Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


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Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 2 septembre 1851 Mardi

Quelle tristesse de ne plus vous avoir ici ! Vous nous laissez la pluie et le journal des Débats pour aujourd’hui. L’article me fâche beaucoup parce qu'il est très bien fait. Je ne sais que dire. J’ai vu Montebello hier au soir. Il a causé longtemps avec le prince de Joinville. Rien de nouveau, ni de plus que le langage que vous avez entendu vous même. Le Prince de Joinville compte entièrement sur Changarnier et Lamoricière. Ils attendent à Claremont le retour du duc d’Aumale pour tenir un conseil de famille et décider le langage & la conduite. J’ai vu hier matin La Redorte. Evidemment il se prépare à tout événement. Il dit que la candidature Joinville gagne tous les jours & que la proposition Créton passera infailliblement pour peu que la montagne ou seulement les républicains s’y prêtent. Je n'ai vu hier que ce que je vous dis là. Ma porte est restée fermée le soir. J'oublie, j’ai vu Hatzfeld avant dîner perplexe, curieux, assez au courant de Champlatreux, pas fort au courant d'ici. Nous avons jasé, & trouvé en définition que le coup d’état devenait nécessaire si l'on ne veut pas mourir. Mais sera-t-on soutenu ? That is the question. Je crois que chaque journée aura son intérêt, sa nouvelle. La commission de permanence se réunit après-demain. Adieu. Adieu.
Votre entrevue hier à 2 heures ne me paraît pas avoir été heureuse. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Bruxelles Mardi 26 août 1851

Je suis bien fatiguée & je me repose ici aujourd’hui dans la plus mauvaise des auberges. J’ai frappé à onze portes hier. Pas un coin, tout est pris. J’ai vu un moment M. Van Praet, je vais le revoir. Il me dit que la D. d’Orléans part pour l’Allemagne tout de suite. Nous avons causé candidature Joinville. Il dit que l'abstention, le silence sont ce qu'il y a de mieux. Je dis moi que c’est-ce qu’il y a de plus honteux, et je l’ai très élogieusement soutenu & développé. Nous y reviendrons. Si le Prince de Joinville ne déclare pas qu'il n’accepterait pas le Président. Je le tiens pour déshonoré. Je n’ai lu qu’ici le N° de l'Assemblée nationale du 20 à propos de Gladstone. Quel excellent article, admirable. Faites en mon compliment à l’auteur quel est-il ?
Je serai à Paris demain. Je vous adresse encore ceci à Londres. N'est-ce pas qu'il serait par trop ridicule de l'envoyer au Val Richer Adieu. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Londres, Mardi 26 Août 1851
Une heure

Je trouve en rentrant votre lettre de Griberich. Merci de me l'avoir adressée directement ici. Je vous dirai pourquoi tenant à avoir vos lettres, comme vous dites avec un si, j’avais cru mieux faire en ne changeant rien. C’est trop long à écrire. Je reviens de l’office. Bien petite église bien pleine. Rien que des Français ; cinq ou six anglais seulement. Deux Princesses étrangères la Princesse Bayration et la Princesse Grasalcovitch.
De mon bord Duchâtel, Dumon, Montebello, Vitet, Tryel, Montalivet, Jayr. Il ne manquait que Salvandy qui n’est pas venu, à dessein, dit-on ; en quoi il a eu tort ; Hébert qui est malade et Canin Gridaine.
Du bord régentiste, Rémusat, Lasteyrie et Ségur. Personne n'a entendu parler de Piscatory ; je ne sais ce qu’il devient. Beaucoup d'autres bons, venus exprès, d'Haubersaert, Ch de la Ferronays, Hippolyte de la Rochefoucauld, Bussion. Les vrais amis nombreux ; les flatteurs rares. Ce qui n'empêche pas les flatteurs d'être les favoris. Dans la tribune réservée, la Reine, la Duchesse d'Orléans, la Duchesse de Nemours, la Princesse de Joinville, le duc de Nemours, le Prince de Joinville, le comte de Paris, le Duc de Chartres, le comte d’Eu et le duc d'Alençon. Point de pompe ; le curé de la chapelle ; l’office des morts complet, grave et simple. L'auditoire recueilli très convenable. Assez de curieux autour, très convenables aussi.
J’irai demain à Claremont. Ce qu'on m’en dit ressemble fort à ce que j'en attends. Triste mélange d'impatience et d'impuissance. Grande ardeur à revenir ; grande terreur d'avoir un avis et de prendre un parti. Et en attendant on prend celui de se laisser faire par ceux qu’on croit le plus capables de nuire. Ils ont perdu le père par leur opposition ; ils perdront les fils par leurs services. J’y vais demain dans l'unique intention de dire mon avis sans y demander de réponse. Il y a, je crois une conduite à tenir, qui n’est pas prompte, mais qui doit être efficace. Reste à savoir si en France, on saura la tenir.
J’ai entrevu Jarnac en sortant de l'église. Il viendra me voir ce soir, et nous causerons. Il est toujours très bon et très décidé.
Ce que vous me dîtes de vous me déplait beaucoup. J'y regarderai, j’espère le 29. Je compte partir, d'ici après-demain jeudi soir. Quand j’aurai fait ma visite à Claremont et donné une matinée à l’exposition, je serai quitte. Le très peu de personnes que j'ai vues me prouvent que les lettres de Gladstone ont fait ici beaucoup d'effet, et de mal. On vient de me les envoyer. Je ne veux écrire à Lord Aberdeen qu'après les avoir lues. Adieu. Adieu, Duchâtel et d'Haubersaert repartent ce soir. Dumon, demain soir. Montalivet avec moi, après-demain. Adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Bibérich le 24 août 1851

J’ai passé ma journée hier au Johannisberg. Je suis venu coucher ici. Je m'embarque dans une heure. Je suis vraiment malade. Vous le verrez, car je suis maigre & changée, & jaune. Je crois que je serai à Paris le 27.
Je hasarde de vous adresser cette lettre à Grillon. Je trouve trop absurde d'écrire au Val Richer. Vous avez mal managed cela, si vous teniez à avoir une lettre. Ce n’est que hier que j'ai eu la vôtre du 17. Constantin me conduit à Cologne. Il fait bien chaud.Adieu, Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Je n’ai pas vu un anglais, pas un ; [?] Mistriss Austin. Les Granville sont à Spa. Aucun de mes amis dans Londres. Reeve doit y venir demain pour causer. Il est assez au courant.
Tous ceux qui la connaissent ont remarqué que Lady Alice Peel n'était pas là hier. Duchâtel dit qu'elle est à Twickenham. Mad. Graham y représentait l'Angleterre.

10 heures
Mes lettres de France sont arrivées, mais non pas la vôtre de Cologne ou de Bruxelles. Je l'espérais peu. Adieu, Adieu. Je voudrais bien vous savoir arrivée à Paris et en train de vous y reposer. Adieu. G.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Vendredi 22 Août 1851

Je puis répondre à votre question de poste. Vous êtes arriérée d'un jour parce qu'on a retenu ma lettre 24 heures à Francfort pour la lire et la copier à son aise. Précisément celle-là contenait, sur ce que j’avais vu à Paris, quelques détails qui pouvaient intéresser. On n’est, en Allemagne ni expéditif, ni soigneux de voiler ce qu’on fait.
Ma course en Angleterre ne me plait pas. Je n'ai personne à y voir qui me plaise. C’est un devoir que j'accomplis. On m'écrit que la Reine ne recevra personne le 25, la veille, je m’y attendais, personne non plus le lendemain le 27. Je ne pourrai donc la voir que le 28. Je compte bien m’arranger en tous cas, pour repartir le 29. Je saurai d’ici là le jour précis de votre retour à Paris.
C’est vraiment bien dommage qu'Ems ne vous ait pas aussi bien réussi, cette année que l’an dernier. Je me répète encore que peut-être le bien viendra plus tard.
Je vois que l’amiral Parker est arrivé devant Tunis avec son escadre et a signifié au Bey qu’il eût à publier la Hatti-Schériff du Sultan qui règle les relations avec la Porte. C'est précisément là ce que notre flotte est allée empêcher quatre fois de mon temps. Ce n'était pas parfaitement correct ; mais on verra quels embarras renaîtront en Algérie, quand la Porte aura repris l'ascendant à Tunis. J'ai reçu hier une nouvelle lettre d'Alexandrie, trés longue sur les progrès du travail anglais en Egypte. S'il continue sans plus d'obstacle, l'Angleterre sera bientôt établie solidement en Egypte. Lord Palmerston a raison de souhaiter ce maintien pur et simple de ce qui existe aujourd’hui.
Mon pauvre ami Rossi a enfin son monument dans l’Eglise de San Lorenzo. Voici un petit rapprochement assez frappant. C’est Tenerani qui a fait ce monument de Rossi. J’ai une lettre de Rossi qui me demandait que Tenerani près de venir à Paris, fit mon buste. Je vous quitte pour faire ma toilette.

Onze heures
Il me revient, par une source pas très élevée, mais trés rapprochée, qu'on parle assez légèrement, autour de Madame la Duchesse d'Orléans de la candidature du Prince de Joinville. On ne croit pas au succès ; mais on se dit qu'il enlèvera, un million de voix, au Président qui ne sera pas nommé d'emblée et qui ne le sera pas non plus alors, par l'Assemblée. On joue toujours au hasard et pour amener une crise. La Duchesse d'Orléans ira, dit-on, en Allemagne, presque aussitôt après l'anniversaire.
Décidément donc vous serez à Paris le 28 ou le 29 au plus tard. Je hâterai mon départ de Londres, en dépit des amis, car il y a toujours des amis. Granville a certainement eu tort de ne faire visite à aucun Ministre. Quoi, pas même à M. Baroche, ni au Ministre du commerce avec qui il avait été en rapport à Londres ? C'est singulier. Adieu, Adieu.
Je voudrais bien que Paris vous guérit d'Ems. Adieu. Vous ai-je dit qu'à Londres, je serais chez Grillon ? Je crois que oui. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Schlangenbad le 23 août Samedi 1851

Votre lettre du 17 me prescrit de continuer à vous adresser les miennes au Val Richer. C’est drôle. Certainement vous ne recevrez plus celle-ci à Londres, & je ne vous écris que par obéissance. Constantin est arrivé il ne me dit rien de nouveau mais bien des détails. Aujour d’hui je vais avec lui dîner au Johannisberg. Ensuite coucher à Bibérich. Demain je m'embarque pour aller coucher à Cologne, de là vous savez. Cela me ramène à Paris bien plutôt que je ne voulais surtout par ce beau temps mais je suis tracassée de ma santé. Ma langue, ma tête. Il faut aller consulter mieux que Kolb. Adieu. Adieu.
Cette lettre ne vous arrivera jamais. Quelle idée de ne pas laisser vos ordres au moins à Paris.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer Jeudi 21 août 1851

J’ai sur le cœur votre chagrin, je ne veux pas dire votre injustice de Vendredi dernier 15. Ne croyez donc jamais qu'aucune dissipation comme vous dîtes, ni aucune affaire puissent me détourner de penser à vous. Je ne serai content que lorsque je saurai que vous avez eu ma lettre. J'espère bien le savoir demain.

Duchâtel m'écrit qu’il part pour Londres, hier soir. J’irai probablement le retrouver chez Grillon, où il va se loger. Il me dit : " Paris est désert. Les renseignements de tous les points de l’horizon s'accordent à dire que la candidature du Prince de Joinville prend assez vivement. On assure que le président et ses ministres en sont inquiets. Il se pourrait que ce coup d'éperon déterminât le président à agir. Le mouvement que les Montagnards se donnent peut lui faire beau jeu. "
Je ne crois pas beaucoup aux inquiétudes du Président sur la candidature du Prince de Joinville, ni à ses velléités d’agir. A en juger par ce qui m'entoure et ce qui me revient le travail pour cette candidature est plus vif qu’efficace ; il créera une petite scission dans le grand parti conservateur ; pas grand chose de plus. Sur les côtes seulement, la faveur est réelle pour le prince de Joinville. Dans les terres, les campagnes restent pour Louis Napoléon. Si, l’intrigue pour créer, au Prince de Joinville, un parti dans la Montagne réussissait, c’est alors que commencerait le danger. Il ne paraît pas que jusqu'ici, l’intrigue réussisse. Les Montagnards hésitent toujours entre Ledru Rollin et Carnot.
Autre sorte de nouvelles que me donne Duchâtel. " Les Régentistes vont à Londres pour le 26. Rémusat est parti hier. A propos de Rémusat, saviez-vous qu’il vivait intimement avec une Mad. Fagnères l'ancienne maîtresse de Martin du Nord ? Je devais aller aujourd'hui à Champlâtreux. M. Molé me fait écrire qu'il est au lit avec la fièvre. " Vous avez tout ce que j'ai.
J’ai un mot du duc de Noailles, de Maintenon. Il regrette fort de ne m'avoir pas trouvé à Paris. Je lui ai écrit que j'y passerais le 24 ; mais il n’avait pas encore reçu ma lettre. Il attend impatiemment votre retour. Il y a, dans votre lettre du 13, une parole qui me plaît, parmi d'autres. Vous me dites que vous aurez fini dans dix jours, c’est-à-dire le 23 ou le 24. Vous partiriez donc le 25 ou le 26, et vous seriez à Paris le 28 ou le 29. Ce serait à merveille. Je me crois sûr que je partirai de Londres le 29 pour être à Paris le 30.
Je suis fâché que vous ne receviez pas la feuille jaune, le courrier de Paris. Vous y trouveriez sur les auteurs des Correspondances de l’Indépendance Belge et sur les dessous de cartes de ces correspondances, des détails qui vous amuseraient. La coterie Régentiste se donne beaucoup de mouvement de ce côté là. Je ne vois toujours pas clair sans Changarnier. Il a bien de l'humeur de la candidature du Prince de Joinville ; mais je le trouve bien timide à la témoigner.
11 heures
Enfin vous avez ma lettre. Je maudis comme vous les postes allemandes, quoique j'en aie moins souffert que vous. Ce ne sont pas elles qui reçoivent vos lettres. Ce mauvais effet d'Ems me contrarie beaucoup.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer Mercredi 20 août 1851

Vous n'aurez ce matin que quelques lignes. Je suis pris d'une violente, migraine. Je viens de me promener trois quarts d'heure dans le jardin pour voir si le grand air la dissiperait ; mais l’air, qui est pourtant charmant, n’y fait œuvre. Je crois que je vais m'étendre sur mon lit. Il n’en sera plus question ce soir. Elles étaient bien plus fréquentes autrefois. Avec beaucoup de plaisirs l’âge emporte aussi quelques ennuis.
Vous ne lisez pas l’Univers ; il conterait ces jours-ci une lettre à Gladstone, très médiocre d’esprit et de forme, mais qui lui donnait, sur quelques uns des faits qu’il a affirmés, des démentis précis et frappants ; par exemple 1800 prisonniers dans les prisons de tout le Royaume de Naples, au lieu de 20 à 30, 000. Et le nom de chaque prison, et le nombre des détenus dans chaque prison, y sont énoncés. Le Roi de Naples et les agents ont grande raison de multiplier les renseignements. Il devrait faire offrir à M. Gladstone de revenir les vérifier lui- même.
Vous vous étiez promis des merveilles de mes lettres écrites de Paris. Vous n'y aurez pas trouvé grand chose. Je n’avais trouvé moi-même à Paris que bien peu de chose. Je n’ai eu rien de mieux à vous envoyer. Je crains bien que ma course en Angleterre ne jette, pour vous comme pour moi, un peu de trouble dans notre correspondance. C’est très ennuyeux. Je ferai tout ce que je pourrai pour l’éviter. Adieu, Adieu.

Je vais réellement me mettre sur mon lit. J’ai la tête lourde, et le cœur barbouillé. Adieu. Je ne fermerai pourtant ceci qu'après avoir reçu mon courrier.

10 heures
Je vous ai écrit mardi matin une longue lettre. Je ne comprends pas ce retard. Votre poste de Francfort est insupportable, et je ne mérite aucun reproche. Je ne vous ai pas écrit le dimanche 10, en arrivant à Paris, parce que ma lettre écrite au Val Richer la veille 9, partait de Paris pour Francfort précisément ce même jour Dimanche 10. C'était donc deux lettres qui vous seraient arrivées le même jour. Peu aurait importe si j’avais eu quelque chose de nouveau à vous dire. Mais je n'avais rien. Je suis très contrarié de votre ennui. Vous aurez certainement eu ma lettre du mardi 12, écrite en partie le lundi, tard en partie le mardi matin. Adieu, adieu.
Adieu, dearest. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Schlangenbad le 20 août 1851

Mes journées sont si monotones qu’il n’y a vraiment pas de quoi remplir trois lignes. J'ai eu une lettre d’Alexandre aujourd’hui. Il a demandé son passeport. Il ne doute pas qu’on ne le lui accorde vu l’état de sa santé. S' il y a quelque anicroche il s’adressera au Comte Nesselrode. Si cela n’allait pas, je serais la dernière instance, mais je crois que nous n'aurons pas besoin de tout cela.
Le 21. Vous devez avoir reçu toutes mes lettres et entre autres celle où je vous redisais les quelques paroles de la D. d’Orléans au Prince de Prusse. C'est absolument tout ce qu’il a eu le temps de me dire. Constantin est arrivé à Francfort. Il a perdu sa malle sur les chemins de fer, cela le retarde, mais il viendra ce soir tard. Adieu. Adieu. Car il n’y a pas un mot à vous dire. Mon médecin a mis tout Schlangenbad hier en émoi. Il a donné un bal. On n'a jamais vu de bal dans ces montagnes. Il est pour mourir de rire. C’est notre seul amusement à Marion & moi. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Schlangenbad le 19 août 1851 Mardi

La nouvelle de cet empire est la visite faite hier par le roi de Prusse au Johannisberg. Il s’y est arrêté une demi heure en se rendant de Stolzenfels à Mayence. Je suis charmée que le Prince Metternich ait eu cette petite satisfaction mais voilà le roi aussi compromis que possible vis-à-vis des libéraux. La journée a été bien froide & pluvieuse, je n’ai pu sortir qu’en voiture fermée.
Montebello me mande les couches de sa femme & ses inquiétudes. Vous ne m'en avez rien dit. Peut-être au reste cela s'est-il passé depuis votre départ de Paris. Il a l'air bien tracassé de la santé de sa femme. Le 20. Mauvaise nuit, ma tête, mon estomac, ma langue tout va mal. Triste, voyage.
Ce sera curieux de revoir en son temps les acteurs revenir à Paris, & Changarnier sur tout. Que de pitoyables. manœuvres. Quelle pauvre figure he cults. Je reviens à Aberdeen. Il faut absolument que vous lui fassiez sentir la lourde faute qu'il a commise en permettant à M. Gladstone de lui adresser de pareilles diatribes. C’est vraiment honteux. Il devrait faire quelque chose pour se relever de là. Mais Je me rabache. Adieu. Adieu.
La duchesse de Hamilton femme douce & sensée, connaît beaucoup le Président. Elle parle de lui très bien elle vante son esprit, son bon sens, son bon cœur, bon gout. Elle dit tout cela très simplement. Adieu encore adieu. Je vous écrirai encore demain à Paris. Donnez ordre là où vous envoyer ma lettre. à Londres.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Mardi 19 août 1851

Ce qu'a dit la Duchesse d'Orléans au Prince de Prusse n'est pas neuf. Il est vrai que c’est là toute la question. Son tort, c’est que cela soit, pour elle une question. Je comprends qu'un grand homme, un homme qui a fait ses preuves, un conquérant, Pépin le bref Napoléon, ne craigne pas d’être un roi élu et d’entreprendre la fondation d’une dynastie ; mais une pauvre femme étrangère qui a déjà vu tomber la dynastie qu’elle veut fonder. C'est dommage que ce ne soit pas à elle que j'écrive ; je lui dirais bien des choses.
En attendant le Roi élu, la querelle intérieure des légitimistes s’arrange un peu. La lettre de Berryer est bonne. Quelle faiblesse que celle de M. de St Priest ? Car il n'entend point se brouiller, avec Berryer ; seulement il veut rester également bien avec M. Nettement. Je voudrais bien causer avec le Duc de Noailles. Je lui ai écrit que je passerais à Paris la matinée du 24. Peut-être aimerait-il mieux venir quand je repasserai. M. Molé m'a vivement pressé d'aller à ce moment là, dîner à Champlâtreux. Je n'ai pas refusé. Nous verrons. J'aurai bien peu de temps. Il y restera jusqu'en novembre. Le Duc de Broglie regrette de ne pas pouvoir venir à Claremont le 26. Il ne le peut pas. Le Conseil Général d’Evreux s'ouvre le 25, et il le préside toujours. C'est plus important que jamais cette année. Les élections de la prochaine assemblée se prépareront là. Si le gros des légitimistes n’auraient pas pris décidément le parti de la révision bien peu d'entre eux auraient été réélus. Je crois qu'avec la conduite qu’ils ont tenue la plupart reviendront.
Que signifie ce bruit de la prochaine arrivée du comte de Chambord à Wiesbaden, dont j'ai la première nouvelle par les journaux ? En entendez-vous parler de quelque autre source ? Est-il vrai qu’on y ait retenu pour lui des appartements ?

10 heures
Je suis bien aise que vous ayez retrouvé mes lettres perdues. Les journaux sont des menteurs ; la Marseillaise n’a point été applaudie à la Sorbonne en même temps que moi ; elle n’a point été chantée ; tout. au contraire ; quelques élèves l’ont demandée ; la grande majorité a crié, non, chut ; et la majorité l’a emporté, vu qu’il n’y avait là point de constitution pour donner la majorité à la minorité. Voilà le vrai, et je l’ai vu. C'est l’Ordre qui pour se consoler de la façon dont j’avais été applaudi, a dit le premier que la Marseillaise avait été aussi. Quelques autres l’ont répété, les autres ne l'ont pas démenti. C'est ainsi qu’on écrit l'histoire. L'an dernier la majorité des élèves avait demandé la Marseillaise, et la minorité avait essayé vainement de l'empêcher. La minorité de l'an dernier est devenue majorité cette année ; voilà le progrès. Et en voilà bien long sur cette question. Guillaume, à qui j'ai transmis vos compliments, a à cœur que vous sachiez la vérité. Adieu, Adieu.
Je suis bien aise que vous vous reposiez de Francfort. Votre sollicitude d’indépendant ne m'étonne pas du tout. Adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Schlangenbad le 19 août Mardi 1851

Merci de votre très intéressante lettre du 14. Vous me trouverez probablement à Paris à votre retour de Londres. Je crois que j'y serai le 30. Je vous adresserai ma prochaine lettre à Paris. Et puis je n’ai plus votre adresse où allez-vous à Londres ? J'espère que vous aurez songé à me le dire. De Paris adressez-moi une lettre à Bruxelles poste restante, de Londres la première aussi car je resterai certainement un jour à Bruxelles. Ensuite à Paris.
Le temps est bien rafraîchi. Et Schlangenbad alors est détestable. Enfin, c’est bientôt fini. Je partirai sans doute dimanche. Constantin sera ici après-demain.
Quelle joie dans tous les journaux radicaux de ces lettres de Gladstone. Vous devriez bien en faire honte à lord Aberdeen. Moi je lui ai parlé assez durement de cela, un petit mot plus doux de vous ferait bien de l’effet, et vraiment il mérite une leçon. Le Roi de Prusse a passé hier à Mayence le jour de la fête de l’empereur d’Autriche ou plutôt ses 21 ans. Samedi le roi reçoit l'hommage de ses nouveaux sujets de Hohenzollern. Grand speech historique à cette occasion. Adieu. Adieu. Que voulez- vous que je vous dise de ce lieu solitaire ? Pas une âme. Adieu. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Lundi 18 août 1851

Vous ne recevez pas une feuille jaune, autographiée et partant de Paris à 5 heures comme la correspondance d’Havas. Elle s’appelle le Courrier de Paris ; elle est fusionniste et commence à se répandre dans les départements.
J'y lis cette lettre des Pyrénées : " M. Thiers paraît vouloir quitter bientôt Cauterets où il était venu, dit-il, pour se reposer et où il est obligé de travailler constamment pour ne pas mourir d'ennui ne trouvant personne avec qui il puisse passer agréablement son temps. Il est sombre, peu communicatif, me disait hier un médecin militaire en retraite qui l’a connu autrefois à Florence et qui croyait pouvoir l’aborder facilement et rentrer en relation avec lui. Il se trompait. M. Thiers parle peu, se montre fort peu disposé à communiquer avec les baigneurs, va tous les jours à pied, et toujours seul à [Larrailère] l’air préoccupé, regardant de côté et repoussant la curiosité par la mauvaise humeur "
Est-ce qu’il n’est pas content de la campagne qu’il commence ? Je serais tenté de le croire ; il a trop d'esprit pour ne pas voir qu’il entre dans une route qui descend, au lieu de monter. C'est comme symptôme que ces détails m'ont intéressé. Je voudrais être sûr qu’ils sont vrais.
La même feuille jaune me dit que votre Empereur va faire de grands changements dans l'administration intérieure de la Pologne. Il remplacera les juges de village par des Potestas de son choix. Il prendra les biens du Clergé catholique et lui donnera des traitements à la place. Il exemptera la noblesse Polonaise du service militaire inférieur pour la mettre sur la même ligne que la noblesse Russe. Savez-vous si c’est vrai ?
Je n’ai pas eu hier de Paris, d'autres. journaux. Je reçois beaucoup de journaux de départements et je les trouve assez curieux ; souvent plus sérieux et plus pratiques que les journaux de Paris ; moins embarrassés d’intrigues, et moins engagés dans les coteries. La très grande majorité de ces journaux légitimistes s’est prononcée pour MM. Berryer, et Falloux. Les pointus sont pleins d'humeur mais en retraite. J’en suis charmé en général et surtout à cause des élections.
Votre mal à la langue provient de la fatigue de l'estomac. C'est presque toujours la cause des aphtes, car je suppose que c'est là, ce que vous avez. Peu mauger et un régime trés doux, c'est en général le remède. Vous ne méritez pas cette ressemblance avec M. Thiers, vous n'avez pas fait de votre langue un si excessif, ni si pernicieux usage.

10 h. Je suis charmé que votre langue aille mieux. Reste votre tête à guérir. Je me figure qu'il ne fait pas assez chaud sur les bords du Rhin. Les journaux de Paris sont aussi vides que ma correspondance. Le silence des Débats, sur la lettre du comte Roger est un fait important. Adieu, Adieu.
Je ne vous ai rien dit de vos lettres pour le temps de mon séjour à Londres. On me les renverra là. Je ne sais pas encore où je logerai. Probablement à Grillon. Adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Schlangenbad le 17 août 1851

Je ne fais que dormir, signe certain de bile. Je n’ai pas voulu prendre mon bain aujourd’hui. Je suis découragée. Je crois que je quitterai ceci le 23 ou 24. Mais je ne veux rien décider encore avant d’avoir vu Constantin. Lundi 18. Constantin ne sera ici que le 21. Il va avant voir à Kissingen Prince [Czernichoff] qui est très malade. Toujours je crois que je quitterai ceci le 23 ou 24. J’irai lentement. Il me semble que dès le 20 je ferai bien de vous adresser ma lettre à Paris. Mais après à Londres à qui ?
Léon Faucher qui est à Londres a beaucoup dit à C. Greville pleine assurance de la réélection du Président. Fort préoccupé d'empêcher tout renoncement du côté de l’Elysée ou du [gouvernement], convaincu qu'en se tenant tranquille on arrive. Voulant dépenser 100 millions en ouvrages à Paris. Cela tient le monde en bonne humeur. Granville a mortellement offensé les Ministres français en ne faisant de visite à aucun d'eux. Il a eu grand tort.
Il y a eu un gros orage cette nuit. Hier la journée était charmante. Une troupe de chanteurs Tyroliens nous a donné un charmant concert sur la terrasse. Les auditeurs en groupes en amphithéâtre. C’était un coup d'oeil ravissant mais pas une âme de connaissance. La duchesse de Hamilton a l'air brisé par le chagrin. Sa fille est toujours à Venise avec son amant. Adieu. Adieu. J’attends vos récits de la dernière matinée à Paris. Il me semble que vous êtes assez content. De quoi ? Adieu. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer 17 août 1851

J'espère bien avoir une lettre ce matin. Je ne reçois pas celles de Francfort plutôt que celles d’Ems, ni celles de Schlangenbad plus tard. Je suis fâché de ne pas connaître Schlangenbad. Jamais le calme n'a été plus profond qu'en ce moment. Le mouvement de l'Assemblée est fini. Celui des conseils généraux n'est pas encore commencé. Les journaux n'excitent plus aucun mouvement. A peine dit-on quelques mots de la candidature du Prince de Joinville. La réserve du Journal des Débats déplaît évidemment beaucoup à ceux qui y poussent. Quelle leçon, si cela finissait par un coup d'épée dans l’eau ! Ce sera le point délicat de ma visite à Claremont. Mais je m'en tirerai comme Dugueselin se tira de la ville de Rennes, où il était assiégé par les Anglais. Grand stratagème du Connétable. Il met son Chroniqueur en tête de ce chapitre ; et ce stratagème fut de rassembler sa garnison, de sortir de la place bannières déployées et de se faire jour, à grands coups de lance et d’épée, à travers le camp des Anglais. Je parlerai comme Dugueslin marchait bannières déployées et en disant tout ce que je pense. Je ne connais, ni dans mon devoir, ni dans leur intérêt, aucune raison de m'en gêner.
Ce qui m'amuserait, ce serait comme je le vois dans les journaux, que Thiers, Rémusat, Lasteyrie, Piscatory & vinssent là aussi pour le 26 août. La réunion autour du cercueil du Roi serait frappante. La mort change peu de chose.
J'étais inquiet, il y a quelques jours, pour la petite fille de ma fille Henriette. L'affection vient vite en regardant une pauvre petite créature muette qui souffre et qui vous regarde avec des yeux suppliants, où il n’y a rien encore que l’instinct confiant de la faiblesse qui implore secours. L'enfant va mieux. Je ne sais si on viendra à bout de l'élever ; elle est bien chétive. Il y a aussi quelque chose qui saisit et attache dans ce problème de la vie à son début ; une flamme qui vacille ; durera-t-elle ? S'éteindra- t-elle ? C'est le mot de mort à propos du Roi, qui m'a reporté vers ma petite-fille. Qu'il y a loin de l’un à l'autre !

11 heures
Voilà ma lettre, et vous êtes rétablie à Schlangenbad. J'en suis bien aise pour votre repos. La fatigue un peu prolongée, même agréable ne vous va pas. Adieu, adieu. Point de journaux ce matin. Montalivet m'écrit. " La Reine et les Princes vont quitter l’Ecosse. Le Prince et la Princesse de Joinville, retournent directement à Claremont. La Reine et le duc de Nemours feront un détour qui leur prendra plusieurs jours. Je ne crois pas qu’ils soient à Claremont avant le 24. Mad. la Duchesse d'Orléans habitera Claremont et y arrivera de son côté le 22 ou le 24. " Mon plan, à moi, est toujours le même. Adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Schlangenbad le 16 août 1851

Enfin une lettre, celle de mardi mais pourquoi suis-je arriérée d'un jour ? Cela vous n'y pouvez pas répondre. Ah les maudites postes. On me mande de Londres que le duc de Wellington est menacé d'un procès très ridicule a breach of promise of marriage. De la part de Lady Georgia Fane, soeur de Lord Westmorland. Elle a 1600 lettres du Duc, [?] brutales, un peu de tout. Elle les a livrées à son avocat. Elle veut plaider, & obtenir dommages & intérêts, ou le mariage. Cela fait beaucoup de bruit, et certainement le ridicule est grand à 83 ans ! Ellice et C. Greville me mandent cela tous les deux.

Dimanche 17 Certainement l’Ems de cette année m’a été mauvais. Je ne me remets pas de l’effet des eaux, la tête, la langue, le palais, tout est en souffrance, et les forces s’en vont. Voilà une belle équipée. Quel dommage ! Je n’ai rien à vous dire du tout. Je ne vois que la duchesse de Hamilton et je regrette la Princesse Grasalcoviz. Marion est une grande ressource. Demain probablement. Je vous donnerai une autre indication d’adresse. J’attends Constantin. Adieu. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, 16 Août 1851

Je serais curieux avant d'aller à Claremont, de savoir avec détail ce que le Prince de Prusse vous a dit de la Duchesse d'Orléans. C'est dommage que nous soyons si loin.
Je suis toujours frappé des Pièces de Mazzini. Infiniment supérieures à celles des démocrates français. Un habile mélange de mysticisme et l'irréligion, de vieil esprit et de nouvel esprit Italien. Cet homme là et sa secte donneront beaucoup d'embarras à l’Europe. Et la question italienne est la pire de toutes, car elle ne peut ni résoudre, ni s'éteindre. La Pologne finira ; l'Italie ne finira pas. Je ne vois pas du tout clair dans cet avenir là. Je respecte beaucoup le Pape, et j'estime la fermeté persévérante du Roi de Naples ; mais ce ne sera le gouvernement ni de l’un, ni de l'autre qui apaisera l'Italie. Et l’Autriche ne conquerra pas toute l'Italie, et nous ne nous la partagerons pas comme vous vous êtes partagé la Pologne. J'y renonce.
La lettre du comte Roger, n'est pas si franche, ni si hardie que le manifeste de Mazzini. Et les Débats sont bien embarrassés. C’est un triste spectacle. Il me paraît impossible qu’une politique si entortillée et si subalterne réussisse. Il n'y a pas une idée juste ni un sentiment noble qu’elle ne choque. Nous verrons si le temps sera lui-même assez subalterne et assez court d’esprit pour s’y prêter. Autour de moi, dans le gros public, on pense très peu à la candidature du Prince de Joinville ; n'est pas entrée en circulation. Je dis comme vous ; je n’ai rien de plus à vous dire. Je vous quitte pour faire ma toilette. Admirable séjour pour travailler ! Je suis endormi à 10 heures, levé à 6 et dans mes seize heures de veille, j'en passe bien dix dans mon Cabinet. Adieu, en attendant le facteur.

10 heures
Pas de lettre. Votre départ de Francfort en est certainement la cause. J'espère bien que l’ordre ne sera pas aussi tout à se rétablir pour moi que pour vous. Adieu. Je n’ai d'ailleurs rien de Paris. Voilà la candidature au Prince de Joinville tout à fait lancée... dans les journaux. Nous verrons la suite. Adieu, Adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Schlangenbad le 15 août 1851

Je commence par vous quereller. Je remarque que vous ne m'avez pas écrit du tout dimanche le 10. Pourquoi ? J'aurai fait pendant mon voyage une nouvelle connaissance importante, Mirabeau ah qu'il a d'esprit ! Et quel courage, quelle confiance en lui-même, quelle énergie, quelle puissance de volonté. Un homme comme celui-là aujourd’hui ! Que cela ferait de bien ! Il y a des lettres de lui merveilleuses, vraiment je vous remercie de m’avoir donné cette lecture. Je vous la rapporte en bon état.

7 heures Voilà qui est trop fort. Après m’avoir planté là le dimanche & donné quatre lignes seulement. Lundi vous ne me dites rien du tout. Mardi. Pas de lettres. Et j’en attendais une très intéressante. Les dissipations de Paris font que je vous passe du souvenir. J’étais bien fatiguée, bien harassée à Francfort je vous écrivais tout de même.

Samedi 16 Je ne me console pas de n’avoir pas eu de lettre, & j’allais dire, je ne pardonne pas. Voyons aujourd’hui mais il faut attendre jusqu'à 4 h. Et il est huit heures ! Pas une âme hier. Je me partage entre la promenade, les journaux & Mirabeau. Ce soir un peu de piquet avec Marion & mon lit à 9 heures. Et incendie aux Invalides tous les drapeaux brûlés. Sébastiani ne valait pas cela. Adieu. Adieu.
Ma tête & ma bouche vont toujours mal, je ne sais ce que c’est.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer Vendredi 15 Août 1851

Je suis charmé que vous ayez eu le plaisir de revoir votre grande Duchesse. Vous y avez eu évidemment un grand plaisir. Les Princes ont bien tort quand ils ne sont pas charmants ; ils gagnent tant à l'être, et si vite, et si aisément ! J’espère que la Grande Duchesse vous aidera à faire à Pétersbourg, les affaires de votre fils Alexandre.
Je ne comprends pas bien en ce moment les motifs du dernier Ukase ; l'état de l’occident n’a rien de tentant pour ceux qui viennent y regarder. Si c'était vos paysans qui y vinssent, ou vos petits marchands, je verrais le péril, et je comprendrais la rigueur des précautions ; mais ses riches, des grands seigneurs, je ne vois pas où est pour eux, parmi nous la séduction.
Que dites-vous de l’incendie des Invalides pendant les obsèques du Maréchal Sebastiani ? Et que n'aurait-on pas dit si pareille chose fût arrivée sous la Monarchie ? La République n’a pas de bonheur ; mais elle s'en passe. Le spectacle a dû être très frappant. Ce qui m’en a le plus frappé, c’est le curé éperdu et criant avec passion " Le Maréchal, Messieurs ; sauvez le maréchal ! " La cérémonie profane par la destruction prématurée et violente de ce corps. C'était là son idée fixe. Bel empire des sentiments et des devoirs d'État !
// Vous ai-je dit que j’ai eu à Paris de nouvelles du Général Changarnier ? Il est parti brusquement avant le dernier jour sans voir personne ; il est chez lui, à Autun, inquiet et triste, très blessé du travail pour la candidature du Prince de Joinville, entrevoyant qu’il a fait fausse route, et qu’il n’arrivera pas, mais ne faisant encore qu'entrevoir. Il n’a pas assez d'esprit pour tant de passion. Son journal, le Messager de l'Assemblée, reste toujours dans la même ligne, malveillant pour Berryer, et impuissant à faire, de M. de St Priest, le chef des légitimistes mais y poussant toujours. Le Duc de Lévis et M. de St Priest ont été fort troublés de l'explosion de la guerre civile dans le parti ; mais le résultat est excellent ; les dissidents sentent la nécessité d’un mouvement de retraite et commencent à l'exécuter. Ils sont trop peu nombreux et trop peu considérables pour faire prospérer la séparation. Berryer, et M. de Falloux ont fait là un coup de partie ; ils en recueilleront le fruit, eux et leur monde, dans les élections prochaines. //
Les journaux deviennent plus curieux à lire. Ils se dessinent tous plus nettement ; pour qui sait les comprendre du moins, car ils n'ont jamais été plus artificieux, ni plus menteurs. L’Ordre en particulier, le journal Régentiste, est dans une activité et une anxiété singulière ; il a pour la candidature du Prince de Joinville ; les ardeurs, les impatiences, les méfiances, les tours et détours du Messager pour celle du général Changarnier, et du Pays pour celle de M. de Lamartine. Une vraie Steeple- chase.

10 heures
Vous ne me donnez point de nouvelle instruction, en retournant à Schlangenbad. Je continue donc à adresser mes lettres à Francfort. Je ne me rappelle pas du tout ce qu’il y avait dans les deux qui se sont perdues. Lire les lettre c’est déjà quelque chose ; mais les voler après les avoir lues. Cela ne se fait jamais en France. Adieu, adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Schlangenbad le 14 août 1851 jeudi

Je viens d'écrire une lettre à L. Aberdeen qui ne lui plaira pas, car je lui dis de bonnes vérités sur sa faiblesse d'avoir permis à Gladstone de lui adresser ces détestables lettres. Vous voyez la joie de L. Palmerston. 8 heures. Voici un mot de vous de Paris, lundi, mais si petit, si court, trop court. J’espère que vous vous serez donné de meilleures proportions le lendemain. Je rentre d'une longue promenade avec la duchesse de Hamilton, personne très digne, très convenable, parlant le Français à merveille, et voilà tout. Les journaux m'apprennent que vous & la Marseillaise avez été très honorés à la distribution des prix. Quel singulier accouplement ! Je suis charmé des succès de Guillaume.

Vendredi 15. Je relis votre billet. Vous trouvez les choses en meillleur train que vous ne croyez. Je suis interrompue par l’arrivée de vos deux lettres perdues 31 & 2. Elles avaient été envoyées à une Princesse de Lieven. Ma nièce à Kreuznach. L'une, elle l’a ouverte. C'est bien égal, c’est une brave femme qui n'y aura pas compris un mot. Je suis ravie d’avoir retrouvé mon bien.
Je me repose ici de Francfort, les deux jours que j’y ai passés m'a vaient vraiment fatiguée, déjà l’idée que je ne m’appartenais pas, que je faisais un peu la volonté d'une autre. Cette idée me chiffonnait. Vous comprenez cela pour moi ? Adieu. Adieu.
Je crois que Constantin sera ici demain ou après- demain. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Jeudi 14 août 1851

Je serai donc à Paris le 24, à Londres le 27 ; à Weybridge pour le service le 26, et probablement à Claremont le 27, pour la conversation. Si je resterai à Londres un ou deux jours, c’est ce que je ne sais pas. Je me refuse absolument aux invitations Lord Aberdeen, Sir John Boileau, Croker & & mais peut-être Croker et Sir John Boileau viendront à Londres pour me voir. En tout cas je compte partir de Londres le 29 ou le 30, et être par conséquent à Paris, le 30 ou le 31. Vous voyez que mes plans cadrent avec les vôtres. Je vous prie seulement d'être à Paris le 31 août ou le 1er septembre au plus tard, car j'aurai bien peu de jours à y rester et je n'en veux rien perdre. Je suis entré très activement, dans plusieurs travaux qui ont quelque importance que je veux avoir terminé avant de rentrer à Paris cet automne et qui me laissent peu de liberté.
Je n'ai trouvé les choses, ni si changées, ni si aggravées que vous l’avait écrit Duchâtel. L’intrigue Joinville avance peu, quoique fort active. Les pauvres étourderies du Prince lui-même tombent à terre presque aussitôt que commises. Sauf à recommencer. Les questions qui s’agitent et les événements qui se préparent sont trop gros pour que tout ce petit mouvement y fasse ou y change grand chose. Ce qu’on a gagné, par le progrès de l'union désireuse et réelle entre les deux partis conservateurs est à mon avis bien plus important que les incidents dont on se préoccupe ne sont fâcheux. Voilà la part de mon optimisme. Deux sortes de gens ont raison d'être tristes, des gens difficiles et les gens pressés ; rien de grandement bon ne se fera, ou du moins ne se fera bientôt. Nous avons encore je ne sais combien de sottises à traverser et de sots à user. Ce sera probablement contre ce qui existe aujourd’hui qu’ils s’useront. Quand la France, sera sortie de cet abominable bourbier on trouvera qu'après le malheur d’y être tombée, et tombée par sa faute elle y a eu du bonheur et qu’elle s'en est tiré à bon marché. La candidature Joinville, et la proposition Creton, voilà les embarras réels du moment. Le second fournira peut-être un moyen de sortir du premier.
J’ai été parfaitement content de Berryer. Il n’a qu’une idée fixe, l’élection de l'Assemblée future. C’est à ce but que tout doit être subordonné. Et heureusement, le gros du parti le comprend. Les dissidents même, très peu nombreux commencent à s'inquiéter de l'explosion de leur dissidence et à chercher quelque moyen de boucher le petit trou qu’ils ont fait. M. de Falloux, très sensé et très ferme, mais de nouveau souffrant, est parti pour aller rejoindre sa femme à Nice. Le Président a causé avec Kisseleff, le jour de sa fête à St Cloud, et lui a tenu un langage fort raisonnable. Décidé à se croiser les bras et à attendre que le pays agisse. Il y a toujours des impatients amateurs de Coup d'Etat. Il est peu probable, très peu, qu’ils prévalent quoiqu’on ne soit peut-être pas fâché que le public en ait toujours un peu peur. Cela le rend plus modeste, et plus, empressé à faire lui-même ce qui dispense des coups d'État. Le public s’inquiète d'une circonstance. Un commandement donné, à Paris, au général St Arnauld, le vainqueur de la Kabylie, le plus entreprenant et le plus dévoué des nouveaux généraux africains bien plus capable d’un coup que le Général Magnan de Paris à Londres.
Un de mes amis anglais whig sensé et fort au courant m’écrit : " Lord John has made a promise, a very rash one, it seems to me of a new reform-bill ; and whether, it succeeds or fails, it will not leave us where it founds. I breakfasted this morning with Lord Lansdowne, and tried to find out whether the government had any fixed plan. But I could learn nothing, and I suspect that they have not yet, even seriously considered what they mean to propose. My suspicion is that what they ultimately do propose will be too strong for the Tories and too weak for the radicals ; that they will be defeated by a Tory-radical opposition, and go out ; that a Tory government will come in and reign for 4 or 5 years, and that then the whigs will come back, with a larger or at least a more,(deux mots que je n’ai jamais pu lire).... bill. " Cela me paraît de l'English good sense. Adieu.
J'adresse toujours à Francfort Vous ne m'avez rien dit contre. Votre tête me déplait bien. J’ai peine à croire que vous ne sauviez pas votre fils Alexandre. Ce ne serait pas la peine de prendre tant de peine pour avoir si peu de crédit. Adieu, adieu G

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Schlangenbad le 13 août 1851

Je n'ai jamais entendu dire un mot de l’idée du Roi George IV de rendre la bibliothèque royale à l’Empereur, c'est un conte. Dites cela à M. Croker. À votre question maintenant. C'est l’Assemblée nationale qui a raison. Nous avons écrit à nos représentants en Italie exactement ce que le journal a cité. Je le sais par Bouteneff notre Ministre à Rome à qui j'ai fait lire le journal. À propos il s’abonne, à l’Assemblée nationale je l'ai recommandé à mes autres ministres aussi. Voici ce qui me reste du peu de mots que m’a dit le prince de Prusse de ses conversations à Londres. La Duchesse d’Orléans dit " Henry V doit être rappelé. Nous serions élus. Cela rentre dans le principe de ma maison." " Et voilà entre nous la différence. " Je vous ai dit que la grande Duchesse survenant au milieu de cela, il n’y a plus eu moyen de reprendre & quelques instants après Le Prince voguait sur Cologne.
Ma langue va un peu mieux, mais j’ai un grand échauffement à la tête. C’est ennuyeux de le sentir mal arrangée par ce bout là. J’ai vu la duchesse de Hamilton. Ce sera si non une ressource, du moins quelqu’un. Jeudi matin le 14. Rien à vous dire. J’ai passé une mauvaise nuit. Il y a intermittence. On me conseille la quinine. Je ne me soucie pas de ces conseils là. Dans 10 jours j’aurai fini ceci je suppose, mon voyage n’a pas bien été. Que faire ? Adieu. Adieu. Je suis avide de vos lettres de Paris. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer. Mercredi 13 août 1851

10 heures
Vous n'aurez que deux lignes. Je suis arrivé ce matin. J’avais très mal dormi la nuit, en voiture. Je me suis endormi ici, dans mon fauteuil, et je me réveille au moment où le facteur arrive et demande mes lettres. A demain la conversation, car il y a de quoi causer mais point de nouvelles à dire.
J’ai vu Molé, Berryer, Duchâtel, Montebello, Montalivet, Valmy, Vitet, une heure avant de quitter Paris. Je vous dirai dans deux jours avec précision mes arrangements de voyage à Londres, pour que nous puissions les faire cadrer avec vos arrangements de retour à Paris. En tout cas, je repars d’ici le 23 au soir, et de Paris le 24 au soir pour être à Londres le 25 et à Claremont le 26. C'est très ennuyeux de vous écrire pour que vous n'ayez pas mes lettres. Il n’y a personne au delà du Rhin à qui j’aie envie d’écrire. Adieu, adieu.
G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Schlangenbad Mardi le 12 août 1851

La grande duchesse m’a comblée. Mais elle m'a bien fatiguée, aussi. Hier jusqu’à minuit. Ce matin dès huit heures ! Elle est partie à 10 heures pour Bade & moi un quart d’heure après pour revenir ici. Cette petite rencontre s’est passée parfaitement. C’est comme si je ne les avais jamais quittés cela m’a vraiment touchée. Ainsi n’ai-je rien marchandé, & pendant 48 heures je me suis admirablement conduite. Je ne sais comment cela [?] qui se soutenir même un jour de plus.
Je n’ai pas fermé l'oeil la nuit dernière. J’ai été prise du mal de Thiers à la langue, & j'en souffre beaucoup. J'espère me reposer ici. J’en ai bien besoin. Votre petit mot ce matin me donne bien à penser. Une intrigue avec la montagne pour le Prince de Joinville. Il est capable d’accepter ce secours. J'ai bien mauvaise opinion de vos Princes. Je leur souhaite de tout mon cœur d'échouer.
Marion est revenu de Johannisberg toujours chérie là. Elle y a vu Hubner pendant deux jours. Il se rendait à Venise & retourne à Paris pour la fin du mois. Tout le corps diplomatique a été aux fêtes en uniforme. Vraiment on a fait du Lord mais un empereur Nicolas, c'est un peu drôle. Au reste les fêtes ont été superbes, & le ciel s’en est mêlé aussi. Constantin sera probablement ici Samedi ou Dimanche. La duchesse de Hamilton est ici. Je ne sais si ce sera une ressource, j’en doute. Adieu. Adieu. Ma tête est un peu mieux, mais ma langue me fait bien mal. Elle m'empêche de manger. Adieu.
Fini Mercredi 13 août

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Paris. Lundi 11 aout 1851
3 heures

Je reviens du grand concours où j’ai été reçu, en entrant dans la salle, plus bruyamment encore que l’an dernier. Et quand mon fils a été nommé, son nom a amené deux fois une nouvelle explosion. Il faut se féliciter de la mobilité de mon pays ; elle le perd et le sauve tour à tour. Ce qui ne veut pas dire que je le croie sauvé parce qu’il recommence à m’applaudir.
J’ai eu du monde constamment, quoiqu’il n’y ait personne ici. Je vous ai déjà dit ce matin, je crois, que j’avais été content hier de la conversation du Duc de Broglie, très content, et pour le fond des choses, et pour sa propre disposition. Il regarde l’union comme très bien établie entre les deux corps d’armée conservateur et légitimiste, et il les croit décidés l’un et l'autre à faire ce qu’il faudra pour la maintenir. Il loue beaucoup Berryer, talent et conduite. Il s'attend, au mois de Novembre, à une majorité, encore insuffisante, pour la révision, mais plus forte. Les conseils généraux et les consuls d’arrondissement seront presque unanimes. Le pétitionnement recommence. On ne veut que des signatures nouvelles. Que résultera-t-il de tout cela au Printemps ? On n'en sait rien. On ne s'inquiète pas de le savoir. On ne s’inquiète que de l'élection de l'Assemblée, très probablement au mois de mars. On l'espère bonne, au moins aussi bonne que celle-ci, et plus décidée. Si on y réussit, on verra après. On aura fait ce qui fera ce qui sera possible.
Le Président se conduit tranquillement, sans autre dessein ni travail que sa réélection. C’est toujours le plus probable. Jusqu'ici le mouvement n’est pas vif pour le Prince de Joinville et lui ne dit ni oui, ni non. L’Elysée parait plutôt content qu'inquiet de cet incident.
Lord Aberdeen m'écrit qu’il part pour l’Ecosse où il me presse fort d'aller. Je n'irai point. Il me dit : " We expect a new reform bill at tre opening, of the next session of Parliament. If Lord Derby at that time should be prepared to abandon his present policy of protection and dear bread, he may very probably be able to oppose Parliamentany Reforme with success. But if not Lord John may carry universal suffrage, if he should think proper. Whatever exertion or sacrifice may be necessary to secure free trade will be cheerfully made."
Nous verrons si l’aristocratie anglaise aura son vieux bon sens. Je trouve que dans ces derniers temps, son bon sens et son énergie ont également faibli. Elle a été plus entêtée que hardie.

Mardi 12
M. Molé est venu hier pendant que je vous écrivais. Il arrivait du Marais. Je le reverrai aujourd’hui avant de partir. Nous aurons notre petite réunion pour les affaires de l'Assemblée nationale. Duchâtel est arrivé aussi hier soir. Kisseleff est venu me voir après Molé. Vous manquez beaucoup à ce monde. Kisseleff dit qu’il use ses redingotes n'ayant plus une occasion de mettre un habit. Molé part samedi pour Champlâtreux, jusqu'au mois de Novembre. Il se promet que vous irez l’y voir.
Changarnier est parti tout de suite pour la Bourgogne ; triste, et commençant à s'apercevoir qu’il n’a pas bien conduit sa barque. Pas la moindre nouvelle d'ailleurs.
Autre visite hier, qui m’a intéressé et plus. Le comte de Thomar que Païva m’a amené. Encore jeune, physionomie spirituelle ; mélange de gravité espagnole et de vivacité italienne. Bien méridional. La langage plus impartial et plus calme sur ses ennemis qu’il n’appartient aux méridionaux. Il est ici pour quelques semaines. Et en automne, il compte aller reprendre sa place dans la Chambre des Pairs de Lisbonne. Rien ne l'en empêche. Adieu.
Je repars ce soir à 6 heures emmenant tout ce que j’avais laissé ici des miens. Je voudrais bien que vous me dissiez ce matin que votre tête va mieux. Adieu, Adieu.
G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Francfort lundi le 11 août 1851

Je reste ici encore tout le jour la grande Duchesse me le demande. Hier soir elle est venue prendre son thé chez moi, elle m’a trouvée en tête-à-tête avec le Prince de Prusse qui venait d’arriver & qui est réparti ce matin pour Cologne à la rencontre du Roi. La conversation devenait intéressante. Il me racontait la duchesse d’Orléans qu'il a beaucoup vue à Londres. J'ai regretté de n’avoir pas pu reprendre sérieusement ce sujet. La grande duchesse est vive, animée. Nous somme restés à 3 à nous amuser & rire. Elle est vraiment charmante. Elle plairait bien à mon salon. Elle est allé dîner à Biberich aujourd’hui. Nous passerons la soirée ensemble, & demain nous partons en même temps elle pour Bade, moi pour Schlangenbad.
Je suis un peu fatiguée et la tête va toujours mal. Le Prince Gortchakoff a bien de l’esprit. Il passe son temps chez moi & m'apprend bien des choses. Comme il a envie de Paris ! Qui n’en a pas envie ? Vos lettres m’arrivent ici bien régulièrement à mon réveil. Je serai curieuse de celles que vous m'écrirez de Paris. Adieu. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Paris lundi 11 août 1851

Je me lève tard. J’étais fatigué de ma nuit en malle poste et en chemin de fer & de ma journée de visites. Je n'ai que le temps de vous dire adieu.
Déjà douze personnes sont là à m'attendre. Votre lettre de mardi me revient à l’instant du Val Richer. Je vous ai écrit tous les jours à Francfort sur le Mein, selon vos instructions. J'en ferai encore autant pour ceci, puisque vous ne me dites pas le contraire.
Je suis bien fâché de votre ennui. Il est impossible que vous n'ayez pas eu trois lettres à la fois. Je ne suis pas mécontent de ce que je trouve ici. Rien de bien actif, mais l'accord des deux bons partis monarchiques consolidés, la ferme résolution de rester unis et d'agir ensemble, quoiqu'il arrive, la coterie régentiste plus réduite et plus décriée qu’elle n'a encore atteint, les pointus légitimistes de très mauvaise humeur mais n'entraînant point leur parti, et traînés eux-même à la suite des sensés. Que sortira-t-il de là ? Je n’y vois pas plus clair qu'auparavant ; mais je redoute un peu moins cette obscurité.
Molé et Duchâtel qui sont à la campagne en reviennent aujourd’hui pour me voir. J'ai vu Broglie longtemps. Nous dînons ensemble aujourd’hui. Personne du reste dans Paris, sauf les prétendants ... à l'Académie qui m'assomment. Adieu. Adieu.
Quel perfide discours de Palmerston ! Adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Francfort Dimanche 10 août 1851

Avant de quitter Schlangenbad. J’ai reçu votre lettre du 5, et ce matin ici, celle du 6. Voilà qui est bien, mais les perdues restent perdues. Je suis arrivée ici à 8 h. La grande Duchesse un quart d’heure après moi, et une minutes après j’étais dans ses bras, car c’est ainsi qu'elle m’a reçue. Aussi tendre, plus tendre qu'il y a 16 ans à Pétersbourg. J’ai eu un grand grand plaisir à la voir & la contempler. Elle est charmante. Une heure de conversation intime, toutes choses. Je n’ai retrouvé mon lit qu'à dix et demie. Ce qui est hors de mes habitudes. J'ai dormi un peu. Je passe la journée ici. Demain, je ne sais pas. Ma tête va toujours mal.
Brunnow a été appellé en toute hâte à Petersbourg. On me mande cela de Londres. Il est radieux. J’ignore tout-à-fait pourquoi on l’a fait venir. Mon ministre ici le Prince Gortchakoff qui a été huit ans secrétaire chez mon mari à Londres est un homme d'esprit et fort au courant. Il est content de l’Allemagne, les deux grandes puissances laissent de côté les questions politiques & ne songent dans ce moment qu'à la question sociale. Premier intérêt pour tous, & sur cela on s’entend à merveille, & on agit avec une merveilleuse activité. Je suis interrompue par des visites, & de peur d'accident je fermerai ma lettre. Adieu. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, samedi 9 août 1851

Montebello m'écrit d'Angoulême où il est allé conduire son fils aîné pour les examens de l’école de Marine. Le pauvre homme est encore sous le coup des inquiétudes qu’il a eues pour sa femme ; il m’en parle avec terreur. La maladie aigüe est guérie, mais il lui reste mal au foie et des crises presque intermittentes qui la font beaucoup souffrir, et qui dureront probablement jusqu'à ses couches prochaines. Montebello compte toujours aller à Claremont vers la fin de ce mois. Il a vu me dit-il à Angoulême le Général de La Rue, inspecteur général de la gendarmerie, homme d’esprit, que je connais beaucoup, et dont le jugement a de la valeur. Le général qui vient de parcourir beaucoup de départements en rapporte l'impression qu'il n’y a et qu’il n’y aura, pour la Présidence, que deux candidats sérieux Louis Napoléon et Ledru Rollin.
En attendant la candidature du Prince de Joinville éclate tout-à-fait. L’ordre est à lire désormais puisqu’il se déclare le moniteur des Régentistes. La conduite me paraît bien peu habile. Le Roi Louis-Philippe n’a jamais voulu se laisser conduire par Thiers. Sa famille, apprendra probablement, après sa mort, combien il avait raison. M. de Lasteyrie dit que M. le Prince de Joinville accepte la candidature, et il en promet, aux uns la fusion, aux autres le contraire. C’est un jeu qui ne comporte pas la durée, ni la publicité. En attendant l'élection, à la Présidence on sonde Paris pour une élection du Prince à l'Assemblée, en remplacement du général Magnan. Mais les coups de sonde ne réussissent pas. Manœuvre pitoyable. C’est bien assez d’une abdication. Est-ce qu’on fera passer tous les Princes par cette même porte ? MM. de Lasteyrie et de Rémusat sont furieux de n'avoir pas été portés par la majorité à la commission de permanence. Et très tristes d'avoir échoué par la minorité. Vous aurez vu, dans la Patrie, la réponse du Président au coup qu'on lui a porté à propos de ses projets d'emprunt à Londres. On avait fait grand bruit d'avance de ce coup-là. Il me paraît que même le bruit ne sera pas grand.
J'ai reçu une nouvelle lettre de mon ami Croker qui insiste encore pour que j'aille le voir à Alverbank quand j’irai à Londres. Il ajoute : " And now let me ask another favor of you. Some one has set about à story that George the IVth had endeavoured to sell the Royal Library (which was afterwards given to the British Museum) to the Emperor of Russia, and Madame de Lieven is quoted as the authority for this statement. I never before heard of any such idea, and I wish you would ask Madame de Lieven with my compliment and best regards, if she can tell me any grounds for such a rumour. I am curious to know how, il such a thing ever happened, it has escaped either my memory or my knowledge, for I had the honour of a good deal of George IV confidence on such matters, though he did not often follow my advice. » Pouvez-vous satisfaire la curiosité de Croker ?
J'ai aussi ma curiosité. Je voudrais savoir qui dit vrai, de l'Assemblée nationale, ou de Lord Palmerston, sur les notes ou lettres venues du nord aux cours de Naples, de Florence et de Rome. Le Journal est bien positif ; et le Ministre a bien l’air de mettre dans sa dénégation un subterfuge. Je suis charmé que vous ayez retrouvé Marion. Il est bien juste que le Prince de Metternich règne un peu au Johannisberg. Je ne sais si ses successeurs feront mieux que lui, mais il ne paraît pas qu’ils puissent faire autrement.
Si vous pouvez à Schlangenbad, à Ems ou à Francfort vous procurer le dernier numéro de la Revue des deux mondes (1er août), faites-vous lire l'article de M. Cousin sur Madame de Langueville. Il y a bien à dire ; mais c’est très agréable spirituel et curieux ; avec un ton tantôt de rigidité pieuse, tantôt de désinvolture aristocratique auquel la vérité manque également dans l’un et dans l'autre cas mais qui a de l’élévation et de la grâce. Cela vous intéressera et Marion aussi.

10 heures
Adieu. C’est tout ce qui me reste à vous dire, et ce qui me plaît mieux que tout ce que je vous ai dit. Adieu

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Schlangenbad Vendredi 8 août 1851

Ah la vilaine chose que l'absence & les postes allemandes. Rien, rien de vous hier. Je crois vraiment qu'on me vole vos lettres pour les garder et les publier un jour. Je fais du fracas à droite et à gauche. Enfin je vais demain moi-même à Francfort. Voyons comment cela me réussira. Tous les Metternich jeunes sont venus ici voir Marion. On ne parle que des inondations. Le Rhin a quadruplé. Le soir je m'en suis assurée, moi-même en conduisant Ellice jusqu’à Biberich où il a dû s'embarquer ce matin. A Bade il y a eu des dégâts effroyables. Le chemin de fer coupé. Les ponts emportés.
Duchâtel m'écrit de Paris. Il trouve tout bien gâté. Votre prince de Joinville a fait de la belle besogne et Changarnier aussi. Enfin si tout cela tourne au profit de la réélection du président je n’en serai pas fâchée. On serait bien avec une tête comme Joinville !!
La mienne me fait toujours mal, mais elle ne me fait pas faire de sottises encore. Adieu. Adieu. Constantin m'écrit qu'il a grand peur qu'on ne donne pas de passeport à mon pauvre Alexandre. Quelle tristesse cela va lui faire. Je suis bien troublée de cela. Je cherche le moyen de lui être utile. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, vendredi 8 août 1851

Pardonnez-moi ce petit papier ; j'ai été hier tout le jour et je suis encore aujourd’hui parfaitement stupide. Rien absolument qu’un rhume de cerveau doublé hier soir d’une migraine que m'a donnée un violent orage. Je n’ai jamais vu le ciel tout à coup si noir. Mais cette noirceur a avorté, comme tant d'autres de nos jours : nous avons eu peu de bruit, peu de pluie, et j’ai été me coucher à 9 heures après avoir perdu deux robbers de whist, seule occupation et seul plaisir dont je fusse capable. Je serai encore lourd toute la journée ; demain matin, il n’y paraîtra plus et demain soir je vais à Paris où je resterai jusqu'à mardi soir.
Je lis dans les journaux que le luncheon du Président aux Anglais a été très brillant. On m'écrit le contraire. " Une affreuse mêlée ; 250 couverts et 3000 affamés. Je me suis arrangé pour être du petit nombre des élus ; mais les élus étaient, si serrés qu'ils ne se croyaient pas du tout en Paradis. "
Je crois que vous me recevez plus le National. Je suis frappé de sa phrase pour recommander, le désintéressement à toutes les nuances de l'opinion républicaine en fait de candidature à la Présidence de la République et pour les engager toutes à accepter celui qui aura le plus de chances d'être élu, " quel qu’il soit " Rapprochez ceci de l'accord qui s'est établi à Londres, entre M. Emile de Girardin et M. Ledru Rollin : " Nous sommes d'accord sur tous les points ".
N'entrevoyez-vous pas là le travail qui se fait de ce côté pour la candidature de Prince de Joinville ? Renverser ce qui existe aujourd’hui, et amener une tempête ; n'importe à quel prix, et à quel profit ; tous se promettent le gros lot au sein du grand bruit. Quel spectacle et quelle honte s'ils vont jusqu'au bout ! Je n’y puis croire ; mais j'y regarde très attentivement.

Onze heures
J’attendais impatiemment si votre tête serait guérie. Il faut encore attendre. C'est ennuyeux Adieu, adieu, la seconde cloche sonne pour le déjeuner. Adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Schlangenbad le 8 août 1851

Je pense bien à la désagréable. situation que vous fait cette sotte conduite de Claremont. Evidemment la fusion qui devrait être le salut de la France en sera le fléau. c.a.d. que la division éclatant chaque pas, il faudra bien deux bannières. Eh bien ce qu’il y a de mieux à faire, c'est de ne s'en plus mêler. Vous irez à Claremont pour la messe funèbre, dites-là la vérité pour la dernière fois, & souhaitez leur le bonjour. Et puis restez tranquille. Qu'ils fassent leurs affaires à leur façon cela ne peut pas être la vôtre. J’espère que la France restera comme elle est plutôt que de retomber aux mains de ces Princes gamins. Je suis convaincue que tel est aussi le sentiment de l’Europe. C’est toujours la lettre de Duchâtel qui m'a mis dans ce train là, car hélas vos lettres il y a bien longtemps que je ne les connais plus. Je suis impatiente d’arriver à Francfort pour tout vérifier.

7 heures. Voici enfin deux lettres le 3 et 4. Le 31 juillet & le 2 août me manquent. Où sont elles ? Vous serez donc à Paris après-demain, & lundi & Mardi. Sans moi, je ne le comprends pas. Arrangez votre course à Londres de façon à être à Paris le 2 ou le 3 septembre j'y serai certainement alors. Vous donneriez bien quelques jours à l'exposition. Ou bien voulez-vous que je revienne plus tôt ? Je puis abréger. J’attends Constantin après le 20. Ici ou autre part. Le 9 samedi. Vraiment je suis toute malade, ma pauvre tête, je ne sais qu'en faire. Je viens de prendre une médecine il fallait me donner cela plutôt. A 4 heures je vais à Francfort mauvaise condition pour reprendre mon rôle de courtisan. Adieu. Adieu.
Vous me direz des nouvelles de Paris. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer. Jeudi 7 août 1851

Duchâtel m'écrit : " Je trouve l'aspect des choses triste ; la situation de Changarnier à peu près détruite ; la fusion rendue presque ridicule par la correspondance du Prince de Joinville ; tout le monde en découragement ; le mouvement dans le sens du Président ; l'assemblée a été raisonnable pour la révision et le choix de la commission de permanence ; mais cette raison, si elle persiste, la conduira plus loin que jusqu'à présent ne le veulent les Légitimistes. Il est clair que la prolongation doit en sortir. "
Vous voyez ; c’est la même impression que j'ai d’ici ; sauf l'exubérance de l’esprit de critique, qui est le plaisir et la faiblesse de Duchâtel. Il ne résiste pas à se moquer de ce dont le monde se moque. Si l'idée de la fusion est juste, comme je le crois, il n’est pas au pouvoir du Prince de Joinville de la rendre ridicule par ses sottises. Elle en surmontera bien d’autres. Mais en attendant, et sur la situation en général, certainement Duchâtel dit vrai. J'y regarderai dimanche. Il voudrait aller chasser quelques grosses en [?] avant notre visite à Claremont le 26. Mais son fils, et la distribution des prix le retiendront trop tard à Paris. Je doute pourtant que nous partions ensemble. Il veut arriver à Londres 8 ou 10 jours avant le 26, pour les donner à l'exposition. Je n’en donnerai pas tant ; un ou deux jours de Londres me suffiront très bien, et je ne veux arriver en Angleterre que tout juste pour la visite qui m’y fait aller.
D'autres lettres de sources diverses, me transmettent la même impression que Duchâtel. Je vois seulement que, dans beaucoup de département on commence à se préoccuper sérieusement de l'élection de la future assemblée, et à se concerter entre conservateurs et légitimistes, pour qu’elle soit bonne. C’est aujourd’hui le but essentiel, et le seul possible, à attendre.
Un autre mouvement électoral m’arrive celui de l'Académie. Tous les concurrents m'écrivent, M. Liadières, M. Philarète Chasles, M. Poujoulat & Vous ne connaissez guères plus les noms que les personnes. Tous aussi légers les uns que les autres. Il n’y aurait que Berryer qui eût du poids et de l'éclat. Mais notre dernier choix a été M. de Montalembert ; l'Académie ne voudra pas faire coup sur coup deux choix politiques, l'un pris à Rome, l'autre à Frohsdorf. Je n’ai pas idée du résultat. Ce dont vous n'avez pas d’idée, c'est de mon état d'enchiffrenement et d'éternuement ce matin. Je vous écris à travers des torrents de larmes. Il fait pourtant bien beau et bien sec hors de mes yeux. Je suspends pour attendre un intervalle lucide.

10 heures
Merci de la lettre qui m’arrive. Je n'y comptais pas aujourd’hui. J’y vois un peu plus clair, mais guères. Je n'ai rien de Paris. Adieu, adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Schlangenbad le 6 août 1851

Longue promenade avec Ellice à avec et en calèche. Il est allé à Schwalbach avec Marion et me reviendra pour dîner. Il me quitte demain soir. Il trouvera à Londres Duchâtel et de là ils vont le 12 en Écosse. Palmerston a envoyé de nombreux exemplaires des deux lettres de Gladstone à ses missions à l’étranger. Celle de Francfort en a déjà fait d’abondantes distributions.

Jeudi le 7 Enfin une lettre ! Celle du 1er. Le 31 me manque et le 2 aussi qui aurait dû arriver hier. Cela s’arrangera j’espère. Je suis heureuse d'avoir reçu une lettre au moins ma journée s’est bien passée. Un peu de jaserie, beaucoup d’air, mauvais dîner. Le piquet le soir. Ellice est ravi de Schlangenbad, il veut y revenir l’année prochaine, certainement c’est le plus joli site, le plus pittoresque. Je vois par les journaux que la candidature Joinville & le rapprochement des légitimistes de l’Elysée font beau coup de fruit. Comme personne ne m'écrit de Paris, je ne sais jusqu’où cela est vrai. Mad. d’Huilot à qui j'ai parlé à Ems du Prince de Joinville, réponse : cela comme une indignité. Elle affirme que jamais le Prince de Joinville ne se prêterait à cela. Moi, je ne crois pas beaucoup à la dignité de vos Princes. Adieu. Adieu. Vous allez trouver mes lettres bien bêtes.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Mercredi 6 août 1851

Lisez quelquefois, je vous prie, la Chronique politique de l'Assemblée nationale signée Robillard. C'est, depuis quelque temps ce qu’il y a de mieux dans le Journal. J’y trouve aujourd’hui sur les Régentistes et leur journal l'Ordre, des réflexions pleines de sens et d'à propos.
Je souhaite que M. de Beroldingen ait raison dans tout ce qu’il vous a dit de l'Allemagne et que les masses aient, en effet fait leur expérience. Cela dépend des gouvernements ; quand ils se conduisent avec tact et mesure, les expériences profitent en effet aux masses ; quand les gouvernements abusent des expériences, les masses recommencent bientôt de plus belle et plus fort. Nous ne voyons pas autre chose depuis soixante ans.
Voilà encore deux élections qui viennent de se faire ici, l’une dans le nord, l'autre dans le Lot, et qui toutes les deux, ont tourné comme les quatre précédentes contre les Montagnards, et les pointus légitimistes réunis qui n'ont pu ni faire l'élection en y prenant part, ni la faire manquer en s'abstenant. Cela fait bien des échecs pour eux dans l’Assemblée, et au dehors. Si le plaisir du succès peut consolider l’union des conservateurs et des légitimistes sensés, ce sera excellent, [?] le Président en profitera le premier.
J’ai eu hier des nouvelles de votre ami M. Fould, à l'occasion d’une petite affaire que je lui avais recommandée, et qu’il a faite de très bonne grâce. Il m’écrit d’un ton content. Ce que vous me dîtes de l'absence de toute nouvelle directe à Frohsdorf, le 23, sur la visite à Claremont, est étrange. C'est bien le cas de dire légèreté française. Je vous demande la permission de mettre humain à la place de française, par amendement. Que d'anglais auraient fait une démarche semblable sans en rien dire, ni avant, ni après au premier intéressé.
Je commence à m'occuper de mon discours futur en réponse à M. de Montalembert. Sans connaître du tout le sien qui n’est pas fait, et qu’il m’apportera ici, m’a-t-il dit, vers la fin de septembre. Je n’écris pas un mot, comme de raison ; mais je lis ce qu’ont écrit M. Droz et M. de Montalembert mes deux sujets. Deux sujets bien divers, venus des points opposés de l’horizon, et qui ont fini par se rencontrer dans les mêmes sentiments sur toutes les grandes choses de la vie. Il y a de quoi bien parler. Dieu sait où nous en serons quand viendra cette séance ! Peut-être au milieu de l'élection d’une assemblée constituante. Cependant je ne crois pas ; je persiste à ne croire à rien jusqu'au printemps de 1852.
Ce que j’ai peine à croire, c’est que je ne désire pas vous retrouver dimanche à Paris, et que j'y aille pour ne pas vous y retrouver. Je n'ai encore point de nouvelle de Duchâtel depuis son retour, je suppose qu’il persiste dans son projet de visite à Claremont. Je saurai Dimanche si nous faisons ce pèlerinage à plusieurs. Montebello ni Dumon non plus ne m’écrivent. Il paraît que tout le monde est las de n'avoir rien fait et ne songe qu’à s'en reposer. onze heures J'espère bien que votre mal de tête n'est que de la migraine, et par conséquent un mal très passager. J'ai deux lettres de vous à la fois, du 1er et du 2. Adieu Adieu.
J’ai peur de n'avoir rien demain. Adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Schlangenbad le 5 août Mardi soir.

Jugez mon chagrin ! Encore pas de lettre aujourd’hui. J'écris à Francfort de nouveau. Je ne conçois pas ce que cela veut dire. Il est bien certain que vous m’aurez écrit. Maudites postes. Je n’ai rien, je ne sais rien, & mon mal de tête continue. Vrai supplice.

Mecredi 6 août 7 h. du matin. Ellice est arrivé tard hier soir. Il dort encore je suppose. Je ne l’ai point encore vu : voilà une petite distraction dans ma solitude, & mon absence de lettres. Ma tête va un peu mieux. J’ai pu dormir cette nuit. Et le temps est charmant, mais vos lettres ! J'en ai une d'Aberdeen regrettant la publication de Gladstone, mais craignant que le fond ne soit vrai. Sur le bill Catholique, il prédit des malheurs à l'Angleterre. Quant à la réforme promise par Lord John, elle le renversera, ou le consolidation mais il lui faudra de nouveaux éléments dans son cabinet. Vienne et Londres très mal ensemble. Je vous envoie tout ce qui me revient dans mon trou. Adieu. Adieu.
Aurai-je une lettre aujourd’hui ? Il m’en faut trois. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, mardi 5 août 1851

Il me paraît que les fêtes de Paris se passent bien. Le discours de Lord Granville est très bon, le seul vraiment bon et qui ait un sens. Tous les autres sont un peu trop insignifiants. Cela m'amuse de voir les ouvriers républicains crier vive l'Angleterre, pendant que la République donne à dîner au Lord Maire. Le Roi ne faisait pas mieux pour la Reine Victoria, au château d’Eu, ni le peuple royaliste qui criait vive la Reine à son débarquement. Je ne savais pas à quel point j'avais raison. La République me l'apprend tous les jours. J'ai reçu avant-hier une invitation du Président de la République pour aller passer la journée ( de 3 à 7 heures) au Palais de St. Cloud, hier Lundi 4. Je suppose que c’est la fête qu’il donne lui à tous ces hôtes anglais. Comme je vais samedi soir à Paris pour deux jours, j'irai écrire mon nom à l'Elysée pour lui rendre sa politesse.
Autre visite qui m'amuse, c’est celle du Bey de Tunis à Vienne. Il va chercher là aujourd'hui contre la Porte soutenue par l'Angleterre la protection qu'en 1844, il venait chercher, et qu’il trouvait à Paris. Si on laisse Lord Palmerston s'établir à Tunis comme en Egypte, nous ne tarderons pas à avoir, pour l'Algérie, quelque gros embarras. Je doute que l’Autriche prenne efficacement le Bey de Tunis sous sa protection. Elle n'y a que bien peu d’intérêt et elle en a bien plus à être bien avec la Porte. Il y aurait, pour nous, si on savait s'y prendre quelque chose de bon à trier de cette situation, ce serait la reconnaissance, par la Porte de notre établissement en Algérie. Je ne doute pas que l’impertinence de Lord Palmerston au comte Buol ne soit préméditée. Il veut qu'on s'accoutume à le voir mettre sur le même rang les gouvernements et les insurrections, si cela convient à l'Angleterre. Pourquoi se le refuserait-il ? Les insurrections lui en savent gré et les gouvernements le lui passant. Vous savez que c’est dans la baie de Torquay qu'a débarqué Guillaume 3 arrivant en Angleterre. Je suppose que la baie est aussi bonne pour l'embarquement que pour le débarquement.
Le journal l'Ordre annonçait hier bien qu'avec un peu de réserve et d’embarras, la candidature de M. le Prince de Joinville. Pour le parti, cela me paraît une grosse faute ; si cette candidature est jetée dans le public et débattue longtemps d'avance, elle sera usée avant d’être sérieuse. Il me semble que la formation de la Commission permanente et la majorité qui l’a formée jettent un grand désarroi dans les coteries des impatients. Leurs journaux sont non seulement irrités, mais troublés.

10 heures
Je suis fâché qu'Ems ne vous réussisse pas aussi bien que l'an dernier. Le duc de Noailles aura vu qu’il avait tort de se plaindre. Je crois en effet que l’Elysée est content de la majorité ; mais je ne crois pas que la seconde discussion amène un résultat différent. Adieu et Adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Schlangenbad le 4 août lundi 1851

Marion est toute éprise du Pce Metternich (à propos et pour ne pas l'oublier il est dans une grande admiration de votre lettre insérée au Journal des Débats & Ass. nationale) Elle a écouté tous ses récits, tous ses raisonnements avec curiosité, intérêt, & esprit. Elle fait sur tout cela de réflexions pleines de justesse. Il me paraît que lui a été très frappé de son mérite à elle. Ils étaient ensemble tout le jour. Se promenant en tête à tête. On allait se coucher, elle restait seule avec un vieux professeur à l'écouter, & discuter avec lui. On adore Marion là. D’abord elle a été revue en reine. Le fils & la fille sur la rive opposée du Rhin à Bingen. La Princesse Metternich sur le rivage au pied du château. Le Prince sur le péron, et des Ambassades ! La Princesse l'a reconduite jusqu’à moitié chemin de ceci. Elle veut venir me voir, & et espérant que j’irai passer quelques jours chez eux. Mais je ne sais pas si bien écouter que Marion. Certainement cette fille a l’esprit mieux fait & plus solide que le mien. Elle cherche et trouve le mérite dans les profondeurs du rabâchage. Je n’aime pas à prendre tant de peine.

Mardi 5. Pas de lettres hier ! Est-ce que ma combinaison Francfort serait mauvaise ? C’est-ce que je vais apprendre aujourd’hui en attendant cela me contrarie vivement. Cela et mon mal de tête qui continue. Rien n'y fait. Mauvaise année. Le temps est charmant, le lieu aussi. Marion aussi. Mais ma tête, j’en perds la tête. Je n’ai pas un correspondant à Paris, il n’y a que vous qui me donniez des nouvelles. La commission de permanence me semble bonne. Adieu. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer. Lundi 4 août 1851

C’est un grand fait que la composition de la Commission permanente. C’est la preuve que le parti monarchique sensé a, quand il le veut, la majorité contre la République, les pointus légitimistes le tiers-parti et le parti Thiers coalisé. Berryer, 402 voix, Dufaure 210 ; voilà les deux vrais termes de comparaison. Qu'il en pût être ainsi, si on le voulait, je le savais ; mais qu’on l'ait voulu et fait, je n'y comptais pas. C’est un grand pas vers l'organisation d'un parti d'avenir. Avancera-t-on dans cette voie ? Nous verrons.
Les pointus Légitimistes et les Régentistes sont furieux. Ils ont raison. On a très bien fait d'admettre Changarnier. On a eu tort d'exclure M. de St Priest. Sa présence dans la commission n'eût rien fait. Son exclusion le repousse parmi les pointus légitimistes, et il a de l'influence dans tout le parti. On prétend que le Duc de Lévis parle assez mal de la visite à Claremont, et dit qu’il n’en savait rien lui avant qu'on l'ait faite. Je ne crois pas cela.
Avez-vous remarqué la réponse de la Diète de Francfort, à la protestation de la France et de l’Angleterre contre l'entrée de l’Autriche, avec tous des États dans la confédération ? C’est bien médiocre. Pourquoi se borner au point de droit, qui est évidemment le côte faible, et ne rien dire de la nécessité anti-révolutionnaire qui est la grande raison ? Vieille routine de bureau. En général, la rédaction diplomatique allemande est faible et bien inférieure à la rédaction Française, Russe ou Anglaise.
Je vous quitte pour aller faire un tour de jardin. Le temps est superbe aujourd’hui et chaud ; ce qui fera grand plaisir à mes orangers, à mes œillets, et à moi.

10 heures
Le facteur m’arrive au milieu de ma toilette et je l’interromps pour fermer mes lettres. Adieu, Adieu.
J’espère que vous n'aurez pas souvent de pareils orages pour troubler vos nuits, et je suis charmé que ma lettre sur la démocratie vous convienne. Adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Schlangenbad Dimanche 3 août 1851

Le temps est superbe, mais ma tête ne va pas bien. C’est long. Voilà huit ou dix jours que je suis comme cela. Savez-vous que c'est cette maudite question d’argent qui m'a mis dans cet état. Cette fameuse lettre de [Coutte]. niant le dépôt m’a été remise au moment où je sortais de mon bain. L'émotion a été grande. Très honteuse je le répète ; mais que faire. Je ne suis pas sublime. Au reste Ellice m'envoie une lettre de [Coutte] bien humble. Mauvaise affaire pour lui, mais sa tête ne lui fait pas mal comme la mienne. La poste n’arrive ici que dans l’après-midi à 4 heures je crois, et quel retard dans ces montagnes. Le facteur vient à pied.
Il y a ici un Ministre du Roi de Prusse M. de Westphalen. Je crois ministre de l’intérieur. Je ferais bien quelqu’avance mais je crois me souvenir qu'il a été question de lui tout dernière ment dans une complication ministérielle, et je ne veux pas me bruler les doigts. Le roi de Prusse sera à Stolzenfels le 16. Je n’espère ici personne, absolument. Cela me serait peut-être égal si je me portais bien.

Lundi 4 août. Un seul mot car je me lève tard j’ai pris médecin, je suis assez misérable. Hier Marion m’est revenue de bonne heure, elle était escorté de Richard Metternich & son cousin, radieuse, heureuse, adorée au Johannisberg, surtout pas le vieux prince. Il vit là une grande gloire. Toutes les puissances se courbent devant lui. Je suis bien aise qu'il ait ces jouissances-là. Adieu, adieu.
Vos lettres seront ma seule société ici. Adieu

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Dimanche 3 août 1851

M. Molé m'écrit pour se chagriner de l'Assemblée nationale. Il n'est pas content de la rédaction, ni de la direction ; il trouve que les articles politiques sont souvent impolitiques. Il a raison. Il me demande quand je pourrai aller à une réunion du Comité. Je n'irais certainement pas à Paris pour cela. Pendant la dispersion de la saison, l'Assemblée nationale ira cahin caha, c'est inévitable. Mais je vais à Paris dimanche prochain 10, pour la distribution des prix au grand concours de l'Université. Je n’ai jamais manqué à mon fils ce jour-là. J’y passerai les 11 et 12. Je me mets à la disposition de Molé pour ces deux matinées. Nous ne ferons pas grand chose de plus que nous donner mutuellement le plaisir de la conversation. Duchâtel a dû arriver hier à Paris. Je règlerai notre course à Claremont pour la fin de ce mois. Je n’ai rien dérangé à notre correspondance. On me renverra mes lettres deux jours. Il n'y a pas moyen à cette distance et avec les Postes allemandes, de cadrer parfaitement juste. Mais ne manquez pas de me dire, dés que vous le saurez, quel jour précis vous serez de retour à Paris pour que je m’arrange en conséquence.
Le choléra l'emporte donc, dans Ellice, sur l'amour. A-t-il jamais été très amoureux ? Il me semble que, même jeune, le choléra devait toujours être le plus fort. Aurez-vous quelqu’un à Schlangenbad ? L’été dernier, vous aviez au moins la Princesse Grasalcovitch. Qu'a-t-elle fait cet été ? Est-elle aux Pyrénées avec Thiers ?
Les légitimistes à la fois intelligents, et un peu pointus sont bien préoccupés de celui-ci. L’un deux m'écrit : " Il se brasse, sous main, la plus splendide des mystifications. Figaro exerce, depuis longues années, une déplorable influence sur notre orateur, trop sensible aux douceurs d’une vie paresseuse. Et dont l’éloquence, toute grande qu'elle est, n'équivaut pas à l'astuce et à l’esprit de persistance de Figaro. Les événements vont se succéder rapidement. Une commission permanente formée à l'exclusion des Montagnards commencera à fournir aux Pyramidaux l'occasion de prendre le pas sur les Rivoliens, gens de nature inerte et molle, privés qu’ils seront de l'activité que leur donnerait un simple appoint de Montagnards, à la rentrée de l'Assemblée reprise de la proposition de retour des exilés ; application de la loi actuelle d'élection qui doit ajouter aux Pyramidaux le nombre de représentants qu'elle enlèvera certainement aux Rivoliens. Le surplus n'a nul besoin de développement. Tous les hommes du triomphe à Figaro. "
Vous retrouvez-là, ce singulier mélange de clairvoyance et d'aveuglement que donne le violent esprit de parti. Mon pointu croit trop à ce qu’il craint ; mais il y a des chances pour ce qu'il dit. Le jeu est bien compliqué.

10 heures
Vous serez bien seule en effet à Schlangenbad. Depuis que j’ai passé dix jours absolument seul, je ne crains pas la solitude pour moi, et je la crains encore plus pour vous. Adieu, Adieu Je n'ai rien de Paris. Adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Ems le 2 août Samedi. 1851 6 h. du matin

On m'emballe, et pendant ce temps je vous écris un mot. La comtesse Chreptovitz est arrivée de Londres hier. Elle me raconte à propos du nouvel oukaze pour les passeports, que Nesselrode & Orloff l'ont appris en même temps que le public. L’Empereur l'a fait promulguer d'une manière soudaine, ses ministres l’ignoraient. L’étonnement & le mécontentement ont été grands. J'essaye avec les Chreptovitz de parer le coup qui attend peut être mon pauvre Alexandre. si on lui refuse de sortir du pays, quelle triste affaire. On vient de refuser à une de ses cousines aussi une sœur du petit cousin.
J'ai eu la migraine hier tout le jour, & tout le monde est venu, beaucoup de monde. Je me suis couchée de très bonne heure. J’espère aller mieux à Schlangenbad. Je vous quitte. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Schlangenbad le 2 août Samedi 1851

Seconde lettre aujourd’hui, parce que la poste part d'ici le matin de très bonne heure. Je prépare donc. Je suis arrivée ici à 2 heures très fatiguée parce que je suis faible. Je vais tâcher de me bien reposer. Je trouve Schlangenbad comme j’avais trouvé Ems plus joli encore que l’année dernière. Mais pas une âme, pas de villa franca. Pas d'espoir d'une aventure !
Ce que vous me dites du projet Joinville est bien alarmant, car j’y vois des chances. Dieu sait tout ce que nous verrons encore. Moi je suis décidée ; je veux garder le président. Nul autre que lui ne pourrait faire la bonne besogne qu'il vous faut encore, à coup sûr ce ne serait pas Joinville ! Ellice m'écrit de Francfort, il s'annonce ici pour deux jours de la semaine. Il est bien bon. Il ne sait pas ce qui l’attend. Rien, à personne. Comment m’y prendre pour l’amuser ? Duchâtel va chez lui en Ecosse. Ils partiront de Londres ensemble le 11 ou le 22. Duchâtel arrive à Paris demain. Lord Carlisle va assister aux fêtes de Paris. Quelle tournure pour un premier rôle !

Le 3 Août dimanche. Je me lève pour vous écrire c.-a.-d. pour fermer ma lettre. J'envoie chercher Marion aujourd’hui au Johannisberg. Elle me fera une petite nouveauté. Adieu. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Samedi 2 août 1851

Je jouis vraiment de votre délivrance. Je sais à quel point vous avez dû être agitée ; et votre agitation m'inquiète et me chagrine comme m'inquiéterait et me chagrinerait une maladie. J'en veux à Couth de vous avoir si étourdiment répondu.
Je crois que vous avez raison sur les fêtes de l’hôtel de ville. On ne pouvait guère ne pas rendre les politesses anglaises et on les rendra magnifiquement. Le Lord maire et les Aldermen viendront-ils en robes et en perruques ? Depuis que je suis ici, j'ai vu des industriels considérables et deux des commissaires Français à Londres. Il y a un peu d'humeur, parmi eux, de la décision qui a supprimé, les grandes médailles d’or qu’on devait donner, en petit nombre aux ouvrages d'élite. Les Français affirment que cette décision a été prise contre eux, par jalousie, et parce qu'en fait d'ouvrages d’élite et parfaits d'exécution ils auraient eu bien plus de grandes médailles que les Anglais cependant, à tout prendre, il restera plutôt de là, entre les deux pays, des impressions bienveillantes et de bonnes relations. Je ne sais si le gouvernement Anglais a fait de la bonne politique intérieure ; mais il a certainement fait de la bonne politique étrangère. On a vu sa puissance, et on lui sait gré de cette façon de la montrer.
Mad. de Ste Aulaire m'écrit que ses visiteurs du Dimanche (à Etiolles) sont très découragés et décourageants. Le Duc de Broglie, Viel Castel & Broglie, ne m’écrit guères ; il est vrai que je ne lui ai pas écrit du tout. Mais il a chargé ma fille de me dire qu’on ne faisait et qu’on ne préparait que des bêtises. L'impression générale est triste et morne, plus que sombre et agitée. Je ne vois pas dans le pays que j'habite, grande ardeur à recommencer, le pétitionnement pour la révision. Il est vrai que déjà ce département-ci a peu pétitionné.
Voilà un fauteuil vacant à l'Académie française. Je ne vois pas à qui nous le donnerons. Il sera très vivement et très petitement disputé. Je perds, dans M. Dupaty un ami très dévoué, très actif, et assez influent dans la sphère académique comme parfaitement étranger à l'arène politique. Galant homme d'ailleurs, d'un esprit aussi sensé dans la vie que léger dans la littérature, et d’un cœur très steady. On est très ému ..., à Alexandrie, du chemin de fer que le Pacha d’Egypte vient enfin de concéder aux Anglais. Je reçois de là une lettre, non signée mais dont je reconnais l'auteur, riche négociant Français établi depuis longtemps en Egypte. " C'est le 12 de ce mois que les signatures ont été échangées. C'est donc à partir de ce moment qu'Abba-Pacha est officiellement le gouverneur du pays pour le compte de l'Angleterre. Ainsi, à moins que l’Europe ne s'y oppose, MM les Anglais vont disposer librement de 90 mille hommes, de 80 à 100 millions, des mines de charbon nouvellement découvertes, des produits inépuisables de la vallée du Nil, de l’Abyssinie & Et cela entre Malte et Aden, au point le plus stratégique du Globe commercialement et militairement parlant ; au point par conséquent le plus favorable pour prélever une dîme sur tous les produits agricoles et industriels du globe & & Et il m'invoque comme si j’y pouvais quelque chose. C'est certainement un grand pas vers la possession du Nord-Est de l'Afrique et de la clef européenne de l'Orient.

Onze heures Vous voilà parfaitement calme. Cela me plaît beaucoup. Adieu, adieu, adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Ems le 1er août 1851, vendredi

Je pars demain et je suis très souffrante aujourd’hui. Toujours ce vilain point à la tête. Chreptovitz est arrivé hier. Il ne me dit rien de nouveau. Il demande, & moi, je ne sais rien. Je vois que Changarnier est sur toutes les listes de commission des permanences, et Molé & Broglie sur celle de la gauche. Seulement, c’est drôle.

2 h. J'ai revu tout à l'heure Chreptovitz et j’ai recueilli d'assez curieuses choses. L’Empereur a fort approuvé le Président pour avoir été le commandement à Changarnier. Il faut rester le maître. Nous trouvons que le Président se conduit sagement. Nous attendons de lui qu’il fera encore de bonnes choses à l’intérieur ; ses rapports avec l’étranger sont excellents, et pour le moment nous voyons tout profit à ce que le Président soit prorogé. J'ai si mal à la tête que je ne puis pas continuer. Adieu. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer. Vendredi 1er août 1851

Je n’ai point Gladstone, et je ne puis, comme de raison, en écrire à Lord Aberdeen sans l'avoir lu. Ce que vous me dîtes de la grossièreté et de la violence du langage m'étonne. Peut-être m’a-t-il fait envoyer sa brochure, et est-elle chez moi, à Paris où je n’ai plus personne. Je vais écrire à Henriette d'aller y regarder.
Si les faits dont Gladstone m’a parlé sont vrais, ou seulement s’il y a beaucoup de vrai, je ne m'étonne pas qu'il les ait attaqués vivement. Mettre et retenir beaucoup de gens en prison, indéfiniment, sans les faire juger, sans même leur dire pourquoi, c’est ce qu’un Anglais comprend et excuse le moins.
Je reviens à vos 10,000 liv. st. Certainement, vous avez fait il y a un an, 18 mois, 2 ans, je ne me rappelle pas bien quelque chose à ce sujet, sur la question de savoir à qui les laisser et par qui les faire toucher, il y a eu hésitation, dans votre esprit, entre Couth et Rothschild. Je ne me rappelle pas comment s'est terminée votre hésitation. Mais la coïncidence du dire de Couth avec la perte de son reçu me porte à penser que c’est chez les Rothschild à Paris ou à Londres, que vous trouverez le terme de votre inquiétude. Je serai charmé quand je vous en saurai délivrée. Je ne puis croire que la perte soit réelle. Je conviens que ce serait, pour vous, un vif ennui. Je conviens aussi que si comme je l’espère, vous retrouvez vos titres, votre mémoire, aura été bien en défaut.
Il n’y a réellement plus d'assemblée à Paris. Légitimistes, Elyséens ou Montagnards, tous ne songent plus qu’à s'en aller. S’il n’arrive point d'événement pendant leur séparation, ce qui est probable, ils se retrouveront, à leur retour, plus embarrassés qu'aujourd’hui car ils seront plus pressés, et tout aussi impuissants. C’est un spectacle plus attristant qu'inquiétant, à mon avis ; je ne crois pas à un triomphe des rouges, le pays-ci ne sait pas se sauver, et ne se laissera pas perdre. Il faudrait un bien mauvais coup de dés électoral pour amener une majorité de Montagnard. C'est très peu probable. Cependant, c’est possible ; car aujourd’hui en France les élections sont un coup de dés. L'Empereur Français il avait raison : totus mundus stultisat. Voici, au fond, ma vraie inquiétude ; quand tout le monde est fou, c’est qu'il se prépare, dans le monde, des nouveautés prodigieuses par lesquelles Dieu veut, ou le transformer ou le punir. Je ne vois pas comment nous rentrerons dans des voies déjà connues. La sagesse elle-même sera nouvelle.

Onze heures
Je respire pour vous. Il est sûr que Couth est bien léger. Je retire mes souvenirs confus. Reste votre oubli du reçu. Mais peu importe. Adieu, Adieu. Dormez et remettez vos nerfs. Adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Ems le 31 juillet 1851, jeudi

J'écrirai à Ellice aujourd’hui même au sujet de M. de Lavergne. Je crois me souvenir qu'il sera le 15 août en Ecosse je le verrai probablement mieux à Schlangenbad ou à Francfort. Le duc de Noailles me mande qu'il quitte Francfort le 2 août. Il sera à Paris le 15. Il se plaint extrêmement de ce que personne ne lui a écrit. Jugez que le 23 on ne savait pas encore à Frohsdorf un mot direct de la visite à Claremont. L’empereur d'Autriche a reçu le duc de [Noailles] seul sans témoins. Une demie-heure de conversation, dont il est sorti très content. Il est charmé du prince Monarque. Moi je ne suis pas charmée de l’effet d’Ems cette année. Il est possible que l'absence de mon cuisinier en soit cause. Maudite avarice et ennui de lettres contre quelques embarras. Et Schlangenbad est bien pire encore. Auguste est meilleur lecteur que cuisinier.
J’ai vu hier une lettre (ou pour être plus exacte on me l’a racontée) d'un aide de camps du Président qui dit qu'on est charmé à l’Elysée du chiffre de la majorité, & qu'on est sûr de l’emporter à la prochaine discussion de la révision. c-a-d que la majorité sera tellement plus forte encore qu’il faudra que l’Assemblée passe outre, secondée qu’elle va être par de nouvelles pétitions. Nous n’avons pas joué hier au soir. La conversation vous a entraînés. Ces dames Beroldingen, Boutineff, Richelieu. J'avais vu longtemps Beroldingen dans l'après-midi. Il m’a raconté l’Allemagne pleine sécurité. Les deux grandes puissances s'entendent parfaitement. L’esprit public a repris son équilibre. Les professeurs, ou ce qu’on appelle. le parti gotha essaye toujours de remuer, ils intriguent mais cela reste stérile. Les masses ont fait leur expérience. Elle restent tranquilles, les troupes partout sont excellentes. Avec cela on est sûr de son affaire. Et si la France redevient février ? Cela ne fera rien en Allemagne. Voilà ce que dit Beroldingen. J’ai trouvé sa conversation bonne. Il a beaucoup de sens, & connaît bien l’état des affaires. Adieu. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Jeudi 31 Juillet 1851

J’ai fait hier à Lisieux un dîner beaucoup plus chargé de personnes et de plats mais certainement beaucoup moins bon et beaucoup moins gai que le vôtre je ne sais où dans Ems. Deux choses seulement à remarquer. A peu près point de politique ; non par embarras et avec dessein, mais naturellement, par la pente libre des esprits ; on n'y pense pas, et on n’y veut pas penser. On n’y a nul goût, et on n'a pas très grand' peur de l'avenir. On ne demande pas grand chose à cet avenir ; qu'on vive et qu'on meure en paix, qu’on vende et qu’on achète en sûreté, on sera content. On se promet à peu près cela, en toute hypothèse. Tout le reste paraît un luxe vain, ennuyeux et périlleux. Il a été fort question des hannetons qui ravagent les fruits cette année " L'assemblée ferait bien mieux de donner des primes pour la destruction des hannetons que de discuter la révision de la constitution ; elle serait bien plus utile à la France." Cela a été dit à l'approbation générale.
Ma seconde remarque, c’est la faveur extrême du Clergé pour moi. L’évêque était là avec ses deux grands vicaires et le curé de la principale paroisse de Lisieux. Eux seuls ont un peu parlé politique, et à moi seul, pour me dire combien ils désiraient de me voir rentrer dans l'assemblée et que je pouvais compter sur leur plus vif concours. Je crois en vérité qu'ils sont de l’avis de Donoso Cortés. Cela est bon, mais un peu compromettant, et j'ai d'autres amis qui s'en préoccupent un peu et me recommandent de ne pas me laisser envahir de ce côté. Voilà tout mon dîner. Pardonnez-moi ; je m’aperçois que je vous écris sur une demi-feuille déchirée. Vous me permettez de ne pas recommencer, ma lettre pour cela.
J'oubliais ce que m'a dit M. Leroy-Beaulieu, le député actuel de Lisieux à l'assemblée, et de mes anciens amis. Il était venu à dîner là. Les révisionnistes ( il en est, et des Pyramides) ne s’attendaient pas à plus de 400 voix. Ils sont donc contents de 447, et recommenceront certainement en novembre. C'est même par cette raison qu'ils ne veulent pas que la prorogation aille au-delà du 20 octobre. C'est ce jour-là que les trois mois d’intervalle exigé expirent. Ils ne veulent pas perdre un jour pour recommencer. Est-ce que la lettre de Gladstone est imprimée dans les journaux anglais ? Je n'en ai pas encore trouvé trace dans les nôtres. Je la regrette sans m'en étonner. Certainement c’est une étourderie imprévoyante ; mais vous connaissez les Anglais ; quand quelque chose les choque à un certain point, ils ne le gênent pour personne, roi ou peuple. Et ils s'inquiètent peu des conséquences, car ils savent qu’ils ne s'en embarrasseront guères quand elles viendront, et que ce qu’ils auront dit ne les gênera point pour agir autrement si cela leur convient. Je doute que M. Gladstone soit destiné à devenir ministre dirigeant de son pays ; mais si cela lui arrivait, il ne se croirait pas du tout obligé de faire la guerre au Roi de Naples parce qu'il l’aurait, jadis appelé un tyran ; et il entrerait en intimité avec lui, si cela lui était bon, à lui Gladstone et à l'Angleterre, bien sûr de n'être pas refusé ; sur quoi il aurait raison de compter.
Encore un Anglais drôle. Croker m'écrit : " My immediate object, is to ask you whether you will not come and see our exhibition. Its utility ls nulle, nor is there any individual thing worth walking a mile to see ; but the aggregate, as if all the shops of the world had given themselves a rendez-vous, is really striking-if it were only to convince mankind how little good taste there is in the world. But then the edifice itself is a real curiosity ; and as everyone else of any note in France has come to see it, you should not be singular. Come to us here. " Et il me trace mon itinéraire pour aller du Havre à Southampton, et de Southampton à Alverbank où il est, et où je dois passer trois jours, puis deux jours à Londres. " The d'Orleans are all in Scotland ; all easily within a week "
Je vais lui répondre que j'irai à Londres, à la fin d’Août pour voir " les d'Orléans " et que je verrai, en passant, l'Exposition, et lui aussi, s'il est à Londres. Sans le blesser pourtant, car je suis touché de son empressement affectueux.

11 heures
Je tiens pour impossible que vos 10 000 livres, soient perdues, à moins que quelqu'un n'ait volé vos titres. Couth sont d’honnêtes gens et ne mentent pas. Je recherche dans ma mémoire ; j'ai quelque souvenir confus d’une perplexité où vous avez déjà été, précisément pour ces titres-là, il y a 18 mois ou 2 ans. Vous aviez je ne sais pas bien qu’elle hésitation, mais quelque hésitation entre Couth et Rothschild. Vos titres ne seraient-ils pas chez Rothschild, celui de Paris ou celui de Londres ? Ne les avez-vous pas retirés de chez Couth pour les mettre chez Rothschild qui vous a remis les coupons jusqu'à je ne sais plus quelle année ? Pensez-y et allez aux informations. Adieu, Adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23014_00122.jpg
Ems le 30 juillet 1851

Je n'ai jamais entendu un orage et un bruit pareil à celui de la nuit dernière. Nous étions tous hier soir accablés d'un point à la tête. C’est drôle tous, cinq personnes au même côté. A 2 heures du matin une détonation qui a fait trembler les vitres et des éclairs qui traversaient volets, rideaux tout. C'était effroyable. Ma nuit a été entièrement gâtée. Il en aura été de même pour tous les habitants d’Ems. Si cet orage était venu la veille de l’éclipse assurément on aurait cru à la fin du monde. Reprenez le journal des Débats de Samedi le 26 vous y verrez qu’à Munich, un ordre ministériel enjoignait de faire [?&?] tous les élèves dans les écoles la veille de l’éclipse. C’est drôle qu'on ait eu si peur. Le danger, ou l’extermination viendra peut-être encore. Biroldingue, Boutineff & mes dames, car Mad. d'Istrie a une cousine qu'il faut avaler, ont fait ma soirée. On me dit de Londres que Lord Palmerston a commencé ses rapports avec le nouveau ministre d'Autriche Buol Schauenstein par une grosse impertinence au dîner qu'il lui a donné. Il a invité le comte Paul Esterhazy le défenseur de [?]. Buol s’est plaint officiellement et par écrit dans une note. Du reste rien.
Je vois dans l’Indépendance Belge une lettre de vous que je trouve bien belle, sur la démocratie. Adieu. Adieu. Lady Allen me mande que la duchesse d’Orléans va prendre une maison à Torquay dans le Devonshire for the winter.
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