Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


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Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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8. St Germain Samedi 18 juillet 1846 onze heures

Voici donc huit jours de passés dieu merci. Quelle longueur que cette semaine ! Fleichman est venu hier dîner avec moi, très fidèle et très soigneux. Il avait été juré à Neuilly. Kisseleff y était. Le Roi lui a parlé de notre dernière dépêche avec des expressions succulentes, c’est le terme dont s’est servi Fleichmann, des protestations d’amitié, enfin on eût dit les deux monarques les plus unis, les plus intimes. Fleichmann c’est fort égayé sur ce sujet. Et puis sont venus des compliments personnels pour Kisseleff. Surabondance. Thom dit que l’élection du Pape n’a pas plu du tout à Vienne. La Bavière, le Wurtemberg, Bade et la Hess vont demander à la diette l'abolition des lois de censure, & un nouveau règlement très libéral. Armin est fort peu aimé ici dans la diplomatie. Voilà toute ma récolte d’hier. Je vais devenir bien inutile. Le temps est abominable, froid et de la pluie & du vent. C’est un peu ridicule d’être à St Germain pour cela. Et votre course à Trouville tombe mal aussi.
Bacourt me mande que notre nouveau gendre est un très mauvais sujet et que tout à l’heure avant de partir pour se marier, il a eu des senées[?] à ce sujet avec son père. Vous ai-je dit que le roi de Wellington se traîne à Bade avec une maîtresse. On ne le voit pas du tout. Je n’ai donc pas à le regretter.
Midi. Voici votre lettre. Je vous renvoie Reeve. La situation anglaise n'est pas du tout de mon goût, je n’aime pas voir Peel et Aberdeen ainsi de côté. Je voudrais bien la dissolution. Il me semble qu’elle sera mauvaise aux Whigs. Je pense certainement à Trouville. J’y resterais deux jours dont une demie journée au Val-Richer. Nous arrangerons cela pour après vos élections. Je trouverai le temps long aujourd’hui. Rodolphe qui devait venir dîner avec moi est malade. Personne, & du mauvais temps. J'ai fait venir un piano. Madame Danicau est utile à tout. A practical woman. Adieu, dites-moi toujours que vous vous portez bien. Comment se portent vos élections ? Adieu. Adieu, dearest. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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8 Val Richer, Dimanche 19 Juillet 1846 6 heures et demie

Temps affreux hier pour aller à Trouville. Grande pluie, grand vent. Pourtant quelques coups de soleil et un vif plaisir à revoir la mer. Vraiment cette plage est très jolie. Peu de baigneurs encore. Personne de votre connaissance. C’est au mois d'août que doivent venir Mad. de Boigne, Mad. d’Haussonville, Mad. de Ségue & M. Molé et Mad. de Castellane devaient venir ces jours-ci. Ils avaient loué la moitié de la maison du Dr. Olliffe qui a là une assez bonne maison, confortable. Ils lui ont écrit qu'ils ne viendraient pas. Le bruit de Trouville était qu’ils ne venaient pas à cause de moi, parce qu'on leur avait écrit que je venais à Trouville, que j’y étais très populaire, qu’on devait m'y faire des fêtes &. Il est sûr que je suis là très populaire, et que j’y ai été reçu avec tous les témoignages possibles de toute la population, tous les bateaux du port pavoisés, tous les notables du bourg réunis dans ma maison. Bonne maison, la meilleure de Trouville ; très simple et très propre assez bien pourvue de meubles, linge & sur la plage, n'ayant que la mer sous vos fenêtres ; si bien qu’hier, de la salle à manger, au rez-de chaussée, pendant le dîner, à la marée haute, on ne voyait absolument que la mer sans rivages, pas plus le rivage près que le rivage loin. Vous y seriez très passablement, au 1er étage, trois chambres, avec cabinets de toilette et des chambres de domestique en haut. Pauline et Mlle Wislez seraient au second. L’aide de Guillet est là, suffisant. La maison appartient à l’un de mes amis de Lisieux qui me la prête tout entière, tant que je voudrai. Si vous en aimiez mieux une autre, il y a celle d’Olliffe, tout ou partie de ce qu’avait loué M. Molé et qui est encore vacant. Vous voyez qu’en tous cas, vous ne manqueriez pas de ressources. Pour de la société jusqu'à présent, je ne vous en vois guère là. J’irai vous y voir et vous y chercher pour vous amener au Val Richer où vous pouvez, soit coucher, soit ne passer que la journée, comme vous voudrez. On y vient de Trouville par une très jolie route en poste en moins de trois heures. Quel plaisir de vous avoir ici, malgré mes commentaires par avance ! Avec quel plaisir, nous nous y promènerions comme vous voudriez, ni plus, ni moins ! Voyez. Dites-moi. Mes descriptions sont exactes, sans omission, ni exagération. J’étais parti de Val-Richer à onze heures. J'y suis rentré à neuf heures et demie. La route est partout une allée de jardin.
Jarnac a eu une longue conversation avec Palmerston sur les affaires d’Espagne. Pure conversation, sans proposition, ni conclusion de part ni d’autre mais bonne. Notre principe des descendants de Philippe V bien maintenu. Ni admis, ni contesté comme principe ; mais approbation très explicite des fils de D. François de Paule, avec pente indiquée vers D. Enrique. Le Coburg tout-à-fait écarté avec quelque surprise que la France n'en veuille pas, car il est plus français qu'anglais. Pas un mot, sur l'Infante déclaration très expresse que les deux seuls alliés de l’Espagne doivent être là d'accord et agir de concert. Disposition annoncée, à me communiquer ses instructions à Bulwer et à continuer l’entente intime, comme Aberdeen. Tout cela assez superficiel et réservé, mais dans la bonne voie. Je vais écrire aujourd’hui à Jarnac avec détails. Lord John très bien avec Peel me dit Jarnac. Il a rencontré chez ce dernier, le Duc de Bedford, en intimité marquée. Tout le monde se concerte pour surveiller Palmerston. Pourvu qu'il n'en prenne pas de l'humeur, et ne s'amuse pas à attraper ses duègnes. J’ai peur qu’il n’y ait jamais entre lui et nous, qu'un mariage de raison. Croyez-vous que cela suffise jamais ? Deux idées, je crois à bien inculquer à W. Hervey. L’une, qu’il faut se hâter de saisir le moment où nous sommes bien disposés pour les Infants D. François de Paule, le mariage, après tout, qui convient le mieux à l'Angleterre puisque c’est un mariage purement Espagnol. L'autre, qu’il faut bien se garder de recommencer en Espagne, l’antagonisme des deux patronages, Français et Anglais, au profit des deux partis, modérés et progressistes. Ce serait la ruine du mariage François de Paule de l’ordre naissant en Espagne et de la bonne intelligence entre nous. S’il parle de l'Infante dites que le Duc de Montpensier, s'il l’épouse, est bien décidé à l'emmener en France et à vivre en France avec elle à en faire une Princesse française. Il a grand dégout et grande méfiance des Cours du midi de leurs mœurs de leurs Camarillas &. C'est le sentiment de toute la famille royale. En voilà bien long pour vos yeux, quoique bien peu pour mon plaisir. Ah, l’absence, l'absence. J’y fais tous les jours des découvertes.
9 heures Voilà le N°8. Il n’y aura de bon numéro que le dernier. Je me porte bien. Les élections aussi, comme on se poste bien au milieu d’une bataille. La lutte est très vive. Il y aura bien des morts de part et d’autre. Mais tout continue, à présager que le champ de bataille nous restera. Adieu. Adieu. Je suis accablé ce matin de signatures à donner et de lettres à écrire. Et c’est dimanche, jour de visites. Adieu. Adieu. Charmante parole dans le N°8. Vous viendrez au Val Richer. Adieu donc.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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9 Val Richer. Lundi 20 Juillet 1846 9 heures

Nous avons tort de rire de Brougham. C’est un fait grave que la reconstitution si prompte, si avancée du parti Tory, ne fût-ce que dans la Chambre des Lords. La situation des Whigs en sera fort embarrassée. Cela est déjà visible dans les réponses de Lord John aux interpellations sur ce que sera sa politique. Il ménage également Lord George Bentinck et M. Duncombe. Rien de si faible que de ne pouvoir plaire ou déplaire à personne. Il me revient que les Cowley parlent assez de cette situation et s'en frottent les mains. Plaisir de morts ; mais le fait n'en est pas moins réel. Il n'empêchera pas le Cabinet whig de durer puisque nul autre Cabinet n'est et ne sera d'assez longtemps possible ; mais il le contraindra peut-être à la dissolution prochaine, et à une dissolution sans drapeau ; en sorte que les élections pourraient être aussi confuses, aussi embarrassées que le Parlement. Curieux spectacle et gouvernement bien empêtré. Que de choses nous nous dirions sur cela, en nous promenant sur la terrasse de St Germain ou sous mes marronniers ! Je ne m'étonne pas des expressions succulentes. Et je m'en désole. Il n'y a pas moyen. Je puis beaucoup sur les actions rien sur les paroles. A moins de demander le silence, qui n’est pas toujours possible, comme dans ce cas.
9 heures La lettre du petit cousin est aimable. Certainement la vie de ce jeune homme se ressentira de vous et de ses voyages. Je suis bien aise des détails qu’il vous donne sur la bonne et agréable position d'Alexandre. Le courrier ne m’apporte rien du tout, pas même les journaux que Génie a oublié de mettre dans le paquet. De longues lettres de Lisbonne où Palmella a bien de la peine à vivre, et ne réussira probablement pas. Peu m'importerait pour nous que le parti radical portugais redevînt le maître. Mais je crains la contagion en Espagne. On cherche évidemment à la répandre. Lord Howard, qui était autrefois modéré à Lisbonne pendant que Clarendon ou Aston étaient radicaux à Madrid est devenu radical à son tour, en haine de M. Costa Cabral. Mais cela ne vous fait rien. Je ne m'étonne pas du commérage de Heischmann sur Sébastiani. Il n'y a pas de baliverne qui ne puisse passer là pas quelque tête.
Ce que vous me dîtes de Mad. Danicau qui me convient. C’est un peu de sécurité pour moi sur vous Lisez cette lettre de Désage, et renvoyez la moi. Vous verrez que c’est un homme d’esprit. Adieu. Adieu. Je veux écrire aujourd’hui à Londres, Madrid et Naples. Je n’en suis pas encore venu à bout. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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10. St Germain lundi 20 juillet 1846
Lord William Hervey est venu dîner avec moi hier. Nous avons causé de bien des choses. Plus de guesses que de facts, car on ne leur écrit rien, rien du tout. Cowley n’a pas un mot de Palmerston, ni d'affaires, ni de réponses, à son offre de démission. Cela les étonne et donne bien quelques petites émotions aux dames. Hervey m’a montré quelques lettres dont j’ignore les auteurs. Toutes disant que l'air s'obscurcit, gloomy prospects. Jeudi dernier. M. Dennison très excellent Whig, que je connais depuis longtemps pour un homme d'esprit et très considéré a tenu & pris un langage d'opposition. Gendre du Duc de Portland, grand ami de Canning. John Russell est évidement embarrassé. La question du sucre est un gros embarras. On croit très probable qu'il la perde, il faudrait dissoudre, ou quitter la partie. Le mois d’octobre pourrait voir la chute de ministère, et l’avènement d’un ministère protectionniste qui n’aurait guère plus de durée. Cela confirme la lettre de la petite grande dame ! Nous reviendrons à pied avant un an.
Le roi a reçu samedi soir Miraflores & Cowley. Beaucoup beaucoup causé avec le premier dans un salon à part. Un peu causé avec Cowley dans le salon de la reine. Le vieux un peu susceptible. C’est cependant bien naturel. Il n’y aurait que du rabâchage au fait il n’est plus dans les affaires. Hervey revient toujours à l'Espagne & moi j’insiste plus que jamais sur votre idée de s’entendre pour l’un des fils. J'affirme que vous le voulez sincèrement comme la seule bonne solution, bonne pour la chose et pour la communauté de conduite. Trapani doute, non pas de vous, mais du Roi, qui viendra mettre son Trapani entre les jambes. Je me suis montrée très surprise des doutes. Il me parait que c'est vous qui menez les affaires. Il a dit ensuite qu’ avec Christine à Madrid on n’aboutira jamais. Cela c’est possible, & je crois que si vous l’invitiez à venir à Paris ce serait plutôt fait ! il regarde Montémolin comme a scourge for pain. On peut l’épouser mais après ce sera la guerre civile dans le palais dans le pays, partout. Il craint que Miraflores n’entretienne le roi dans l’idée de Montémolin. Metternich très mécontent de Rome, du Pape, de tout et travaillant de toutes ses forces contre ce qui s’y prépare. Hervey m’a rejeté Sébastiani. Cela est fort répandu dans le corps diplomatique. J’ai repoussé comme parfaitement ridicule. Il y a trois ans peut-être & par votre fait. Aujourd'hui on rirait de vous, & personne ne songe à une pareille absurdité !
Midi. Voici votre lettre. [Monted ?] après dîner, quant à Hervey, car c’est hier qu'il est venu. Mais je lui ai dit tout ce qu'il fallait ; il est très persuadé & moi aussi que Palmerston ne se prêtera jamais au Montémolin ce qu'il croit aussi c'est que Palmerston ne prendra jamais hautement le métier de patron d’un candidat quelconque. Ce n’est pas dans les principes anglais. On n'impose pas un roi ou un mari. C’est vrai cela. Ce serait une interférence very unconstitutional. Mais il marcherait à votre suite, c’est Hervey qui parle. Cela ne me semble pas dans la nature de Palmerston. Voici une lettre de sa femme, évidemment la situation est épineuse & fragile. Renvoyez-moi la lettre, pour que je l'aie après demain. Ce n’est pas une lettre glorieuse. Et puis je la trouve bien réservée, pas un mot de foreign politics. Ils ne sont pas à leur aise. Cela n’ira pas. Je trouve toujours que votre proposition d'entente & d’action en Espagne est excellente, si bonne manière de commencer un bon ménage s'il en veut. S'il ne peut ou ne veut pas entrer là dedans il est vraisemblable que vous obtiendrez au moins la neutralité. Mais le principe de non interférence ne s’applique-t-il pas à vous aussi ? Enfin je voudrais bien que cette grande fille fut mariée.
Merci merci des avis sur Trouville. C’est excellent, & il est plus que probable que j’irai faire ce petit voyage pour deux jours, sur lesquels un dîner au Val-Richer. Comme je vous ai dit après les élections le 4 le 5. Nous verrons. Adieu. Adieu. Je ne veux pas retenir le message. Je n’ai reçu de Londres que la Palmerston. Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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10 Val Richer, Mardi 21 Juillet 1846 4 heures

J’ai expédié mon courrier et mes visites. Je me suis promené une heure. Je vous reviens. Vous vous promenez probablement aussi dans la forêt. Mes bois ne sont pas si bien percés, ni si grands. A quelle heure placez-vous vos deux promenades ? Vous ne devez plus souffrir de la chaleur. Il fait frais ici ; un peu de pluie tous les jours. En tout, une température agréable. Pas assez chaude pour mon goût. Surtout pas assez lumineuse. J'aime le ciel brillant et pur, qu’il n’y ait que de la lumière, de l’espace éclairé entre nous et les régions inconnues. Les nuages me déplaisent. C’est de la boue en l’air. Ce n'est pas là sa place. De mon origine méridionale, je n'ai conservé que certaines dispositions, certaines préférences matérielles celle-là surtout. Le caractère, le naturel moral des populations du midi ne me plaît guère. J’aime mieux les populations du Nord, du semi, nord s’entend. Elles ont plus de good sens, de mastliness, de consistency et de délicatesse. L'inconséquence toujours imprévue et la familiarité grossière des méridionaux me déplaisent souverainement bien que spirituelles et amusantes. Mais le ciel, le ciel ! Il n’y a de ciel que dans le midi.
Je repense à la lettre de Lady Palmerston. J’en suis frappé comme vous. Point de confiance ni d’en train. Que dites-vous de la quasi-nouvelle de Brougham. Palmerston leader des Protectionistes dans les Communes ? Je n'y crois pas. Brougham n’y croit pas. Surtout, il n'en veut pas. Mais il ne repousse pas cela absolument. Avec la confusion des Partis et l’inconsistency hardie de Lord Palmerston, tout est possible. Vous avez raison. Le prochain Parlement ramènera Peel. Et par conséquent Aberdeen, quoiqu’il en dise aujourd’hui. Pourquoi, ce humboy inutile ? Je lis nos journaux ici bien plus attentivement qu'à Paris. En avez-vous plusieurs à St Germain, et lesquels de l’opposition ? Je les trouve bien froids, et décolorés, et déroutés au fond, malgré la violence et la grossièreté de leurs injures. Evidemment le parti n'espère pas grand chose des élections. Je ne me fie point à son propre découragement, même sincère, au découragement du parti de Paris, des meneurs et des journalistes. Je suis convaincu que sur les lieux, dans chaque arrondissement parmi les hommes qui ont réellement la main à la pâte électorale, il y a beaucoup plus d’ardeur, et que rien ne manque à leur travail, et qu’ils trouvent dans les préjugés, dans les habitudes, dans les penchants critiques, et radicaux des masses beaucoup plus de moyens d'action et de chances de succès qu’on ne le croirait d'après les journaux du centre. Je n’ai donc pas une pleine confiance bien s'en faut. Cependant j’en ai. Ce sera un grand succès s’il arrive. Aussi grand que nouveau. Et la question bien personnelle, bien posée sur mon nom. Il n'y a que vous au monde avec qui je me laisse aller aux satisfactions orgueilleuses. Plus je vais plus mon orgueil devient intérieur et a moins besoin de paraître. Il est ridicule de le montrer avant, subalterne de le montrer après. Mais à vous, je montre tout.
Mercredi 22, 8 heures
Je me suis levé tard. J’ai éternué. L’humidité est, l’inconvénient de ce pays-ci. Pour peu que je me promène après dîner, mon cerveau s'en ressent. Ce n’est rien du tout, comme vous savez ; seulement un peu d'ennui. J’attends mon courrier. Adieu, en attendant. 9 heures Voilà votre lettre. Courte, mais tendre ; et pas de mal d'yeux et pas d’abattement ; les deux maux que je crains le plus. De quoi s'avise Mad. Danicau d'être malade ? Le courrier ne m’apporte rien d'ailleurs. Sinon beaucoup de signatures à donner. Toujours bonnes nouvelles électorales. Adieu. Adieu. Adieu G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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11. St Germain Mardi 21 juillet 1846.

Georges & Sabine sont venues me voir hier matin. Le Roi a envoyé à Lord Cowley son portrait. Ils en sont comblés, touchés. Les préparatifs se ralentissent. ils ne savent pas un mot ni du chef ni du successeur, leurs nouvelles sont aussi que la situation parlementaire n’est pas bonne. Balabrin est venu dîner. Petit homme assez spirituel. Toute l’Ambassade vient de recevoir des marques de faveur impériale. Il n'en était pas venu depuis la révolution de juillet. Kisseleff, le Stanislas, et les trois autres des promotions, ceci veut dire qu'on est gracieux pour Paris. On veut le marquer par tous les bouts, excepté le véritable. L’opinion à Pétersbourg plus française que jamais & cela universel & avec fracas. Constantin m'écrit de Peterhof après avoir rempli tous les tristes devoirs. Peterhof resplendissant de fêtes ! Beaucoup de fêtes populaires et moins de fêtes de salons afin d’épargner l’Impératrice.
Midi. Je vous renvoie l'incluse. Excellent esprit, sage, sensé, voyant ce qu'il faut voir. Je suis charmée de le connaitre, et je le connais maintenant. Bon conseil. Le pauvre William Russell est mort. Vraiment cela me chagrine, c'était une bon âme. J'écrirai à Lord John. Que de choses à nous dire, et comme je jouerai des causeries quand elles viendront que c'est long encore ! Voici cependant 10 jours de passés. Le tiers. Dites-moi que vous vous portez bien. Moi je souffre un peu de maux d’entrailles. Madame Danicau est malade. Maria aussi. Un peu en [hopital] c’est ennuyeux. Adieu. Adieu. Rien de nouveau aujourd’hui. Je n’ai pas encore lu les journaux. God bless you dearest. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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12 St Germain Mercredi 22 juillet 1846 Onze heures

Thom est venu dîner avec moi hier. Il n'a rien de vieux du tout. Il présume que le ministère Whig ne plait pas beaucoup au P. M. Il parle très sérieusement de la Galicie et de toutes ces affaires-là. Il prévoit de gros embarras en Allemagne, et convient de la décroissance de l’Autriche. Enfin très raisonnable et beaucoup plus d’Esprit que son Chef. Sur l’Espagne il est fort entêté. L'enfant de Bourges se perdrait à tout jamais s’il épousait la reine en la reconnaissant. Il faut qu'il maintienne ses droits, et qu'il garde son avenir. En Espagne tout est fragile, son temps viendra. si on s’épousait sans préambule. Le roi épouse la Reine à la bonne heure. Confondre les droits mais maintenir le droit. Si non, non. Thom regarde le mariage Don Enrique s’il pouvait se faire comme un mariage anglais et fait en dépit de la France, je l’ai très fort combattu sur ce point, et me suis étonnée de son ignorance. Enrique est comme tous les Bourbons votre candidat, il a même toujours été regardé par vous comme le plus désirable et possible après Trapanny, si celui-là n’avait pas été antipathique à l’Espagne. Vous accepteriez Enrique avec plaisir. Il prétend savoir que Cadiz ne veut pas de la reine, enfin il est très mal renseigné. Il est très lié avec Villa Franca & sur Bourges. Je crois que son dire est la vérité quant aux idées & résolution de parti, & du prince Metternich. Thom est votre grand admirateur.. Il dit que Metternich l’est aussi. Il parle mal d'Armin. Il me parait qu’Armin est peu aimable dans le corps diplomatique. Voilà tout mon paquet d’hier je n'ai que cela. Aujourd’hui Lord Bathurst et sa sœur se sont annoncés chez moi pour déjeuner. Je ne sais encore qui j'aurai à dîner. Je ne me sens pas bien. Mon estomac en désordre, & mes jambes me manquent. L'air ici est très vif peut-être trop pour moi. Je verrai encore quelques jours.
Midi. Voici votre lettre. Je vous renvoie les incluses. L'Angleterre curieuse & compliquée. La France en bonne voie if true. Vous savez ma méfiance française ! Il y a eu une confusion de mon courrier à Paris (car j’en ai trois par jour) qui fait que je n'ai pas mes lettres d’abord, s'il y en a. Je n’ai donc rien à ajouter. Madame Danicau va toujours bien. Soigneuse pour moi, intelligente dans ses soucis, mais décidément elle ne sait ni lire ni écrire, triste découverte. Adieu. Adieu. Le temps est au froid cela ne me va pas dans le moment. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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13. Paris Jeudi le 23 juillet 1846

Et bien me voilà malade ; depuis St Germain, ou plutôt depuis un bain que j’ai pris ici la veille d'y aller. J’ai perdu tout appétit & je n'ai plus de jambes. L’estomac parfaitement déréglé. Enfin ce matin me sentant très mal je suis venu ici. Chermside sort de chez moi, il me garde ici, nous verrons demain. Il croit que c'est le sang en mouvement. J’ai vu Génie un moment il m’a porté votre lettre. Ne sortez donc pas après le dîner, vous voyez bien que vous y attrapez toujours un rhume. Le Val Richer est humide, cela est très sûr. Tout le monde me l’a toujours dit.
Hier je n’ai vu que les Batteurst. Rien de nouveau. Furner contre Peel, c'est comme tout le monde. Mais voici ce qu’ils m'ont dit et que nous ignorons. C’est que Sir G. Grey, & Ch. Wood disent hautement que si lord Grey se querelle avec ses collègues, ils n'en sont pas. Ainsi s'il sort, il sortira seul. Cela change un peu la situation. J'ai une lettre de Brougham semblable à la vôtre. Génie me dit que Palmerston vous invite par Jarnac à agir à [Touis?] pour l'armistice, Metternich faisant des efforts contre. Hier Thom me disait qu’il en fallait une mais qu'elle ne pouvait pas être générale, sans cela la révolution éclate demain ; n'y pensant bien même il me semble qu’il n’admettait aucune armistice. Ce qu’il admet c’est des réformes dans le gouvernement intérieur. Je n'ai fait dire mon arrivée ici à personne, je me sens trop bête & misérable. C’est aujourd’hui que je vais m'ennuyer. Adieu. Adieu. Votre banquet a donc lieu le jour anniversaire où vous avez commencé votre révolution il y a 16 ans. Adieu dearest adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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15. St Germain samedi 25 juillet 1846

Hier soir quinze jours depuis notre séparation. Combien en faut-il encore ? Je suis revenue dîner, le médecin le permet. Si le mal me reprenait ce serait décidément causé par l'air. Alors il faudrait renoncer tout-à-fait Eternuez-vous encore ? Je suis tout aussi fâchée aujourd’hui que je l’étais hier. J'ai vu Hervey encore avant de quitter Paris. Toujours l’Espagne. Parfaite certitude que Palmerston n’entrera pas dans votre idée d’action commune ou simultanée pour un candidat quelconque, très sûr que le queen's favorite est Coburg. Et vraisemblance que c’est par là que les Whigs chercheront la faveur de la cour. J’ai dit un mot du tripotage pour l'Autrichien comme l’ayant appris à Paris, et j’ai ajouté, cela n’est pas possible même dans votre idée de prépondérance étrangère. C'est bien différent me dit Hervey, l'Autriche n’est pas voisine. Il ne croit pas qu’on accorde de congé à Bulwer. Il est trop nécessaire dans ce moment tout ce que je vous ai rapporté hier sur les instructions à Bulwer est au fond sensé, et serait reçu avec acclamation au parlement. On y trouverait la conduite d'Aberdeen trop subserviest to France. C'est un bon terrain pour Palmerston & c'est là ce qui m’inquiète. J’ai paru chez Lady Cowley en m'en allant. Je l’ai trouvée froide et aigrie. Hervey m'en avait un peu prévenue. Cela a été pour moi comme non avenue. D'après ce qu’elle m’a dit Cowley aurait vraiment presque demandé à rester, car la réponse de Peel était ceci. " Malgré le désir que j’aurais eu à vous contenter en vous conservant à votre poste" & & C'est un peu enfant à Cowley. A présent encore ils ne se pressent pas. Ils croient que le Ministère sera renversé sur le sucre. Mais leur aigreur pour moi ne vient pas de là. Ils sont très susceptibles à l’endroit de lord Winston et ses visites chez moi les offusquent. Me sachant en ville et malade, elles ne sont pas venus quoique je le leur ai mandé, et puis elles ont donné quelque mauvais prétexte à cela. Ils sont en marche pour l'appartement des [Heusbourg]. Hervey est furieux, il trouve que leur résidence à Paris serait de la dernière inconvenance, certainement incommode pour lui. Il ne croit pas qu'on le leur permette, & cite Stuart qui était resté, & qu'on a menacé du retrait de sa pension s'il persistait. Il a quitté. Le portrait du roi est superbe. Un cadeau très royal, et dont ils sont bien glorieux.
Madame Danicau va toujours bien sauf la lecture. Voici une lettre de Flahaut. Lisez la jusqu’au bout, si tant est qu’il ne vous parle pas lui-même de la séance de la chambre des pairs. Orloff m’a répondu avec beaucoup de politesse sur l'envoi de l’argent. Voici ma dernière lettre de Marion. Charmante fille. Que faut-il dire sur la demande de 3 mois en hiver ? Il me parait préférable que la femme reste à Rome qu'à Vienne. Midi. Voici le N°13. Merci, merci puisque votre rhume est passé, ma colère l’est aussi, mais ne retouchez pas, je vous en prie. Ne sortez jamais après 7 heures promettez-moi cela. Lady Allen me mande que Peel is likely to support the sugar bill et qu’il vaut mieux que les Whigs ne touchent pas sur cette question qui est très populaire. Elle ajoute que personne eux y compris ne croie qu'ils pensent durer au delà de la session. Adieu, bon courage et bonne voix pour votre banquet. Ne parlez pas trop longuement. Je ne sais tout ce que vous allez dire. J’espère all rights and to the point. Adieu. Adieu. dearest. Vous ne me parlez plus de votre visite projetée à Paris pour le 30 ? Dites m'en un mot. Adieu. Adieu encore god bless you, & pardonnez-moi mes colères. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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17. St Germain Lundi 27 juillet 1846. onze heures

Je vais en ville tout exprès pour chercher le volume 1827, par occasion je chercherai à voir chez moi quelques personnes. J'ai rêvé et pensé toute cette nuit à votre dîner je ne m'inquiète pas de savoir si vous avez bien parlé ou non, je veux savoir avant tout, that you are safe dearest. Rodolphe est venu hier dîner avec moi. Ce n’est pas lui qui me fournira de quoi remplir une lettre ! Hélène est lectrice, et enfant & de la fortune. 900 mille francs de rente. La seule obligation est de s'engager à ne point faire de dettes. renvoyez-moi la lettre de Bacourt. Je pense que Bacourt ferait très bien à Vienne pendant l'absence de Flahaut. Mareschalebi est trop bête, & c’est trop reconnu. Le temps est charmant et je vais mieux. Adieu jusqu’à Paris.
Paris 1 heure Je trouve votre billet, & les remords de Génie pour le volume, avec le volume. Georquier est venu mécontent. Les nouvelles de Londres semblent indiquer que le sugar question n'éprouvera pas de naufrage. Va donc pour les Whigs pour quelques temps. Vous ne me dites pas si vous venez ici cette semaine comme vous l'aviez d’abord voulu. Je comprends que l’Espagne vous tracasse. L’affaire est détestable, et vous savez bien que si la petite fille n’était pas mariée avant le règne de Lord Palmerston cela devait mal tourner pour vous. Ce sera le Cobourg, je n’en doute plus, et ce sera lui, sans même la compensation de l’infante pour votre prince. Palmerston et son lieutenant à Madrid y pourvoiront. Je suis bien fâchée de tout cela. Cela a trop traîné. Vous avez dépensé beaucoup d’habileté sur des terriens ingrats, & des choses impossibles. Le Trapani allait trop boîteusement à Naples et à Madrid, et vous vous êtes trop attaché à la gloire de vaincre tant d'obstacles. Voilà de la morale fort inutile. Il s'agit maintenant de ne point se brouiller avec l'Angleterre pour cela, mais aussi de ne pas avoir l’air battu par elle. That is the question. A difficult one. J’attends Génie.
4 heures. Il ne vient pas, je m'inquiète. Qu’est-ce qui se sera passé à votre dîner ? Ah l'absence, la distance. Quelle horreur ! Hervey sort d'ici. (Oubliez que je vous le nomme & que je vous nomme Clarendon parce qu'il me demande le secret.) Hervey lui a écrit sur le mariage, & lui a dit que le nom de Cobourg parmi les candidats fait mauvais effet. Et qu'il lui semble qu’avant tout il faut que le mari soit du gré des deux puissances autrement tant pis pour l’Espagne, & tant pis pour la paix. Clarendon lui répond que le nom de Cobourg est une comédie que c’est une manière de plaire à la reine, que le Cabinet et Lord Palmerston veulent Enrique & ne se souvient pas du tout de Cobourg qu'on voit bien à quoi mène ceci.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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22. St Germain Mardi 4 août 1846

Je suis revenue ici hier au soir avec un accroissement de 25 voix à votre majorité. Je suppose que vous en perdrez un peu aujourd’hui, mais en attendant ce début était bon. J’ai vu en ville lady Cowley W. Hervey, Fleichman. Rien de nouveau de Londres grande vraisemblance qu'on ne dissoudra pas le parlement, et qu’en le laissant faire son temps ou s'affermira dans l’intervalle car Peel n’est pas mur, & les protectionnistes impossibles. C’est bien ennuyeux d’avoir à s’accommoder ou s’incommoder. des Whigs pour longtemps peut-être. J’ai écrit hier à Lady Palmerston. La journée hier était fraîche charmante pour la course ; aujourd’hui la chaleur est revenue. Je suis triste, j’ai laissé en ville votre lettre, c’est la première fois qu’un accident pareil m’arrive. Aucune importance à cette lettre pour personne, Mais pour moi ! Pouvez-vous me dire si le roi ouvre les Chambres le 17 ? Ou si, comme plusieurs personnes me le répètent, il n’y aura de séance royale que pour les proroger. Lady Cowley est en bien mauvaise humeur. Le moi domine dans tout. Ce n’est pas une personne aimable. Je suis bien enracinée de ce que Jarnac vous rapportera de Londres par suite de votre lettre de jeudi.
Midi Voici votre N°20 charmant. Mais ne vous revenez pas tant, reposez-vous. Je m'agite et m'échauffe en pensant que vous n'êtes jamais tranquille. Je vous prie soignez-vous. Je suis bien fâchée de M. J. Lefebre non révélé. Et ces lois sur les patentes qui devaient faire un si bon changement dans les élections ? Vous voyez que je me souviens ce soir vous saurez sans doute à peu près tout, ou demain matin. En somme il me parait que vous aurez gagné. J’ai seulement peur comme vous que ce ne soit trop. Cependant il vaut mieux cet embarras que l’autre. Adieu dearest. Qu’est-ce que sont pour moi les élections ? et tout le reste ! Je veux seulement que vous vous portiez bien & vous revoir bientôt, bientôt. Je vois avec grande joie que les deux soirées vous restent bien dans le cœur. C'est juste. Adieu dearest.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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24 Val-Richer Vendredi 7 août 1846

Voici ce que me mande Duchâtel sur le résultat définitif des élections. " Nous avons gagné sur l'opposition 49 batailles. Mais, parmi, les candidats que nous avons appuyés, il y en a deux ou trois un peu douteux."
" L'opposition nous a battus, par des candidats. de ses diverses nuances, dans 28 Collèges. Il y a sur ce nombre deux ou trois membres qui peuvent, je crois, être ramenés."
" Elle a fait passer contre nos candidats, dix candidats conservateurs auxquels elle a donné la préférence sur les nôtres, qui sont, à très peu d’exceptions près, bons au fond, mais qui auront besoin d'être disciplinés." " Les pertes de l'opposition dans ses diverses fractions. se résumant ainsi : Légitimistes, 17 pertes. 6 membres nouveaux. Perte nette 11. Extrême gauche, 7 pertes. 1 membre nouveau Perte nette 6."
"gauche et centre gauche, parti Thiers, Barrot. 30 pertes. 19 Membres nouveaux. Perte nette 11"
Il est parfaitement content. Je lui ai écrit hier très amicalement. Le Roi aussi est très content. J’ai reçu cette nuit à 2 heures deux lettres de lui, et copie de la lettre qu’il a écrite à Duchâtel après le succès. Je suis charmé et du succès et de sa joie. Je prendrai garde seulement qu'il ne croie pas que tout est possible.
Longues nouvelles de Madrid. Rien de vraiment nouveau. Bulwer malade. Assez malade, pour être dans son lit et ne voir personne. Je crois qu’il use beaucoup de la maladie. Pas mal d'inquiétude dans le gouvernement Espagnol et les deux Reines, sur les penchants et les projets du Cabinet anglais en faveur des Progressistes. Forte aigreur entre Madrid et Lisbonne jusqu'à craindre une entrée des Espagnols au Portugal ce qui y amènerait les Anglais. Bresson s'emploie beaucoup à calmer cela. De Berlin, commencements de réforme, dans l'administration de la justice, les codes, les procès. Le Roi entrant toujours en conversation et en discussion avec son peuple. M. de Canitz un peu mieux. Je vous renvoie la lettre de Lord John. Si vous lui écrivez, parlez-lui de moi, je vous prie.
Oui, je vous verrai le 13 au matin, et nous réglerons votre marche. Ma volonté sera ce qui vous plaira. D’abord ce qui vous sera bon. Au fond, je suis très exigeant très romanesque comme vous dîtes. Mais je ne me laisse pas être tout ce que j’aurais envie d'être. Pas même avec vous. Glücksbierg vient d’arriver. Jarnac arrive pour dîner. Je les renverrai demain tous les deux au château d’Eu, d’où Jarnac partira pour Londres et Glücksbierg pour Madrid en repassant par ici. Je tiens à causer de nouveau avec lui quand il aura vu le Roi. Je vous quitte pour écrire à Stockhausen qui m’a écrit, il y a plus de quinze jours, pour me presser. Grace à Dieu, cette affaire-là est finie Elle m’a bien ennuyé. Il me fallait absolument Lavalette. Je suis charmé que Bacourt apprécie l'habilité avec laquelle je m’en suis tiré. Adieu dearest. J’espère bien que votre mauvaise nuit n'aura pas eu de suite. Cette nuit, quand l’estafette du Rois m’a réveillé, j’ai été trois quarts d’heure sans me rendormir pensant à vous. Adieu. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Ketteringham Park Mercredi 2 août 1848
Midi

J’ai eu votre lettre à 10 heures en sortant de la prière. Je m'afflige, mais je [ne] me plains pas de sa tristesse. Ni Montaigne, ni Pascal, ni La Bruyère, ni personne n'a dit la moitié de ce qu’il y a à dire sur les contradictions et les incohérences dont notre cœur est plein. Les livres sont toujours, si au-dessous des personnes, et les paroles des réalités. J'en reviens à ce que je vous disais hier matin ; si nous nous étions toujours tout dit, si nous nous disions toujours tout, nous éviterions bien des chagrins, et nous supporterions bien mieux, ceux que nous n'éviterions pas. Voulez-vous que nous essayions une fois de nous dire tout ? Cela se peut-il ? J’ai fait mon voyage sans accident. Sauf un peu de pluie qui pénétrait dans les glaces mal jointes des voitures de seconde classe du railway. Car je me suis mis dans une voiture de seconde, classe très passable d'ailleurs. J’ai trouvé que plus d’une livre, pour cinq personnes était une économie à faire. M. Hallam et sa fille qui venaient par le même train se sont un peu étonnés. Mais c’est un étonnement qui ne me nuit pas. Je suis ici dans une bonne et grande maison de Country gentleman. Sir John est parfaitement content de deux choses, de sa maison et de me la montrer. Orgueilleux d'être anglais. Orgueilleux de descendre d’un Français. Des souvenirs de France étalés avec une complaisance affectueuse au milieu des conforts d'Angleterre. Et au bout de la pièce d’eau qui orne le parc, un pavillon portant mon nom. Whig, et whig plus vif que je ne croyais, il me pardonne tout puisque je lui fais le plaisir d'être son cousin. Mais il veut me réconcilier avec Lord Palmerston. Il m’en a dit hier tout le bien imaginable.
Vous avez raison ; l'Angleterre est heureuse. Tout lui tourne bien. Mais elle a droit d'être heureuse, car elle se conduit bien. Je ne connais pas de justice plus complète que celle de Dieu envers l’Angleterre à propos de l'Irlande en ce moment. L'Angleterre fait honnêtement sensément, courageusement depuis 30 ans, tout ce qu'elle peut pour soulager les maux de l'Irlande, les maux qu’elle lui a faits depuis 300 ans. Elle n'y réussit guères. L'Irlande reste pour elle, un fardeau énorme, une plaie hideuse. Et en même temps que l’ancien crime est puis le bon vouloir actuel est récompensé. L'Irlande ne vient pas à bout de devenir, pour l'Angleterre un danger. La bêtise irlandaise vient en aide à l'impuissance de la sagesse anglaise. Le volcan gronde toujours et n'éclate jamais. Il faudra un temps immense à l'Angleterre bien intentionnée pour guérir le mal et se guérir elle-même du mal de l'Irlande. Mais elle y réussira, si elle en a le temps, et j'espère que Dieu le lui donnera, car elle le mérite. Plus je regarde cette société-ci, plus je lui porte d'estime, et lui veux de bien. Il y a dans la maison., M. Hallam, son fils et sa fille, un dean d'Ely et sa femme. On attend demain l’évêque de Norwich, et je ne sais combien de Stanley. Nous étions déjà 21 ce matin à déjeuner. J’écris à lord Fritz-William pour décliner son invitation. J'attends impatiemment des nouvelles d'Italie. Il est clair qu'entre Autrichiens et Piémontais la mêlée est vive, et qu'aux dernières nouvelles il n’y avait point de vainqueur. Je ne connais rien de plus ridicule que cet immense bruit que font partout les Italiens, laissant d'ailleurs le Roi de Sardaigne à peu près seul aux prises avec l’Autriche. Et si le vieux gouvernement Autrichien avait eu la moitié de l’énergie de son vieux maréchal Radetzky, il aurait certainement réprimé un mouvement si superficiel quoique si général. Je doute beaucoup que Cavaignac ait inventé et suive, dans cette affaire italienne la bonne politique que vous faisiez si bien l'autre jour. Adieu. Adieu. La poste part d’ici à 3 heures, après le luncheon, on ira se promener. Il ne pleut pas. Le pays n’est pas joli. Mais au dessus de beaucoup de navets, il y a beaucoup d'arbres. C’est bien Wymondham. Adieu. Adieu. On n'a pas encore ici le Times de ce matin. Tenez moi bien au courant de votre santé. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond 8 août 1848, Mardi
Midi

Mon fils a longtemps causé hier avec Tallenay. Celui-ci lui a dit qu’il n'y avait un jusqu’ici que de la conversation avec Palmerston. Le désir de s’entendre, le désir comme d’éviter la guerre, & d’offrir la médiation commune que cependant les prétentions de l’Autriche étaient telles qu'il était fort douteux qu'on puisse les présenter, & que lui Tallenay ne croyait pas du tout à la réussite ni de l’entente ni de la médiation. Et il y croyait moins encore depuis l’article du National que je vous ai envoyé hier, & qu’il regarde comme officiel. Tallenay ayant appris que Marast devait le remplacer a fait comprendre à Paris qu'il ne le souffrirait pas. Que s'étant chargé de les représenter dans un moment où ils n’avaient rien d’honorable & de convenable à envoyer, ni il était en droit d’attendre des égards. Qu'il concevait que lorsque les relations seront établies régulièrement on tient à avoir ici une bonne politique considérable. Mais que c’était lui qui devait rester jusqu'à ce moment, c.a.d. lui faire reconnaître la république. Il a ajouté que d’après ses lettres de Paris, on se conformerait à cela. Montebello a vu des lettres de Paris. Flocon a dit que dans 6 mois personne ne voudrait plus de la République. Cause perdue. Vous voyez comme l’Assemblée nationale s'échauffe. Le rapport sur l’enquête a fait un grand effet. Beaucoup de lettres menaçantes anonymes. Enfin cela va devenir gros. La déclaration de Palmerston hier au Parlement est quelque chose. Cela prouve le travail commencé. Mais il me parait impossible qu’après de si éclatants succès l’Autriche se contente de ce qu’elle demandait lorsqu'elle était en mauvaise situation d’un autre côté comment la France pourrait-elle faire moins qu'assurer la Lombardie à l'union italienne. Ici l’opinion sera un peu combattu. Mais en toute justice peut-on imposer à l’Autriche des sacrifices quand c’est elle qui a été attaquée, chassée, & que c’est elle qui triomphe ! Quel dédale. Et puis Francfort ! Et puis Berlin. ¨Pas d’hommage le 6. Ainsi un commencement de résistance à la volonté de Francfort. Que de choses à nous dire, que de raisonnements à perte de vues ! Comme vous êtes loin ! J’attends votre lettre ; je n'ai rien à vous dire de nouveau que ce qui précède. Ma santé est comme vous l'avez laissée. Je crois que mon fils part demain. Adieu. Adieu. Voici le National. Curieuse.

3 heures. Voici votre lettre. Vous me paraissez être in a perplexing state cela m'inquiète aussi. Vous serez probablement très mal à Cromer sans aucune ressource. Pourquoi ne pas revenir ? La mer du nord est la moins bonne pour les bains de mer. S'il les faut absolument allez donc les chercher sur la côte méridionale. St Leonard, Hastings, Weymouth, si vous ne voulez pas de Brighton. Encore plus chaud. Mieux civilisés. Enfin je ne trouve pas qu’il y ait beaucoup de good sens dans tous vos projets. Pardonnez-moi de croire que si je m’en mêlais cela serait mieux. La presse a reparu hier, je l’ai reçu, pas lu encore. Les Débats se moquent très joliment d’un nouveau journal de l’Etat qu’on veut mettre au monde.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond le 10 août 1848 Jeudi
midi

Lord John était très préoccupé de l’Allemagne surtout. Qu’est-ce que veut dire cette immiscion dans les affaires d’Italie ? Cette guerre au Danemark ? Ces prétentions sur le Limbourg de quoi se mêle Francfort ? Mais ni nous, ni la France, ni la Russie, ni la Prusse probablement ne peuvent le permettre. Nous espérons dans Wessemberg qu'il ait un esprit sage. Quand au Pce de Linange sa nomination nous déplait fort. La Reine est très fâchée. Nous pouvons être dans le cas de faire très mauvais ménage avec son frère. Sur l’Italie, il m’a donné à entendre que la médiation de la France & de l'Angleterre aurait pour base l'Adige. Mais d’un côté il ne sait pas si l’Autriche voudra s’en contenter après les victoires de Radzki, de l’autre il ne me semblait pas très sûr de la France qui a proclamé l’indépendance de l’Italie toute entière. Ensuite, il me dit quoique Cavaignac & Bastide. parlent dans le meilleur sens, on n’est cependant jamais très sûr du même langage deux jours de suite. Enfin il n’était pas très stons en fait de confiance, mais certainement extrêmement anxious d’éviter la guerre. On va faire venir la Reine à Londres pour un conseil où on reconnaitra la république française, et elle recevra. Talleney. Il m’a dit, " et vous aussi vous avez dit que vous reconnaîtriez." Je n’en sais rien. Le Morning Chronicle annonce ce matin que Gustave de Beaumont est nommé ministre à Londres. Ce serait du Thiers n’est-ce pas ? Voici une lettre du duc de Noailles. Renvoyez la moi après l'avoir lue. Constantin m’écrit : " Si l'armée allemande entre dans le Lettland nous intervenons et la guerre en est la conséquence. Que fera la Prusse ? Se soumettra-t-elle à Francfort ? S’exposera-t-elle à voir ses provinces envahies par notre armée ? Ou se joindra-t-elle à nous qui seule pouvons la soutenir et la rendre à son honneur national. " Les réponses de Lord Lansdown à Stanley semblent équivalentes à l’aveu que la flotte anglaise s'opposera de force à l'envoi des troupes napolitaines, contre la seule ses réponses confirment aussi de tous points ce que Lady Holland vous avait dit. Quelle conduite ! Lisez le leading article du Times ce matin, admirable. Que de topics, sur lesquels nous aurions à parler à perte d’haleine. Quel dommage, quel dommage d’être si loin. Votre petit mot ce matin est bien court. J'espère mieux demain. J'ai déjeuné hier chez la duchesse de Gloucester, bonne femme. Adieu, adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Ketteringham Park Vendredi 11 Août 1848,
Onze heures

Tallenay n'a pas réussi à se faire laisser l’honneur de la reconnaissance de la République. Gustave de Beaumont est un honnête homme et un gentleman. Plus de mouvement d’esprit que d’esprit, modéré d’intentions et emporté de tempérament. Point Thiers du tout. Opposé à Thiers, autrefois, quand ils étaient ensemble dans l'opposition. Rapproché de lui aujourd’hui par la nécessité, mais au fond méfiant et hostile. Un des plus actifs de la tribu Lafayette dont il a épousé la petite-fille.
On dit à Paris que Tallenay est rappelé pour m’avoir salué et dit bonjour dans la rue, ce qu'il n'a pas fait. Je serais étonné si Gustave de Beaumont, me rencontrant, ne le faisait pas. Puisque la médiation commune a lieu sérieusement, je penche à croire qu’elle réussira, au début du moins. Les embarras et peut-être les impossibilités viendront après. L'Italie ne sera pas réglée. Mais la République y aura gagné d'être reconnue, et l'Angleterre d'avoir engagé la République dans la politique pacifique au moment de la crise.
Je reviens à ce que je vous disais hier, je crois ; le Président Cavaignac sera une seconde édition du Roi Louis-Philippe. Résistance et paix. Avec bien moins de moyens, de se maintenir longtemps sur cette brèche, où il sera bientôt encore plus violemment attaqué. Ce qui est possible, ce qu'au fond de mon cœur je crois très probable, c’est que les trois grosses révolutions de 1848, France, Italie et Allemagne n'aboutissent qu'à trois immenses failures. Pour la France et l'Italie, c’est bien avancé. L'Allemagne trainera plus longtemps, mais pour finir de même. Grande leçon si cela tourne ainsi. Mais le monde n’en sera pas plus facile à gouverner. Excepté chez vous, l'absolutisme est partout aussi usé et aussi impuissant que la révolution. Et il n’y a encore que la société anglaise qui se soit montrée capable d’un juste milieu qui dure. Je suis dans une disposition singulière et pas bien agréable ; chaque jour plus convaincu que la politique que j’ai faite est la seule bonne, la seule qui puisse réussir et doutant chaque jour d'avantage qu’elle puisse réussir. La lettre que je vous renvoie est très sensée. Je vous prie de la garder. Je vous la redemanderai peut-être plus tard. Si c’est là une chimère, c’est une de celles qu'on peut poursuivre sans crainte car en les poursuivant on avance dans le bon chemin.
Savez-vous notre mal à tous ? C’est que nous sommes trop difficiles en fait de destinée. Nous voulons faire, et être trop bien. Nous nous décourageons et nous renonçons dès que tout n’est pas aussi bien que nous le voulons. J’ai relu depuis que je suis ici, la transition de la Reine Anne à la maison d’Hanovre, et le ministère de Walpole. En fait de justice, et de sagesse, et de bonheur, et de succès, les Anglais se sont contentés à bien meilleur marché que nous. Ils ont été moins exigeants, et plus persistants. Nous échouerons tant que nous ne ferons pas comme eux. Je vous envoie avec votre lettre un papier anonyme qui m’arrive ce matin de Paris, par la poste. Les Polonais sont aussi mécontents de la République que le seront demain les Italiens. Je suppose que l’un d’entre eux a voulu me donner le plaisir de voir que je n'étais pas le seul à qui ils disent des injures. La grosse affaire à Paris, c’est évidemment le rapport de la Commission d'enquête. De là naitra, entre les partis, la séparation profonde qui doit engager la lutte définitive qui doit tuer la République. Dumon m'écrit : « Si je trouve Londres trop triste, j'aurais assez envie d'aller attendre à Brighton le jour où nous pourrons rentrer en France, le jour me semble encore assez éloigné. C’est déjà bien assez pour Cavaignac d'avoir à mettre en jugement les fondateurs de la République sans qu’il se donne l’embarras de mettre en même temps hors de cause les ministres de la monarchie. » Tous les procès à vrai dire, n'en font qu’un et il n’est pas commode à juger. On l’ajournera, tant qu’on pourra. Adieu.
J’aurai demain votre lettre à Lowestoft. Je pars à 4 heure. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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[?] and [?] La pauvre et chère reine m’est plus que jamais respectable & admirable à Claremont par la manière dont elle porte son malheur. Voilà la vraie chrétienne selon Dieu. De tous temps je me disais que si nous nous étions connues nous nous serions calmées et convenues ; envisageant la vie de famille et la vie sur cette terre de la même manière, nos cœurs, se seraient compris. La Duchesse d’Orléans est elle bien ou mal avec elle. Voilà par contre un caractère qui ne m’aurait jamais convenu." J'ai fait parvenir à Claremont par Montebello ce qu’elle me dit sur la Reine et que je trouve charmant.
Longue lettre de Constantin. Francfort défère à la Prusse, l’arrangement avec le Danemark mais il le fait avec des restrictions et des détails qui rendent l’œuvre difficile. Le Roi et l’archiduc se rencontrent aujourd’hui à Cologne. Le Roi étant chez lui cèdera le pas à l’archiduc. On ne se promet à Berlin rien de bon de l’entrevue. Le Comte Ernest Stakelberg que vous avez souvent vu chez moi est à Paris & a été chez Cavaignac. Très bien accueillie par lui. Qu’est-ce que cela veut dire je n'en sais rien. Mais évidemment nous nous rapprochons. Il est clair que si la France pense comme nous et l'Angleterre : sur le Danemark nous devons être être bien avec elle pour agir moralement avec elle. Que veut dire le paragraphe dans le National ou il est question du dernier ministre de la monarchie. Comment seriez-vous dans l’enquête ? Cette enquête va être une bien grosse affaire. Le parti de la rue de Poitiers semble bien déterminée à tout savoir. La Montagne se joint à ce parti là, car Louis Blanc & Caussidière aiment mieux avoir des camarades que rester seuls. Deux heures. Votre lettre d’hier m’arrive à l'instant ; Pas de réponse car elle ne me fournit rien. Votre rhume passe, j'en suis bien aise. N’allez pas imaginer de vous baigner dans la mer ; à nos âges cela est mauvais. Je vous prie ne faites rien de nouveau. Le Tolstoy de Paris est arrivé à Londres & me l’annonce. Je le verrai ici. Il sera assez mieux à entendre. Adieu. Adieu.
Voilà que le National m’est enlevé. Je découperai demain l’article dont je vous parle. Adieu. J’ai aussi une longue lettre de Hugel de Houzard vous l’aurez demain, je l'ai à peine lue. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond le 17 août 1848

Une charmante lettre. Celle d'hier si charmante et élevée que je veux l'envoyer demain à l’Impératrice, telle quelle, par courrier. C'est le jeune Stakelberg qui est à Paris, & voici l’histoire. Il a été l’automne dernier à Alger. Il a fait un rapport qui a fort intéressé chez nous à la suite de cela on l’a nommé agent militaire à Paris, avant la révolution, ainsi auprès de vous. Quinze jours après, arrive la République, il n’a pas été révoqué, & réside maintenant à Paris dans cette capacité. Voici maintenant l’histoire de Kisseleff. Il a reçu l’ordre formel de quitter lui et toute l’ambassade. Il ne devait plus rester à Paris que Speis le consul général & Tolstoy qu’on attachait pour la forme au Consulat. Cet ordre de départ était signé par l’Empereur lui même il portait la date du 10 Mars. A l’époque où il parvient à Kisseleff, les révolutions de Vienne & de Berlin avaient eu lieu, & changeaient visiblement notre situation, puisqu'au lieu de nous tenir serrés avec nos alliés Autriche & Prusse comme nous le voulions & le désirions, nous restions absolument seuls. Kisseleff a représenté que, selon lui, cela modifiait tellement notre situation, qu'il regardait comme un devoir d’attendre, d’autant plus qu’entre les préparatifs de départ, les soucis à donner aux Russes, le bon effet que pourrait avoir encore sa première pour empêcher une trop vive explosion pour la Pologne. Il devait s’écouler peut- être 18 ou 20 jours. Que de nouveaux ordres pourraient lui arriver en conséquences de ces observations et qu’il attendrait jusqu'à une certaine date. Coup pour coup, il reçoit approbations de sa conduite & l’ordre de rester comme par le passé, mais en se dépouillant de son titre. Tout ceci m’a été conté hier par Tolstoy c’est fort bien expliqué et nous avons eu raison, & Kisseleff avait eu du courage. Tolstoy dit comme tout le monde qu'on veut la monarchie qu’on déteste la république. Mais voici la drôlerie, il y a une république et pas de républicains et on veut une monarchie seulement il manque un roi. Où le prendre ? Personne ne le dit.
Combien de choses nous aurions à nous dire ! J'ai un chagrin aujourd’hui. La Revue rétrospective nomme l’affaire de Mad. Danicau Philidor. Le nom y est. Evidemment on tient davantage car voici un renvoi.

Cette note si elle est étrangère à l’affaire, Petit ne l’est pas comme on le verra par son post-scriptum au trafic de places, et prouve que sous ce rapport il y avait résistance de la part de M. Lacave Laplagne à laisser faire de M. Guizot.

Adieu. Adieu.
Le temps ne s’arrange pas. Il est atroce, on a bien de la peine à ne pas être malade. Quand vous vous promenez prenez garde à la marée, ne vous laissez pas surprendre pas elle. J'ai peur de tout quand vous n'êtes pas sous mes yeux. Hier Lord Palmerston a donné à dîner à M. Beaumont. Les convives les Granville, les Shelburn, les Holland, les Janlyce, Henry Granville very well, mais dans tout cela le maitre de la maison aura manqué car à la longueur de la séance hier il est impossible qu'il ait dîné. Je n’ai pas lu encore la discussion. On la dit très curieuse. Je ne sais pas d’une manière positive si Naples a fait faire une déclaration. Mais ce que je sais pour sûr c’est qu’on a conseillé au roi de tenter l’expédition pour mettre la flotte Anglaise au défi de s'y opposer. A propos de Kisseleff, j'oubliais de vous dire que Normanby l'a mis en contact avec Cavaignac, & qu'il va quelques fois chez lui. Toujours très bien reçu ; mais privatly.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Lowestoft Lundi 21 août 1848
Midi

Mauvais jour. Pas de lettre et une violente tempête. Vous n'aurez que du petit papier. J’ai passé ma matinée à lire une immense discussion de la Chambre des communes sur Vancouver Island. Un vraiment très beau discours de M. Gladston. Peu agréable pour Lord Grey. Il est en bien grand déclin. Vous ne regarderez jamais à Vancouver Island. Il y aura pourtant là un jour un grand Empire... Anglais ou Americain. C'est là la question This is a great subject, dit M. Gladstone the small begining of a great subject. As Wordsworth our greatest modern pact said : " The boy is father to the man." Le discours est tout-à-fait beau, et a eu un grand succès. Ch. Buller a défendu lord Grey, spirituellement et sensément mais petitement. Je n'ai rien de mieux à vous dire. Si vous étiez là, nous parlerions de tout. Qu’y avait-il donc de si charmant dans ma lettre du 16 ? Je ne me rappelle que quelques phrases sur l'Impératrice qui en effet pourront lui plaire. Les siennes m’avaient beaucoup plu.
Voilà donc l'Empereur rentré à Vienne. Comme les choses qui se ressemblent le plus se ressemblent peu ! Tout le monde a dit que c’était une seconde édition de la fuite de Varennes. Mais ici le retour est une fête. L’Autriche est encore bien monarchique, son histoire est la seule belle de ce moment. L'archiduc Jean à Francfort et Radetzky à Milan. M. de Metternich doit être bien content que cela soit fait, et un peu triste de ne l'avoir pas fait. Pas plus de nouvelles, ce matin de Paris que de Londres. Je ne suppose pas que le débat sur l’enquête ait pu commencer aujourd’hui. On attendra la fin de la distribution des Papiers. Les journaux anglais traitent le Général Cavaignac aussi bien que les journaux français Lord Palmerston. De part et d'autre, on s'amadoue. On a raison. Adieu. La tempête ne se calme pas. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Lowestoft samedi 26 août 1848
4 heures

Je suis de l'avis de Montebello. Je crois que le gouvernement Cavaignac choisira pour le rouge s'il est absolument forcé de choisir. Et le jour viendra où il y sera forcé. Mais de part et d’autre on s'efforcera de reculer ce jour. Personne n'a assez d'envie de gagner la bataille pour l’engager volontairement. Je ne m'accoutume pas à la pusillanimité des honnêtes gens. Ce n’est pas faute d'expérience. Certainement je n'ai pas cru aux révolutions de Pétersbourg. Et je crois que si l'Empereur aime mieux la république que la Monarchie constitutionnelle, c’est qu’il la croit moins contagieuse. Il penserait autrement s’il était le voisin des Etats-Unis. Et s’il avait raison dans la préférence que vous dites, et que vous êtes tentée de partager Cavaignac et Marrast auraient raison. Car renoncez à Louis XIV. On refait encore bien moins Louis XIV que Napoléon. Si nous n'avions d'autre alternative que Louis XIV ou la confusion permanente, je me ferais moine. Il me faut de l'avenir, dans ce monde et dans l'autre.

Dimanche 27
8 heures

J’ai eu hier au soir quelques mots de Paris qui me prouvent qu’on y est de nouveau et sérieusement inquiet. Inquiet d’une nouvelle bataille dans les rues. La république rouge ne veut pas accepter sans mot dire la politique qui accepte la déroute Italienne, ni l'ordre du jour motivé, quel qu’il soit, qui terminera le débat de l’enquête. Elle veut protester et sa protestation, c'est l’insurrection. Cavaignac la battra, nul doute et la victoire l'affermira pour aujourd’hui, mais l’usera pour demain. Le voilà engagé dans le défilé où la Monarchie de Juillet a péri, entre deux feux et deux feux bien plus étendus, bien plus ardents qu’ils n'étaient contre elle. Et il n’a pas comme elle, de qui se défendre longtemps. La Monarchie de Juillet s’est défendu avec deux armes ; par la prospérité du pays, par l'opinion, généralement accréditée, qu’elle était réellement la fin des révolutions. La république n’a ni l’une ni l'autre. Je persiste dans mon avis. Ce sera plus long que ne croient les badauds et moins long que les gens d’esprit, comme vous et moi, ne sont quelques fois tentés de craindre. Je vous envoie les impressions qui m’arrivent de Paris et mes raisonnements sur les impressions en attendant samedi.
Tempête hier, mauvais temps aujourd’hui. Je vais faire ma toilette pour aller au sermon. Je suis correct ici. Je vais au sermon tous les dimanches. Une heure Je suis désolé que vous ayez eu deux mauvaises heures. Ce n'est pas ma faute. Il est impossible d'être, en fait d’exactitude, plus minutieusement soigneux que je ne suis. Comment ne le serais-je pas ? J'ai tant besoin de votre exactitude à vous ? Elle est parfaite aussi. Je trouve que nous ne nous remercions pas assez de nos vertus mutuelles. Nous souffririons tant de nos défauts ! Enfin samedi prochain, nous n'aurons, ni à nous remercier, ni à nous plaindre.
C'est le lundi qui est mon blank day à moi. On distribue ici les lettres le dimanche. La lettre de Sabine est drôle et aimable. Je commence à être assez frappé de ces rumeurs sur Henri V. Non pas que je croie à aucun résultat prochain. Si l'explosion est prochaine. Henri V y périra, comme Louis Bonaparte a péri. Le produire aujourd’hui, c’est le détruire. Mais si on continue à parler de lui sans le lancer dans l’arène, s’il apparait de plus en plus, mais dans le lointain, il prendra du corps et grandira. Et la fusion, aujourd’hui chimérique pourrait bien devenir possible. Elle sera possible le jour où tout ce qu’il y a de monarchique en France verra là, la seule chance de salut. Ce jour-là, tout le monde se réunira pour imposer la fusion à qui de droit et de bonne ou de mauvaise humeur, on l'acceptera sans grande résistance. On y verra aussi son salut.
Avez-vous écrit dernièrement au voyageur pour la fusion ? Je pense très bien de Montebello et je suis bien aise que vous en pensiez très bien, le connaissant comme vous le connaissez à présent. Faites-lui je vous prie, mes amitiés savez-vous pourquoi Morny est revenu à Londres ? Savez-vous aussi, ou pourriez-vous savoir, si Lord Palmerston connait un M. Rothery, dont vous m’avez peut-être entendu parler, et avec qui M. Dumon est très lié ? C’est un proctor que le foreign office a quelques fois employé, du temps de Lord Aberdeen. Il vient de m’écrire qu’il partait subitement pour Madrid, m’offrant de se charger de mes commissions pour Paris. Il me dit : you will doubtless be surprised et my suddon determination to start for so turbulous a country as Spain, et ne me dit pas du tout pourquoi. Je serais curieux de savoir si c’est Lord Palmerston qui l'envoie. Il fait faire assez souvent sa diplomatie incorrecte par des voyageurs, et celui-ci est intelligent. Vous avez vu que M. d’Haussonville m’avait demandé un programme de ce qu’il devait dire, voulant écrire sur notre politique extérieure. Voici ce que je lui ai répondu. Gardez-moi cette copie que j'ai gardée pour moi. Je crois qu'il est maintenant possible et utile de dire en France ces choses-là. Ne faites usage de ceci que pour vous, à cause de M. d’Haussonville. Adieu. Adieu.
Je suis bien aise que vous n’ayez pas eu besoin de m'envoyer votre homme pour savoir si j'étais vivant. Mais s’il était venu, je l’aurais embrassé. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Lowestoft. Lundi 28 août 1848
Une heure

Mes journaux mont manqué, Hier. Je n'en ai point aujourd'hui. Cela tombe mal. Je suis pressé de savoir ce qui s’est passé Vendredi et Samedi à Paris. Le Times de samedi ne me dit à peu près rien.
Je suis bien aise que les Princes aient fait bien parler d’eux à l'occasion de cette horrible aventure de l'Ocean monarch. Ils ne manqueront jamais à ces occasions-là. Ils ont du courage et de l’humanité. Evidemment la République veut avoir une Affaire avec les Légitimistes. Elle les poursuit et les provoque. Ce serait à eux une bêtise et une duperie impardonnables de s’y laisser prendre. Il faut qu’ils aient leur part dans les souffrances, et les griefs des toute la France, mais point de souffrances à eux particulières, sous leur propre nom. Ce qui les distingue les perd. L'abbé Genoude leur a déjà fait bien du mal. Je ne lis plus sa Gazette de France. Peut-être vaut-il mieux pour le parti qu’elle soit supprimée ?
Je vois que la Reine va en Ecosse, à Aberdeen. Je ne suppose pas qu'elle aille à Haddo. Ce serait plus hardi, envers ses ministres actuels, qu’elle ne se le permet d’ordinaire. Je n’ai pas de lettre de Lord Aberdeen depuis la publication de sa lettre. Il me doit une réponse. Il ne se pressera pas. Je ne suis pas fâché que vous lui ayez dit quelques mots de vérité. Que d'avantages il aurait sur Lord Palmerston s’il le prenait avec lui de plus haut et plus agressivement. Je n’ai pas la plus petite nouvelle. Et plus j'approche de la conversation, moins je me contente de la correspondance. Ce qui fait que je ne vous dirai rien aujourd'hui. Je pars Vendredi à 9 heures et demie Je dois être à Londres vers 5 heures, et à Brompton entre 6 et 7. Adieu. Adieu.
J’espère que je ne vous trouverai pas souffrante. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Lowestoft, Mardi 29 août 1848

Il se peut que le résultat pratique de la séance de l'Assemblée soit bon. Mais l'effet est pitoyable. Mon impression est que de la part de tout le monde, c’est une comédie, et que gouvernement, commission, opposition, insurrection, modérés, rouges, tous se sont entendus ou mutuellement tolérés, pour se tirer tous ensemble d'embarras. Voici les trois faits qui me frappent. L’intervention soudaine et évidemment concertée du Gouvernement pour couper court au débat politique, en y substituant une poursuite judiciaire. Le silence absolu de la commission, et de tout le parti modéré dans le débat politique. La poursuite judiciaire elle-même réduite à rien par le vote qui met Caussidière hors de cause pour le 23 Juin. Personne n’a voulu d’un vrai combat. Les modérés ménagent Cavaignac. Cavaignac ménage les Républicains. Les Républicains se ménagent eux-mêmes. Ce n’est pas grand. Il n’y a que deux grandes choses en politique, le bon gouvernement ou la passion forte. Ni l'une, ni l’autre n'est là.
Le voyage de Montalivet me frappe beaucoup. Il est évidemment venu pour dire à Claremont ce que vous me dites des progrès de la fusion. Je suis curieux de ma première conversation avec le Roi. Si le mal dure et s’aggrave, si les légitimistes ne se perdent pas par une explosion prématurée, cette solution qui n'a d’autre défaut que d'être chimérique, pourrait bien devenir la suite possible et arriver un jour naturellement, comme une chance unique et nécessaire. Je ne me lasse pas d’y penser. Votre bulletin est très intéressant, et je vais l'envoyer à Lord Aberdeen. J’ai eu des ses nouvelles hier au soir. Infiniment amical. Pas un mot de sa lettre dans le Times.
Assez préoccupé des couches de Madame la duchesse de Montpensier et du débat qu'elles ramèneront à la prochaine session du Parlement. Je reviens à Paris. Je parie que Louis Blanc et Caussidière ne seront pas arrêtés et qu’il y aura, à la promulgation de la Constitution, une amnistie où ils seront compris, comme moi. Le débat, sur la constitution commence après-demain. C'est l'affaire de quelques semaines. On m'écrit de Paris que l’ordonnance de non lieu pour notre procès est rédigée et remise au gouvernement qui la garde. J’ai toujours cru et je crois de plus en plus à la conclusion par l’amnistie générale.
Les bravades Italiennes recommencent. Ils n'en seront pas plus braves si on en revient à la guerre. Mais ce sont des embarras de plus pour la médiation. J'admets les hypothèses les plus favorables, l’ordre rétabli en France, en Italie, en Allemagne, la banqueroute (je veux dire the failure) de toutes les révolutions ; il n'en restera, pas moins de tout ceci, un grand mouvement en Europe, et de grandes difficultés, de plus pour les gouvernements.
Que de choses à nous dire en attendant ! Et après ! J’aime mieux aller dîner avec vous samedi. Nous aurons plus de temps. J’arriverai à 2 heures si les heures du chemin de fer ne sont pas changées. Cela vous convient-il ? Il y a un temps d’arrêt et une attitude générale d’hésitation en Allemagne. Je rabâche. Les hommes sont toujours assez fous pour commencer toutes les folies. Plus assez pour les pousser jusqu'au bout. Je n’en entrevois pas mieux la solution de la question allemande. On n'ira pas où l’on dit. On ne reviendra pas où l'on était. Cet avenir-là est plus obscur que menaçant. Adieu. Adieu.
Demain je dirai après-demain pour partir. Après-demain je dirai après demain pour tout de bon. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton Samedi 23 Sept. 1848
Une heure

Je trouve l'état de Paris très grave. Si Cavaignac recrute son ministère à gauche, les communistes entrainent avec eux le gouvernement. S’il le recrute à droite, les Communistes attaqueront très vite le Gouverne ment. Et Louis Bonaparte à travers tout cela, principe de désorganisation dans la droite et dans la gauche. La crise, au mieux les crises, vont se précipiter. Beaucoup de légitimistes et de conservateurs ont voté pour Louis Bonaparte, par désir de brouiller, et d'en finir. Tout le monde est plein d'humeur, d’aigreur. Avant l'élection Benj. Delessert était allé voir Thiers pour se remettre bien avec lui, et lui demander son appui. Thiers l’a très mal vécu : " Que venez-vous me demander ? Vous êtes un ancien conservateur. Ce sont les anciens conservateurs qui ont tout perdu par leur entêtement. Ils n'ont pas voulu me laisser arriver. Je n’ai rien à faire pour eux. " Vraie colère d'enfant désappointé.
Si Delessert est sorti furieux. Les conservateurs à qui il le raconte sont furieux contre Thiers. Les amis de Bugeaud spécialement furieux. Ils disent que Thiers n'a jamais rien fait et ne fera jamais rien pour lui, sinon de l’appeler indéfiniment l'illustre Maréchal. Ledru Rollin se croit déjà président. Lamartine se rapproche de nouveau de Ledru Rollin pour lui disputer la Présidence. Raspail veut qu’on fasse sortir Barbès et Blanqui de Vincennes avec lui.
Tout le monde, négocie avec tout le monde. Tout le monde se brouille, avec tout le monde. Chaos d'aveugles ivres qui ne savent plus même se servir de leur bâton pour se conduire, et s’en frappent les uns les autres à tort et à travers. Je ne sais d'où viendra la lumière qui y mettra fin, mais le chaos ne peut pas durer.
Le décret sur les biens du Roi, et des Princes est prêt. On dit qu'on le présentera la semaine prochaine. La propriété est reconnue. L’Etat garde l'administration, et alloue aux propriétaires peut-être un tiers, peut-être la moitié du revers, les dettes. payées. Si le Ministère tombe à droite le décret sera présenté en effet, et adopté. S'il tombe à gauche, on fera tout autre, chose, ou l'on ne fera, rien du tout. C'est plus commode et moins compromettant. Avant-hier, après mon départ, il y a eu une longue conversation entre le Roi et le Prince de Joinville. Grand remord, grand attendrissement de celui-ci. Il a beaucoup pleuré. L’intérieur était un peu remis.
La répression de Francfort fera de l’effet partout. C'est le 23 juin allemand. Le Prince Lichnowski et l’archevêque de Paris de ce 23 juin là. Adieu. Je voulais aller ce matin à l'Atheneum. Il pleut à Seaux. Je dîne chez M. Luckhart, Regents Park avec Croker qui est venu passer deux jours à Londres. De quoi donc est mort Lord George Bentinck ? Cela ne rendra-t-il pas plus facile à Peel de rallier le Conservative Party et de s'y rallier. Je ne crois pas du reste que Peel, y soit bien empressé. Adieu. Adieu. A demain, Holland House. J’y serai avant 5 h. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton Dimanche le19 Novembre 1848

Votre lettre de Drayton d'hier matin, m’est arrivée hier soir. C’est être très bien servi. Je suis charmée que vous abrégiez d'un jour ; je l’espérais. Cette lettre va donc vous attendre à Londres. Quand vous me direz le jour où vous voulez penser à Brighton, souvenez-vous que Lundi le 27 je ne serai pas libre le soir, car c'est un jour de fête dans la famille royale.
Andrieu est arrivé et demeure aussi au Bedford. Je le verrai sûrement. On dit que l'Angleterre l'ennuie à périr. Kielmannsegge me dit que Bruxelles est choisi pour le lieu des conférences italiennes. Le plénipotentiaire anglais est Lord Minto !! Et le Français Toqueville. Je ne sais qui sera l’Autrichien et l’Italien. Je trouve assez étrange ce choix de Bruxelles. Dans toute autre résidence il y aurait un ministre de Russie, qui pourrait prendre une part officieuse aux conférences. Là il n'y en a point. Il est possible que cela ait fait pour Palmerston un motif de préférer Bruxelles. Au reste je n’attache aucune valeur à ce congrès. C'est de la pure comédie. Il n’aboutira pas. C’est bien gros d’avoir fusillé Bluhen à Vienne. Comment Francfort s'arrangera-t-il de cela ? A Berlin la conduite n’est pas assez énergique, ou bien elle l’a été trop. Comment laisser siéger l'Assemblée ?
J’ai vu hier un Rothschild Antony, il pense très mal de Berlin, & dit que rien ne pourra aller tant qu’il y aura le roi. A Paris l'on commence à croire que ce sera Cavaignac qui l’emportera, et on accuse entre autre le journal des Débats. Rothschild est convaincu qu'on lui a donné de l’argent. Un bel ami que vous avez là. Les propos de Beaumont de viennent beaucoup plus républicains et surtout Cavaignac. Voilà tous mes commérages.
Hier les Hollands chez la Duchesse de Glocester, c'était un peu plus animé que de coutume. On dit que Melboune est fini par la tête. Cela c’est bien triste. J’ai écrit à Lady Palmerston pour avoir de ses nouvelles. En attendant son fils William se marie après demain.
8 heures. Andrin est venu mécontent de Berlin, de ce que le gouvernement n’a pas assez de courage. Très content de Vienne. Disputant un sur Bluhen. Rien de nouveau. Tansky écrit en date du 17 que les chances sont toujours pour Bonaparte. Thiers sera bien président, Barrot à l’Intérieur, Bugeaud gouverneur de Paris et de toutes les troupes aux environs. Drouyn de Lhuis affaires étrangères. Walesky ambassadeur à Londres.
On fait beaucoup la cour à Jérome. Les grandes dames y vont. Madame de la Redorte joue. La duchesse de Mont[?] elle ne veut pas rencontrer les dames du nouveau régime. Mad Roger Ditto Mad. Thiers approuve. Tout cela est fort amusant. Tansky n’explique pas le journal des Débats. Quand me l’expliquerez-vous ? Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Drayton Manor Lundi 20 nov. 1848
Midi

Je viens de laisser partir Sir Robert, Montebello et Dumon qui vont voir des travaux de drainage. Peu vous importe de savoir ce que c’est. Dumon prétend que, dès qu’il aura cessé d'être un grand criminel, il ne veut plus être qu’un fermier. Moi qui suis décidé à rester toute ma vie un grand criminel, après comme avant mon procès, je ne me donne pas la peine d'apprendre l'agriculture. Je n’ai rien à vous dire.
Aujourd’hui ni lettres, ni journaux. Bonne conversation hier, soir avec Sir Robert, sur la politique intérieure comparée de nos deux pays. Je le laisserai certainement comprenant un peu mieux les choses et bien disposé pour les personnes. Je crois que, si je le voyais un peu longtemps, je gagnerais tout-à-fait son cœur. Nature honnête, réservée, shy, susceptible, très famille, et vie intérieure, esprit et corps toujours actifs. Lady Peel dit qu'il ne dort point, et qu’elle ne l’a jamais vu fatigué, de corps, ni d’esprit, assez sourd, ce qui contribue à sa disposition solitaire. Très heureux, et blessé de ce qui dérange son bonheur. Ne demandant à la politique extérieure que de ne pas déranger celui de l’Angleterre.
Je serai à Brompton demain à 3 heures. On voulait que je ne partisse d'ici que par le train d'une heure. Les Mahon, Dumon et Montebello s’en vont par ce train-là. Mais j’ai promis de dîner demain chez le baron Parke, chief justice. Il faut que j’arrive à temps. Je vous écrirai deux lignes en arrivant. Et puis je vous dirai à quand ma prochaine visite. J’aurai bien à faire d’ici à six semaines. Je vous dirai pourquoi. Je crois vous l’avoir déjà dit. Une nouvelle édition de deux premiers volumes de mon histoire de la révolution d'Angleterre. Une nouvelle préface. 20 000 fr. qui me viendront fort à propos. Sans compter ce que je viens d'écrire et où je veux retoucher. Je placerai pourtant bien Brighton dans tout cela. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton vendredi le 5 Janv.

Je dicte parce que mes yeux me font bien mal ce soir Lord Aberdeen est là - bien en regret de vous avoir manqué, et tout en train de vous rencontrer ici les premiers jours de la semaine après la prochaine - fixez moi le jour pour que je le lui mande & Ellice est venu aussi. Lord John Russel n’adore pas Lord Palmerston. Tous les ministres pensent sur son compte ce que nous pensons. Il est possible que Normanby soit nommé à l'université. Mais il n’y a rien de décidé encore. Que dites-vous de l’amiral Luille ambassadeur ici ? Je crois me souvenir que Vous aviez bonne opinion de lui. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton Mardi le 9 Janvier 1849

N'oubliez pas C. Greville pour un exemplaire français, et Metternich. J’ai peur qu'on ne trouve votre écrit trop sublime & trop long. C'est là mon impression et vous savez que je suis le public. Après cela j'ai si envie qu'on vous trouve toujours bien et parfait que ma prétention peut me rendre injuste. J’ai relu ce que vous m’avez envoyé hier c’est très très curieux. Vous verrez que Bonaparte se tiendra. A propos lady Palmerston approuve fort sa lettre à Malleville ; je vous envoie la dernière partie, la seule où elle parle politique. Je vais m’occuper de vos livres. S'ils étaient [?] je vous promets de vous mettre au régime.
8h. du soir
Des lettres à Marion disent que L. B. se lève de table très gai. Que l’assemblée est dans un grand état de fraction et d'anarchie ; que M. d la Redorte veut renverser le président et que M. de [?] a renommé à la place qu'il demandait en faisant dire au Président qu'il réservait son cœur et son épée pour Henry V. Le Président ayant rencontré M. d’Alton Shu chez la princesse Belgiojoso lui a tourné le dos et est sorti. Longue visite de Metternich. Il compte que vous lui enverrez votre bonheur et il travaille d'avance à des observations. Gardez la lettre de Constantin jusqu’à vote arrivée ici. Quel article dans le Times contre Palmerston. Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton Mercredi 10 Janv. 1849
une Heure

Pourquoi n’ai-je pas de lettre ce matin ? Ni la poste de 9 heures, ni celle de 11 heures, ne m'ont rien apporté. Je ne comprends pas pourquoi je n’ai pas de lettre. Si c'était vos yeux, Marion m’aurait écrit. Si c’était pis que vos yeux Marion m'aurait écrit aussi. Quelque bêtise de je ne sais qui ; un retard de dix minutes. Je suis très contrariée. Tout retard m'inquiète. J’espère bien avoir une lettre dans la journée. Lord Aberdeen est venu me voir hier. Il ne peut aller mardi à Brighton. Il est invité à Windsor précisément pour mardi jusqu’à Vendredi. Je ne le rencontrerai donc pas mardi. Ce sera pour une autre semaine. Nous avons beaucoup causé. Je l’ai trouvé en train et assez confiant : " Ou Lord Palmerston entraînera le Cabinet dans sa chute, ou le Cabinet laissera tomber Lord Palmerston." Il croit assez à des efforts tentés auprès de Peel pour obtenir qu’il donne ses amis. Il a vu hier Peel qui allait à Windsor. J’ai été assez surpris des perspectives à demi voilées que laissait entrevoir Lord Aberdeen. Mais je l'ai déjà vu ainsi. J’irai le chercher chez lui demain ou après demain.
Duchâtel sort de chez moi, m’apportant une lettre de Dumon assez sombre. La gauche a regagné du terrain auprès du président comme dans l’Assemblée. C’est la faute des Chefs du parti modéré qui ont démasqué beaucoup trop vite leurs batteries contre le président qu'ils avaient fait. On n'ira pas comme on est jusqu'aux élections. Ou Thiers, Molé et Bugeaud prendront le pouvoir, ou Cavaignac et des amis le reprendront. Du gré du président, qui paraît même pencher beaucoup plus vers ses adversaires électoraux que vers ses patrons gouvernementaux. Si cela arrive on retombera dans la nécessité des combats de rue et des coups d'Etat militaires ou populaires. Les Ministres actuels sont d’une malhabileté, d’une pusillanimité et d’une nullité choquantes. Léon Faucher a dit qu’il combattrait mon élection de tout son pouvoir : " C'est une réaction inacceptable. Notre cabinet est tout ce qui se peut en fait de réaction. " Molé, était allé le voir. Léon F. lui a fait dire qu’il ne pouvait le recevoir ayant à travailler. Molé a insisté. Léon F. l'a remis au lendemain, 8 heures du matin. Molé a répondu que c'était l'heure où il dormait le mieux. Voici les deux faits intéressants sur Molé. Il se dit dans la meilleure entente, dans la plus grande intimité avec Thiers : " Nous sommes deux frères. " Et il prêche Henri V et la fusion tandis que Thiers prêche la Régence. Il a beaucoup d'humeur de ce que je publie quelque chose et de ce que je veux me faire ou me laisser élire à l’Assemblée prochaine. Ce sont les deux résultats nets de deux conversations avec deux de mes plus sûrs amis. Voici un extrait d’une lettre qu'on me communique. C’est d’un homme d’esprit à un homme d’esprit. Je finis, comme j'ai commencé, par mon extrême ennui de n'avoir pas de lettre. Adieu. Adieu.

3 heures
Voilà ma lettre. Il n’y avait point de raison de retard. à la bonne heure. Je vais sortir tranquille pour aller voir C. Greville, qui m’a fait dire qu’il avait une cruelle attaque de goutte et ne pouvait sortir. Il a un exemplaire anglais et il en aura un français. J’attends le Français pour M. de Metternich. Au moment où on m’a remis votre lettre, M. le duc de Nemours est entré. Ce qui fait que je ne l'ai lue qu'au bout d’une demi heure. Très poli et amical. Visite sans motif que je sache. A moins que ce ne soit ma conversation d'avant hier à Richmond. Adieu, adieu. Un très bon adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton, 12 Janv.1849

Merci de m'avoir envoyé le billet de Lord Aberdeen. Certainement il me plaît beaucoup. Qu’y a-t-il de plus charmant que de la vraie amitié ? J'étais allé le voir hier et il m’avait laissé entrevoir ce qu’il vous a écrit. Je l'ai trouvé, sans qu’il en dît grand chose, très préoccupé de la situation d’ici. Il serait bien content, si Lord P. tombait aux trois quarts pour la bonne politique, un quart pour sa propre satisfaction. Au fond du cœur ; il l'espère un peu. Ce serait la petite pièce de la déroute qu'après leurs coup d’éclat de 1848, les révolutionnaires européens me paraissent destinés à subir en 1849. Flahault est venu me voir hier. Il venait chercher un exemplaire de ma démocratie. Nous sommes très bien ensemble. Bon langage sans effort, comme il arrive quand la conduite est bonne. Je ne crois pas qu'il aille à Paris. Il ne veut se montrer, à Louis B, ni malveillant, ni ami. Il m’a demandé deux ou trois fois, avec un peu de sollicitude : " Croyez- vous qu’il dure ? " J’ai toujours répondu que non. Il ne m’a pas paru qu’il en fût fâché. Je viens d'être interrompu par M. Hallam qui revient de Bowood. La mort de Lord Auckland a été un grand chagrin pour lord et lady Lansdowne. Ils ont prié la Reine de les dispenser d’aller à Windsor où ils étaient invités. Hallam croit à lord Normanby en remplacement de Lord Auckland, et à Bulwer à Paris. Grande joie pour Lady Bulwer, et sans doute aussi pour Lady Cowley. Même situation à Paris. Thiers et Molé font ce qu'ils peuvent pour hâter la dissolution de l'Assemblée. C’est leur seul moyen de sortir d’embarras. Nous verrons ce qu'aura été le débat. d’aujourd’hui. Je doute fort que la dissolution vienne assez vite pour que Thiers et Molé puissent se dispenser de prendre le pouvoir. La situation qu’ils ont faite à Louis B. et qu’ils se sont faite à eux-mêmes ne supporte ni une durée, ni une publicité un peu longue. Adieu. Adieu. Vous me direz si mon paquet de brochures vous est arrivé. Je me suis décidé à en envoyer une à chacun des Princes, quand même. J’aime mieux avoir tous les bons procédés. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton lundi 15 Janvier 1849

J'ai été très effrayée hier de mes yeux, heureusement aujourd’hui ils vont mieux. Je vois que l’assemblée va mieux aussi, et qu’elle consent à se dissoudre. Je serais assez curieuse de savoir ce qui s’est passé entre lord John & le parti Peel. En tout cas Si Palmerston ne devait pas être le prix de la coalition, je suis bien aise qu’elle n’ait pas eu lieu. Vous ne méritez guère cette lettre puisque la vôtre d’hier m'annonce cool [?] que vous ne m’en écrivez pas aujourd'hui. Bon sujet de querelle pour commencer demain. Adieu. Adieu. Cependant.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton Jeudi 18 Janv. 8h. du soir

Comme il fait nuit, il faut bien que je dicte. Voici deux lettres pour vous et voici un billet du Prince Metternich. Renvoyez-moi, celui-ci tout de suite je vous prie, je veux le faire passer à Hélène. On m’a répété aujourd’hui que Lord Palmerston nie absolument qu'il sache le première mot de l'expédition de Toulon. Il l’a dit formelle ment à lord Ashley avant hier. C’est singulier. J’ai porté moi-même vos cartes chez Delmar. Je n'ai pas encore vu mine host. Très belle journée dont j'ai profité. J'ai eu la visite des élégantes de Brighton. Lord Harry Vane will [?] the address in the house of Commons.
Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton lundi le 22 Janvier 1849

J’ai dicté ce que j’ai retenu d’une lettre reçue hier par la petite Rothschild. Elle dinait hier chez moi. On lui écrit pas courrier. Je ne sais rien aujourd’hui. On a des postes chez vous. Les livres que vous m'avez demandés. Dites-moi si c'est cela, s'ils vous conviennent, car ce n'est qu’à cette condition que j’ai dit que je les prendrais. 8h. J'ai été interrompue et puis la promenade et puis Metternich et puis tout le monde. Je ne puis continuer qu’à présent pas conséquent. C'est Marion qui écrit. Mme le Rothschild mande encore à sa fille ce matin que tous vos amis vous conseillent, de ne pas aller [ ?] de votre élection puis d’attendre qu’elle vienne vous chercher comme une réparation. Vous voyez que c'est de tous les côtes le même air. Cela doit être vrai. Lady Palmerston vient demain pour deux jours. Collondo est nommé ambassadeur ici. Lady Palmerston dit que le Pape est mal conseillé. Il ne veut per mettre à aucune puissance de se mêler de ses affaires. Sa lutte d'excommunication a produit un détestable effet à Lord Palmerston grille d'impatience de se défendre et la chambre des communes. Voilà tout ce que Lady Ashley est venue me raconter ce matin. Renvoyez-moi je vous prie la lettre de Barante. Metternich dit, qu'on le sommera encore de rendre-compte en Allemagne. Adieu. Adieu

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton Mardi 23 Janv. 1849

Voici une lettre du Maréchal Bugeaud qui me plaît, malgré un fond de mauvaise humeur, et qui vous plaira. J’ai reçu hier, par deux occasions de Paris et de Lisieux, un déluge de lettres. Piscatory, Mornay, Jayr, Cuvillier Fleury, Plichon & &. Je vous apporterai samedi, celles que je ne vous envoie pas. Pour votre amusement, je joins à la lettre du Maréchal celle de mon hôtesse qui ne contient pas grand chose mais qui vous fera rire. Plus votre lettre de Barante. Mes lettres de Lisieux sont bonnes quant à mon élection. Non que cela doive aller tout seul. J'aurai contre moi, les Républicains les Bonapartistes, des bêtes et des poltrons. Mais mes amis et tout le gros du parti conservateur sont décidés, en train, et se promettent de gagner la bataille, pour peu que les légitimistes les aident. Et les légitimistes promettent de les aider tout haut, Tout ce qui m’arrive me confirme dans ma résolution. C'est l’avis très décidé de Piscatory, à la vérité un peu piqué de son échec électoral à Tours et plus noir que jamais. " J’aurai besoin de le voir, me dit-il, pour croire que dans notre plat pays, il y ait des gens assez braves ou plutôt assez de gens braves pour vous assurer une majorité." Vos extraits des lettres de Mad. Rothschild sont très intéressants. Je crois de plus en plus à la prolongation de l'Assemblée. On grognera, on criera, on finira peut-être par la chasser violemment ; mais on ne commencera pas par là, et en attendant elle durera. C’est tout ce qu’elle veut, par peur et pour argent. J’ai eu tout à l'heure, de bon lieu, des nouvelles du cabinet d’ici. L'orage grossit contre Lord Palmerston. Le vent de Windsor souffle fort. Lord John est troublé. Il y a un cabinet council ce matin. On y parlera beaucoup d'affaires Etrangères. C’est Lord Palmerston qui a essayé de persuader à les collègues que l'expédition de Toulon avait pour but la Sicile, contre Naples. Il voulait. couvrir ainsi sa propre politique. Quelques uns l'ont vraiment cru. Cela tombe et Palmerston baisse. Il a raison de souhaiter le Parlement. Je ne sais si la toile levée lui sera bonne mais l’entracte ne lui vaut rien. Adieu. Que de choses nous nous dirions si nous nous voyions tous les jours? Adieu. Adieu. G. P.S. Mes livres sont arrivés ce matin. En très bon état; les vieux comme les neufs. C’est parfaitement ce que je désirais. Merci et Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton le 24 Janvier 1849

Mercredi Vos lettres sont intéressantes Bugeaud est un peu cross. Votre hôtesse me rappelle Mad. de Sévigné trouvant si bon air à Louis 14 qui lui avait adressé la parole à un spectacle à Versailles. Rien ce matin. Je reverrai Lady Palmerston. Elle critique Thiers. Il veut la régence. Il devrait plutôt aider le Président. Lord Brougham doit être arrivé hier à Londres. Il viendra sans doute ici. N'avez-vous donc pas entendre parler de Thiers depuis votre livre et sur votre livre ?

8 h. Lady Palmerston m’est restée bien longtemps. Si longtemps que j'ai à peine, le temps d’ajouter deux mots. Rien de nouveau. Lord Palmerston terrassera des adversaires. Il fera taire toutes les trompettes de le Europe. C'est vrai que rien n’a été fait, que rien n’aboutit. Mais la Sicile est à la veille de l'arranger. Et quand à la Lombardie, ni les Autrichiens veulent la garder, cela ne regarde pas l'Angleterre. Lord Palmerston croit qu’ils ont tort, mais ce n’est qu’une opinion lord Aberdeen est très monté et parle beaucoup contre son mari. Brunow est à Drayton. Il est venu le dire à Lord Palmerston en riant. Peel est toujours seul, il n’a pas un homme. Les Peelistes ont bien envie d'entrer aux affaires, mais ils n'ont pu de chef. Au demeurant tout va très bien. Les Holland se sont raccommodés. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton 25 janvier 1849

Votre lettre ce matin est très intéressante. Moi aussi j’ai bien appétit de causeries avec vous. Nous en aurons à peine. Ne pourriez-vous pas rester encore Lundi ? Que ce serait charmant ! Si vous trouvez trop dur de rester un jour de plus avec moi, voulez-vous ne venir que dimanche cela me déplaira, mais j’aime mieux le Lundi seul que le Samedi divisé. Ou bien encore persistons dans le samedi et voyons comment nous nous en tirerons. Je serai équitable et je ne vous demanderai que l’ordinaire, si cet ordinaire suffit. J’ai idée que ceci sera votre dernière course à Brighton vous pourriez la faire plus longue. Constantin m'écrit que le Roi de Prusse refusera décidément l'Empire, il veut avant tout rester avec ses deux vieux alliés ; il est inébranlable sur ce point.
8 h. du soir. Longue visite encore de lady Palmerston. Grande joie de la réduction dans l’armée et la flotte, en France son en train de désirer L. Bonaparte for ever. Avec les Orléans il y a trop de jeunes mauvaises têtes. Avec les légitimistes trop de vieilles perruques L.B. et l'Empire. C’est ce qu’il y a de mieux. Elle part demain matin pours Londres. Le Prince d'Orange qui vient d'arriver est invité à Windsor avec [?] Ld Palmerston ne l’est pas. C'est fort. Adieu. Adieu. à Samedi Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton Lundi 29 Janvier
Midi

Puisque le bill contre les Clubs a été porté au nom du Président ne s’en suit il pas que l'impeachement. contre les ministres à propos de ce bill atteint le Président aussi ? Voilà ce que ma sagacité à découvert un moment après votre départ. J'ai découvert aussi que je reste bien triste mais confiante. Cela vous convient-il ? 8h. du soir Mes yeux sont bien irrités. Evidemment cet orgueil m’a fait beaucoup de mal. Quels imbéciles. C'est du médecin que je parle. Metternich avait une lettre de Paris très inquiète sur ce qui peut se passer. dans les rues. Il faut que je vous dise ce qu’affirme Marion. C'est que Billault est tout-à-fait Empire. Comme je suis curieuse de la journée d'aujourd’hui. Un arrangement, un compromis, me parait impossible Les journaux anglais annoncent positivement une réduction de l'armée. Vous souvenez-vous de ce que me disait hier Lord Aberdeen. Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton jeudi 1er fév. 1849
Une heure
Le Parlement s’ouvre en ce moment. Je suis assez curieux du discours de la Reine. Je m’attends à une phrase très vague sur l'Italie et au silence sur l'Espagne. Tout le monde annonce une attaque grande et générale de Lord Stanley sur la politique étrangère. Greville m’a dit avant hier beaucoup de bien de son talent, et beaucoup de mal de lui. Il n’a pas ouvert la bouche sur le leadership de M. Disraeli, et je n’ai pas voulu le questionner. Je suis sûr qu’il redit tout à Lord John. Il est toujours assez vif contre Lord Palmerston, mais d’une vivacité qui est et qui veut être sans conséquence. Je trouve la conduite de la Prusse, en effet très bonne. Pourvu qu’elle se soutienne. On dit que la prochaine assemblée de Berlin pourrait bien forcer la main au Roi pour l'Empire, et le Roi de laisser forcer la main. Cela pourrait bien arriver si le parti novateur allemand se montrait fort et capable. Mais évidemment la force et la capacité lui manquent. Les ambitieux timides ne se confieront pas à sa barque. C'est là ce qui me rassure le plus Pas de journaux encore ce matin. Je ne crois plus beaucoup à l'Empire. Le parti monarchique n’y travaillera pas. Le parti républicain y résistera. Il faudrait donc quelque grand coup de vent populaire une seconde édition de l'élection de Louis Napoléon. Cela me paraît peu probable. Surtout depuis que la République se montre si disposée à transiger. Vous avez raison : personne n'a envie de se battre. On finira par là pourtant. La république ne saura pas vivre et ne voudra pas mourir. Il y faudra la force. Je vous renvoie la lettre de Barante. Tous mes amis sont du même avis, et j'en ai été avant eux. Je crois aux élections. pour le mois d’avril. Je n'irai que Lundi à Claremont. Je vais écrire au Roi pour le prier de permettre que je lui amène Croker qui me le demande. De Claremont j'irai dîner et coucher chez Croker. Je reviendrai mardi dîner à Brompton, et j'irai vous voir Jeudi. Je crois que je n’amènerai pas mes filles à Brighton. Adieu. Adieu. Le retour de froid. se fait-il sentir à vos yeux ? Adieu

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton vendredi 2 fév.

Le discours ne ressemble guère à ce que vous pensiez. P. va droit à l’assaut, la Sicile il s’en glorifie. La bonne entente avec la France seulement, la seule puissance nommée les autres, pas. même la phrase. d'usage " Je reçois des assurances des dispositions amicales & & " C’est qu’en effet il ne les reçoit pas. Et le parlement avalera. tout cela ! Rien de tel que de l’audace. Je suis cependant frappée de la tentative d’amendement. Et Brougham ! & Wellington ! Enfin, cela m’est égal. Voici deux très curieuses lettres de Ellice. Je crois qu'il voit très bien. C’est assez mauvais. Je voudrais bien causer de tout cela avec vous. Je suis curieuse de Metternich aujourd’hui sur le parlement d’hier. J’ai été très malade cette nuit des étouffements , c’est passé. Je me réjouis de jeudi, j’ai bien du temps pour m'en réjouir.
8h. Je n'ai rien de plus à dire. Je n’ai pas vu le mari, et la femme ne savait pas dire grand chose. J'attends ce que vous allez m’apprendre. Faites passer les incluses de ma part à Ld Aberdeen. Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton. Vendredi 2 février 1849
9 heures

Je n'ai pas encore vu le discours de la Reine. Les gens chez qui j’ai dîné hier juges, lawyers, en étaient contents. Mais ils n’entendent rien aux phrases de politique étrangère. J’attends le Times. Je suis devenu singulièrement peu impatient pour tout ce qui ne m'est pas de premier intérêt. Je ne trouve pas que la passion s'affaiblisse avec l’âge, mais elle se retire sur un très petit nombre d'objets et s'y concentre. Ce matin m'ennuie. Lord Holland m'a demandé d’aller à Holland House donner une ou deux heures de séance à son peintre M. Watts pour qu’il retouche et termine le portrait de moi qui est à Holland house. Dans mes bonnes intentions pour le ménage, je n’ai pas voulu refuser. Le temps est très vilain. Pluie et brouillard. Il me semble que, pour vos yeux, cela doit valoir mieux que le froid. Voilà votre lettre et mes lettres. Vous avez pensé et senti comme moi. En dernier résultat, ce qu’on a fait vaut peut-être mieux. Mais j’écrirai de manière à ce qu’on ne recommence pas, en pareille circonstance. Je ne veux pas que dans mes rapports avec les personnes, mes meilleurs amis disposent de moi sans moi. Au fond, ceci me déplait. Quel dommage qu’il n’y ait personne, dans la Chambre des Communes, pour traiter cette polémique du Globe comme elle le mérite ! Lord Palmerston ne dira pas un mot de tout cela à la chambre. Mais il faudrait l’y porter, malgré lui. Il faudrait l'attaquer précisément au nom de ce patriotisme anglais et de cette politique libérale, derrière lesquels il essaie de se cacher. Sa tactique est celle qu'elle a employée contre moi : décrier ses adversaires, au dehors, par des mensonges et des calomnies dont on ne répond pas parce qu'on ne les signe pas, et amortir ainsi d'avance les coups qu'on recevra d’eux dans les chambres, et dont on n'a pas moyen de se bien défendre. Il serait bien aisé de retourner cette tactique contre lui, en la mettant au grand jour. Je n’ai rien de Paris. Le rejet de la proposition de M. Billault achève de déjouer, pour quelques jours, l'intrigue Girardin. Car c’est Girardin qui mène tout cela, et qui se promettait d'arriver au Ministère des finances, avec Lamartine aux Affaires étrangères et Billault à l’intérieur. Il recommencera. Pourtant je penche à croire qu'on arrivera sans secousse à la dissolution de l’Assemblée en mars, et aux élections en avril. Nous verrons le débat de samedi. Adieu. Adieu. Je fermerai ma lettre en revenant de Holland House. 3 heures Je reviens. Personne ne s'attendait au vote du la Chambre des Lords. Lord Holland en était un peu stupéfait et regardait cela comme un grave échec. Deux voix seulement, malgré l'effort du duc de Wellington ! Je n'ai rien lu encore. Je vais tout lire. Et comme je dine chez Lord Lansdowne, je vous dirai demain les figures. Lord Holland part mardi ou mercredi. Il a eu une lettre de sa femme, de Boulogne, et m'en a donné des nouvelles avec une intuition marquée. Ils resteront trois ou quatre mois à Paris. Lady Lilford était à Holland house. Ils m'ont tenu compagnie pendant la séance. Adieu. Adieu. Je voudrais voir Lord Aberdeen. J’irai peut-être demain. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton 3 février
Samedi onze heures

J'écris de bonne heure afin que ma lettre vous soit remise ce soir. N'oubliez pas que lundi vous pourriez m'écrire de chez M. Croker, par dessus la lettre de Londres que vous écrirez avant daller à Claremont. Le Parlement a fini comme on pouvait le penser. Cependant je crois lord P. un peu endommagé par ces attaques. Lord Brougham m'écrit pour me dire que son discours a été très mal rendu. Du reste je n'ai rien. Et Behier qui devait arriver dimanche soir ! Voyez comme je suis rancunière. Très vilain caractère. Pour me guérir de cela, ne me dites jamais que les choses vraies, c.a.d. celles que vous croyez sincèrement vous-même Midi. Je suis bien aise des Holland à Paris, si j’y vais cela me conviendra. Croyez-vous qu’il y avait complot lundi dernier ? Adieu. Adieu. Je crois que Lord Allen viendra me voir aujourd’hui. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton, samedi 3 février 1849
Une heure

Lord Palmerston a passé son défilé. Médiocre attaque, assez bonne défense. Je n’ai pas encore lu son discours. Macaulay et Lord Mahon avec qui je viens de déjeuner chez M. Hallam, disent qu’il a bien parlé, et pas long, ce dont tout le monde lui a su gré. Il a ajourné les questions même à la production des papiers. Le leadership de M. d'Israeli a déplu à beaucoup de conservateurs. Sir Robert Inglis disait que, si on mettait l'amendement aux voix, il voterait contre. Les Conservateurs nient le leadership de M. d'Israeli ; ils disent qu'ils ont institué un triumvirat, M. d'Israeli, Lord Granby et M. Herrses. Mais en fait, le premier a paru et parlé comme leader. Entre nous deux choses manquent, l’esprit et le courage. On a quelquefois, l’air d'avoir de l’esprit à la surface ; et du courage, pas même l'air. Je ne m'étonne pas du succès. C’est à bon marche. Je n’ai pas eu envie d'aller ce matin chez Lord Aberdeen. Hier, chez Lord Lansdowne, pas un mot de politique. Dîner de pure conversation morale et littéraire, assez agréable. Toujours Macaulay pour [?]. Lady Skelburne change de plus en plus. Elle m'a fait peine à voir. Les lettres d'Ellice sont très intéressantes. Je vais les envoyer à Lord Aberdeen. Les renseignements français ne sont pas d'accord avec les siens. Ils disent que le président et son Cabinet ont gagné plus que ne l'indique leur petite majorité ; qu'ils ont le haut du pavé sur l'Assemblée, qu'entre les deux timidités, celle de l'Assemblée c.à.d. des républicains de l'Assemblée, est la plus timide ; que très probablement le Cabinet gagnera le temps jusqu'aux élections, et fera les élections ce qui est tout. La général Changarnier est si populaire qu'on regarderait comme impossible de le déplacer. Il aura dans huit jours, 100 000 hommes, dans ou autour de Paris. Ces 100 000 hommes feront ce qu’il voudra, le concert avec le Président et son Cabinet ; et la garde nationale qui a confiance en lui, et qui est très lasse de se battre lui laissera faire à lui et à ses 100 000 hommes, tout ce qu’il voudra. Voilà pour la situation générale. Quant aux situations particulières, Molé est pour le moment le conseiller favori. Thiers et Rémusat grognent. Les légitimistes. parlent trop haut. Les Orléanistes se bouchent les oreilles, pour ne pas les entendre. L'accord se maintiendra pour les élections. Après, c’est la nuit. Le Chancelier a eu une petite mésa venture, par suite d’une petite faiblesse. Il est allé à une réception d'Odilon Barrot. Qu’avait-il à faire là ? La première personne qu’il a rencontrée sur l’escalier, en montant, c'est le Président de la République qui descendait. La conversation a été courte mais convenable, et assez à l'avantage du Président qui lui a dit de bonne grâce, en le quittant : " Sans rancune, mon cher juge. " Je vous en prie, pas d’étouffement. Il me semble que, chaque fois que nous nous voyons, nous avons plus de choses à nous dire, et plus de plaisir à nous les dire. Gabriel Delassort repart ce soir pour Paris. Tenez pour certain que, curiosité à part, Ellice a autant aimé ne pas être ici à l'ouverture du Parlement. Adieu Adieu. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton Dimanche Le 4 février 1849

Lady P. m'écrit une lettre triomphante. Greville une lettre longue. Aboutissant à dire qu’il n’y aura rien. Stanley devait faire trembler le gouvernement Pal. fait trembler ses collègues, personne ne le fera jamais trembler lui même. Enfin, un fiasco. J’ai lu Palmerston. Effronté, spirituel. Ce que vous dites des autres est bien vrai ; il ne vaut pas la peine de s'occuper de Londres.
8h. Je vous envoie Lady Palmerston et une nouvelle lettre d’Ellice. Il doit être à Londres dans ce moment Metternich est évidemment trés mécontent de ce qui s’est passé au parlement. Je ne sais pas de nouvelles. Quelle attrape pour Bulwer que l'Amérique. Au fond P. à raison. Mais cette pauvre Georgine ! Quel mari et quel poste ! Adieu et adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton Dimanche 11 fév 1849

Dimanche est décidément un bien mauvais jour. Surtout quand je vous ai quittée le Samedi. Je n'ai vu personne, que des gens qui ne disent rien, et à qui on ne dit rien. J’irai ce matin à l'Athenoeum, et j'y trouverai Duchâtel. Mais nous n'aurons évidemment pas de nouvelles d’ici à quelque temps. Nous en attendons plus rien que la fin régulière de l'Assemblée dans deux ou trois mois. Deux ou trois mois sans rien, c’est difficile. Milner m'a envoyé hier un pamphlet qu’il vient de publier : the event of 1848, a letter to the marquess of Lansdowne. Lord Lansdowne a le vol des pamphlets. Celui-ci, est au fond Palmerstonien. C’est la politique de l’Europe, dans ses rapports avec l'Angleterre, Italien et anti Russe. Un billet très amical, auquel j'ai répondu par un billet assez franc. Je passerai aujourd’hui et demain à écrire des lettres.
Cornélis de Witt part demain soir pour Paris. Je veux vider tout ce que j'ai à dire à propos de la dernière lettre dont je vous ai laissé un feuillet que j'espère recevoir demain. Plus je pense à ce travail contre moi, plus je trouve cela misérable et au dessous de la situation. C’est décidément le plus grand mal de mon pays que la situation surpasse infiniment les hommes. Ils n'ont ni l’esprit, ni le cœur assez grand pour ce qu’il y a à faire. Les petites passions ne disparaissent jamais, mais elles tiennent bien moins de place dans un horizon plus haut. Adieu, Adieu, si vous étiez à Londres, ou moi à Brighton, nous causerions sans fin. Mais de loin aujourd’hui, je n'ai rien à vous dire. Je m'irrite d'attendre jusqu’à demain pour savoir comment va votre rhume. Il fait bien beau ce matin. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Kimbolton Castle. Mardi 20 mars 1849.

20 mars ! Quel jour, il y a 35 ans! Louis XVIII avait fui de Paris dans la nuit. Napoléon y entrait le soir. très tard, et en se cachant, quoique le maître. Trois trônes sont tombés à Paris depuis ce jour-là. Trois Rois ont fui de nouveau. Et qui sait ?
Merci de votre lettre. Je l’avais ce matin, à 5 heures et demie. Vous d'abord. et puis des nouvelles. Mais voici un grand déplaisir. Il m’est absolument impossible d’en finir aujourd’hui avec les papiers. Il y en a plus que je n'en attendais. Il me faut la journée de demain. Et Guillaume aura à copier sans relâche pendant ces deux jours. Je ne puis pas être venu ici pour n'en pas remporter ce que j’y ai trouvé. J’en partirai après-demain Jeudi, vers 10 heures du matin, pour être à Bedford à onze heures trois quarts, à Londres à 3, à Brompton à 4, et chez vous le soir avant 8 heures. Pouvez-vous m'envoyer votre voiture à 7 heures et demie ? Je vous écrirai encore demain. J’ai deux déplaisirs, le mien et le vôtre. Ce serait bien pis si je n'en avais qu’un. Je travaille depuis ce matin. Il n'y a pas moyen. Le manifeste de la Rue de Poitiers est ce que j'attendais. Une sonate sans défaut. L'impression universelle sera celle-là. Par conséquent complète impuissance, ce qui n'est jamais bon pour des hommes importants. Il faut parler pour tous, ou parler seul et pour soi seul. Mais parler tous ensemble et tous du même ton, c’est si impossible que cela devient ridicule, quelque irréprochable que soit le ton. Je suis toujours sans nouvelles de Paris. Ce qui fait que j’en suis chaque jour plus curieux. Ce voyage m'a fort dérangé. Si je n’avais pas quitté Brompton, ce que j'ai à écrire eût été écrit cette semaine.
Je crois à l’arrangement des affaires de Sicile. Les Siciliens se résigneront. Le monde a vu des fanatismes qui ne se résignaient pas et qui résistaient, même sans chances de succès. Mais aujourd'hui ce n’est pas au fanatisme, c’est à la folie que nous avons à faire. La folie se décourage bien plutôt. Le Roi de Naples donne aux Siciliens tout ce à quoi ils ont droit, et peut-être plus qu'ils ne pourront porter. Mais cela n'en fera pas moins pour l'Angleterre, en Sicile l'effet d’un abandon honteux après une provocation coupable. Je suis, quant à la situation du cabinet, de l'avis de Peel qui en sait plus que moi. Et c’est l'avis que je trouve ici, parmi deux ou trois hommes simples et sensés qui vivent loin des Affaires. Quand les hommes simples et les hommes d’esprit sont du même avis, ils sont probablement bien près de la vérité. Pourtant je parierais pour le maintien. Adieu. Adieu. Cela me déplait beaucoup de voir les jours s'écouler. Vous partirez dans onze jours, et je serai plus de six semaines, sans vous voir. Ecrivez-moi encore un mot demain. Je l’aurai après-demain à 8 heures et demie, et je ne partirai qu'à 10. Adieu. Adieu.
G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Clarendon le 21 Mars 1849
Midi

Quelle contrariété. Je ne vous ai pas écrit hier parce que je trouvais plus simple que vous vinssiez recevoir ma lettre à Brompton, ignorant si elle vous arriverait à Kimbolton avant votre départ. Voici que vous n’arrivez pas. C'est plus que contrariant, c’est malheureux. Si vous avez de de l’esprit vous le comprendrez. J'ai bien affirmé que vous serez ici aujourd’hui. Ma visite de 2 1/2 y compte. Je n’ai guère de nouvelles à vous donner. Lord Clauricarde est venu m'annoncer hier que Lord Aberdeen fait demain une motion sur l'Italie. Cela a surpris la Chambre haute & moi aussi. J’ai été contente du premier dans des Débats à propos de la proclamation de la rue de Poitiers. Duchatel m’a dit que le manifeste n’a plu à personne. Broglie est parti pour la province. On lui mande qu’il était à l’état d’automate galvanisé. Piscatory a été chez le Président. Quelle platitude. Vitet écrit très lugubrement. Le nouveau roi de Hollande est parti hier matin. Une députation de ministres était venue le chercher. Il était très saisi très ahuri. Mes soirées sont abominables. Personne. Il faut donc encore aujourd’hui subir ma société toute seule. 4 heures. Je dois vous déclarez formellement qu'il faut que vous veniez du chemin de fer droit chez moi, avant d’aller à Brompton. L'heure presse, et cela est de toutes urgence. Je pense que vous pourrez être ici à 3 1/2 ou 3/4 on vous y attendra ; j’ai répondu de vous, il est impossible que vous ne compreniez pas qu'il faut faire ce que je vous dis. Morney écrit que Piscatory est de son avis sur votre élection et le lui à dit. D'Haussonville un peu cela aussi, mais avec une [ ?]. La fin de Morny est curieuse. Pourquoi M. Guizot ne dirait-il pas (par écrit je suppose) qu'il faut à la France. une Monarchie ? j’ai répondu Ah, Ah on sait donc qu’il n'y a que lui qui ait du courage. La motion pour demain fait du bruit. Le camps ministériel est embarrassé. Lansdowne décidé à se conduire dans son intérêt d’honneur personnel. A demain chez moi entre 3 & 4 sûr. Ma voiture vous ramènera chez vous. Si j’ai quelques personnes vous entrerez droit dans ma chambre. Adieu. Adieu. Je ne saurais vous dire le chagrin de ne pas vous avoir parlé aujourd’hui. Mais demain.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton, mardi 5 juin 1849 10 heures

Hier m’a remis en contentement. Je n'étais pas de mauvaise humeur, ni injuste ; mais je n'étais pas content. Je supporte assez bien à la surface, l’imperfection des meilleures choses de ce monde ; mais, au fond du cœur, je ne l'accepte pas du tout. Rien dans les journaux. Evidemment le nouveau cabinet ne réussit pas dans le parti modéré. L'univers en parle mal. L’Assemblée nationale n’en dit rien. Le Journal des Débats prêche la résignation plus que l’espérance. Si ce cabinet avait pour résultat de compromettre et d’engager les chefs du tiers parti dans le parti modéré, ce serait bien mais ce sont des gens que rien ne compromet, et n’engage. Je les ai vus à l'œuvre. Ils avaient presque tous voté, les lois de septembre. Ils ont été des premiers à les attaquer. Ils en feront autant. Après déjeuner, j’irai voir Duchâtel et Lord Aberdeen de qui j’ai trouvé un billet en rentrant hier soir. Je vous écrirai en en revenant. Ils m'apprendront quelque chose. Quelle bonne chaleur ! Je n’en ai pas moins éternué à tout rompre en me réveillant.
3 heures Duchâtel était à Ascot. Mais sa femme m'a montré les lettres qu’il avait reçues hier de M. Vitet. Mêmes détails et mêmes impressions que dans les miennes. Seulement il n’espérait pas grand chose du cabinet qui ne s'est pas formé. A l’Athenaeum, la 3e édition du Morning Chronicle, que vous verrez ce soir annonce que le Message du Président à l’Assemblée n’a pas été présenté hier. Le nouveau Cabinet y a trouvé à redire, et à changer surtout quant à la question Italienne. Dufaure et Tocqueville en ont, dit-on, trouvé la politique too bold. On prétend que le Président l'a rédigé lui-même. Je n'en crois rien. On ne dit pas à quel jour la présentation est remise. L'ajournement ferait hier un mauvais effet dans l'Assemblée. Des dissentiments dans le Cabinet, des hésitations. Tout le monde s’inquiétait et la majorité s’irritait. Voilà une longue lettre du duc de Broglie, qui m’arrive. Illisible pour vous. Je vous la lirai demain. Une appréciation de la situation générale aussi sombre que possible, pour l'avenir comme pour le présent. Point de faits spéciaux et nouveaux. Voici ce qu’il y a de plus actuel : " Notre Chambre nouvelle, prise en soi est bonne. La majorité est saine, nombreuse, honnête, décidée. Mais, comme elle est composée, pour moitié, de légitimistes, on la traite déjà de contre-révolutionnaire, et les tiers partis qui se forment ou se font par faute de donner les mains à cette prévention. Il n'a pas été possible, pour cette raison, de former un ministère d’une couleur tranchée. Les négociants, les banquiers, les industriels ont demandé, à grands cris, un ministère de la couleur Passy et Dufaure. Le président a dû céder à son grand regret, il faut le dire, et après avoir employé tous ses efforts pour en venir là. A tout prendre je crois que c'est pour le mieux. Dans l'état où est l’armée, il faut mieux qu’elle ait à défendre un gouvernement qui ne soit pas suspect de royalisme, et la médecine expectante que nous allons essayer vaut peut-être autant que la médecine héroïque. " Je ne crois pas du tout que ce soit pour le mieux. C’est à coup sûr pour le pire dans l'avenir, et dans un avenir prochain. Le duc de Broglie regarde la bataille prochaine comme inévitable. J’ai causé longtemps avec Lord Aberdeen. Toujours, et même de plus en plus persuadé qu’il y a, dans le cabinet, un travail aussi actif que sourd, pour se défaire de Lord Palmerston, et que ce travail gagne du terrain, même assez haut. Une douce violence, faite par le Parlement, serait accueillie et est peut-être cherchée. Adieu. Adieu. Adieu. A demain dans la matinée. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton Lundi 18 juin 1849
3 heures

J’ai bien aimé notre journée d’hier. N'en ayons jamais d’autre. Nous avons tort, tous deux quand elles ne sont pas toutes exactement comme celle-là. Que croyez-vous qu’il en fût, si nous étions toujours ensemble. Je crois que toutes nos journées seraient également, charmantes. C'est l'absence qui en gâte quelquefois. quelques unes. Toutes les idées, ou les impressions, qui ne valent rien ont pour cause l'absence. Je viens de passer une heure avec Lord Aberdeen. Pure conversation, et pas un mot des Affaires anglaises. La France, l’Europe, et les mariages Espagnols. Il dit qu'on a plus que jamais envie ici de se raccommoder avec Narvaez. Mais on ne sait plus comment s'y prendre. Mon vient de régler, à la satisfaction du commerce anglais, l'affaire des tarifs Espagnols que Lord Clarendon n’avait jamais pu faire faire à Espartero. Et Mon est en train de régler aussi l'affaire de la dette étrangère Espagnole et de donner aux créanciers anglais ou français, une certaine satisfaction. On s'étonne ici de ce gouvernement là, mais on ne peut pas ne pas voir les faits. On voudrait bien ne pas être brouillé. Narvaez ne fait point d'avance. En sortant de chez Lord Aberdeen, j’ai été rendre à Benoit Fould sa visite. Je ne l'ai pas trouvé, mais sa femme. Elle m’a montré des nouvelles de Lyon d'avant hier 16. On s’y est bien plus battu qu'à Paris. Certaines postes ont été pris et repris plusieurs fois par la [?] et les insurgés. Au faubourg de la Croix Rousse, il a fallu employer le canon. La [?] était maîtresse partout le 26. L'état de siège était proclamé. On se promettait une nuit tranquille ; et en tout cas on était sûr de son fait. Point d’autre lettre de Paris que cette longue petite lettre de Béhier que je vous envoie parce qu’elle contient quelques détails qui vous amuseront un peu. Renvoyez le moi, je vous prie. J'ai vu deux personnes de Paris ce matin. Des gens obscurs et sensés. Ils croient les Montagnards à bas pour plusieurs mois, et se promettent pleine tranquillité pour tout 1849. Je ne fais pas grand cas de leur prévoyance ; mais l’impression est forte et générale. Il y a une grande indignation contre Emile de Girardin. Adieu. Adieu. Il fait bien beau. Vous aurez Aberdeen. Mercredi. Il m'a fort pressé pour l'Ecosse ; mais il est tout à fait d’avis que j'ai raison de profiter de cet intervalle lucide pour rentrer en France et y reprendre possession de mon état, sauf à faire ensuite ce qui me conviendra. Adieu. Adieu. Avez-vous complété votre lettre à M. Albrecht ? G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Vendredi le 22 juin
6 heures

Je me sens toute malade aujourd’hui. Accidents d'entrailles. J’ai été cependant en ville. J’ai vu lady Palmerston plus anti autrichien que jamais et anti russe aussi à ce qu'il me semble. Sur la France des doutes, un répit voilà tout, enfin ce que nous disons. La duchesse de Sutherland a perdu hier une petite fille charmante, cela aura sans doute dérangé votre matinée. Le temps est ravissant, mais je ne suis pas en train d'en profiter. Voici un mot de Lady Holland Personne n'est venu me voir aujourd’hui, et je ne compte pas sortir ce soir. Hier j’ai trouvé un Cambridge chez Metternich. On dansait. Grand Dieu quel tapage ! Je n’y ai pas tenu plus de 20 minutes. Adieu. J'ai besoin de repos. J'ai des maux de reins assez forts. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton. Mercredi 27 Juin 1849
2 heures

Voici la lettre du Duc de Noailles Sensée et au fond pas très découragée. Il reste dans son idée, en attendant qu’il puisse la poursuivre. Les articles qui devaient être publiés, sur son livre, dans le Quarterly et l'Edinburgh review, ont été retardés par de petites circonstances qu’il serait trop long de vous écrire, et que je vous dirai. Ces articles viendront. J’en reparlerai aux personnes qui s’en sont chargées. Beaucoup de monde hier chez Collaredo. Tous les diplomates. Kielmansegge et Lettp contents. Il y a de quoi l'être, mais ils le sont trop toujours. Brunow, à qui je demandais s'il avait des nouvelles, s’est penché vers mon oreille et m'a dit à voix basse : « On ne pourra pas entrer en campagne, tout de suite ; nous n'aurons probablement pas de nouvelles avant douze, ou quinze jours. Et si les Hongrois ne veulent pas livrer babaille, s’ils se retirent dans le pays, il faudra bien les y suivre, et ce sera long. " Je vous répète textuellement. Je vous répète aussi que Bunsen me fait toujours fort la cour, et veut décidément me rendre prussien. Il ne m’a parlé que des affaires de France. Je me trompe. Quelques mots de vive satisfaction sur la défaite de Microlawski à qui le Roi de Prusse avait déjà pardonné deux fois, et serait, pour cette fois, dispensé de pardonner, car, on a proclamé la loi martiale et il n’y aura qu'à laisser faire. En sortant, dans le cloak-room, j’ai rencontré Lady Palmerston. Moins de coquetterie avec moi que de coutume. Evidemment une nuance d'humeur. Le discours de Lord Aberdeen sur l'Espagne. Voici les frivolités du bal. La Princesse Augusta de Mecklembourg dansant avec passion, et venant s'asseoir ensuite dans l'embrasure d’une fenêtre pour me parler avec passion de la lâcheté des Princes. Elle me traite comme une ancienne connaissance qui lui a plu autrefois, et comme un compagnon de tristesse et de colère. Lady Alice Peel et Lady Aylesbury dansant, l’une près de l'antre, au même quadrille, et allant se reposer, l’une à côte de l'autre sur le même banc. Lady Jersey me disant très haut : " Venez donc causer. " En m'emmenant dans un petit salon où se tenaient trente ou quarante personnes uniquement occupées à regarder, celles qui causaient et à essayer de les entendre. Madame Duchâtel, moins jeune que Lady Alice et ne dansant pas, quoiqu’elle eût dansé la veille, à ce que m'a dit Guillaume, chez Mrs Jeniors. Une seule contredanse. Je le dis à l'honneur du bon sens français. Duchâtel n’était pas là. Il a été repris de sa fièvre tierce. Il en a eu trois accès. Dumon viendra de Dieppe, voir la Duchesse d'Orléans à St Leonard. Hébert aussi. Et d’Haussonville. Et Albert de Broglie. J’irai vers le milieu de la semaine prochaine. Je viens d'avoir une longue conversation avec Disraeli. Il fait lundi une grande attaque contre toute la politique intérieure et extérieure du ministère, une revue générale de l’état des affaires anglaises, au dedans, et au dehors. Où en était l'Angleterre, chez elle et en Europe, au printemps de 1846 ? Où en est-elle aujourd’hui ? Depuis trois ans vous êtes le gouvernement, un gouvernement sans opposition, qu'avez-vous fait du pays? Décadence de prospérité et décadence d'influence. Détresse et déconsidération. Vous dites que votre politique est libérale. Non ; révolutionnaire. Vous encouragez les révolutions avant qu'elles éclatent ; et quand elles ont éclaté vous ne savez ni leur inspirer la sagesse, ni leur prêter la force. Sans prévoyance avant, sans influence après. Que votre politique est pacifique. Non ; vous brouillez partout les cartes ; la paix ne sont pas des cartes brouillées. Qu'elle est vraiment nationale, Anglaise. Non ; elle est toute personnelle. La nationalité de l'Angleterre n'a que faire de servir d’instrument à la personnalité de Lord Palmerston & & Il dit que ce débat durera deux ou trois jours. Il ne pense qu'à planter son drapeau et à former, son armée pour la campagne prochaine. Adieu. Adieu.
J’aimais mieux ma matinée d'hier. J’ai été déjeuner cher Sir John Boileau, excellente famille, dont l'amitié me touche. Je resterai à lire et à écrire jusqu'à l’heure du dîner, chez Lady Galway. Je rentrerai de bonne heure et je me coucherai. Adieu. Adieu Je n'ai rien de Paris aujourd'hui. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond lundi le 2 juillet 1849

Voici votre lettre, je vous renvoie celle de Darn. Curieuse chose que Thiers. Au fond j'aimerais assez que vous vous vissiez ici, à part mon intérêt de vous garder quelques jours de plus. Cela ne serait-il pas possible ? J’ai vu hier lord John. Les nouvelles de Paris ne sont pas bonnes. Dufaure est un empêchement. Normanby a mauvaise opinion de la boutique. Il avait causé avec tous ; président, ministres, journaux. Le socialisme règne d’une manière effrayante dans les provinces. Deux millions de Socialistes, prouvés par les votes. Sur Rome O. Barrot a dit à Normanby, qu’Oudinot avait outrepassé ou dénaturé ses instructions. Que Lesseps avait méconnu les siennes que de là provenaient tous les embarras, les contradictions. John Russell observe, que cela prouve seulement que les instructions n'étaient pas claires. Il est en grand blâme de tout cela, et il dit que cette affaire contribue grandement au mauvais esprit. qui règne en France. Lord John s'attend à un superbe discours de Peel aujourd’hui ou demain en faveur du gouvernement il m’a beaucoup parlé de Peel avec étonnement de sa conduite, comme nous en parlerions nous mêmes.

Midi, Je vous écris de bonne heure pour vous renvoyer Daru. Si j’attrape quel que chose je vous écrirai encore. En tout cas nous nous verrons demain. Adieu. Adieu. Adieu.
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