Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


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Collection : 1854 (1er janvier-21 décembre) : Dorothée, une princesse russe, persona non grata à Paris (1850-1857 : Une nouvelle posture publique établie, académies et salons)

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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108 Val Richer, samedi 1er Juillet 1854

Je vous renvoie, la lettre d’Ellice, intéressante si j'y croyais tout à fait, j'en conclurais que la politique de la paix a fait son temps, que l'Angleterre veut du nouveau, n'importe par quels motifs, et à quel prix, et que nous entrons dans une de ces époques où les gouvernements et les peuples dépensent en enfants prodigues, le capital de force, de richesse et de bonheur qu’ils avaient acquis dans ces jours plus sensés. Cela se peut ; il y a bien des symptômes de cet état. Pourtant je n'y crois pas ; je vois bien des symptômes contraires, et je suis sûr que la France n’est pas du tout dans cette disposition.
// Ne croyez pas que je vous dis ceci par pure malice ; tenez pour certain que, s'il y avait dans ce pays-ci une tribune et si ses affaires du dehors, et du dedans, étaient publiquement discutées, ce qui arrive n’arriverait pas. Le vrai sentiment et intérêt de la France se ferait jours et les amis de la paix en Angleterre trouveraient en France un point d’appui. Je conviens qu’il aurait fallu s'y prendre plutôt, et qu’au point où en sont aujourd’hui les choses la paix ne peut se faire que fort à vos dépens.//
Le Duc de Broglie m'écrit : " Voilà l'affaire d'Orient qui entre dans une phase nouvelle ; il me paraît difficile qu’il n’y ait pas, dans tout cela, un dessous de cartes une certaine entente entre la Prusse et l’Autriche et la partie modérée du Ministère anglais. S'il y avait un homme quelque part, les choses étant posées comme elles sont, la paix telle qu’elle s’en suivrait. Mais je n'y crois pas ; je crois que John Bull poussera sa pointe que nous l’y seconderons un peu à contrecoeur, et que l'Allemagne laissera faire. Les événements décideront. "
J’ai aussi des nouvelles de St-Aulaire qui me demande quelques renseignements pour ses Mémoires ; très amical : “ De fréquentes lettres de vous, c’est tout ce que je regrette des ambassades hélas, je serais bien indigne à présent de votre correspondance ; mon esprit s'endort et ma main tremble " Il m’écrit au crayon ; il ne peut plus tenir une plume. C'est ce qui m’arrivera un jour. Sa lettre finit par ceci : " Pauvre Princesse de Lieven ! On croit qu’elle a renouvelé son bail de la rue St Florentin. et j'en augurais bien pour son retour vous me ferez plaisir de mettre, mon nom dans une de vos lettres ; je lui suis bien sincèrement attaché. "
Puisque j'en suis sur les souvenirs, vous vous souvenez de M. Sauzet ; il est à Paris et M. Vitet m’écrit : " C'est à tomber à la renverse ; un spectre, un vrai fantôme. Le pauvre homme m’a donné l'explication de sa maigreur extrême ; c’est son énergie qui l’a dévoré. Par malheur, elle ne lui a pris que son embonpoint et lui a laissé sa faconde, à l’entendre, on le reconnaît." Il paraît qu’il y a eu de vifs débats à l'Académie, à propos des prix Montyon ; les philosophes aux prises avec les dévots ; Cousin et Montalembert se sont querellés vivement. Cousin a été battu. Adieu.
Toujours un temps abominable des torrents de plus depuis trois jours. Si votre Empereur est aussi entêté que mon éternuement, il n’y a guère de chances de paix. Adieu, Adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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109 Schlangenbad le 4 août 1854

Beaucoup de lettres de tous côtés. Constantin. On se croise les bras à Pétersbourg. Toutes nos mesures sont prises. On attend & même on rit. C’est le public, par le maître Meyendorff comblé, nouveau embre du Conseil de l’Empire, grand maître de la cour, rang de 1ère classe. On veut prouver par là qu’il n’y a pas disgrâce au contraire l’Emp. l’appelle. toujours son ami. Il reste dans la diplomatie. La garde impériale est partie pour la Pologne.
Lady Palmerston, charmée que son mari n’ait pas la guerre. On dira toujours si Pam. était là comme tout irait mieux. Lord Aberdeen bon homme, fausse position et obligé de pousser à la guerre parce que tout le monde est fou sur ce point.
C. Greville. à l'heure qu'il est la Crimée est envahie. Nous n'y avons que 35 m hommes. On a envoyé 70 m en débarquement, on attaque Sébastopol du côté de la mer en même temps que par terre, il faudra bien la prendre & cela doit être fait. Dans ce moment pas d'espoir de rien faire du côté de la Baltique. L’Empereur a pensé être pris en mer, [?] l’a fait échapper. Quelle capture ! Clarendon très inquiet de l’Espagne. Croyant Espartero pas capable de dominer le moment ou de le régler. Cela tourne à la République. Si Palmerston avait les affaires il s’en serait mêlé de façon ou d’autre. Maintenant on ne s'en mêlera pas et on a la confiance que la France ne le fera pas non plus, sous Palmerston on se serait querellé avec elle sur ce point
Morny. St Arnaud annonce des choses importantes prochaines mais pas sur le Danube. l’Autriche va marcher. La Prusse convoyée, conduite très embrouillée. Espartero soutient la Reine Isabelle. On ne se préoccupe pas de l’Espagne. L'Emp. dit : nous donnons la peste mais nous ne la prenons jamais. C'est très vrai. Le choléra serait très fort à Gallipoli.
Molé, très sensé et applaudissant fort à la conduite de votre Maître. L’Italie menace. On dit que vous allez envoyer encore des troupes et ce sera bien fait. Je crois que voilà tout. Paul part demain pour Bruxelles. Il trouve ceci trop pittoresque. Hélène est trop russe il m’est difficile de me mettre d’accord avec elle dans ses antipathies pour le reste. Ellice part demain aussi. Le Prince Charles de Prusse vient ici pour quelques jours. Je me baigne, je me soigne, & j’ai peine à trouver du temps pour mes correspondances. J’ai besoin d’écrire cependant pour recevoir des lettres. Adieu. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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109 Val Richer. Lundi 3 Juillet 1854

J’ai peur que vous n'ayez raison et que tout ce mouvement de retraite ne soit qu’une opération de guerre, agressive ou défensive, comme l’Autriche. Je ne vois pas jusqu'ici que vous vous retiriez au delà du Pruth ; c’est seulement au delà du Sereth, vous levez le siège de Silistrie et vous évacuez la Valachie, mais vous vous arrêtez en Moldavie passé devient votre quartier général au lieu de Bucarest. Militaire ou pacifique, la reculade est grande, mais je la voudrais pacifique. Vous ne pouvez plus vous faire illusion sur l’Autriche, sa convention avec la Porte pour l'occupation des principautés est sa manière d'entrer dans l'alliance, et elle s’engage à ne faire aucun arrangement avec vous tant que la Porte ne sera pas rentrée, et garantie dans la plénitude de ses droits et de son indépendance. C'est bien décidément l'Europe entière contre vous et vous n'avez encore eu à faire qu'aux Turcs !
Je penche à croire que nous apprendrons au premier jour que la Suède a fait comme l’Autriche et qu’elle est entrée dans l’Alliance.
L’Europe ainsi unie, vous n'aurez pas même la ressource des insurrections et des révolutions. Vos tentatives en Grèce, et en Bulgarie échouent évidemment ; on dit qu'en vous retirant vous emmenez avec vous 5000 Bulgares qui se trouvent compromis avec les Turcs. C'est de la dépopulation de plus en Turquie, et pour vous les partisans de moins. J’ai rarement vu les fautes porter leurs fruits aussi vite et aussi durement.
J’ai peine à faire attention à l'insurrection de Madrid. Vous savez qu’on vous l'imputera, comme la folie des 50 ou 60 Mazziniens qui ont débarqué sur la côte de Toscane. Je saurai quelques détails sur Madrid ces jours-ci ; le Duc de Glücksburg doit en arriver. Son père est plus malade.
Avez-vous lu dans la Revue des Deux Mondes les articles de Viel Castel sur la Correspondance de Lord Castelreagh ? Ils n’ont rien de remarquable ; mais c’est un résumé clair et complet de la politique Européenne de cette époque, qui nous touche encore, et déjà si loin ! France, Angleterre, Russie, quel changement de principes, de conduite, de langage, de puissance. C’est l’Autriche qui a le moins changé.

Midi
Je n’ai rien de Paris et les journaux ne m’apprennent rien. Adieu, adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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110. Schlangenbad le 6 août 1854
Votre exactitude à m'écrire me charme. Que ferais-je sans vos lettres ! J’y trouve toujours l’explication de ce qui se passe, l'appréciation du présent et de cet avenir nouveau que nous méconnaissons trop comme vous avez bien raison de le dire. Le prince Charles de Prusse est arrivé hier il est venu chez moi de suite. Il est très russe mais très sensé. Il déplore bien des fautes, la plus grande, celle de la reconnaissance incomplète. Il fait beaucoup l’éloge de votre maître et reconnaît la grande situation qu'il a acquis en Europe. Cette vérité est établie partout. Ellice & mon fils sont partis hier ensemble, grand vide pour moi. Hélène vient le soir dans la journée nous ne nous voyons pas, elle est dans une autre maison. Elle est si Cosaquee que les entretiens intimes en sont devenus peu faciles.
Le prince Charles & quelque idée d’un armistice, si cela pouvait être !
J’ai été interrompue par notre ministre à Francfort qui est venu de là me faire visite. Il m’a dit des choses assez nouvelles. L'Autriche & la Prusse assez mal ensemble, la Prusse fort appuyée par les royaumes allemands. Jamais la Prusse ne souffrira que l’Autriche acquiert des avantages en Orient, l'embouchure du Danube p. 2. L’occupation de principautés. L’Allemagne en général ne veut pas de l'accroissement pour la puissance autrichienne.
Kisseleff est toujours à Wiesbaden. Brunnow toujours à Darmstadt. Meyendorff a décidément fait des bêtises à Vienne, gouverné par ses nerfs. Adieu. Adieu & Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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110 Val Richer, Mardi 4 Juillet 1854

Tout confirme notre conjecture ; vous ne faites que vous retirer en Moldavie. Si vous êtes décidés à ne céder jamais et à forcer l'Europe d'aller tous chercher au coeur de la Russie, je comprends cela ; mais si vous devez faire la paix un jour, avant que l'Europe ne soit à Pétersbourg et à Moscou, vous avez tort de ne pas saisir cette dernière ouverture de l’Autriche, et de ne pas rendre vous-même la paix à l’Europe coalisée contre vous. Vous embarrasseriez certainement beaucoup l'Angleterre. et vous auriez chance de regagner du terrain dans les négociations d’un congrès. Mais vous n'aurez pas ce bon sens.
J'explique aussi votre retraite de la Valachie par un autre motif ; vous vous attendez à une grande attaque en Crimée et c’est probable. Vous n’avez pas là une armée suffisante pour résister et vous concentrez vos forces, pour pouvoir vous porter sur le point menacé. Vous n'avez pas des armées partout, et je suis bien tenté de croire que vous aviez sur le Danube ce que vous avez de mieux.
Vous allez avoir dans ou avec le Constitutionnel, un grand pamphlet contre vous, l’histoire de la Turquie de M. de Lamartine. Apothéose des Turcs, dithyrambe contre les Russes ; la fond du livre pris tout entier dans l’histoire de l'Empire Ottoman, par M. de Hamner autrichien. La littérature se fait à l’image de la politique ; l’Autriche vient en aide à la verve de l'Occident.
Je comprends que le dernier discours de Lord Aberdeen et la publication de sa dépêche, après le traité d’Andrinople lui aient fait du bien. D'après ce qui me revient, je crois qu’il n’a pas été fâché que Lord John voulût une place, pour lui-même et pour sir George Grey, et que cela empêchât Lord Palmerston de devenir ministre de la guerre. Cette nomination a été certainement un échec pour Palmerston et les compliments de Lord Dudley Stuart sont une pauvre indemnité. L'inimitié entre Lord John et Palmerston est une grande ressource pour Aberdeen dans les moments d'embarras.
Je vous quitte pour profiter d’un rayon de soleil. La pluie est revenue et gêne mes promenades. Mon Val-Richer va être un peu moins peuplé pendant quelques semaines ; ma fille Henriette vient de partir pour aller faire une visite à sa belle soeur, à Moulin, et Guillaume avait affaire à Paris. Adieu, jusqu'à l’arrivée du facteur.

Onze heures
Voilà votre N°90 et la réponse de votre Empereur à l’Autriche. Malgré mon premier élan d’espérance, je n'attendais pas autre chose. Tristes perspectives. Adieu, Adieu.
Quand vous ne me dites rien de votre santé, j'en conclus que vous n'êtes pas trop mal. Adieu ; mon Journal des Débats et mon Moniteur me manquent ce matin. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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111 Schlangenbad le 8 août 1854

Je vous adressais des éloges l’autre jour, aujourd’hui ce seront des plaintes. Quand je reste deux jours sans lettre, je me sens bien triste. J’ai des nouvelles un peu de partout. Le roi Léopold ira faire sa visite à votre Empereur probablement vers le 2 septembre à Boulogne. Le Prince Albert y viendra après. Je suis charmée de la première visite. L’esprit réfléchi et sage du roi plaira à l'Emp. Napoléon. On me dit qu'on a de lui (l'Emp.) une peur mortelle en Angleterre, on le comble. de flatteries, on le trouve bien puissant.
Le prince Woronzow est attendu ici, s’il ne vient pas trop tard. Je l’attendrai. Un ami intime de l’année 1801 ! Grand ami de mon frère.
Les Anglais saccagent les églises de la mer blanche. Ils s’attaquent à des moines et des pèlerins. On est exaspéré contre eux chez nous. L’entrée en campagne des Autrichiens traine un peu. Cependant il n’est douteux qu’ils n’acceptent la Valachie et que cela entraine les hostilités. La Prusse tâche toujours de se tirer en dehors. Combien longtemps le pourra-t-elle ? Le prince Charles ne dit pas. Tout le reste de l’Allemagne est avec elle. J’ai beaucoup causé avec ce Prince, le voilà reparti. Ce matin encore il m’a fait une longue visite. Il est au courant de tout, et très intime avec sa sœur, l’Impératrice. Il m’exhorte à lui prêcher la paix ; ah mon Dieu il y a longtemps que je prêche dans le désert. Mais ce n’est plus chez nous qu’il est besoin de le faire.
C’est l’Angleterre, la France, et si vous vouliez bien, l’Angleterre voudrait aussi. Je reconnais que votre Empereur avait raison de me dire qu’il avait mené. Il a mené, il mène et il pourrait mener longtemps. Il devrait bien mener à un congrès. Adieu. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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111 Val Richer, Mercredi 5 Juillet 1854

Au pouvoir absolu, il faut absolument deux choses, un grand homme et du bonheur, toujours un grand homme et toujours du bonheur. Quelquefois, l’une de les deux conditions supplée quelque temps au défaut de l'autre ; pas bien longtemps. Et quand toutes les deux manquent à la fois tout s'en va. Quand je dis que tout s'en va, j’ai tort ; la grandeur certainement s'en va, la puissance au loin et par la seule voie d'influence. Mais il y a des temps et des lieux où le pouvoir absolu est si naturel et si nécessaire, si bien peut-être le seul gouvernement possible, que la grandeur peut lui manquer sans grand péril intérieur. Je crois que c’est votre cas. Votre pouvoir absolu peut déchoir en Europe, sans être compromis en Russie. Il peut rentrer chez lui triste ressource ; ressource réelle pourtant et qui est une force contre les plus puissants ennemis. Si les choses continuent dans leur cours actuel c'est la ressource dont vous serez réduite à user.
Vous n'aurez seulement pas très bonne grace à en user parce que vous avez beaucoup fait blanc de votre épée au dehors. L'Empereur Alexandre pouvait se retirer glorieusement, héroïquement devant l'Empereur Napoléon ; il avait toujours été modeste, en n'était point allé chercher, avec fracas, la guerre qu’on venait lui faire.
Vous ne pouvez faire maintenant aucune concession qui détache l’Autriche de l'alliance ; elle est tiré pour son propre compte ; il lui faut, comme aux deux autres des satisfactions sérieuses, non des palliatifs. A moins que vous ne battiez les armées Autrichiennes, mieux, beaucoup mieux, que vous n’avez battu les armées turques. Ceci serait un gros événement. Qui sait ? Depuis 1848, je ne prédis plus et je ne crois plus qu'à long terme, en prenant du temps, beaucoup de temps ; je ne vois clair que de loin ; de près, je vis dans les ténèbres ; du jour au lendemain, je suis très modeste. Je donne mes conjectures, mais sans y compter. Tout est possible. Vous repasserez peut-être bientôt le Danube. Mais la situation générale n'en serait pas changée. Sans grand homme, l’Angleterre persistera et fera persister les autres. Elle a un grand gouvernement. Je vois avec plaisir que le général Luders n'est pas mort. Je ne le connais pas du tout ; mais la mort prématuré d’un homme distingué me déplait toujours.
La nouvelle insurrection Espagnole ne paraît pas avoir plus de succès que les autres. Quand Mérimée est revenu de Madrid l'hiver dernier, il disait à qui voulait l’entendre que la Reine n'en avait pas six mois et que tout le monde n'en voulait plus qu’à elle. Voilà deux insurrections, depuis, toutes deux sans succès, et toutes deux criant : " Vive la Reine. "
J’attends le texte de votre réponse à la sommation Autrichienne ; je ne puis croire que vous ayez dit : " jusqu'à notre dernier homme et notre dernier rouble. " On ne dit pas cela, même quand on le fait. C’est un lieu commun populaire qui ne vous va pas.

Midi
Rien que des nouvelles d’Espagne, et l'attente de quelque coup dans la Baltique. Adieu, Adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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112. Schlangenbad le 10 août 1854

J’ai eu votre lettre du 6. J'en ai eu d’autres aussi. Vos propositions nous seront transmises par Vienne. C’est les points que je crois vous avoir indiquer. Cela implique le protectorat autrichien dans les provinces du Danube ?
Egalité de force dans la mer noire, renonciation de notre part à tout droit de protection civile ou religieuse dans l’Empire ottoman. En un mot on nous dépouille de toute influence morale en même temps que de tout moyen matériel de peser sur la Turquie, (ne répétez pas ce que je vous dis.) Je pense que cela ne peut pas être accueilli par nous ; cependant c'est beaucoup déjà d’avoir conduit les affaires de telle sorte qu'on puisse très naturellement élever ces conditions. Ah mon dieu que nous avons fait de fautes.
J'ai eu des nouvelles de Morny par mon médecin à Ems. Il a été malade et il reste découragé et inquiet. Je l'exhorte à venir ici. Ces bains sont très calmants, les autres l’irritent. Plombières est impraticable à cause du choléra. Il ne veut pas retourner à Paris par cette même raison aussi et il est vraiment en pauvre état.
Moi aussi je suis mécontente. Aujourd’hui j’ai dû suspendre les bains. Et puis je m'ennuie, je m'ennuie beaucoup. Véritable maladie pire que toutes les autres. Montebello promet toujours de venir, mais il ne vient pas. Le temps est variable et mauvais, je n’ai pas l'humeur aimable. Je vous dis adieu pour me remettre en bonne humeur. Lady Pembroke vient d’arriver cela annonce sans doute son frère le prince Woronsow.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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112 Val Richer, Jeudi 6 Juillet 1854

Je trouve le Constitutionnel d’hier curieux et grave ; son leading article sur l’Autriche et le Prince de Metternich la nouvelle escadre Anglaise dans la Manche, la proscription de votre emprunt sur toutes les grandes places de l'Europe, l'adhésion pure et simple des confédérés de Bamberg au traité de Berlin, tout cela porte un caractère d'entente et de résolution européenne qui présage une guerre de vingt ans. Quel revirement de toutes les situations ! Quel renversement de toutes les prévisions ! Ceci est aussi inattendu pour les relations extérieures des états que les Révolutions de 1848 l'ont été pour leur intérieur. Tout ce mouvement militaire et diplomatique avortera-t-il, comme le mouvement libéral de 1848 a avorté ? J’en doute. Les gouvernements engagés dans cette affaire-ci ont plus d’esprit de suite et plus de force que n'en avaient les auteurs des insurrections. Duchâtel qui revient de Vichy, m'écrit qu’il y a trouvé deux récents ambassadeurs à Constantinople, Baraguey d’Hilliers et Lavalette, et qu’il y avait peu à tirer de l’un et de l'autre. Je suis sûr que vous en auriez tiré plus qu’il n’a fait.
" On craignait beaucoup ici, me dit-il, que l'Empereur Nicolas n'opposât pas un refus décidé aux ouvertures de l’Autriche. Il n'est jamais trop tard pour être raisonnable ; j’avoue cependant que, pour l'Empereur Nicolas, se soumettre maintenant au bon sens, ce serait ou trop tôt, ou trop tard. Les résultats militaires ont été trop déplorables pour les Russes pour qu’ils puissent. en rester sur une aussi, fâcheuse impression. Rien n'égale l'incapacité qui a présidé, à l'occupation de la Debrutscha et au siège de Silistrie. On assure que, dans la Dobrudscha plus de 50 000 hommes sont morts de maladie. Cela permet de juger de l'état physique et moral des troupes qui restent. Quant à Silistrie, lever un siège devant les Turcs après avoir fait mettre hors de combat presque tous ses généraux, c’est peu honorable pour le pouvoir absolu qui, jusqu’à présent. avait en au moins le mérite des succès. militaires."
Vous voyez que tout le monde a la même impression. Duchâtel passe le mois de Juillet à Paris ou en excursion aux environs et s'en va à Bordeaux au moins d'août.

Midi
Votre N°91 ne m’apporte que votre tristesse et je n'ai à vous envoyer que la mienne. Adieu, Adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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113 Schlangenbad le 11 août 1854

Je ne suis pas de votre avis sur la lettre de votre Empereur à propos de la marche des troupes. Je trouve qu'il a très bien fait de lui donner de la publicité. L’adrection est juste et méritée, il est fort bon qu'on la connaisse. Cela peut incommoder quelques généraux, cela plaira au soldat et au public. Voilà le roi de Saxe mort d'un accident bien rare. C’est un événement. Il était dans la politique prussienne tout à fait & avec les trois autres rois fort bien disposé pour la Russie. On ne pas qui lui succédera. Son frère n’est pas propre à gouverner, un savant qui sait tout excepté le métier de roi, distrait, étrange. Il est probable qu'il abdiquera en faveur de son fils le Prince Albert qui a épousé une wasa. Ce prince Albert est tout-à-fait autrichien, et voilà ce qui ferait l’événement. On vient de donner au Prince Gortchakoff, le diplomate, le St Alexandre. Il n'y a que quatre semaines, pas même qu'il est à Vienne. Il faut donc qu'il ait fait quelque chose de considérable. ce doit être du bon, je voudrais bien le connaitre.
Lady Pembroke attend son frère le 15, toute sa famille arrive, les clan William, les Duccessione. Les Deverey, les Bruce. Tout cela reste ici au moins trois semaines. Nicolas Pahlen va venir, son frère est déjà ici, une vieille connaissance à moi, que je n’avais pas vu depuis l’année 18. Pas aussi agréable que Nicolas mais très bien. Tout cela fera du monde. Lady Pembroke est dans le désespoir de la guerre, elle en veut beaucoup à son fils de rester dans le ministère. Adieu. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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113 Val Richer, Samedi 8 Juillet 1854

Etrange situation que celle de votre Empereur établi avec sa famille dans son palais, au bord de la mer, et regardant venir avec sa lunette d'approche, la flotte qui va peut-être détruire sa capitale ! Cela ressemble, non pas à une ville, mais à un état assiégé. Je me persuade qu’il n’y aura là, malgré ces préparatifs dramatiques, point de grand coup accompli, ni même tenté. Si Napier et Perceval se trouvent trop peu de chance contre le granit de Cronstadt, ils ne l’attaqueront pas ; mais ils se promèneront, ils s’établiront sur toutes vos côtes du Nord, détruisant tout ce qu’ils pourront détruire ; et ce sera encore un étrange spectacle que votre Empereur dans son palais et vos flottes dans vos ports assistant, immobiles, à cette dévastation de votre territoire. Ne pouvoir plus protéger ses sujets de Riga à Archangel !
C'est évidemment au Sud, en Bessarabie et en Crimée, qu’on vous attaquera, sérieusement par terre et par mer. Les journaux indiquent. déjà les trois points sur lesquels vous serez obligés d'avoir de grandes forces et d'attendre le combat. Mais là encore, il se peut que si les alliés ne se jugent pas suffisamment forts, ils remettent les coups décisifs à l’année prochaine. Grande réponse ; attente difficile, mais les gouvernements sont devenus prudents ; il ne veulent se risquer que presque à coup sûr. Ils ont raison. Cependant, je penche à croire que de ce côté, les grandes tentatives se feront bientôt. L’Autriche est moins riche que l’Angleterre et la France, et ne peut guère tenir si longtemps de grandes armées en campagne. Je vous envoie tous mes commentaires comme si nous causions ; quand ils vous arriveront que d'événements seront peut-être accomplis !
Est-ce que le baron de Kömeritz qui va, dit-on, être rappelé de Vienne pour avoir induit son Roi en erreur sur les dispositions de l’Autriche à votre égard, est le même que nous avons eu longtemps à Paris, ou son fils ? M. de Meyendorff retourne-t-il à Pétersbourg ou bien va-t-il à quelques eaux allemandes ? Il devrait venir vous voir sur le Rhin. Ce serait un grand plaisir pour vous, et qu'a-t-il de mieux à faire.

Midi
Rien, que deux versions de votre réponse, entre lesquelles je ne sais pas choisir. Adieu, Adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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114 Schlangenbad le 13 août 1854

Dites au Journal des Débats que pour 6 francs il peut acheter l'Almanach du Gotha. Il y aurait trouvé que le roi de Saxe n’avait pas d’enfants. Le frère a pris les rênes du gouvernement un savant, professeur, très exalté et catholique ce qui ne plait pas en Saxe où l'on est très protes tant. En politique je crois qu'il sera autrichien.
Je viens de lire Nesselrode. et Drouin de Lhuys dans le Moniteur. Je trouve vos conditions acceptables. Le parlement Anglais, n’en serait pas content. Mais il n’y sera plus pour les critiques. Dites-moi ce que vous pensez de ces conditions.
On croit que l’Autriche va se présenter comme médiateur armé. Moi je prêche un congrès, mais d’où partirait l’initiative. Je ne cesse de penser à toute cette d... d’affaire. Personne avec qui en causer c'est affreux.
Je vois la Princesse Charles tous les jours chez elle ou chez moi. Je ne forme pas mon esprit à ce commerce. Mais elle est très bonne personne. Elle part à la fin de la semaine. Hélène après-demain. La société sera renouvelée. Morny veut toujours venir passer quelques jours avec moi. Quel drame curieux cette Espagne. Que va devenir la Reine Christine ? Vous aviez commencé par traiter bien légèrement ce soulèvement voyez ce que cela est devenu ? Moi je prends tout au tragique. Et moi-même surtout. Adieu. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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114 Val Richer Mardi 10 Juillet 1854

Mon fils me rapporte enfin de Paris des grosses plumes à mon grés. Je n’avais que de ces plumes à bec fin qui me sont insupportables. Il ne me rapporte guère autre chose, sinon que Morny a été malade, à croire qu’il allait mourir. Il paraît qu’il aurait assez envie d'être président du Corps Législatif à la place de M. Billaut ; mais il ne témoignera pas cette envie et je doute qu’on aille le chercher. On dit que le Corps législatif serait bien aise de l'avoir pour Président.
Paris est très tranquille, très désert, très préoccupé des travaux dans les rues et très peu de la guerre, confiant dans le succès. Les embarras d'argent se font un peu sentir. Le général Nielle qu’on envoie dans la Baltique, avec Baraguey d’Hilliers, et Regnaut de St Jean d'Angely est un officier du Génie très distingué ; cela suppose, ou qu’on a de grands sièges à faire en règle, ou qu’on veut s’établir et se fortifier quelque part. C’est une opinion assez générale que la grande guerre contre vous ne se fera que l'année prochaine.
C'est aussi pour l’année prochaine que vous annoncez vos grands armements, et vos grands coups. Je trouve cela, un peu ridicule, de part et d’autre. Je ne trouve pas non plus de bien bon goût la lettre de votre Empereur au Roi de Prusse dont on me donne un résumé qu’on me dit textuel. Le ton en est plus gros qu'au fond la confiance n’y est grande cette dernière phrase : " Quand vos amis deviennent vos ennemis, on ne peut plus se confier qu'à Dieu ; mais soyez en bien persuadé, j’aurai mon tour, et je punirai les Turcs et les autres " est un langage de Sultan à Pacha, non de souverain à souverain.
Il n’est question dans cette lettre que de 500 000 hommes en armes l’année prochaine, non pas de 1. 300 000, comme vous disait le général Offenberg. Grande colère aussi contre le Prince de Metternich : " Il a déjà mis l’Autriche à deux doigts de sa porte ; il va jouer encore une fois son va tout. Et bien, je ne ferai pas la guerre à l'Empereur d’Autriche ; mais j'accepte sa déclaration de guerre. Je ne quitterai pas les principautés ? Je ne sais pourquoi je vous envoie toutes les phrases, vous les avez sûrement. Il pleut à Paris. Un peu de choléra ; rien de grave. Il est grave dans quelques villes du midi ; à Arles, il est mort 80 personnes en un jour. Ville du 10 à 12 000 âmes.

Midi
Voilà votre N°94. Le Constitutionnel me fait croire tout à fait que la lettre qu’on me domme comme de votre Empereur est bien authentique. Il y a, contre l’Autriche, plus d'humeur que vous ne me dites. J’incline assez à penser qu’il y a encore de la part des Allemands, quelque tentative de médiation à votre profit, que du moins ils vous ont présenté sous cet aspect, leurs dernières résolutions, même l’entrée des Autrichiens en Valachie. Je doute que cela réussisse. Les politiques incertaines, et obscures sans être profondes ne réussissent guère aujourd’hui que toute se passe sur une grande échelle et au grand jour. Les événements sont plus sérieux que les hommes. Adieu, Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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115 Schlangenbad le 15 août 1854

Hélène m’a quittée ce matin. c‘est un grand chagrin. Elle va à Ostende, il est très probable que j’irai l’y trouver quand je quitterai ceci. Je n’y pense pas encore. Dans tous les cas j’ai encore 10 bains à prendre.
Les Woronsow sont arrivés. Le prince est bien vieilli. Il parle beaucoup d’Asie. Cela ne m’amuse pas. Il dit que la pour batterie les Turcs partout. J’accepte mais j’aimerais mieux l’Europe. Il croit qu’on peut prendre Sébastopol du côté de la terre, mais il faudrait y employer beaucoup de monde. Il ne sait pas bien combien nous avons de troupes en Crimée. Nicolas Pahlen vient d’arriver aussi. Celui-là me plait, car je puis tout lui dire, nous pensons de même. Constantin m’écrit toujours des lettres enthousiastes, triomphantes. Comprenez-vous ? – C’est trop fort. On relève beaucoup chez nous la différence de conduite des Français avec les Anglais. Vous faites la guerre courtoise. Les Anglais comme des [ ?]. Tout le monde chez nous veut une guerre des 10 ans. Vous ne nous ruinerez pas, et on croit que vous serez envoyé bien plutôt que nous. Voilà ma lettre de Peterhof.
L’idée de limiter nos forces dans la mer noire parait Woronsow absolument inacceptable. Jamais nous n’y consentirons. Toute ma journée a été prise par les partants et les arrivants. Je vous dis adieu, bien tard, au moment de la poste.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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116. Schlangenbad le 17 août 1854

Je trouve comme vous le discours de Lord Clarendon très bien, statesman like. Vous me l'avez fait lire car je l’avais overlooked. Je ne sais pas de nouvelles de la seule chose qui m'intéresse. Je crois que nous allons rester comme cela sans résultats, autres, que l’occupation d’Aland ; peut être de la Crimée. Woronsow pense que c'est possible si nous n'y avons pas de forces suffisantes, et il ignore cela tout à fait. Mais je suppose que cela s’accomplisse je douterai encore de la paix et plus que jamais. Il me parait évident que l’Autriche ne nous fera pas la guerre. (Les derniers mots de Lord John l’indiquent ce me semble) et ne la faisant pas, elle n'a rien de mieux à faire que de travailler à la paix. Mais l’obstination russe, comment s’arranger avec elle ?
J’ai eu une lettre de Fould. Il partait pour Barrit. Il me dit que l'impératrice se trouve très bien des bains. de mer.

4 heures
Je viens de recevoir une lettre de très bonne source. On nous croit décidés à arriver à la paix notre retraite du Principautés le prouve. La Prusse n’entrera pas dans les nouveaux engagements que vont contracter les très autres grandes puissances. La guerre sera de votre côté poursuivie avec vigueur des négociations pourront être entamées en Novembre, on doute que ce puisse être avant.
Les révolutionnaires se remuent partout. On m’expulse de Bruxelles. On y tramait des complots contre l’Empereur. Une lettre d'un espartériste Maderado dit : le seul résultat de la Révolution sera la disparition des Bourbons. Adieu. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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116 Val Richer, Mercredi 11 Juillet 1854

Si j'étais un Russe un vrai Russe, bien Moujik et bien grec, je serai un peu choqué de ces promenades de divertissement de la cour pour aller lorgner la flotte Anglo-française. Je ne regarderais cette flotte que de travers et je n'en approcherai qu'à coups de canon. Mais c'est l'affaire de votre Empereur ; il sait mieux que moi ce qui choque, ou ne choque pas les Russes.
Le Bulletin d'Havas parle des nouvelles hésitations du Roi de Prusse et de ces tentatives pour que la réponse de votre Empereur aboutisse à une nouvelle négociation. Mais il en parle sans colère presque ironiquement et comme ayant la certitude que tout le petit travail sera vain, et que la Prusse sera entraînée jusqu'au bout, à la suite de l’Autriche, dans la politique Européenne. Cela me paraît probable.
Avez-vous remarqué l’article du Constitutionnel d’hier mardi, signé Granier de Cavaignac, et intitulé caractère actuel de la question d'Orient. Il en vaut la peine. L'idée qu’il développe, est déjà et sont de plus en plus le lieu commun de la politique dans nos provinces.

Jeudi 12
Je dis comme vous, cela ne valait pas la peine de vous être envoyé hier. Je mène ici une vie très douce, entouré d'affection et de soin ; mais vous me manquez, vous et votre conversation, bien plus que je ne vous le dis. Tantôt j'ai l'esprit trop plein et il m'irrite de ne pas vous avoir là, pour la mettre en commun avec vous à tantôt je languis et je m'endors dans ma solitude. J'étais hier dans un accès de langueur.
Nous voilà dans une nouvelle attente de courriers et de réponses entre Vienne, Berlin et Pétersbourg. Cela n'aboutira pas ; les négociations incertaines peuvent réussir au commencement où à la fin des grands événements, quand la sagesse est encore écoutée ou quand la lassitude, est déjà venue. Mais nous n'en sommes ni à l’une, ni à l'autre de ces deux époques. Pendant qu’à Vienne on écrit, et on reçoit encore des lettres, 6.000 Anglais de plus partent de Southampton pour la Mer Noire et 10.000 Français de Calais pour la Baltique. C’est trop d'efforts et trop de forces pour que le vieux savoir-faire du Prince de Metternich arrête tout cela. Mais il peut bien en résulte que les grands coups soient remis à l’année prochaine. Pourtant, j'en doute. Il y a encore cette année, trois mois de guerre.
On pense comme vous à Paris sur les affaires d’Espagne, malgré la retraite des insurgés, on ne les trouve pas très rassurantes. Que signifie ce que je vois dans les journaux anglais que votre grand Duc héritier est très malade, rapid decline ?
Si vous ne pouvez pas avoir de logement à Schlangenbad, pourquoi ne resteriez-vous pas à Ems tant que vous y aurez une société et un peu agréable. Je vois que vos petites soirées de musique vous plaisent. Gardez-les, même quand [manque une page]

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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117. Schlangenbad le 18 août 1854

Il ne faut pas qu'on vienne me parler de la guerre ou la paix aujourd’hui. Je ne pense qu'à Trouville à la visite que vous y avez fait. Je m'étais levée bien portante, je reçois votre lettre, j’ai pris une crampe à l’estomac et on me défend le bain pour aujourd’hui. Vous voyez que je suis incorrigible, me voilà démoralisée pour bien des jours. Je vous prie d'avoir pitié de moi.
Votre lettre du reste est superbe elle ira plus loin. La vérité elle est si rare !
Greville m'écrit une lettre sensée pour me dire qu'en Angleterre on est fou. Je le vois bien. Mon projet de congrès est un peu précoce. Il faut d’abord avoir été battu ou bien qu'il soit démontré qu'on ne peut pas nous battre. Je vous ai dit en attendant que la Prusse cesse de faire ménage comme avec la conférence. Je n’aurai donc pas de lettre de vous demain. L'un des bénéfices de votre malencontreux dîner. Vous serez donc resté coucher à Trouville ! N’y retournez pas au moins, je vous en prie. Je ne pense qu’à cela tout le jour. Je ne ferme ma lettre que le soir. La Princesse Charles de Prusse est partie ce matin, elle a encore passé une heure chez moi avant de monter en voiture. Ah mon dieu. Que j’aurais à vous faire rire si j’étais en train de rire. Woronsow est décidé à ne pas parler de la guerre ou de la paix, je trouve bien le moyen de le faire manquer à cette résolution. Nicolas Pahlen m’amuse il m’enrage. Car il y a un sujet sur lequel nous sommes en désaccord complet. Et comme je ne veux pas une brouille avec lui, j'évite.
Montebello me promet toujours de venir et moi je ne crois pas du tout. Je ne sais si je placerai un adieu dans cette lettre. Je sais seulement que je me sens malade.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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117 Val Richer, Vendredi 14 Juillet 1854

Je ne pensais pas hier, en vous engageant à prolonger votre séjour à Ems qu'Hélène allait à Schwalbach, et que l’absence de sa fille Olga désorganiserait vos soirées musicales. Je les regretterai pour vous ; il est clair qu'elles vous plaisent, même la foule qui s'attroupe sous vos fenêtres pour écouter. Vous aimez la popularité de haut en bas. Si Schlangenbad est impossible, et si vos habitués d’Ems s’en vont, pourquoi n'iriez vous pas tout de suite à Bade. Il me semble qu’il y a toujours là au monde, et même des gens qui y restent très tard comme Bacourt. Je me préoccupe, sans cesse de ce que vous deviendrez. Je suis bien puni d'avoir trop cru à la paix ; je ne peux plus y croire aujourd’hui.
Dans mes journaux d’hier, je trouve que le vent recommence à souffler dans le sens de la guerre. Vous n'évacuez pas même la Valachie vous défendrez Bucharest. Au midi, presque toutes les troupes Françaises se rendent à Varna, au nord, l'Empereur Napoléon va voir embarquer celles qui partent pour la Baltique ; le Général Baraguey d'Hilliers se promet de prendre là le bâton de Maréchal qu’il a manqué dans la Mer Noire. La guerre est dans l'esprit de tout ce monde là. Les timidités et les hésitations de Berlin, et de Vienne ne l'en feront pas sortir.

Midi
Voilà les flottes loin de Cronstadt. Le choléra est pour tout le monde. Adieu, adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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118. Schlangenbad le 20 août 1854

Pas de lettre hier vous m'en aviez prévenue, mais pas de lettre aujourd’hui, pourquoi ? Dînez-vous encore à Trouville. et faut-il pour cela que je jeune ? Je m'afflige et je m’inquiète.
Je n’avais pas besoin de cela de plus. Je ne sais absolument rien. Le télégraphe dit que Bomarsund est pris, aussi que 2000 prisonniers en sus. Je pense que de ce côté-là est tout ce qu'on fera cette année. Il faut attendre maintenant Sébastapol. Le Prince Woronsow n’est pas intéressant. du tout, il ne veut pas entendre parler d’affaires. Je le taquine mais cela le rend malade, il faut y renoncer. Sa femme est une bonne personne pas jolie, mais bon air.
Nicolas Pahlen est allé voir Bacourt à Heidelberg, je suis très à court de conversation. Un Prince & Princesse Solens, braves gens qui ont envie d’avoir de l’esprit, et qui ont des boutons sur le visage. Cerini est parfaitement bête. C'est sûr, et c’est même curieux. Ah Marion ! Adieu, je ne vous écris aujourd’hui que pour me plaindre. Aurai-je une lettre demain matin ?

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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119 Schlangenbad Le 21 août 1854

Pas de lettre encore, je suis dans la dernière inquiétude. Ah quelle fatale idée que cette course à Trouville. Je suspens mes bains. Je ne suis plus bonne à rien qu’à mourir d’inquiétude Que vous est-il arrivé ? Mon Dieu. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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119 Val Richer. Lundi 17 Juillet 1854

Est-ce que la dépêche de M. de Nesselrode, lue aux Valaques par le baron de Budberg est vraie ? J’ai peine à y croire. Je comprends parfaitement l'obstination, le parti pris de ne pas céder ; mais à quoi bon l'offense à toute l’Europe, à tous les chrétiens non Grecs ? Fausses croyances, fausse religion. C'est le langage de L'Univers. Est-ce en ce sens que votre empereur veut être l'Empereur de l’Univers ? Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’il se sépare ainsi de plus en plus de l’Europe.
La guerre civile semble s’établir en Espagne. Elle pourrait bien y devenir un état permanent comme cela était pendant l’insurrection carliste. Tant que je ne verrai pas Narvaez et Espartero se mettre en mouvement, je ne croirai à rien de sérieux. Ce ne sont encore évidemment que des mécontentements personnels, par suite de mauvais gouvernements.
Jusqu'ici les grands partis ne paraissent pas. Je suppose que ces troubles d’Espagne feront un peu moins regretter à la Reine Marie Amélie d'avoir quitté Séville. Mad. Mollien m’écrit de Claremont : " J’ai trouvé la Reine en parfaite santé, quoique un peu amaigrie, charmée du voyage et du séjour, peut-être plus que du retour. Je doute qu’elle croie avoir dit un adieu définitif à la rade de Cadix. Le soleil et les cérémonies religieuses seront toujours pour elle un puissant attrait. Nous allons tâcher de chercher le soleil, si tant est qu’on puisse le rencontrer quelque part cette année, aux bords de la mer au plus midi possible, pour faire prendre, les bains aux enfants de M. le Duc de Nemours. Le ménage Joinville, qui aime assez à faire bande à part, projette ça et là quelques excursions ; M. le Duc et Mad. la Duchesse d'Aumal vont, comme l’année dernière, s’établir à Ramsgate. Tout le monde reviendra ici pour le 26 Août. "
Je relis votre lettre d'avant hier, 97. On pouvait négocier sur vos réponses, si on veut la paix, et si on croit que vous [Manque une page]

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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120 Schlangenbad le 21 août 1854

J’ai passé par toutes les angoisses. Voici deux lettres. j'ai d'abord remercié Dieu. Je l’avais tant invoqué. Pour vu que vous soyez en vie j’aurai bien joui que vous me conserviez votre affection. Mon Dieu que j’ai souffert !
J’allais écrire par télégraphe, mais à qui, où ? Vous n’avez pas de ligne le télégraphique, & fois mes amis sont absents de Paris. Ah quelle angoisse, j’ai éprouvée. Je vous en prie n’aller plus à Trouville. Soignez-vous.
Mardi 22. J’ai dormi vous êtes vivant. Si vous savez tout ce qui se logeait dans ma tête. Un accident de voiture, le roi de Saxe une indigestion, le choléra, sans compter la Duchesse de Galliera. J’ai bien souffert et je ne suis pas remise encore de cette secousse. Ne m'en donnez plus. J’étais folle. Ma joie en voyant vos lettres était aussi extravagante que mes inquiétudes. J’ai fait des largesses à Emilie, à tout ce que je rencontrais, j’avais besoin de donner de la joie à d’autres. Finissons parlons d’autre chose. Voilà Bomarsund pris. Je vous ai toujours dit qu’Aland serait la première victime. Peut être sera-t-elle la seule de ce côté. C'est une position très avantageuse. Nous n’avions pas de quoi la défendre. 2 contre 11, cela ne va pas.
On dit que l'expédition sur la Crimée est ajournée à cause des chaleurs. Mais on savait bien d’avance qu'il fait chaud en été. Les journaux allemands parlent de mésintelligences diplomatiques en Orient.
La Prusse décidément nous reste. L'Autriche ne se battra pas contre nous. Il y a encore des échanges de dépêches et la conférence de Vienne ne se réunit pas encore. Attendons, c’est un plaisir que nous nous donnons depuis assez de temps. Je n’ai donné à personne le droit de dire que je reviendrai bientôt à Paris. Le droit ardent, il y est, Dieu le sait, mais voilà tout.
Si le prince Worosow se tait et surtout se bouche les oreilles, sa femme les ouvre et jase. Elle est assez cosaque aussi, mais avec tant de douceur et de gentillesse qu’on ne peut jamais disputer. Elle me plait et elle mériterait d’avoir l’esprit plus éclairé sur ce qui se passe. Je ne me mêle pas de faire son éducation. Adieu, adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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120 Val Richer, Mercredi 19 Juillet 1854

Certainement, on pourrait se parler, et il y a, dans votre réponse aux dernières ouvertures de l’Autriche, de quoi arriver à la paix. Mais on n’y arrivera pas ; on est de part et d'autre sous le poids des fautes passées et des arrières-pensés d'avenir. On ne voulait pas de la guerre qu’on se fait, et aujourd’hui, quand on parle de paix, on veut autre chose que ce qu’on se dit. Sans nécessité, par imprévoyance et malhabileté, contre le voeu naturel des peuples et des gouvernements eux-mêmes, on a laissé se poser publiquement, avec éclat, deux questions énormes, la question de la lutte entre les gouvernements libéraux et les gouvernements absolus, et la question de prépondérance entre l’Angleterre et la Russie en Europe, et en Asie. Que fera-t-on de ces deux questions dans la paix qu’on peut faire aujourd’hui ? Evidemment on ne les résoudra pas, on n'en fera pas même entrevoir la solution. Il faut rétrécir et abaisser infiniment, les négociations pour arriver à un résultat, il faut fermer les perspectives qu’on a ouvertes, arrêter les esprits qu’on a lancés, ramener les choses et se réduire soi- même à de très petites proportions après avoir tout exagéré, enflé, soulevé. C'est bien difficile, et je n'ose pas espérer, pour arriver maintenant à la paix, un degré de sagesse, de prévoyance, de mesure et de fermeté bien supérieur à ce qu’il en aurait fallu pour éviter la guerre. Voilà, mon inquiétude et ma tristesse. Je n’y échappe. qu'en espérant que la fardeau des questions soulevées sera trop lourd pour ceux qui ont à le porter, gouvernements et peuples, et qu'à tout prix, ils s'en débarrasseront plutôt que d’y succomber avec un éclat honteux. Nous ne sommes pas dans un temps de grands desseins, ni de grandes persévérances. On peut sortir, par faiblesse du mauvais pas où l’on s’est engagé par maladresse. Dieu veuille qu’on soit aussi faible qu'on a été maladroit.
En attendant nous allons apprendre quelque grosse bataille entre Giurgiu et Bucharest. Je doute que le gros de l’armée Anglo-Française, soit déjà là, mais il paraît bien certain que Canrobert était arrivé le 9 avec sa division, au quartier général d’Omer-Pacha.
Je suppose que c’est une bouffonnerie des journaux qui disent que votre Empereur a interdit l'enseignement du Français et de l'Allemand dans votre École militaire d'Orembourg pour y substituer celui du Persan, de l’Arabe, et du Tartare. Vous n'en êtes pas encore à quitter aussi l'Europe pour l’Asie.
J’ai des nouvelles de la Reine Marie Amélie. Lettre du pure amitié, en arrivant à Claremont. Elle me dit : " Je crois avoir fait un beau rêve de six mois, car rien n'a été plus satisfaisant et plus doux pour mon coeur que le temps que j'ai passé à Séville ; le bonheur que j'y ai éprouvé et la douleur et la beauté de ce délicieux climat ont rétabli ma santé qui est tout à fait bonne. " Pas un mot, comme de raison, des troubles d’Espagne qui s'aggravent évidemment.

Midi
J'ouvre d’abord votre lettre, puis mes journaux. Est-il vrai que le Général [?] se soit suicidé ? J’espère G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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121. Schlangenbad le 24 août 1854

Encore deux bonnes lettres aujourd’hui. Pourquoi me viennent elles par paires ? C’est ce que je ne comprends pas. J’espère que vous m’aurez pardonné d’être malade, car je le suis encore. Une grande agitation morale ramène mon ancien mal, & il faut du temps pour me remettre. je me remettrai, mais je n’ai pas encore osé reprendre les bains. J’étais si bien avant ce maudit diner. Enfin n'en parlons plus. Vous me dites, d’excellentes choses sur la nécessité de s’arranger. Je les fais passer plus loin, je crois toujours que cela a son utilité. Cela ne va pas tout [?], mais presque. Il est évident que le choléra vous a fait perdre beaucoup de monde. Les journaux Anglais disent 7000 hommes. Ce serait énorme.
Bomarsund peut cependant décider la Suède. Sous ce point de vue la capture serait importante.
4 heures
Voici une troisième lettre de Mardi 22. Le surlendemain nouvelles de Vienne. Cela ne m’est jamais arrivé. Quelle belle journée. Que vous êtes doux & bon pour moi. Quelle dommage que je vous sois si inférieure en raison. Comme je me porterais mieux, et comme je vous plairais davantage !
Comme l'absence est rude, sur de choses intimes j’aimerais à vous dire, tout juste sur ma déraison. J’ai la confiance que cela vous toucherait et que vous me pardonneriez tous mes pêchés passés et futurs. Je n'ai rien de Russie du tout. On me dit par voie indirecte, qu'à Pétersbourg on se tenait préparé également à la paix, ou à la guerre, on attendait les nouvelles de Vienne.
Il fait bien froid ici. 7 degrés la nuit et bien peu de plus le jour. Adieu. Adieu.
Voilà Morny arrivé, j’en suis charmé. Mais je n’ai pas de quoi l’amuser.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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121 Val Richer, 20 Juillet 1854

Je suis charmé que votre fils Paul vous ait rejointe ; avec lui de moins vous pouvez causer en liberté. Vous avez donc trouvé un logement à Schlangenbad. Si le ciel y est aussi pur et le soleil aussi chaud que nous l'avons ici depuis trois jours, ce doit être charmant.
Je ne prévois pas ce qui arrivera des affaires d’Espagne ; le bouleversement revient bien complet. Je penche à croire que la bombe éclatera encore cette fois sur la tête. de la Reine Christine, et non par sur celle de la Reine. Les insurgés, qui sont d'origine très diverse, auraient trop de peine à s'entendre sur quelque autre solution, si la Reine Isabelle disparaissait, la réunion au Portugal, la République, l'infante Montpensier tout cela est factice et combinaison du coterie ; il n’y a que deux partis sérieux. la Reine Isabelle et les Carlistes. Il ne me revient absolument rien de Narvaez ; je ne rencontre sans nom nulle part. Les chefs civils, et modérés du parti constitutionnel, Mon, Pidal, ont également disparu. Étrange pays dans un temps où tous les pays sont étranges.
Que fera le duc de Montpensier à Séville, si les insurgés y arrivent ? Je suis assez curieux de savoir qui sera, ou était à la tête de votre armée dans la grande bataille qui va être, ou qui a été, livrée entre Giurgiu, et Bucharest. Le Maréchal Paskevitch est-il réellement disgracié ? Il avait raison de ne pas se soucier de la guerre. Je m'étonne de plus en plus que pas un de vos grands Ducs ne soit à l’armée.
Ce n’est pas avec la Reine d'Angleterre, c'est avec le commodore Grey que l'Empereur Napoléon s'est rencontré à bord d’un vaisseau Anglais. Grand honneur pour le fils de votre ancien ami.

Midi
Adieu, adieu. Nous causerons demain, comme on cause de loin. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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122 Schlangenbad le 25 août 1854

Pourquoi dites-vous la réticence, le silence, l’obscurité me choquent ? Cela ne peut pas s’adresser à moi, je dis trop, je montre trop tout ce que je pense. Quand vous dites il faut se croire toujours cela me plait. J'analyse votre dernière lettre. Morny ne m’a pas apporté de nouvelles. Je ne l’ai pas vu seul encore. Je ne sais combien de jours il compte rester ici. Il est enchanté de sa cure à Ems. Il est engraissé et a une mine parfaite.
En lisant les dépêches Anglaises je trouve vraiment qu'on pourrait bien se parler et je ne suis pas sans espérer que d’autres trouveront cela aussi. Qu’en pensez-vous ?
Le 26. Le choléra paraît avoir été terrible dans votre armée. On mande de Paris à Morny qu’on est plus que jamais content de l’Autriche.
Grande difficulté de se loger à Bruxelles et hausse de tous les prix de logement & & Je ne sais comment je vais faire pour me caser. A Bellevue pas de place. Ah quelle misère et cela quand je pense à mon charmant appartement à Paris ! On me refuse net à Bellevue.
Je n’ai point de lettres aujourd’hui de nulle part. Pour vous cela ne m'inquiète pas, il m’en viendra j’espère demain. Adieu. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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122 Val Richer, Vendredi 21 Juillet 1854

Sacy (ou son rédacteur) a eu certainement tort ; la liberté des cultes existe en Russie ; elle a même, depuis longtemps été l’un des mérites de votre gouvernement, et l’un de ceux dont on l’a et dont il s'est avec raison, le plus vanté. Les Débats n'auraient pas eu tort s'ils avaient simplement dit qu’en sa double qualité de chef de la religion grecque et de souverain absolu, votre Empereur avait fait souvent, dans l’intérêt de l’unité de son pouvoir religieux comme politique, de la domination et de la propagande tyrannique, aux dépens des cultes non-Grecs de ses états Catholiques, Protestants, Juifs, en ont souffert et s'en sont plaints. Vous vous rappelez les religieuses persécutées, les Jésuites bannis, les Provinces Baltiques tracassées, les Juifs de Lithuanie transportés en masse. Il y a eu certainement là de quoi réclamer au nom de la liberté religieuse. Mais on ne s’inquiète jamais assez de savoir la vérité des faits et de ne parler que dans la mesure de la vérité. Je comprends qu’on se préoccupe des lenteurs de l’Autriche ; je n’y mets, pour mon compte que très peu d'importance ; je suis de l’avis de Gréville ; à cause de la Prusse, l’Autriche ne peut faire autrement. Le dénouement sera le même : ou bien vous vous déciderez à faire la paix, une paix désagréable pour vous, mais nécessaire, ou bien l’Autriche prendra décidément parti contre vous et la Prusse elle-même un peu plus tard. Au point et dans le courant où sont les choses, cela me paraît inévitable.
C'est étrange qu'Orloff ait été si insolent avec l'Empereur d’Autriche de deux choses l’une ou le comte Orloff n’a pas autant d’esprit qu’on lui en donne, ou s’il n'a fait qu’agir selon les instructions de votre Empereur, votre Empereur s'est bien trompé sur le caractère et la situation du jeune souverain auquel il avait affaire. Infatuation ! Infatuation. C'est la maladie des jolies femmes, des peuples en révolution et des souverains absolus. J’aurais certainement pris plaisir à causer avec votre jeune Prince de Nassau. Je me le rappelle, très bien. Ces deux ans passés à parcourir l’Amérique du nord, lui font honneur.

Onze heures et demie
Rien dans les journaux, ni du Danube, ni d’Espagne. Deux lettres de Paris qui ne m’apprennent pas. L'Impératrice n’est pas grosse puisqu'elle va prendre des bains de mer. Adieu, Adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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123. Schlangenbad le 28 août 1854

L'année dernière à cette époque, j’étais déjà en route pour rentrer à Paris. Je revenais par la route de Strasbourg et je me souviens de mon exclamation de joie en apercevant le premier Soldat Français. Quand reverrai-je cette France que j’aime tant ! Les larmes me viennent aux yeux vingt fois le jour.
J’espère que vous m’avez pardonné d’avoir été malade, d’avoir tant souffert pour rien du tout. Je vous prie, je vous prie, soyez miséricordieux.
Je n’ai pas de lettre, pas de nouvelles. Ce que je glane dans les journaux me parait peu encourageant pour la paix. maudite guerre.
Je passe mes soirées seule avec Morny et Cerini. Nous faisons de la musique. Il chante à ravir. Je vois dans la journée quelques orientaux (Worosow) et la tribu Pembroke. Ils n’aiment pas les rencontres du soir.
6 heures
Je crois savoir que l’expédition à Sébastopol ne se fera pas et que l’Empereur [priant] en conséquence à son cousin le prince Napoléon de revenir à Paris. Lui-même retournera à Bordeaux le 15 7bre pour chercher l’Impératrice.
[Cambest] fait avec 25 m hommes une expédition je ne sais où. L’Empereur d'Autriche a dit il y a huit jours au duc de Nassau qu’il ne pensait pas du tout à la guerre avec la Russie. On dit que M. Bach est tout puissant sur l’esprit de son maître, entre lui & Bual ils gouvernent l’Autriche. Le petit prince Nicolas de Nassau est venu me faire une visite aujourd’hui. Il a beaucoup plu à Morny et cela a été réciproque. Il est très impérialiste.
J’ai recommencé à me baigner hier, & je crois que Je me remets un peu de mon mauvais moment. Adieu. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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123 Val Richer, Dimanche 23 Juillet 1854

Ce que je regrette bien vivement pour vous, malgré la passion Russe, c’est Hélène ; elle vous était très bonne et sa fille très agréable. A part les grandes tristesses de la vie, c’est une tristesse véritable que ces liens de quelques mois, de quelques semaines qui se rompent au moment même où ils devenaient. utiles et doux. Que devient Hélène après Schwalbach ? Retourne-t-elle immédiatement à Pétersbourg. Faites lui, je vous prie, de ma part, un adieu un peu affectueux. Je compte bien la revoir à Paris. Car nous avons beau être tristes, et avec grande raison ; ce qui se passe passera, et si Dieu nous laisse encore en ce monde, nous n’y serons pas toujours séparés.
On m'écrit, que Morny se refuse aux instances de l'Empereur qui veut le faire président du Corps législatif à la place de Billaut. Je doute que si les instances sont sérieuses, la résistance le soit longtemps. Et vraiment l'Empereur aurait raison d'insister Morny conviendrait très bien à ce poste. Il n’est pas lettré et habile écrivain, comme l'était M. de Fontanes ; mais il servirait. avec une certaine mesure d'indépendance, dans l’attitude, et un vernis de dignité, comme faisait M. de Fontanes sous le premier Empereur. Cela aussi est un service qui a son prix. On me dit, en même temps que si Morny refuse décidément, c'est M. Rouher qui remplacera Billaut, et que c’est Morny qui le propose. Il paraît que l’incapacité a été la seule cause du renvoi de Persigny. Son idée fixe n’a pu suffire, plus longtemps à couvrir sa paresse et sa nullité comme ministre de l’Intérieur. Certainement Billaut sera plus actif et plus capable. Il a de la ressource dans l’esprit, et je ne serais pas surpris qu’il menât assez bien et assez rondement l'administration. On dit que l'Empereur commence à s'apercevoir, que même le pouvoir absolu d’une part et le dévouement absolu de l'autre, ne suffisent pas, et que les hommes capables sont nécessaires. Il est très content de Bourqueney ; à ce point que s’il y avait un congrès, ce serait probablement Bourqueney qui y serait son homme. Il proposerait cela aussi à Morny ; mais Morny se dit aussi peu de goût pour le congrès européen que pour la Présidence du Corps législatif.
A Paris, on est content et confiant ; bien disposé pour la paix et prêt à s’arranger. de conditions modérées pour vous, mais convaincu que Londres en voudra de fort dures, et bien décidé à ne pas se séparer de Londres. On jouit du charmant mécompte qu’on a, depuis trois mois, à votre égard : " Nous qui étions persuadés que c’était un colosse, que ses ressources étaient inépuisables et ses armées invincibles ; et tout cela n'était qu’une apparence, à peine de la fumée ! " Ce sont là les propos courants, dans les cafés et au foyer de l'opéra, comme ailleurs. Voilà Espartero en scène en Espagne. Je l’attendais, lui ou Narvaez. L’un exclut l'autre, on plutôt l’un pousse l'autre de l'autre côté. Malgré l'extrême décri de la Reine Isabelle, je doute qu’elle tombe ; la Reine Christine sera encore une fois le bouc émissaire. Espartero, c’est-à-dire le parti progressiste, s'emparera de la Reine Isabelle et gouvernera sous son nom. Puis, un jour Narvaez viendra la délivrer et délivrer l’Espagne d’un autre mauvais gouvernement. Je ne m'attends pas à autre chose qu'à la répétition des vieilles scènes.
J’ai des nouvelles du Prince de Joinville. Purs remerciement pour le Cromwell qu’il a trouvé, en arrivant à Claremont. Remerciements tristes, d’une tristesse digne et abattue.

Midi
Adieu, adieu. J'espère que vous avez aussi. beau et aussi chaud que moi, et que votre rhume est parti. Adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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124. Schlangenbad le 30 août 1854

J'ai eu avant hier la visite du prince Nicolas de Nassau hier celle du Prince Emile de Hesse, il est resté dîner avec moi, mon tête à tête a été gâté un peu par l’arrivée de Lady Allice Peel. Le soir, Brockhausen a fait son apparition. Il me quitte de nouveau ce matin. Voilà bien des dissipations et des distractions agréables pour Schlangenbad.
Nicolas de Nassau, charmant, fort année en politique, très Français. Le prince Emile très sensé, impartial, reconnaissant les fautes d'un côté l'habilité de l’autre. Assurant sur serment que l’Empereur Nicolas veut la paix ; seulement il ne faut pas qu'on la lui rende trop difficile, (il est très bien placé pour tout savoir.)
L'Autriche est très sincère ; elle ne nous aime pas et vous pouvez compter sur elle dans cette affaire. Bual et Bach nos ennemis personnels comme Redcliffe vraiment nous avons été bien maladroits en gros et en détail.
Les gouvernements allemands presque tous bienveillants pour la Russie. Les peuples tous contre elle. On agit de différents côtés puissants pour amener un congrès. Si rien de trop gros n’avait lieu bientôt cela se pourrait mais un gros échec n'importe porte à quel côté empêcherait tout.
Je ne sais que penser de l’expédition en Crimée ce que je vous ai mandé avant hier me venait d’excellentes sources, & cependant les journaux ont l'air bien affirmatifs dans le sens contraire. Jamais on ne décidera le roi de Prusse à nous faire la guerre. On dit que votre Ministre à Berlin a dit que si la Prusse ne nous la ferait pas, la France la lui ferait à elle. Je serais étonnée d'un si gros propos. Je suis interrompue, adieu. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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124 Val Richer. Lundi 24 Juillet 1854

J’ai, vous le savez, la prétention de n'être pas du tout général et tacticien. Je ne m’applique donc point à suivre pas à pas les opérations de la guerre, à eu discuter le mérite, et à mettre mes jalons à côté de ceux qu’on suit sur le Danube. ou dans la Baltique. Je m'étonne pourtant un peu de voir partout que notre corps de troupes qui vient de partir de Calais, est destiné à aller prendre et occuper les Îles d’Alaud. Comment y restera-t-il l’hiver prochain, sans l’appui des flottes, si la guerre n’est pas terminée au mois d'Octobre ? Comme malheureusement tout l'indique ? J’ai peine à me figurer le général Baraguey d'Hilliers et 8 ou 10 000 soldats Français seuls au milieu des glaces, pendant six mois dans les Îles d’Alaud. Il faut qu’on ait le projet de quelque coup plus prochain et qui mette plutôt fin à la situation.
Quant à l’Espagne, je vois, dans le Moniteur d'avant hier samedi, que Narvaez et Espartero sont d'accord. Si cela est, la Reine Isabelle n'a qu'à se soumettre. Il est vrai qu’il y a aussi moins de chance qu’elle soit détrônée.
Savez-vous pourquoi, le voyage du Roi de Portugal à Paris est remis au mois de septembre ? Est-ce simplement un arrangement convenu de bonne grâce entre lui et l'Empereur Napoléon, ou bien y a-t-il quelque intention de ne pas faire la visite ? C'est du reste quelque chose d’assez singulier qu’un Roi de Portugal absent de Lisbonne pendant qu’il sa passe de telles choses en Espagne. J’ai des nouvelles de Piscatory revenu en Touraine après deux mois passés en Italie avec sa femme et ses enfants. Pas plus content de l'Italie que d'autre chose. Il veut absolument que je le tire de ses ténèbres sur l'avenir, les plus noires le monde : " Est-ce la paix ou la guerre qui décidément résultera de tous ces mouvements belliqueux et de toutes les volontés pacifiques ? J’ai peut-être grand tort, mais tout cela me paraît pitoyable, d’un bout. du monde à l'autre. " Je ne lui dirai rien qui lui apprenne ce qu’il cherche, ni qui change sa disposition.

Midi
Rien de nouveau, ni à Giurgiu, ni à Madrid. J'espère que vous ne souffrez pas de cette chaleur qui me convient très bien à moi. Adieu, Adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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125 Schlangenbad le 1er septembre 1854

J’ai eu une mauvaise lettre de Constantin on connaissait le 20 août à Peterhof les conditions des alliés, et on déclare la paix impossible sur ces bases, ainsi guerre à outrance c’est le style de Constantin, je ne prends pas cela tout à fait à la lettre, cependant cela n’annonce pas de bonnes disposition. Nous avons remporté de vraies victoires en Asie, vous savez que cela me touche peu. On savait Bomarsound, on y attache peu de valeur, style de Constantin. Je suis très curieuse d’apprendre ce que vous allez faire en Crimée et si vous y allez.
J’ai vu les Shafterbury. Ils sont prés d’ici à Schlangenbad. Il dit qu’en Angleterre on souhaite la paix mais une bonne paix. La popularité de Lord Palmerston a un peu baissé. Il a trop promis & trop peu tenu comme ministre de l’Intérieur. Le ministère actuel tiendra aussi longtemps que durera la guerre. Une fois la paix faite il touchera ; mais alors il n’a pas intérêt à la faire ? J’espère que votre prochaine lettre m’annoncera la déroute de votre migraine. Nous avons eu quelques belles journées. Voilà le temps froid revenu. Ceci va devenir intenable bientôt. JE tiens encore tant qu’il y a un peu de société. Morny est inépuisable. Adieu. Adieu. J’ai vu aussi le frère de Duchâtel qui m’a beaucoup demandé de vos nouvelles. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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125 Val Richer, Mardi 25 Juillet 1954

Voilà donc l'Empereur, à Biarritz et formant, là aussi, un camp à propos des événements d’Espagne. Les ministres ont fait ce qu’ils ont pu pour empêcher ce voyage. Ils ne sont pas accoutumés à prendre sur eux la responsabilité des résolutions. Mais l'Impératrice a déclaré qu’elle n'irait pas seule à Biarritz, et l'Empereur voulait qu’elle y allât ; il l'a donc accompagnée. Au fait, qu’elle que soit l'arrogance des décisions, avec le télégraphe électrique, ce sera lui qui les prendra toutes. Seulement cela supprime à peu près la discussion préalable, dans l’intérieur du gouvernement aussi bien qu’en dehors.
On est un peu frappé d’un acte de résistance du Conseil municipal de Paris. Le gouvernement n'est pas, pour le moment, très bien avec les Jésuites, et pour les empêcher d'acheter un des grands collèges de Paris, le collège Stanislas qui est à vendre pour cause de mauvaises affaires, il a voulu que la ville de Paris elle-même l'achetât. Il en a fait faire la proposition dans le conseil municipal ; le ministre de l’Instruction publique et le Préfet de la Somme s’y sont vivement employés. La discussion a abouti à 16 boules blanches et 16 boules noires, de sorte que la proposition n’a pas été adoptée. C'est M. Delangle, le premier président de la cour impériale qui a été à la tête de l'opposition. Autre petit fait, moins sérieux. La visite. de l'Empereur au Commodore Grey, devant Calais, n’a pas été sans mésaventures. Le beau steamer La Reine Hortense, sur lequel l'Empereur s'est embarqué, était entré trop avant dans le port et a voulu en sortir trop tôt, avant la marée pleine. Il a fallu une heure et demie d'effort pour y réussir. Puis on n’a pas bien abordé le vaisseau Anglais ; on a eu besoin d’un remorqueur anglais. Puis, le maréchal Vaillant a manqué l'échelle et est tombé à moitié dans l'eau, où il serait tombé tout-à-fait si on ne l’avait ressaisi à temps. Voilà l’histoire qui court le long de la côte.
On dit beaucoup à Paris que les événements de Portugal tourneront au profit de la maison de Bragance. Bragance et Cobourg. M. de Païra est fort dans l’intimité de M. Drouyn de Lhuys.

10 heures
J’ai mes lettres de bonne heure. Je pense avec plaisir au plaisir que vous aurez eu à causer un peu avec Morny. Mais dites-moi que ce beau temps là vous fait du bien ; il est si beau ! On m'écrit de Paris : " On commence à s’inquiéter, dans les régions officielles, du caractère révolutionnaire, et anarchique du bouleversement Espagnol. Les révolutionnaires ici sont en grande jubilation, et annoncent de prochains mouvements en Italie, surtout dans le royaume des deux Siciles. "
Adieu, adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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126 Schlangenbad le 3 septembre 1854

Charles G. me mande ceci. " We are mating with anxiety for the news of the army aving landed in the Crima which was to have taken The place on the 20 th. accounts of the sidense in both armies have been frightful. I hear non that the french, troop (who have lost many thousand men are completely dismoralized and abhor the War, for which they never had any fancy. Nothing can be more deplorable than the state of things en Spain, but the last et account Look rather better ; queen Christina got away with a whole skin, and this appear to have mustered up courage to pact down [?] of the club & revolutionary journals, but Clarendon thinks Espartero with not last long. We have no treaty with Spain wich obliges us to interfere, and England & France are both agree not to burn their fingers by any wedding with Spain but to let them manage or miscarriage their own affairs as best they way. I hop the Emp. of the french will be so wise as to adhere to this policy, and you may be sure we shall, people here will never believe that Austria is taking part against Russia till a battle has been fought between the two armies. You do not care about America, but we are very ne at the conduit of that gt and live in dread of some event which may embroil us with them "
Cette dernière partie de la lettre a de l’importance. Il me parait certain que nous repoussons les quatre propositions. Je ne m’aviserai plus d'espérer, ni surtout de le dire. Je vois assez les Woronzow et toute la tribu, mais la soirée se passe toujours à 3 avec Morny. Les ministres Belges n'ont pas vu de bon œil la visite de leur roi à l’Empereur, ils trouvaient que c’était sortir du caractère de neutralité d’aller au milieu d'une armée destinée à combattre peut être une autre puissance. C'était un peu pédant cependant ils avaient raison rigoureuse ment. On a tourné la difficulté en choisissant Calais.
Le prince Albert sera à Boulogne le 6. Je crois vous l’avoir dit déjà. Greville me mande que le général l'Espinasse s’est tué. C'est faux puisque le voilà de retour à Paris, mais il est très vrai qu'on l’accuse d’avoir aventuré une partie de l’armée dans un pays pestiféré, et d’avoir sans profit aucun sacrifice la vie de quelques milliers d’hommes. Nos victoires en Asie sont bien attestées, c’est un rude coup pour les Turcs, et on dit qu'ils auraient bien envie de la paix, mais vous ne leur permettez plus de la faire.

4 heures
J'ai reçu une lettre de bon lieu que me dit que la troupe est assez mécontente de son inaction, & qu’elle va marcher avec répugnance C'est hier le 2 qui l’expédition devait partir. On ne sait pas du tout ce que nous avons là de troupes. On varie de 40 000 à 150 000. (Worosow pense toujours que c’est plutôt le premier chiffre) On est frappé de l'éloge que fait le bulletin russe de la bravoure des Turcs. On dit que ceux-ci ont bien mon de la paix. M. de Bruk. Le ministre d'Autriche à Const. tient à son gouvernement un langage, assez sinistre. Je vous redis la phrase sans me l’expliquer. Dans le courant d'octobre on s’attend à un armistice de fait, ou de droit. Je n’ai point de commentaires à ajouter, je ne sais rien de plus. Constantin m'écrira sans doute demain ou après demain, mais ce qu'il me mandait de Peterhof me prépare à du mauvais. Adieu. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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126 Val Richer, Jeudi 27 Juillet 1854

Plus de grosse chaleur. Nous avons échappé hier à un violent orage qui est allé éclater ailleurs. Aujourd’hui, il fait frais. Je voudrais vous mesurer à votre goût le soleil et la pluie. Au moins le bien être matériel, à défaut des grandes satisfactions. Je veux croire que le découragement et la désaffection ne pénétreront pas chez-vous, quoique vous en ayez donné de grands exemples ; mais votre Empereur, finira par comprendre, le mal qu’il se fait à lui-même, et par accepter quelque arrangement que l’Autriche et la Prusse seront toujours là pour proposer. Plus la guerre durera, plus les conditions de la paix lui seront dures. Il ne divisera pas la France et l’Angleterre. Il ne les ruinera pas. Je compte encore sur son intelligence, et son bon sens pour mettre fin à une situation dont il souffre et dont il souffrira beaucoup plus que personne, dans la puissance Européenne et dans la prospérité intérieure de son peuple ai-je tort ?
J’ai grand peine à croire qu’on soit obligé de se mêler de l’Espagne. Le désordre intérieur sera énorme peut-être la guerre-civile ; mais rien qui affecte l’Europe, même les voisins. Les révolutions Espagnoles ne sont pas contagieuses chez nous. Je doute quelles se propagent en Italie. Je vois qu'une tentative a déjà échoué à Péronne. Je persiste à penser qu’il n’y aura là, qu’une mauvaise monarchie radicale, substituée à une mauvaise monarchie quasi absolutiste.
Je vois par le bulletin d'Havas que c’est aussi le pronostic du gouvernement, et qu’il se prépare à vivre en bons termes avec Espartero. Il n’y aura plus de rivalité Franco-anglaise qui y mette obstacle.
Faites-vous envoyer l’histoire de la Turquie de M. de Lamartine. Ce ne sera certainement qu’une série de coups de théâtre et de décorations d'opéra. Mais comme décorateur, comme Sicari de l’histoire, il a beaucoup de talent. Il vous amusera. Lisez aussi le Charles Quint de M. Mignet. Il le mérite. Mlle de Cerini vient elle à bout de vous lire un peu ?

Midi
Adieu, adieu. Je ne reçois absolument rien ce matin.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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127 Schlangenbad le 5 7 bre 1854

Il me parait clair que nous n’avons pas accepté, mais le refus est-il absolu, ou bien voulons-nous seulement traîner ? J’attends. Voilà ce que j’ignore.
Toujours une lettre de Constantin. Les nouvelles de Paris et de Londres sont bien tristes sur les pertes que le choléra a fait éprouver avec armes. Ceux qui n'en sont pas morts sont fort démoralisés, et l'on est mécontent du chef. Il est mort 3000 h. de la seule division de Canrobert. En tout, on estime la perte dans les deux armées alliées à 15 m.
Le gl l'Espinasse est venu excuser expliquer les mouvements ou plutôt l’inaction. On dit de lui qu'il est fou. Grande incertitude si l’expédition se fera ou non. Cela dépend des amiraux. C’est vraiment bien triste de penser à tant de victimes de cette malheureuse guerre. Les Woronsow partent demain. Les derniers jours ont été très tendres. Ils auraient pu l’être plutôt. Je trouve qu'on ne m'apprécie pas assez, quand on commence, & lorsque cela arrive c’est trop. Je les regretterai ; pas beaucoup. Je ne m'ennuie pas énormement. Il me semble que je partirai le 12. Mais je n'en suis pas sûre encore. Vos saurez cela à temps. Adieu. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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127 Val Richer, Vendredi 28 Juillet 1854

Je lisais tout à l'heure dans le Moniteur la déception des arrangements de la place Louis XV qui seront terminés dans quelques jours. Cela m'a serré le cœur. Je suis décidé à ne les trouver bons que quand vous en jouirez.
Lord Aberdeen a eu ses subsides de guerre sans difficulté. Avez-vous remarqué, il y a quelques jours l’éloge qu’ont fait de lui Hume et Bright ? Il a les suffrages des radicaux pacifiques, et qui, joint aux dévots pacifiques qui l’aiment aussi, lui fait une force réelle malgré son impopularité parmi les belliqueux. Curieux spectacle à observer que celui de la décomposition et de la composition de partis en Angleterre. Il sortira de là un gouvernement meilleur, plus juste, plus éclairé et plus doux à l’intérieur, moins. intelligent, moins sûr, moins fort et moins grand à l'extérieur.
La discours de Lord John contient obscurément tout ce que vous a dit Morny sur les bases de négociation convenues entre la France et l'Angleterre. Vous en passerez par là, ou l'Europe sera radicalement bouleversée.
Le difficile, dans ce plan, c'est la station fortifiée à trouver dans la Mer noire pour que des forces Anglo-françaises s’y établissent en sûreté, et surveillent de là vos forces à vous, quoique réduites. Grande nouveauté qu’un établissement de ce genre commun, à deux nations, dans l'hypothèse d’une alliance perpétuelle. La paix perpétuelle de l'abbé de St Pierre n'était pas plus chimérique. Et quelle dépense pour une surveillance permanente, au bout de l'Europe ! C’est une rude entreprise de lutter contre la Géographie.
Qu’est-ce que le général Butturtine qui a été blessé à Giurgiu. J’ai comme autrefois. un jeune comte Boutourlin qui m’avait l’air d’un homme d’assez d’esprit.

Midi.
Mon facteur arrive tard, pendant que je déjeune. Adieu, adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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128 Schlangenbad le 7 septembre

C. Gr. me dit que l’armée française est tout-à-fait. démoralisée, et diminuée d'un cinquième c’est ce que mande Cowley sur les rapports de St Arnaud. Cependant il voulait faire l’expédition ; mais l’étonnement est grand de ne point parvenir à connaître l’état de nos forces, il ne se rencontre pas un traitre. On dit 150 m.
Cela parait très exagéré, je vous ai dit que Woronzow n’estime pas que nous en Crimée puissions avoir plus de 50 m au surplus. Il ne se disait pas informé. Notre refus des propositions appuyées par l'Autriche laisse celle-ci sans prétexte de procrastinations, cependant on ne croit pas qu’elle nous déclare la guerre, mais on pense qu’elle avancera lente ment à mesure que nous reculerons jusqu’à notre frontière. Elle occupera paisiblement les principautés et se croisera les bras.
La paix paraît plus éloignée que jamais.
Tout cela est un curieux spectacle. Si la guerre a été peu glorieuse pour nous jusqu'ici, elle n'a pas beaucoup réhaussé les puissances alliées. Il semble qu'on soit respectivement frappé d'impuissance, à moins que la Crimée n'en fasse, exception, ceci aura été une pauvre campagne. La durée nous est plus favorable qu’à vous. Nous sommes au centre de nos ressources. Vous êtes éloignés des vôtres. Ce que vous n’avez pas pu attaquer cette année-ci vous le pourrez bien moins l’année prochaine car nous aurons employé le répit à nous renforcer. Vraiment de part & d’autre ce qu'il y a de mieux à faire c’est de s’arranger. Comment faire passer ces vérités dans les têtes qui gouvernement, ou dans plutôt celles que ne gouvernent pas les Anglais. Les Cabarets et les journalistes là. Le journal de Francfort dit que la Reine Christine est atteinte d'aliénation cérébrale. La princesse [Crasalcoviz] vient d’arriver ici. Folle aussi. Elle ne veut pas voir Morny, en ce cas elle ne viendra pas me voir car il y est sans cesse. Demain je vous manderai le jour de mon départ. Adieu. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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128 Val Richer, Dimanche 30 Juillet 1854

Je ne puis croire que l’amiral Berkeley soit assez sot pour avoir produit les lettres qu’il a produites à la Chambre des Communes sans que le Cabinet en ait été d’avis. On a probablement, voulu expliquer par là l’inaction d’une si grande flotte. Cela explique en effet l’inaction, mais non pas l'imprévoyance. On aurait dû savoir cela plutôt. Ce serait payer bien cher la découverte qu’une place est imprenable s’il fallait chaque fois équiper et envoyer sous ses murs l'armée nécessaire pour la prendre. En tout cas, ceci ne me donne aucune espérance pacifique. On vous bloquera jusqu'à ce qu’on aie trouvé par où vous êtes vulnérables. L'occupation de l'île de Gothland par nos troupes si elle est réelle est un fait bien grave. La Suède entre donc dans l'alliance. Cela donne aux alliés des ports dans la Baltique, où ils peuvent hiverner, et se trouver prêts dès que la mer sera libre. C'est la principale difficulté de la guerre dans le Nord supprimée pour eux. Je le pense comme vous, toute la politique de l’Europe est changée, toutes les situations, toutes les alliances. Le premier qui démêlera, les conséquences de cette révolution, et qui entrera hardiment dans les voies de l'avenir qu'elle prépare, sera pour un long temps, le maître de l’Europe. Nous n'épuiserions pas ce sujet en huit jours, si nous causions.
Avez-vous remarqué l'article sur les Finances russes qu'a répété le Moniteur d'avant hier vendredi. Je ne connais pas assez bien les faits pour apprécier la valeur de ses assertions ; mais soyez sûre qu’il fera de l'effet. On croira à votre banque route si la guerre se prolonge. Et on fera tout ce qu’il faudra pour vous empêcher de trouver de l'argent hors de chez vous, ce qui ne sera pas difficile si on croit vos finances embarrassés à ce point. Le discours de Lord Palmerston sur le bill de Lord Dudley Stuart, et la faveur avec laquelle il a été reçu, sont très significatifs.
Aberdeen a une joie de famille. Son dernier fils Arthur, qui voulait le faire Clergyman y renonce et entre dans la chambre des communes. Le père le désirait beaucoup. C’est un très honnête et spirituel jeune homme. Je l’ai vu un moment cet été à Paris, où il a passé en accompagnant à Bordeaux une vieille amie de son prre. Je l’ai trouvé très au courant de toutes choses, et très sensé sur toutes choses.
Que dites-vous du mariage de Lord Harry vane. Je n’avais pas remarqué la mort, très peu remarquable, de Lord Dalmeny. Je me rappelle, très bien Lady Dalmeny, vraie beauté de Keepsake. C'est la soeur de Lord Mahon, si je ne me trompe, Midi. J'adresse toujours mes lettres à Schlangenbad. Adieu, Adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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129. Schlangenbad le 8 septembre 1854

Je quitte ceci Mardi le 12. Ce n’est qu’à Cologne que j’apprendrai si je vais droit à Bruxelles ou Ostende. C’est selon où se trouve Hélène. Adressez vos lettres à Bruxelles. Voilà qui nous rapproche. C’est de la pure imagination mais il me semble que je vais vous voir. Il fait déjà très froid ici. La Princesse Crasalcoviz y reste jusqu'à mon départ. Morny partira avant moi et puis il ne restera plus personne.
Regardez un peu vers les Etats-Unis. Il me semble qu'il se prépare là des choses qui peuvent donner une tournure nouvelle aux affaires de ce côté-ci. Les journaux sont assez intéressants. Le journal. de Francfort a des correspondances curieuses et très officielles. Il est au service, de plus d’un gouvernement Adieu. Adieu.
Tout ce que vous dites de là . situation est parfaitement la vérité. Chez nous on ne l'écoute pas, on n'écoute plus que l'orgueil. On a peut être raison.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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129 Val Richer. Lundi 31 Juillet 1854

Je trouve le bulletin du Prince Gortchakoff sur la bataille de Giurgiu, très modéré et convenable, sans forfanterie insolente et vulgaire. Il parle des Turcs avec estime et en homme qui a éprouvé qu’il n'en fallait pas parler légèrement. Omer Pacha se fait certainement beaucoup d’honneur. Il serait plaisant que le résultat de tout ceci fût de relever réellement, sinon pour toujours, du moins pour cinquante ans l'Empire Turc. Tout est possible, surtout l'imprévu.
Les Anglais paient bien vivement de leur personne dans les débuts de cette guerre. Voilà quatre ou cinq officiers d’un nom commun tués à Sulina et à Silistrie, Parker, Butler & Ces morts sont racontées, dans les lettres des chefs avec une simplicité grave et émue qui fait honneur aux morts et aux vivants. Un pays Chrétien, aristocratique et libre, c’est ce que l’histoire du monde, jusqu'ici, a offert de plus beau.
Les affaires d’Espagne tournent selon mon attente. Espartero sera premier Ministre comme il a été régent, au nom de la Reine Isabelle, et il gouvernera l’Espagne jusqu'à ce qu'à force de mal gouverner, il ramène au pouvoir Narvaez où son pareil. La France et l'Angleterre feront très bien de ne point s'en mêler et je ne crois pas que rien les y oblige.
Je vois que le général Aurep est à la tête de trois corps à Frateschi. Nous aurons encore là, au premier jour, une grande bataille, où comme vous dites, personne ne sera battu.
Vous faites bien de rester à Ems tant que vous y avez quelqu’un dont la conversation vous plaît. Quelle est donc la maladie de Morny et comment fait Oliffe pour abandonner ses maisons, et ses baigneurs de Trouville, du reste, le monde commence seulement à y arriver. Le Prince Murat qui a acheté le château y donne des fêtes à la population, des spectacles, des bals. Cela console médiocrement les familles, dont les chefs et les enfants ont été pris pour les flottes. Dans ce seul bourg de Trouville, on a pris 175 marins.

Midi
Rien de nouveau. Adieu, adieu. Il fait moins chaud, quoique beau. En jouissez-vous ? Adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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130. Schlangenbad le 10 sept. 1854

Je suis profondément triste. Le langage s'envenime, et voilà Sébastopol qui sera une bien sérieuse affaire de quelque façon qu’elle tourne personne ne voudra avaler un revers.
Que vais-je devenir au milieu de violences que je prévois ?
Je pars demain pour Biberich où je couche. Mardi à Cologne. Mercredi à Bruxelles. Là je déciderai si j’irai encore trouver Hélène à Ostende. Je pense que oui mais vous adresserez toujours à Bruxelles. J’ai vu la duchesse de Nassau chez elle et chez moi. Le duc aussi. Celui-ci très russe. Il a vu l’Empereur d’Autriche dernièrement qui lui a semblé bien pacifique. Il affirme que l’armée autrichienne toute entière voit la guerre avec la Russie avec la plus grande répugnance. L'armée les grands, tout le monde est pour nous. Bach & Bual, contre. Il est bien douteux que l’Empereur se décide à se battre contre nous. Les journaux allemands surs paraissent donner raison à cette opinion là.
Morny part demain aussi. Il retourne à Paris par Strasbourg. Schlangenbad est fini, il n’y reste plus un chat que Crasalcoviz qui ressemble bien plus à un tigre. Adieu. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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130 Val Richer, Jeudi 3 Août 1854

Combien y avait-il d’année que vous n'aviez vu votre grande Duchesse Marie de Weimar. Au moins vingt ans, ce me semble, car elle ne devait pas être à Pétersbourg quand vous en êtes partie. C'est dommage qu’elle soit si sourde. Vous auriez pris plaisir à causer avec elle. Cette visite a dû vous toucher, en même temps que vous fatiguer. La Princesse de Prusse habite donc toujours Coblentz.
Je ne doute pas que la Prusse ne finisse par suivre l’Autriche. Le poids de l'opinion nationale et de l’opinion Européenne, c’est trop pour le Roi de Prusse. Je plains votre Impératrice. Quelles immenses conséquences d’une série de petites fautes ! Car au premier moment, comme les actes n'étaient pas grands, les fautes semblaient petites, même aux yeux de ceux qui les jugeaient des fautes. Et les événements ne font que commencer.
Il ne paraît pas que l'île de Gothland soit pour rien dans le départ de nos troupes pour la Baltique. Tout indique que ce sont les îles d'Aland qu’elles vont occuper, et qu'elles y passeront l’hiver. Je ne comprends pas. Mais il y a bien d'autres choses que je ne comprends pas.
Je vous ai dit ce qui m'était revenu sur l’Espagne. Je n’y pense plus. La Reine Isabelle fera tout ce que voudra Espartero. La Reine Christine restera tant qu’on voudra à la Malmaison. Quel rôle que celui de la Royauté dans toutes ces secousses ! Quelle humiliation ! Je ne crois pas la monarchie ébranlée, pour le moment, en Espagne ; mais l'avenir ? Et quel avenir entre la République décriée et la Monarchie avilie ?
Voici une nouvelle qui ne vous touchera guère, mais qui a pour la France une importance réelle. On a depuis longtemps à Rome le désir de condamner solennellement Bossuet et les quatre fameuses propositions, ou Libertés de l'Eglise Gallicane, dont il fut en 1682, le défenseur. On a cru le moment favorable pour faire prendre français par le Clergé lui-même, l’initiative de ce triomphe ultramontain. Un concile s'est tenu naguère à La Rochelle, sous la Présidence du Cardinal Donnet. archevêque de Bordeaux. On a provoqué là une délibération dans le sens que Rome désirait. Mais au dernier moment, la peur a pris au Concile, au Cardinal, et ils n’ont rédigé qu’une délibération très vague, et que Rome juge très insuffisante. Cela cause, dans le monde ecclésiastique, et politico ecclésiastique, une assez vive agitation. En tout, ce monde là est aussi médiocre que l'autre.
Midi
Vous voilà donc de nouveau en retraite. Je comprends encore moins la Stratégie que la politique. Adieu, adieu. G.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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130 Val Richer, Mardi 1er Août 1854

On me dit que Narvaez s'est décidément rapproché d’Espartero, et qu’il reviendra à Paris comme ambassadeur du nouveau cabinet. Les généraux qui ont conduit l’insurrection font un grand effort pour réunir, au nom de la monarchie constitutionnelle, les progressistes et les modérés. Le spectacle de l'anarchie dans les rues et les élans communistes qui se sont manifestés dans le bas peuple, à Madrid et à Barcelone, pourraient bien amener ce résultat. De Londres, un agent a été envoyé à Espartero pour l’engager à ne pas se montrer trop difficile avec la Reine et à prendre possession du gouvernement. On lui promet un appui qui ne sera, je pense, point contrarié de Paris. Là aussi, on est inquiet du mouvement démagogique en Espagne, et on désire qu’il soit, le plutôt possible, arrêté et combattu. On ne songe plus à avoir envie soit d'un coup d'Etat quasi absolutiste, soit d’un échec à la maison de Bourbon. Les événements de Madrid ont produit, dans les sociétés secrètes et les ouvriers de Paris, une fermentation dont le danger fait taire toute autre idée. On a expressément interdit aux journaux de publier aucune des proclamations, félicitations et autres pièces révolutionnaires Espagnoles. On combat la contagion par le silence.
On a aussi conseillé le silence aux Débats pour les articles de St Marc Girardin sur l'avenir de la race grecque en Orient. Très poliment et pour St Marc et pour les Débats, mais au nom de l'alliance actuelle et active entre la France et la Turquie. Il paraît que ces articles, qui charmaient à Athènes, ont déplu à Constantinople, et que la Porte a témoigné le désir qu’ils ne continuassent pas.
Vous savez que Walewski va se promener six semaines en Suisse et à Florence. Il l’a désiré et on s'est empressé d'y consentir. On a un peu d'humeur contre lui. Il avait promis la présence de la Reine d’Angleterre à l’embarquement des troupes à Calais. Il s’était trop avancé. C’est une autre présence qu’on recherche maintenant, celle du Prince Albert au camp de Boulogne. On a plus de chances d'y réussir. La même invitation a été adressée au Roi Léopold et il paraît qu’il l’a acceptée. Son neveu fera probablement comme lui. Mais ce n’est pas Walewski qui est chargé de la négociation ; c’est le Prince Antoine Lucien Bonaparte, le même qui vient de voyager en Italie. On le dit spirituel et aimable.
Savez-vous si, comme on me le mande, Rogier est enfin nommé Ministre à Francfort et le Prince de Chimay ambassadeur à Paris ? Je vois que le Prince de Leiningen a pris, avec un officier anglais, le commandement de la flotte Turque sur le Danube. C'est le même, je suppose qui était au service de l’Autriche et qui réussit si bien dans la mission Autrichienne pour le Monténégro. Cela, et le général Hess se concertant avec Omer Pacha, le maréchal St Arnaud et Lord Raglan, c’est presque un commencement d'hostilité.
Onze heures
Je n’ai rien de vous ni dans les journaux. Je vous suppose partie pour Schlangenbad. Adieu Adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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131 Bibérich Mardi le 12 septembre 1854

Un mot d'ici où je suis venu coucher hier soir. J'y trouve les Shaftesburg. Nous nous embarquons ensemble. Si Constantin n’est pas à Cologne, ou s'il n'y reste que ce soir je continuerai ma route avec eux jusqu'à Bruxelles. Quel moment. Ce Sébastopol ! Vous voyez que l’Autriche est bien décidée à la neutralité. Je vous ai toujours dit que Je doutais qu’elle put jamais nous faire la guerre. La Suède aussi se tient en prudence. J’apprendrai des nouvelles à Bruxelles. Adieu. Adieu & Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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131 Val Richer, Vendredi 4 Août 1854

L'immobilité militaire et diplomatique est complète pour le moment. Nous apprendrons peut-être un de ces jours la prise des Îles d'Aland, et une bataille sur le Danube. Je ne sais si, de ce dernier côté, St Arnaud se prépare à se battre, comme vous le dites ; mais vous me paraissez décidés à l'éviter. Tous les journaux d’hier annonçaient votre retraite de Guere Gewo sur Bucharest, et même au-delà. A la vérité que signifient les journaux depuis qu'ils ne parlent plus à tort et à travers ?
Nous en saurons encore bien moins quand la session du Parlement sera close. Il me revient qu’elle se prolongera quelques jours de plus qu’on ne croyait. Le fils aîné de Sir John Boileau, qui est private secretary de Lord John, devait venir le 20 passer ici huit ou dix jours ; mais sa soeur écrit à ma fille que Lord John ne quittera Londres que le 28. Le Cabinet, et Lord Palmerston comme les autres, subit impunément une foule de petits échecs. Il durera autant que la guerre. C'est la guerre qui fait la sécurité de Lord Aberdeen. Bizarre situation. Tout est bizarre du reste dans cette affaire. Certainement l’Angleterre déploie et étend beaucoup sa puissance. Ne vous figurez pas que cela fasse quelque chose ici. Personne n’y pense. La faute de votre Empereur, depuis un an, est de croire que les gouvernements se conduiront pas des considérations anciennes et secondaires ; il n’a pas prévu que des idées simples, uniques et nouvelles décideraient de tout ; pour la France, l’intérêt de l'alliance Anglaise ; pour l'Angleterre l’intérêt de l'abaissement Russe. Tout a disparu et disparaîtra devant ces deux desseins.
Le mouvement Espagnol s'est fait à Séville comme ailleurs et le nom du Duc et de la Duchesse de Montpensier n’est pas prononcé dans les journaux. On parle beaucoup du Salon de Mad. de Montijo à Madrid et de son intimité avec les généraux O'Donnell Dulce et autres. Le décret de l'Empereur d’Autriche sur l'établissement des États et des comités de Province est bien conçu et bien rédigé. Quelles en seront l'importance et l'efficacité politiques, et jusqu'à quel point donnera-t-il satisfaction aux intérêts nouveaux, je ne le sais pas ; mais c’est certainement l'œuvre d’un gouvernement sérieux, et qui sait ce qu’il fait. C'est sans doute M. Bach qui en est l'auteur.
Midi
Ceci vous trouvera donc réellement à Schlangenbad. Je suis charmé que vous y ayez Ellice. Adieu, adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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182. Bruxelles le 14 septembre 1854

Enfin me revoilà près de Paris C’est le seul sentiment joyeux qui accompagne ma rentrée de Bruxelles. J’ai fait tout le voyage avec les Shaftesburg et le Marquis d'Areglis. Tous charmants. Je trouve ici Mad. Kalergis, très curieuse à écouter, d’autant plus que mon rendez-vous à Cologne avec mon neveu a marqué au moment de partir il reçoit la nouvelle que le roi de Prusse revient le 11 à Berlin de Pulbus. Impossible de s'absenter. Le roi est malade d'une tumeur à la jambe, causée par une chute, et il revient pour le soigner. Je n’ai encore vu personne de ce pays-ci, mais je trouve les journaux. Evidement l'Empereur ira en Angleterre, ce sera au retour du voyage de La Reine en Ecosse. Il sera reçu là avec enthousiasme. J'ai recueilli ces derniers jours bien des renseignements curieux. Par exemple le prince Albert déteste, mon Empereur. Dépit personnel. C'est étonnant que depuis mon empereur a blessé.
Kalergis raconte beaucoup de choses. Des résolutions soudaines violentes, des défaillances. Un grand décousu. Dirigeant tout jusqu’au moindre détail les opérations qui s’excitent au loin. Pas d’idée de fléchir. Jamais nous ne consentirons à la destruction des traités anciens. La seule chose à concéder serait la liberté de la mer noire. Rien au delà.
L’Empereur très triste, très sérieux. Nesselrode obligé d'obéir, pas très découragé. Orloff n’ayant fait et dit que des bêtises à Vienne. Confiance que l’Allemagne unie empêchera la guerre générale.
D’un autre côté j’entends dire que la conduite de l’Autriche la rendra inévitable, & que vous ne serez pas fâchés de la porter sur le Rhin. Enfin, le présente est détestable et l’avenir est pire.
Je vais me reposer si je puis aux milieu de l’agitation d’esprit où je vis. Que sera Sébastopol ? Le Moniteur a bien fait de tempérer. Le langage de St Arnaud. Le public doit être autrement traité que le soldat. Je regrette que votre Empereur dise des choses dures au mien. Adieu. Adieu.
P.S. Je me reprends. Les journaux demandes les discours.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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132 Val Richer, Dimanche 6 Août 1854

Il n’y a pas à s'étonner que nous rabachions, nous simples spectateurs, quand les acteurs eux-mêmes rabâchent. Les journaux ne sont pleins que de votre retraite. Vous évacuez Bucarest et la Valachie ; vous vous repliez sur le Sereth. Vous avez déjà fait cela. Pourquoi le recommencez-vous ? Pourquoi l'avez-vous fait la première fois ? On peut, même à ses dépens, prendre plaisir à assister à un grand spectacle ; mais suivre, jour par jour, des scènes inintelligibles, où l'on ne peut démêler aucun plan et où ne se rencontre même presque aucune action, c’est très ennuyeux. Si nous ne nous écrivions pas tous les jours, je laisserais là mes journaux sans les ouvrir, en priant quelqu'un de m'avertir au moment où le drame reprendrait vraiment, un peu d’intérêt et de clarté.
J'en trouve un peu plus en Espagne depuis deux jours ; je comprends un peu mieux. évidemment, l’anarchie a éclaté si violemment à Madrid, à Barcelone à Valence, partout que la peur prend à tous ceux qui ont quelque chose à perdre à l'anarchie. Espartero en entrant à Madrid comme Manuel de la Concha en revenant à Barcelonne, ne sont occupés que de rallier les troupes, de rassurer les honnêtes gens, de réprimer les perturbateurs. Vous allez voir les auteurs de l'insurrection pratiquer immédiatement la politique de résistance. Cela sauvera, quant à présent, le trône de la Reine Isabelle. Il me paraît que son dernier gouvernement, le Cabinet renversé si violemment, le comte de san Luis et ses collègues dont je ne me rappelle pas les noms étaient vraiment d’une incapacité, d’une immoralité, d’une légèreté et d’une fatuité incomparable ; des doublures de roués et de parvenus. C'est leur détestable gouvernement, plus qu'aucun complot ou aucun projet d'Opposition, qui a fait l’insurrection et son succès. Il y avait bien toutes sortes de coteries, d’intrigues, de rêves et par dessus tout le vent révolutionnaire qui est dans l’air et qui jette bas la porte dés qu’on la lui entrouvre ; mais ce n’est pas là, ce qui a décidé l’événement. On a tout simplement voulu se débarrasser de gens qui gouvernaient trop mal, et on va essayer de gouverner un peu moins mal et un peu plus honnêtement. Voilà l'impression qui me reste de tout ce qui m’arrive. Nous verrons bientôt si elle est fondée.
Avez-vous connu le baron de Vitrolles qui vient de mourir à 80 ans ? C'était un homme d’esprit, courageux, fidèle à sa cause et à ses idées, mais bien brouillon et préférant toujours les détours au grand chemin. C'est avec lui que j’ai eu en 1815, ma première discussion politique, à l'occasion d’un pamphlet qu’il avait publié sur le rôle du Ministère dans le gouvernement représentatif. Je présume qu’il est mort du choléra, outre ses 80 ans. Je ne puis regretter que vous ne soyez pas, dans ce moment à Paris. Le Choléra y est bien plus fort qu’on ne le dit, et qu’il n'est permis aux journaux de le dire. Mad. Gabriel Delessert, en a été à la mort ces jours derniers ; on la croyait perdue. Son beau frère Français m'écrit qu'elle est hors de danger.
Midi
Je n’ai pas de lettre. Je m'en prends à Schlangenbad. Adieu, adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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133 Bruxelles le 16 septembre 1854

Hélène me quitte dans quelques jours pour s’en retourner en Russie. Mon fils l’accompagne. Van Praet va faire un voyage en Suisse et en Italie. Brokhausen est absent en congé. Creptovitch va partir pour un mois pour la chasse. Voyez l'isolement où je reste ? Jamais je n’ai été si découragée et si triste. Vraiment il ne vaut pas la peine de vivre dans ces conditions.
Mon logement provisoire est un tombeau, et il n'y a pas un coin dans aucune auberge. Je cherche une maison. On ne les loue que pour l’année. Je n'en veux pas, mon imagination répugne à un pareil engagement. Plaignez-moi beaucoup. Je suis bien à plaindre. Je ne connais ici personne. Cerini pour toute ressource. Et La mauvaise saison qui s'avance.
Le roi Léopold est revenu bien content de son entrevue avec votre Empereur. Elle a été utile pour tout le monde. Il a reçu une impression très favorable. de la manière tranquille et digne de l’Empereur. Il lui a trouvé beaucoup d’esprit, aucune passion dans l’affaire du moment, le désir de la paix. Beaucoup de franchise et de simplicité dans son langage. Enfin il a été parfaitement satisfait de cette entrevue et frappé de la personne.

2 heures.
Quelle fête 4 lettres à la fois ! Je m’inquiétais, je ne savais comment expliquer le silence. La poste était prévenue les journaux venaient. Mais point de lettre. J'envoie Galloni, et les voilà jusqu'au 159 inclus. Merci, merci, et Merci. A présent nous rentrons dans l'ordre. Adressez vos lettres à Bellevue. C'est là que je suis provisoirement. Le temps est encore beau que je regrette l’air vif des montagnes. Adieu. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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133 Val Richer, Mardi 8 Août 1854

Je ne vous ai pas écrit hier. J'étais las de rabâcher par écrit et impatienté de ne pouvoir causer. Savez-vous combien de temps vous resterez à Schlangenbad ? Je suppose que non. Vous y referez-vous un salon, comme à Ems ? Je suppose que oui. Vous ne m’avez pas nommé les acteurs de votre second salon d’Ems. Je n'en connais que Morny.
On me dit que Biarritz ne réussit pas à l'Impératrice. Elle a suspendu ses bains. Elle est préoccupée de sa santé, et aussi de celle de l'Empereur. On s'étonne un peu à Paris qu’ils en soient partis au moment de la recrudescence du Choléra. On compare le Roi de Sardaigne allant à Gênes exprès pour visiter les hôpitaux cholériques. Comparaison faite sans amertume, sans mauvais vouloir, comme un fait qu’on remarque, et on passe.
La recrudescence est en effet assez vive ; samedi dernier 106 morts constatées à Paris, Vendredi 113. C'est peu en comparaison des chiffres des grandes crises ; pourtant c’est sérieux. Duchâtel m’écrit que le déclin paraît commencer. Ce sont les grandes chaleurs, et les orages qui ont multiplié les cas. Le frais est revenu. Duchâtel reste à Paris jusqu'au 12, à cause des prix de son fils ; après quoi il va s'établir dans la Gironde jusqu’au mois de décembre. J’ai aussi des nouvelles de Montebello qui ne va pas en Champagne parce que le Choléra y est plus fort qu'a Paris. Il viendra passer les vacances de ses enfants à St Adresse, près du Havre, et il me dit que de là il viendra passer deux ou trois jours avec moi. Je voudrais vous l'envoyer, mais je n'y compte pas.
La lettre de l'Empereur au Ministre de la guerre, à propos des marches des troupes vous aura un peu surprise. Il a très bien fait de l'écrire, mais moins bien de la publier. L'Empereur son oncle lui aurait dit qu’on ne lave pas son linge sale en public, surtout quand c’est la tête de ses propres généraux qui est le linge sale. Il y a eu certainement de grandes étourderies des Chefs ; la plus criante, dit-on, est celle d’un colonel à Vincennes qui, par un jour des plus ardentes chaleurs, a fait faire à ses soldats, au pas de course, le voyage de Vincennes à Paris. Il en est tombé beaucoup sur la route, et on assure, ce que j’ai peine à croire, que 37 sont morts à l'hôpital. Certainement cela méritait une vive admonition impériale et ministérielle, mais sans recherche de popularité, aux dépens des chefs.
Les nouvelles de Madrid sont un peu meilleures. M. Drouyn de Lhuys s'attendait à ce qui est arrivé, et avait donné à M. Turgot des instructions en conséquence. On dit que M. Turgot les a bien suivies et n’a point fait de faute. On est content de lui et de soi. Au fond, on est fâché et inquiet de ce qui se passe là. Il y aura à Madrid une presse et une tribune fort mal contenues. L'Empereur est moins inquiet que ses ministres ; il les rassure en disant : " Nous donnons quelquefois la peste aux autres ; nous ne la prenons pas."
Midi.
Voilà votre N°129. Long et curieux. Nous nous envoyons les mêmes bons mots. Adieu. Adieu. G.
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