Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


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Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton le 24 Janvier 1849

Mercredi Vos lettres sont intéressantes Bugeaud est un peu cross. Votre hôtesse me rappelle Mad. de Sévigné trouvant si bon air à Louis 14 qui lui avait adressé la parole à un spectacle à Versailles. Rien ce matin. Je reverrai Lady Palmerston. Elle critique Thiers. Il veut la régence. Il devrait plutôt aider le Président. Lord Brougham doit être arrivé hier à Londres. Il viendra sans doute ici. N'avez-vous donc pas entendre parler de Thiers depuis votre livre et sur votre livre ?

8 h. Lady Palmerston m’est restée bien longtemps. Si longtemps que j'ai à peine, le temps d’ajouter deux mots. Rien de nouveau. Lord Palmerston terrassera des adversaires. Il fera taire toutes les trompettes de le Europe. C'est vrai que rien n’a été fait, que rien n’aboutit. Mais la Sicile est à la veille de l'arranger. Et quand à la Lombardie, ni les Autrichiens veulent la garder, cela ne regarde pas l'Angleterre. Lord Palmerston croit qu’ils ont tort, mais ce n’est qu’une opinion lord Aberdeen est très monté et parle beaucoup contre son mari. Brunow est à Drayton. Il est venu le dire à Lord Palmerston en riant. Peel est toujours seul, il n’a pas un homme. Les Peelistes ont bien envie d'entrer aux affaires, mais ils n'ont pu de chef. Au demeurant tout va très bien. Les Holland se sont raccommodés. Adieu. Adieu.

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Brighton 25 janvier 1849

Votre lettre ce matin est très intéressante. Moi aussi j’ai bien appétit de causeries avec vous. Nous en aurons à peine. Ne pourriez-vous pas rester encore Lundi ? Que ce serait charmant ! Si vous trouvez trop dur de rester un jour de plus avec moi, voulez-vous ne venir que dimanche cela me déplaira, mais j’aime mieux le Lundi seul que le Samedi divisé. Ou bien encore persistons dans le samedi et voyons comment nous nous en tirerons. Je serai équitable et je ne vous demanderai que l’ordinaire, si cet ordinaire suffit. J’ai idée que ceci sera votre dernière course à Brighton vous pourriez la faire plus longue. Constantin m'écrit que le Roi de Prusse refusera décidément l'Empire, il veut avant tout rester avec ses deux vieux alliés ; il est inébranlable sur ce point.
8 h. du soir. Longue visite encore de lady Palmerston. Grande joie de la réduction dans l’armée et la flotte, en France son en train de désirer L. Bonaparte for ever. Avec les Orléans il y a trop de jeunes mauvaises têtes. Avec les légitimistes trop de vieilles perruques L.B. et l'Empire. C’est ce qu’il y a de mieux. Elle part demain matin pours Londres. Le Prince d'Orange qui vient d'arriver est invité à Windsor avec [?] Ld Palmerston ne l’est pas. C'est fort. Adieu. Adieu. à Samedi Adieu.

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Brighton, Vendredi 26 8 h. du soir

Toute une journée prise sans aucun moyen de vous dire un mot. Au reste nous allons vous voir. C'est bien littéralement à quoi nous allons être réduits. Vous voyez que nous nous verrons et que nous ne causerons pas. Metternich s'est déjà tenu en haleine aujourd'hui. Il m'est resté trois heures. Je ne sais rien. Je serai charmée qu’Emile Girardin fut ministre. Il verra ce que c’est, et on en aura fini de lui.
Outre mes yeux j'ai à vous annoncer un pied malade. De sorte que me voilà bien arrangée. Marion a eu une lettre de son oncle. Je trouve tout bien mêlé. On ne s’entend pas. Je ne crois pas au succès des Monarchistes des deux couleurs. Je croirait bientôt plutôt à l’Empire. Au reste vous verrez sa lettre. Mme Roger écrit tristement. Elle ne croit pas trop à la sincérité du Président et malgré des protestations. aux modérés, elle le croit très coupable de s'en aller à la gauche et même à la rouge. Adieu. Adieu. Je suis triste de penser à ces deux jours ce sera un supplice donnez-moi un bonjour. En attendant bonsoir Adieu.

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Brighton Lundi 29 Janvier
Midi

Puisque le bill contre les Clubs a été porté au nom du Président ne s’en suit il pas que l'impeachement. contre les ministres à propos de ce bill atteint le Président aussi ? Voilà ce que ma sagacité à découvert un moment après votre départ. J'ai découvert aussi que je reste bien triste mais confiante. Cela vous convient-il ? 8h. du soir Mes yeux sont bien irrités. Evidemment cet orgueil m’a fait beaucoup de mal. Quels imbéciles. C'est du médecin que je parle. Metternich avait une lettre de Paris très inquiète sur ce qui peut se passer. dans les rues. Il faut que je vous dise ce qu’affirme Marion. C'est que Billault est tout-à-fait Empire. Comme je suis curieuse de la journée d'aujourd’hui. Un arrangement, un compromis, me parait impossible Les journaux anglais annoncent positivement une réduction de l'armée. Vous souvenez-vous de ce que me disait hier Lord Aberdeen. Adieu. Adieu.

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Brighton Mardi 30 Janvier 1839(sic)

Les yeux vont un peu mieux, mais ils sont toujours irrités et moi je le suis beaucoup contre mes médecins. Je suis bien curieuse. Tansky écrit qu'on va à l'Empire. Lui même n'a aucun doute. Le croyez-vous ? Du reste sa lettre ne dit rien que nous ne sachions. J'ai dicté une longue lettre à l'Impératrice.
8 h. du soir Lord Brougham est venu et m’est resté 3h. au moins. Il a vu Lady Holland revenant de Claremont. Elle croit la reine mourante. J'ai vu la 2nd édition du Times racontant la journée d'hier à Paris et la promenade à cheval du président. Il n'a qu’à faire tout juste le contraire de ce qu'a fait Louis Philippe : garder son ministère et exposer sa personne et sa cause est gagnée. Vous savez que je le protège. Je serai charmée de le voir se bien conduire. Voici ce que Schwarzenberg a dit à lord Ponsonby. " Je n'envoie pas un archiduc à Londres parce que je ne peux pas exposer un Prince de la maison impériale à rencontrer l'ennemi acharné de l’entente. Voici votre lettre. Et voici la copie de celle de M Armand, ami d' Odillon Barrot. Je vous pris de me renvoyer celle- ci tout de suite. L'intérêt commence à la 3ème page. Adieu. Adieu.
Vous voyez bien que Beyer était une pauvre raison de me quitter ! Adieu.
La mission de Neumann à [?] avait pour objet d’obtenir que la France fût toute seule une expédition pour rétablir le Pape à Rome. L'Autriche ne l'a pas voulu, mais elle demande à son tour à la France de laisser faire cela au Roi de Naples, et que la France et l'Autriche regardent et restent l'arme au bras. Le cabinet prussien a adressé une circulaire à tous les agents diplomatiques, pour déclarer son intime alliance avec l'Autriche et la résolution. de refuser l’Empire. Tout ce que je vous dis là vient de source.

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Brighton Mercredi 31 Janv.
Midi

Point de lettre de vous pourquoi ? Voici Barante. Je vous le redemande. Vous aurez vu Delessert. Il est arrivé avant hier Brougham l'a rencontré chez L. Lansdowne. Le vote de Lundi donne du répit. On ne veut pas se battre. J'en suis fâchée cela traine. Oliffe m'écrit, & croit tout-à-fait à l’Empire. C'est le dire de la multitude, et elle est quelque chose aujourd’hui. La conduite de la Prusse est excellente. On est décidé à Berlin si la prochaine chambre est mauvaise. de la casser, et de déclarer que le vote universel est une mauvaise méthode. On l'abolira. Brandsby est très résolu, et tout le monde a confiance en lui. 8h.Longue visite du Pce Metternich. Je lui ai lu Humboldt. Il approuve mais il dit qu’en général il ne s’est jamais inquiété de ce qu'il pense. Attendu qu’en politique, il n’a point de sens ni en bien, ni en mal. Metternnich est très frappé, de ce que toutes ces dernières circonstances à Paris ajoutent à votre grande situation. Il était tout occupé aujourd'hui d'une lettre écrite à lui par un gd personnage contenant cette phrase ci. « L'Autriche a le bonheur d'avoir la guerre civile, voilà pourquoi elle se relève » Je trouve cela d’une grande vérité. Je suis bien aise que vos jeunes princes vous aient fait cette visite convenable. Adieu. Adieu.

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Brighton le 1er février Jeudi, midi

Je vous renvoie toutes vos lettres. Mon premier mouvement a été de la colère, en y pensant un peu je ne suis pas si mécontente. L’argument qui me touche le plus est qu'hier dans le plus mauvais moment vous avez envoyé son livre. Après tout c'est de l'académie d’ailleurs, c'est fait, vous voyez que je vous imite. Voici un article du Globe d’hier 31. Vous savez que c’est L. P. qui l'écrit. Je vous renvoie tout ceci de bonne heure dans l'espoir que vous le recevrez encore ce soir. Je vous écrirai encore plus tard s'il y a de quoi. Mes yeux un peu mieux. Adieu. Adieu. J’ai lu moi-même Génie.

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Brighton vendredi 2 fév.

Le discours ne ressemble guère à ce que vous pensiez. P. va droit à l’assaut, la Sicile il s’en glorifie. La bonne entente avec la France seulement, la seule puissance nommée les autres, pas. même la phrase. d'usage " Je reçois des assurances des dispositions amicales & & " C’est qu’en effet il ne les reçoit pas. Et le parlement avalera. tout cela ! Rien de tel que de l’audace. Je suis cependant frappée de la tentative d’amendement. Et Brougham ! & Wellington ! Enfin, cela m’est égal. Voici deux très curieuses lettres de Ellice. Je crois qu'il voit très bien. C’est assez mauvais. Je voudrais bien causer de tout cela avec vous. Je suis curieuse de Metternich aujourd’hui sur le parlement d’hier. J’ai été très malade cette nuit des étouffements , c’est passé. Je me réjouis de jeudi, j’ai bien du temps pour m'en réjouir.
8h. Je n'ai rien de plus à dire. Je n’ai pas vu le mari, et la femme ne savait pas dire grand chose. J'attends ce que vous allez m’apprendre. Faites passer les incluses de ma part à Ld Aberdeen. Adieu. Adieu.

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Brighton 3 février
Samedi onze heures

J'écris de bonne heure afin que ma lettre vous soit remise ce soir. N'oubliez pas que lundi vous pourriez m'écrire de chez M. Croker, par dessus la lettre de Londres que vous écrirez avant daller à Claremont. Le Parlement a fini comme on pouvait le penser. Cependant je crois lord P. un peu endommagé par ces attaques. Lord Brougham m'écrit pour me dire que son discours a été très mal rendu. Du reste je n'ai rien. Et Behier qui devait arriver dimanche soir ! Voyez comme je suis rancunière. Très vilain caractère. Pour me guérir de cela, ne me dites jamais que les choses vraies, c.a.d. celles que vous croyez sincèrement vous-même Midi. Je suis bien aise des Holland à Paris, si j’y vais cela me conviendra. Croyez-vous qu’il y avait complot lundi dernier ? Adieu. Adieu. Je crois que Lord Allen viendra me voir aujourd’hui. Adieu.

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Brighton Dimanche Le 4 février 1849

Lady P. m'écrit une lettre triomphante. Greville une lettre longue. Aboutissant à dire qu’il n’y aura rien. Stanley devait faire trembler le gouvernement Pal. fait trembler ses collègues, personne ne le fera jamais trembler lui même. Enfin, un fiasco. J’ai lu Palmerston. Effronté, spirituel. Ce que vous dites des autres est bien vrai ; il ne vaut pas la peine de s'occuper de Londres.
8h. Je vous envoie Lady Palmerston et une nouvelle lettre d’Ellice. Il doit être à Londres dans ce moment Metternich est évidemment trés mécontent de ce qui s’est passé au parlement. Je ne sais pas de nouvelles. Quelle attrape pour Bulwer que l'Amérique. Au fond P. à raison. Mais cette pauvre Georgine ! Quel mari et quel poste ! Adieu et adieu.

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Brighton lundi 5 fév.

Voilà un peu de fièvre la gorge prise et les yeux repris. Je ne sais où j’ai pris tout cela. C'est bien ennuyeux. Vous avez un bien bon, caractère. Vous me pardonnez tout. (Je réponds à Béhier) Que va-t-il arriver à Paris ? le Ministère s'il veut continuer doit se livrer à une crise. Il faut chasser l’assemblée. Il n’y a pas deux jours de [?] entre eux et elle. Je suis curieuse de ce que vous me direz sur Claremont. Et la reine ? 8h du soir. Je ne suis pas plus brillante ce soir que je ne l’étais ce matin. Je n'ai vu que M de Metternich qui ne savait rien. Je crois à l'Empire tout de suite. Adieu. Adieu.

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Brighton Mardi 6 février 1849

Une nuit abominable. C'est un gros rhume, une grosse courbature, & je me sens extrêmement misérable aujourd’hui. Je ne resterai levée que quelques heures. Il faut que je tâche d'être présentable jeudi. Voici Hélène. Vous voyez comme elle est fanatique pour vous et comme elle regrette Paris ! Tout ce que vous mande M. Lenormant prouve que Paris est encore bien malade. 8h. du soir. Je vous remercie de votre petit mot de chez Croker. Cette pauvre reine ! La Princesse de Parme vient ici jeudi dîner, danser, et coucher chez le Duc de Devonshire. J'ai encore eu une lettre de Lady Palmerston disant qu'il faut chasser l'assemblée et que cela se fera. Mon rhume me rend si bête que je ne puis pas continuer même à dicter, d’ailleurs je n’ai rien à dire qu'adieu, et Adieu.

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Brighton 7 Fév. 1849 8h.

J'ai passé ma journée dans mon lit occupée à transpirer et à guérir. Ce qui m’a empêchée de vous écrire moi-même. Je désire bien que vous me trouviez en meilleure condition demain, mais je n'en réponds pas Comme je n’ai pu recevoir personne aujourd'hui je n'ai pas la moindre. nouvelle. La majorité à l'assemblée me déplait. J'aurais préféré une bonne crise. Je serai charmée de voir Lord Aberdeen vendredi. Adieu. Adieu.

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Brighton Dimanche 11 février

J'ai été bien désappointée de ne pas recevoir un mot de vous ce matin. Pourquoi ne m'avez vous pas écrit ? Une lettre remise même tard me parvenait. Il n’en est pas de même ici. Il n’y a pas de poste partant le Samedi après 2 heures. Ma journée s’est passée solitaire. Pas même Mad. de Metternich qui dinait de bonne heure pour aller au spectacle français le Domino noir ! J’ai revu Aberdeen après sa visite chez Metternich. Redoublement d’espoir, comptant beaucoup sur la reine. J’ai vu Freddy Leveson. Il m’a parlé d’audace et d'esprit. Ellice en avait parlé aussi à Marion. Elle a donc montré ma lettre. Cela a fait une sorte d'évènement. J’ai dit que j’avais bien entendu ne pas dire une impertinence, je ne l'aurais pas adressée à la femme. J’ai soutenu la différence entre les deux langues au besoin vous le direz aussi. Et après tout je ne regrette pas l’expression, et je parie que lui n'en est pas blessé.
8h. du soir. Naturellement rien de nouveau. On parle beaucoup de la brillante réception chez le Président jeudi dernier, tout le faubourg St Germain, force diamants, l'ameublement du temps de l'Empire, et le Président les mains sur le dos. Les homards de la fête à Molé. Rothschild a été chez Cavaignac, qui l'a assuré qu'il donnerait son appui au gouvernement dans toutes les mesures de finance. Billault est du parti Cavaignac. Adieu. Adieu.

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Brighton Lundi 12 février 1849
4 heures

C'est bien long. Voici deux jours & demi passés sans un mot de vous. J’attends la poste avec impatience Je suis toujours faible. On m’a fait prendre l’air Il fait l’été. Je n'en jouis pas. Je n’ai encore vu personne aujourd’hui et les journaux du matin. sont pauvres. Voici vos deux lettres. Je pensais bien que la poste était mon ennemi. Voici tous les journaux français. Rien. 8 h. du soir. Metternich m'a interrompue et il est resté jusqu'à l’heure de mon diner. Très spirituel, très sensé, inventif. Il vous aurait beaucoup plu et il n'était pas trop long. Je me suis reprise ce soir de mon rhume. Mes yeux. Enfin je suis en pauvre état. Adieu. Adieu.

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Brighton le 14 février. 1849
Midi.

J'ai été bien triste hier, car vous l'aurez été ce matin en recevant la lettre de Marion. Une rechute avec redoublement des accès terribles, pas moyen de tracer un mot. Le médecin ce matin décide que je reste encore ici deux jours. Je ne partirai que Samedi. Votre lettre hier est bien longue et intéressante. Quoiqu'on fasse contre vous, vous n'y perdez pas. Je m’étonne de la sottise. Votre tranquillité fait un excellent contraste. Laissez user tous ces gens-là et tous ces évènements. Je crois tout-à-fait à l’Empire. Je n’y vois pas de mal, pourvu que cela ressemble à du despotisme. Hier le Times au jourd’hui le Chronicle sont des articles excellents sur Palmerston. Bulwer dit qu’il ira en Amérique pour [?]. C’est trop tôt montrer la comédie. Je n’ai pas de lettres.
8h. L'enveloppe était faite, et je n’ai pas pu reprendre ma lettre. Marion continue ce soir. Elle prétend que je vois mieux qu’hier à cette heure-ci. Moi, je n’en suis pas sûre. Adieu. Adieu.

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Brighton jeudi le 15 fév. 1849
3 heures

Ah qu'il y a une mauvaise parole, une mauvaise et injuste pensée dans votre lettre d’hier. En deux mot de conversation je vous ferais honte, je n'ai pas assez de mes yeux pour vous écrire cela. J'approuve complétement ce que vous avez écrit au duc de Broglie. Voilà les amis français ! Je n'ose pas dire que je suis mieux aujourd’hui, ce serait probablement un mensonge se soir. Quoiqu’il en soit à moins de catastrophe j'ai bien le projet d'aller à Londres samedi. Ecrivez moi encore demain. Je suis très contente du Président. Sa visite à la bourse me plait. Il a de bonnes inspirations. Metternich est en pleine sécurité sur Bruxelles. Cette médiation n’ira pas. Je crois qu’on le tient. fort au courant.
8h. du soir. Metternich dit que la fuite du duc de Modène est en Humberg. Les Autrichiens occupent Modène. Il est très noir sur l'Allemagne. Evidemment Vienne et Berlin ne s'entendent pas. Schwarzenberg le dit dans sa proclamation. Cela finira par une guerre civile. C’est l'impression de M. de Metternich. Mme de Rothschild arrive ici demain. Elle sera très intéressante à entendre. Si elle ne vient que tard demain soir. Je ne la verrai pas, ce que je regretterai. Adieu. Adieu

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Brighton vendredi 16 fév. 1849 4 heures J'ai bien le projet d'aller à Londres demain, mais je ne sais pas l'hiver et je ne serai pas en état de dîner avec vous. Par conséquent ne venez qu’après le dîner. Je suis beaucoup plus souffrante que vous n'avez l'air de le croire, et je ressemble beaucoup à Versailles cependant je veux partir. Je vous attendrai un peu avant.
8 heures Vos anecdotes de Paris. sont divertissantes. 8 h. du soir. Je persiste. Et je partirai demain. Je vois que le Constitutionnel est nul pour l'Autriche. Voilà le donc la République à Rome. C'est dégoutant. Plus contente de Bugeaud. Quel Bavard ! Adieu. Adieu.

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Clarendon Lundi 19 mars 1849
Midi

Je commence sans avoir un mot à dire. Êtes-vous content de la rue de Poitiers ? Moi je trouve la proclamation bonne, mais je ne suis pas juge. Certainement elle ne compromet personne. Le temps est horriblement triste. 3 heures Lord Aberdeen a vu une lettre de devant Palmerston du 8. Les propositions d’abord repoussées ont été reprises, et on s’attendait à les voir acceptées. Le Constitutionnel annonce que la guerre en Piémont est inévitable. Le Roi n'a pas écouté les remontrances des alliés. Aberdeen est d’avis qu'il faut rappeler Abercrombie. Peel trouve la situation du Cabinet bien mauvaise ses mesures ne passeront pas. Selon toutes les règles il devrait tomber. Je n'ai encore vu et entendu que ce que je viens de vous dire. Je crains les visites Je vous fais ma lettre, in good time. Adieu. Adieu.

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Clarendon le 21 Mars 1849
Midi

Quelle contrariété. Je ne vous ai pas écrit hier parce que je trouvais plus simple que vous vinssiez recevoir ma lettre à Brompton, ignorant si elle vous arriverait à Kimbolton avant votre départ. Voici que vous n’arrivez pas. C'est plus que contrariant, c’est malheureux. Si vous avez de de l’esprit vous le comprendrez. J'ai bien affirmé que vous serez ici aujourd’hui. Ma visite de 2 1/2 y compte. Je n’ai guère de nouvelles à vous donner. Lord Clauricarde est venu m'annoncer hier que Lord Aberdeen fait demain une motion sur l'Italie. Cela a surpris la Chambre haute & moi aussi. J’ai été contente du premier dans des Débats à propos de la proclamation de la rue de Poitiers. Duchatel m’a dit que le manifeste n’a plu à personne. Broglie est parti pour la province. On lui mande qu’il était à l’état d’automate galvanisé. Piscatory a été chez le Président. Quelle platitude. Vitet écrit très lugubrement. Le nouveau roi de Hollande est parti hier matin. Une députation de ministres était venue le chercher. Il était très saisi très ahuri. Mes soirées sont abominables. Personne. Il faut donc encore aujourd’hui subir ma société toute seule.
4 heures. Je dois vous déclarer formellement qu'il faut que vous veniez du chemin de fer droit chez moi, avant d’aller à Brompton. L'heure presse, et cela est de toute urgence. Je pense que vous pourrez être ici à 3 1/2 ou 3/4 on vous y attendra ; j’ai répondu de vous, il est impossible que vous ne compreniez pas qu'il faut faire ce que je vous dis. Morney écrit que Piscatory est de son avis sur votre élection et le lui à dit. D'Haussonville un peu cela aussi, mais avec une [ ?]. La fin de Morny est curieuse. Pourquoi M. Guizot ne dirait-il pas (par écrit je suppose) qu'il faut à la France une Monarchie ? j’ai répondu Ah, Ah on sait donc qu’il n'y a que lui qui ait du courage. La motion pour demain fait du bruit. Le camps ministériel est embarrassé. Lansdowne décidé à se conduire dans son intérêt d’honneur personnel. A demain chez moi entre 3 & 4 sûr. Ma voiture vous ramènera chez vous. Si j’ai quelques personnes vous entrerez droit dans ma chambre. Adieu. Adieu. Je ne saurais vous dire le chagrin de ne pas vous avoir parlé aujourd’hui. Mais demain.

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Richmond mardi 5 Juin 1849

Le temps est lourd et accablant. Si j’étais à Londres, je serais morte, c’est comme cela que je me console d’être à Richmond. Je ne trouve rien dans les journaux français. Le constitutionnel regrette que Bugeaud ne fasse point partie du ministère, mais il compte que la majorité restera unie. Il ne nomme pas Dufaure. Rome, Rome voilà la curiosité aujourd’hui ! Je vais dîner chez lady Allen. Je ne sais qui j'y rencontrerai. 6 heures. Les Colloredo, la marquise Douglas, et Mme Metternich rien que cela. Les Infants d’Espagne partent ou sont partis pour [?]. Le mariage est rom pu. Il s’est conduit comme un sot. Rien de nouveau du tout. Je n’ai pas eu de lettres. Adieu. Adieu. Demain. J'espère vous voir. Je vous recommande de. lire la lettre du Triumvir à M. Lesseps 24 mai, elle est très bien faite. Les r[?] à lui sont pitoyables. Voici un mot de Metternich que je vous envoie.

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Richmond Jeudi le 7 juin

Rien de nouveau. Ma lettre de Lady Holland renfermant seulement ceci. Le Président a dit dans son intimité la plus intime qu'il faisait ses paquets, & qu'au premier vote insolent ou récalcitrant de l'Assemblée il partirait pour l'Angleterre, laissant une lettre d’adieux à la France & charmé de ce débarrasser d’elle. Aberdeen était venu pendant que j’étais en ville J'ai manqué lord Lyndhurst aussi & Koller. Que faire ! Le soir chez Metternich, rien de nouveau. Je vous écris de bonne heure aussi, comme vous m'avez promis de le faire, afin que ma lettre vous parvienne dans la journée. Une lettre de Marion rempli d'esprit, mais sans un mot de nouvelle. Furieuse de [?] des bombardements annoncés. " Quel prix à payer pour le rapiècetage(sic) du pauvre. Lambeau qui reste de l’honneur français. " Adieu. Nous sommes bien loin l’un de l’autre. Pourquoi n'êtes-vous pas à Richmond & Marion avec ? Voilà des perfections auxquelles on n’atteint pas dans ce monde. Adieu.

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Richmond Dimanche 10 Juin

Voici un mot de Metternich. Vous ne m'avez pas envoyé la revue, je n'ai absolument rien à lire, & ceci m’aurait aider à traverser un peu mieux le Dimanche. J’étais prié hier au soir chez Lord John, mais arrivée là à 9 1/2. J’ai attendu une demi-heure. On ne sortait pas de table, je les ai planté là, je n’ai donc vu personne, & je n'ai rien à vous raconter, sinon que je n'ai pas dormi cette nuit, & que j’ai fait mille plans dont pas un agréable ; c’est qu’il n’y a plus moyen pour moi de rien trouver, de rien rêver, qui me convienne, ou qui soit convenable. Triste destinée ! Je crois que le choléra dispensera des explications à l’Assemblée. Ils auront peur d’être pris de la maladie, on ne siègera pas. 3 heures. J’ai vu lord John un moment. Il ne fait pas l’éloge de Bugeaud, et dit sur lui à peu près ce que Piscatory m'écrit . Il affirme. que le gouvernement français nie qu’on soit convenu de quoi que ce soit à [Gach] Il déplore beaucoup l'attaque sur Rome, et il dit après que fera-t-on ni le Pape, ni les Romains ne veulent rien devoir aux Français. Réflexions générales sur ce qui se passe dans le monde, la faute c’est qu'on ne parvient pas à l’entendre sur aucune question. Voilà à peu près. Il fait aussi froid ici qu'à Pétersbourg. Adieu. Adieu.

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Richmond Samedi 11 heures
le 16 Juin

J’ai dormi, je m'étais couchée le cœur content & réveillée de même. Je trouve que demain est loin ! Voici une lettre de Marion que vous me rendez. Quelle charmante fille. Comme la tirer de là. Quel péché de la lasser croupir dans ce sot ménage. Je n’ai pas vu les Metternich hier, il n'était pas bien. Lady Allen est revenue au moment où j’allais me mettre au lit. Elle avait manqué le chemin de fer. Adieu. Je suis encore fatiguée, mais quand on a le cœur en place. Le reste est peu de chose. Adieu. Adieu.

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Richmond le 18 Juin
Lundi 5 heures

Hier les John Russell tous seuls copiant des vers de lord Byron. Il croit que l’assemblée va statuer quelque chose sur la situation du Président. Il ne sait quoi. Drouyn de Lhuys sera nommé ambassadeur ici. Dufaure a dit à Normanby. " Les soucis de tribune, c’est des bêtises ! Le pouvoir c’est tout, je l'ai, et je le garderai. " Mon Empereur mécontent de roi de Prusse. Voilà tout ce que j’ai relevé de la conversation hier. J’ai rencontré Duchâtel dans la rue. Delessert lui mande qu'on s’est fort battu à Lyon, on a tiré des forts. Cela a bien fini, & tout cela est bon. Je rentre, le temps est charmant, & la promenade avec vous serait plus charmante encore. Des visites. Adieu. Adieu.

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Richmond Mardi le 19 juin

C’est cela. L'absence est cause de tout. Ensemble, toujours ensemble, et il n’y aurait jamais de nuage, et je suis condamnée aux accident de nuages ! Ma vie ne sera plus longue et je crains qu’elle ne soit triste ! Qu’allons nous devenir. Je ne vois rien de clair, rien de bon. Je passe mes nuits à penser à cela. Je vous renvoie la lettre de Beyier. Elle m’a intéressée. Vous voyez, lui aussi pour le président. Il m'est venu hier beaucoup de monde. La duchesse de Beaufort, lady Wilton, la princesse [Crasal?] les Delmare. Le soir j’ai passé un moment chez les Metternich. Il est bien tout-à-fait !

5 heures Je rentre de ville. Déjeuner manqué à droite et à gauche, j’ai fini par le prendre au Clarendon. La duchesse de Cambridge sombre pour l’Allemagne je ne sais pourquoi. Une longue lettre de Constantin du 8. Des forces immenses le 14 ou 15 au plus tard on attaquera sur toute la ligne. Lui-même venait de recevoir l’ordre de départ n'osant pas dire où. Paskevitch parti le 10. L'Empereur allait à Cracovie. Le 14. Lenchtenberg. Mouralt ainsi que la fille du G. D héritera. L'Empereur toujours en pleurs. Le temps est laid. Je ne suis pas sûre d'aller demain en ville. Il faut que je sois ici à 4 h. En tout cas je serais pressée. Si je ne viens pas vous m'écrirez, & puis lundi vous viendrez. Adieu. Adieu. Adieu.
Je vous envoie le relevé des forces.
205 bataillons
187 Escadrons
370 Pièces d’artillerie
Voilà Russes et Autrichiens
De plus Tellachich 45 000 hommes & les Services venaient d’offrir 50 000.

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Richmond Vendredi le 22 juin
6 heures

Je me sens toute malade aujourd’hui. Accidents d'entrailles. J’ai été cependant en ville. J’ai vu lady Palmerston plus anti autrichien que jamais et anti russe aussi à ce qu'il me semble. Sur la France des doutes, un répit voilà tout, enfin ce que nous disons. La duchesse de Sutherland a perdu hier une petite fille charmante, cela aura sans doute dérangé votre matinée. Le temps est ravissant, mais je ne suis pas en train d'en profiter. Voici un mot de Lady Holland Personne n'est venu me voir aujourd’hui, et je ne compte pas sortir ce soir. Hier j’ai trouvé un Cambridge chez Metternich. On dansait. Grand Dieu quel tapage ! Je n’y ai pas tenu plus de 20 minutes. Adieu. J'ai besoin de repos. J'ai des maux de reins assez forts. Adieu.

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Richmond Samedi 23 juin 1849
5 heures

Par une succession d’accidents trop longs à raconter j’ai été retenue à Londres jusqu’à 3 1/2. Il était trop tard pour aller chez vous, d’ailleurs c’est toujours si court & si gêné ! Jai vu Lord Holland. Il blâme le mouvement réactionnaire. on fait la guerre à la république rouge. Il faut la réprimer mais pas la battre. Enfin il est opposition. Pas de nouvelles. Viendrez-vous demain ? Vous me le direz sans doute aujourd’hui. Je me presse, j’arrive, & je crains que ma lettre n’arrive à la poste trop tard vu le Samedi. Adieu. Adieu.

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Richmond lundi le 25 Juin 1849
11 1/2

Je commence ma lettre avant d’aller à Londres. J’ai été si ... j'allais dire heureuse hier lorsque m'est venue une lettre de Londres à laquelle il a fallu répondre de suite, l'heure pressait je suis partie & je rentre en ce moment. 5 heures. Je continue. Mon bonheur reviendra demain et de bonne heure. J’ai vu lady Jersey, lady Grainville, et Sir H. Seymour ministre au Portugal, vieille connaissance de l’esprit. Si je ne me trompe un peu frondeur & pas en adoration & son chef. Thomas est à la tête des Ministère, il dit que c’est trop tôt, mais il fait son éloge. Un peu aussi celui de Narvaez. Un peu de moquerie de Bulwer. J'ai ramené ici lady Allen ce qui m’a fait un retard. Hier j’ai passé une heure chez lord Solen. Toujours Rome en première ligne & ne concevant pas comment peut finir cette affaire. Une grande moquerie du roi de Prusse et de [?] accusation de mauvaise foi même du Roi de Prusse envers la roi de Hanovre. Je m’exprime mal, c'est le Roi de Prusse qui est le trompeur. C'est long à conter. Du reste point de nouvelles. J’irai peut être dîner chez Metternich mais je n'en suis pas sûre. Adieu et adieu. Je me réjouis tant de demain ! Adieu. & Voilà

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Brighton Mercredi 10 Janv. 3 heures 1849

Votre dialogue avec le roi est très curieux. Je le ferai connaître à Aberdeen. A propos je lui donne rendez-vous pour Mercredi 17. Marion a reçu de très amusantes lettres de Paris de Mad. de la Redorte & de de Lamasellières. J'espère pouvoir les joindre ici. Montebello s'annonce pour demain. S’il est vrai que Rayneval soit envoyé à Pétersbourg, c'est bien fait & si Napoléon y va pour annoncer l’avènement c'est bien aussi. La ressemblance touchera. Quelle confusion à Paris ! Il me semble que les gros bonnets ne s’entendent pas entre eux. C’est égal ; Louis B. restera. Merci du Normanby il m’a amusé. 8 h. Le Pce Metternich croit savoir que les articles dans l'Assemblée nationale tablettes d'une révolution sont de M. de Romieu Avez-vous lu le discours de Ledru Rollin ? Moins la bêtise de l'Adriatique le discours est vif et assez habile.
Adieu. Adieu. On dit que Lord Clauricarde aura l'amirauté.

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6 ½ heures Mardi 26 juin
Je trouve cette lettre en rentrant, je vous l’envoie, renvoyez la moi. Quel bon temps ! Passé hélas. Adieu.

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Richmond le 27 Juin 1849
Mercredi 5 heures

On vous a vu hier au bal très tard, à quelle heure en êtes-vous sorti ? Je rentre de chez Lady Allen. De la causerie avec lord Harry Vane et Lord Chelsea. Tous les deux de l'esprit. Vane croyant que la seule chose à faire aujourd’hui c’est de soutenir le Président. Le seul homme assez remarquable dans le Gouvernement Falloux. Fort considéré, et aimé du Président. Quoi qu’il le sache très légitimiste J'ai écrit une longue lettre à l’Impératrice, j’avais du temps, je ne sais plus ce que je lui ai dit. Je crois que je lui ai dit que c’était drôle de vous voir courir les bals. Encore si vous y attrapiez des maris. Mais on ne les trouve pas. Marion ne m’ayant pas écrit, je suppose qu’elles vont me revenir. J’ai été chez Mad. Metternich hier soir. Le Prince n'était pas visible, il avait été mal. La nuit. Tout le monde était resté levé jusqu’à 2 heures. Ni Rome, ni Hongrie. C’est tout. J’ai lu la discussion à l'Assemblée, Tocqueville n’a pas mal parlé. Voilà que je n'ai plus rien à vous dire. Si vous étiez là, il n’en serait pas ainsi, Marion & Aggy arrivent. dans ce moment. Mad. Rothschild a eu une lettre de Changarnier qui lui dit qu'il a refusé le bâton de Maréchal. Il trouve cela trop tôt ! Adieu. Adieu. & adieu.

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Richmond vendredi le 29 Juin Midi.

Votre lettre est bien touchante et tendre et m’a bien touchée. Oui, je suis plus triste que vous, cela tient à nos caractères, j'espère moins et je suis si seule ! Il est si impossible de deviner ce qui peut nous arriver à l’un et à l’autre ? La seule chose sûre, c'est la séparation et pour assez de temps. Comment voulez-vous que je ne pleure pas ?
Je viens de recevoir une lettre d’[?] que je vous montrerai. Il est probable que la grande Duchesse Marie viendra passer 3 semaines en Angleterre. Cela peut se croiser avec mon voyage à Paris, il faudrait y renoncer, le retarder. Albrecht veut absolument que je prenne l’entresol place Vendôme. Je ne veux pas me lier. C’est bien bas, il me semble que je dormirais mal. Je veux choisir moi-même.
Je crois que Marion & Aggy reviendront ici demain. Elles vont aujourd’hui en ville. Les parents sont doux & charmés qu'elles s'amusent. Quand je me couche elles vont chez les Metternich, là elles chantent & dansent jusqu’à minuit. Moi je me sens bien lasse et nervous. Je vais ce matin. à un déjeuner chez lady Douglas, j’y verrai du monde, et cela ne m'amuse pas. Les jours vont se presser, se passer. Et le terrible jour arrivera. Quel néant pour moi ! Alors, comme je trouverai doux d'être à Richmond, vous à Brompton, sans nous voir. Qu’est-ce que cela fait ? On se sent près l'un de l’autre, on peut se voir dans une heure. Toute la différence du possible à l’impossible. Ah que je suis triste. Adieu. Adieu, & demain adieu.

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Richmond Dimanche 1er Juillet 1849

Le voilà commencé ce vilain mois dans lequel doit commencer notre séparation. Ah que ce sera dur comme hier encore était charmant. Comment nous passer de cela ? Marion et Aggy sont revenues. Ellice a reçu une nouvelle lettre de Thiers hier matin. Il sera ici le 20 juillet avec tout son ménage. Le 10 août il veut être de retour à Paris. Il écrit en bonne humeur & bonne espérance. Il dit que la majorité est excellente. Ferme, décidée. Plus de batailles à craindre dans les rues. J’ai été chez Metternich hier soir. Il était bien, et de bonne humeur ; l’accident & l'inquiétude étaient passés.

4 heures
Je rentre d'une longue promenade à Hampton court. J’ai voulu montrer au moins les jardins à mes petites. Le temps est charmant. Vous auriez aimé cette course. Qu’apprendrons-nous demain ? 6 heures. Voici les Duchatel. Il faut fermer ceci. Adieu. Adieu. Adieu.

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Richmond lundi le 2 juillet 1849

Voici votre lettre, je vous renvoie celle de Darn. Curieuse chose que Thiers. Au fond j'aimerais assez que vous vous vissiez ici, à part mon intérêt de vous garder quelques jours de plus. Cela ne serait-il pas possible ? J’ai vu hier lord John. Les nouvelles de Paris ne sont pas bonnes. Dufaure est un empêchement. Normanby a mauvaise opinion de la boutique. Il avait causé avec tous ; président, ministres, journaux. Le socialisme règne d’une manière effrayante dans les provinces. Deux millions de Socialistes, prouvés par les votes. Sur Rome O. Barrot a dit à Normanby, qu’Oudinot avait outrepassé ou dénaturé ses instructions. Que Lesseps avait méconnu les siennes que de là provenaient tous les embarras, les contradictions. John Russell observe, que cela prouve seulement que les instructions n'étaient pas claires. Il est en grand blâme de tout cela, et il dit que cette affaire contribue grandement au mauvais esprit. qui règne en France. Lord John s'attend à un superbe discours de Peel aujourd’hui ou demain en faveur du gouvernement il m’a beaucoup parlé de Peel avec étonnement de sa conduite, comme nous en parlerions nous mêmes.

Midi, Je vous écris de bonne heure pour vous renvoyer Daru. Si j’attrape quel que chose je vous écrirai encore. En tout cas nous nous verrons demain. Adieu. Adieu. Adieu.

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Richmond le 4 Juillet 1849

J'aurais parié hier ma vie que vous ne viendrez pas aujourd’hui, et j’aurais gardé ma vie. Mais ne parlons pas de cela. Nos jours sont comptés. Si d'un côté cela devrait disposer à être avare de nos bons moments si courts et si rares, d’un autre côté cela m'impose de ne point quereller. Ainsi encore une fois n'en parlons plus. Voilà donc Rome soumise J'en sens bien aise. Mais encore une maladresse tout au bout. Bideau envoie lorsque Oudinot achève ! Au reste voici les embarras qui commencent.

7 heures
Lord Aberdeen est venu. J’espère que vous avez vu l’article de Thiers sur l’Espagne. Admirable Lady Allen, Peel, lady [?] Flahaut, Koller. Abondance aujourd’hui, Metternich va plus mal. Il s'affaiblit. Il ne peut plus marcher on le porte. On persiste à dire qu'il n’y a pas de danger. Cela n’est pas possible. Les Ellice sont partis. Cela me fait un vrai chagrin et un grand vide. Adieu. Je crains de manquer la poste. Adieu.

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Richmond jeudi le 5 juillet 1849

Je n'ai encore vu personne aujourd’hui que lady Jersey. Je ne sais donc que les journaux. Une lettre d’Albrecht bonne. Il [?] & Kisseleff essaie de rattraper pour moi là rue St Honoré. Je désire ; mais je doute. Une fois à Rome, qu’allez- vous y faire, et d’abord quel drapeau arborerez- vous ? Que de complications à prévoir. Albrecht dit que les puissances doivent ménager la situation de la France et reconnaître qu’elle a rendu un grand service à l’Europe par cette triste campagne. C’est sans doute le dire de Kisseleff voilà pourquoi je cite. Metternich va toujours de même. Les forces s'en vont, c'est là le côté alarmant. L’appétit est parti aussi, il ne veut rien prendre. J’ai été interrompue par le duc de Beaufort & les Delmas. Ce n’est pas là où l’on trouve des nouvelles. Adieu, je vous attends donc demain à cinq heures. Ce sera bien court, c'est toujours trop court. Adieu.

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Richmond Samedi le 7 juillet 1849

Vous souvenez-vous qu’Hélène dans sa dernière lettre me disait : " Vous verrez la Grande Duchesse Marie à Londres ou ailleurs. " Je vois dans Le Times que le duc de Leuchtenberg est attendu à Paris. Voilà qui est fort inattendu pour moi. Si cela est, c'est là que j’irai la voir.
Mon malaise continue. Mes jambes vont mal. Le temps est cependant bien doux aujourd’hui, votre course sera agréable. J'ai voulu vous dire un mot, j'écris de bonne heure aussi. Peel n’a pas dit un mot de la politique extérieure. Quelle lâcheté. Adieu. Adieu.

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Richmond Dimanche.
Le 8 juillet 9 1/2

J’ai passé une nuit blanche, je n’ai pas la force d’aller à Londres. Je vous en préviens bien vite. Pouvez-vous venir je vous ramènerai jusqu’à Putney plus tard. Venez le plus tôt que vous pourrez car je crains le monde le dimanche. Peut être dînerez- vous ici ? Adieu. Un mot de réponse.

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Richmond Mardi le 10 juillet
3 heures

Je n’ai vu personne encore. Constantin m'écrit de Varsovie. Lettre toute militaire. Succès de tous les côtés, Pesth va être pris. Amoureux de l'Empereur d’Autriche. Il m'annonce la mon de la petite Grande Duchesse. Hélène me dit que Leuchtenberg va mieux, mais il mourra. Il ira à Madère, sa femme, non la Princesse [?] a vu hier à St Léonard la duchesse d’Orléans triste ; adoration de la France. Il n’y avait point de Dumon & & là Adieu. J’ai écrit à Aberdeen. Hier était charmant. Il me gâtera un peu demain. Adieu. Adieu.

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Richmond jeudi 12 Juillet 5 heures 1849

Votre question sur ma santé hier, ne m’a pas réussi. Je me suis réveillé les entrailles malades. Me voilà au régime, et un peu effrayée. Je suis sortie cependant. J’ai vu lord Beauvale, bien spirituel et sensé. Les Palmerston viennent passer la journée chez lui dimanche. Lord Brougham et Ellice y viennent Samedi. Je suis plus triste que de coutume aujourd’hui parce que je me sens malade. Avec de la santé on croit plus facilement à ce qui plait, à ce qu’on désire. Dans huit jours, avant même, comme je serai misérable ! Ah quelle tristesse que votre départ. Adieu. Adieu, à demain.

N'oubliez par lord Aberdeen Adieu. Voici Albrecht. C’est un peu dur. Il est trop tard pour que ma lettre parte ce soir pour Paris. Je me ravise, il sera temps encore, ainsi je ne puis plus vous consulter. 10 000 pour 6 ans. 11 000 pour 3 ans.

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Richmond Samedi le 14 Juillet 1849

En repassant chez moi après vous avoir quitté hier, j’ai trouvé Ellice & mon fils qui venaient d’arriver. Le premier en demandant à dîner. Le second m’annonçant son départ pour une tournée en Angleterre ; il part ce matin fuyant le choléra de Londres et les mauvaises odeurs dans le quartier qu'il habite. il m’a quitté à 7 1/2 de sorte que je n’ai pas causé seule avec lui. Ellice m’a dit que la discussion de la chambre des Pairs était ajournée à vendredi & que la motion de Brougham était fort hostile. Du reste point de nouvelles.
Rodolple Cousin m'écrit de Paris assez tristement sur les affaires en France. Misère, mauvais esprit, impossibilité de continuer comme on est.
Je crois que la place Vendôme me conviendrait mieux. Je flotte. Quoique je fasse j'aurais mieux fait je crois d’épouser Célimène Est- ce bien là ce vers ? Le petit Cousin à moi m'écrit de Pétersbourg. Tout le monde y est triste. Je vous montrerai demain ces deux lettres. Je suis de nouveau un peu souffrante des entrailles ce matin. Est-ce que le choléra serait venu à Richmond ? Adieu à demain. Je ne répèterai plus cela qu’une fois. Ah il y a de quoi mourir de chagrin et je suis bien triste ! Adieu. Adieu.

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Richmond Lundi le 16 Juillet 1849 8 heures

J'ai beaucoup dormi mais je me sens encore plus fatiguée qu’hier et sans le moindre appétit. Deux cuillérées de bouillon viennent de me redonner des crampes. C’est bien ennuyeux mais qu’est-ce que ma santé à côté du malheur inévitable de votre départ ? Je ne me comprends pas, sans vous, sans la possibilité de vous revoir. le lendemain. Je reste hébétée quand je pense à cela, et j'y pense sans cesse !
Lady Alice Peel est venue un moment ce matin. Elle ne sait rien. La situation des Français à Rome me parait terrible. Comment cela finira-t-il ? Adieu que puis-je vous dire ? Je ne sais rien, et je ne trouve dans mon propre fond que misère, tristesse, désolation. Adieu. Adieu.

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Richmond Mercredi 18 juillet 1849
Onze heures

Je veux encore essayer de vous faire parvenir deux mots à Londres. Cette pensée si douce que vous êtes à une heure de distance, il y faut donc renoncer. Renoncer à tant de bonheur ! Ah mon Dieu Hier mes genoux ont fléchi quand vous avez fermé la porte. Je suis restée en prières. J’ai tant prié, et toujours une seule & même prière. Je n’ai pas pleuré. Le moment même d'un grand chagrin me trouve sans larmes. C'est de l’étonne ment. Tout est suspendu en moi. Je me suis mise à la fenêtre, presque sans pensée. Je ne sais ce que j’ai fait ensuite. Je me suis couchée. J’ai dormi un peu, pas beaucoup et je me lève, la désolation dans l'âme !
Une lettre de Constantin de Berlin. L’Empereur est parti subitement de Varsovie pour aller surprendre l'Impératrice le jour de sa fête le 13. Il ne devait passer à Pétersbourg que deux ou 3 jours. Un moment de halte dans les opérations. On veut toucher en masse sur l’armée véritable des rebelles. Tout est calculé. On ne doute de rien, et dans 15 jours ou 3 semaines l’affaire de la Hongrie sera terminée. A Berlin, grand changement dans les esprit même les plus sages. L’unité, l’unité au profit de la Prusse ; les succès dans le Palatinat & dans le grand-duché de Bade ont tourné toutes les têtes. grande haine contre l’Autriche, mille soupçons. Le roi, la reine & une partie du ministère résistent seuls à cet entrainement. Mais la bourrasque est bien forte. Prokesh et Bernstorff sont incapables de rien arranger. Il faut changer ces deux instruments. L’armistice avec le Danemark mécontente beaucoup les Allemands. Enfin beaucoup de fronde à Berlin.
Adieu. Adieu, cher bien aimé, adieu. Voici les larmes. Je m’arrête. Adieu. Dites un mot, pour que je sache que vous avez reçu cette lettre. Voilà du vent. J’ai peur pour cette nuit. Passez-vous sur un bâtiment anglais ou français ? Je ferme ma lettre à 2 1/2. Je l'adresse chez Duchâtel. C’est plus sûr. Mon messager reviendra de la directement. Adieu. Adieu, mille fois. Mon cœur se brise. Adieu.

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Richmond jeudi 19 juillet 1849

Votre petit mot de chez Duchâtel m’a fait du bien. Je l'ai reçu chez lord Beauvale où je dînais. Je me suis mieux tenue que je ne l’avais espéré, et les convives m'ont épargné les phrases banales. Brougham a été très aimable. Ellice un peu endormi. Beauvale mange & ne dit pas un mot, il est charmé qu'on l’amuse et qu’on le laisse tranquille. Grand égoïste. Lord Aberdeen est resté longtemps chez moi avant dîner. Il est très décidé à venir à Paris en 9bre et s'en réjouit tout-à-fait, il vous aime tendrement. Il ne s’attend pas à la majorité demain, mais il voudrait une minorité très respectable.
Ellenborough ne vient pas. Il est malade à la campagne, il a écrit à Lord Brougham ( qui me l’a montré) une lettre très sage très sensée sur la discussion de demain. Lord Aberdeen de son côté a fait part à Lord Brougham de votre recommandation de ne rien dire qui peut gêner les mouvements de la diplomatie française en Italie, & Brougham m’a paru très résolu à observer cette recommandation. Nous verrons car c'est une créature si mobile. Il a vivement regretté de n’avoir pas su le jour de votre départ, il aurait beaucoup désiré causer avec vous avant le débat. Lady Palmerston lui a écrit deux autres lettres, bien aigres & bien inquiètes, il raconte cela fort drôlement.
Je ne suis pas contente de moi. Le malaise continue. Il faut que ce soit dans l'air, car Dieu sait que je me ménage. Le temps est froid. Le vent a soufflé cette nuit. Vous concevez que je n’ai pas dormi, je vous voyais malade en mer.

Midi.
Vous voilà donc en France ! Que c'est loin de moi. Je suis charmée de connaître le Val Richer. Je saurai où vous chercher. Vous aurez un grand plaisir à vous retrouver là, à retrouver vos arbres, votre pelouse, Vos sentiers. Tout cela reposera votre âme. Vous avez là tout le contentement intérieur, de la famille, de la propriété. Je vous manquerai c'est vrai, et je crois que je vous manquerai beaucoup, mais vous avez mille plaisirs que je n’ai pas. Et certes dans cette séparation je suis plus à plaindre que vous. Vous le sentez. Je voudrais me mieux porter et j'y prendrai de la peine, pour vous faire plaisir.
La Reine ayant décidé qu’elle ne viendrait plus à Londres, a reçu hier l’ambassadeur de France à Osborne. Simple présentation, après quoi il est revenu à Londres avec lord Palmerston. La reine a gardé quelques ministres à dîner, elle avait tenu conseil. Elle ne prorogera pas le parlement en personne. Son départ pour l’Irlande est fixé au 2 ou 3 août. Hier encore il m’a été dit de bien bonne source qu’elle est plus que jamais mécontente de Lord Palmerston et qu’elle le lui montre. Adieu. Adieu, mille fois. J’espère une lettre du Havre Samedi. Adieu encore & toujours.

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Richmond Samedi 21 juillet 1849
Midi.

J'attends aujourd’hui une lettre du Havre. Le Times ce matin dit que vous y êtes arrivé, et que votre réception a été des huées. Cela fait bien de l'honneur à vos compatriotes ! Ma journée a été triste hier comme le temps. Beaucoup de pluie, point de visites de Londres. J’ai vu les Delmas la vieille princesse, & le soir les Beauvale. Là, bonne et longue et intime conversation.
Lady Palmerston avait écrit une lettre très inquiète, elle croyait à une bataille perdue à propos de la motion de Lord Brougham. Je vois ce matin qu’elle a été rejetée par 12 voix. La séance a duré jusqu'à 4 h. du matin. Brougham. Carlisle. Hugtesberg. Minto. Aberdeen Lansdown, Stanley. Voilà les orateurs & dans l’ordre que je dis là. On m'apporte votre lettre du Havre. Merci, mais vous ne dites pas comme le Times. J'aime mieux vous croire vous, que lui. (C’était dans les ships news, Southampton.)
Vous voilà donc établi chez vous ! que Dieu vous protège. Comme nous sommes loin ! Les discours hier sont si longs, qu’il m’est impossible de les lire. J'ai choisi celui d'Aberdeen, j’y trouve des paroles honorables & justes pour le roi, Lord Palmerston et pour vous. Je relève cela, parce que les journaux de Paris ne rendront surement pas les discours dans leur étendue. Onze heures de séance. C'est long !
Mon fils est revenu de Londres de sa tournée. J’irai peut être le voir demain, quoique je ne me soucie pas trop de l'air de Londres. Il est vrai que le choléra est bien près d’ici à Brentford vis-à-vis Ken. Peut-être à Richmond, mais on ne me le dit pas. Je n’ai pas de lettres du continent. Demain rien de nulle part, ce sera very dull. Adieu, sotte lettre. Je bavarderais bien cependant si je vous avais là dans ce fauteuil, si bien placé pour un entretien intime comme je regarde ce fauteuil avec tendresse et tristesse ! Adieu. Adieu. Adieu.

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Richmond Dimanche 22 Juillet 1849
Midi

J'ai vu hier Ellice. Il avait assisté à la séance vendredi. Brougham a été long, diffus, ennuyeux, sans effet. Le parti très mécontent de lui & disent qu’il les avait rendus à la Mallet, Aberdeen excellent, et Stanley encore plus, mais celui ci n’a commencé son discours qu’à 3 h. du matin ; les amis avaient sommeil, quelques uns sont partis, c'est ainsi que la minorité a été diminuée. En attendant le chiffre 12 a comblé de joie le ministère. Aberdeen a dit des vérités très dures. En parlant de Palmerston il a dit insanity, de Minto playing antics with [?] & & Je cherche en vain dans le Times ce qu'il a dit de vous. Je l'ai là dans le Chronicle. Ellice m’a dit qu'il a entendu ce passage, grand éloge. Il faut que je le trouve et vous l’envoie. On dit que Minto a été misérable, si misérable qu'on en était honteux pour lui.
Voilà donc le Pape proclamé. Et bien cette expédition tant critiquée et avec quelque raison, a un très beau dénouement. Et Oudinot doit être content. Tous les orateurs à la Chambre haute l'ont comblé de courage. Ce qui viendra après ? Dieu sait.
De Londres je n’ai vu qu’Ellice. Hier Madame Delmas est venue. J’ai été voir Mad. de Metternich. Elle est changée, ses cheveux sont même fort gris, elle est triste, quoique le mari soit très bien ; mais ils ne savent où aller. Ils finissent l’Angleterre, elle est trop chère. Bruxelles, mais c’est bien ennuyeux Je crois presque qu'ils se décident pour Paris au mois d'octobre. Ils essaieront au moins pendant quelques mois. J'ai été le soir chez Beauvale, avec mon Ellice. J’ai joué un peu de piano, et puis un peu Whist. A 10 heures dans mon lit. Voilà ce triste dimanche, sorte d’anticipation du tombeau. Dieu que cela est triste aujourd’hui. Il y a huit jours je vous attendais ! Ah que de bons moments finis ! Je me fais une grande pitié car je suis bien à plaindre.
J'écris aujourd’hui à Albrecht pour quelques arrangements, pas grand chose. Je vous en prie ne vous promener pas seul dans vos bois. J’ai mille terreurs pour vous. Je vous envoie cette lettre aujourd’hui. Vous me direz si elle vous arrive avant celle de Lundi ou en même temps. Dans ce dernier cas je ne ferais qu’une enveloppe pour les deux jours, à l’avenir. Car je vous promets bien une lettre tous les jours. Adieu. Adieu. Toujours ce fauteuil devant moi et vide. Comme c’est plus triste de rester que de partir. Adieu. Adieu mille fois et tendrement adieu.

5 heures dimanche. Flahaut sort de chez moi dans ce moment. Il me dit qu’à Carlton Gardens on est triomphant ; il y avait soirée hier après le dîner pour M. Drouin de Lhuys. Triomphe complet. Lord Palmerston s’était fait interpeller hier à le Chambre des Communes. Il a parlé de tout, de ses vœux pour les Hongrois ! De ses adversaires personnels, il a apellé Lord Aberdeen that antiquated imbecility. Cela vaut les gros mots de Mme de Metternich. J’ajoute ces sottises, pour avoir le prétexte de vous dire encore adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Lundi le 23 Juillet 1849 onze heures

J'attends l'heure de la poste avec une vive impatience. Je commence en attendant ma relation d’hier. J’ai vu Flahaut, Cetto, Kielmansegge. Tous les trois fort occupés et révoltés de la séance de Samedi à la Chambre basse. Lord John Russell faisant amende honorable à la Chambre pour avoir osé qualifier (dans une précédente séance) la révolution de Hongrie, d’insurrection. Palmerston appelant Lord Aberdeen an antiquated imbecility. Voilà les aménités qui se sont dites. Lord Palmerston a eu un complet triomphe comme de coutume, & il lui sera loisible de faire jusqu’au mois de février comme il l’entendra : il était en pleine gloire à son Dieu.
Le soir quelques personnes seulement car Lady Palmerston ne sachant pas si son mari serait encore ministre ce jour- là n’avait prié que quelques intimes. C’est ce qu’elle a dit elle-même à Cetto. Votre ambassadeur a fait la connaissance avec quelques diplomates. On ne trouve pas sa femme jolie. De lui, on dit qu'il est assez bien rappelant un peu M. G. de Beaumont. La princesse Metternich et Mad. de Flahaut ont eu hier une vive dispute à propos de la Hongrie. Mad. de Metternich est sortie de son salon et à dit à Flahaut qu’elle n’y rentrerait pas tant que Mad de [?]. y serait. Des témoins de cela ont été fort amusés & sont venus me raconter la scène. Cela a dû être drôle.
J’ai fait ma promenade en calèche avec Kielmansegge. J’ai été dîner chez Mad. Delmas. Madame de Caraman, Richard Metternich & & de la musique après le dîner. Mad. de Caraman joue du piano avec goût. Richard avec force. Le vieux aveugle grogne et voudrait renverser toute les constitutions du monde. Mad. Delmas occupée de mes yeux, de mon poulet. Enfin pleine de bonne grâce. Bonne femme. Voilà hier, et un ciel couvert l’air doux.

4 heures Lady Alice m’a interrompue et voici votre lettre de Lisieux. Vendredi & Samedi. Merci merci de tous les détails. Je n'ai fait encore que parcourir, je vais lire & relire. Paul Tolstoy m'écrit aussi deux mots pour me parler de vous. Comme il vous aime ! Excellent homme, je vais bien le remercier. Votre lettre, vos lettres vont faire mon seul, mon unique plaisir. Je vous en conjure point d’accidents dans notre correspondance. Dieu sait ce que je ne croirais pas si j’en manquais un seul jour. Adieu. Adieu dearest. Adieu. Il pleut, il fait laid mais j’ai votre lettre. Adieu encore, encore.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond mardi le 24 juillet 1849

Je découpe du Morning Chronicle le passage (très abrégé à ce qu'on m'a dit) du discours de Lord Aberdeen qui s’adresse au roi et à vous. C'est pour le cas où le Galignani ou les journaux français l’auraient ouïe. Voici donc ce mardi dernier jour où nous nous sommes vus. Comme chaque minute de cette journée reste & reste vive dans mon souvenir jusqu’à ce que votre présence l'efface ou l’adoucisse. Votre présence, quand est ce que le ciel me l’accordera !
J’ai été voir hier Mad. de Metternich enragée plus enragée que jamais contre Lord Palmerston ces deux séances de vendredi et Samedi ont produit un grand effet, mauvais, cela a fait éclater la sympathie de la chambre basse pour les Hongrois, et assuré un grand triomphe à lord Palmerston. Une longue approbation de sa politique ; il fera plus que jamais rien que sa volonté. Il n'a jamais été aussi glorifié et ainsi glorieux, à la suite de cette séance il y a des public meetings pour demander au Gouvernement la reconnaissance de la république de Hongrie. Votre ami Milner s'y distingue. J'ai dîné hier chez Beauvale avec Ellice, il affirme que tout le monde est Hongrois au jourd’hui. Le prince de Canino est arrivé. Lord Palmerston l'a reçu. Il recevra certainement Marrini aussi. Demain & Samedi, lord Palmerston a de grandes soirées. On me dit cependant que Londres est à peu près vide. La peur [des] minorités vendredi à la chambre haute était si grande parmi les Ministres que Lord John lui-même a écrit des lettres de menaces à de vieux Pairs Tories pour les engager à retirer leurs proxies. Il annonce sa démission, une révolution, une république. C’est littéralement vrai ce que je vous dis. Lord Buxley, jadis Vansitart, a reçu une lettre de cette nature qui l'a tant épouvanté qu'il a de suite redemandé à Lord Wynfort le proxy qu'il lui avait confié. Je vous entretiens des petits événements anglais, biens petits en comparaison de tout ce qui se passe hors d'Angleterre.
Dieu veuille qu’il ne se passe rien en France. Il me faut la France tranquille, vous tranquille. Lord Normanby écrit qu'à [?] lorsque le Président y est venu on a crié à bas la république, vive l’Empereur et pas de bêtises. " Je trouve cela charmant, je ne demande pas mieux.

Midi. Voici votre lettre de Dimanche. La correspondance va bien. Gardons ce bien précieux le seul qui nous reste. J'envoie ma lettre à la poste de bonne heure, c'est plus sûr. J’aime ce qui est sûr. Adieu. Adieu. Je suis bien aise que vos amis viennent vous voir n'importe d'où. Je voudrais vous savoir entouré. Je ne veux pas que vous vous promeniez seul. J'ai si peur. Adieu. Adieu dearest. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Mercredi le 25 juillet 1849

Hier à neuf heures il y a huit jours nous nous sommes séparés. Le dernier adieu. Mon Dieu que c’était doux. & triste. Voici votre lettre. Il me semble que vous jugez ici les choses de votre pays comme vous les jugez depuis que vous y êtes rentré ; choses & hommes. Voyons ce que le temps amènera ? Il n'amènera pas de grands hommes, je crois.
Aberdeen est venu me voir hier. II est parti ce matin pour l’Ecosse. Pas très étonné du dévouement de Vendredi. Lord Brougham avait fait un discours des plus lâches, des plus longs, des plus ennuyeux du monde. Le parti était révolté. Il ménageait lord Palmerston avec une tendresse paternelle. Cela a dégouté beaucoup de monde. Quelques Pairs sont sortis disant qu’ils ne voulaient pas voter pour une motion faite par lord Brougham. Je crois que ceci était un prétexte, et que la vraie raison était la crainte de renverser le Ministère. Quoiqu'il ne soit les Lords Hefford, Pembroke. Tankerville, Cantorbéry, Willougby & & & s’en sont allés. Le duc de Wellington est parti aussi, il est vrai que pour celui-là son vote eût pu être de l’autre côté. On l’accuse fort de désorganiser encore un parti qui l’est déjà beaucoup. Lord Aberdeen a eu hier un dernier entretien très long avec lord Stanly. Ils ne sont venus à reconnaître qu’il n’y avait pour le moment aucun moyen de prendre les affaires ensemble quand bien même les circonstances écarteraient les présents ministres du pouvoir. Aberdeen parle très dédaigneusement de Peel. D'abord comme d'un défunt et puis comme du destructeur du plus grand et respectable parti qu’ait jamais eu l'Angleterre. Moi aussi, mon Peelisme est fini. Lady Alice, parle comme les autres. Aberdeen craint fort les meetings radicaux qui vont se tenir partout en faveur des Hongrois. Il trouve que l’esprit démagogique grandit. Cela l’inquiète.
J’ai oublié de vous dire hier qu' Ellice a reçu une nouvelle lettre de Mad. d'Osne sur le même ton. Thiers et toute la famille sera à Dieppe le 3 août pour y passer quatre semaines. Mon fils est venu me voir hier pour quelques heures. Sa tournée dans le pays lui a profité, il se porte mieux. Brunow envoie des courriers à Varsovie. L’Empereur doit y être revenu hier. J’ai été hier au soir chez Lord Beauvale. Nous sommes une grande ressource l’un pour l’autre Bulwer m'écrit une longue lettre de Francfort, Résumé. L’Allemagne veut l’Unité. La Prusse, si elle ne fait pas de fautes, formera une [?] du Nord. Les petits princes disparaîtront certainement. L'Autriche reprendra sa situation après que la guerre de Hongrie sera terminée. Il n’y a là rien de neuf.
Adieu. Adieu. Je pense à vous tout le jour. Cela n’est pas nouveau non plus, adieu, adieu.
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