Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


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Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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14 Val Richer. Vendredi 10 Juin 1853

Je ne sais si ceci ira vous trouver à Paris, ou à Ems. J’écris toujours. J’ai une raison pour n'être pas fâché que vous partiez. L’agitation de ce moment-ci vous fatigue. A part l’agitation de l'amusement, vous avez celle de l’intérêt que vous prenez aux choses mêmes. Vous vous donnez quelquefois l’air de croire à la très fausse maxime de votre fils Paul : not to care : mais au fond, votre nature à cette insouciance prétendue philosophique, et qui n’est qu’un pauvre petit égoïsme. Les choses qui méritent de toucher les hommes vous touchent, réellement, et quand vous êtes dans le foyer où elles se traitent, vous vous y consumez.
Ems vous reposera, et j’espère que l'ennui n’y sera pas trop fort. Dites vous seulement que vous êtes décidé à tirer parti des gens que vous y trouverez et vous en trouverez.
Si je croyais aux apparences, et si j'avais goût aux parallélismes historiques je m'amuserais à comparer 1853 et 1840. Il y a un grand air de ressemblance. Le traité à quatre n’est pas encore fait, et ne se signera probablement pas ; mais c’est la même situation à propos de la même question. Et toujours l'Angleterre protectrice de l'Empire Ottoman, envers et contre tous ; France ou Russie. Elle doit vraiment avoir grand crédit à Constantinople. Je ne puis croire que vous engagiez la grande affaire, la conquête sur le terrain où vous êtes aujourd’hui. Quel que soit l'état de l’esprit public, en Russie, le prétexte est trop peu sérieux aux yeux de l'Europe. Tout le monde vous donnerait tort, encore plus qu'à nous en 1840 pour notre patronage de Méhémet Ali.
Duchâtel est-il encore à Paris ? Je le présume d'avoir une lettre de Mad. Lenormant. Je suppose qu’il partira pour Vichy en même temps que vous pour Ems.

Onze heures et demie
J'adresse donc encore ceci à Paris. Adieu. Adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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14. Paris le 9 juin 1853

L'Empereur donne encore à la porte huit jours de délais pour accepter les propositions du Prince M. Si elle refuse encore, nous entrons dans les principautés. Ceci est parti de Pétersbourg, il y a 6 jours. Tout compris il faut attendre trois semaines à Pétersbourg pour savoir la réponse de la porte. Voilà où j'en suis. Je suis mécontente de tout et tout le monde l'est.
Vous êtes sages ici. En Angleterre on ne l’est pas. Cela ira mal. Adieu je fais mes paquets, je m’agite. Je ne dors pas. Adressez encore à Paris. Je vous dirai demain le jour de mon départ. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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13 Val Richer, Jeudi 9 juin 1853

C'est curieux à quel point le pays qui m'entoure est peu préoccupé de l'affaire d'Orient. On ne joue pas d’ici à la Bourse. Tout le monde est convaincu que l'affaire s’arrangera sans guerre, et toutes les incertitudes et oscillations qu'elle pourra subir d’ici là ne font absolument rien à personne. Je ne dérange personne dans cette impression, car c'est la mienne.
Mon Galignani me dit que Lord Westmoreland, Lord Howden, M Crampton et Bulwer vont quitter leurs postes. C’est la nouvelle d’il y a six semaines. A-t-elle aujourd’hui quelque réalité ?
Je comprends qu’on veuille vous retenir à Paris. Les fidèles n'aiment pas que leur confesseur s'éloigne. Il n’y a rien de si difficile à trouver qu’un confesseur. Si chacun vous disait réellement ce qu’il a dans l'âme vous seriez en effet un confesseur, bien plutôt qu’un confident, car l’embarras où l'on est aujourd’hui est bien la faute des acteurs, il n’y avait, dans les choses mêmes, absolument rien qui les y poussât.
Je vois que les trois irlandais ont repris leur démission. J'en suis bien aise pour Lord Aberdeen à qui cela épargnera des embarras. Sa lettre n’est pas très agréable pour lord John. Voilà une petite affaire qui, en fait de brouillerie, a été aussi loin qu’il se pouvait sans devenir une rupture décisive. Il en sera de même de la grande. La querelle suisse et autrichienne se raccommode aussi. Nouvelle preuve.
J’ai reçu des lettres de Suisse bien lamentables. Non seulement le canton de Fribourg mais aussi celui de Duchâtel est dans un état d'oppression pour les honnêtes gens, à faire pitié. Et là, les honnêtes gens sont, la majorité. On aspire au Roi de Prusse, plus qu’on n'espère.

Midi.
Moi aussi, je suis triste de votre départ. C'est de la distance de plus. Mais je ne viens pas à bout de m'inquiéter de la guerre, soit qu’elle commence ou non. Adieu, adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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13. Paris le 8 juin 1853

La situation est bien vive je crois que les Allemands vont se joindre à l'Angleterre. La France est dans l’alliance ou avec elle au moins l’entente tout-à-fait. Fould a l’air content. Des nouvelles particulières disent qu'Aberdeen rompra le Cabinet, ne voulant pas faire la guerre. Nous verrons cela après demain jour des interpellations.
Les Russes sont très montés. Je ne vois pas comment on peut s'arranger sans guerre ; si elle commence, où elle finira.
Je pars bien triste, mais je pars. Je dis Samedi. Constantin sera à Ems pour me voir un moment le 16.
Vos commentaires me sont toujours précieux. Il y en a long à faire !
Heeckeren est chez moi tous les soirs, tout le monde y est & désolé de mon départ. Il n'y aura plus où se rencontrer. La ville était pleine hier de la retraite de Fould, il n’y a pas un mot de vrai.
Adieu. Adieu. Je suis malade de tout ceci. J’ai besoin de m'en aller, sauf à crever d'ennui. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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12 Val Richer. Mercredi 8 juin 1853

De près, on peut causer indé finiment sur le même thème ; on apprend ou on pense à chaque moment, quelque détail nouveau. De loin, beaucoup de choses s'ignorent ou se perdent ; il faut s’en tenir aux grands traits.
Je ne rabâche donc pas sur mes pronostics qui resteront les mêmes, même quand vous m’apprendrez qu’on se bat. On ne se battra pas bien fort, ni bien longtemps, ni tous à la fois. Mais je n’ai guère vu d'affaire dans laquelle tout le monde, par faute ou par hasard, fût plus mal engagé. Vous avez cru l'affaire trop facile ; à Londres, on ne l’a pas crue assez grosse à Paris, on s’est mis mal avec tout le monde dès le premier moment. C'est pourquoi tout le monde est embarrassé aujourd’hui. On souffrira quelque temps de cet embarras ; puis, on s’en tirera. Il y a un admirable proverbe Portugais qui dit : " Dieu écrit droit sur les lignes de travers. " Ceci est bien loin de la politique.
Vous cherchez des livres un peu amusants. Lisez Les contes et nouvelles de M. Armand de Pommartin. C'est un homme d’esprit et d’un esprit qui n’est pas encore blasé, ni usé, comme ce sont presque tous les gens d’esprit de notre temps. Quatre petits volumes. Vous feriez bien de garder cela pour Ems, si vous partez. Je reviens à la politique. Je viens de lire dans les débats notre article du Journal de Francfort. Il est bien pacifique : Y a-t-il quelque chose de vrai dans l’envoi d’une grande ambassade turque à Pétersbourg ? Autre petit ouvrage assez intéressant, à lire pour vous et qui me revient à l’esprit : Histoires de la vie privée d’autrefois, par M. Oscar Honoré un seul volume.

Onze heures
Certainement la situation est vive. Et l’article du Times important. Si les quatre puissances s'entendent pour vous engager à une solution pacifique, vous aurez bien de la peine à vous y refuser, et elles vous en trouveront une convenable. Adieu, Adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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12. Paris le 7 juin 1853

Je reste certainement bien troublée des nouvelles que je vous ai données hier. On les tient très secrètes, la Russie s’entend.
Le bavardage est infini. Jamais l’occasion ne fut plus belle. Quelle confusion ! Les Allemands sont très montés aussi contre nous. Hubner surtout, mais il me le dit dans le tuyau de l'oreille. Ma tête s'en va de tout ce que j’entends je suis devenue le confesseur général. On cherche à me retenir, mais il faut que je parte. Que puis-je à tout ceci ? Le Times d’aujourd’hui est catégorique. L’Empereur persiste, la flotte anglaise. part. Adieu. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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11. Val Richer Mardi 7 Juin 1853

Les Anglais n'ont pas envie de la guerre. Vous ne prendrez pas Constantinople. L'Empire Ottoman ne tombera pas demain. Greville a raison de se dire sûr de l’Autriche et de la Prusse en tant qu’il veut dire que l’Autriche et la Prusse s'employeront à empêcher la guerre, c’est-à-dire à faire en sorte que vous ne demandez pas trop et que la Turquie vous cède assez.
Dans Phèdre, Hippolyte dit :
Un seul jour ne fait pas d’un mortel vertueux,
Un coupable assassin, un lâche incestueux.
J'en dis autant de Pétersbourg, de Londres, de Vienne, un seul jour ne fait pas, d’un gouvernement sensé, un fou. Vous resterez sensés, et les autres aussi. Et vous aurez où aller, Paris ou Londres, à votre choix. Il n’y a de question que celle des plus ou moins grands embarras qu’il faudra traverser pour arriver au but. Peut-être quelques coups de canon avant la paix. J'en doute. Pourtant cela se peut. Vous êtes en effet bien engagés ; et il vous faut quelque chose pour vous dégager. Si l'Europe a un peu d’esprit, elle vous ouvrira la porte qu’il vous fait. Cela ne me paraît pas bien difficile.
Je viens de retourner mon papier. Pardonnez moi les tâches qui sont sur la dernière page. Je n’ai pas fait attention que la première n'était pas séche.
Le rapport de M. Billault à l'Empereur sur la session au corps législatif, m'a amusé. Encore quelques injures au régime parlementaire, pour la convenance. Et puis de grands efforts pour bien établir que dans la session qui finit, on a fait beaucoup de rapports, beaucoup de lois, beaucoup discuté, beaucoup amendé, qu’on a été très parlementaire, sans que personne s’en doutât.
Les hommes ne peuvent se résoudre, à dire tout simplement la vérité, ni à mentir tout à fait. Je vois que le mariage du duc de Brabant se fera à Bruxelles et non pas à Vienne. C'est donc à Bruxelles qu’ira la Reine Marie Amélie. Point d’embarras donc pour les rencontres dans la maison de Bourbon. On en était assez préoccupé.
Je garde les lettres d’Ellice puisque vous ne me demandez pas de vous les renvoyer.
L'étourderie de Lord John Russell me paraît grosse. La commission de ces trois catholiques peut avoir des conséquences graves pour le cabinet. Qu'avait-il besoin de se laisser aller à cet accès de franchise protestante ? Est-ce pure étourderie ou bien recherche de popularité ?

Dix heures et demie.
Votre grosse nouvelle ne me fait pas changer d’avis depuis le commencement, j'admets la possibilité au canon, mais d’un canon qui n'allumera pas un grand feu, le seul qui mérite qu’on s'en inquiète. Seulement je deviens de plus en pas curieux de savoir comment Europe et Russie se tireront de cet embarras. Adieu, adieu. G.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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10 Val Richer. Lundi 6 Juin 1853

Si le résultat de votre opération sur Constantinople était de refaire l'alliance de l’Autriche, la France et l’Angleterre ; vous y perdriez plus que vous n'y pourriez gagner. Et l’Europe aussi. Mais je ne crois à aucune alliance sérieuse. Vous sortirez de ceci moins bien que vous n'étiez avec tout le monde, et n'ayant pas gagné sur la Porte tout ce que vous vouliez, mais ayant gagné pourtant, et sans guerre européenne. Tout bien considéré, je doute que vous ayez fait de la bonne politique, et même que vous ayez bien fait votre politique. On vous avait fait plus beau jeu que vous n'avez bien joué. Mais votre position est si forte que vous avancez même en bronchant. D'ailleurs, vous avez un but et vous y marchez. Toutes les autres puissances en Europe ne veulent que le Statu quo.
Le temps est redevenu doux et charmant. J’ai marché hier trois heures de suite, sans fatigue. C'est de l'appétit et du sommeil de plus. Je me plains seulement que la journée n'ait pas 36 heures. J’ai pris, une rage de travail et de promenade à la fois à laquelle les 24 heures ne suffisent pas.
Vous aussi les 24 heures ne vous suffisent pas. Au jour du jugement dernier, vous ne direz pas comme ce pauvre Valdegamas. " Mon dieu, j’ai fait des visites. " mais " Mon dieu, on m’a fait des visites ? Je m'amuse de votre amusement.
Andral a trop d’esprit pour vous faire partir de Paris tant que vous vous y amuserez si bien. Je vois que Bourqueney à Vienne et M. Gobineau à Berne se donnent bien de la peine pour raccommoder l’Autriche et la Suisse. Je ne comprends pas que ce soit difficile du moment que l’Autriche est décédée, comme elle le paraît, à ne pas employer la force pour obtenir ce qu'elle demande. Quand on ne veut pas se battre, à quoi bon se quereller ?
Le succès du voyage du Roi Léopold me revient aussi par Claremont où l’on s'en réjouit beaucoup. Il influera grandement pour remettre l’Autriche bien avec l’Angle terre. Evidemment, il s’y est déjà beaucoup employé ! La Reine d'Angleterre est mieux que jamais pour toute la famille d'Orléans. Le cardinal Wiseman a très éloquemment parlé pour la première communion du duc de Chartres. Peu de Français et beaucoup d’Anglais présents.

Onze heures et demie
Je n'ai que le temps de fermer ma lettre. A demain la conversation. Adieu, Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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11. Paris le 6 juin Lundi 1853

Rien de nouveau. Toute la diplomatie chez moi hier soir pas l'ombre de nouvelles nouvelles. On ne peut connaître qui jeudi le Pétersbourg décisif, la paix ou la guerre. L’attente & l’inquiétude sont énormes ce qui n’empêche pas qu'on n'aie bien ri chez moi hier, Heeckeren faisait les Frais.
2 heures
Grosses nouvelles. L’ordre est donné à la flotte de Malte d’aller aux Dardanelles. La vôtre la joindra. L'Empereur de Russie a dit aux [?] d'Angleterre qu'il insiste sur l’acceptation immédiate & sans condition de l’ultimatum de Menchikoff.. Voilà où nous en sommes venus. Croyez-vous encore à la paix ? Adieu. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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9 Val Richer, Dimanche 5 Juin 1853

La colère des journaux impériaux contre l'impartialité du Journal des Débats envers vous m'amuse ; il me revient que l'Empereur en a jugé autrement et qu’il a bien parlé de l'article des Débats ; si bien que Flahaut, est venu le dire à Armand Bertin. L'Empereur a plus d’esprit que ses journaux. Probablement il trouve bon que ses journaux parlent d’une façon et lui d’une autre ; il faut des paroles à toutes les adresses. C’est une pratique utile au premier moment, et qui plus tard, crée des embarras. Je comprends les gouvernements fondés, sur le secret, et le silence, je ne veux pas dire le mensonge ; mais aujourd’hui le secret et le silence ne sont pas assez absolus ; il perce toujours assez de lumière pour que ce qui reste de ténèbres ne fasse pas grand profit.
Les embarras de langage de Lord Clarendon sur votre Empereur ne dissoudront pas plus le cabinet anglais que la brouillerie de l'Empereur avec le Sultan ne mettra le feu à l'Europe. Le bon sens Anglais, et le bon sens européen pourvoiront chacun au danger qui le regarde. Et quand Lord Palmerston serait ministre des affaires étrangères, je doute qu’il fit plus et autrement que Lord Clarendon. Le Times exprime le sentiment anglais aussi bien que celui de Clarendon ou d'Aberdeen. L’Angleterre ne croit l'Empire ottoman ni sauvable au fond, ni très menacé aujourd’hui. De là sa politique circonspecte et patiente. Elle s'y tiendrait, quel que fût le ministre.
Le Duc de Nemours part le 15 pour Vienne avec sa femme et ses enfants. Il ne fera que traverser Vienne ne voulant pas y séjourner. Il passera son temps en Hongrie.
La Reine Marie Amélie ira au mariage du Duc de Brabant. S’il se fait à Vienne, comme je le suppose, la réunion sera nombreuse et curieuse.
Un bon juge m'écrit : " En Angleterre, on se préoccupe peu de l'affaire d'Orient ; on semble certain que l’issue en sera pacifique. Le voyage du Roi des Belges est, aux yeux des Anglais, un événement bien autrement considérable que la mission du Prince Mentchikoff. "

Onze heures
Vous êtes bien noirs en effet. On l’est toujours au moment du coup de feu. Je n'en persiste pas moins, et j’ai bien de la marge, car quelques coups de canon de votre part ne me feraient pas changer d'avis. Toute l'Europe va peser sur vous pour vous rendre le plus modérés possible ; vous pèserez de votre mieux sur l'Europe pour lui faire accepter le plus possible de vos exigences et quand, de part et d'autre, on aura touché à la limite du possible, on s’arrangera. Adieu, adieu. Certainement non. Andral ne vous laissera pas partir. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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10 Paris le 5 juin 1853

Voici la lettre d’Ellice. Elle n’a pas l'importance que je croyais. J'en ai eu une de C. Greville plus sérieuse : l’ordre à la flotte a, ou va être donné, mais je crois vous avoir déjà dit cela hier. Lord Cowley est venu hier soir de plus en plus noir. Les explications de ce Nesselrode avec [Seymour] deviennent menaçantes. Les Anglais se disent dupés par nous. Je crois qu’ils ont envie de la guerre. Détruire une flotte est toujours une partie de plaisir pour eux. Il n’en est pas de même pour vous ou les autres. Vous n’avez pas intérêt à ce qu’il n’y ait que des puissants anglais dans le monde. Je ne vois plus comment la guerre sera évitée, mais le secours porté aux Turcs sera tout simplement cause de la chute de l’Empire Ottoman, car où ne nous empêchera pas de prendre Constantinople. Malgré toutes vos bonnes prédictions, je crains bien que je ne sache plus où aller. Ni Paris, ni Londres pour moi ! Le temps est toujours affreux. Je ne partirai pas avant la fin de la semaine.
1 h. Encore une lettre de Greville. Il se dit sûr de l’Autriche et de la Prusse, cela n’est pas possible. Adieu. Adieu

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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8 Je reçois, les N°7 et 8 à la fois et n'ai que le temps de vous écrire deux lignes. J’ai attendu le facteur.
Vous verrez que j’ai eu bien raison de ne pas croire à la guerre à la vraie guerre européenne. Le reste ne signifie rien. Je ne puis attacher aucune imposture aux prétendus dissentiments intérieurs du Cabinet anglais. Ils resteront tous. La mauvais temps et l’intérêt des affaires, deux bonnes raisons pour retarder votre départ. Adieu, Adieu.
G. Val Richer

4 Juin 1853

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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9 Paris le 4 juin 1853 Samedi

On savait à Pétersbourg le départ de [Menchikoff]. La lettre qui l'annonce est venue ici 5 jours. Prodige de vitesse. Un courrier est annoncé pour demain. Nous trouvons que Menchikoff a été bien mou !
En Angleterre grande alarme et embarras pour le gouvernement quant aux détails voici la lettre d’Ellice, mais de son côté Cowley me dit que si nous entrons dans les principautés c'est la guerre entre l'Angleterre & la Russie. Je ne crois pas. Heeckeren disait hier soir sur des nouvelles de télégraphe de Vienne que nous avions occupé les principautés. Le petit Nesselrode arrive ici demain de Constantinople par Vienne. Mon salon est impayable. Tous les [diplomates] y sont, & Hubner aussi tous les soirs. Tout le monde agité.
J’ai vu hier Fould, pacifique, triste, & pas amoureux de l'Angleterre.
On repart de [S.] pour le mois de 7bre.
Midi Voilà ma lettre d’Ellice partie pour Chantilly, où L. Cowley passe la journée. Vous ne l'aurez que demain. Ce qu'il me dit de plus curieux c’est que sur une étourderie de Lord John 3 Cabinet ministers allaient quitter à propos d‘une querelle catholique protestante je ne sais quoi. Mais cela pouvait s’arranger encore.
Il dit aussi que Palmerston déblatère contre la Russie & pousse à la guerre tandis que les autres procrastinent. C'est bien là ce qui fait qu’ici on est pour Palmerston contre Aberdeen.
L'agitation diplomatique et bien grande partout. Moi je suis ici la confidente de tout le monde. Entre eux ces messieurs ne se parlent plus, ou très peu. Les Allemands sont dans les perplexités, les plus grandes. Andral ne veut pas que je parte par le mauvais temps. J’attendrai quelques jours, je ne fixe rien encore.
2 heures. Une lettre de Londres. Clarendon est au pied du mur il ne peut plus nous défendre. L’ordre sera parti pour le départ de la flotte. L’Autriche nous fait des remontrances. Si Schwarzenberg vivait il ferait marcher des troupes pour nous empêcher. Voilà ce que dit Londres. Vous voyez que tout est est bien noir. Adieu. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23016_00041.jpg
7 Val Richer. Vendredi 3 Juin 1853

Il y a trop d'humeur dans cette parole : " La Belgique épouse l’Autriche ; moi j'épouserai la Suisse. " Pourquoi épouser quelqu'un ? Il y a des situations, où un gouvernement doit savoir vivre en garçon, et où il peut trouver beaucoup de force dans la vie de garçon. Pourvu qu’il soit un garçon sensé et rangé. D'ailleurs, il n’y a pas moyen d'avoir de l'humeur contre la Belgique sans en avoir contre l’Autriche et l'humeur contre l’Autriche me paraît bien mal entendue. C’est en Autriche, qu’on trouve le meilleur vouloir parce que c'est elle qui a le plus peur. Rien n’est plus sage et plus profitable que d'être amical pour ceux qui ont peur de vous ; ils vous en savent un gré infini.
Je ne comprends pas le dernier incident de l'affaire suisse. A quoi bon le départ du ministre autrichien s’il n’amène rien de nouveau ? Ce n’est que de l’excitation de plus pour le patriotisme suisse qui est très réel, quoique très vantard. Il ne faut pas animer les gens avec qui on ne veut pas se battre. Je ne m'expliquerais l'acte de l’Autriche que si elle avait envie d'être provoquée par la Suisse, ce que je ne suppose pas. Les feuilles d'Havas me disent qu’on recommence à négocier entre Vienne et Berne. Combien de temps faut-il au Prince Mentchikoff pour aller d'Odessa à Pétersbourg ? Nous n'avons rien à attendre de là avant qu’il y soit arrivé. Brunnow n’est pas propre à prendre le ton haut. Pour être digne, ce n’est pas assez de savoir être insolent. En revanche, il est très propre à supporter une mauvaise situation. Il a tout ce qu’il faut, pour cela, d’esprit, de souplesse et d’aplomb subalterne. Heeckeren à travers ses mauvaises manières, a plus d’esprit et de bon sens que la plupart de ceux qui se moquent de lui.
On m’écrit que M. Hébert a plaidé avec un grand succès dans l'affaire des correspondants des journaux étrangers. La cour me paraît avoir jugé avec équité et prudence ; elle a modéré les prétentions du gouvernement sans le désarmer. M. Villemain a lu chez son beau frère Desmousseaux de Givré devant une réunion nombreuse et varié, la seconde partie de son récit du 20 mars cette tragique séance de la Chambre des Pairs, après Waterloo, où le maréchal Ney proposa la déchéance de l'Empereur, contre les emportements du pauvre La Bédoyère. On dit que la lecture a eu du succès ; un mélange très piquant d'éloquence et de malice.

Onze heures
Pas de lettre, sans doute les embarras du départ. Vous me direz demain quel jour vous partez. Adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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8. Paris le 3 juin 1853

Heckern vient chez moi tous les soirs. Hier il était tout gros de nouvelles de Londres, selon les quelles, Clarendon va se trouver dans la nécessité de convenir qu'il a été trouvé par l’Emp. Nicolas. Le ministère sera culbuté. Palmerston en prendra la direction. On regarde cela comme infaillible aux affaires étrangères. Selon la lettre de Greville & le dire de Hubner on est en grand travail d’accomodement. Tout le monde s’y met. Mais mon Emp. ne peut pas reculer. C’est impossible le ton du Times du 1er juin est remarquable. On ne peut pas faire d’affaires avec la France. Après tout, il n’y a pas d'intérêt direct anglais. Les bouches du Danube cela regarde les allemands qu’ils s’en tirent. Il conclut à l'abstention. Point de nouvelles hier. [Drouin] de [Lhuys] fait un secret de la dépêche télégraphique dont je vous ai parlé hier. Elle est vraie cependant, c'est Cowley qui me l’a dit. J'ai remis mon départ à la semaine prochaine. Il fait trop laid. Lord Cowley m’a interrompue. Je n’ai plus un moment à moi. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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6 Val Richer, Jeudi 2 Juin 1853
9 heures

Le journal des Débats m’a manqué hier, je ne sais pourquoi. C'est comme si toute la politique me manquait. Il devrait traiter votre question en pleine connaissance de cause et sensément. Je doute que votre politique expéditive soit pratiquée. On craint trop les conséquences de toutes choses pour rien commencer vite. Sauf ce que vous m'écrivez, et ce que je vous écris, il est impossible de penser moins que je ne le fais à ce qui se passe.
Je ne m'occupe que de ce qui se passait il y a deux cent ans. Il y a deux cent ans précisément, Cromwell chassait, en personne le Long Parlement et se faisait Protecteur. Je m'amuse parfaitement à le regarder faire et à le raconter. On m'écrit de Londres pour me presser instamment de publier, mon livre cette année même, au mois de décembre, pour l’anniversaire du protectorat. Partout on se plaît aux coïncidences de dates. Je crois que je leur donnerai cette satisfaction.
Vous ne vous souciez guère de la Chine. Cependant le Galignani me dit que les agents anglais et Français ont promis le secours de leurs vaisseaux pour empêcher cet Empire là de tomber. Soutenir deux Empires à la fois en Orient, c’est beaucoup. La coïncidence est singulière. Je suppose qu’elle ne vous plait pas davantage dans l'Orient asiatique que dans l'Orient européen. Mais vous n'êtes pas engagés à protéger les Chinois contre les Tartares comme les Grecs contre les Musulmans. Bizarre spectacle que celui du monde aujourd’hui ! Ce sont des hérétiques, et des schismatiques qui s'en partagent ou s'en disputent la domination. Le Pape ferait plus sagement de voir en eux des Chrétiens que de s'obstiner à les anathématiser, comme au temps où les catholiques dominaient partout. Je suis encore plus frappé de la décadence d’esprit de la cour de Rome que de celle de sa force. C'est dommage.

Onze heures
Le rappel de Brünnow serait drôle. J’ai point à y croire. Les Débats sont curieux en effet. Ils ont raison. Adieu, adieu. Vous avez raison de ne prendre personne à la place de votre Allemand. Marion vaut un homme et une femme. Adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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7. Paris le 2 Juin 1853

J’ai vu hier matin 18 personnes une dizaine ce soir. La tête me tourne de tout le bavardage que j'entends. Je passe au gros fait. Hier à à Berlin 6 du soir on recevait de Pétersbourg le propos souvent de Nesselrode. " Nous aurons le protectorat des Grecs coute que coute. " M. de Budberg avait avec M. de Manteuffel le ton très haut. Tout cela arrive par télégraphe.
Cowley est venu le soir me conter cela. Greville dans une longue lettre finit par ces mots-ci. The flut will not sail until we give order et puis. “The emperor has promised that he will in no case have recourse to ulterior measures without giving us ample notice of his intention. " Il me mande que Brunnow est dans le dernier embarras. Les Allemands ici parlent de désavouer Menchikoff, (vous voyez que le télégraphe de Berlin dément cela) et disent que l’Emp. n’a pas bien compris la portée de ce qu’il exige de la porte. Tout ceci prouve seulement que nous n’avons l’appui de personne. "
Nous amusons L. Radcliffe de tout le mal. Cowley me le dit aussi à l’oreille. Mais Greville maintient qu'il s’est parfaitement conduit & son cabinet l’approuve. Je suis inquiète de cette situation. Nous ferons la guerre sans le moindre doute à moins que la porte ne cède.
Adieu. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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5 Val Richer, Mercredi 1 Juin 1853

Si j’avais besoin d'être confirmé dans ma sécurité, le Journal de Francfort me rendrait ce service. Evidemment vous le dictez. Il indique déjà à la Porte un moyen de sortir d’embarras en réclamant de vous pour l'indépendance de sa souveraineté, des stipulations qui compenseraient le droit de protection que vous lui demandez pour l'Eglise grecque. Réciprocité très illusoire, mais qui sauverait la dignité apparente et faciliterait la transaction. Ce moyen-là ou tout autre certainement on en trouvera un, avant ou après quelques coups de canon.
Entre les cent raisons qui m'ont décidé à ne jamais rechercher ni accepter aucune affaire ni aucun avantage d’argent, j'ai toujours compté pour beaucoup celle-ci ; conserver en tous cas la pleine liberté de mon jugement et de mes actions. L'argent, c’est les fers aux pieds et aux mains, et à l’esprit.
La rentrée du Roi Léopold à Bruxelles est aussi belle que son entrée à Berlin et à Vienne. Les discours des Belges, laïques ou ecclésiastiques, ont un caractère de satisfaction sensée, et vraie qui me plaît beaucoup. Il y a deux sortes de mensonges publics qui me donnent des nausées, ceux où l'on ne trompe personne et ceux où l’on se trompe soi même. Rien de semblable ici. C’est un pays et un Roi content l’un de l'autre, et qui ont raison.
Je ne m'étonne pas que vos grandes Duchesses n'aillent plus en Angleterre, ni à Vichy. Je lis dans les feuilles d'Havas des articles plus aigres, sur vous qu’il n’est, à mon avis, nécessaire ni convenable. L'Empereur d’ici à certainement dans cette affaire, un avantage, sur le vôtre ; il serait de meilleur goût, et plus habile d’en profiter pour se montrer courtois et bien disposé en général. C'est la seule espèce de revanche qui soit digne et qui serve. A coup sûr, le Duc de Gênes ne part pas de Paris content du corps diplomatique. Je comprendrais Hübner ; mais je ne comprends pas Cowley.

Onze heures
Je suis charmé que votre fils vous accompagne de bonne grâce. Je vous souhaite le retour du beau temps ; il est bien mauvais depuis hier. Adieu. Adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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6 Paris le 1er juin 1853

Menchikoff est parti d’Odessa le 24 pour Peters[bourg]. Il n’y aura donc rien d'immédiat. J’ai vu hier Fould & Heckman. Voulez-vous savoir mon impression ? On n’a pas envie de se lier à l'Angleterre. Elle vous a planté là dans l’affaire de la flotte. Maintenant la France est dégagé de tout ce qui lui était personnel ; elle ne suivra pas aveuglément les passions de Stratford. Elle restera à distance. Votre Empereur n’est pas inquiet du tout. Il est mécontent du mariage Belge et c’est là où se concentre sa préoccupation. J’ai vu longtemps Lord Cowley il a failli être rappellé pour n’avoir pas fait visite au duc de Gènes. Très longue histoire et drôle, trop longue à conter. Il a fini par faire la visite. Le bruit du rappel de Brunnow se renouvelle à Londres, est-ce personnel ou politique ? Je ne sais. Ce que je sais c’est que dans une entrevue avec Clarendon il a pris le ton haut. L'Anglais lui a dit qu’il n'était pas habitué à cela. Cowley dit que B est très embarrassé. Quel drôle de salon le mien hier soir. Hubner aigre & poltron. Heckern très amusant et très sensé. Molé charmé de tout ce qu’il disait, car cela promettait la paix. Il voit tous les jours D. de L. et on remarque à son langage qu'il sait tout. Votre Emp. a dit à un diplomate : la Belgique épouse l’Autriche, moi j'épouserai la Suisse. Mon allemand a été mis sous jugement, dégradé, on m'a noté la croix. Voilà. Je n’ai pas demandé le pourquoi, il me suffit de savoir les faits. Je ne prends personne. Je vous écris à tort & à travers. J'ai beaucoup à écrire pour un courrier, & beaucoup à ranger & arranger pour mon départ mais je ne fixe pas encore le jours. Adieu. Adieu.
Le journal des Débats est très curieux ce matin. Que dire après cela, c’est si clair.

Auteurs : Lenormant, Amélie (1803-1893)

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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4 Val Richer, Mardi 31 Mai 1853

Faut-il que je vous renvoie la lettre d'Ellice à Marion ? Elle est intéressante et j'en remercie Marion. Si on a conseillé à la Porte de déférer la question aux quatre puissances, ce n'est pas très prévoyant, et si après cela, on ne soutient pas la Porte, ce n’est pas très brave. Je regrette quelque fois de porter tant d’intérêt à la paix, car j'en prends très peu aux Turcs ; je voudrais voir ce beau pays rentrer dans le giron Chrétien. Mais St Marc Girardin a raison ; il en coûterait trop cher aujourd’hui, il en coûterait une nouvelle explosion de la révolution, en Europe. Il faut attendre, pour cela comme pour tout le reste. Je doute toujours du canon.
Voilà la session du Corps législatif close. Elle n’a pas été brillante pour le pouvoir, mais je trouve qu’il s'est conduit sagement, en ne s’entêtant pas et en transigeant sans bruit avec les velléités de résistance qu’il a rencontrées. De résistance, j’ai tort ; c’est d'indépendance, et d’indépendance très mesurée qu’il faut dire. Si le Gouvernement sait accepter peu à peu cet adoucissement à la réaction qui a marqué son origine, il s'en trouvera bien et le pays aussi. On a beau avoir réussi dans un coup d'Etat ; il n’y a pas moyen de rester aussi absolu que le jour où on l’a fait.
Je suis pressé de savoir comment vous aurez remplacé votre professeur Allemand. Quels mauvais renseignements vous sont donc venus sur son compte ? Il est vrai que la sagacité de ce bon Tolstoy n’est pas, une garantie suffisante.

Midi
Mon facteur arrive très tard. Mais il m’apporte une bonne lettre. Vous ne me dites pas encore quel jour vous partez. Je suis de l’avis de Hübner ; cela s’arrangera. Le trouble des spéculateurs de toute sorte m'amuse. Adieu, adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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5. Paris Mardi le 31 mai 1853

Votre petit ami a passé hier 3 heures chez [Kisseleff] et en est sorti bien content. Mon fils aîné est arrivé ; il m’accompagne à Ems de bonne grâce même. Je n’ai pas encore fixé le jour de mon départ, en tous cas pas avant samedi. Je ne sais pas de nouvelles. Menchikoff est arrivé le 24 à Odessa. Si nous n’agressons pas d'ici à demain. Que nos troupes avancent c'est qu’il n’a pas les pleins pouvoirs pour les mettre en mouvement. C’est très curieux comment nous nous tirerons de ce mauvais pas. Je ne conçois pas la bonne manière pour notre dignité. Il me semble qu'il faut aller battre les Turcs bien vite, lancer un manifeste rassurant à l’Europe, et puis laisser le sultan à Constantinople, avec de telles garanties pour nous, que la signature de la convention proposée devienne inutile. Quand nous aurons battu & fait grâce de la vie tout ce que nous céderons aura bon air. Je ne sais rien aujourd’hui et je ne saurai que plus tard. Le temps est détestable. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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4. Paris lundi 30 mai 1853

Je suis votre exemple. Voici ma quatrième lettre. J’ai reçu à la fois ce matin le 1 & 2. L’article du Times du 28 fait beaucoup de bruit. Flahaut en est trés frappé. Tout le monde maintenant est contre nous. On dit que le moins épouffé et peut être seul même le réjoui de la situation, c’est votre Empereur. " il a eu raison, en ne se fiant pas à nous, et le voilà sorti de l'isolement. Il a pour allié l’Angleterre, il n’aura d’autres. " Il est bien plus occupé de Bruxelles que de Constantinople. Le mariage lui déplait beaucoup, ainsi que tous les succès de Léopold. J'ai eu beaucoup de monde hier, mon dernier dimanche. Du bavardage infini sur l’Orient. Toujours le duc de Noailles le plus enragé de tous. Molé bien fâché aussi. Le dernier paragraphe du Moniteur lui paraît très sensé. Au fond je le trouve un peu aussi. Castelbajac ne cesse de rapporter un langage très différent de celui du P. Menchikoff. Tout cela a besoin d'un éclaircissement. Kisseleff a l’air très dégagé et content. Hubner dit : cela s’arrangera. Je ne conçois pas comment ?
Quel dommage que vous ne m'aidiez pas à avoir une opinion. Tous les jours, toutes les heures, j’aurais des choses nouvelles et curieuses à vous conter. Donnez-moi toujours vos réflexions. Votre tableau de la campagne me donne bien envie de cette vie là. Comme elle me conviendrait avec mon salon de Paris le soir.
Cowley a une affaire avec Le duc de Gènes & Villamarina et on dit qu'à Londres on est mécontent de l’ambassadeur. comme je ne connais pas bien l'affaire je n’ai pas d’opinion mais je parierais pour quelque gaucheries de Cowley. On donne un grand bal au duc de Gènes à St Cloud ce soir, demain il part pour Londres. J’attends mon fils aîné aujour d’hui. La grande duchesse Marie ne va plus en Angleterre. La grande Duchesse Hélène ne vient plus à Vichy je crois vous avoir dit cela. Adieu. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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3 Val Richer. Lundi 30 Mai 1853

Je trouve le langage de Lord John très confiant dans la paix, et même assez confiant dans votre Empereur. Je suis de son avis. Le départ du Prince Mentchikoff ne sera pas la guerre, et la guerre, si elle vient, ne sera ni la chute de l'Empire ottoman, ni le bouleversement de l'Europe. Quelque chose d’analogue à vos campagnes de 1827 et 1828, plutôt moins que plus. Vous ferez un pas, on grognera en vous le regardant. faire, et quand vous l'aurez fait, vous vous arrêterez. Je ne vois de grave en ce que l'impression de méfiance qui en restera au fond des coeurs Anglais. Ils la montreront peu, mais ils la garderont. Cela ne vaut rien pour les affaires générales de l’Europe.
Dupin est donc bien changé. Il était si pressé naguères de vous donner Constantinople. Vous lui en saviez beaucoup de gré. Il ne faut jamais se presser de savoir gré à Dupin.
Entendez-vous dire ce que signifie cette commission solennellement instituée, sous la présidence de M. Barthe, pour examiner les comptes de la liste civile ? Est-ce une simple mesure d’ordre, comme pour tous les comptes de l'Etat, ou une mesure de méfiance provoquée par quelque grand désordre ? Je suppose, en tout cas, que cela ne s'est fait que de l’avis de M. Fould.
J’ai un temps admirable. Je voudrais être sûr que vous l'aurez pour votre voyage. Votre fils Paul est-il arrivé, et vous accompagne-t-il ?
Quand vous serez sur les bords du Rhin, je vous enverrai tout ce qui m’arrivera ici de nouvelles ; mais elles seront rares et feront un détour. Attendez-vous à une année, je ne veux pas dire, à des années de stérilité.

10 heures
J’ai été interrompu par l’arrivée de six caisses de livres que je viens de déballer et de ranger. Je voyage avec une bibliothèque. Voilà encore un goût et un plaisir qui vous manquent. Mes livres me tiennent compagnie, ceux que je lis et ceux que je regarde sans les lire. La vieille Lady Holland voyait vivre, et entendait parler les portraits qui garnissaient la bibliothèque de Holland House ; je l’ai trouvée vraiment émue et éloquente un jour sur ces portraits. Mes livres me donnent un peu de cette impression. Je vois et j'entends les personnes.

11 heures
Je comprends l'émotion, mais je persiste. Je ne comprends pas que vous n'ayiez rien eu de moi Dimanche. voici mon N°3. L’histoire de votre allemand me désole. Adieu, adieu. G.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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2 Val Richer, Dimanche 29 mai 1853
8 heures

Je me lève après neuf heures de sommeil. Je sens la fatigue s'en aller. comme la soif quand on boit. Mais il ne fait pas beau ce matin. Vous ne connaissez pas le plaisir de voir pousser vos cerises, vos fraises, vos abricots et vos pêches. Marion vous dira si c’est un plaisir. Je reviens de mon verger à mes journaux à Paris, je les regarde ; ici, je les lis.
Le Moniteur met bien du soin à répéter le Morning Post qui dit que les Cabinets de Londres et de Paris, "ont agi, agissent et agiront à Constantinople avec l'accord le plus parfait et le plus cordial." On est très pressé de rentrer dans l’ornière. Il est vrai que cette fois, vous y avez poussé. Si votre Empereur avait, dés le premier moment, dit avec précision, à tout le monde, que pour se mettre à l'abri des firmants secrets et mobiles, il demanderait pour l'Eglise grecque, ce que la France possédait depuis deux siècles pour l'Eglise latine, c’est-à-dire des capitulations formelles, et que c’était là, pour lui, la question des Lieux Saints, il n’eût pas rencontré, j'en suis convaincu, les obstacles qu’il rencontre aujourd’hui ; car bien qu'énorme en fait et très différente par là de la prétention latine, la prétention grecque est, en soi et en droit, si naturelle et si raisonnable qu’on eût eu de la peine à la combattre. Mais elle ne s’est pas expliqué tout haut, toute entière et tout de suite ; elle a apparu au dernier moment comme une nouveauté par conséquent beaucoup plus grosse qu’elle n'eût paru au premier ; et vous avez créé, à la fin, une situation grave uniquement peut-être parce que vous avez voulu vous épargner, au commencement, quelques embarras de conversation. Je n'en persiste pas moins à penser que la situation grave sa dénouera sans événements graves.

Onze heures
Je persiste toujours, quand même la tentation de conciliation des quatre puissances n'aurait pas réussi. Le feu ne prendra pas à l'Europe pour cela. Vous avez raison, il fallait parler plutôt et plus haut pour vous. Vous voyez que je suis de votre avis, encore plus que vous, car je remonte plus haut. Adieu, Adieu.
Ne soyez pas trop fatigué en partant. Je remercie Marion. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris Dimanche le 29 mai

Le Moniteur vous annonce le départ du Prince Menchikoff. Il a longtemps attendu quatre délais successifs. C’est fini. [Kisseleff] croit aux coups de canons immédiats.
En dépit des réflexions du Moniteur, il n'y a que cela de convenable après le fracas, les lenteurs et tout ce que nous avons vu depuis trois mois. Je ne crois pas que l'Angleterre nous fasse la guerre, & la France ne fera rien & ne peut rien faire seule. L’Alarme est grande ici. Voici la lettre d’Ellice d'hier vous y verrez que le ton de Brunnow est devenu un peu arrogant.
Enfin toute cette affaire est une affaire, et les conséquences peuvent être grandes. Ce qui m'effraie c’est la colère où va entrer mon Emp. Si on s'avisait de dire qu'il a manqué à sa parole. Il n'y a pas manqué. Nous n’avons élevé aucune prétention nouvelle. Nous demandons la consécration du rien, & nous les demandons sous une forme plus obligatoire que les firmans, parce que nous avons fait l’expérience de peu de valeur des firmans, témoin Lavalette.
Que de choses curieuses j'aurais déjà eu à vous dire depuis 2 jours ! Je n’ai pas vu Fould. Flahaut est toujours très bien. Noailles a la tête perdue. Que sera ce quand le canon aura tiré ? J'ai eu hier des données détestables sur le professeur Allemand que je voulais prendre. Il faut que j’y renonce et je n’ai personne, et cela à la dernière heure ! Vous me voyez m’agitant ? Comment n'ai-je encore rien eu de vous depuis votre départ. Adieu. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Samedi 28 Mai 1853
8 heures

Je ne vous ai pas écrit hier en arrivant. J'étais en retard et mon facteur, en avance. Le temps m'a manqué. Je suis arrivé fatigué. Je le suis depuis quelque temps. J’ai besoin du bon air et du profond repos que je trouve ici. Le silence et la solitude ; rien à entendre et personne à attendre, pas plus de dérangement que d'affaire. Quand on devient vieux, il faut ou de grands intérêts ou un grand calme ; le mouvement de Paris dans l'oisiveté est une fatigue sans excitation. Je ne regrette absolument que vous. Il est vrai que ce qui est beaucoup.
Que du moins notre séparation profite à votre santé comme à la mienne. Vous ne serez pas aussi seule à Ems que moi au Val Richer et vous ne le supporteriez pas. J’espère pourtant que vous vous reposerez, et que vous reviendrez mieux portante que l’an dernier.
Prés, bois, champs, feuille, fleurs, tout est resplendissant de fraîcheur, et de jeunesse. Le soleil brille surtout cela. Quelques ondées de pluie coupent de temps en temps les rayons du soleil. C'est charmant à voir. Outre le plaisir du moment dans ce spectacle, j’aime à penser qu’il se renouvelle et se renouvellera chaque année depuis et pendant je ne sais combien de siècles, apportant à je ne sais combien de millions du créatures le même plaisir.
J’attends les nouvelles de Constantinople, avec curiosité, mais sans vraie inquiétude. Plus j’y pense, plus je me persuade que rien de grave n’en peut sortir, même quand vous vous brouilleriez tout-à-fait avec la Turquie, même quand vous lui feriez un peu de guerre. Il n’y a de grave aujourd’hui que ce qui engage la question révolutionnaire et tout l’Europe. On n'en viendra pas là.
Je suis frappé de la tranquillité de la bourse de Londres à côté de la vivacité des journaux anglais. Adieu. J’attendrai le facteur pour fermer ma lettre. Adieu, Adieu.

Onze heures
Je crois encore moins à la chute de Lord Aberdeen qu'à la guerre. Les Anglais ont encore plus de bon sens pour la dedans que pour le dehors. Je ne m’agite pas de tous ces bruits ; je n’aime pas, ensuite, à m'être agité pour rien. Merci de vous trouver triste et misérable. sans moi. Adieu, adieu.
Il ne fallait rien moins à Lord Cowley qu’une grosse fusion. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris Vendredi 27 mai 1853

On croit savoir ici qu'il y a dissidence dans le Cabinet Anglais et l’on est dans la plus grande espérance que l’affaire turque sera cause de la chute de Lord Aberdeen et de l’élévation de Palmerston. à la direction suprême du cabinet ce qui amènerait sur le champ l’alliance avec la France.
On dit aussi que tous les spectateurs ici, (& qui ne l’est pas ?) sont enragés, & veulent à tout prix que l’affaire s’arrange.
Je ne sais pas d’autre nouvelle aujourd’hui que ce que vous voyez dans le Moniteur et qui laisse quelqu'espoir.
Quel ennui d’avoir à vous écrire, comme j’en suis triste et misérable. J'ai vu beaucoup de monde intéressant hier, mais Je ne sais vraiment rien de plus que ce je vous ai dit là. Je crois que je verrai Cowley aujourd’hui. Hier il était malade, la tête enflée et emmailloté. Adieu. Adieu. Merci de [?] & encore adieu.

Auteurs : Austin, Sarah (1793-1867)

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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A mon grand regret je ne puis aller vous voir aujourd’hui qu'après 4 heures et demie. J’ai reçu hier une convocation du Consistoire Protestant pour ce matin, 1 heure. Je ne puis m'en dispenser.
C’est pour vous un triste jour. L’âge apaise la violence dans la douleur, et laisse la douleur au fond de l'âme. Nous avons été bien frappés l’un et l'autre. Pour moi, en regardant mon fils qui vient d'avoir vingt ans, je me surprends à le confondre avec celui que j'ai perdu, il y a seize ans et qui en avait alors vingt et un ; et j'éprouve un saisissement douloureux. en me rappelant que ce n’est pas lui, et que le fils que j'ai ne me rend pas celui que j'ai perdu. A mesure qu’on avance dans la vie, il se fait dans l’âme un bizarre mélange des sentiments et des souvenirs les plus contraires ; les joies et les tristesses passées se mêlent et se confondent. On a peine à s'y reconnaître. Que rien ne vous ramène habituellement que les souvenirs doux ! Je voudrais vous voir toujours le repos du cœur, à défaut de la joie. Adieu, Adieu.
G.
4 mars 1853

Auteurs : Hallam, Henry (1777-1859)

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)

Auteurs : Veuillot, Louis (1813-1883)

Auteurs : Austin, Sarah (1793-1867)

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Je serai à votre porte à 1 ¾. Ce sera un bon moment pour causer. Seulement ne me parlez pas de ma santé. Cela m’attriste ou m’impatiente et l’un et l’autre ne me vaut rien. Adieu
Samedi 13 nov. 1852

Auteurs : Molé, Louis-Mathieu (1781-1855)

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris lundi 11 Novembre 1852

Voici ma dernière lettre dieu merci. Hier soir Fould et Berryer. Le premier accompagne aujourd’hui le Président à Fontainebleau. On y restera plusieurs jours ; brillantes chasses & & le Sénat chomera jusqu'à l’Empire. Je crois que le 3 Décembre on y portera un Sénatus consulte pour l'hérédité éventuelle de Jérôme. Jérôme s'en croit tout-à-fait sûr, & je ne vois rien qui démente cela. Les sénateurs venus aujourd'hui pour une séance seront attrapés. Je ne sais rien du tout quoique je vois beaucoup de monde. Toujours beaucoup la diplomatie. Pas d’apparence encore du retour de mon fils. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 10 nov.

Molé est venu hier pour quelques heures. Je crois avoir compris qu’il vous attend à Champlatreux la semaine prochaine. Le duc de Noailles y sera pour huit jours & puis il s’établit tout-à-fait à Paris. J’ai vu hier soir le Général Castellane qui avait déjeuné à St Cloud avec Jérôme. Demain le Sénat s’assemble pour un sénatus consulte inconnu. Voilà tout, je ne sais rien et je suis bien lasse. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris Mardi le 9 Nov.

Absolument rien de nouveau. Hier l'ordre aux Sénateurs de se retrouver à Paris, dans 3 jours, pour un nouveau. Senatus consulte. Ils ne savent lequel, ce sera Jérôme. La princesse Mathilde me dit qui son père sera grand amiral de France. Elle se dit sûre du mariage & la princesse Wasa. Le message du Président n'a pas plu en Angleterre. On voit la guerre. J’ai vu hier Andral très tard le soir & de très bonne heure ce matin. Voilà où j’en suis. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris lundi le 8 Novembre

Vous avez le Moniteur et vous savez tout. Jérôme continue à être enchanté, et sûr de son fait. Il a de quoi. Les deux paroles de Fould hier soir me la laissent pleine conviction que le Prince va lui rendre ce que le Sénat lui avait ôté l'héridité de tout cela. Il reste l'homme au Sénat. Une voix a été opposé à l’Empire, c’est celle de M. Vieillard le précepteur du Prince, Sénateur et doté de 30 m. fr. de rente. Je ne sais rien de plus. Ma soirée m'a fatiguée, et je le suis beaucoup aujourd’hui. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 7 novembre 1852

Le suffrage universel Dimanche le 21. J’ai vu hier Castellane et Caumont sortant du Sénat et Morny. La commission s’est mis d’accord avec le gouvernement, & le rapport de M. trop long conclut à la suppression de l’article 4 qui donnait l’hérédité à Jérôme. Il rentre dans l'ensemble de la famille. Il n’y a plus que descendance directe et adoption. Ce dénoncement cause la plus grande satisfaction à tout le monde moins Jérôme qui du Luxembourg où il était depuis 3 semaines est allé hier coucher aux Invalides. Aujourd’hui le Sénat se réunit pour voter, de là il se rend tout entier à St Cloud pour présenter le Sénatus consulte au Prince. Et voilà le premier épisode fini et très bien fini. Persigny seul y était très opposé. Ces deux jours derniers ont été fort amusants. Les péripéties dramatiques. Kisseleff a été reçu admirablement par l’Empereur. Il est comblé. Il reviendra, je ne sais pas le jour. Hatzfeld & Hubner sont chez moi tous les jours, et Kourakin aussi. Le Marquis Antonini est revenu. Lord Granville est ici pour deux jours. On ne sait à qui sera donné la présidence du Sénat, naturellement Jérôme la quitte. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Samedi 6. Nov.

Le Sénat n’a pas siégé hier mais la commission qu'on dit très hostile à Jérome. Le Prince Président est venu à l’Elysée tenir un conseil des ministres pour chercher à concilier. J’ignore ce que ce conseil a décidé. Le sénat se réunit aujour d’hui pour entendre le rapport, discuter, & statuer. L'archevêque de Bordeaux, le duc de Mortemart un grand nombre de Sénateurs ont parlé vivement au Prince contre son oncle. Jérôme était hier très inquiet du Sénat mais très confiant dans la sincérité de son neveu. Je trouve qu'en se rendant au voeu de Sénat il y au rait profit pour le Président et pour tout le monde. Nous verrons dans quelques heures. Mon neveu Constantin est envoyé à Londres pour assister aux obsèques, c’est tout frais. Adieu. Adieu.

Le 11 les ministres anglais seront obligés de se déclarer pour le free trade, ou ils seront renversés.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 5 Novembre 1852

Séance très orageuse hier au Sénat c.a.d. dans les bureaux. Grands hostilité contre Jérôme si on avait voté hier il ne passait pas. Lui et son fils ont couru à St Cloud. Abel Kader y dînait. Le conseil des Ministres a été convoqué là pour 10 heures du soir. A midi aujourd’hui le Sénat se réunit. On verra s'il s'obstine. Cela pourrait être à la convenance de tout le monde, je ne sais, mais hier on était bien agité Que dites-vous du message ? Je suis très contente de Cowley. Il prêche l’union et l’identité de conduite et de langage Mess. de Caumont & Beauvale sont venus chez moi au sortir du Sénat. Et toute la journée j’ai vu tout le monde. Ah que je voudrais voir revenir [Kisseleff] Il y aura des Princes de la famille à voter. Tous les généraux sont contre Jérome. On ne veut que deux articles, hérédité directe, adoption dans la famille B. Napoléon III c’est consacré. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 4 Nov.

Aujourd’hui message du Prince au Sénat. Une commission de 10 Sénateurs sera nommé pour dresser le Sénatus Consulte le rapport sera lu demain, la délibération et adoption samedi. Le corps législatif sera convoqué pour le 23, tout sera fini pour le 1 Xbre. Il y aura 8 millions de voix. Il s’appellera Napoléon III réponse. Vengeance politique des traités qui excluaient la race. ni roi d’Algérie ni protecteur des lieux saints, on y a renoncé. Voilà mes nouvelles. c’est bien laconique sur papier vert. Ce ne serait pas si court si je parlais. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 3 Novembre

Adalbert de Bavière ne prendrait la religion grecque que lorsqu'il sera appelé à régner. Ses enfants quand il en aura, il n’est pas [?] seront grecs, mais toute l’affaire n’est pas conclue encore. On me dit que c'est une espèce de crétin. Il n’y avait point de nouvelle hier. J'en attends de Kisseleff avec une grande impatience. Le corps diplomatique attend cela aussi. On court après Abdel Kader. Je n'ai jamais vu tant d'empressement et tant de respect. A Londres il y a un grand mécontentement à propos des funérailles. Si tard, & maintenant un véritable spectacle. Il y a à tout cela un grand manque de convenance. Cowley part le 15, pour y assister ; il dit qu’il reviendra de suite. Adieu. Adieu.
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