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Schlagenbad, Mercredi 21 août 1850, Dorothée de Lieven à François Guizot
Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
Schlangenbad le 21 août jeudi 1850
Hier en faisant ma promenade vers Biberich je rencontre pédestrement ce bon Fleischmann qui venait de débarquer. Il avait appris que j’étais ici et il arrive du fond de son Wurtemberg pour passer quelques jours avec moi. J'ai été bien touchée de cela. Il est très allemand militaire, nous jaserons. Il est en parfaite dissidence avec son roi.
La grande duchesse Hélène m'écrit pour me dire qu’elle ne s'arrête pas à Biberich, elle va à Wiesbaden visiter le tombeau de sa fille, et repartir de suite pour Bade où elle passera quatre semaines. Je ne la verrai donc pas, ce n’est pas ma faute, à Bade Thiers la divertira. Il y a là, le Roi de Wurtemberg, la Reine de Hollande, la grande duchesse Stéphanie, & la grande duchesse Olga y arrive la semaine prochaine au fond cela me tente un peu, mais je ne me crois pas assez de force pour ce long voyage. Le duc de Parme me fait toutes ses confidences. Ah comme il déteste sa belle fille ! Il ira passer l'hiver à Paris. J'ai eu une longue lettre de Wesenberg pas fort spirituelle, un peu en blâme de tout le monde.
Le temps est très froid, je gèle. La princesse Grassalcovitch croit qu’elle est déjà rajeunie, j'en suis bien aise car cela la fait rester. Le soir on prend le thé chez moi. On c'est elle & le duc de Parme. Adieu. Adieu.
Hier pas de lettres, c'est parce que j'en avais eu deux avant hier. Sottes postes, celles de Nassau. Adieu.
Hier en faisant ma promenade vers Biberich je rencontre pédestrement ce bon Fleischmann qui venait de débarquer. Il avait appris que j’étais ici et il arrive du fond de son Wurtemberg pour passer quelques jours avec moi. J'ai été bien touchée de cela. Il est très allemand militaire, nous jaserons. Il est en parfaite dissidence avec son roi.
La grande duchesse Hélène m'écrit pour me dire qu’elle ne s'arrête pas à Biberich, elle va à Wiesbaden visiter le tombeau de sa fille, et repartir de suite pour Bade où elle passera quatre semaines. Je ne la verrai donc pas, ce n’est pas ma faute, à Bade Thiers la divertira. Il y a là, le Roi de Wurtemberg, la Reine de Hollande, la grande duchesse Stéphanie, & la grande duchesse Olga y arrive la semaine prochaine au fond cela me tente un peu, mais je ne me crois pas assez de force pour ce long voyage. Le duc de Parme me fait toutes ses confidences. Ah comme il déteste sa belle fille ! Il ira passer l'hiver à Paris. J'ai eu une longue lettre de Wesenberg pas fort spirituelle, un peu en blâme de tout le monde.
Le temps est très froid, je gèle. La princesse Grassalcovitch croit qu’elle est déjà rajeunie, j'en suis bien aise car cela la fait rester. Le soir on prend le thé chez moi. On c'est elle & le duc de Parme. Adieu. Adieu.
Hier pas de lettres, c'est parce que j'en avais eu deux avant hier. Sottes postes, celles de Nassau. Adieu.
Trouville, Mercredi 21 août 1850, François Guizot à Dorothée de Lieven
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
Trouville, Mercredi 21 août 1850
Je me suis longtemps promené hier seul une ou deux lieues le long de la plage. En revenant, j’ai fait visite au Chancelier, à notre ami Olliffe et à Charles Laffitte. Le Chancelier et Mad. de Boigne, sont aux petits soins pour moi. Il est bien aisé de reprendre possession des gens. Il est vrai qu'on les reperd aussi aisément. Plus on avance dans la vie, plus le fossé devient profond entre les relations ordinaires et les vrais liens.
Ollife vient de faire bâtir ici pour lui-même une bonne et jolie maison absurde au dehors, gothique, mauresque, italienne mais très commode et bien arrangée au dedans et très bien meublée. Il est tout à fait riche, bien établi, content, et toujours très reconnaissant pour moi qui lui ai fait faire les premiers pas dans sa fortune.
Charles Laffitte est décidément légitimiste. Cela seulement est une fin ; mais tant que les légitimistes mèneront aux-mêmes leur barque, ils n'aborderont pas. Le Président leur doit une belle chandelle. Ils lui donnent les trois quarts des Orléanistes.
Voilà ce que j’ai appris dans mes visites. Aujourd'hui je vais dîner à la campagne, prés de Honfleur chez Mad. Denoix, femme de notre consul général à Milan, grande ancienne armée du chancelier. Elle habite un cottage dans un site qu’on dit le plus beau du pays.
Pauline avec son mari, et Guillaume, part samedi pour l’Angleterre, et je retourne mardi prochain au Val Richer, avec Henriette. Il fait froid à Trouville, décidément le mois d’Août a été laid. Mes huit jours d'Ems sont le seul beau temps de l'été.
Vous m'apprenez que la Princesse Crasalcovitch est méchante. Mais cela ne m'étonne pas. Cela va à son air et à ses gestes. Est-ce pour lui donner à dîner que Thiers est venu à Baden ? Le Chancelier est convaincu qu'il est venu pour Wiesbaden. Je le croirais si je n'étais pas sûr que j'ai été à Ems et que je n'ai pas vu M. le comte de Chambord. Je voudrais que le Chancelier eût raison.
Est-ce Crasalcovitch, comme je dis, ou Grassalcovitch comme vous dites ? Je soupçonne que chez ces peuples encore un peu barbares personne ne sait bien quel est vraiment son nom. Shakespeare signait trois ou quatre orthographes différentes. Adieu jusqu'à l'heure de la poste. Je vais faire ma toilette. J’ai vu hier des nouvelles de Claremont. Toujours mauvaises. Le Roi n'a plus de jambes du tout. Il ne peut se soutenir d'un fauteuil à l'autre, dans sa chambre.
Midi
Voici votre lettre. Très intéressante. Je souhaite de tout mon coeur que tout cela soit vrai. Le départ brusque de M. de La Rochejaquelein est un bon symptôme. Adieu, Adieu. Je vais lire le séjour du président à Besançon. Adieu. G.
Je me suis longtemps promené hier seul une ou deux lieues le long de la plage. En revenant, j’ai fait visite au Chancelier, à notre ami Olliffe et à Charles Laffitte. Le Chancelier et Mad. de Boigne, sont aux petits soins pour moi. Il est bien aisé de reprendre possession des gens. Il est vrai qu'on les reperd aussi aisément. Plus on avance dans la vie, plus le fossé devient profond entre les relations ordinaires et les vrais liens.
Ollife vient de faire bâtir ici pour lui-même une bonne et jolie maison absurde au dehors, gothique, mauresque, italienne mais très commode et bien arrangée au dedans et très bien meublée. Il est tout à fait riche, bien établi, content, et toujours très reconnaissant pour moi qui lui ai fait faire les premiers pas dans sa fortune.
Charles Laffitte est décidément légitimiste. Cela seulement est une fin ; mais tant que les légitimistes mèneront aux-mêmes leur barque, ils n'aborderont pas. Le Président leur doit une belle chandelle. Ils lui donnent les trois quarts des Orléanistes.
Voilà ce que j’ai appris dans mes visites. Aujourd'hui je vais dîner à la campagne, prés de Honfleur chez Mad. Denoix, femme de notre consul général à Milan, grande ancienne armée du chancelier. Elle habite un cottage dans un site qu’on dit le plus beau du pays.
Pauline avec son mari, et Guillaume, part samedi pour l’Angleterre, et je retourne mardi prochain au Val Richer, avec Henriette. Il fait froid à Trouville, décidément le mois d’Août a été laid. Mes huit jours d'Ems sont le seul beau temps de l'été.
Vous m'apprenez que la Princesse Crasalcovitch est méchante. Mais cela ne m'étonne pas. Cela va à son air et à ses gestes. Est-ce pour lui donner à dîner que Thiers est venu à Baden ? Le Chancelier est convaincu qu'il est venu pour Wiesbaden. Je le croirais si je n'étais pas sûr que j'ai été à Ems et que je n'ai pas vu M. le comte de Chambord. Je voudrais que le Chancelier eût raison.
Est-ce Crasalcovitch, comme je dis, ou Grassalcovitch comme vous dites ? Je soupçonne que chez ces peuples encore un peu barbares personne ne sait bien quel est vraiment son nom. Shakespeare signait trois ou quatre orthographes différentes. Adieu jusqu'à l'heure de la poste. Je vais faire ma toilette. J’ai vu hier des nouvelles de Claremont. Toujours mauvaises. Le Roi n'a plus de jambes du tout. Il ne peut se soutenir d'un fauteuil à l'autre, dans sa chambre.
Midi
Voici votre lettre. Très intéressante. Je souhaite de tout mon coeur que tout cela soit vrai. Le départ brusque de M. de La Rochejaquelein est un bon symptôme. Adieu, Adieu. Je vais lire le séjour du président à Besançon. Adieu. G.
Schlagenbad, Mardi 20 août 1850, Dorothée de Lieven à François Guizot
Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
Schlangenbad le 20 août 1850
À mon retour de Wiesbaden hier j’ai trouvé ici vos deux lettres du 15 & de 16. Je vois que Trouville est noyé comme Schlangenbad. Je vous plains moins que moi ; j'ai besoin de chacun pour les bains chauds, et je prévois que sous le rapport de la santé et de la beauté ce séjour ne m’aura été bon à rien. La grande Duchesse arrive demain à Bierich ou Wiesbaden. Je lui ai écrit, j’attends ce qu’elle m’indiquera mais comme elle ne reste en tout quinze jours, ce sera vite expédié. Et alors comme il ne me reste à prendre que cinq bains. Je ne sais ce que je deviendrai. Il est possible que je m'en retourne à Paris avec le duc de Noailles. Nous verrons encore, vous serez prévenu à temps pour la direction à donner à vos lettres.
J'ai été hier faire visite à la duchesse de Noailles. Il y avait un petit coup monté pour m’en traîner plus loin. Je n'ai pas compris. Il y a eu au moins cinq ou 6 lettres écrites. Imperturbable, j’attendais mon dîner. On s'agitait autour de moi, enfin à 4 heures le comte de Chambord est venu faire visite à la duchesse de Noailles. Il est resté une demi-heure. Eh bien, tandis que le duc de Noailles maudissait le prince, moi je fondais en larmes. Voilà ce qui m’est resté de la vue de ce Prince. Les détails c’est trop long. Envoyez-lui ses ennemis. Quelle expression, quel visage ! Quelle attrape si le bon dieu a fait cette tête là pour rien ! mon émotion m’a étonnée mais c’est comme je vous dis là. Son aplomb, sa grâce sont remarquables. Et si naturel et si gai, et fin, charmant. J’étais si lasse en rentrant que je me suis couchée à 8 heures. J’ai renvoyé le duc de Parme. Molé écrit à son gendre que Salvandy va venir ici. Il le mande aussi que les nouvelles du roi sont bien mauvaises. Wiesbaden finit dans huit jours je crois. Adieu. Adieu. Adieu.
À mon retour de Wiesbaden hier j’ai trouvé ici vos deux lettres du 15 & de 16. Je vois que Trouville est noyé comme Schlangenbad. Je vous plains moins que moi ; j'ai besoin de chacun pour les bains chauds, et je prévois que sous le rapport de la santé et de la beauté ce séjour ne m’aura été bon à rien. La grande Duchesse arrive demain à Bierich ou Wiesbaden. Je lui ai écrit, j’attends ce qu’elle m’indiquera mais comme elle ne reste en tout quinze jours, ce sera vite expédié. Et alors comme il ne me reste à prendre que cinq bains. Je ne sais ce que je deviendrai. Il est possible que je m'en retourne à Paris avec le duc de Noailles. Nous verrons encore, vous serez prévenu à temps pour la direction à donner à vos lettres.
J'ai été hier faire visite à la duchesse de Noailles. Il y avait un petit coup monté pour m’en traîner plus loin. Je n'ai pas compris. Il y a eu au moins cinq ou 6 lettres écrites. Imperturbable, j’attendais mon dîner. On s'agitait autour de moi, enfin à 4 heures le comte de Chambord est venu faire visite à la duchesse de Noailles. Il est resté une demi-heure. Eh bien, tandis que le duc de Noailles maudissait le prince, moi je fondais en larmes. Voilà ce qui m’est resté de la vue de ce Prince. Les détails c’est trop long. Envoyez-lui ses ennemis. Quelle expression, quel visage ! Quelle attrape si le bon dieu a fait cette tête là pour rien ! mon émotion m’a étonnée mais c’est comme je vous dis là. Son aplomb, sa grâce sont remarquables. Et si naturel et si gai, et fin, charmant. J’étais si lasse en rentrant que je me suis couchée à 8 heures. J’ai renvoyé le duc de Parme. Molé écrit à son gendre que Salvandy va venir ici. Il le mande aussi que les nouvelles du roi sont bien mauvaises. Wiesbaden finit dans huit jours je crois. Adieu. Adieu. Adieu.
Trouville, Mardi 20 août 1850, François Guizot à Dorothée de Lieven
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
Trouville. Mardi 20 Août 1850
J'ai bien des lettres d'Angleterre. Je commence par la plus intéressante. Lord Aberdeen m'écrit de Haddo. "I have still no distinct view of the manner in which parties will be permanently affected by this deplorable loss. With more friendly personal feelings towards each other. I see no rent approxi mation in the different sections of the conservative body. Many look to me as the means of effecting this union, from my good with towards all and the absence of any extreme opinions on those subjects, by which they are divided. But the difficulty would be enormous, and probably insur. mountable. I must confess also that, although by no means insensible to the blessedness of hte peace makers, I feel no great disposition for a work requiring so much exertion and the result of which is so doubtful."
Ne trouvez-vous pas qu’il ne nous en a jamais tant dit sur son rôle possible, ni si clairement fait entrevoir sa disposition à l'accepter ? Il continue : " you will have seen, if you follow the proceedings of the house of Commons that our Ministers have recently been roughly handled both by friends anr enemies. Indeed, their position is pitiable enough ; and in spite of the difficulty of finding any one to replace them, it seems to be generally thought that their existence cannot be much prolonged. At any other time, they could not have stood for an hour ; but under present circumstances, I will not undertake to say what may be their fate."
" We shall have the Queen in Scotland the end of this month ; and I believe her stay will be longer than usual. She will be accompanied by Sir George Grey, who is deservedly the most agreeable to her of all her servants : but I suppose that he will be relieved in good time by Lord John. "
Voici un autre son d’une autre cloche. Mr Reeve a passé à Paris allant en Suisse ; il a déposé chez moi ce qu’il m’apportait et il m'a écrit : " Je n’ai qu'une chose à vous dire de quelque importance ; c’est que tout indique un changement sérieux et radical dans la conduite politique de Lord Palmerston. Il a rompu avec la Prusse et dit pis que pendre de Bunsen, et il a donné en haut lieu les assurances les plus formelles d'une modification sérieuse. Il n’y attache pas une foi sans bornes ; mais il faut accepter avec empressement toute velléité de mieux faire. " Ceci signifie à mon avis, qu'on est bien aise de nous faire parvenir à vous et à moi, cette déclaration, pour nous amadouer un peu. Et Charles Greville est, vous le savez, un truchement universel. Reeve me dit qu’il viendra me voir au Val Richer, en revenant de Suisse.
Mad. Austin me reparle encore de la " foreign conspiracy et elle ajoute : " I believe with some I figure as a very humble link in the chain." Paris commence à s'émouvoir assez du voyage du Président. Le succès de Lyon surtout, le Roi de Piémont envoyant son Ministre de la guerre pour le complimenter, fait de l'effet. Un connaisseur m’écrit : “ C’est tant pis pour le Roi de Piémont ; mais qu’en dira-t-on à St Léonard et à Claremont ? Quel malheur qu’on n'y comprenne pas que les masses prendront nécessairement le chemin à gauche si on leur barre le chemin à droite ! Les nôtres donneront le signal. "
Midi
Votre rhumatisme me déplaît. L’Allemagne n’est pas une atmosphère bonne pour guérir des rhumatismes. Vous avez toute raison de ne pas aller à Wiesbaden. Ne pas éviter ce qui vient vous chercher et n'aller rien chercher, c'est le bon sens comme le bon goût. Ce qui se passe là pourra bien faire naître à Paris quelques embarras. Soyez-y tout-à-fait étrangère. Du reste, je crois comme vous que la République sera bonne fille. On m'envoie un journal de la fusion, du dimanche, le Henri IV, infiniment plus bête. que n'était le Napoléon. Adieu, adieu, adieu. Plus de rhumatisme et des bains chauds. Adieu. G.
J'ai bien des lettres d'Angleterre. Je commence par la plus intéressante. Lord Aberdeen m'écrit de Haddo. "I have still no distinct view of the manner in which parties will be permanently affected by this deplorable loss. With more friendly personal feelings towards each other. I see no rent approxi mation in the different sections of the conservative body. Many look to me as the means of effecting this union, from my good with towards all and the absence of any extreme opinions on those subjects, by which they are divided. But the difficulty would be enormous, and probably insur. mountable. I must confess also that, although by no means insensible to the blessedness of hte peace makers, I feel no great disposition for a work requiring so much exertion and the result of which is so doubtful."
Ne trouvez-vous pas qu’il ne nous en a jamais tant dit sur son rôle possible, ni si clairement fait entrevoir sa disposition à l'accepter ? Il continue : " you will have seen, if you follow the proceedings of the house of Commons that our Ministers have recently been roughly handled both by friends anr enemies. Indeed, their position is pitiable enough ; and in spite of the difficulty of finding any one to replace them, it seems to be generally thought that their existence cannot be much prolonged. At any other time, they could not have stood for an hour ; but under present circumstances, I will not undertake to say what may be their fate."
" We shall have the Queen in Scotland the end of this month ; and I believe her stay will be longer than usual. She will be accompanied by Sir George Grey, who is deservedly the most agreeable to her of all her servants : but I suppose that he will be relieved in good time by Lord John. "
Voici un autre son d’une autre cloche. Mr Reeve a passé à Paris allant en Suisse ; il a déposé chez moi ce qu’il m’apportait et il m'a écrit : " Je n’ai qu'une chose à vous dire de quelque importance ; c’est que tout indique un changement sérieux et radical dans la conduite politique de Lord Palmerston. Il a rompu avec la Prusse et dit pis que pendre de Bunsen, et il a donné en haut lieu les assurances les plus formelles d'une modification sérieuse. Il n’y attache pas une foi sans bornes ; mais il faut accepter avec empressement toute velléité de mieux faire. " Ceci signifie à mon avis, qu'on est bien aise de nous faire parvenir à vous et à moi, cette déclaration, pour nous amadouer un peu. Et Charles Greville est, vous le savez, un truchement universel. Reeve me dit qu’il viendra me voir au Val Richer, en revenant de Suisse.
Mad. Austin me reparle encore de la " foreign conspiracy et elle ajoute : " I believe with some I figure as a very humble link in the chain." Paris commence à s'émouvoir assez du voyage du Président. Le succès de Lyon surtout, le Roi de Piémont envoyant son Ministre de la guerre pour le complimenter, fait de l'effet. Un connaisseur m’écrit : “ C’est tant pis pour le Roi de Piémont ; mais qu’en dira-t-on à St Léonard et à Claremont ? Quel malheur qu’on n'y comprenne pas que les masses prendront nécessairement le chemin à gauche si on leur barre le chemin à droite ! Les nôtres donneront le signal. "
Midi
Votre rhumatisme me déplaît. L’Allemagne n’est pas une atmosphère bonne pour guérir des rhumatismes. Vous avez toute raison de ne pas aller à Wiesbaden. Ne pas éviter ce qui vient vous chercher et n'aller rien chercher, c'est le bon sens comme le bon goût. Ce qui se passe là pourra bien faire naître à Paris quelques embarras. Soyez-y tout-à-fait étrangère. Du reste, je crois comme vous que la République sera bonne fille. On m'envoie un journal de la fusion, du dimanche, le Henri IV, infiniment plus bête. que n'était le Napoléon. Adieu, adieu, adieu. Plus de rhumatisme et des bains chauds. Adieu. G.
Schlagenbad, Lundi 19 août 1850, Dorothée de Lieven à François Guizot
Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
Schlangenbad le 19 août 1850
Et hier encore pas de lettres ! Cela n’est pas juste. Hier une estafette de la grande duchesse pour me supplier de venir à Ems où elle ne passe que 3 jours, & hier soir pendant mon thé avec le duc de Parme & la Princesse Grasalcovytch un aide de camps du duc de Nassau venant me répéter l’invitation d'aller à Ems aujourd’hui pour le cas où la lettre et l'estafette ne seraient pas arrivés. J’ai accueilli cela avec un grand éclat de rire moi, faire cette escapade comme si j’étais un officier bien leste. Je viens à mon tour d'envoyer une estafette à la grande Duchesse. Je lui explique que c’est impossible. Elle passe à Bierich après demain, je lui demande là un rendez-vous. Et elle l’accorde c’est bien, si elle se fâche je me console. La duchesse de Noailles est venu hier ici avec son mari évidement pour m'obliger à lui faire visite. Je la ferai aujourd’hui, j’aime expédier les choses vite.
Vous voyez que je suis dans les aventures, mais je trouve détestable de n’avoir pas eu de lettre de vous. Le duc de Noailles va demain à [Kreuznach]. On attend aujourd’hui 380 Français de plus à Wiesbaden des ouvriers entre autres. Quelques centaines de personnes. sont déjà réparties. Il n'y reste plus que 4 représentants. Adieu. Adieu, toujours mauvais temps, & moi assez mauvaise santé. Je crois Schlangenbad trop humide pour moi. Ce ne sera plus long. Adieu.
Et hier encore pas de lettres ! Cela n’est pas juste. Hier une estafette de la grande duchesse pour me supplier de venir à Ems où elle ne passe que 3 jours, & hier soir pendant mon thé avec le duc de Parme & la Princesse Grasalcovytch un aide de camps du duc de Nassau venant me répéter l’invitation d'aller à Ems aujourd’hui pour le cas où la lettre et l'estafette ne seraient pas arrivés. J’ai accueilli cela avec un grand éclat de rire moi, faire cette escapade comme si j’étais un officier bien leste. Je viens à mon tour d'envoyer une estafette à la grande Duchesse. Je lui explique que c’est impossible. Elle passe à Bierich après demain, je lui demande là un rendez-vous. Et elle l’accorde c’est bien, si elle se fâche je me console. La duchesse de Noailles est venu hier ici avec son mari évidement pour m'obliger à lui faire visite. Je la ferai aujourd’hui, j’aime expédier les choses vite.
Vous voyez que je suis dans les aventures, mais je trouve détestable de n’avoir pas eu de lettre de vous. Le duc de Noailles va demain à [Kreuznach]. On attend aujourd’hui 380 Français de plus à Wiesbaden des ouvriers entre autres. Quelques centaines de personnes. sont déjà réparties. Il n'y reste plus que 4 représentants. Adieu. Adieu, toujours mauvais temps, & moi assez mauvaise santé. Je crois Schlangenbad trop humide pour moi. Ce ne sera plus long. Adieu.
Trouville, Dimanche 18 août 1850, François Guizot à Dorothée de Lieven
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
Trouville. Dimanche 18 août 1850
Vous avez dû bien rire, en effet, vous et le duc de Parme, au moment et après. Vous avez du bonheur, dans vos aventures. C'est juste.
Je dîne aujourd’hui chez Madame de Boigne. Je la divertirai, elle et le Chancelier de votre récit. Il ne se passe rien de si amusant à Trouville. J’ai été hier passer trois quarts d'heure au salon, pour un concert de charité. Un chanteur célèbre, dit-on, et dont je ne savais pas le nom a chanté, pour me faire plaisir le non pui andrai de Mozart, et quelques boléros espagnols. Il s’appelle M. Geraldy. Pas plus de personnes de connaissance qu’il y a huit jours. Beaucoup de gens évidemment riches et fort en train de vivre. Une société inconnue pullule autour de nous. Peu spirituelle, peu honnête, peu fière mais puissante par le nombre et le mouvement. Que d'efforts, et de mal et de temps il faudra pour la faire rentrer dans les bonnes règles, si elle y rentre ! Quelle produise du moins ses propres chefs, des hommes à elle, capables de la conduire. Jusqu'ici elle est aussi stérile que forte.
Le voyage du Président tourne à un assez grand effet. On m’a toujours dit que Lyon serait le lieu de son plus brillant triomphe, malgré les efforts contraires. Je ne vois encore de clair que ce résultat ci, un coup de fouet donné à tous les partis, un accès de fièvre au milieu de l’apathie générale. Les Conseils généraux, qui vont se réunir dans le feu de ce mouvement en seront peut-être un peu excités. Cependant ce qui me revient de ceux de la Normandie n’annonce pas grande ardeur. Ils se disposent à demander la révision de la constitution, sans s'expliquer sur la prolongation des pouvoirs du Président. Ce n’est pas la peine. Wiesbaden et Lyon en même temps. Si bizarre spectacle !
Une personne d’esprit m'écrit : " Rien n'empêchera que le public ne répète et ne croie que vous avez vu le comte de Chambord. Je sais des gens que cette idée console fort. " Ils sont bien bons. Peu m'importe du reste, J'ai besoin que dix ou douze personnes sachent positivement ce qui en est et elles le savent. Le surplus m'est, et est réellement indifférent.
Voici qui est bien loin de Wiesbaden. Notre consul en Californie homme intelligent, m’écrit de Panama, après avoir traversé les Etats-Unis : " M. Bulwer a gagné beaucoup de terrain à Washington. Avec son esprit et ses bons dîners, il mène le sénat. Il serait difficile de placer maintenant les relations entre la France et les Etats-Unis sur l'ancienne base d’une hostilité commune ou d'une méfiance commune à l'égard de l'Angleterre. Personne en Amérique ne croit à la république française. C'est, aux yeux des démocrates comme des Whigs, une expérience faite et manquée. Les Américains se sont sentis humiliés des hommes qu'on leur a envoyés. "
Midi.
Moi aussi, je suis bien contrarié de votre lit. C’est bien dommage que je ne sois pas là, nous nous soignerions mutuellement, car je ne suis pas non plus tout-à-fait en bon état. L'humidité paraît vouloir cesser ici. Adieu Adieu. Lisez dans la Revue des deux mondes (15 août) un article intéressant sur la première campagne du Maréchal Radetzki Adieu. G.
Vous avez dû bien rire, en effet, vous et le duc de Parme, au moment et après. Vous avez du bonheur, dans vos aventures. C'est juste.
Je dîne aujourd’hui chez Madame de Boigne. Je la divertirai, elle et le Chancelier de votre récit. Il ne se passe rien de si amusant à Trouville. J’ai été hier passer trois quarts d'heure au salon, pour un concert de charité. Un chanteur célèbre, dit-on, et dont je ne savais pas le nom a chanté, pour me faire plaisir le non pui andrai de Mozart, et quelques boléros espagnols. Il s’appelle M. Geraldy. Pas plus de personnes de connaissance qu’il y a huit jours. Beaucoup de gens évidemment riches et fort en train de vivre. Une société inconnue pullule autour de nous. Peu spirituelle, peu honnête, peu fière mais puissante par le nombre et le mouvement. Que d'efforts, et de mal et de temps il faudra pour la faire rentrer dans les bonnes règles, si elle y rentre ! Quelle produise du moins ses propres chefs, des hommes à elle, capables de la conduire. Jusqu'ici elle est aussi stérile que forte.
Le voyage du Président tourne à un assez grand effet. On m’a toujours dit que Lyon serait le lieu de son plus brillant triomphe, malgré les efforts contraires. Je ne vois encore de clair que ce résultat ci, un coup de fouet donné à tous les partis, un accès de fièvre au milieu de l’apathie générale. Les Conseils généraux, qui vont se réunir dans le feu de ce mouvement en seront peut-être un peu excités. Cependant ce qui me revient de ceux de la Normandie n’annonce pas grande ardeur. Ils se disposent à demander la révision de la constitution, sans s'expliquer sur la prolongation des pouvoirs du Président. Ce n’est pas la peine. Wiesbaden et Lyon en même temps. Si bizarre spectacle !
Une personne d’esprit m'écrit : " Rien n'empêchera que le public ne répète et ne croie que vous avez vu le comte de Chambord. Je sais des gens que cette idée console fort. " Ils sont bien bons. Peu m'importe du reste, J'ai besoin que dix ou douze personnes sachent positivement ce qui en est et elles le savent. Le surplus m'est, et est réellement indifférent.
Voici qui est bien loin de Wiesbaden. Notre consul en Californie homme intelligent, m’écrit de Panama, après avoir traversé les Etats-Unis : " M. Bulwer a gagné beaucoup de terrain à Washington. Avec son esprit et ses bons dîners, il mène le sénat. Il serait difficile de placer maintenant les relations entre la France et les Etats-Unis sur l'ancienne base d’une hostilité commune ou d'une méfiance commune à l'égard de l'Angleterre. Personne en Amérique ne croit à la république française. C'est, aux yeux des démocrates comme des Whigs, une expérience faite et manquée. Les Américains se sont sentis humiliés des hommes qu'on leur a envoyés. "
Midi.
Moi aussi, je suis bien contrarié de votre lit. C’est bien dommage que je ne sois pas là, nous nous soignerions mutuellement, car je ne suis pas non plus tout-à-fait en bon état. L'humidité paraît vouloir cesser ici. Adieu Adieu. Lisez dans la Revue des deux mondes (15 août) un article intéressant sur la première campagne du Maréchal Radetzki Adieu. G.
Schlagenbad, Dimanche 18 août 1850, Dorothée de Lieven à François Guizot
Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
Schlangenbad le 18 août 1850
Duchatel est venu un voir hier, longue conversation dans laquelle je lui ai beaucoup plus appris que lui ne m’a raconté. Il ne savait rien. Il quitte Kreuznach le 24 et passera quelques jours à Paris avant de se rendre à Lagrange. Le soir nous avons eu en tiers le duc de Parme, qui ne l'a pas beaucoup amusé. La princesse Grasalcovy est allé passer sa journée à Wiesbaden. Je suis très perplexe & j’attends de plus amples informations. Constantin m'écrit que la grande Duchesse Hélène ne reste à Ems que huit jours et qu’elle se rend ensuite à Bade si elle y va en droiture nous ne nous rencontrerons pas. Mais on prétend qu’elle vient à Wiesbaden en passant dans ce cas c'est là que j’irais la trouver. Voilà une occasion de rencontrer le comte de Chambord, il n'y en a pas d’autre, car je ne suis pas assez curieuse.
Je n’ai pas eu de lettres de vous hier, mais vous m’en aviez prévenu. Le temps est toujours détestable. Le duc de Noailles m’écrit tout à l’heure, & me presse d’aller voir sa femme. Je verrai, je n’aime pas à me déplacer. Adieu. Adieu, car je n'ai rien absolument à vous dire. Adieu.
Duchatel est venu un voir hier, longue conversation dans laquelle je lui ai beaucoup plus appris que lui ne m’a raconté. Il ne savait rien. Il quitte Kreuznach le 24 et passera quelques jours à Paris avant de se rendre à Lagrange. Le soir nous avons eu en tiers le duc de Parme, qui ne l'a pas beaucoup amusé. La princesse Grasalcovy est allé passer sa journée à Wiesbaden. Je suis très perplexe & j’attends de plus amples informations. Constantin m'écrit que la grande Duchesse Hélène ne reste à Ems que huit jours et qu’elle se rend ensuite à Bade si elle y va en droiture nous ne nous rencontrerons pas. Mais on prétend qu’elle vient à Wiesbaden en passant dans ce cas c'est là que j’irais la trouver. Voilà une occasion de rencontrer le comte de Chambord, il n'y en a pas d’autre, car je ne suis pas assez curieuse.
Je n’ai pas eu de lettres de vous hier, mais vous m’en aviez prévenu. Le temps est toujours détestable. Le duc de Noailles m’écrit tout à l’heure, & me presse d’aller voir sa femme. Je verrai, je n’aime pas à me déplacer. Adieu. Adieu, car je n'ai rien absolument à vous dire. Adieu.
Schlangenbad, Samedi 17 août 1850, Dorothée de Lieven à François Guizot
Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
Schlangenbad Samedi 17 août 1850
J’ai eu hier la visite du duc de Noailles & de M. Berryer. Ils sont venus à 3 h. & m'ont quitté à 7. Le duc de Noailles. est dans le ravissement, du comte de Chambord, il ne le connaissait pas. C'est de l’enthousiasme qu'il inspire d'abord, par sa superbe figure, à la fois de la grandeur, de la vivacité marquée par le bonheur. Ensuite sa conversation excellente, pleine de sens, de tact, voyant les choses par les côtés vrais et pratiques. Le fond parfait, susceptible de développement, mais dés à présent de l’autorité, une autorité naturelle simple. Noailles en est enchanté. Berryer bien content aussi. Il avait fait venir celui-ci à Hanovre en même temps que le M. de la Ferté (gendre de Molé) & Fernand de La Ferronnays. Ces deux-ci font chez lui le service de chambellan. Tous les trois demeurent chez lui & font partie, de sa suite, à tel point que Berryer a dû demander hier au prince la permission de venir me faire visite. Il y avait avant hier trente représentants à la soirée du comte de Chambord. Sur ceux-là 9 sont de la commission, je ne me suis rappelé que les noms de Benoist d’Azy, [Watis], [?] & Renneville. M. de Neuville gendre de M. de Villèle est là aussi et partageant l'enthousiasme général.
Larochejaquelin est parti avant hier sans dire adieu, mécontent de ce que le comte de Chambord aie donné toute sa confiance à Berryer. Quand on a annoncé hier matin son départ, le comte de Chambord a dit " j'en suis plus fâché pour lui que pour moi." Ce même jour il s'apprêtait à lui faire une forte réprimande. Il lui déplait fort de voir la discussion dans le camps de ses fidèles, et il exprime à toute occasion sa ferme volonté qu’on se conduise autrement à l’avenir. L’esprit le plus conciliant le plus patient, & le plus confiant dans l’avenir. On dit qu'il est impossible en le voyant de ne pas s’en croire certain comme lui. Une heureuse physionomie. La plus grande aisance, tenant son salon comme s'il était Roi depuis dix ans. Sa journée commence à huit heures. Depuis ce moment jusqu’à 5 heures, une audience après l’autre. Sans un instant d'intervalle, à 5 dîners de 20 couverts. Il ne se promène qu’après 7 heures jusqu’à 8, en rentrant réunion chez lui jusqu'à 10. Les dames tous les deux jours. Voilà le récit.
Berryer retourne à Paris le 22 je crois. Le duc de Noailles. restera peut être un peu plus longtemps. Le comte de Chambord part à la fin du mois. Ces Messieurs avaient ouï dire que la Grand duchesse Hélène venait à Wiesbaden tout de suite. Je m'en vais m’en informer, si cela était je serais dispensée d d'Ems. et j’irais la trouver à Wiesbaden. Mais je doute que cela soit ainsi. Mon rhumatisme va mieux mais le temps reste mauvais. On dit qu’on ne voit que des Français à Wiesbaden c’est bien autre chose que Belgrave square. Mad. Alexandre Girardin y est aussi. Adieu. Adieu.
On tient à Wiesbaden les meilleurs propos sur la famille d’Orléans.
J’ai eu hier la visite du duc de Noailles & de M. Berryer. Ils sont venus à 3 h. & m'ont quitté à 7. Le duc de Noailles. est dans le ravissement, du comte de Chambord, il ne le connaissait pas. C'est de l’enthousiasme qu'il inspire d'abord, par sa superbe figure, à la fois de la grandeur, de la vivacité marquée par le bonheur. Ensuite sa conversation excellente, pleine de sens, de tact, voyant les choses par les côtés vrais et pratiques. Le fond parfait, susceptible de développement, mais dés à présent de l’autorité, une autorité naturelle simple. Noailles en est enchanté. Berryer bien content aussi. Il avait fait venir celui-ci à Hanovre en même temps que le M. de la Ferté (gendre de Molé) & Fernand de La Ferronnays. Ces deux-ci font chez lui le service de chambellan. Tous les trois demeurent chez lui & font partie, de sa suite, à tel point que Berryer a dû demander hier au prince la permission de venir me faire visite. Il y avait avant hier trente représentants à la soirée du comte de Chambord. Sur ceux-là 9 sont de la commission, je ne me suis rappelé que les noms de Benoist d’Azy, [Watis], [?] & Renneville. M. de Neuville gendre de M. de Villèle est là aussi et partageant l'enthousiasme général.
Larochejaquelin est parti avant hier sans dire adieu, mécontent de ce que le comte de Chambord aie donné toute sa confiance à Berryer. Quand on a annoncé hier matin son départ, le comte de Chambord a dit " j'en suis plus fâché pour lui que pour moi." Ce même jour il s'apprêtait à lui faire une forte réprimande. Il lui déplait fort de voir la discussion dans le camps de ses fidèles, et il exprime à toute occasion sa ferme volonté qu’on se conduise autrement à l’avenir. L’esprit le plus conciliant le plus patient, & le plus confiant dans l’avenir. On dit qu'il est impossible en le voyant de ne pas s’en croire certain comme lui. Une heureuse physionomie. La plus grande aisance, tenant son salon comme s'il était Roi depuis dix ans. Sa journée commence à huit heures. Depuis ce moment jusqu’à 5 heures, une audience après l’autre. Sans un instant d'intervalle, à 5 dîners de 20 couverts. Il ne se promène qu’après 7 heures jusqu’à 8, en rentrant réunion chez lui jusqu'à 10. Les dames tous les deux jours. Voilà le récit.
Berryer retourne à Paris le 22 je crois. Le duc de Noailles. restera peut être un peu plus longtemps. Le comte de Chambord part à la fin du mois. Ces Messieurs avaient ouï dire que la Grand duchesse Hélène venait à Wiesbaden tout de suite. Je m'en vais m’en informer, si cela était je serais dispensée d d'Ems. et j’irais la trouver à Wiesbaden. Mais je doute que cela soit ainsi. Mon rhumatisme va mieux mais le temps reste mauvais. On dit qu’on ne voit que des Français à Wiesbaden c’est bien autre chose que Belgrave square. Mad. Alexandre Girardin y est aussi. Adieu. Adieu.
On tient à Wiesbaden les meilleurs propos sur la famille d’Orléans.
Mots-clés : Politique (France), Portrait, Réseau social et politique, Salon, Santé (Dorothée)
Trouville,Vendredi 16 août 1850, François Guizot à Dorothée de Lieven
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
Trouville, Vendredi 16 août 1850
Moi aussi, je suis abreuvé de pluie. Pas un rayon de soleil depuis que je suis ici. Je me suis promené hier une heure et demie avec Dumon sous mon parapluie. Si ce temps là continue, je ne resterai pas longtemps à Trouville, enfermé pour enfermé, j’aime mieux l'être au Val Richer, dans mes meubles, et avec mes livres.
Mad de Boigne et le Chancelier restent ici jusqu'au 15 octobre. Le dernier mois doit être un peu rude. Mais ils se plaisent dans cette maison autant qu'on peut se plaire quelque part quand on n’est plus occupé que de vivre. Le Chancelier se porte à merveille, se promène tout le jour et cause tant qu’on veut, ou tant qu’il veut lui-même. Au fond, je crois que la fin de sa vie lui convient assez ; il est tombé avec la Chambre des Pairs. ( Il n'y a pas d'autre Chancelier.) On vient de donner à la rue dans laquelle est ici sa maison, le nom de rue du Chancelier. Il croit que le président durera bien autant que lui. Il a assez de sécurité, beaucoup de confort, et pas mal de petits plaisirs d’amour propre. Cela lui suffit. Il a plus de sens que M. Molé. Mes enfants sont allés hier soir danser au salon. Je suis resté seul. J’ai lu à mon aise toutes vos pièces diplomatiques. Décidément, celles de M. de Brünnow sont très inférieures aux autres. L'embarras y perce à chaque ligne, et la platitude, envers Lord Palmerston, n'y manque pas. On s’occupe assez du voyage du Président. Dumon croit que ce succès, tout contesté qu’il est, pourra lui tourner la tête et lui faire faire quelque sottise. Nous avons, en France, en fait de réceptions impériales et royales, une routine magnifique qui s'applique à lui aujourd'hui et qui peut lui faire illusion. Nous verrons. On dit toujours que Strasbourg est le gros écueil.
J’ai oublié, je crois, de vous dire que les Saint-Aulaire m'avaient bien recommandé de vous parler d'eux vraiment avec amitié. Et aussi que j’ai demandé de votre part des nouvelles de Melle Augustine, la femme de Chambre qui vous a bien soignée. Elle est venue m'en remercier, rouge comme une écrevisse. Sainte-Aulaire passe ses journées à écrire ses mémoires. J’en suis bien aise. Il dira beaucoup de choses qui me conviennent, et qui ne seraient pas dites sans lui.
J'attends la poste. Elle m’apportera votre lettre, et peut-être quelque nouvelle. Adieu en attendant.
Midi
Pas de nouvelle, excepté votre aventure que j'espère bien avoir demain. Mad. de Clairville était bien étourdie et M. de Clairville bien bon homme. Evidemment la réception du Président à Dijon a été très mêlée. Ce voyage donnera de l'excitation à tout le monde, à ses ennemis comme à ses amis. De tout ceci pour peu que ceci dure encore, et quoiqu'il arrive après, il résultera que le parti républicain, modéré ou rouge restera un gros parti qui donnera d'immenses embarras. L’avenir est bien obscur. Adieu, Adieu. Cette abominable humidité me porte un peu sur les entrailles. Rien de sérieux. Adieu encore, et toujours. G.
Moi aussi, je suis abreuvé de pluie. Pas un rayon de soleil depuis que je suis ici. Je me suis promené hier une heure et demie avec Dumon sous mon parapluie. Si ce temps là continue, je ne resterai pas longtemps à Trouville, enfermé pour enfermé, j’aime mieux l'être au Val Richer, dans mes meubles, et avec mes livres.
Mad de Boigne et le Chancelier restent ici jusqu'au 15 octobre. Le dernier mois doit être un peu rude. Mais ils se plaisent dans cette maison autant qu'on peut se plaire quelque part quand on n’est plus occupé que de vivre. Le Chancelier se porte à merveille, se promène tout le jour et cause tant qu’on veut, ou tant qu’il veut lui-même. Au fond, je crois que la fin de sa vie lui convient assez ; il est tombé avec la Chambre des Pairs. ( Il n'y a pas d'autre Chancelier.) On vient de donner à la rue dans laquelle est ici sa maison, le nom de rue du Chancelier. Il croit que le président durera bien autant que lui. Il a assez de sécurité, beaucoup de confort, et pas mal de petits plaisirs d’amour propre. Cela lui suffit. Il a plus de sens que M. Molé. Mes enfants sont allés hier soir danser au salon. Je suis resté seul. J’ai lu à mon aise toutes vos pièces diplomatiques. Décidément, celles de M. de Brünnow sont très inférieures aux autres. L'embarras y perce à chaque ligne, et la platitude, envers Lord Palmerston, n'y manque pas. On s’occupe assez du voyage du Président. Dumon croit que ce succès, tout contesté qu’il est, pourra lui tourner la tête et lui faire faire quelque sottise. Nous avons, en France, en fait de réceptions impériales et royales, une routine magnifique qui s'applique à lui aujourd'hui et qui peut lui faire illusion. Nous verrons. On dit toujours que Strasbourg est le gros écueil.
J’ai oublié, je crois, de vous dire que les Saint-Aulaire m'avaient bien recommandé de vous parler d'eux vraiment avec amitié. Et aussi que j’ai demandé de votre part des nouvelles de Melle Augustine, la femme de Chambre qui vous a bien soignée. Elle est venue m'en remercier, rouge comme une écrevisse. Sainte-Aulaire passe ses journées à écrire ses mémoires. J’en suis bien aise. Il dira beaucoup de choses qui me conviennent, et qui ne seraient pas dites sans lui.
J'attends la poste. Elle m’apportera votre lettre, et peut-être quelque nouvelle. Adieu en attendant.
Midi
Pas de nouvelle, excepté votre aventure que j'espère bien avoir demain. Mad. de Clairville était bien étourdie et M. de Clairville bien bon homme. Evidemment la réception du Président à Dijon a été très mêlée. Ce voyage donnera de l'excitation à tout le monde, à ses ennemis comme à ses amis. De tout ceci pour peu que ceci dure encore, et quoiqu'il arrive après, il résultera que le parti républicain, modéré ou rouge restera un gros parti qui donnera d'immenses embarras. L’avenir est bien obscur. Adieu, Adieu. Cette abominable humidité me porte un peu sur les entrailles. Rien de sérieux. Adieu encore, et toujours. G.
Schlangenbad, Jeudi 15 août 1850, Dorothée de Lieven à François Guizot
Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
Schlangenbad le 15 août jeudi 1850
J'avais eu deux lettres hier. Je n’en ai point eu aujourd’hui c’est juste. Je suis mécontente de moi ici. Depuis trois jours un rhumatisme universel, et aujourd’hui par une gaucherie impardonnable le bain, froid, au lieu d’être chaud. J’ai poussé des cris d’horreur, j’ai fait ce que j’ai pu pour me bouillir plus tard mais cela n’a pas réussi. Le temps est affreux, pluie & brouillard.
La princesse Grasalcoviz est venue, elle n'apporte que des belles robes, voilà son contingent. J’ai eu une lettre de Berryer. Il reste à Wiesbaden jusqu'au 20. Il viendra me voir ici ; il voudrait que j’allasse là, je ne le ferai pas. Je ne sais rien. Thiers écrit à la princesse Grasalcoviz pour l'inviter à venir dîner chez lui à Bade. Il y reste jusqu'à la fin de septembre. Elle a la tête tournée de Thiers. Je lui pardonne d’être folle, mais elle est méchante. En y pensant un peu, quel drôle de spectacle que cette réunion de Wiesbaden, d'abord sans doute des intrigues, des querelles à cette cour. Comment Berryer & Larochejacquelin peuvent-ils aller ensemble ensuite, ou plutôt avant, tous ces représentants (on dit qu'il y en a 9 qui font partie de la commission du 25 chargée de veiller à la sûreté de l’état, aux institutions du pays), au lieu de résider à Paris, comme c’est leur devoir, sont là, grossissant la cour du prétendant. C’est fort singulier. Mais la république sera bonne fille, elle n'y fera pas attention, pas comme vous pour Belgraw Square, & certainement ceci est plus gros. Le 16. Triste journée hier. Malade, de la pluie, personne, pas même le duc de Parme, je crois qu'il était à Weisbaden. La princesse Grasalcoviz, Mad. [Malorte] et celle-ci est partie ce matin. Vraie perte pour moi, car elle est vraiment charmante, & m'a beaucoup soignée. Adieu, adieu. J'aurai certainement des visites intéressantes ces jours ci. Adieu.
J'avais eu deux lettres hier. Je n’en ai point eu aujourd’hui c’est juste. Je suis mécontente de moi ici. Depuis trois jours un rhumatisme universel, et aujourd’hui par une gaucherie impardonnable le bain, froid, au lieu d’être chaud. J’ai poussé des cris d’horreur, j’ai fait ce que j’ai pu pour me bouillir plus tard mais cela n’a pas réussi. Le temps est affreux, pluie & brouillard.
La princesse Grasalcoviz est venue, elle n'apporte que des belles robes, voilà son contingent. J’ai eu une lettre de Berryer. Il reste à Wiesbaden jusqu'au 20. Il viendra me voir ici ; il voudrait que j’allasse là, je ne le ferai pas. Je ne sais rien. Thiers écrit à la princesse Grasalcoviz pour l'inviter à venir dîner chez lui à Bade. Il y reste jusqu'à la fin de septembre. Elle a la tête tournée de Thiers. Je lui pardonne d’être folle, mais elle est méchante. En y pensant un peu, quel drôle de spectacle que cette réunion de Wiesbaden, d'abord sans doute des intrigues, des querelles à cette cour. Comment Berryer & Larochejacquelin peuvent-ils aller ensemble ensuite, ou plutôt avant, tous ces représentants (on dit qu'il y en a 9 qui font partie de la commission du 25 chargée de veiller à la sûreté de l’état, aux institutions du pays), au lieu de résider à Paris, comme c’est leur devoir, sont là, grossissant la cour du prétendant. C’est fort singulier. Mais la république sera bonne fille, elle n'y fera pas attention, pas comme vous pour Belgraw Square, & certainement ceci est plus gros. Le 16. Triste journée hier. Malade, de la pluie, personne, pas même le duc de Parme, je crois qu'il était à Weisbaden. La princesse Grasalcoviz, Mad. [Malorte] et celle-ci est partie ce matin. Vraie perte pour moi, car elle est vraiment charmante, & m'a beaucoup soignée. Adieu, adieu. J'aurai certainement des visites intéressantes ces jours ci. Adieu.
Trouville, Jeudi 15 août 1850, François Guizot à Dorothée de Lieven
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
Trouville, jeudi 15 août 1850 8 heures
J’ai passé hier au Val Richer où j’avais des papiers à prendre. Je suis ici jusqu’au 28 ou 30 août. Je serai bien aise d'être rétabli au Val Richer. Quand je ne suis pas avec vous, je ne me trouve bien que chez moi. Je ne suis pourtant pas mal accommodé à Trouville. J’ai un assez bon cabinet, et une petite chambre où presque rien, ne me manque du comfort devenu presque nécessaire. C’est beaucoup à Trouville, encombré de monde et dans une maison que mes enfants et leurs deux familles remplissent jusqu'au toit.
Bien peu de monde du reste qui vous convînt. Toujours le chancelier et Mad. de Boigne Dumon qui m'attendait et que j'ai vu hier mais qui va repartir Quelques Delessert que vous ne connaissez pas. Hors de là personne de notre société et même à ce que disent mes enfants, un peu de mauvaise compagnie. Dumon ne m’a rien appris. Il venait de lire une lettre de M. Molé, triste et découragé. Triste pour lui-même ; il s’aperçoit de son peu d'influence. Son été de la Saint Martin est passé. Personne ne fait plus guère attention à ce qu’il dit et à ce qu’il fait. Sans parler de ses peines de coeur dont il ne parme qu'à Mad. Kalerdgi et dont il ne lui parle même plus. Je doute de cela. Je parierais qu’il y est retourné. Il est en fait de fierté comme pour tout le reste, tout apparence, rien au fond. Le Duc de Broglie toujours aussi noir et sans avenir que jamais. Changarnier de mauvaise humeur et impatient. Un homme d’action qui ne fait rien, c’est une situation difficile à prolonger. Il est d’une commission de l'assemblée qui prépare une loi bonne, dit-on, sur le recrutement et l’organisation de l’armée. Lamoricière qui en est aussi y fait meilleure mine et y a plus d'influence que lui. Lamoricière a des idées à tort et à travers, et parle bien. Changarnier se déplait là. Ceci inquiète quelques personnes. Je vous ai redit tout Dumon. Je vous quitte pour aller faire ma toilette. La poste arrive ici à 10 heures et part à 2 heures. C'est mieux arrangé qu’à Ems.
Midi
Je reçois votre dernière lettre d’Ems et la première de Schlangenbad. Si Schlangenbad vous engraisse c'est bien ; mais je crains pour vous cette complète solitude. La Princesse de Prusse aurait mieux fait de rester. Si vous retournez à Ems comme vous en aviez le projet, pour voir la grande Duchesse, soyez assez bonne pour m'acheter deux garnitures de boutons de gilet, en pierres du Rhin, comme celle que vous m'avez choisie pour Guillaume. Huit boutons pour chaque garniture ; cela coûte 8 francs. C’est pour mes deux gendres. Les cailloux du Rhin ont été trouvés très jolis.
Le Journal des Débats donne bien des pièces de votre cour. Il les tient de la bonne source. Je suis bien aise que tous ces documents soient publiés. Il vous font honneur. Les pièces venues de Pétersbourg sont mieux rédigées que celles de Brünnow. Adieu. Adieu. Je regarde un peu à ces récits du voyage, du Président. Je vous en dirai mon impression. Adieu adieu. G.
J’ai passé hier au Val Richer où j’avais des papiers à prendre. Je suis ici jusqu’au 28 ou 30 août. Je serai bien aise d'être rétabli au Val Richer. Quand je ne suis pas avec vous, je ne me trouve bien que chez moi. Je ne suis pourtant pas mal accommodé à Trouville. J’ai un assez bon cabinet, et une petite chambre où presque rien, ne me manque du comfort devenu presque nécessaire. C’est beaucoup à Trouville, encombré de monde et dans une maison que mes enfants et leurs deux familles remplissent jusqu'au toit.
Bien peu de monde du reste qui vous convînt. Toujours le chancelier et Mad. de Boigne Dumon qui m'attendait et que j'ai vu hier mais qui va repartir Quelques Delessert que vous ne connaissez pas. Hors de là personne de notre société et même à ce que disent mes enfants, un peu de mauvaise compagnie. Dumon ne m’a rien appris. Il venait de lire une lettre de M. Molé, triste et découragé. Triste pour lui-même ; il s’aperçoit de son peu d'influence. Son été de la Saint Martin est passé. Personne ne fait plus guère attention à ce qu’il dit et à ce qu’il fait. Sans parler de ses peines de coeur dont il ne parme qu'à Mad. Kalerdgi et dont il ne lui parle même plus. Je doute de cela. Je parierais qu’il y est retourné. Il est en fait de fierté comme pour tout le reste, tout apparence, rien au fond. Le Duc de Broglie toujours aussi noir et sans avenir que jamais. Changarnier de mauvaise humeur et impatient. Un homme d’action qui ne fait rien, c’est une situation difficile à prolonger. Il est d’une commission de l'assemblée qui prépare une loi bonne, dit-on, sur le recrutement et l’organisation de l’armée. Lamoricière qui en est aussi y fait meilleure mine et y a plus d'influence que lui. Lamoricière a des idées à tort et à travers, et parle bien. Changarnier se déplait là. Ceci inquiète quelques personnes. Je vous ai redit tout Dumon. Je vous quitte pour aller faire ma toilette. La poste arrive ici à 10 heures et part à 2 heures. C'est mieux arrangé qu’à Ems.
Midi
Je reçois votre dernière lettre d’Ems et la première de Schlangenbad. Si Schlangenbad vous engraisse c'est bien ; mais je crains pour vous cette complète solitude. La Princesse de Prusse aurait mieux fait de rester. Si vous retournez à Ems comme vous en aviez le projet, pour voir la grande Duchesse, soyez assez bonne pour m'acheter deux garnitures de boutons de gilet, en pierres du Rhin, comme celle que vous m'avez choisie pour Guillaume. Huit boutons pour chaque garniture ; cela coûte 8 francs. C’est pour mes deux gendres. Les cailloux du Rhin ont été trouvés très jolis.
Le Journal des Débats donne bien des pièces de votre cour. Il les tient de la bonne source. Je suis bien aise que tous ces documents soient publiés. Il vous font honneur. Les pièces venues de Pétersbourg sont mieux rédigées que celles de Brünnow. Adieu. Adieu. Je regarde un peu à ces récits du voyage, du Président. Je vous en dirai mon impression. Adieu adieu. G.
Schlangenbad, Mercredi 14 août 1850, Dorothée de Lieven à François Guizot
Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
Schlagenbad le 14 août 1850
2 heures
Je ne me lève que dans ce moment. Le fils du duc de Noailles est venu me voir de Weisbaden. J'ai été obligé de le recevoir quoique dans mon lit. Il m'apportait une lettre de son père d'Aix en Savoie, qui s'annonce pour ce soir à Weisbaden. Il veut savoir où je suis. C’est très commode, je suis tout près. Le comte de Chambord a témoigné une grande joie quand il apprit hier que le duc de Noailles arrivait. Jules a été trouvé le prince à Cologne, il l'a vu arriver avec Berryer et autre qui s'étaient portés à sa rencontre à Hanovre. A Cologne il a simplement passé la nuit. Tous les Français ont fait la navigation du Rhin avec lui, à Weisbaden ils ont trouvé beaucoup d’arrivés de Paris. 9 ou 14 représentants (l'un ou l’autre chiffre j’ai oubliée) et entre autres Benoist d'Azy et quelques autres qui sont de la commission de permanence tous ravis du comte de Chambord. On dit une tête remarquable avec beaucoup de vivacité dans le regard, et une manière digne et charmante. Hier on lui a présenté M. Vezin représentant orléaniste je crois. Il accueille tout le monde avec beaucoup de bonne grâce. Tous les jours 20 personnes à sa table, la maison bien montée. Tous les deux jours soirée. Hier une centaine de personnes. Des dames. La duchesse de Noailles arrivée aussi avec son mari. Tout cela va faire bien du bruit. Probablement de la fumée. Berryer reste là encore. Le prince s’occupe tout le jour. Il n’est encore sorti qu’une fois pour se promener. Il a sa livrée et cela a bon air.
Voilà mes nouvelles de la ville voisine. J'ai bien peur que le duc de Parme ne m'ennuie. Il a l’air parfaitement heureux. de venir chez moi le soir. Il est très intime. Il ne manque pas d'esprit, mais il est un peu bruyant. Décidément je n’irai pas à Weisbaden, ma curiosité ne pourrait être satisfaite qu’en faisant savoir au comte de Chambord que je suis curieuse de lui, et cela je ne le ferai pas. On ne le rencontre pas à la promenade, ainsi je me passerai de le voir. Le 15. Vite je finis. Je me suis levée tard, je ne suis pas bien pardon pardon. J’ai eu deux lettres hier 11 et 12. J’ai peur de n’avoir rien aujourd'hui
2 heures
Je ne me lève que dans ce moment. Le fils du duc de Noailles est venu me voir de Weisbaden. J'ai été obligé de le recevoir quoique dans mon lit. Il m'apportait une lettre de son père d'Aix en Savoie, qui s'annonce pour ce soir à Weisbaden. Il veut savoir où je suis. C’est très commode, je suis tout près. Le comte de Chambord a témoigné une grande joie quand il apprit hier que le duc de Noailles arrivait. Jules a été trouvé le prince à Cologne, il l'a vu arriver avec Berryer et autre qui s'étaient portés à sa rencontre à Hanovre. A Cologne il a simplement passé la nuit. Tous les Français ont fait la navigation du Rhin avec lui, à Weisbaden ils ont trouvé beaucoup d’arrivés de Paris. 9 ou 14 représentants (l'un ou l’autre chiffre j’ai oubliée) et entre autres Benoist d'Azy et quelques autres qui sont de la commission de permanence tous ravis du comte de Chambord. On dit une tête remarquable avec beaucoup de vivacité dans le regard, et une manière digne et charmante. Hier on lui a présenté M. Vezin représentant orléaniste je crois. Il accueille tout le monde avec beaucoup de bonne grâce. Tous les jours 20 personnes à sa table, la maison bien montée. Tous les deux jours soirée. Hier une centaine de personnes. Des dames. La duchesse de Noailles arrivée aussi avec son mari. Tout cela va faire bien du bruit. Probablement de la fumée. Berryer reste là encore. Le prince s’occupe tout le jour. Il n’est encore sorti qu’une fois pour se promener. Il a sa livrée et cela a bon air.
Voilà mes nouvelles de la ville voisine. J'ai bien peur que le duc de Parme ne m'ennuie. Il a l’air parfaitement heureux. de venir chez moi le soir. Il est très intime. Il ne manque pas d'esprit, mais il est un peu bruyant. Décidément je n’irai pas à Weisbaden, ma curiosité ne pourrait être satisfaite qu’en faisant savoir au comte de Chambord que je suis curieuse de lui, et cela je ne le ferai pas. On ne le rencontre pas à la promenade, ainsi je me passerai de le voir. Le 15. Vite je finis. Je me suis levée tard, je ne suis pas bien pardon pardon. J’ai eu deux lettres hier 11 et 12. J’ai peur de n’avoir rien aujourd'hui
Schlangenbad, Mardi 13 août 1850, Dorothée de Lieven à François Guizot
Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
Schlangenbad Mardi le 13 août 1850
Les journaux me paraissent fort occupés des dîners militaires du Président. Vous ne manderez quelque chose de Paris sur ce sujet. Est-ce que je retrouverai la république. J’ai eu un mot de Chreptovitch de Kissingen. Il partait avec son beau père pour Vienne. Il avait été question de lui donner l’initiative de Londres pendant l'absence de Brunnow mais on a trouvé que c’était faire trop d'honneur à l'Angleterre, et afin de faire le contraire on y laissera M. de [Bey], parfaitement bête, chargé de ne rien faire.
4 heures Voici votre lettre du 10. Merci, merci. Constantin me fait un long bulletin de Berlin. Le roi enchanté de votre enchantement de Stalgenfeld. S'il avait su, il vous aurait fait préparer un appartement. Le roi aussi bien que le Prince de Prusse mécontent de la Duchesse d’Orléans. Occupés de l'avenir de la France, écoutant Constantin avec curiosité et de son avis. Le comte de Chambord a passé la journée du 6 à Postdam. Il y a fait une impression très favorable. On l'a traité avec de grands égards. Le roi & son frère avaient [mis] le St Esprit. Périgny en est désolé. L’Empereur va faire un voyage d’inspection à Kiev & & et rejoindra plus tard à Varsovie l’Impératrice qui y va dans trois semaines. Venise est possible pour l'hiver, mais rien n’est décidé.
Le 14. Je vous écris de mon lit. Le temps humide ne me va pas. Je n’ai pas dormi. J'ai des douleurs partout. Quel ennui. Hier Mad. Malorte a été à Wisbaden. Elle a vu le Général de Changarnier et lui a même parlé. Elle est dans l’enthousiasme de sa bonne grâce de son grand air. Il lui a dit à revoir à Paris car tant que je n’y serai pas il n’y aura pas de repos en Europe. C’est gros. Il me semble qu'il a la même confiance que le Président. C’est l'effet qu'il a fait sur Mad. M. C'est une personne très sensée, & je crois à ses impressions. Pour moi, je n’irai pas à Wiesbaden malgré ma curiosité. C’est loin c’est fatigant, & j’ai ici une détestable voiture. Le duc de Parme a passé la soirée chez moi. Il me plonge dans l'Italie. Cela ne m’intéresse pas encore beaucoup. Si je suis réduite à sa société il faudra bien que cela vienne. Adieu. Adieu. Je suis bien contrariée de mon lit.
Les journaux me paraissent fort occupés des dîners militaires du Président. Vous ne manderez quelque chose de Paris sur ce sujet. Est-ce que je retrouverai la république. J’ai eu un mot de Chreptovitch de Kissingen. Il partait avec son beau père pour Vienne. Il avait été question de lui donner l’initiative de Londres pendant l'absence de Brunnow mais on a trouvé que c’était faire trop d'honneur à l'Angleterre, et afin de faire le contraire on y laissera M. de [Bey], parfaitement bête, chargé de ne rien faire.
4 heures Voici votre lettre du 10. Merci, merci. Constantin me fait un long bulletin de Berlin. Le roi enchanté de votre enchantement de Stalgenfeld. S'il avait su, il vous aurait fait préparer un appartement. Le roi aussi bien que le Prince de Prusse mécontent de la Duchesse d’Orléans. Occupés de l'avenir de la France, écoutant Constantin avec curiosité et de son avis. Le comte de Chambord a passé la journée du 6 à Postdam. Il y a fait une impression très favorable. On l'a traité avec de grands égards. Le roi & son frère avaient [mis] le St Esprit. Périgny en est désolé. L’Empereur va faire un voyage d’inspection à Kiev & & et rejoindra plus tard à Varsovie l’Impératrice qui y va dans trois semaines. Venise est possible pour l'hiver, mais rien n’est décidé.
Le 14. Je vous écris de mon lit. Le temps humide ne me va pas. Je n’ai pas dormi. J'ai des douleurs partout. Quel ennui. Hier Mad. Malorte a été à Wisbaden. Elle a vu le Général de Changarnier et lui a même parlé. Elle est dans l’enthousiasme de sa bonne grâce de son grand air. Il lui a dit à revoir à Paris car tant que je n’y serai pas il n’y aura pas de repos en Europe. C’est gros. Il me semble qu'il a la même confiance que le Président. C’est l'effet qu'il a fait sur Mad. M. C'est une personne très sensée, & je crois à ses impressions. Pour moi, je n’irai pas à Wiesbaden malgré ma curiosité. C’est loin c’est fatigant, & j’ai ici une détestable voiture. Le duc de Parme a passé la soirée chez moi. Il me plonge dans l'Italie. Cela ne m’intéresse pas encore beaucoup. Si je suis réduite à sa société il faudra bien que cela vienne. Adieu. Adieu. Je suis bien contrariée de mon lit.
Paris, Mardi 13 août 1850, François Guizot à Dorothée de Lieven
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
Paris. Mardi 13 août 1850
Certainement je veux tous les jours des lettres. J'aime mieux les longues; mais je veux les courtes. Vous n'aurez aussi que quelques lignes aujourd'hui. Je reviens du Collège Bourbon ; je pars ce soir, et j'ai beaucoup de petites commissions et affaires. Les journaux vous disent l’accueil que j'ai reçu hier du public au grand concours. Fort au delà de ce que je pensais. J’étais à peine entré, toute la salle s'est levée, et les applaudissements ont duré trois minutes au moins. Tout-à-l'heure, la même chose, a recommencé au collège Bourbon, sur une plus petite échelle. Je suis moins ironique que le Duc de Wellington ; j'ai salué de bonne grâce, au lieu de hausser les épaules Comme les jalousies, pas plus les politiques que les amoureuses, ne meurent jamais, vous remarquiez que le Constitutionnel ne dit pas un mot de ce qui s’est passé à mon entrée dans la salle du grand concours.
Je n'ai rien appris hier ni ce matin, quoique j'aie vu beaucoup de monde. Paris est parfaitement tranquille, assez prospère et toujours triste au fond, un peu par inquiétude de l'avenir, un peu par honte du passé. C’est un pays qui ne veut pas remué, mais qui vit mal à l'aise dans son repos. Adieu. adieu.
Je retourne à Trouville, en passant par le Val Richer où j'ai quelques ordres à donner et quelques papiers à prendre. J’arriverai à Trouville le soir au lieu du matin. Je manquerai très probablement l'heure de la poste, et il vous manquera une lettre. Adieu. Nous n'avons pas ici une pluie continue comme vous à Ems, mais des orages qui recommencent sans cesse.
Adieu, et adieu. G.
Certainement je veux tous les jours des lettres. J'aime mieux les longues; mais je veux les courtes. Vous n'aurez aussi que quelques lignes aujourd'hui. Je reviens du Collège Bourbon ; je pars ce soir, et j'ai beaucoup de petites commissions et affaires. Les journaux vous disent l’accueil que j'ai reçu hier du public au grand concours. Fort au delà de ce que je pensais. J’étais à peine entré, toute la salle s'est levée, et les applaudissements ont duré trois minutes au moins. Tout-à-l'heure, la même chose, a recommencé au collège Bourbon, sur une plus petite échelle. Je suis moins ironique que le Duc de Wellington ; j'ai salué de bonne grâce, au lieu de hausser les épaules Comme les jalousies, pas plus les politiques que les amoureuses, ne meurent jamais, vous remarquiez que le Constitutionnel ne dit pas un mot de ce qui s’est passé à mon entrée dans la salle du grand concours.
Je n'ai rien appris hier ni ce matin, quoique j'aie vu beaucoup de monde. Paris est parfaitement tranquille, assez prospère et toujours triste au fond, un peu par inquiétude de l'avenir, un peu par honte du passé. C’est un pays qui ne veut pas remué, mais qui vit mal à l'aise dans son repos. Adieu. adieu.
Je retourne à Trouville, en passant par le Val Richer où j'ai quelques ordres à donner et quelques papiers à prendre. J’arriverai à Trouville le soir au lieu du matin. Je manquerai très probablement l'heure de la poste, et il vous manquera une lettre. Adieu. Nous n'avons pas ici une pluie continue comme vous à Ems, mais des orages qui recommencent sans cesse.
Adieu, et adieu. G.
Paris, Lundi 12 août 1850, François Guizot à Dorothée de Lieven
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
Paris, lundi 12 août 1850
Les Sainte-Aulaire ont été charmés hier de me voir. Ils m'attendaient au bord de la rivière que j'ai passée dans un petit bateau comme celui dont vous n'avez pas voulu sur le Rhin. Mais quand nous irons ensemble, nous n'userons point du petit bateau ; avec vingt minutes de plus on passe sur le pont de Corbeil. Rien que Mr et Mad. d’Harcourt, M. de Viel-Castel, M. Raulin, un M. de Kermarer, représentant et parent de Sainte-Aulaire, et moi. Amicale et agréable conversation. Il écrit ses mémoires avec passion. Elle a bien de l’esprit. Fusionniste, plus décidée que personne ; ne comprenant pas qu’on ne le soit pas si on est sensé et honnête. Ils sont bien établis. Ils resteront là jusqu'au 15 Janvier. Leurs enfants viennent alternativement leur tenir compagnie. Les d'Harcourt vont en Angleterre à la fin du mois, pour quelques jours le mari pour son héritage, la femme pour rendre ses devoirs à la Reine.
J’ai eu hier une longue lettre de la Reine, ancienne (25 Juillet) ; elle m'a été apportée par quelqu’un qui a fait de longs détours. A ce moment quoique après la fatigue de la première communion de M. le comte de Paris le Roi continuait d'aller mieux. Du moins la Reine le croyait et me le dit. Elle me remercie vivement de l’article de M. de Lavergne dans la Revue des deux mondes. Evidemment cela leur a fait un grand plaisir. Ils seront à Richmond samedi prochain 17.
J’ai oublié de vous dire qu’en passant à Bruxelles, j'ai redit au roi Léopold ma conversation chez vous avec le comte Chreptovitch. Vous vous la rappelez. Il en a été charmé. Van Praet m'a dit que le Général Skrinesky (est-ce le nom ?) n’était plus employé dans l’armée Belge. Il est en retraite. Ils n’ont plus dans l’armée que sept ou huit officiers Polonais dont il leur serait assez facile de se débarrasser. Il ne leur faut qu’une occasion naturelle, qui peut se présenter. Du reste, j’ai trouvé la Belgique, non pas agitée mais assez troublée de la retraite du Ministre de la guerre, retraite forcée par les susceptibilités et la mauvaise humeur de la garde civique de Bruxelles. Le 23 Février sans révolution. Il m’a paru que cela inquiétait les gens d'esprit. Là aussi, il y a de bien mauvaises idées et habitudes qui ne fermentent pas et n'éclatent pas tout de suite, comme en France, mais qui couvent et pourraient bien jouer quelque mauvais tour.
J’ai eu hier la visite de votre ministre des Finances, Achille Fould. Assez tranquille sur l'année 1851, sauf les trois derniers mois. C'est alors qu’il faudra prendre son parti. Le Président part ce matin. A tout prendre on croit que les manifestations favorables l'emporteront sur les manifestations hostiles. Je le crois aussi. Le second dîner militaire à l'Elysée (320 couverts, officiers et sous officiers, pêle-mêle, un choix dans deux régiments de ligne) a été plus tranquille que le premier à vrai dire assez froid. Je doute et on doute que cette pratique continue. Elle réunit médiocrement auprès des acteurs et déplait beaucoup au public spectateur. Je suis allé voir hier Kisseleff que j'ai trouvé sensé et content selon son usage. Il paraît croire d'après des nouvelles très récentes de Péterstourg que décidément l'Impératrice ira passer l'hiver à Venise. Il ne m'a rien dit de M. de Brünnow. Le Roi Othon a été très satisfait du résultat des débats de Londres. C’est à Athènes une reculade, avérée pour l'Angleterre et Lord Palmerston. M. Thouvenel a un congé de trois mois. Mais il reste Ministre à Athènes et en bonne position. M. Drouyn de Lhuys écrit que Lord Palmerston n’est pas reconnaissable, doux, patient, craignant les affaires. s'y prenant de loin pour les éviter et demandant qu'on l'aide à les éviter.
Adieu. Adieu. J’espère que vous êtes bien établi à Schlangenbad. Je pars demain soir pour Trouville. Adieu. G.
Les Sainte-Aulaire ont été charmés hier de me voir. Ils m'attendaient au bord de la rivière que j'ai passée dans un petit bateau comme celui dont vous n'avez pas voulu sur le Rhin. Mais quand nous irons ensemble, nous n'userons point du petit bateau ; avec vingt minutes de plus on passe sur le pont de Corbeil. Rien que Mr et Mad. d’Harcourt, M. de Viel-Castel, M. Raulin, un M. de Kermarer, représentant et parent de Sainte-Aulaire, et moi. Amicale et agréable conversation. Il écrit ses mémoires avec passion. Elle a bien de l’esprit. Fusionniste, plus décidée que personne ; ne comprenant pas qu’on ne le soit pas si on est sensé et honnête. Ils sont bien établis. Ils resteront là jusqu'au 15 Janvier. Leurs enfants viennent alternativement leur tenir compagnie. Les d'Harcourt vont en Angleterre à la fin du mois, pour quelques jours le mari pour son héritage, la femme pour rendre ses devoirs à la Reine.
J’ai eu hier une longue lettre de la Reine, ancienne (25 Juillet) ; elle m'a été apportée par quelqu’un qui a fait de longs détours. A ce moment quoique après la fatigue de la première communion de M. le comte de Paris le Roi continuait d'aller mieux. Du moins la Reine le croyait et me le dit. Elle me remercie vivement de l’article de M. de Lavergne dans la Revue des deux mondes. Evidemment cela leur a fait un grand plaisir. Ils seront à Richmond samedi prochain 17.
J’ai oublié de vous dire qu’en passant à Bruxelles, j'ai redit au roi Léopold ma conversation chez vous avec le comte Chreptovitch. Vous vous la rappelez. Il en a été charmé. Van Praet m'a dit que le Général Skrinesky (est-ce le nom ?) n’était plus employé dans l’armée Belge. Il est en retraite. Ils n’ont plus dans l’armée que sept ou huit officiers Polonais dont il leur serait assez facile de se débarrasser. Il ne leur faut qu’une occasion naturelle, qui peut se présenter. Du reste, j’ai trouvé la Belgique, non pas agitée mais assez troublée de la retraite du Ministre de la guerre, retraite forcée par les susceptibilités et la mauvaise humeur de la garde civique de Bruxelles. Le 23 Février sans révolution. Il m’a paru que cela inquiétait les gens d'esprit. Là aussi, il y a de bien mauvaises idées et habitudes qui ne fermentent pas et n'éclatent pas tout de suite, comme en France, mais qui couvent et pourraient bien jouer quelque mauvais tour.
J’ai eu hier la visite de votre ministre des Finances, Achille Fould. Assez tranquille sur l'année 1851, sauf les trois derniers mois. C'est alors qu’il faudra prendre son parti. Le Président part ce matin. A tout prendre on croit que les manifestations favorables l'emporteront sur les manifestations hostiles. Je le crois aussi. Le second dîner militaire à l'Elysée (320 couverts, officiers et sous officiers, pêle-mêle, un choix dans deux régiments de ligne) a été plus tranquille que le premier à vrai dire assez froid. Je doute et on doute que cette pratique continue. Elle réunit médiocrement auprès des acteurs et déplait beaucoup au public spectateur. Je suis allé voir hier Kisseleff que j'ai trouvé sensé et content selon son usage. Il paraît croire d'après des nouvelles très récentes de Péterstourg que décidément l'Impératrice ira passer l'hiver à Venise. Il ne m'a rien dit de M. de Brünnow. Le Roi Othon a été très satisfait du résultat des débats de Londres. C’est à Athènes une reculade, avérée pour l'Angleterre et Lord Palmerston. M. Thouvenel a un congé de trois mois. Mais il reste Ministre à Athènes et en bonne position. M. Drouyn de Lhuys écrit que Lord Palmerston n’est pas reconnaissable, doux, patient, craignant les affaires. s'y prenant de loin pour les éviter et demandant qu'on l'aide à les éviter.
Adieu. Adieu. J’espère que vous êtes bien établi à Schlangenbad. Je pars demain soir pour Trouville. Adieu. G.
Schlangenbad, Dimanche 11 août 1850, Dorothée de Lieven à François Guizot
Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
Schlangenbad le 11 août dimanche 1850
8h. du matin
Je suis arrivée hier à 4 heures. J’ai trouvé votre lettre de Bruxelles, très agréable lettre. Je n’en aurai pas à vous écrire de cette façon. La solitude ici est complète, Madame Molorti qui part dans quelques jours, voilà tout ce que je trouve. Je l'ai essayée hier pendant une demi-heure & je suis arrivée au fond. Il n’y a rien. Voilà où j'en suis et où j’en serai.
La princesse de Prusse est retournée à Coblence, c'est là où elle aime à régner. La route d’Ems ici n’est belle que près de Nassau, et puis, près de Schlangenbad le reste est montagneux & aride. Mon appartement est agréable. Tout est riant et charmant excepté le ciel. Il pleut, il ne fait que cela. Ce sera agréable ! Pas une âme. La petite Grasalcovitz ne vient que jeudi. Adieu. Adieu. Voici la poste qui part.
8h. du matin
Je suis arrivée hier à 4 heures. J’ai trouvé votre lettre de Bruxelles, très agréable lettre. Je n’en aurai pas à vous écrire de cette façon. La solitude ici est complète, Madame Molorti qui part dans quelques jours, voilà tout ce que je trouve. Je l'ai essayée hier pendant une demi-heure & je suis arrivée au fond. Il n’y a rien. Voilà où j'en suis et où j’en serai.
La princesse de Prusse est retournée à Coblence, c'est là où elle aime à régner. La route d’Ems ici n’est belle que près de Nassau, et puis, près de Schlangenbad le reste est montagneux & aride. Mon appartement est agréable. Tout est riant et charmant excepté le ciel. Il pleut, il ne fait que cela. Ce sera agréable ! Pas une âme. La petite Grasalcovitz ne vient que jeudi. Adieu. Adieu. Voici la poste qui part.
Paris, Dimanche 11 août 1850, François Guizot à Dorothée de Lieven
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
Paris, Dimanche 11 août 1850
Sept heures
Je n’ai pas eu de lettre hier. J'espère être mieux traité aujourd’hui. Je suis revenu d'Allemagne avec bien peu d'estime pour les postes allemandes, exactitude, et promptitude. Du monde hier toute la journée. Jayr, Muret, de Bort, Frezel, Granier de Cassagnac, Lavalette, un pêle-mêle de tout ce qui reste à Paris de toute les opinions. Tout cela confirme l'idée que nous nous faisions de la situation en nous promenant sur la route de Nassau. Cela ne peut pas durer, cela durera ; on passe et on revient sans cesse d’une phrase à l'autre. L’Elysée voudrait bien continuer les dîners de sous officiers ; mais c’est difficile ; le premier s’est passé avec les sous officiers de la garde républicaine, jadis municipale, corps d'élite, peu nombreux ; tous les officiers et les sous-officiers ont pu être invités. Cela n’est pas possible avec les régiments de ligne ; il faut faire un choix, un choix fort restreint. De là beaucoup de jalousie et d'humeur dans les régiments ; en sorte que les dîners pourraient bien tourner contre leur but et faire plus de mécontents que de dévoués. On hésite, on s'arrête. Comment se passeront les voyages ? C’est la question à l’ordre du jour. Je crois plutôt au succès, c’est-à-dire au succès extérieur, apparent ; mais je ne crois pas aux résultats du succès. Il en sera comme pour les dîners ; on hésitera et on s'arrêtera, faute de confiance et de vraies bonnes chances. De part ni d'autre, il n’y a de force pour agir ; on ne peut qu'empêcher et le paralyser mutuellement.
En revenant de Bruxelles, Mad d’Hulot m'a dit qu’elle avait lu une lettre de la Duchesse de Fitzdame qui affirmait avec grande joie, que Madame la comtesse de Chambord était grosse. On le nie ici absolument. Vous devriez bien, de Schlangenbad, tâcher de savoir ce qui en est. Cela en vaut la peine.
J’ai manqué hier Salvandy qui est venu pendant que j'étais sorti. J’en suis fâché. Je le verrai peut-être d’ici à après-demain, s'il n’est pas reparti. On m'avait dit qu’il ferait, à l'Académie française, un discours très politique. Il n’y paraît pas, dans ce que rapportent les journaux. Je me suis trompé sur cette séance. Je croyois qu’elle devait avoir lieu hier samedi. Elle a eu lieu jeudi dernier. On a été surpris, et un peu piqué, dans l'Académie que ni le Duc de Broglie, ni son fils, ni personne de la famille, n’y assistât, à propos de l'éloge de Madame de Staël, couronné dans cette séance et proposée autant pour plaire aux vivants que pour rendre justice aux morts. Ils (les vivants) sont tous partis deux jours avant la séance. M. Villemain surtout est assez piqué, dit-on.
Voilà votre lettre. Pour dire vrai, cela me fait plaisir que moi parti, vous ayez eu froid, et mauvais temps. J’espère que cela n'aura pas duré. Je suis bien aise que vous ayez un bon appartement à Schlangenbad. Mais j'aurais mieux aimé que la Princesse de Prusse y fût restée et que vous eussiez fait connaissance avec elle. Un peu pour ce que vous lui auriez dit et plus encore pour ce que vous n'en auriez dit. J'aime à connaitre les gens qui sont quelque chose dans le monde, et je ne crois les connaître que par moi-même ou par vous. On me remet avec votre lettre un billet de Salvandy et son discours à l'Académie. Il est reparti. c’est un singulier esprit. Il y a, dans son discours des embryons de belles idées, et de belles paroles, presque grandes, mais toutes dans cet état nébuleux et inachevé où la beauté et la grandeur disparaissent au moment même qu’elles se font entrevoir. Ma lettre a en effet fait de l'effet ici. La conduite, et la lettre ont été approuvées. Je ne veux pas faire autre chose que saisir les bonnes occasions quand elles viennent naturellement de reparaître [...]
Sept heures
Je n’ai pas eu de lettre hier. J'espère être mieux traité aujourd’hui. Je suis revenu d'Allemagne avec bien peu d'estime pour les postes allemandes, exactitude, et promptitude. Du monde hier toute la journée. Jayr, Muret, de Bort, Frezel, Granier de Cassagnac, Lavalette, un pêle-mêle de tout ce qui reste à Paris de toute les opinions. Tout cela confirme l'idée que nous nous faisions de la situation en nous promenant sur la route de Nassau. Cela ne peut pas durer, cela durera ; on passe et on revient sans cesse d’une phrase à l'autre. L’Elysée voudrait bien continuer les dîners de sous officiers ; mais c’est difficile ; le premier s’est passé avec les sous officiers de la garde républicaine, jadis municipale, corps d'élite, peu nombreux ; tous les officiers et les sous-officiers ont pu être invités. Cela n’est pas possible avec les régiments de ligne ; il faut faire un choix, un choix fort restreint. De là beaucoup de jalousie et d'humeur dans les régiments ; en sorte que les dîners pourraient bien tourner contre leur but et faire plus de mécontents que de dévoués. On hésite, on s'arrête. Comment se passeront les voyages ? C’est la question à l’ordre du jour. Je crois plutôt au succès, c’est-à-dire au succès extérieur, apparent ; mais je ne crois pas aux résultats du succès. Il en sera comme pour les dîners ; on hésitera et on s'arrêtera, faute de confiance et de vraies bonnes chances. De part ni d'autre, il n’y a de force pour agir ; on ne peut qu'empêcher et le paralyser mutuellement.
En revenant de Bruxelles, Mad d’Hulot m'a dit qu’elle avait lu une lettre de la Duchesse de Fitzdame qui affirmait avec grande joie, que Madame la comtesse de Chambord était grosse. On le nie ici absolument. Vous devriez bien, de Schlangenbad, tâcher de savoir ce qui en est. Cela en vaut la peine.
J’ai manqué hier Salvandy qui est venu pendant que j'étais sorti. J’en suis fâché. Je le verrai peut-être d’ici à après-demain, s'il n’est pas reparti. On m'avait dit qu’il ferait, à l'Académie française, un discours très politique. Il n’y paraît pas, dans ce que rapportent les journaux. Je me suis trompé sur cette séance. Je croyois qu’elle devait avoir lieu hier samedi. Elle a eu lieu jeudi dernier. On a été surpris, et un peu piqué, dans l'Académie que ni le Duc de Broglie, ni son fils, ni personne de la famille, n’y assistât, à propos de l'éloge de Madame de Staël, couronné dans cette séance et proposée autant pour plaire aux vivants que pour rendre justice aux morts. Ils (les vivants) sont tous partis deux jours avant la séance. M. Villemain surtout est assez piqué, dit-on.
Voilà votre lettre. Pour dire vrai, cela me fait plaisir que moi parti, vous ayez eu froid, et mauvais temps. J’espère que cela n'aura pas duré. Je suis bien aise que vous ayez un bon appartement à Schlangenbad. Mais j'aurais mieux aimé que la Princesse de Prusse y fût restée et que vous eussiez fait connaissance avec elle. Un peu pour ce que vous lui auriez dit et plus encore pour ce que vous n'en auriez dit. J'aime à connaitre les gens qui sont quelque chose dans le monde, et je ne crois les connaître que par moi-même ou par vous. On me remet avec votre lettre un billet de Salvandy et son discours à l'Académie. Il est reparti. c’est un singulier esprit. Il y a, dans son discours des embryons de belles idées, et de belles paroles, presque grandes, mais toutes dans cet état nébuleux et inachevé où la beauté et la grandeur disparaissent au moment même qu’elles se font entrevoir. Ma lettre a en effet fait de l'effet ici. La conduite, et la lettre ont été approuvées. Je ne veux pas faire autre chose que saisir les bonnes occasions quand elles viennent naturellement de reparaître [...]
La Chapelle Saint-Eloi, ce 11 août 1850, Amélie Lenormant à François Guizot
Auteurs : Lenormant, Amélie (1803-1893)
Ems, Samedi 10 août 1850, Dorothée de Lieven à François Guizot
Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
Ems 8 heures Samedi le 10 août 1850
Je sais de vos nouvelles par les journaux de Bruxelles. J’attendrai avec impatience plus & mieux par votre lettre. Mon fils vient de partir, grande peine pour moi. Je pars à l’instant, je laisse encore ce petit mot d’adieu de ce joli Ems, si joli quand vous y étiez. Je vais me plonger dans l’eau de beauté & dans la solitude. Voyons comment me réussira celle-ci, l’autre revient à la Princesse Grasalcovitch. Le temps s’est relevé un peu. Il faut qu'il dure car je serai bien malheureuse sans cela. Adieu. Adieu.
Je sais de vos nouvelles par les journaux de Bruxelles. J’attendrai avec impatience plus & mieux par votre lettre. Mon fils vient de partir, grande peine pour moi. Je pars à l’instant, je laisse encore ce petit mot d’adieu de ce joli Ems, si joli quand vous y étiez. Je vais me plonger dans l’eau de beauté & dans la solitude. Voyons comment me réussira celle-ci, l’autre revient à la Princesse Grasalcovitch. Le temps s’est relevé un peu. Il faut qu'il dure car je serai bien malheureuse sans cela. Adieu. Adieu.
Mots-clés : Presse, Réception (Guizot), Relation François-Dorothée
Paris, Samedi 10 août 1850, François Guizot à Dorothée de Lieven
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
Paris Samedi 10 août 1850
Il n’y a plus personne ici, et j’ai eu du monde hier tout le jour Dalmatie Mallac, Génie, Piscatory, des insignifiants. Rien de plus que ce que nous savons ; mais un sentiment général qu’il faudra absolument du nouveau l'hiver prochain, et que tout ce qui est est usé. Le banquet de l'Elysée fait encore assez de bruit. Changarnier et les officiers supérieurs étaient partis quand les sous officiers se sont promenés dans le jardin, en criant : " Vive l'Empereur ! Aux Tuileries ! Pas tous, à beaucoup près, dit-on, mais un certain nombre. Et on dit que ces banquets se renouvelleront au retour du Président que tous les sous-officiers de l’armée de Paris y seront successivement invités. Cela déplaît beaucoup aux Généraux. Changarnier pourrait bien interdire, aux sous-officiers d’y aller. Alors le conflit entre les deux. Evidemment la Camarilla du président se remue assez et voudrait se faire un parti dans l’armée. Si son voyage réussit, s'il est bien reçu par les populations, on s’attend à quelque chose. Je ne m'attends à rien. Et au fond, Piscatory, non plus, ne croit pas qu’il se fasse rien, quoiqu’il eût bien envie de croire qu’il se fera quelque chose. On dit qu'au retour de l’assemblée, les diverses réunions, Rivoli, Richelieu, & & se disloqueront que, dans toutes, les sensés et les fous sont las de vivre ensemble et veulent se séparer, que tous les partis sont en état de désorganisation. Je crois cela ; mais je crois que l'explosion et les conséquences de cet état se feront encore attendre longtemps. Un seul fait est certain c’est que pour le moment, les légitimistes sont en perte et les orléanistes en progrès. On fait toutes sortes de raisonnements fantastiques ; voyez l’Espagne pourquoi s’est-elle sauvée ? Parce qu'il n’y avait sur le trône que des femmes et des enfants. Plus les apparences, d’un gouvernement sont faibles, moins il y a de péril ; le peuple veut un gouvernement qu'il ne craigne pas, qu'il ne respecte pas, qui ait besoin de sa protection.
Savez-vous pourquoi vous êtes tombé sans être soutenu ? Parce que vous imposiez trop, parce que vous n'avez point de préjugés populaires. Si le Roi avait suivi, en 1840, la pente populaire, s’il s’était engagé n'importe dans quoi en harmonie avec les traditions de la révolution et de l'Empire, il serait arrivé on ne sait pas quoi, mais autre chose, quelque chose qui eût duré. J’écoute, je souris, j'objecte ; je finis par parler sérieusement, et on ne sait plus que dire. Les esprits sont bien grès de retomber dans les vieilles maladies ; mais les corps sont fatigués et impuissants.
J’ai passé près de deux heures à Bruxelles avec le Prince de Metternich. Grande satisfaction de me voir ; il voulait être plus que poli. Après lui, il a fallu entrer chez Madame de Metternich ; il m'y a conduit. Aussi gracieuse que lui, là, il a fallu m'asseoir. Des compliments et des questions sur mes filles, sur leur mariage ; on cherchait mes faibles pour entrer par là. Quand je m’en suis allé il m'a reconduit jusqu'au milieu de l'escalier. Il m'a même écouté en silence deux ou trois fois. Bonne conversation. Il m’a parlé de l’Autriche et de Thiers. Plein de confiance dans l’avenir de l'Autriche : " Les hommes qui gouvernent sont de braves gens, pleins de courage " sur quoi, il me raconte toutes leurs fautes, et les embarras qui résultent de leurs fautes. Mais tout va bien. Ce qu’il m'a dit de ses conversations avec Thiers m’a intéressé. Il a fini par : " Je ne suis pas Thiériste." Et alors une longue comparaison entre sa situation à lui Metternich, et la mienne, pourquoi, il ne retourne pas en Autriche, pourquoi je fais bien de rester en dehors de tout ; en quoi nous nous ressemblons et en quoi nous différons . Pour qu’il y ait vie, il faut qu’il y ait les conditions de la vie. Ce n'est pas la même chose d'être tout-à-fait vieux, et de ne l'être pas encore tout-à-fait & &. Il m'a amusé, et il s'est amusé. Adieu.
Mon fils vient de m’arriver. On dit qu’il y a ce matin, une séance publique de l'Académie française ; prix Monthyon, l'éloge de Mad. de Staël. J'irai peut-être, pour voir quelques personnes. Adieu, Adieu. J’espère bien avoir une lettre ce matin. Adieu. G.
Il n’y a plus personne ici, et j’ai eu du monde hier tout le jour Dalmatie Mallac, Génie, Piscatory, des insignifiants. Rien de plus que ce que nous savons ; mais un sentiment général qu’il faudra absolument du nouveau l'hiver prochain, et que tout ce qui est est usé. Le banquet de l'Elysée fait encore assez de bruit. Changarnier et les officiers supérieurs étaient partis quand les sous officiers se sont promenés dans le jardin, en criant : " Vive l'Empereur ! Aux Tuileries ! Pas tous, à beaucoup près, dit-on, mais un certain nombre. Et on dit que ces banquets se renouvelleront au retour du Président que tous les sous-officiers de l’armée de Paris y seront successivement invités. Cela déplaît beaucoup aux Généraux. Changarnier pourrait bien interdire, aux sous-officiers d’y aller. Alors le conflit entre les deux. Evidemment la Camarilla du président se remue assez et voudrait se faire un parti dans l’armée. Si son voyage réussit, s'il est bien reçu par les populations, on s’attend à quelque chose. Je ne m'attends à rien. Et au fond, Piscatory, non plus, ne croit pas qu’il se fasse rien, quoiqu’il eût bien envie de croire qu’il se fera quelque chose. On dit qu'au retour de l’assemblée, les diverses réunions, Rivoli, Richelieu, & & se disloqueront que, dans toutes, les sensés et les fous sont las de vivre ensemble et veulent se séparer, que tous les partis sont en état de désorganisation. Je crois cela ; mais je crois que l'explosion et les conséquences de cet état se feront encore attendre longtemps. Un seul fait est certain c’est que pour le moment, les légitimistes sont en perte et les orléanistes en progrès. On fait toutes sortes de raisonnements fantastiques ; voyez l’Espagne pourquoi s’est-elle sauvée ? Parce qu'il n’y avait sur le trône que des femmes et des enfants. Plus les apparences, d’un gouvernement sont faibles, moins il y a de péril ; le peuple veut un gouvernement qu'il ne craigne pas, qu'il ne respecte pas, qui ait besoin de sa protection.
Savez-vous pourquoi vous êtes tombé sans être soutenu ? Parce que vous imposiez trop, parce que vous n'avez point de préjugés populaires. Si le Roi avait suivi, en 1840, la pente populaire, s’il s’était engagé n'importe dans quoi en harmonie avec les traditions de la révolution et de l'Empire, il serait arrivé on ne sait pas quoi, mais autre chose, quelque chose qui eût duré. J’écoute, je souris, j'objecte ; je finis par parler sérieusement, et on ne sait plus que dire. Les esprits sont bien grès de retomber dans les vieilles maladies ; mais les corps sont fatigués et impuissants.
J’ai passé près de deux heures à Bruxelles avec le Prince de Metternich. Grande satisfaction de me voir ; il voulait être plus que poli. Après lui, il a fallu entrer chez Madame de Metternich ; il m'y a conduit. Aussi gracieuse que lui, là, il a fallu m'asseoir. Des compliments et des questions sur mes filles, sur leur mariage ; on cherchait mes faibles pour entrer par là. Quand je m’en suis allé il m'a reconduit jusqu'au milieu de l'escalier. Il m'a même écouté en silence deux ou trois fois. Bonne conversation. Il m’a parlé de l’Autriche et de Thiers. Plein de confiance dans l’avenir de l'Autriche : " Les hommes qui gouvernent sont de braves gens, pleins de courage " sur quoi, il me raconte toutes leurs fautes, et les embarras qui résultent de leurs fautes. Mais tout va bien. Ce qu’il m'a dit de ses conversations avec Thiers m’a intéressé. Il a fini par : " Je ne suis pas Thiériste." Et alors une longue comparaison entre sa situation à lui Metternich, et la mienne, pourquoi, il ne retourne pas en Autriche, pourquoi je fais bien de rester en dehors de tout ; en quoi nous nous ressemblons et en quoi nous différons . Pour qu’il y ait vie, il faut qu’il y ait les conditions de la vie. Ce n'est pas la même chose d'être tout-à-fait vieux, et de ne l'être pas encore tout-à-fait & &. Il m'a amusé, et il s'est amusé. Adieu.
Mon fils vient de m’arriver. On dit qu’il y a ce matin, une séance publique de l'Académie française ; prix Monthyon, l'éloge de Mad. de Staël. J'irai peut-être, pour voir quelques personnes. Adieu, Adieu. J’espère bien avoir une lettre ce matin. Adieu. G.
Weybridge, The 10th August 1850, Sarah Austin à François Guizot
Collection : 180_Lettres de Sarah Austin : 1840-1867
Auteurs : Austin, Sarah (1793-1867)
Ems, Vendredi 9 août 1850, Dorothée de Lieven à François Guizot
Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
Ems le 9 août 1850 Vendredi
De la pluie, de la pluie ; pas autre chose depuis mardi. Je ne parviens pas à montrer à mon fils le vieux château de Nassau. Les petites Beauvau sont parties ce matin, les nouveaux arrivants je n'y pense pas, puisque je m’en vais. Je fais mes paquets demain je pars. Alexandre va de son côté. Je vous reprends à 2 heures. Nous avons profité d'un petit moment de vacances de pluie pour aller à Nassau. Mon fils est monté au vieux château & m'a répété ce que vous avez écrit, qu'il croit très propre à charmer ce pays.
J’ai eu une lettre de Marion. qui ne dit rien que son admiration de votre lettre. Que faire de cette lettre-ci ? Il faut bien vous l’envoyer puis que vous vous fâcheriez s’il n'en venait pas. Mais vous est-il jamais arrivé d'en recevoir une pareille ? Adieu. Adieu.
De la pluie, de la pluie ; pas autre chose depuis mardi. Je ne parviens pas à montrer à mon fils le vieux château de Nassau. Les petites Beauvau sont parties ce matin, les nouveaux arrivants je n'y pense pas, puisque je m’en vais. Je fais mes paquets demain je pars. Alexandre va de son côté. Je vous reprends à 2 heures. Nous avons profité d'un petit moment de vacances de pluie pour aller à Nassau. Mon fils est monté au vieux château & m'a répété ce que vous avez écrit, qu'il croit très propre à charmer ce pays.
J’ai eu une lettre de Marion. qui ne dit rien que son admiration de votre lettre. Que faire de cette lettre-ci ? Il faut bien vous l’envoyer puis que vous vous fâcheriez s’il n'en venait pas. Mais vous est-il jamais arrivé d'en recevoir une pareille ? Adieu. Adieu.
Paris, Vendredi 9 août 1850, François Guizot à Dorothée de Lieven
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
Paris, vendredi matin, 9 août. 1850
J'arrive. Je suis fatigué et je vais dormir. J’ai mal dormi sur le chemin de fer. J’apprends en arrivant qu’il n’y a déjà plus presque personne ici. J’ai été très content de Bruxelles. On a voulu que je fusse trés content. Longue et bonne conversation. La Reine n'est pas bien. Elle tousse beaucoup la nuit. De fréquentes sueurs. Les nouvelles de la santé du Roi continuent à être médiocres. Faiblesse plutôt croissante. J’ai trouvé à Bruxelles, Mad. d'Hulot qui arrivait de Claremont et qui est revenue avec moi à Paris. Adieu, Adieu. Je vais dormir. G.
J'arrive. Je suis fatigué et je vais dormir. J’ai mal dormi sur le chemin de fer. J’apprends en arrivant qu’il n’y a déjà plus presque personne ici. J’ai été très content de Bruxelles. On a voulu que je fusse trés content. Longue et bonne conversation. La Reine n'est pas bien. Elle tousse beaucoup la nuit. De fréquentes sueurs. Les nouvelles de la santé du Roi continuent à être médiocres. Faiblesse plutôt croissante. J’ai trouvé à Bruxelles, Mad. d'Hulot qui arrivait de Claremont et qui est revenue avec moi à Paris. Adieu, Adieu. Je vais dormir. G.
Mots-clés : Conversation, Réseau social et politique, Voyage
Bruxelles, Jeudi 8 août 1850, François Guizot à Dorothée de Lieven
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
Bruxelles. Jeudi 8 août 1850
6 heures Je sors de mon lit. J'ai bien dormi. J'en avais besoin. Les lits allemands sont décidément bien mauvais. A Aix-la-Chapelle et ici, j’ai senti la différence d'avance, je suis encore jeune et indifférent au plus ou moins de comfort matériel. Au fait, il y a des comforts dont je ressens d'absence, car elle me cause une fatigue dont je ne me suis pas soucié, mais dont je ne peux plus me défendre. C'est l’âge.
Agréable descente du Rhin très beau temps, très chaud. Les beaux endroits m'ont moins frappé que la première fois, sauf le fleuve, j’aime mieux la vallée de la Lahn. J'ai assez causé avec Constantin. Vraiment très bon, très sensé et intelligent. Sa femme souffrait et s'impatientait de la chaleur. Il y avait avec eux deux ou trois Crony. A Cologne j'ai dîné, lu l'Indépen dance, et vu la Cathédrale. Ce qui est fait est admirable, prächtig ; mais ce n'est ni un monument, ni une ruine. Une grande œuvre inachevée, faute de foi, de constance et d'argent. Une preuve colossale de la faiblesse humaine. On y met aujourd’hui 180 ouvriers, et on y dépense 600 000 francs par an. A ce taux-là, il faudra 150 ans pour la finir. Cela ne vous fait rien ; mais cela m’a fait quelque chose quand on me l'a dit et je vous le redis. Thiers avait passé à Cologne, la veille à l'hôtel Royal dont le maître me l'a dit, et le Cicerone qui m’a conduit à la cathédrale m’a dit qu’il l’avait conduit, non pas à la Cathédrale, mais à une mine de cuivre et d'argent, située à quatre lieues de Cologne et dans laquelle il a des actions.
A Verviers, dans l'embarcadère, j’ai rencontré la Duchesse de Saxe-Cobourg venant de Cobourg avec ses quatre enfants, Mad. Angelet, son ancienne gouvernante, un précepteur et deux domestiques. Elle allait passer quinze jours à Bruxelles, et je l’ai retrouvée à 7 heures à Lacken où j’ai dîné. Cinq minutes après, mon arrivée à l'hôtel de Bellevue, Van Pract est venu me voir, et m’engager à dîner de la part du Roi. A six heures et demie, il est revenu me chercher. Très bon accueil : " Que de temps que nous nous sommes vus, et que de choses me rappelle votre voix !" J'ai dîné à côté de la Reine, à qui j'ai dit pas mal de choses qui l’ont, si je ne me trompe, un peu frappée. Après dîner, vingt, minutes de conversation avec le Roi, devant une fenêtre. Il m’a donné rendez-vous pour aujourd’hui à onze heures et demie Il veut causer et moi aussi. En le quittant, j’irai voir, le Prince de Metternich, et je pars ce soir à 6 heures.
Duchâtel m’écrit : " J'arriverai le 8 au soir (ce soir) à Creuznach. Voulez-vous présenter tous mes hommages à la Princesse de Lieven ? Si elle reste dans le voisinage du Rhin, elle serait bien aimable de me le faire savoir à Creuznach. J’irais la voir là où elle serait. " Point de nouvelles d'ailleurs sinon celle-ci : " Piscatory a renoncé à la République et au président ; il est tout régence. "
Adieu. J’ai quitté Ems content et triste. Jouir et regretter, c’est la vie humaine, si ce n’était que cela, ce serait trop peu pour l'élan donné à l'âme. On n'aspire pas si loin pour tomber si près. Adieu, adieu. Je vous écrirai demain de Paris. Adieu. G.
6 heures Je sors de mon lit. J'ai bien dormi. J'en avais besoin. Les lits allemands sont décidément bien mauvais. A Aix-la-Chapelle et ici, j’ai senti la différence d'avance, je suis encore jeune et indifférent au plus ou moins de comfort matériel. Au fait, il y a des comforts dont je ressens d'absence, car elle me cause une fatigue dont je ne me suis pas soucié, mais dont je ne peux plus me défendre. C'est l’âge.
Agréable descente du Rhin très beau temps, très chaud. Les beaux endroits m'ont moins frappé que la première fois, sauf le fleuve, j’aime mieux la vallée de la Lahn. J'ai assez causé avec Constantin. Vraiment très bon, très sensé et intelligent. Sa femme souffrait et s'impatientait de la chaleur. Il y avait avec eux deux ou trois Crony. A Cologne j'ai dîné, lu l'Indépen dance, et vu la Cathédrale. Ce qui est fait est admirable, prächtig ; mais ce n'est ni un monument, ni une ruine. Une grande œuvre inachevée, faute de foi, de constance et d'argent. Une preuve colossale de la faiblesse humaine. On y met aujourd’hui 180 ouvriers, et on y dépense 600 000 francs par an. A ce taux-là, il faudra 150 ans pour la finir. Cela ne vous fait rien ; mais cela m’a fait quelque chose quand on me l'a dit et je vous le redis. Thiers avait passé à Cologne, la veille à l'hôtel Royal dont le maître me l'a dit, et le Cicerone qui m’a conduit à la cathédrale m’a dit qu’il l’avait conduit, non pas à la Cathédrale, mais à une mine de cuivre et d'argent, située à quatre lieues de Cologne et dans laquelle il a des actions.
A Verviers, dans l'embarcadère, j’ai rencontré la Duchesse de Saxe-Cobourg venant de Cobourg avec ses quatre enfants, Mad. Angelet, son ancienne gouvernante, un précepteur et deux domestiques. Elle allait passer quinze jours à Bruxelles, et je l’ai retrouvée à 7 heures à Lacken où j’ai dîné. Cinq minutes après, mon arrivée à l'hôtel de Bellevue, Van Pract est venu me voir, et m’engager à dîner de la part du Roi. A six heures et demie, il est revenu me chercher. Très bon accueil : " Que de temps que nous nous sommes vus, et que de choses me rappelle votre voix !" J'ai dîné à côté de la Reine, à qui j'ai dit pas mal de choses qui l’ont, si je ne me trompe, un peu frappée. Après dîner, vingt, minutes de conversation avec le Roi, devant une fenêtre. Il m’a donné rendez-vous pour aujourd’hui à onze heures et demie Il veut causer et moi aussi. En le quittant, j’irai voir, le Prince de Metternich, et je pars ce soir à 6 heures.
Duchâtel m’écrit : " J'arriverai le 8 au soir (ce soir) à Creuznach. Voulez-vous présenter tous mes hommages à la Princesse de Lieven ? Si elle reste dans le voisinage du Rhin, elle serait bien aimable de me le faire savoir à Creuznach. J’irais la voir là où elle serait. " Point de nouvelles d'ailleurs sinon celle-ci : " Piscatory a renoncé à la République et au président ; il est tout régence. "
Adieu. J’ai quitté Ems content et triste. Jouir et regretter, c’est la vie humaine, si ce n’était que cela, ce serait trop peu pour l'élan donné à l'âme. On n'aspire pas si loin pour tomber si près. Adieu, adieu. Je vous écrirai demain de Paris. Adieu. G.
Ems, Jeudi 8 août 1850, Dorothée de Lieven à François Guizot
Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
Ems le 8 août 1850
Quelle journée hier ! Pas un moment de relâche à la pluie et à une tempête effroyable. Mon fils même n’a pas pu sortir. J’ai vu chez moi la Princesse Lobkovic, le Prince de Chalais & cette petite dame russe nouvellement arrivée. Elle est spirituelle & nous a [?] intime dans les intimistes de la cour. Je vois dans le Constitutionnel une réponse à votre lettre. Je ne sais pas de nouvelle du tout. Je vous envoie la lettre d’Ellice. Vous savez que mon adresse est Schlangenbad Près de Weisbaden Duché de Nassau Allemagne. La Reine de Hollande passe aujourd’hui à Coblence, elle y fait venir la princesse Grasalcovic. Drôle d’intimité pour une femme d’esprit. De là la reine va à Bade. Vous verrez par la lettre d'Ellice que Thiers y sera. La duchesse de Modène arrive ici aujourd’hui (princesse de Bavière belle soeur de la duchesse de Bordeaux) ma grande Duchesse sera ici jeudi prochain. Moi je ne trouverai pas une âme à Schlangenbad.
La pluie continue ici, c’est désolant, si elle va de ce train à Schlagenbad, que devenir ? L'Empereur a appris avec une grande joie que le mariage de sa nièce s’est arrangé. Notre petit prince de [Meklembourg Stréliz] a fait ses conditions. Il veut bien vivre un peu en Russie mais il veut avoir un établissement aussi à Strelitz. Je trouve très bon qu'il ait tenu à sa volonté. L'Empereur a déjà envoyé des cadeaux superbes. Vous voyez que je n'ai rien du tout à vous dire. L'Eglise luthérienne de Wiesbaden vient de brûler tout entière. En attendant qu’une église grecque soit achevée, on avait déposé là le cercueil de la grande Duchesse, femme du duc de Nassau qui est morte en couche, heureusement, le cercueil a été sauvé ! Je finis sans pouvoir ajouter un mot qui vaille. Adieu. Adieu. Ems est bien laid depuis votre départ !
Quelle journée hier ! Pas un moment de relâche à la pluie et à une tempête effroyable. Mon fils même n’a pas pu sortir. J’ai vu chez moi la Princesse Lobkovic, le Prince de Chalais & cette petite dame russe nouvellement arrivée. Elle est spirituelle & nous a [?] intime dans les intimistes de la cour. Je vois dans le Constitutionnel une réponse à votre lettre. Je ne sais pas de nouvelle du tout. Je vous envoie la lettre d’Ellice. Vous savez que mon adresse est Schlangenbad Près de Weisbaden Duché de Nassau Allemagne. La Reine de Hollande passe aujourd’hui à Coblence, elle y fait venir la princesse Grasalcovic. Drôle d’intimité pour une femme d’esprit. De là la reine va à Bade. Vous verrez par la lettre d'Ellice que Thiers y sera. La duchesse de Modène arrive ici aujourd’hui (princesse de Bavière belle soeur de la duchesse de Bordeaux) ma grande Duchesse sera ici jeudi prochain. Moi je ne trouverai pas une âme à Schlangenbad.
La pluie continue ici, c’est désolant, si elle va de ce train à Schlagenbad, que devenir ? L'Empereur a appris avec une grande joie que le mariage de sa nièce s’est arrangé. Notre petit prince de [Meklembourg Stréliz] a fait ses conditions. Il veut bien vivre un peu en Russie mais il veut avoir un établissement aussi à Strelitz. Je trouve très bon qu'il ait tenu à sa volonté. L'Empereur a déjà envoyé des cadeaux superbes. Vous voyez que je n'ai rien du tout à vous dire. L'Eglise luthérienne de Wiesbaden vient de brûler tout entière. En attendant qu’une église grecque soit achevée, on avait déposé là le cercueil de la grande Duchesse, femme du duc de Nassau qui est morte en couche, heureusement, le cercueil a été sauvé ! Je finis sans pouvoir ajouter un mot qui vaille. Adieu. Adieu. Ems est bien laid depuis votre départ !
Ems, Mardi 6 août 1850, Dorothée de Lieven à François Guizot
Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
Ems le 6 août 1850 Mardi
5 heures
Que c’est triste de recommencer à écrire ? Voilà un orage semblable à celui du jour de votre arrivée, mais comme il a bien fini alors. Je n’attends rien au bout de celui-ci. Je viens de dîner avec mon fils. Kolb est revenu. Il a arrêté pour moi à Schlangenbad l'appartement de la princesse de Prusse. Elle le quitte samedi matin, moi j’y entre samedi soir. Excepté la princesse, qui n'y sera plus, il n’y a personne absolument. Je me suis fait lire votre lettre, je la trouve belle, évidemment elle a fait de l'effet.
Mercredi 7
Hier nous avons passé une moitié de la journée à nous barricader contre le soleil et une chaleur étouffante, l’autre moitié en précautions contre le tonnerre & une pluie battante. La journée entière passée sans promenade. Mon fils & moi tous seuls. Le soir votre petite princesse de Beauvau, & le Prince de Chalais. Aujourd’hui il fait parfaitement froid, & pas un rayon de soleil. Vous m’avez tout enlevé. Une longue lettre d’Ellice. Je m'en vais l’étudier, & je vous l’enverrai demain. Voici la fin d'un long article de la presse du 4 à propos de votre lettre. " M. G. vient de se venger en homme d'esprit. Il s’est montré tout à la fois plus libéral que M. Thiers plus religieux que M. de Montalembert & plus républicain que M. le Président de la république. " Je cite parce que vous ne lisez pas la presse.
2 heures. Voici encore un temps détestable, du veut de la pluie, & très froid. C’est trop triste. Vous et le beau temps de moins ! Je n’ai rien à vous dire, que mon plaisi,r mon regret. Ces huit jours ont été charmants. Recommençons l’année prochaine, mais mieux. Adieu. Adieu.
5 heures
Que c’est triste de recommencer à écrire ? Voilà un orage semblable à celui du jour de votre arrivée, mais comme il a bien fini alors. Je n’attends rien au bout de celui-ci. Je viens de dîner avec mon fils. Kolb est revenu. Il a arrêté pour moi à Schlangenbad l'appartement de la princesse de Prusse. Elle le quitte samedi matin, moi j’y entre samedi soir. Excepté la princesse, qui n'y sera plus, il n’y a personne absolument. Je me suis fait lire votre lettre, je la trouve belle, évidemment elle a fait de l'effet.
Mercredi 7
Hier nous avons passé une moitié de la journée à nous barricader contre le soleil et une chaleur étouffante, l’autre moitié en précautions contre le tonnerre & une pluie battante. La journée entière passée sans promenade. Mon fils & moi tous seuls. Le soir votre petite princesse de Beauvau, & le Prince de Chalais. Aujourd’hui il fait parfaitement froid, & pas un rayon de soleil. Vous m’avez tout enlevé. Une longue lettre d’Ellice. Je m'en vais l’étudier, & je vous l’enverrai demain. Voici la fin d'un long article de la presse du 4 à propos de votre lettre. " M. G. vient de se venger en homme d'esprit. Il s’est montré tout à la fois plus libéral que M. Thiers plus religieux que M. de Montalembert & plus républicain que M. le Président de la république. " Je cite parce que vous ne lisez pas la presse.
2 heures. Voici encore un temps détestable, du veut de la pluie, & très froid. C’est trop triste. Vous et le beau temps de moins ! Je n’ai rien à vous dire, que mon plaisi,r mon regret. Ces huit jours ont été charmants. Recommençons l’année prochaine, mais mieux. Adieu. Adieu.
Ems, le 5 août 1850, François Guizot à Sarah Austin
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
Ems, Vendredi 2 août 1850, François Guizot à Dorothée de Lieven
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
Allons-nous à Stolzenfels ? Dites le moi pour que je règle ma vie d'ici à une heure en conséquence. Si nous allons, à quelle heure dois-je être chez vous ? J’espère que vous avez dormi vous étiez fatiguée hier soir. Adieu Adieu.
Ems
Vendredi 2 août 1850
Ems
Vendredi 2 août 1850
Mots-clés : Relation François-Dorothée, Santé (Dorothée)
Paris, le 1er août 1850, Eloi Mallac à François Guizot
Auteurs : Mallac, Eloi (1809-1876)
Ems, Dimanche 28 juillet 1850, Dorothée de Lieven à François Guizot
Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
Ems le 28 Juillet 1850
Me voilà bien perplexe ! Vous arrivez ayant découvert que vous pouviez rester huit grands jours en attendant je vous déconseillais de venir puisque selon votre premier calcul vous n'en seriez resté ici que deux. J’ai eu le grand tort de vous écrire un mot à Paris qui vous aura dérouté, car mes explications étaient adressées au Val Richer, et ces lettres là vous ne les avez pas attendues. J'ai deux raisons de plus pour désirer que vous ne veniez qu’après le 14, mais C’est trop tard. Enfin voyons, je sais bien que le bonheur de vous voir sera le même. A présent que plus tard, seulement je vais rester très incertaine jusqu'à mercredi en attendant votre logement est prêt.
La grande duchesse Hélène arrive ici le 17. Elle désire bien que je l’attende. J’irai le 8 comme je vous l'ai mandé à Schlangenbadad. Je la verrai à mon retour de là, cela me fera m’arrêter un jour ou deux au plus à Ems. J'adresse ceci à Strybon. Si vous êtes encore à Paris il vous porte ma lettre si non il la fait aller plus loin. Adieu. Adieu.
Me voilà bien perplexe ! Vous arrivez ayant découvert que vous pouviez rester huit grands jours en attendant je vous déconseillais de venir puisque selon votre premier calcul vous n'en seriez resté ici que deux. J’ai eu le grand tort de vous écrire un mot à Paris qui vous aura dérouté, car mes explications étaient adressées au Val Richer, et ces lettres là vous ne les avez pas attendues. J'ai deux raisons de plus pour désirer que vous ne veniez qu’après le 14, mais C’est trop tard. Enfin voyons, je sais bien que le bonheur de vous voir sera le même. A présent que plus tard, seulement je vais rester très incertaine jusqu'à mercredi en attendant votre logement est prêt.
La grande duchesse Hélène arrive ici le 17. Elle désire bien que je l’attende. J’irai le 8 comme je vous l'ai mandé à Schlangenbadad. Je la verrai à mon retour de là, cela me fera m’arrêter un jour ou deux au plus à Ems. J'adresse ceci à Strybon. Si vous êtes encore à Paris il vous porte ma lettre si non il la fait aller plus loin. Adieu. Adieu.
Ems, Vendredi 26 juillet 1850, Dorothée de Lieven à François Guizot
Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
Ems le 26 juillet 1850
Puisque votre dernière lettre ne me parle plus de venir, j’espère que vous y aurez renoncé pour le moment. J'ai eu beaucoup de lettres aujourd’hui lord Aberdeen il partait le même jour pour l’Ecosse. Le dîner pour Palmerston a été une pauvre affaire. Pas un ministre n’a voulu en être. Leur absence a semblé très significative. J’attends ce que Ellice m'en dira. Brunnow va en août à Pétersbourg. Il a beaucoup parlé et raconté à Aberdeen, très triste, voyant très en noir notre avenir avec l'Angleterre & désirerait connaître exactement la volonté de l’empereur, doutant de son propre retour à Londres. La guerre en Danemark tout de suite après s’être vanté du succès de la médiation pour la paix, fait à Londres un effet singulier.
Duchâtel & Montebello me disent tous deux que le Bonapartisme fait de grands progrès, même celui qui devait former notre partie carrée avec Marion à dîner, est dans cette opinion. On veut rappeler d'exil les princes. Lamoricière est à la tête de tout ce qui peut vexer l’Elysée. Il me semble que la commission est mal arrangée pour y plaire dans ce quartier. Enfin il peut encore survenir d’étranges complications. J’ai lu l’article de M. de Lavergne dans la revue des deux mondes et j'en ai été charmée. On me parle tout à l'heure d'un article du Moniteur du soir qui serait la guerre déclarée, par l’Elysée à l’assemblée. Cela a l’air vif, ce ne sera probablement rien. J'ai passé une nuit détestable des crampes, oppression de poitrine, j’ai suspendu aujourd'hui les verres d'eau, & le bain. Adieu. Adieu.
Puisque votre dernière lettre ne me parle plus de venir, j’espère que vous y aurez renoncé pour le moment. J'ai eu beaucoup de lettres aujourd’hui lord Aberdeen il partait le même jour pour l’Ecosse. Le dîner pour Palmerston a été une pauvre affaire. Pas un ministre n’a voulu en être. Leur absence a semblé très significative. J’attends ce que Ellice m'en dira. Brunnow va en août à Pétersbourg. Il a beaucoup parlé et raconté à Aberdeen, très triste, voyant très en noir notre avenir avec l'Angleterre & désirerait connaître exactement la volonté de l’empereur, doutant de son propre retour à Londres. La guerre en Danemark tout de suite après s’être vanté du succès de la médiation pour la paix, fait à Londres un effet singulier.
Duchâtel & Montebello me disent tous deux que le Bonapartisme fait de grands progrès, même celui qui devait former notre partie carrée avec Marion à dîner, est dans cette opinion. On veut rappeler d'exil les princes. Lamoricière est à la tête de tout ce qui peut vexer l’Elysée. Il me semble que la commission est mal arrangée pour y plaire dans ce quartier. Enfin il peut encore survenir d’étranges complications. J’ai lu l’article de M. de Lavergne dans la revue des deux mondes et j'en ai été charmée. On me parle tout à l'heure d'un article du Moniteur du soir qui serait la guerre déclarée, par l’Elysée à l’assemblée. Cela a l’air vif, ce ne sera probablement rien. J'ai passé une nuit détestable des crampes, oppression de poitrine, j’ai suspendu aujourd'hui les verres d'eau, & le bain. Adieu. Adieu.
Paris, le 26 juillet 1850, Amélie Lenormant à François Guizot
Auteurs : Lenormant, Amélie (1803-1893)
Val-Richer, Vendredi 26 Juillet 1850, François Guizot à Dorothée de Lieven
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
Val-Richer. Vendredi 26 Juillet 1850
J’aimerais mieux n'avoir pas pour mon voyage, les torrents de pluie qui nous inondaient hier. Une fois arrivé, j'oublierai la pluie ; mais je voudrais que tout eût l’air content et gai autour de moi. Je ne saurai que demain matin, si je suis partir de Paris dimanche soir pour être à Ems mardi avec la poste. En tous cas, je partirai d’ici demain soir. Je ne vous écrirai pas demain. Je vous écrirais dimanche de Paris si je ne pouvais en partir que lundi.
A en juger par les apparences, le Prince Emile a tout-à-fait raison sur l'Allemagne. La révolution est évidemment hors d'état de faire là ce qu’elle veut. Mais je doute que les vieux gouvernements en soient plus capables, eussent-ils de l’esprit de refaire ce qu'ils voudraient. De tels événements même quand ils avortent, ne laissent pas en vie ce qui était avant eux. Comme vous le disait votre Prince de Saxe-Meiningen, on ne ramènera pas purement et simplement l'Allemagne, à l'ancienne confédération. A la suite de tout ceci, il se fera, au-delà du Rhin, plus ou moins d'unité et de constitution, mais il s'en fera. Vous me dîtes que le Prince de Prusse est devenu plus libéral que son frère, qu’il n’y aura en Autriche que des États locaux à qui on dira un mot du budget. Des Etats locaux partout en Autriche, un mot du budget à tous ces états, et le Prince de Prusse libéral ; mais ce sont là des changements énormes. Et l’Empereur d’Autriche sur son trône et le Prince de Metternich dans sa retraite, et votre Empereur dans sa grandeur intacte et inaccessible, regarderont pourtant cela comme des victoires et ils auront raison. Le monde change ; il faut s'y résigner et changer soi-même autant qu'il le faut pour être en harmonie avec la grande métamorphose, au lieu d’y mourir.
On se sépare bien mal à Paris. Le Constitutionnel, le Pouvoir, tous les amis de l'Elysée prennent la nomination de la Commission permanente avec beaucoup d’amertume. Les Burgraves, si triomphants après le vote de la loi électorale n'ont pas que, ou n’ont pas voulu s'y faire nommer eux ou leurs amis déclarés. M. Molé figure là comme un portrait d'ancêtre. Piscatory s'est mis de côté soit pour échapper comme il me l'a dit, aux embarras de la situation dans l’intervalle, soit crainte de ne pas réussir. La majorité est en dissolution. L'Elysée ne peut rien. Je ne crois à aucun grand acte de personne. Mais il arrivera quelque évènement. Quand les hommes ne peuvent décidément plus rien, ni avancer, ni rester, Dieu s’en mêle.
9 heures
Voilà votre lettre. Je ne vous en dis pas d'avantage. La coalition n’a pas pu réussir à faire passer M. Grévy pour la Commission permanente. Adieu, adieu. Je suis charmé que vous partiez d’Ems le 8, puisque je n'y pourrais rester davantage. Adieu. G.
J’aimerais mieux n'avoir pas pour mon voyage, les torrents de pluie qui nous inondaient hier. Une fois arrivé, j'oublierai la pluie ; mais je voudrais que tout eût l’air content et gai autour de moi. Je ne saurai que demain matin, si je suis partir de Paris dimanche soir pour être à Ems mardi avec la poste. En tous cas, je partirai d’ici demain soir. Je ne vous écrirai pas demain. Je vous écrirais dimanche de Paris si je ne pouvais en partir que lundi.
A en juger par les apparences, le Prince Emile a tout-à-fait raison sur l'Allemagne. La révolution est évidemment hors d'état de faire là ce qu’elle veut. Mais je doute que les vieux gouvernements en soient plus capables, eussent-ils de l’esprit de refaire ce qu'ils voudraient. De tels événements même quand ils avortent, ne laissent pas en vie ce qui était avant eux. Comme vous le disait votre Prince de Saxe-Meiningen, on ne ramènera pas purement et simplement l'Allemagne, à l'ancienne confédération. A la suite de tout ceci, il se fera, au-delà du Rhin, plus ou moins d'unité et de constitution, mais il s'en fera. Vous me dîtes que le Prince de Prusse est devenu plus libéral que son frère, qu’il n’y aura en Autriche que des États locaux à qui on dira un mot du budget. Des Etats locaux partout en Autriche, un mot du budget à tous ces états, et le Prince de Prusse libéral ; mais ce sont là des changements énormes. Et l’Empereur d’Autriche sur son trône et le Prince de Metternich dans sa retraite, et votre Empereur dans sa grandeur intacte et inaccessible, regarderont pourtant cela comme des victoires et ils auront raison. Le monde change ; il faut s'y résigner et changer soi-même autant qu'il le faut pour être en harmonie avec la grande métamorphose, au lieu d’y mourir.
On se sépare bien mal à Paris. Le Constitutionnel, le Pouvoir, tous les amis de l'Elysée prennent la nomination de la Commission permanente avec beaucoup d’amertume. Les Burgraves, si triomphants après le vote de la loi électorale n'ont pas que, ou n’ont pas voulu s'y faire nommer eux ou leurs amis déclarés. M. Molé figure là comme un portrait d'ancêtre. Piscatory s'est mis de côté soit pour échapper comme il me l'a dit, aux embarras de la situation dans l’intervalle, soit crainte de ne pas réussir. La majorité est en dissolution. L'Elysée ne peut rien. Je ne crois à aucun grand acte de personne. Mais il arrivera quelque évènement. Quand les hommes ne peuvent décidément plus rien, ni avancer, ni rester, Dieu s’en mêle.
9 heures
Voilà votre lettre. Je ne vous en dis pas d'avantage. La coalition n’a pas pu réussir à faire passer M. Grévy pour la Commission permanente. Adieu, adieu. Je suis charmé que vous partiez d’Ems le 8, puisque je n'y pourrais rester davantage. Adieu. G.
Ems, Jeudi 25 juillet 1850, Dorothée de Lieven à François Guizot
Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
Ems le 25 juillet 1850
Je vous adresse à tout hasard un mot dans votre maison de ville. Car la peur me prend que vous ne vous soyez mis en campagne, & je veux que vous sachiez que je reste en Allemagne jus qu'au 20 ou 22 août ou même plus si vous venez plus tard. Je vais le 8 à Shlangenbad. Tout près d'ici. Ce sont des bains calmants excellents pour les nerfs. J’y resterai une quinzaine de jours. Si vous venez après le 13 vous me trouverez là, et cela vaut bien mieux que de vous presser maintenant pour vous retrouver au Val Richer le 6. Je crois vous avoir parlé de mon projet de Schlangenbad. Si vous avez eu cette lettre elle vous aura décidé à attendre. Enfin nous verrons, quand on est si loin les explications. sont impossibles ! Adieu. Adieu.
Je vous adresse à tout hasard un mot dans votre maison de ville. Car la peur me prend que vous ne vous soyez mis en campagne, & je veux que vous sachiez que je reste en Allemagne jus qu'au 20 ou 22 août ou même plus si vous venez plus tard. Je vais le 8 à Shlangenbad. Tout près d'ici. Ce sont des bains calmants excellents pour les nerfs. J’y resterai une quinzaine de jours. Si vous venez après le 13 vous me trouverez là, et cela vaut bien mieux que de vous presser maintenant pour vous retrouver au Val Richer le 6. Je crois vous avoir parlé de mon projet de Schlangenbad. Si vous avez eu cette lettre elle vous aura décidé à attendre. Enfin nous verrons, quand on est si loin les explications. sont impossibles ! Adieu. Adieu.
Val-Richer, Jeudi 25 juillet 1850, François Guizot à Dorothée de Lieven
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
Val Richer. Jeudi 25 Juillet 1850
La poste me traite ici cette année avec une grande courtoisie ; elle envoie un facteur au Val Richer exprès pour moi. Il vient directement, chargé de mes seules lettres et attend quatre heures avant de repartir. Comme au temps de ma puissance. Cette faveur a été sans doute l'objet de quelque hésitation, car deux ou trois fois, elle a été suspendue. Je suis rentré dans la foule ; le facteur faisait une tournée de canton, arrivait ici tard et repartait presque aussitôt. Il paraît qu’on s'est enfin tout à fait décidé pour la bonne grâce. Le facteur me le dit. J’en suis fort aise, et je témoignerai de quelque façon au directeur général que j’y suis sensible.
On annonce la convocation des Conseils généraux pour la fin d’août, quinze jours ou trois semaines après le départ de l'Assemblée. Ils se préparent fort tranquillement. C’est évidem ment une institution plus enracinée dans le pays que beaucoup d'autres, les propriétaires y ont goût et confiance, sans distinction de partis. Si les Conseils généraux exprimaient vivement et généralement quelque voeu, faisaient quelque démarche cela aurait assez d'autorité. Mais ils ne feront, cette année, rien de semblable ; point d'impulsion forte ni générale, point de but précis. Ils resteront à peu près, dans la même ornière que l’assemblée et le gouvernement. Il n'en résultera rien.
Je suis frappé de l’ignorance où vous êtes, vivant en Allemagne, sur les affaires d'Allemagne. On y pense donc bien peu en Allemagne. Car enfin, quoique vous n'ayez à Ems personne de bien amusant, vous y avez du monde. Si vous étiez à Plombières ou à Vichy, vous entendriez bien autrement parler des affaires de France et de Paris. Les plus froids et les plus sots en seraient sans cesse occupés. Il faut qu’il y ait au delà du Rhin bien peu de public et de publicité politique. Ce qui se passe à Vienne et à Berlin mérite fort à coup sûr qu’on y regarde. Pour moi, je suis avec un vif intérêt la réorganisation de la Monarchie autrichienne et les soubresauts rusés et vains de l'ambition prussienne. Vous avez raison ; petit pays, excepté pour les savants et pour les Chambellans. Vous me ferez voir le Rhin. Je ne le verrai probablement jamais sans vous.
9 heures
Précisément aujourd’hui vous me donnez sur l'Allemagne, des renseignements intéressants. Ce que vous me dites a l’air vrai. Vous voyez que la nomination de la commission permanente est devenue tout-à-fait une affaire. Sans conséquence, comme tout aujourd'hui, mais qui excite vivement les passions ce qui se croit des passions. L’Elysée y est battu ; ce qui ne servira de rien à l'Assemblée.
Je trouve le discours de Lord Palmerston au reform Club meilleur que son discours à la Chambre des communes. Plus vif, et plus original. Je suis assez frappé qu’aucun de ses collègues ne soit allé à ce dîner. C’est probablement d'accord avec lui.
On me dit que le Vice Président des Etats-Unis, M. Fillmore est un homme très distingué, beaucoup plus distingué que le Général Taylor. Le choléra en veut aux Présidents américains. Deux en quelques années. Les rois d’Europe ont été plus ménagés.
Le petit article du Constitutionnel sur la première communion du Comte de Paris est intéressant. Mais évidemment le Roi est toujours bien faible. J’aurai un de ces jours de ses nouvelles avec détail. Adieu, adieu.
Je crois un peu que les eaux d’Ems sont un humbug. Je l’ai entendu dire. On envoie là les personnes à qui on ne veut ni bien ni mal. Adieu, adieu. G.
La poste me traite ici cette année avec une grande courtoisie ; elle envoie un facteur au Val Richer exprès pour moi. Il vient directement, chargé de mes seules lettres et attend quatre heures avant de repartir. Comme au temps de ma puissance. Cette faveur a été sans doute l'objet de quelque hésitation, car deux ou trois fois, elle a été suspendue. Je suis rentré dans la foule ; le facteur faisait une tournée de canton, arrivait ici tard et repartait presque aussitôt. Il paraît qu’on s'est enfin tout à fait décidé pour la bonne grâce. Le facteur me le dit. J’en suis fort aise, et je témoignerai de quelque façon au directeur général que j’y suis sensible.
On annonce la convocation des Conseils généraux pour la fin d’août, quinze jours ou trois semaines après le départ de l'Assemblée. Ils se préparent fort tranquillement. C’est évidem ment une institution plus enracinée dans le pays que beaucoup d'autres, les propriétaires y ont goût et confiance, sans distinction de partis. Si les Conseils généraux exprimaient vivement et généralement quelque voeu, faisaient quelque démarche cela aurait assez d'autorité. Mais ils ne feront, cette année, rien de semblable ; point d'impulsion forte ni générale, point de but précis. Ils resteront à peu près, dans la même ornière que l’assemblée et le gouvernement. Il n'en résultera rien.
Je suis frappé de l’ignorance où vous êtes, vivant en Allemagne, sur les affaires d'Allemagne. On y pense donc bien peu en Allemagne. Car enfin, quoique vous n'ayez à Ems personne de bien amusant, vous y avez du monde. Si vous étiez à Plombières ou à Vichy, vous entendriez bien autrement parler des affaires de France et de Paris. Les plus froids et les plus sots en seraient sans cesse occupés. Il faut qu’il y ait au delà du Rhin bien peu de public et de publicité politique. Ce qui se passe à Vienne et à Berlin mérite fort à coup sûr qu’on y regarde. Pour moi, je suis avec un vif intérêt la réorganisation de la Monarchie autrichienne et les soubresauts rusés et vains de l'ambition prussienne. Vous avez raison ; petit pays, excepté pour les savants et pour les Chambellans. Vous me ferez voir le Rhin. Je ne le verrai probablement jamais sans vous.
9 heures
Précisément aujourd’hui vous me donnez sur l'Allemagne, des renseignements intéressants. Ce que vous me dites a l’air vrai. Vous voyez que la nomination de la commission permanente est devenue tout-à-fait une affaire. Sans conséquence, comme tout aujourd'hui, mais qui excite vivement les passions ce qui se croit des passions. L’Elysée y est battu ; ce qui ne servira de rien à l'Assemblée.
Je trouve le discours de Lord Palmerston au reform Club meilleur que son discours à la Chambre des communes. Plus vif, et plus original. Je suis assez frappé qu’aucun de ses collègues ne soit allé à ce dîner. C’est probablement d'accord avec lui.
On me dit que le Vice Président des Etats-Unis, M. Fillmore est un homme très distingué, beaucoup plus distingué que le Général Taylor. Le choléra en veut aux Présidents américains. Deux en quelques années. Les rois d’Europe ont été plus ménagés.
Le petit article du Constitutionnel sur la première communion du Comte de Paris est intéressant. Mais évidemment le Roi est toujours bien faible. J’aurai un de ces jours de ses nouvelles avec détail. Adieu, adieu.
Je crois un peu que les eaux d’Ems sont un humbug. Je l’ai entendu dire. On envoie là les personnes à qui on ne veut ni bien ni mal. Adieu, adieu. G.
Ems, Jeudi 25 juillet 1850, Dorothée de Lieven à François Guizot
Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
Ems le 25 Juillet 1850
Si je ne me trompe, ou si l'on ne me trompe, Montebello est de la commission du 25. C'est une bien bonne nouvelle pour moi à condition que cela l'oblige vraiment à la résidence à Paris, mais je crois que ces messieurs se dispensent. J’ai été un peu souffrante hier. Le froid succédant à la chaleur ne m’a pas convenu. C'était hier le jour de naissance du duc de Nassau. Grande fête et bal. Tout le monde y a été. La princesse Grasalcowitch renonçant à sa promenade pour essayer des robes ! Est-ce possible ? Si je vais à Schlangenbad, ce que je crois tout-à-fait, ce sera le 8 août pour y passer quinze jours. Cela me ramène à Paris les derniers jours d’août.
Quelle tranquillité d'esprit dans la vie que je mène ici ! Sauf une demi-heure de conversation avec le Prince Paul il n’y a pas avec qui échanger un mot sérieux. Je crois que cela est très sain. Constantin m’apprend l'intérieur de Potsdam, et l’intérieur Impérial, dans celui-ci rien de changé depuis mon temps. Cependant bien des détails piquants. Sa femme ne manque pas d'une certaine finesse d'observation. Elle est remarquablement bien élevée, toutes les nuances de la politesse. Sous ce rapport elle me plait tout-à-fait. Ils restent encore huit jours auprès de moi. Elle a un tas de parents ici. Tout cela a bon air et grand air. Constantin trouve qu’ils sont trop nombreux. Je n’ai pas un mot de nouvelles. Aujourd’hui j'espère des lettres. Adieu. Adieu.
Si je ne me trompe, ou si l'on ne me trompe, Montebello est de la commission du 25. C'est une bien bonne nouvelle pour moi à condition que cela l'oblige vraiment à la résidence à Paris, mais je crois que ces messieurs se dispensent. J’ai été un peu souffrante hier. Le froid succédant à la chaleur ne m’a pas convenu. C'était hier le jour de naissance du duc de Nassau. Grande fête et bal. Tout le monde y a été. La princesse Grasalcowitch renonçant à sa promenade pour essayer des robes ! Est-ce possible ? Si je vais à Schlangenbad, ce que je crois tout-à-fait, ce sera le 8 août pour y passer quinze jours. Cela me ramène à Paris les derniers jours d’août.
Quelle tranquillité d'esprit dans la vie que je mène ici ! Sauf une demi-heure de conversation avec le Prince Paul il n’y a pas avec qui échanger un mot sérieux. Je crois que cela est très sain. Constantin m’apprend l'intérieur de Potsdam, et l’intérieur Impérial, dans celui-ci rien de changé depuis mon temps. Cependant bien des détails piquants. Sa femme ne manque pas d'une certaine finesse d'observation. Elle est remarquablement bien élevée, toutes les nuances de la politesse. Sous ce rapport elle me plait tout-à-fait. Ils restent encore huit jours auprès de moi. Elle a un tas de parents ici. Tout cela a bon air et grand air. Constantin trouve qu’ils sont trop nombreux. Je n’ai pas un mot de nouvelles. Aujourd’hui j'espère des lettres. Adieu. Adieu.
Val-Richer, Mercredi 24 juillet 1850, François Guizot à Dorothée de Lieven
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
Val-Richer, Mercredi 24 juillet 1850
7 heures
Partant dans quatre jours pour aller vous voir, il me semble déjà que ce n'est plus la peine de vous écrire. D’aujourd’hui en huit, nous causerons, s'il plaît à Dieu comme disent toujours mes amis anglais, qui ont raison. Certainement, nous avons beaucoup à nous dire ; il n’y a point de temps si stérile en événements qui le soit, entre nous, pour la conversation. Et puis, on appelle aujourd’hui stérile toute semaine qui n'amène pas quelque grosse chose. Je me défends de cette disposition qui est, au fond, celle qui fait faire, de nos jours, tant de sottises. Je tâche de ne pas m'ennuyer de ce qui dure et de contenter ma curiosité à meilleur marché que des révolutions.
J’ai des nouvelles de Rome. Le Gouvernement du Pape ne s’y rétablit guère ; mais l'ébranlement s’apaise. On oublie le passé et l'avenir. On vit au jour le jour, en rentrant dans les anciennes habitudes. C’est un repos qui reste à la merci d'une poignée de conspirateurs et d’une occasion. Le Pape est dans Rome, mais Mazzini n’est pas vaincu. Il faudra que l’armée française reste là longtemps. Et quand elle quittera Rome elle restera encore longtemps à Civita Vecchia. Personne n’y pense et ne s'en soucie. Lord Palmerston aurait bouleversé, l’Europe pour me chasser de là. Peu lui importe que la République y soit. Il a raison. La République, pour garder Rome, n'en est pas plus puissante en Italie ; pas plus que la sentinelle qui garde la Banque n'en possède les trésors. Quand les révolutions sont à la porte, les gouvernements ne sont plus que des sentinelles. La question italienne est insoluble. Autrefois, on se résignait aux questions insolubles ; on cessait d’y penser. Aujourd'hui, on ne se résigne à rien : on pense toujours à tout. Aussi la force matérielle doit être toujours partout. L’Etat de siège devient l'ordre Européen.
10 heures
La Commission permanente est nommée bien péniblement, et bien mêlée. L'opposition légitimiste et montagnarde a fait passer plusieurs des siens. Le gâchis augmente. La nouvelle querelle de Changarnier avec le Ministre de la guerre est encore replâtrée, mais cela ne peut guère aller loin. Le Président, ne pourra pas soutenir toujours d’Hautpoul.
Ce que vous me dites d'Angleterre me préoccupe. Si la Chambre des communes se met aussi à démolir son propre gouvernement, cela finira par mal tourner. Adieu, adieu. J’ai plusieurs petites lettres à écrire et mon facteur ne peut pas attendre longtemps aujourd’hui. Adieu G.
7 heures
Partant dans quatre jours pour aller vous voir, il me semble déjà que ce n'est plus la peine de vous écrire. D’aujourd’hui en huit, nous causerons, s'il plaît à Dieu comme disent toujours mes amis anglais, qui ont raison. Certainement, nous avons beaucoup à nous dire ; il n’y a point de temps si stérile en événements qui le soit, entre nous, pour la conversation. Et puis, on appelle aujourd’hui stérile toute semaine qui n'amène pas quelque grosse chose. Je me défends de cette disposition qui est, au fond, celle qui fait faire, de nos jours, tant de sottises. Je tâche de ne pas m'ennuyer de ce qui dure et de contenter ma curiosité à meilleur marché que des révolutions.
J’ai des nouvelles de Rome. Le Gouvernement du Pape ne s’y rétablit guère ; mais l'ébranlement s’apaise. On oublie le passé et l'avenir. On vit au jour le jour, en rentrant dans les anciennes habitudes. C’est un repos qui reste à la merci d'une poignée de conspirateurs et d’une occasion. Le Pape est dans Rome, mais Mazzini n’est pas vaincu. Il faudra que l’armée française reste là longtemps. Et quand elle quittera Rome elle restera encore longtemps à Civita Vecchia. Personne n’y pense et ne s'en soucie. Lord Palmerston aurait bouleversé, l’Europe pour me chasser de là. Peu lui importe que la République y soit. Il a raison. La République, pour garder Rome, n'en est pas plus puissante en Italie ; pas plus que la sentinelle qui garde la Banque n'en possède les trésors. Quand les révolutions sont à la porte, les gouvernements ne sont plus que des sentinelles. La question italienne est insoluble. Autrefois, on se résignait aux questions insolubles ; on cessait d’y penser. Aujourd'hui, on ne se résigne à rien : on pense toujours à tout. Aussi la force matérielle doit être toujours partout. L’Etat de siège devient l'ordre Européen.
10 heures
La Commission permanente est nommée bien péniblement, et bien mêlée. L'opposition légitimiste et montagnarde a fait passer plusieurs des siens. Le gâchis augmente. La nouvelle querelle de Changarnier avec le Ministre de la guerre est encore replâtrée, mais cela ne peut guère aller loin. Le Président, ne pourra pas soutenir toujours d’Hautpoul.
Ce que vous me dites d'Angleterre me préoccupe. Si la Chambre des communes se met aussi à démolir son propre gouvernement, cela finira par mal tourner. Adieu, adieu. J’ai plusieurs petites lettres à écrire et mon facteur ne peut pas attendre longtemps aujourd’hui. Adieu G.
Ems, Mercredi 24 juillet 1850, Dorothée de Lieven à François Guizot
Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
Ems le 24 Juillet 1850
Non vraiment ce serait trop shabby de venir à présent avec l’obligation de vous retrouver au Val-Richer le 6, ce qui vous ferait quitter Ems le 2 août, car enfin il faut le temps de voyage. Renoncez à cela maintenant. Ce serait absurde. Puisque vous vous arrangez toujours de façon à avoir des devoirs de 10 en 10 jours, je ne vois pas le moyen d’entreprendre un voyage. Je ne veux pas de vous à présent, dans quelques jours j’aurai décidé Schlangenbad. Alors vous m’y trouveriez après les prix de l’Université. En ne s’arrêtant pas on arrive à Ems le 3ème jour. Ainsi aller et venir 6 jours de Paris seulement ! Ce qui fait huit pour le Val-Richer. A moins que vous ne soyez parti aujourd’hui je ne vois pas le moyen que vous me fassiez une visite de plus de 48 heures. Vraiment cela n’en vaut pas la peine.
Hier la chaleur a été très forte. Aujourd’hui c’est le tour de la pluie. Ces changements soudains rendent tout le monde un peu malade. Il n'y a d’autre protection pour les demoiselles Ribinsky que le Maréchal Paskevitch, il peut tout. Je le connais, mais je n’aimerais pas à me mettre en avant dans cette affaire. Ce sera possible par le Prince Labanoff son gendre que vous avez vu à Paris, et qui y revient. On me dit qu'on est très large en fait d’argent chez nous pour les Polonais. Que va devenir ma lettre ? J’espère qu'elle vous trouvera chez vous, & que vous ne ferez pas la bêtise, pardonnez moi de me faire une visite comme si j’étais à Beauséjour. Il sera temps après le 14. Aberdeen ne m’a pas répondu. Je ne pense donc pas qu'il vienne. Je lui avais parlé du 1er au 3 août croyant alors que ce serait là le moment où vous viendriez. Je finis je n'ai rien du tout à dire. J’apprends que les 25 de la Commission sont mauvais. Je n’ai pas lu la liste encore. Adieu. Adieu.
Non vraiment ce serait trop shabby de venir à présent avec l’obligation de vous retrouver au Val-Richer le 6, ce qui vous ferait quitter Ems le 2 août, car enfin il faut le temps de voyage. Renoncez à cela maintenant. Ce serait absurde. Puisque vous vous arrangez toujours de façon à avoir des devoirs de 10 en 10 jours, je ne vois pas le moyen d’entreprendre un voyage. Je ne veux pas de vous à présent, dans quelques jours j’aurai décidé Schlangenbad. Alors vous m’y trouveriez après les prix de l’Université. En ne s’arrêtant pas on arrive à Ems le 3ème jour. Ainsi aller et venir 6 jours de Paris seulement ! Ce qui fait huit pour le Val-Richer. A moins que vous ne soyez parti aujourd’hui je ne vois pas le moyen que vous me fassiez une visite de plus de 48 heures. Vraiment cela n’en vaut pas la peine.
Hier la chaleur a été très forte. Aujourd’hui c’est le tour de la pluie. Ces changements soudains rendent tout le monde un peu malade. Il n'y a d’autre protection pour les demoiselles Ribinsky que le Maréchal Paskevitch, il peut tout. Je le connais, mais je n’aimerais pas à me mettre en avant dans cette affaire. Ce sera possible par le Prince Labanoff son gendre que vous avez vu à Paris, et qui y revient. On me dit qu'on est très large en fait d’argent chez nous pour les Polonais. Que va devenir ma lettre ? J’espère qu'elle vous trouvera chez vous, & que vous ne ferez pas la bêtise, pardonnez moi de me faire une visite comme si j’étais à Beauséjour. Il sera temps après le 14. Aberdeen ne m’a pas répondu. Je ne pense donc pas qu'il vienne. Je lui avais parlé du 1er au 3 août croyant alors que ce serait là le moment où vous viendriez. Je finis je n'ai rien du tout à dire. J’apprends que les 25 de la Commission sont mauvais. Je n’ai pas lu la liste encore. Adieu. Adieu.
Claremont, le 24 juillet 1850, le général Dumas à François Guizot
Auteurs : Dumas, général (?-?)
"La cérémonie a été des intéressantes, l'attitude du jeune Prince excellente, l'affluence des témoins et spectateurs aussi grande que le local le permettait, l'effet produit sur l'assistance, et par suite sur le public, aussi satisfaisant et consolant que possible pour le roi et sa famille."
La communion du comte de Paris, le 20 juillet 1850 à Londres
Collection du Musée Carnavalet (Paris)
La communion du comte de Paris, le 20 juillet 1850 à Londres
Collection du Musée Carnavalet (Paris)
Ems, Mardi 23 juillet 1850, Dorothée de Lieven à François Guizot
Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
Ems le 23 Juillet 1850
Votre lettre ne me donne rien à répondre. Je n’ai pas de lettre d’ailleurs, les journaux sont stupides, & je le deviens. L'année va je crois finir paisiblement. certainement il y a progrès vers le bien partout. Et les rouges sont matés il faudrait bien des fautes pour qu’ils reprissent courage. Il y a beaucoup de nouveaux arrivés ici hier du Lobkowitz, des Windiesch-Graetz ; mais je ne les ai pas vus Je vous ai dit que je ne vais pas là où l'on se réunit, Maintenant voici la rage des parties. Cela ne me va pas non plus. J’aime ma routine.
La Princesse de Prusse cherche à attirer le monde. Aujourd’hui même elle vient tout près d'ici et on recrute pour elle des rencontres. Constantin a refusé net. Il ne veut pas la voir. Elle est trop ridicule et trop anti-russe. Si je pouvais la voir commodément cela m'amuserait assez mais Constantin me dit qu'à Pétersbourg on me saura plus de gré de ne pas la voir que de la rechercher. Ma nièce me plait davantage. D'abord elle est grande, ses yeux sont beaux, elle plait à tout le monde. Les petites princesses de Beauvais, qui sont toutes deux ses cousines en raffolent. Elle sait causer un peu de tout. Elle a de l'aplomb et de la modestie, de beaux cheveux, une jolie main, un teint magnifique. Elle tiendrait très bien ma table de thé. La Princesse [Crasalcovy] est ici avec deux perroquets. Elle a rencontré tout à l'heure chez moi le Prince Windischgraetz, celui qui a été blessé le jour même où on a tué sa mère. Joli jeune homme, mieux que les Viennois ordinairement. Thiers veut aller à Bruxelles chercher quelques renseignements historiques auprès du Prince Metternich. Voilà le temps chaud rêvé. Je me barricade.
Vous voyez que je ne vous dis que des bêtises. Un mot sur les Princes de l’union, le frère du Prince Albert à la tête. Quand la révolution a éclaté partout, ils ont renoncé volontairement à leurs douaires & les ont cédés à l’état contre une liste civile quelle conque. Mais le Saxe entre autre avait stipulé une clause, c’est que s'il venait à renoncer à la souveraineté les biens lui seraient rendus. Et bien aujourd’hui ils veulent tous être médiatisés, incorporés à la Prusse pour recouvrir leur argent. Voilà où en sont les princes de la Thuringe & ce qui les fait persister dans l’union. Vous voyez que je deviens savante peu à peu. Adieu. Adieu. Envoyez-moi mieux que je ne vous donne.
Votre lettre ne me donne rien à répondre. Je n’ai pas de lettre d’ailleurs, les journaux sont stupides, & je le deviens. L'année va je crois finir paisiblement. certainement il y a progrès vers le bien partout. Et les rouges sont matés il faudrait bien des fautes pour qu’ils reprissent courage. Il y a beaucoup de nouveaux arrivés ici hier du Lobkowitz, des Windiesch-Graetz ; mais je ne les ai pas vus Je vous ai dit que je ne vais pas là où l'on se réunit, Maintenant voici la rage des parties. Cela ne me va pas non plus. J’aime ma routine.
La Princesse de Prusse cherche à attirer le monde. Aujourd’hui même elle vient tout près d'ici et on recrute pour elle des rencontres. Constantin a refusé net. Il ne veut pas la voir. Elle est trop ridicule et trop anti-russe. Si je pouvais la voir commodément cela m'amuserait assez mais Constantin me dit qu'à Pétersbourg on me saura plus de gré de ne pas la voir que de la rechercher. Ma nièce me plait davantage. D'abord elle est grande, ses yeux sont beaux, elle plait à tout le monde. Les petites princesses de Beauvais, qui sont toutes deux ses cousines en raffolent. Elle sait causer un peu de tout. Elle a de l'aplomb et de la modestie, de beaux cheveux, une jolie main, un teint magnifique. Elle tiendrait très bien ma table de thé. La Princesse [Crasalcovy] est ici avec deux perroquets. Elle a rencontré tout à l'heure chez moi le Prince Windischgraetz, celui qui a été blessé le jour même où on a tué sa mère. Joli jeune homme, mieux que les Viennois ordinairement. Thiers veut aller à Bruxelles chercher quelques renseignements historiques auprès du Prince Metternich. Voilà le temps chaud rêvé. Je me barricade.
Vous voyez que je ne vous dis que des bêtises. Un mot sur les Princes de l’union, le frère du Prince Albert à la tête. Quand la révolution a éclaté partout, ils ont renoncé volontairement à leurs douaires & les ont cédés à l’état contre une liste civile quelle conque. Mais le Saxe entre autre avait stipulé une clause, c’est que s'il venait à renoncer à la souveraineté les biens lui seraient rendus. Et bien aujourd’hui ils veulent tous être médiatisés, incorporés à la Prusse pour recouvrir leur argent. Voilà où en sont les princes de la Thuringe & ce qui les fait persister dans l’union. Vous voyez que je deviens savante peu à peu. Adieu. Adieu. Envoyez-moi mieux que je ne vous donne.
Val-Richer, Mardi 23 juillet 1850, François Guizot à Dorothée de Lieven
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
Val Richer, Mardi 23 Juillet 1850
Si je me guérissait de mes passions, les Assemblées, ne seraient pas la seule dont j’aurais à me guérir. J’aime mieux rester comme je suis. A tout prendre en France du moins, et depuis 1814, les Assemblées ont empêché plus de mal qu'elles n’en ont fait. Sans elles en 1830, et en 1848, le démon révolutionnaire aurait triomphé. Elles l'avaient bien un peu encouragé ; mais elles le lui ont fait bien payer après. Je viens de parcourir tous mes journaux. Je n’y trouve rien. La nomination de la commission permanente sera le dernier acte. Et puis nous serons trois mois sans assemblée. Je souhaite de tout mon cœur que nous soyons mieux dans trois mois qu'aujourd’hui. Je suis bien aise que l'article d’Albert de Broglie vous ait plu. Mais maintenez vos critiques. Je les trouve très justes.
L'homme aux mémoires est bien Saint-Simon. Quoiqu'il écrivit encore sous et sur la Régence, c’est le 17ème siècle qu’il raconte le plus. Louis XIV et sa cour. J'en lis tous les soirs 30 ou 40 pages, là et là à mes enfants. Cela les amuse parfaitement. Je n’ai pas lu les Sophismes en frustrade dont vous parle Marion. Si cela en valait la peine, je les ferais demander. J’ai demandé s'il y avait déjà quelque chose d'un peu complet sur Peel. On me répond qu'il y a un livre, publié, il y a deux ou trois ans par un Dr. Cooke Taylor " Sir Robert Peel and his Times." Vous n'avez surement par entendu parler de cela.
J’ai des nouvelles de Ste Aulaire. Il me dit qu’Horace Vernet, raconte que votre Empereur est toujours charmé de la République en France et surtout partisan zélé du général Cavaignac. C'est sa plus grande nouvelle. Vous voyez que je suis à peu près aussi stérile qu'Ems. Adieu. Adieu. Voilà enfin le soleil revenu. La pluie nous a accablés pendant quelques jours. Adieu. G.
Midi
Je rouvre ma lettre. Je viens d'avoir une visite qui me rend ma liberté pour le 6 août. J'irai donc vous voir à présent. Je partirai d’ici samedi prochain 27. Je serai dimanche matin, à Paris. J’en partirai le soir ou lundi matin pour Bruxelles et je serai à Ems mardi soir 30 ou mercredi Il. J’y passerai huit jours avec vous. Il faut que je sois à Paris, dans la journée du 11. Si Aberdeen vient à Ems, tant mieux. Sinon encore tant mieux. Grand plaisir que cette petite course. Adieu, adieu.
Soyez assez bonne pour m’assurer à Ems un petit logement. J’aurai avec moi un domestique, Adieu encore. G.
Si je me guérissait de mes passions, les Assemblées, ne seraient pas la seule dont j’aurais à me guérir. J’aime mieux rester comme je suis. A tout prendre en France du moins, et depuis 1814, les Assemblées ont empêché plus de mal qu'elles n’en ont fait. Sans elles en 1830, et en 1848, le démon révolutionnaire aurait triomphé. Elles l'avaient bien un peu encouragé ; mais elles le lui ont fait bien payer après. Je viens de parcourir tous mes journaux. Je n’y trouve rien. La nomination de la commission permanente sera le dernier acte. Et puis nous serons trois mois sans assemblée. Je souhaite de tout mon cœur que nous soyons mieux dans trois mois qu'aujourd’hui. Je suis bien aise que l'article d’Albert de Broglie vous ait plu. Mais maintenez vos critiques. Je les trouve très justes.
L'homme aux mémoires est bien Saint-Simon. Quoiqu'il écrivit encore sous et sur la Régence, c’est le 17ème siècle qu’il raconte le plus. Louis XIV et sa cour. J'en lis tous les soirs 30 ou 40 pages, là et là à mes enfants. Cela les amuse parfaitement. Je n’ai pas lu les Sophismes en frustrade dont vous parle Marion. Si cela en valait la peine, je les ferais demander. J’ai demandé s'il y avait déjà quelque chose d'un peu complet sur Peel. On me répond qu'il y a un livre, publié, il y a deux ou trois ans par un Dr. Cooke Taylor " Sir Robert Peel and his Times." Vous n'avez surement par entendu parler de cela.
J’ai des nouvelles de Ste Aulaire. Il me dit qu’Horace Vernet, raconte que votre Empereur est toujours charmé de la République en France et surtout partisan zélé du général Cavaignac. C'est sa plus grande nouvelle. Vous voyez que je suis à peu près aussi stérile qu'Ems. Adieu. Adieu. Voilà enfin le soleil revenu. La pluie nous a accablés pendant quelques jours. Adieu. G.
Midi
Je rouvre ma lettre. Je viens d'avoir une visite qui me rend ma liberté pour le 6 août. J'irai donc vous voir à présent. Je partirai d’ici samedi prochain 27. Je serai dimanche matin, à Paris. J’en partirai le soir ou lundi matin pour Bruxelles et je serai à Ems mardi soir 30 ou mercredi Il. J’y passerai huit jours avec vous. Il faut que je sois à Paris, dans la journée du 11. Si Aberdeen vient à Ems, tant mieux. Sinon encore tant mieux. Grand plaisir que cette petite course. Adieu, adieu.
Soyez assez bonne pour m’assurer à Ems un petit logement. J’aurai avec moi un domestique, Adieu encore. G.
Val-Richer, Lundi 22 juillet 1850, François Guizot à Dorothée de Lieven
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
Val Richer, Lundi 22 Juillet 1850
6 heures
Décidément, tout calcul fait, je dois recevoir aujourd’hui votre lettre délivrée de mon inquiétude. J’en suis presque aussi impatient que vous l’avez été vous-même.
J'ai reçu hier aussi le petit mot envoyé à Strybes. Je ne sais plus où j’en suis resté avec vous sur sir Robert Peel. J’ai été interrompu un jour où je vous parlais de lui. J’avais mille choses à vous en dire qui me reviendront. Sa grandeur actuelle est très grande. Un doute reste sur sa grandeur future. Si son pays et son gouvernement demeurent intacts, si cette belle organisation sociale se modifie, sans se briser. Peel grandira encore, car il aura eu raison dans ce qu’il a fait ; il aura bien jugé de la portée de ses réformes puisqu'elles n’auront pas ébranlé les fondements de l’édifice, si l’édifice tombe si l'Angleterre aussi entre en révolution, Peel descendra comme son pays car il aura fait ce qu’il ne voulait pas et ses réformes auront commencé les révolutions qu’il se promettait d'écarter. La question est là pour lui. Je ne la préjuge point. Je ne vois pas clair dans cet avenir. A vrai dire j'espère plus que je ne crains. Je crains pourtant. Reeve m'écrit : " Sir R. Peel a laissé des écrits considérables sur l'histoire de son temps et il a nommé Lord Mahon et Cardwell ses exécuteurs littéraires (vous le saviez). Ces écrits doivent être livrés à la publication puisqu'il a déclaré que les profits qu’on en retirerait seraient au bénéfice du Literary Found. Il paraît que, depuis trois ans c'était là sa principale occupation. On sent tous les jours davantage la place immense qu’il remplissait dans ce pays ; mais depuis sa mort les whigs sont devenus sinon plus forts, du moins plus inévitables. Lord Palmerston paraît très disposé à profiter de la dernière leçon qu’il a reçue ; il renonce the Devil and all his works, et jure qu'on ne l'y reprendra plus. Sa conduite dans l'affaire danoise est devenue tout à coup excellente et très ferme. Sans attacher à ces manifestations plus de prix qu'elles ne méritent, il est sage, je crois de les accepter comme si elles étaient les fruits d'une conviction. "
Mêmes nouvelles de Paris. On ne songe plus qu’à s'en aller. On s'en ira du 8 au 10 août. Je suis assez curieux de la commission permanente qui sera nommée aujourd’hui. Piscatory m'a écrit qu'il n’en voulait pas être. Il prévoit qu’elle pourra se trouver, dans une situation embarrassante. Peut-être eût-il eu quelque peine à en être nommé, si la liste que j'ai vue dans mes journaux d’hier, comme arrêtée par la réunion du Conseil d'Etat est authentique, elle est faite en méfiance du Président, et pour le surveiller en effet. Les républicains et les légitimistes y sont nombreux. L'assemblée a certainement perdu dans ces derniers temps. Mais peu importe elle est comme le Président ; ils peuvent perdre impunément l’un et l’autre ; ils sont, l'un et l'autre, le rempart contre l'anarchie, et il n'y a pas de rechange
L'article sur the Austrian révolution dans le Quarterly review est de Reeve. Il mérite que vous le lisiez. Rien de neuf ; mais un bon tableau des faits de Vienne ; clair et d’un bon effet. Je suppose que M. de Metternich en est content. Mais avez-vous à Ems le Quarterly ? [...]
6 heures
Décidément, tout calcul fait, je dois recevoir aujourd’hui votre lettre délivrée de mon inquiétude. J’en suis presque aussi impatient que vous l’avez été vous-même.
J'ai reçu hier aussi le petit mot envoyé à Strybes. Je ne sais plus où j’en suis resté avec vous sur sir Robert Peel. J’ai été interrompu un jour où je vous parlais de lui. J’avais mille choses à vous en dire qui me reviendront. Sa grandeur actuelle est très grande. Un doute reste sur sa grandeur future. Si son pays et son gouvernement demeurent intacts, si cette belle organisation sociale se modifie, sans se briser. Peel grandira encore, car il aura eu raison dans ce qu’il a fait ; il aura bien jugé de la portée de ses réformes puisqu'elles n’auront pas ébranlé les fondements de l’édifice, si l’édifice tombe si l'Angleterre aussi entre en révolution, Peel descendra comme son pays car il aura fait ce qu’il ne voulait pas et ses réformes auront commencé les révolutions qu’il se promettait d'écarter. La question est là pour lui. Je ne la préjuge point. Je ne vois pas clair dans cet avenir. A vrai dire j'espère plus que je ne crains. Je crains pourtant. Reeve m'écrit : " Sir R. Peel a laissé des écrits considérables sur l'histoire de son temps et il a nommé Lord Mahon et Cardwell ses exécuteurs littéraires (vous le saviez). Ces écrits doivent être livrés à la publication puisqu'il a déclaré que les profits qu’on en retirerait seraient au bénéfice du Literary Found. Il paraît que, depuis trois ans c'était là sa principale occupation. On sent tous les jours davantage la place immense qu’il remplissait dans ce pays ; mais depuis sa mort les whigs sont devenus sinon plus forts, du moins plus inévitables. Lord Palmerston paraît très disposé à profiter de la dernière leçon qu’il a reçue ; il renonce the Devil and all his works, et jure qu'on ne l'y reprendra plus. Sa conduite dans l'affaire danoise est devenue tout à coup excellente et très ferme. Sans attacher à ces manifestations plus de prix qu'elles ne méritent, il est sage, je crois de les accepter comme si elles étaient les fruits d'une conviction. "
Mêmes nouvelles de Paris. On ne songe plus qu’à s'en aller. On s'en ira du 8 au 10 août. Je suis assez curieux de la commission permanente qui sera nommée aujourd’hui. Piscatory m'a écrit qu'il n’en voulait pas être. Il prévoit qu’elle pourra se trouver, dans une situation embarrassante. Peut-être eût-il eu quelque peine à en être nommé, si la liste que j'ai vue dans mes journaux d’hier, comme arrêtée par la réunion du Conseil d'Etat est authentique, elle est faite en méfiance du Président, et pour le surveiller en effet. Les républicains et les légitimistes y sont nombreux. L'assemblée a certainement perdu dans ces derniers temps. Mais peu importe elle est comme le Président ; ils peuvent perdre impunément l’un et l’autre ; ils sont, l'un et l'autre, le rempart contre l'anarchie, et il n'y a pas de rechange
L'article sur the Austrian révolution dans le Quarterly review est de Reeve. Il mérite que vous le lisiez. Rien de neuf ; mais un bon tableau des faits de Vienne ; clair et d’un bon effet. Je suppose que M. de Metternich en est content. Mais avez-vous à Ems le Quarterly ? [...]
Ems, Dimanche 21 juillet 1850, Dorothée de Lieven à François Guizot
Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
Ems le 21 Juillet 1850
Le Prince Paul est revenu hier de Francfort. Il y a vu la duchesse de Kent qui lui a dit positive ment : "le ministère ne durera pas, c’est impossible, la reine me l'écrit." Je vous livre texte et auteur. Le Prince Emile me disait avant hier que pour le moment tout est rompu entre l’Autriche et la Prusse, mais cela n'inquiète personne. L’affaire du Danemark est assez embrouillée. C'est pour nous obéir et nous plaire que la Prusse a conclu la paix avec le Danemark au nom de l’Allemagne, maintenant il faut que les états allemands ratifient. Or, c’est une affaire très nationale & qui pique l'honneur allemand. L’Autriche est charmée que la Prusse ne soit un peu dépopulaire par là, et elle refuse de son côté de ratifier, pour se populariser à son tour. Nous allons nous fâcher contre l’Autriche. Voyez quelle confusion ! Notre flotte est là, mais il n’y a pas de troupes à bord.
Le mauvais temps continue. Je fais cependant mes promenades en voiture. A présent avec Constantin. Il a des récits curieux à me faire impossible de les écrire. On commence à Ems à être un peu trop curieux de me voir. Comme je ne vais jamais ni dans la promenade, ni dans le salon, on se fait présenter chez moi, & je commence à être très ennuyée de cela. Hier j’ai été d'une impolitesse remarquable même pour moi. Aujourd’hui je fais dire non aux gens qui demandent à venir. Ce que je vois habituellement c’est les petites princesses de Beauvale et la Duchesse d'Istrie. Le duc de Saxe Meneingen & Rothschild. A présent Paul de Wurtemberg for ever. Mais il ne m'ennuie pas. J'oublie ma princesse régnante, mais celle-là me fait rire à force de modestie & d'ignorance, et de bonne volonté !
Adieu, je suis fâchée de vous faire de si pauvres lettres. Je ne pêche rien dans le salon. Pensez-vous encore à votre projet de visite au Rhin ? Ou bien l'avez-vous abandonnée ? Répondez-moi, & si vous disiez oui, dites en un mot à Lord Aberdeen, en lui disant vos dates. Moi je reste ici jusqu'au 7. Le 8 je pars. Adieu. Adieu.
Le Prince Paul est revenu hier de Francfort. Il y a vu la duchesse de Kent qui lui a dit positive ment : "le ministère ne durera pas, c’est impossible, la reine me l'écrit." Je vous livre texte et auteur. Le Prince Emile me disait avant hier que pour le moment tout est rompu entre l’Autriche et la Prusse, mais cela n'inquiète personne. L’affaire du Danemark est assez embrouillée. C'est pour nous obéir et nous plaire que la Prusse a conclu la paix avec le Danemark au nom de l’Allemagne, maintenant il faut que les états allemands ratifient. Or, c’est une affaire très nationale & qui pique l'honneur allemand. L’Autriche est charmée que la Prusse ne soit un peu dépopulaire par là, et elle refuse de son côté de ratifier, pour se populariser à son tour. Nous allons nous fâcher contre l’Autriche. Voyez quelle confusion ! Notre flotte est là, mais il n’y a pas de troupes à bord.
Le mauvais temps continue. Je fais cependant mes promenades en voiture. A présent avec Constantin. Il a des récits curieux à me faire impossible de les écrire. On commence à Ems à être un peu trop curieux de me voir. Comme je ne vais jamais ni dans la promenade, ni dans le salon, on se fait présenter chez moi, & je commence à être très ennuyée de cela. Hier j’ai été d'une impolitesse remarquable même pour moi. Aujourd’hui je fais dire non aux gens qui demandent à venir. Ce que je vois habituellement c’est les petites princesses de Beauvale et la Duchesse d'Istrie. Le duc de Saxe Meneingen & Rothschild. A présent Paul de Wurtemberg for ever. Mais il ne m'ennuie pas. J'oublie ma princesse régnante, mais celle-là me fait rire à force de modestie & d'ignorance, et de bonne volonté !
Adieu, je suis fâchée de vous faire de si pauvres lettres. Je ne pêche rien dans le salon. Pensez-vous encore à votre projet de visite au Rhin ? Ou bien l'avez-vous abandonnée ? Répondez-moi, & si vous disiez oui, dites en un mot à Lord Aberdeen, en lui disant vos dates. Moi je reste ici jusqu'au 7. Le 8 je pars. Adieu. Adieu.
Val-Richer, Dimanche 21 juillet 1850, François Guizot à Dorothée de Lieven
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
Val Richer, Dimanche 21 Juillet 1850
Vous dites que votre cure finit le 5 août. Je ne croyais pas que ce fût si tôt. C’était en août et plutôt vers le milieu que dans les premiers jours que je me promettais d’aller vous voir. J’ai besoin d’être ici le 6 août, pour affaires, affaires de la localité et affaires à moi qui doivent réunir quelques personnes. J’attends deux ou trois visites d’ici à la fin de Juillet. J’aimerais donc mieux la dernière quinzaine d’août que la première. Voici quel était mon désir et mon plan. Guillaume aura, je l'espère, des prix au grand concours de l'université, le 17 août. Je n’ai jamais manqué d'aller le voir couronner. Je n’y voudrais pas manquer à présent qu’il est grand et que mons influence sur lui est de plus en plus nécessaire. J’irais à Paris le 12 août, et j'en repartirais, le 13 au soir pour aller vous trouver, en passant par Bruxelles, là où vous seriez sur les bords du Rhin, Ems, Bade, ou ailleurs.
Je serai charmé de voir Aberdeen, mais je doute qu’il vienne et en tous cas, ce n’est pas lui que je vais chercher. Quel ennui que cette distance qui empêche de rien concerter. Je n'aurai réponse à ceci que dans six jours. Je vais tâcher de m’arranger pour ne pas l'attendre et pour aller vous voir à Ems dans les derniers jours de Juillet de les premiers d'août toujours obligé d'être ici de retour le 6, au moment où vous quitterez Ems. Je voudrais bien savoir où vous serez après. Je comprends que vous n'ayez nulle envie de passer le mois d'août à Paris. Il n’y aura personne; pas un de vos amis Français, et bien peu du corps diplomatique. La dispersion sera encore plus grande cette année que de coutume. Tout le monde est excédé.
Va-t-on de Paris à Ems en deux jours quand on ne s'arrête pas? Je suppose qu'on n’arrive à Ems que le troisième jour. Je vais faire demander cela à Paris. Les jeunes Broglie et les d’Harcourt sont venus hier de Trouville, passer la journée ici. Ils sont aimables et en train. J’ai une lettre de Madame de Ste-Aulaire qui me presse d'aller la voir à Etiolles. A la bonne heure l’automne prochain, quand nous serons tous rentrés à Paris.
Un M. Alexander Wood m'a apporté hier une lettre de Gladstone très amicale et qui contient ceci : « Through Lord Aberdeen, I have had the high gratification of learning that you approved of the sentiments which I made bold to express on the occasion of our late debate respecting foreign affairs. They were spoken with great, sincerity. They were confortable, I believe, not only to the declared opinion of one of our houses of Legislature but to the real, though undeclared and latent opinion of the other. The majority of the house ef Commons was with us in heart and conviction ; but fear of inconveniences attending the removal of a Ministry which there is no regularly organized opposition ready to succeed, carried the day, beyond all substantial doubt against, the merits of the particular question. " Après tout, je crois que c’est bien là le vrai, et que la victoire de Lord Palmerston n'est ni de bien bon aloi, ni bien définitive s’il recommence. Et je suis persuadé qu’il recommencera.
La poste est en retard ce matin. Non pas vous, mais toute la poste. Je ne comprends pas pourquoi. Il n'y a point de sûreté ; on peut tous les jours apprendre de Paris je ne sais quoi. Je vais faire ma toilette en attendant, et avant de vous dire adieu.
Onze heures
Voilà le facteur qui a été retardé. Il faut qu'il reparte tout de suite. Je n'ai que le temps de fermer ma lettre. Adieu, adieu. Le mercredi 17 ou au plus tard le 18, vous aurez été délivré de mon inquiétude. Adieu. G.
Vous dites que votre cure finit le 5 août. Je ne croyais pas que ce fût si tôt. C’était en août et plutôt vers le milieu que dans les premiers jours que je me promettais d’aller vous voir. J’ai besoin d’être ici le 6 août, pour affaires, affaires de la localité et affaires à moi qui doivent réunir quelques personnes. J’attends deux ou trois visites d’ici à la fin de Juillet. J’aimerais donc mieux la dernière quinzaine d’août que la première. Voici quel était mon désir et mon plan. Guillaume aura, je l'espère, des prix au grand concours de l'université, le 17 août. Je n’ai jamais manqué d'aller le voir couronner. Je n’y voudrais pas manquer à présent qu’il est grand et que mons influence sur lui est de plus en plus nécessaire. J’irais à Paris le 12 août, et j'en repartirais, le 13 au soir pour aller vous trouver, en passant par Bruxelles, là où vous seriez sur les bords du Rhin, Ems, Bade, ou ailleurs.
Je serai charmé de voir Aberdeen, mais je doute qu’il vienne et en tous cas, ce n’est pas lui que je vais chercher. Quel ennui que cette distance qui empêche de rien concerter. Je n'aurai réponse à ceci que dans six jours. Je vais tâcher de m’arranger pour ne pas l'attendre et pour aller vous voir à Ems dans les derniers jours de Juillet de les premiers d'août toujours obligé d'être ici de retour le 6, au moment où vous quitterez Ems. Je voudrais bien savoir où vous serez après. Je comprends que vous n'ayez nulle envie de passer le mois d'août à Paris. Il n’y aura personne; pas un de vos amis Français, et bien peu du corps diplomatique. La dispersion sera encore plus grande cette année que de coutume. Tout le monde est excédé.
Va-t-on de Paris à Ems en deux jours quand on ne s'arrête pas? Je suppose qu'on n’arrive à Ems que le troisième jour. Je vais faire demander cela à Paris. Les jeunes Broglie et les d’Harcourt sont venus hier de Trouville, passer la journée ici. Ils sont aimables et en train. J’ai une lettre de Madame de Ste-Aulaire qui me presse d'aller la voir à Etiolles. A la bonne heure l’automne prochain, quand nous serons tous rentrés à Paris.
Un M. Alexander Wood m'a apporté hier une lettre de Gladstone très amicale et qui contient ceci : « Through Lord Aberdeen, I have had the high gratification of learning that you approved of the sentiments which I made bold to express on the occasion of our late debate respecting foreign affairs. They were spoken with great, sincerity. They were confortable, I believe, not only to the declared opinion of one of our houses of Legislature but to the real, though undeclared and latent opinion of the other. The majority of the house ef Commons was with us in heart and conviction ; but fear of inconveniences attending the removal of a Ministry which there is no regularly organized opposition ready to succeed, carried the day, beyond all substantial doubt against, the merits of the particular question. " Après tout, je crois que c’est bien là le vrai, et que la victoire de Lord Palmerston n'est ni de bien bon aloi, ni bien définitive s’il recommence. Et je suis persuadé qu’il recommencera.
La poste est en retard ce matin. Non pas vous, mais toute la poste. Je ne comprends pas pourquoi. Il n'y a point de sûreté ; on peut tous les jours apprendre de Paris je ne sais quoi. Je vais faire ma toilette en attendant, et avant de vous dire adieu.
Onze heures
Voilà le facteur qui a été retardé. Il faut qu'il reparte tout de suite. Je n'ai que le temps de fermer ma lettre. Adieu, adieu. Le mercredi 17 ou au plus tard le 18, vous aurez été délivré de mon inquiétude. Adieu. G.
Val-Richer, Samedi 20 juillet 1850, François Guizot à Dorothée de Lieven
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
Val Richer, Dimanche 21 Juillet 1850
Vous dites que votre cure finit le 5 août. Je ne croyais pas que ce fût si tôt. C’était en août et plutôt vers le milieu que dans les premiers jours que je me promettais d’aller vous voir. J’ai besoin d’être ici le 6 août, pour affaires, affaires de la localité et affaires à moi qui doivent réunir quelques personnes. J’attends deux ou trois visites d’ici à la fin de Juillet. J’aimerais donc mieux la dernière quinzaine d’août que la première. Voici quel était mon désir et mon plan. Guillaume aura, je l'espère, des prix au grand concours de l'université, le 17 août. Je n’ai jamais manqué d'aller le voir couronner. Je n’y voudrais pas manquer à présent qu’il est grand et que mons influence sur lui est de plus en plus nécessaire. J’irais à Paris le 12 août, et j'en repartirais, le 13 au soir pour aller vous trouver, en passant par Bruxelles, là où vous seriez sur les bords du Rhin, Ems, Bade, ou ailleurs. Je serai charmé de voir Aberdeen, mais je doute qu’il vienne et en tous cas, ce n’est pas lui que je vais chercher. Quel ennui que cette distance qui empêche de rien concerter. Je n'aurai réponse à ceci que dans six jours. Je vais tâcher de m’arranger pour ne pas l'attendre et pour aller vous voir à Ems dans les derniers jours de Juillet de les premiers d'août toujours obligé d'être ici de retour le 6, au moment où vous quitterez Ems. Je voudrais bien savoir où vous serez après. Je comprends que vous n'ayez nulle envie de passer le mois d'août à Paris. Il n’y aura personne; pas un de vos amis Français, et bien peu du corps diplomatique. La dispersion sera encore plus grande cette année que de coutume. Tout le monde est excédé.
Va-t-on de Paris à Ems en deux jours quand on ne s'arrête pas? Je suppose qu'on n’arrive à Ems que le troisième jour. Je vais faire demander cela à Paris. Les jeunes Broglie et les d’Harcourt sont venus hier de Trouville, passer la journée ici. Ils sont aimables et en train. J’ai une lettre de Madame de Ste-Aulaire qui me presse d'aller la voir à Etiolles. A la bonne heure l’automne prochain, quand nous serons tous rentrés à Paris.
Un M. Alexander Wood m'a apporté hier une lettre de Gladstone très amicale et qui contient ceci : « Through Lord Aberdeen, I have had the high gratification of learning that you approved of the sentiments which I made bold to express on the occasion of our late debate respecting foreign affairs. They were spoken with great, sincerity. They were confortable, I believe, not only to the declared opinion of one of our houses of Legislature but to the real, though undeclared and latent opinion of the other. The majority of the house ef Commons was with us in heart and conviction ; but fear of inconveniences attending the removal of a Ministry which there is no regularly organized opposition ready to succeed, carried the day, beyond all substantial doubt against, the merits of the particular question. " Après tout, je crois que c’est bien là le vrai, et que la victoire de Lord Palmerston n'est ni de bien bon aloi, ni bien définitive s’il recommence. Et je suis persuadé qu’il recommencera.
La poste est en retard ce matin. Non pas vous, mais toute la poste. Je ne comprends pas pourquoi. Il n'y a point de sûreté ; on peut tous les jours apprendre de Paris je ne sais quoi. Je vais faire ma toilette en attendant, et avant de vous dire adieu.
Onze heures
Voilà le facteur qui a été retardé. Il faut qu'il reparte tout de suite. Je n'ai que le temps de fermer ma lettre. Adieu, adieu.
Le mercredi 17 ou au plus tard le 18, vous aurez été délivré de mon inquiétude. Adieu. G.
Vous dites que votre cure finit le 5 août. Je ne croyais pas que ce fût si tôt. C’était en août et plutôt vers le milieu que dans les premiers jours que je me promettais d’aller vous voir. J’ai besoin d’être ici le 6 août, pour affaires, affaires de la localité et affaires à moi qui doivent réunir quelques personnes. J’attends deux ou trois visites d’ici à la fin de Juillet. J’aimerais donc mieux la dernière quinzaine d’août que la première. Voici quel était mon désir et mon plan. Guillaume aura, je l'espère, des prix au grand concours de l'université, le 17 août. Je n’ai jamais manqué d'aller le voir couronner. Je n’y voudrais pas manquer à présent qu’il est grand et que mons influence sur lui est de plus en plus nécessaire. J’irais à Paris le 12 août, et j'en repartirais, le 13 au soir pour aller vous trouver, en passant par Bruxelles, là où vous seriez sur les bords du Rhin, Ems, Bade, ou ailleurs. Je serai charmé de voir Aberdeen, mais je doute qu’il vienne et en tous cas, ce n’est pas lui que je vais chercher. Quel ennui que cette distance qui empêche de rien concerter. Je n'aurai réponse à ceci que dans six jours. Je vais tâcher de m’arranger pour ne pas l'attendre et pour aller vous voir à Ems dans les derniers jours de Juillet de les premiers d'août toujours obligé d'être ici de retour le 6, au moment où vous quitterez Ems. Je voudrais bien savoir où vous serez après. Je comprends que vous n'ayez nulle envie de passer le mois d'août à Paris. Il n’y aura personne; pas un de vos amis Français, et bien peu du corps diplomatique. La dispersion sera encore plus grande cette année que de coutume. Tout le monde est excédé.
Va-t-on de Paris à Ems en deux jours quand on ne s'arrête pas? Je suppose qu'on n’arrive à Ems que le troisième jour. Je vais faire demander cela à Paris. Les jeunes Broglie et les d’Harcourt sont venus hier de Trouville, passer la journée ici. Ils sont aimables et en train. J’ai une lettre de Madame de Ste-Aulaire qui me presse d'aller la voir à Etiolles. A la bonne heure l’automne prochain, quand nous serons tous rentrés à Paris.
Un M. Alexander Wood m'a apporté hier une lettre de Gladstone très amicale et qui contient ceci : « Through Lord Aberdeen, I have had the high gratification of learning that you approved of the sentiments which I made bold to express on the occasion of our late debate respecting foreign affairs. They were spoken with great, sincerity. They were confortable, I believe, not only to the declared opinion of one of our houses of Legislature but to the real, though undeclared and latent opinion of the other. The majority of the house ef Commons was with us in heart and conviction ; but fear of inconveniences attending the removal of a Ministry which there is no regularly organized opposition ready to succeed, carried the day, beyond all substantial doubt against, the merits of the particular question. " Après tout, je crois que c’est bien là le vrai, et que la victoire de Lord Palmerston n'est ni de bien bon aloi, ni bien définitive s’il recommence. Et je suis persuadé qu’il recommencera.
La poste est en retard ce matin. Non pas vous, mais toute la poste. Je ne comprends pas pourquoi. Il n'y a point de sûreté ; on peut tous les jours apprendre de Paris je ne sais quoi. Je vais faire ma toilette en attendant, et avant de vous dire adieu.
Onze heures
Voilà le facteur qui a été retardé. Il faut qu'il reparte tout de suite. Je n'ai que le temps de fermer ma lettre. Adieu, adieu.
Le mercredi 17 ou au plus tard le 18, vous aurez été délivré de mon inquiétude. Adieu. G.
Ems, Samedi 20 juillet 1850, Dorothée de Lieven à François Guizot
Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
Ems le 20 Juillet 1850
Nous ménageons l'Angleterre parce que nous avons besoin d’elle dans l'affaire du Danemark qui nous tient fort au cœur, nous ne voulons en général pas aller jus qu’à nous brouiller avec elle. Nous détestons à mort Lord Palmerston, mais nous ne ferons pas plus que des notes quand l’occasion sera bonne pour cela. L’Empereur n’a pas goût au Prince Scharzemberg, mais il le respecte fort & approuve grandement ses principes, il n’y aura pas de Parlement général en Autriche. Chaque état de cet empire se gouvernera par des états locaux, et on leur dira un mot du budget. Voilà tout. Quant à la question allemande. Il faut que l’Autriche renonce à y entrer avec la Lombardie & & On est loin de s’arranger encore, mais la Prusse & l’Autriche savent que l'Empereur ne souffrira pas qu'on se batte et on ne se battra pas ! C'est Constantin qui parle.
En Allemagne la révolution est finie, battue, voilà l’opinion du Prince Emile, et s'il y avait un peu d’intelligence parmi les gouvernants ils seraient très bien remis à reprendre toute leur autorité. Le Roi de Prusse vaut mille fois mieux que son frère, le Roi est loyal, spirituel, on l’aime. Son frère est borné & entraîné aujourd’hui bien au delà de ce qu'a jamais été le libéralisme sur la [ ?] de son frère. Tout ceci sur la presse en est confirmé aussi par Constantin. Deux bonnes autorités, & je crois.
Le prince Emile est charmant. Mais hélas il est venu me voir une heure, et puis il est reparti grand, grand dommage. Ma nièce est mieux que je ne croyais. Elle est grande, belle taille, bon air, mais le visage est grand & la langue grande, je n’aime pas cela. Elle a tout a fait l'habitude du grand monde, elle parle français à merveille, elle a du tact. Voilà toutes mes remarques. Constantin est engraissé. Sa femme est un peu maigre. Hier j’ai été fatiguée de toutes les visites princières, ils tous venus venus les uns après les autres. Bonnes gens, mais si bornés ! Je trouve les 3 mois de prorogation de l'Assemblée bien longs. Paris sera ennuyeux. J’espère au moins que ses 25 seront bien choisis. Adieu. Adieu. Je suis mieux aujourd’hui que je n’étais hier. Mais je crois que ces bains sont un humbug. Adieu.
Nous ménageons l'Angleterre parce que nous avons besoin d’elle dans l'affaire du Danemark qui nous tient fort au cœur, nous ne voulons en général pas aller jus qu’à nous brouiller avec elle. Nous détestons à mort Lord Palmerston, mais nous ne ferons pas plus que des notes quand l’occasion sera bonne pour cela. L’Empereur n’a pas goût au Prince Scharzemberg, mais il le respecte fort & approuve grandement ses principes, il n’y aura pas de Parlement général en Autriche. Chaque état de cet empire se gouvernera par des états locaux, et on leur dira un mot du budget. Voilà tout. Quant à la question allemande. Il faut que l’Autriche renonce à y entrer avec la Lombardie & & On est loin de s’arranger encore, mais la Prusse & l’Autriche savent que l'Empereur ne souffrira pas qu'on se batte et on ne se battra pas ! C'est Constantin qui parle.
En Allemagne la révolution est finie, battue, voilà l’opinion du Prince Emile, et s'il y avait un peu d’intelligence parmi les gouvernants ils seraient très bien remis à reprendre toute leur autorité. Le Roi de Prusse vaut mille fois mieux que son frère, le Roi est loyal, spirituel, on l’aime. Son frère est borné & entraîné aujourd’hui bien au delà de ce qu'a jamais été le libéralisme sur la [ ?] de son frère. Tout ceci sur la presse en est confirmé aussi par Constantin. Deux bonnes autorités, & je crois.
Le prince Emile est charmant. Mais hélas il est venu me voir une heure, et puis il est reparti grand, grand dommage. Ma nièce est mieux que je ne croyais. Elle est grande, belle taille, bon air, mais le visage est grand & la langue grande, je n’aime pas cela. Elle a tout a fait l'habitude du grand monde, elle parle français à merveille, elle a du tact. Voilà toutes mes remarques. Constantin est engraissé. Sa femme est un peu maigre. Hier j’ai été fatiguée de toutes les visites princières, ils tous venus venus les uns après les autres. Bonnes gens, mais si bornés ! Je trouve les 3 mois de prorogation de l'Assemblée bien longs. Paris sera ennuyeux. J’espère au moins que ses 25 seront bien choisis. Adieu. Adieu. Je suis mieux aujourd’hui que je n’étais hier. Mais je crois que ces bains sont un humbug. Adieu.
Val-Richer, Vendredi 19 juillet 1850, François Guizot à Dorothée de Lieven
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
Val Richer. Vendredi 19 Juillet 1850
Je suis de l’avis de votre Princesse de Lippe-Schaumburg, (n'est-ce pas de la Lippe ?) ; il me semble que tout le monde se retire de l’union, et que le faiseur de l'Union est bien près lui-même d'y renoncer. Je saurai ces affaires-là avec précision d’ici à peu de jours ; mon gros, petit factotum a été de nouveau sollicité de faire en Allemagne le voyage que vous savez ; il est parti mardi, et il reviendra la semaine prochaine.
On tient beaucoup là, à ce qu’il me paraît, à établir avec les Débats de bonnes et un peu intimes relations. On a raison. Quand le jour de la bonne politique reviendra, car il reviendra, il importe que les Débats y soient engagés d'avance et la soutiennent pour leur propre compte, seule manière d'avoir un peu de zèle et d’autorité. C'est ce qui fait que je ne suis pas du tout fâché du ton qu’ils ont pris sur la nouvelle loi de la presse. Cela leur donnera crédit pour approuver et défendre le régime, plus sensé, qui sera fait un jour à la presse, quelque sévère qu'il soit. La République a cela de bon qu’elle tente toutes sortes de rigueurs inefficaces qui feront plus tard, passer et presque trouver douces de justes et efficaces de vérités. Vous voyez ; je ne me guéris pas de croire à l'avenir et d’en parler comme s’il était à moi. Au fait j'y crois; il s'est fait et il se fera bien des absurdités dans le monde ; mais l'absurdité petite et basse ne l’a jamais gouverné longtemps. Ce qui n’est pas sûr du tout, c’est que le meilleur avenir vienne assez tôt pour que j'en aie encore ma part. Je suis tout résigné à cela, mais je ne vois pas pourquoi je m'imposerais, à chaque minute, la fatigue et l’ennui de parler, ou de me taire, comme si j'étais mort, pendant que je suis encore vivant. Je me laisse aller à ma pente ; Dieu disposera de moi comme il lui plaira.
9 heures
C’est bien bête, en effet de manquer d'eau faute de machine. J’ai en idée que ces eaux d'Ems vous font du bien. Ma conjecture se fonde sur votre silence.
Je reçois ceci du meilleur des Burgraves : " Nous venons de terminer une loi qui n'a pas trop bonne mine, mais qui contient cependant plusieurs dispositions efficaces. Elle a été faite à peu près comme tout ce qu’on fait avec les légitimistes, c'est-à-dire comme une distribution de prix et une table de proscription, chacun récompensant les siens et poursuivant ses adversaires. Elle est très sévère, ridiculement et un peu bêtement sévère quant à la presse de Paris, indulgente sans choix et sans mesure pour la presse des départements. Somme toute, il en résultera du bien. Nous allons nous séparer ; nous en avons grand besoin ; la place n'est plus guère tenable, et la session prochaine ne sera possible qu’autant qu’il se formera, une majorité nouvelle composée des gens de bon sens de tous les partis ; la majorité actuelle est à bout de voie."
Vous ai-je dit que Saint Marc Girardin avait offert à Armand Bertin, d’écrire et de signer (Saint Marc Girardin, membre de l’Institut) le premier article politique que publieraient les Débats sous l'empire de la loi nouvelle ? Adieu, Adieu.
J’ai la pluie depuis deux jours ; à mon grand déplaisir. J’aime de plus en plus le soleil. Adieu. G.
Je suis de l’avis de votre Princesse de Lippe-Schaumburg, (n'est-ce pas de la Lippe ?) ; il me semble que tout le monde se retire de l’union, et que le faiseur de l'Union est bien près lui-même d'y renoncer. Je saurai ces affaires-là avec précision d’ici à peu de jours ; mon gros, petit factotum a été de nouveau sollicité de faire en Allemagne le voyage que vous savez ; il est parti mardi, et il reviendra la semaine prochaine.
On tient beaucoup là, à ce qu’il me paraît, à établir avec les Débats de bonnes et un peu intimes relations. On a raison. Quand le jour de la bonne politique reviendra, car il reviendra, il importe que les Débats y soient engagés d'avance et la soutiennent pour leur propre compte, seule manière d'avoir un peu de zèle et d’autorité. C'est ce qui fait que je ne suis pas du tout fâché du ton qu’ils ont pris sur la nouvelle loi de la presse. Cela leur donnera crédit pour approuver et défendre le régime, plus sensé, qui sera fait un jour à la presse, quelque sévère qu'il soit. La République a cela de bon qu’elle tente toutes sortes de rigueurs inefficaces qui feront plus tard, passer et presque trouver douces de justes et efficaces de vérités. Vous voyez ; je ne me guéris pas de croire à l'avenir et d’en parler comme s’il était à moi. Au fait j'y crois; il s'est fait et il se fera bien des absurdités dans le monde ; mais l'absurdité petite et basse ne l’a jamais gouverné longtemps. Ce qui n’est pas sûr du tout, c’est que le meilleur avenir vienne assez tôt pour que j'en aie encore ma part. Je suis tout résigné à cela, mais je ne vois pas pourquoi je m'imposerais, à chaque minute, la fatigue et l’ennui de parler, ou de me taire, comme si j'étais mort, pendant que je suis encore vivant. Je me laisse aller à ma pente ; Dieu disposera de moi comme il lui plaira.
9 heures
C’est bien bête, en effet de manquer d'eau faute de machine. J’ai en idée que ces eaux d'Ems vous font du bien. Ma conjecture se fonde sur votre silence.
Je reçois ceci du meilleur des Burgraves : " Nous venons de terminer une loi qui n'a pas trop bonne mine, mais qui contient cependant plusieurs dispositions efficaces. Elle a été faite à peu près comme tout ce qu’on fait avec les légitimistes, c'est-à-dire comme une distribution de prix et une table de proscription, chacun récompensant les siens et poursuivant ses adversaires. Elle est très sévère, ridiculement et un peu bêtement sévère quant à la presse de Paris, indulgente sans choix et sans mesure pour la presse des départements. Somme toute, il en résultera du bien. Nous allons nous séparer ; nous en avons grand besoin ; la place n'est plus guère tenable, et la session prochaine ne sera possible qu’autant qu’il se formera, une majorité nouvelle composée des gens de bon sens de tous les partis ; la majorité actuelle est à bout de voie."
Vous ai-je dit que Saint Marc Girardin avait offert à Armand Bertin, d’écrire et de signer (Saint Marc Girardin, membre de l’Institut) le premier article politique que publieraient les Débats sous l'empire de la loi nouvelle ? Adieu, Adieu.
J’ai la pluie depuis deux jours ; à mon grand déplaisir. J’aime de plus en plus le soleil. Adieu. G.
Ems, Vendredi 19 juillet 1850, Dorothée de Lieven à François Guizot
Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
Ems le 19 juillet 1850
Vous me faites un tableau très frappant de la situation morale de votre pays, et tous les jours cela devient plus drôle. Ce qui est sûr c’est que tous les jours le Président avance. Il n'y a que lui qui soit quelque chose. J'ai eu des lettres de Londres aujourd’hui lady Allice, & Ellice. La première a été à Saint Léonard, elle trouve au Roi mauvaise mine. Il vient à Londres cependant pour la première communion du Comte de Paris demain. De là ils vont lui & la reine, à Claremont et plus tard à Richmond. La duchesse d’Orléans les y rejoindre après un petit séjour seule à St Léonard. Elle reste en Angleterre jusqu’en septembre. Elle montre une grande inquiétude qu'on ne prolonge les pouvoirs du Président. Elle dit que l’Assemblée sera certainement réunie au commencement d'octobre. Le reste de la lettre de Lady Allice traite de l’hésitation dans le parti Peel. Elle croit qu'il se décidera à rester parti séparé, portant son nom. Le [gouvernement] très faible, pas possible qu'il fasse une autre session. Ellice est assez noir aussi sur ses amis. Il dit que John a fait une grande faute de ne pas donner sa démission après le vote de la Chambre haute. Il serait rentré bientôt & plus fort. Aujourd'hui, il est très affaibli. Les comités lui sont tous contraires, & il n’y a plus Peel pour le soutenir. Le comité d’Économie a décidé que les seules ambassades existantes aujourd’hui Paris & Constantinople seront converties en mission avec 5000 £ de salaire. Le [gouvernement] résistera mais on ne sait pas s’il ne sera pas battu comme Ellice l’a été dans le comité. Un autre comité sur le gouverneur de Ceylan, Lord Torrington, s’est aussi prononcé contre lui. Lord John veut aussi le défendre, cela lui réussira t-il ? Voilà une lettre.
Constantin est arrivé hier. Curieux sur beaucoup de détails Je vous dirai demain ce que je pourrai vous dire, pour aujourd’hui je suis bien fatiguée et un peu malade. La femme de Constantin n’est pas jolie peut être que je découvrirai qu’elle l'est, la première vue n’est pas favorable. On me dit que le Prince Emile de Darnstadt est ici, mais pour quelques heures seulement. Je vous dis adieu. Adieu.
Vous me faites un tableau très frappant de la situation morale de votre pays, et tous les jours cela devient plus drôle. Ce qui est sûr c’est que tous les jours le Président avance. Il n'y a que lui qui soit quelque chose. J'ai eu des lettres de Londres aujourd’hui lady Allice, & Ellice. La première a été à Saint Léonard, elle trouve au Roi mauvaise mine. Il vient à Londres cependant pour la première communion du Comte de Paris demain. De là ils vont lui & la reine, à Claremont et plus tard à Richmond. La duchesse d’Orléans les y rejoindre après un petit séjour seule à St Léonard. Elle reste en Angleterre jusqu’en septembre. Elle montre une grande inquiétude qu'on ne prolonge les pouvoirs du Président. Elle dit que l’Assemblée sera certainement réunie au commencement d'octobre. Le reste de la lettre de Lady Allice traite de l’hésitation dans le parti Peel. Elle croit qu'il se décidera à rester parti séparé, portant son nom. Le [gouvernement] très faible, pas possible qu'il fasse une autre session. Ellice est assez noir aussi sur ses amis. Il dit que John a fait une grande faute de ne pas donner sa démission après le vote de la Chambre haute. Il serait rentré bientôt & plus fort. Aujourd'hui, il est très affaibli. Les comités lui sont tous contraires, & il n’y a plus Peel pour le soutenir. Le comité d’Économie a décidé que les seules ambassades existantes aujourd’hui Paris & Constantinople seront converties en mission avec 5000 £ de salaire. Le [gouvernement] résistera mais on ne sait pas s’il ne sera pas battu comme Ellice l’a été dans le comité. Un autre comité sur le gouverneur de Ceylan, Lord Torrington, s’est aussi prononcé contre lui. Lord John veut aussi le défendre, cela lui réussira t-il ? Voilà une lettre.
Constantin est arrivé hier. Curieux sur beaucoup de détails Je vous dirai demain ce que je pourrai vous dire, pour aujourd’hui je suis bien fatiguée et un peu malade. La femme de Constantin n’est pas jolie peut être que je découvrirai qu’elle l'est, la première vue n’est pas favorable. On me dit que le Prince Emile de Darnstadt est ici, mais pour quelques heures seulement. Je vous dis adieu. Adieu.
Ems, Jeudi 18 juillet 1850, Dorothée de Lieven à François Guizot
Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
Ems Jeudi 18 Juillet 1850
Hier une pluie battante, pas de promenade, misérable journée. Votre lettre est venue l’égayer, & deux autres de Montebello & Duchâtel. Ils me mandaient que tout tourne à l’Empire. Cela m’est égal, j’espère seulement que l'Empire me plaira autant que la République dont je m’accommode fort bien. Quel drôle de pays que le vôtre. On peut tout faire des Français. Ils sont charmants, ils ne sont pas grands. J’attends Constantin aujourd’hui. Il me dira quelques nouvelles. Je n’en sais pas une. 4 heures. Pas un mot à vous dire, point de lettre d'Angleterre. Des visites, pas de conversation. Le prince George de Prusse, neveu du roi est venu. Très timide jeune homme, mais quelque chose peut-être Adieu. Adieu. Vous trouvez qu’il ne vaut pas la peine de recevoir une si pauvre lettre. I cannot help it. La mésaventure de la reine d’Espagne n'aura pas déplu au Duc de Montpensier. Adieu.
Hier une pluie battante, pas de promenade, misérable journée. Votre lettre est venue l’égayer, & deux autres de Montebello & Duchâtel. Ils me mandaient que tout tourne à l’Empire. Cela m’est égal, j’espère seulement que l'Empire me plaira autant que la République dont je m’accommode fort bien. Quel drôle de pays que le vôtre. On peut tout faire des Français. Ils sont charmants, ils ne sont pas grands. J’attends Constantin aujourd’hui. Il me dira quelques nouvelles. Je n’en sais pas une. 4 heures. Pas un mot à vous dire, point de lettre d'Angleterre. Des visites, pas de conversation. Le prince George de Prusse, neveu du roi est venu. Très timide jeune homme, mais quelque chose peut-être Adieu. Adieu. Vous trouvez qu’il ne vaut pas la peine de recevoir une si pauvre lettre. I cannot help it. La mésaventure de la reine d’Espagne n'aura pas déplu au Duc de Montpensier. Adieu.
Val-Richer, Jeudi 18 juillet 1850, François Guizot à Dorothée de Lieven
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
Val Richer, Jeudi 18 Juillet 1850
6 heures
C'est aussi l’heure où vous vous levez, me dites-vous. Que faites-vous à cette heure-ci, aujourd’hui ? Quand vous vous le rappellerez, au moment où vous recevrez ma lettre, la vôtre ne me le dirait que dans huit jours. On aura beau inventer les chemins de fer, les ballons ; on ne supprimera pas l'absence. Je n'ai guère plus de nouveau à vous envoyer d’ici que vous d'Ems à moi.
J’ai fait hier mes visites à Lisieux, par la pluie. Je suis frappé de ce qu’il y a de tranquillité et de ce qui revient de prospérité matérielle dans le pays. Cette société est aussi habile à se défendre du mal qu’inhabile à conserver le bien. Il est vrai qu'en fait de prospérité comme de sécurité, elle se contente à bon marché. Toutes ces existences sont très petites pour la richesse comme pour l’esprit, et elles se soucient peu de devenir grandes, sous l'un ou sous l'autre rapport. Quand on a gagné assez d’argent pour vivre sans rien faire dans sa petite maison de ville ou de campagne, on se trouve assez riche. Quand on sait faire ses comptes et lire son journal, on se trouve assez spirituel. Jamais l’ambition n'a été si courte et si basse. Les proverbes ont toujours raison : on est punis par où l'on a pêché.
Voici où ce mot puni me mène tout à coup à M. de Lamartine. Bien des gens le trouvent bien puni. Je trouve qu’il ne le sera jamais assez. Vous vous rappelez l’article de Croker dans le Quarterly review sur l’évasion du Roi après Février, et la réponse qu’y a faite M. de Lamartine et dans laquelle il a raconté qu’il avait voulu, comme gouvernement provisoire, faire sortir le Roi en sûreté, qu’il était allé trouver M. de Montalivet, qu’il lui avait demandé où était le Roi, et lui avait offert, sur son honneur, de le faire conduire hors de France par quatre commissaires qu’il lui avait nommés, M. Ferdinand de Lasteyrie, M. Oscar de Lafayette, et deux de ses amis personnels, M. de Champeaux ancien officier dans la garde royale, et M. d'Argaud, attaché aux Affaires étrangères. Croker ne lâche pas prise aisément ; il est allé au fond de tous ces dire ; il a questionné le Roi, et par le Roi, M. de Montalivet. Il publie dans le nouveau n° du Quarterly review une réponse à la réponse de M. de Lamartine, et, il affirme que les quatre commissaires proposés par M. de Lamartine à M. de Montativet étaient, Lasteyrie et Lafayette, oui, mais au lieu des deux derniers nommés dans la réponse, MM. Flocon et Albert, [ouvriers] ! Peut-on concevoir un tel mensonge ? Car entre les deux assertions, je crois à celle de Montalivet. M. de Lamartine s’en tirera par l'absence. Il est à Smyrne. Le Quaterly review ne va pas là.
Voilà un petit désagrément pour Palmerston. C'est encore la Duchesse de Montpensier qui hérite du trône d’Espagne. Si la Reine d'Espagne mourait demain, il aurait de la peine, malgré ses 46 voix de majorité, à faire faire la guerre par son pays pour empêcher l'Infante de succéder. Car elle succéderait en Espagne sans difficulté ; les progressistes seraient les premiers à la reconnaître et Narvaez est toujours là.
9 heures.
Voilà votre lettre. Je n’en ai absolument aucune autre. Quand j’ai celle-là, j’attends les autres patiemment. Comment ne savez-vous pas encore que j’ai été cinq jours sans lettre ? Nous sommes bien loin. Adieu, adieu, adieu. G.
6 heures
C'est aussi l’heure où vous vous levez, me dites-vous. Que faites-vous à cette heure-ci, aujourd’hui ? Quand vous vous le rappellerez, au moment où vous recevrez ma lettre, la vôtre ne me le dirait que dans huit jours. On aura beau inventer les chemins de fer, les ballons ; on ne supprimera pas l'absence. Je n'ai guère plus de nouveau à vous envoyer d’ici que vous d'Ems à moi.
J’ai fait hier mes visites à Lisieux, par la pluie. Je suis frappé de ce qu’il y a de tranquillité et de ce qui revient de prospérité matérielle dans le pays. Cette société est aussi habile à se défendre du mal qu’inhabile à conserver le bien. Il est vrai qu'en fait de prospérité comme de sécurité, elle se contente à bon marché. Toutes ces existences sont très petites pour la richesse comme pour l’esprit, et elles se soucient peu de devenir grandes, sous l'un ou sous l'autre rapport. Quand on a gagné assez d’argent pour vivre sans rien faire dans sa petite maison de ville ou de campagne, on se trouve assez riche. Quand on sait faire ses comptes et lire son journal, on se trouve assez spirituel. Jamais l’ambition n'a été si courte et si basse. Les proverbes ont toujours raison : on est punis par où l'on a pêché.
Voici où ce mot puni me mène tout à coup à M. de Lamartine. Bien des gens le trouvent bien puni. Je trouve qu’il ne le sera jamais assez. Vous vous rappelez l’article de Croker dans le Quarterly review sur l’évasion du Roi après Février, et la réponse qu’y a faite M. de Lamartine et dans laquelle il a raconté qu’il avait voulu, comme gouvernement provisoire, faire sortir le Roi en sûreté, qu’il était allé trouver M. de Montalivet, qu’il lui avait demandé où était le Roi, et lui avait offert, sur son honneur, de le faire conduire hors de France par quatre commissaires qu’il lui avait nommés, M. Ferdinand de Lasteyrie, M. Oscar de Lafayette, et deux de ses amis personnels, M. de Champeaux ancien officier dans la garde royale, et M. d'Argaud, attaché aux Affaires étrangères. Croker ne lâche pas prise aisément ; il est allé au fond de tous ces dire ; il a questionné le Roi, et par le Roi, M. de Montalivet. Il publie dans le nouveau n° du Quarterly review une réponse à la réponse de M. de Lamartine, et, il affirme que les quatre commissaires proposés par M. de Lamartine à M. de Montativet étaient, Lasteyrie et Lafayette, oui, mais au lieu des deux derniers nommés dans la réponse, MM. Flocon et Albert, [ouvriers] ! Peut-on concevoir un tel mensonge ? Car entre les deux assertions, je crois à celle de Montalivet. M. de Lamartine s’en tirera par l'absence. Il est à Smyrne. Le Quaterly review ne va pas là.
Voilà un petit désagrément pour Palmerston. C'est encore la Duchesse de Montpensier qui hérite du trône d’Espagne. Si la Reine d'Espagne mourait demain, il aurait de la peine, malgré ses 46 voix de majorité, à faire faire la guerre par son pays pour empêcher l'Infante de succéder. Car elle succéderait en Espagne sans difficulté ; les progressistes seraient les premiers à la reconnaître et Narvaez est toujours là.
9 heures.
Voilà votre lettre. Je n’en ai absolument aucune autre. Quand j’ai celle-là, j’attends les autres patiemment. Comment ne savez-vous pas encore que j’ai été cinq jours sans lettre ? Nous sommes bien loin. Adieu, adieu, adieu. G.