était perdue, perdue à 100 voix de majorité peut-être. L'apparition de Changarnier à la tribune a été le plus grand coup de théâtre. Imposant, doux, fier. Tout le monde surpris les visages allongés. La bataille gagnée en moins de cinq minutes. 246 voix de majorité. Larochejaquelein, Dalmatie, changeant la couleur de son billet, en s’en voulant. Enfin l’argent au Président, l'honneur à Changarnier. Il a pris possession à la fois des deux pouvoirs de l'État. Voilà le résumé de la journée.
Hier soir chez Hatzfeld, tout le monde, moins Changarnier. Il s’est dérobé aux ovations sincères & hypocrites. Moi bien sincère. Je suis charmée. J'en ai oublié Lord Pal[merston] ! Quelle plein d'injures contre moi dans ses journaux ! I don't care. Noble guerre ! Je crois qu'il aura eu la majorité hier dans la Chambre basse. Mais il a la flèche empoisonnée dans le flanc. Avez-vous lu L’Univers de Samedi ? Quel article sur Thiers ! Molé me dit qu'il est furieux. Je n’ai pas de lettre de vous aujourd’hui, pourquoi ? La poste de Londres ne m'a rien apporté non plus. C’est demain qu'il y aura une pluie de lettres. De quelle couleur seront-elles ? Je crains même une assez forte majorité. & je me méfie beaucoup de Peel. Brunnow a l'ordre de rester à Londres jusqu’à la fin de la session, après on l'appelle à Pétersbourg. Adieu. Adieu.
Dans ce moment un billet du héros d’hier, qui me dit : " Je vais me cacher pendant soixante heures dans un petit chateau du Loiret." Je livre cela à vos méditations. Il revenait de l’Elysée, il me le dit. Adieu. Adieu. P.S. J'ai une réponse. Si l’initiative venait de la part des intéressés les conseils seront bons.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 26 octobre Mardi

J’ai vu hier lord Minto, il va passer l'hiver à Gènes. Il croit que le Ministère peut durer... Pour son compte il a fini à tout jamais. John Russell est gros et gras et en train. J’ai vu Fould aussi, très occupé, intéressé à ses occupations. Toujours de plus en plus charmé du Prince. La [?] de l'acceptation aura lieu aux Tuileries avant la mi Décembre. Le suffrage universel le 21 ou le 28 Novembre. Appony est bien mort. Le duc de Noailles est venu m'interrompre. Il est plus résigné que M. Molé. Il n'y a cependant plus rien à faire que cela. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 28 octobre 1851

Hier soir une défaillance. plus de pouls, attaque de nerfs, [?] de vomissements. Pas de sommeil cette nuit, aujourd’hui je ne bouge pas. Pas de réponse de Pétersbourg. Je ne pense qu’à cela.
Tout le monde rit. du ministère. Fould & Berryer hier, en très bonne intelligence. C'est Casabianca qui a fait le Ministère. Blondel est depuis 12 mois en Corse. Fould dit qu’il ne le connaît pas. Le blâme sur tout cela est universel. On a reçu hier le testament de la Dauphine. On dit très touchant. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Mardi le 28 septembre 1852

J'avais hier soir Montalembert & Fould. C’est infaisable, l’un attire l’autre. C’est insuportable car cela gâte tout, mais le hasard est vraiment risible. Il y avait de plus Molé, Dumon, Valdegamas, Kalerdgi. J’ai un peu ri avec Fould. Il me paraît que Marseille a été moins enthousiaste que les autres villes. Il pense que le midi en général sera plus froid. Nous aurons je crois demain un discours que le Prince aura prononcé à Marseille. Le principal meneur du complot a échappé. Fould est fort discret sur tous les détails. On a saisi moins de monde qu’il ne m’avait dit dans le premier moment. Ici on parle d’arrestations faites à Paris. Je ne sais pas si c’est vrai.
Delessert que j’ai vu hier me dit que la reine Amélie et le prince de Joinville ont dû partir hier pour aller trouver la duchesse d’Orléans à Lausanne. Les Pozzo sont partis pour Naples. Il a peur. D'abord son oncle était l'ennemi personnel de l'Empereur Napoléon, & lui le petit Pozzo a donné du dîner fusionniste. Je trouve la peur impayable. Enfin la société se passera de cette maison pour cet hiver. Lady Allice ne sait rien & ne dit rien. Elle ne savait même pas que la Duchesse d’Orléans avait eu un accident. Aggy a été chez les Thiers. Là on parle du complot comme d'une invention de police. Comme c’est bête d’abord et comme c’est de mauvais goût. Kalerdgi part aujourd’hui. Molé est désespéré. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 30 septembre 1851 Mardi

J’ai vu peu de monde hier, mais j’ai su par Marion quelques rapportages. Mad d'Asur lui a fait visite le matin. Et elle a remonté Thiers à dîner chez lady Sandwich. Assise entre lui & M. Royer à table. Il a parlé de Changarnier de ce qu’il eut été s'il avait su se conduire, précisé ment dans les mêmes termes que vous m'en avez parlé le matin & que Marion avait lus. Il n'épargnait rien à la ressemblance. Il n’est pas sûr que le prince de Joinville passe. Le pays est encore fort attaché au nom du Président. Quant à Changarnier c'est risible, le pays ne le connaît pas du tout, il aura pour lui les Légitimistes, & encore.. Beaucoup d’incertitude sur la proposition Creton. Thiers avait dit le matin à Mercier ( qui est venu chez moi le soir) Si Henry V était possible se serait ce qu'il y aurait de mieux peut-être. Mais c’est archi impossible. Le pays, le repousse absolument. Il est impossible. Il nous faut la Monarchie, il ne nous reste donc que la branche cadette, et bien pour faire arriver la Monarchie il faut que le Prince de Joinville soit à la tête du [gouvernement] du pays. Il ne serait pas longtemps président. Tout autre ferait durer la République. Le pays s’y accoutumerait, je ne veux pas de cela. Voilà mes motifs et pourquoi le Prince de Joinville a raison de se laisser faire.
Dumon hier soir était fort noir. On parle de message pour le 4 nov. invitant l'Assemblée à voter la révision à la simple majorité. C’est M. Fould qui avait dit cela à je ne sais qui que Dumon ne m’a pas nommée, le même anonyme ayant rencontré hier aussi M. Granier de Cassagnac celui-ci aurait ajouté et si l’Assemblée recule devant cette illégalité, on casse l'Assemblée. Mais l’armée que dira-t-elle, que fera-t-elle ? Voilà à quoi personne ne répond. On devient très triste très inquiet. Fould a dit que tout s’en allait dégringolant, crédit, ouvrage. & & De raisonnements en raisonnements, on en vient à dire qu’il n'y a que la guerre qui puisse tirer de là. On a tant jasé & si tard que j'en ai très mal dormi cette nuit. Je me lève et il est midi déjà. Bastide & Cavaignac se donnent tous deux pour Joinvillistes.
J'ai fait hier la plus mélancolique des promenades. J’ai été voir Neuilly. Ah quel aspect horrible ! Adieu. Adieu

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris mardi 31 août 1852

Lord Granville a passé quelques heures à Paris venant de Londres et allant chercher sa femme en Allemagne. Il est venu me voir et m’a fort intéressée. Il n’y a rien de nouveau cependant. Si Derby touche il croit à John Russell et le garde toujours comme le plus grand chef de parti en Angleterre, il confirme la liaison d’Aberdeen avec lui. Quant à Palmerston, jamais [Ministre] des aff. étrangèrs, & jamais premier ministre. Stuart Canning retournera probable ment à Constantinople.
Il n’y a pas moyen d’attraper un bout de nouvelle d'ici. Personne n'approche de St Cloud, et on n’a d’accointance. avec aucun homme en place. Fould ne revient que le 5 pour repartir le 15. Aggy a été faire visite aux dames Thiers hier soir. Elle y a trouvé Lasteyrie extrêmement engraissé. La rosière y était aussi. On ne parle pas politique. On s’est moqué du discours de Laroche Jacquelin, du bal de la Halle & & Voilà mon bulletin. Haynau est fort suivi et protégé par la police. Mes forces ne reviennent pas. Je continue les bains de Vichy. Adieu. Adieu.

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Paris Mardi le 11 juin 1850

D’abord lady Palmerston. Voici la copie exacte de sa lettre reçue hier. Vous savez que je lui avais recommandé une chanteuse. Faut-il répondre ou me taire dans tous les cas je suis décidée à rire. C’est impayable. Ce qui m’en plait le plus, c’est l’évidence de la mauvaise humeur, ergo la très mauvaise situation. Quoique vous en disiez, je crois cette situation très mauvaise. C. Greville la regarde comme empirée par l’ajournement. du vote & moi j’ai quelque raison de croire que l’affaire ne sera pas arrangée jusqu’à Lundi. J'ai été hier dîner à Enghien avec mon fils, Chreptovitz & Antonini. Charmante journée mais mauvaise nuit de crampes, pas de sommeil du tout. Je fais venir Chancel. Duchatel est venu un moment le soir, je n’ai reçu que lui. J’étais trop lasse. Il croit que la loi passera. Lady Hollande m'écrit aujourd'hui qu’on craint bien là que l’affaire ne soit pas conclue jusqu’à Lundi ; dans ce cas on est battu sans ressource & Lansdown se retire, ce qui entraîne toute la bande. la Princesse [Léonide Galépine] est en effet la sœur de Paul Tolstoy. Mais avec beaucoup d’esprit, & des relations intimes & directes à la cour. Le [?] de Salvandy est historique. Thiers & Cousin me l'ont conté tous deux. C’est plus étonnant que la Révolution de février.
Je n’ai pas des yeux pour vous redire au long, je vais vous voir certainement dans quelques jours n’est-ce pas ? J'ai fait à Passy la connaissance de cousin. Duchâtel m’a confirmé hier soir ce que N[esselrode] m’avait dit le matin sur votre ami. Quelle faiblesse ! Il faut que vous l’ameniez. Je suis si fatiguée de n’avoir pas dormi et si effrayée d'une consultation demain avec Chancel que me tête n'y est pas tout-à-fait aujourd’hui. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Merci, merci de vos douces paroles. Comme je vous remercie de m’aimer. Que vous êtes bon, car j’ai bien des défauts. Mais je n’ai pas de mérite à vous donner tout mon cœur, et cette affection est sans partage. Je n'ai que vous au monde. Gardez-moi mon bien. Adieu. Adieu.

1er Janvier 1851

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Je ne veux pas attendre jusqu'à une heure. Que Dieu vous garde et vous bénisse en 1851 ! Pour moi et pour vous. Je me place le premier et j'en ai le droit.
Que de sentiments sont dans l'âme qui ne s’épanouissent jamais tout-à-fait. Les fleurs qu’on va vous apporter feront mieux ; tout ce qu'elles ont de bon; elles vous le donneront. Mais elles passeront et mon affection ne passera pas. Adieu, dearest, adieu.
A une heure. Adieu. G.

Mercredi 1er Janvier 1851
9 heures

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 1er octobre 1851

J’ai vu M. Fould hier soir, très confiant et très sérieux. Je lui ai dit mon inquiétude il s’en est fort diverti. Certainement il y aura un message. On en est occupé déjà. Les intrigues n'inquiètent pas. Quand on verra le travail [?], les fonds baisser, l’agitation & la peur gagner tout le monde, on viendra à [rescipi ?] & on sera trop heureux de se rallier autour du président. Les légitimistes doivent l’aider à refaire des institutions monarchiques. Voilà le langage. En attendant le Prince s'amuse à St Cloud & son entourage s’y ennuie, avant hier gand dîner dans le salon de la Reine. La belle Mademoiselle Montejo & sa mère la duchesse. Un grand concert de 30 personnes. Fould y va à ce qu’il me semble tous les jours.
J’ai vu Dumon hier matin ; il me dit qu'il vous a écrit ; quand il partira, ce qui sera dans 10 jours, je n’aurai plus de causerie française du tout. Kisselef est malade. Hubner & Hatzfeld en voyage. Vous voyez que je suis très délaissée. Je voulais aller à Champlatreux mais c’est fatigant.
J’ai entendu ces jours-ci parler de votre fils avec les plus grands éloges. Il a une grande popularité dans son collège et dans le monde, mais je dois vous dire qu'on vous blâme de permettre qu'il prenne si jeune encore et sans frein aucun, des plaisirs qui ruinent sa santé. Outre que c’est d'une morale un peu relâchée qui étonne de votre part, c’est d'une imprévoyance qui étonne encore plus. Il est dans l'âge où la constitution se forme & s'endurcit. L'ébranler à présent c’est un immense risque. Pensez au malheur que vous avez eu ! Je vous dis là des choses dures mais vraies. Personne n'ose vous dire la vérité, je crois que c’est parce que personne ne vous aime autant que je vous aime. Veillez sur votre fils & retenez le.
Constantin a un nouveau petit garçon. Personne ne m’a parlé de la Belgique, mais il me semble que le ministère n'y est pas en triomphe. Les Ligue ont marié hier leur fils à M. de Talleyrand. Il va célébrer cela très pompeusement et magnifiquement à [Bélocil]. Don Magnifico tout-à-fait. Il est de l'opposition au Sénat. Adieu, car je ne vois pas de nouvelle à vous dire. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 1er Septembre 1852

Lady Palmerston a été dans le plus grand danger, une attaque de Choléra elle est sauvée. Lord Cowley que j’ai vu hier soir me parait triste, triste sur son compte je crois. L’affaire n’est pas claire il me confie ses petits chagrins. Sur l'ensemble, il ne m'a rien dit de plus que Granville, qui est venu encore hier causer long temps chez moi. Celui-ci a de l’esprit. La petite princesse dîne encore après-demain à St Cloud. On s’étonne assez des articles.du Moniteur sur le Times. Quelle mauvaise guerre on engage là. Et cela fait un vrai mal. La bourse s’en inquiète. (pardon de mon papier taché) Rémusat est dans sa terre. Ils sont tous revenus.
Je reverrai demain Chomel. Oliffe reste toujours à Trouville. Je me tire d’affaires avec Kolb. Aggy n’a pas bonne mine. Sa soeur malade va un peu mieux. Lady Allice veut venir ici le 15. Madame Kalerdgi arrive aujourd’hui. Voilà ma gazette et pas intéressante du tout. Adieu. Adieu. Hubner me soigne assez, c’est parce qu'il n’y a personne à Paris. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Paris. Mercredi 2 Juillet 185
Une heure

Je ne suis pas du tout résigné à la séparation. Mon plaisir me manquera aux heures accoutumées, et mon attente de mon plaisir tout le jour.
En vous quittant hier soir je suis retourné chez Mad. de Staël. Point d'autre visiteur que Viel-Castel uniquement préoccupé des affaires de La Plata dont le rapport se fait ces jours-ci. M. Thiers, les a toujours à coeur, plus que vous. Il ne refera pourtant pas son discours cette année, mais il en fera faire plusieurs. Pour rien, car la paix sera faite avec Rosas. 13 membres de la commission sont pour la paix contre 2. M. De Tocqueville lira Lundi 7, à la Commission, son rapport sur la révision. La Commission le discutera lundi et mardi. Il le lira à l’assemblée mercredi, ou jeudi. Le grand débat commencera, le mardi 15, grand peut-être, et long certainement.
Pour la réunion des Pyramides, sept orateurs, MM. de Broglie, Montalembert, Daru, Odilon Barrot, Beugnot, Gal Bedeau et Coquerel. Pour la République, plaine ou Montagne, MM. le Gal Cavaignac, Lamartine, Gal Lamoricière, Jules Favre, Charras, Mathieu de la Drôme Michel de Bourges. Pour le Tiers Parti, MM. Dufaure, Tocqueville et Laboulais. Pour les légitimistes, MM. Berryer, Falloux, Vatimesnil, La Rochejacquelein, Laboulie. Pour les fusionnistes MM. Molé, Montebello, Moulin. Pour le Ministère, MM. Baroche. Léon Faucher et Rouher. Voilà le programme général. Et comme il s’agit de prendre position pour les élections futures, peu de gens se retireront de la scène. Au moins dix ou douze jours de débat. Je n’ai encore vu personne qui connût le discours du Président.
La réception de Poitiers n'a pas valu celle de Tours. Peu de visites ce matin. Deux légitimistes, MM. de Neuville et de Limairac, bien pressés qu’on s'entende avec eux pour faire, à la loi du 31 mai une petite modification qui leur permette de ne pas attaquer la loi, et de voter avec la majorité, contre la Montagne. Le parti est assez découragé.
Je verrai demain le général Chabannes qui part le soir pour Claremont. Je lui dirai bien des choses à redire et il les redira. Je ne suis pas plus intéressant que cela. Adieu. La pluie me plait. Vous aurez moins chaud et point de poussière. Adieu, adieu.
Tout va bien chez moi. Adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 2 octobre 1850

J’ai oublié de vous dire que c’est Antonini qui m’a rapporté de Bruxelles tout ce que je vous ai dit. La partie politique il la tenait de Van Prast. Je trouve la lettre de M. Molé dans les Débats de ce matin, très bonne. J'ai eu hier soir des dames assez, quelques hommes, M. Achille Fould. Il se dit sans aucun souci de l'hiver prochain. L'Assemblée est complètement discréditée sur la question du jour, les libérations à la troupe. C’est peut-être fâcheux, mais il ne faut pas disputer sur les petites choses. Aujourd’hui revue, & le 10 très grande revue, & la dernière. La Hesse devient une bien grosse affaire. Vraiment elle pourrait mener à la guerre.
Léopold est de l’année 90. Il a juste 60 ans. Je lis M. de Montalivet sur la liste civile. Cela fera un excellent effet. Qu’il a fallu de gaucherie au roi pour faire dire de lui ce qu’il méritait si peu ! Je n’ai point de nouvelle aujourd’hui excepté une lettre de Bacourt, Nancy. je l’avais questionné sur Bade. Thiers grand effet sur la reine de Hollande. Beaucoup moins sur la grande duchesse Hélène. Infiniment moins encore sur la princesse de Prusse qui avait peur de ses commérages, complètement nul sur la grande duchesse Olga qui a été l'objet de l’adoration générale à Bade. Je ne sais rien de plus aujourd’hui. Adieu. Adieu.
Lisez ceci et voyez quelle infamie ! Que dois-je faire ? Quelle horreur ! S'il le faut venez ici pour me conseiller. Je n'ai âme qui vive qui le puisse.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 3 Novembre

Adalbert de Bavière ne prendrait la religion grecque que lorsqu'il sera appelé à régner. Ses enfants quand il en aura, il n’est pas [?] seront grecs, mais toute l’affaire n’est pas conclue encore. On me dit que c'est une espèce de crétin. Il n’y avait point de nouvelle hier. J'en attends de Kisseleff avec une grande impatience. Le corps diplomatique attend cela aussi. On court après Abdel Kader. Je n'ai jamais vu tant d'empressement et tant de respect. A Londres il y a un grand mécontentement à propos des funérailles. Si tard, & maintenant un véritable spectacle. Il y a à tout cela un grand manque de convenance. Cowley part le 15, pour y assister ; il dit qu’il reviendra de suite. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 3 septembre 1851

J’ai vu hier encore La Redorte, convaincu qu’il n’y aura pas de coup d'État. Il cause souvent avec le Président. Il le trouve perplexe, incertain. Le langage officiel est la pleine confiance. Montebello s’est rencontré chez moi avec La Redorte, il a dit que la seule conduite, bonne efficace était de se rapprocher des hommes conservateurs de s’aboucher avec eux. De convenir de ses faits chacun de son côté. Des promesses de Gentleman. & le Président peut jouer un rôle bien utile, bien grand. La Redorte a assenti, mais il dit que cela ne se traite ni ne s’entame même par intermédiaire. Pour son compte, il s’est refusé à rien dire. Le soir j’ai vu tous les diplomates. Hatzfeld, Kisseleff, Antonini, Hubner, revenu de la veille. Berryer revenu hier matin & repartant aujourd’hui. Il avait passé deux jours chez le duc de Lévis. Il croit qu’il ira pour quelques jours à Frohsdorff bientôt peut-être, il veut voir le comte de Chambord avant la réunion de l’Assemblée.
Le journal des Débats de hier fait beaucoup de bruit. On le trouve habile mais enfin il est Joinvilliste et il admet qu'il pourrait même être Président. Ceci ne s’accorde guère avec ce que vous me dites ce matin. Montebello a causé longtemps hier avec Changarnier. Celui-ci persiste à vouloir être porté. Il croit à son temps et tout au moins à la division des forces entre le président et Joinville. & si lui Changarnier obtenait relativement assez de vous pour être dans les cinq, et bien l’Assemblée le nomme. Il se fait dans ce moment ardent fusionniste plus qu’il ne l'a jamais été !
Voilà ! Je crois que je vais mieux hier soir ne m’a pas trop fatiguée quoiqu'on m’ait retenu jusqu'à 10 1/2. J'ai une lettre de 8 pages de Lord Aberdeen, pleine de pauvres raisons, je vous l'enverrai ou la copie. Je l’ai donnée à Antonini. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 5 juin 1850

La crise morale, au lieu de la crise matérielle. Voilà ce qui apparaît aux yeux de tous & surtout de celui qui désirait tant la lutte dans les rues. L'Assemblée avait fort mal accueilli les bruits qui circulaient sur une demande d’argent. Hier on a envoyé trois fois à l'Elysée pour conjurer de retirer le projet de loi. Edgard Ney y est allé encore à 5 1/2. Inutile Le Président a persisté. Achille Fould a lu le projet. La Montagne riant, huant. La majorité complet silence. Et contre le renvoi aux bureaux 10 ou 12 membres seulement ; Montebello, Thiers, Marny, je ne sais encore qui. Voilà où l'on en est. Les jeudis sont fermés. Il est impossible que la Chambre refuse. On ne peut pas laisser mettre le Président en prison. Tout calcul fait, la république coûtera à l’Etat 2 millions de plus que la Monarchie. Je vous écris en gros. Voici votre lettre. Ce qu’il y a de bon là dedans, et la chance de vous voir encore ici. Tout le monde parlait hier du mauvais état du Roi. Mais le frère de Duchâtel ne le représente pas du tout comme si mal, pas si près de sa fin. Beaucoup de monde est parti hier. Delessert est parti le soir, je lui ai donné une lettre pour Ab[erdeen]. On a lavé la tête à Marescalchi pour avoir été à la soirée de Lady Palmerston. Je laverais volontiers celle de B. pour le même fait. Manquer à la Reine et faire sa cour à Lady P[almerston] C’est trop fort. Thiers a dit hier soir à [?] " le Président doit faire son 18 Brumaire. Toute la France l’applaudirait." Que dites-vous de cela ? Pas la moindre question de fusion, de Monarchie, une ou deux.
2 heures La Redorte sort d'ici. Au désespoir, l'affaire de hier. Mauvaise pour le Président tout aussi mauvaise pour la majorité. Nous verrons. Adieu. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857) ; Ellice, Marion
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Paris le 5 novembre 1851

Le message a été trouvé déplorable. La Redorte est venu le premier me raconter le fiasco. En même temps on a fort blâmé Berryer, & Molé lui même en était mécontent. iIs étaient tous deux chez moi hier soir. Le rejet de l’urgence parait à Berryer les funérailles du projet de loi. Il m'a dit ensuite à l’oreille que la majorité était bien molle, & que tout ce qu'il pouvait espérer serait 300 voix compactes et encore. Ni la reine, ni le duc de Nemours n’ont écrit au comte de Chambord on n’a parlé que de la séance. Les diplomates présents ont trouvé dans l’attitude de défi du [général] [Saint-Arnaud] l’indice d'un coup d’Etat. Le peu de soin de la rédaction du message parait indiquer ainsi beaucoup de dédain pour l’assemblée. Le Président a sans doute pris son parti quoiqu'il arrive. La Montagne triomphe et l’a témoigné hier. Enfin le grand combat a commencé hier.
Montebello n’est pas ici. Sa femme cependant va mieux. [Mérade] n’est pas ici non plus. Je n'oublierai pas ce que vous me dites dès que je le verrai. Adieu. Adieu.

La Princesse me permet d'ajouter deux mots, sur la santé dont elle ne vous aura probablement pas parlé. Elle a pris hier avec son diner avec pillule digestive, dont elle s’est aussitôt [?]. Cette nuit, en effet elle s'est réveillée vers 2 h. du matin avec des étouffements qui lui ont gâté un peu sa nuit. Mais ce matin Olliffe est loin d'être mécontent. Le pouls est bon, et le teint meilleur. Mais nous avançons tout doucement cependant ! Chomel n’est pas ici. Il n'arrive qu’aujourd’hui mais nous espérons pourtant le voir dans le courant de la jounée. La princesse tâche de prendre la nourriture qu'on lui ordonne mais c’est toujours là le point difficile. Voilà un bulletin légèrement décourageant [mais] il ne faut pourtant pas se décourager.
Croyez-moi toujours, cher M. Guizot. Trés sincèrement à vous. M. Ellice

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 6 octobre 1852

Ce que vous me dites des dépêches belge & française me paraît très frappant et doit être vrai. J’ai vu Fould hier soir qui ne savait pas encore comment cela se dénouerait. Je lui demandais de quelle couleur seraient les nouveaux ministres. Il en répondit : Le roi en cherche-t-il ? Je l’ai trouvé monté sur un tout autre ton que Hecken. La paix, la paix, & l’Empire sera modeste. Cela ne ressemble pas du tout à avant hier. D’abord [Hekern] est un hâbleur et puis je crois qu'il a plus dans ce cas là on cherche à faire peur aux autres, façon de se rassurer. J’ai vu très peu de monde hier. Comme quotidien personne qu’Andral. J’attends Dumon j'aime bien à pouvoir compter sur quelqu’un. Je suis très interrompue et nervous, je vous dis Adieu.
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