Votre recherche dans le corpus : 1140 résultats dans 5493 notices du site.Collection : 1850-1857 : Une nouvelle posture publique établie, académies et salons (La correspondance croisée entre François Guizot et Dorothée de Lieven : 1836-1856)
Paris, Mercredi 8 octobre 1851, Dorothée de Lieven à François Guizot
J’ai trouvé Molé très bien de santé & imperturbable dans son opinion : que si le Président ne fait rien, il est perdu. Et il est très parfaitement pour le Président. Les articles de l'Union, l’Opinion publique & le Messager édifient sur la candidature Changarnier. Il a refusé de voter contre la [proposition] Creton. On a négocié l’abstention, & je ne sais si l'union s’en contente. Je ne crois pas jusqu’à présent. J’ai vu hier soir beaucoup de monde. & Fould & le duc de Noailles entre autres. Celui-ci aussi grognon & muet qu'il sait l’être. Très insupportable. On fait mieux de rester chez soi. Nous nous sommes querellés sur la lettre du Duc de Nemours. Lui trouve pitoyable qu’un Prince écrive à un journaliste. C’est peut être vrai, mais le genre admis, je trouve la lettre excellente, moins l’hospitalité.
Fould avait comme toujours l'air confiant & gai. Nous sommes restés cinq minutes seuls il était tard. Voici les seules paroles : faire de l'ordre à outrance. Les rouges attendent et espèrent tout des divisions. L'assemblée ne sera pas écoutée, elle est mourante. Mais le Président, il a la puissance, la force. On lui conseille beaucoup d'agir Fould n’est pas de cet avis, cependant ceci ne m’a pas paru définitif.
Mad. de l’Aigle qui revient d'Angleterre a beaucoup vu la famille royale. La reine très fusionniste, mais sans aucune autorité, les princes mal entre eux. Les jeunes disant devant Nemours, si nous avions été à Paris la monarchie ne serait pas touchée. Mad. Joinville mal avec Mad. de Nemours. La première très ambitieuse & gouvernant beaucoup son mari. La reine veut finir dans un couvent.
2 heures le duc de Noailles sort d'ici très content de Carni, il voudrait bien qu’on le prit au journal [Assemblée] nationale. Très content de vos conseils, ce qu’était aussi extrêmement M. Molé à qui j’ai montré hier votre lettre. Soutenir le président. Rester gouvernemental en attendant qu'on puisse faire la Monarchie. L’air est au coup d’état, cela revient de plusieurs bons côtés. Je ne puis plus aller. Mon pauvre Alexandre on lui refuse le passeport et on l’invite à aller au Caucase ! De l’ironie par dessus le marché. Adieu. Adieu.
Paris, Mercredi 9 juillet 1851, François Guizot à Dorothée de Lieven
8 heures
Les journaux vous apportent le rapport de M. de Tocqueville. Tout a marché plus vite qu'on ne croyait. Il n’en sera probablement pas de même du débat. 55 orateurs inscrits, sans compter les incidents ! Le Président ne posera pas sa candidature à la présidence de la République plus clairement que M. Od. Barrot n'a posé la sienne à la Présidence du Conseil du Président réélu.
J’ai éprouvé tout à l'heure, en lisant ce rapport une singulière impression de surprise et de malaise. J'attendais toujours qu’il parlât des deux questions auxquelles le sort de ce pays est suspendu, la question socialiste et la question monarchique. Qui dominera dans notre société le haut ou le bas de la population ? Dans quel gouvernement s’arrêtera la France, la République ou la Monarchie ? Voilà de quoi il s’agit vraiment, et de cela presque pas un mot. Tout cela est renvoyé à l'assemblée constituante qui viendra, si elle vient. La crainte de la réélection inconstitutionnelle du Président et la mauvaise organisation constitutionnelle de la République, voilà les motifs dominants, et seuls développés de la révision ! Je ne connais pas de plus forte preuve de l'ineffable timidité et faiblesse des esprits et des cœurs. Il me paraît impossible que le débat public ne pousse pas plus avant. Qui sait pourtant ?
Voilà votre lettre de samedi. J'espère que nous avons ressaisi le fil et qu’il ne se rompra plus. L'absence est déjà beaucoup trop ; mais le silence dans l'absence est insupportable. Je suis content que vous soyez contente d'Ems. Et très content de ce qu'on vous a dit à Bruxelles. Cela confirme la lettre d'Aberdeen. Je n'espère que de ce côté-là un peu d'influence sur Claremont. Il se peut qu’on se soit trompé ici sur l'effet produit là par la lettre du comte de Chambord au moment du vote sur la proposition Créton, et c'est grand dommage. Pourtant, je doute beaucoup de ce qui serait arrivé, si le vote eût été autre. Les bonnes intentions auraient-elles suffi pour résister au courant ? Je n'ai rien de plus. Je suis resté chez moi avant-hier et hier soir, un peu souffrant. Cela passe. Moi aussi j'ai besoin de sortir de Paris et de changer d'air.
Dans son discours à Beauvais, le Président, en parlant de Jeanne d'Arc et de Jeanne Hachette, a dit, et trés vivement : " Elles marchaient en avant aux cris de vive le Roi ! Vive la France ! " Vous jugez de l'effet. Les Ministres ont retranché, cette phrase dans Le Moniteur. Adieu. Adieu. J’ai ce matin chez moi, à midi, le baptême des mes deux petites-filles. Je vais faire ma toilette. Adieu. G.
Paris, Mercredi 9 mars 1851, Dorothée de Lieven à François Guizot
10 heures
Mercredi 9 mars 1851
Mots-clés : Amour, Relation François-Dorothée
Paris, Mercredi 9 mars 1851, François Guizot à Dorothée de Lieven
Mercredi 9.
Mots-clés : Relation François-Dorothée
Paris, Mercredi 10 novembre 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
Molé est venu hier pour quelques heures. Je crois avoir compris qu’il vous attend à Champlatreux la semaine prochaine. Le duc de Noailles y sera pour huit jours & puis il s’établit tout-à-fait à Paris. J’ai vu hier soir le Général Castellane qui avait déjeuné à St Cloud avec Jérôme. Demain le Sénat s’assemble pour un sénatus consulte inconnu. Voilà tout, je ne sais rien et je suis bien lasse. Adieu.
Mots-clés : Politique (France), Réseau social et politique, Salon
Paris, Mercredi 10 septembre 1851, Dorothée de Lieven à François Guizot
Hier M. de Buttenval, arrivé de Turin. Il est bien noir sur l’Italie. Pas le Piémont là cela va assez bien, & l'on se rapproche un peu de l’Autriche. Mais à Milan, à Florence à Rome, c’est aussi mal que possible. La compression autrichienne arrivée à sa dernière limite dans les deux premières villes. Une explosion, probable. Il ne sait rien sur Naples.
J’ai eu un long tête-à-tête hier soir avec le Général Changarnier. Il a beaucoup parlé et bredouillé, car vous savez que je ne saisis pas tout ce qu'il dit. Il s’est plaint des défiances, des maladresses, du manque d'ensemble dans le parti conservateur. On ne devait pas voter la révision, les départements n'ont été que les échos de la majorité. Elle est donc puissante. Elle pourrait donc faire mieux & autrement qu’elle ne fait. Sur la candidature Joinville il pense comme moi à peu près ; seulement il ne lui préfère pas comme moi le président. Il ne veut ni de l’un ni de l’autre. Et si c’était le Président nous aurions la guerre tout de suite. Il la ferait pour se soutenir. Cela faisait réponse l’indépendance est fort injurieuse pour vous au sujet des lettres sur Claremont.
Je vous écris vite et mal. J'ai les nerfs mal arrangés. Toujours de mauvaises nuits, toujours de l'agitation. Oliffe est revenu hier. Il me trouve changé et mon pouls aussi. Il dit que cela se remettre, mais je ne suis pas entrain de me remettre. J’avais fixé d’aller à Champlatreux aujourd’hui, j'y renonce C'est de la fatigue Adieu. Adieu. Adieu
On a fait hier l’opération à Decazes. Il ne va pas mal aujourd’hui !
Paris, Mercredi 11 août 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
Il vient de m'arriver un grand malheur. Mon Maître d'hôtel est mort subitement ce matin. J'en suis toute bouleversée. C'était un excellent homme, et un excellent serviteur et je ne sais comment le remplacer et je suis toute troublée et triste de cette catastrophe. Il y en a trop dans ma maison depuis quelque temps. Emilie vient de perdre sa soeur, il y a quatre jours. Fortunée a perdu son mari, il y a deux mois Auguste voit mourir sa femme. Moi je tombe. Qu’est-ce qui m’est réservé encore ?
J’ai vu quelques personnes hier et j’en ai manqué beaucoup d’autres & les plus intéressants. L'Autriche dînait hier à St Cloud. Je n’ai rien appris de nouveau. Duchâtel est venu encore une heure avant son départ. Kisseleff, bonne mine depuis Vichy. Mad. Strogonoff qui est partie ce matin. Elle est venue hier deux fois. Très aimable femme. Il pleut aujourd’hui. Je marche un peu mieux, mais toujours soutenue et très soutenue. Autre malheur. Tolstoy va perdre son fils le plus jeune. Je suis entourée de tristesse et je suis très triste. Adieu. Adieu.
Mots-clés : Mort, Portrait, Réseau social et politique, Salon, Santé (Dorothée), Tristesse, Vie domestique (Dorothée)
Paris, Mercredi 11 septembre 1850, Dorothée de Lieven à François Guizot
Thiers est à Bade. C'était un conte. Je n’ai pas fermé l'œil de la nuit, la poitrine prise, la tête aussi. J'ai fait venir Koll, je suis en piteux état. J'ai eu une lettre charmante de la grande duchesse Olga. Hier soir beaucoup de monde. Viel Castel entre autre, & lady Claud Hamilton belle comme un ange. Rien de nouveau. Pardonnez-moi mais je suis hébétée de mon rhume, j’espère mieux valoir demain. Je ne bougerai pas. Quel ennui ! Adieu. Adieu.
Salvandy a écrit sa mission à M. Pageot qui montre sa lettre.
Mots-clés : Circulation épistolaire, Réseau social et politique, Salon, Santé (Dorothée)
Paris, Mercredi 12 juin 1850, Dorothée de Lieven à François Guizot
Quel plaisir que votre lettre ce matin. Je vous reverrai dimanche. C'est bien charmant & c'est bien utile. Il sera ici samedi pour jusqu’à lundi. J’aurai dimanche soir chez moi, ceux que vous aimerez à rencontrer. Je suis très entrain de Lord Palmerston. J’ai tant de complices que l'ouvrage est facile. Savez- vous que je le crois bien entamé, bien malade. Le g[énéral] Lahitte est bien ferme. Il se loue du Président qui est très ferme aussi. Enfin jusqu’ici rien n’est fait. J’ai fait arriver en bon lieu vos soupçons sur ce qui pourrait se traîner à Athènes. On y fera attention. La manière dont la question est posée dans la négociation qui se poursuit ne rend pas raisonnable que l'intrigue à Athènes puisse aboutir. D’ailleurs j’ai vu [?], il me parait qu’il a pris les devants dès il y a 3 semaines. Il a bien conseillé de laisser faire la France. Quand je vous verrai, je vous dirai pourquoi ma lettre est si courte aujourd’hui.
Depuis onze heures pas un moment jusqu’à présent 2 heures. Rien à vous dire. La dotation passera, tout le monde le dit à présent. Le discours du Président dans son voyage, fait du bruit. On le trouve un peu socialiste. Au demeurant ce voyage a été excellent pour lui. L'accueil partout, parfait. Changarnier ne le fait pas voir, on n’entend pas parler de lui. Mes fils sont toujours ici. Adieu. Adieu. Adieu Chreptovitz est en activité et en grande confiance pour moi. Morny que j’ai vu hier on dit que Flahaut ne voudrait pas qu’on fût trop raide. Mais cela n’agit pas sur Morny d’ailleurs je vous répète Lahitte est tout-à-fait décidé. Adieu. Adieu.
Paris, Mercredi 13 août 1851, François Guizot à Dorothée de Lieven
10 heures
Vous n'aurez que deux lignes. Je suis arrivé ce matin. J’avais très mal dormi la nuit, en voiture. Je me suis endormi ici, dans mon fauteuil, et je me réveille au moment où le facteur arrive et demande mes lettres. A demain la conversation, car il y a de quoi causer mais point de nouvelles à dire.
J’ai vu Molé, Berryer, Duchâtel, Montebello, Montalivet, Valmy, Vitet, une heure avant de quitter Paris. Je vous dirai dans deux jours avec précision mes arrangements de voyage à Londres, pour que nous puissions les faire cadrer avec vos arrangements de retour à Paris. En tout cas, je repars d’ici le 23 au soir, et de Paris le 24 au soir pour être à Londres le 25 et à Claremont le 26. C'est très ennuyeux de vous écrire pour que vous n'ayez pas mes lettres. Il n’y a personne au delà du Rhin à qui j’aie envie d’écrire. Adieu, adieu.
G.
Paris, Mercredi 15 octobre 1851, Dorothée de Lieven à François Guizot
J’ai passé la nuit ayant Oliffe auprès de moi, & des cataplasmes de moutarde autour du corps. Un mouvement de bile affreux. Je me suis levée à l'heure seulement & depuis là jusqu'à présent Molé, Vitet & Montebello. Ils me quittent à l’instant.
La commission a décidé d'appeller demain les ministres. L'avis de Molé est qu’il ne faut pas convoquer l'Assemblée. Il est persuadé que le Président ne fera pas un coup d'état. On ne trouvera pas de ministres. Les anciens resteront en attendant. Thiers est effrayé à mort. Changarnier n’a pas ouvert la bouche à la commission. Montebello seul a parlé pour ce que vous dit le commencement de ma lettre. Pardonnez cette brièveté. Je suis bien souffrante. L'heure me presse. Molé est venu à 11 heures, & repart tout de suite. Falloux est chez lui à Champlatreux. Molé bien sensé. Adieu. Adieu.
Paris, Mercredi 16 octobre 1850, Dorothée de Lieven à François Guizot
Jamais je n’ai vu un visage plus renversé que celui de Kisseleff hier soir, à propos d’un article du Bulletin de Paris sur le départ de M. de Persigny pour Berlin. Je ne l'ai pas lu. Il dit que la France & l'Angleterre vont soutenir la Prusse. Je ne puis pas le croire. Le général Lahitte affirmait l’autre jour, en me parlant, que quoiqu'il arrive, la France restera neutre dans la querelle de la Prusse & de l’Autriche. Ses réponses à ce que vous me demandez au sujet de Morny Je vous envoie l’indépendance Belge. Je ne crois pas que ceci fasse plaisir à vos amis.
Je n’ai pas revu Morny depuis votre départ. S'il est besoin je demandais à l’ambassade d'Angleterre les armes de ce pays à l’époque que vous dites. Les fleurs de lys y étaient, car je les ai encore trouvées en Angleterre. Elles n'ont disparues que de mon temps. Mad. Rothschild est venu me voir hier. Contente & tranquille. On dit que M. d’Hautpoul sera renvoyé. moi je n'avais pas compris cela. Marion a remonté avant hier le général Changarnier & Thiers chez la princesse Grasalcovy. Le duc de Bauffremont qui était ici hier soir sortait de dîner chez le président. Il y avait le duc de Capone & le prince de Canino, deux jolis sujets ! Point de nouvelle de là ! Les conversations sont très animées à Paris & certainement à votre arrivée vous trouverez les têtes très échauffées. La mienne pas j’espère. Vous trouverez dans l'Indépendance l'article du Bulletin de Paris qui passe pour appartenir à l'Elysée. Dites-moi l’adresse de Broglie je suppose que lundi & mardi c'est là que j'aurai à vous écrire. Adieu. Adieu.
Si nous causions il y aurait bien à bavarder. Adieu.
Paris, Mercredi 17 septembre 1851, Dorothée de Lieven à François Guizot
J’ai dormi cette nuit. Si je n’avais pas dormi je n’aurais plus été en état de vous écrire. Hier Rothschild, Kisseleff, Hubner, Mercier. Thiers a dit à celui-ci que le Président resterait probablement. Rothschild est bien orléaniste & il veut à tout prix sortir de la République. Il ne se dit rien de nouveau. J’ai rencontré hier le Président. Je l'ai salué avec empressement et respect. Il a bien répondu : “ Moi, je suis très pour le président.” Baroche a dit hier à Antonini que Sartiges lui mande que Lopez a été tué dans un combat et que cette nouvelle est un grand débarras pour le [gouvernement] américain. Quand on a appris en Angleterre que la France voulait soutenir Cuba, le langage, a changé & on marche comme la France. Je vous dis ce que me dit Antonini, c’est mon rapporteur. Montebello, ira je crois certainement à Claremont avant le 4 nov. Il veut aller dire que si on persiste, il votera contre la proposition Creton. Adieu. Adieu.
J'écris enfin à l’Impératrice au sujet de mon fils. Je perds patience et je [?] à elle. Adieu.
Paris, Mercredi 18 août 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
L’entant de ce pauvre Tolstoy est mort cette nuit. Huit jours d'agonie c’est affreux. Le pauvre homme est brisé. Molé m’est arrivé hier. Très inopinément avec une très bonne mine. Il dit que la Duchesse d'Orléans est parfaitement brouillée avec sa famille. Elle triomphe de l'échec. Elle ne veut plus ramener. ses enfants à Claremont ils y puisent de mauvais principes. Jamais elle, elle ne cèdera sur les droits de son fils. Changarnier se dit brouiller avec elle aussi. Thiers revient demain ou après. Voilà tout Molé plus la très grande humeur de tout. La corde est trop tendue. Il abuse de son pouvoir le mécontentement gagne. Il éclatera. Je ne crois pas cela du tout. Il passe encore la journée ici. Le bal de St Cloud a été une foule & un fouillis. On ne sait pas même si on a dansé. Le Prince donnera dit-on deux autres bals plus selects. Milnes est venu plusieurs fois me voir. Il est bien adouci. Rien de nouveau à vous dire. Je n’ai vu personne d’intéressant ces deux derniers jours.
Adieu. Adieu.
J’ai trouvé un [Maître d’hôtel] reste à voir s'il est bon.
Paris, Mercredi 18 septembre 1850, Dorothée de Lieven à François Guizot
J'ai été hier au Pavillon de Breteuil. L'hôtesse charmée et en train. Elle m’a raconté Bade d'où on lui écrit, que les princesses se querellent. Madame Hélène & la reine des Pays tout-à-fait brouillées. La grande duchesse Stéphanie au milieu de cela embarrassée. Thiers au pieds de toutes. Elle m’a répété que Thiers a été ici, qu'elle l'a vu. Qu’il a été à Clarmont ou plutôt à Richmond. Malgré tout cela j’en doute et Dumon que je voyais hier soir en doute aussi. Mad. Rothschild est venue me voir. Vantant beaucoup le bon état de commerce la nécessité de faire durer un si bon état de choses. M. de Sébach gendre du comte de Nesselrode a eu demain une audience du Président. Il a été charmé de lui. Le Prince Paul & lady Holland sont aussi venus hier matin. Celle-ci racontant que lord Palmerston est à Boulogne. C'est des contes. Le soir le général, les Brignoles, les Sébach, Dumon, Kisseleff, Viel Castel, bonne conversation générale. Rien de nouveau. La vraisemblance que l'électeur de Hesse abdiquera. Les Danois victorieux. Je vous écrirai par votre fille. Aujourd’hui j'écris à Varsovie par un coursier. Chreptovitz père vient de mourir subitement. Cela met son fils, fils unique à la tête d'un très grande fortune, et l’a obligé de se rendre de suite en Russie où il passera l'hiver. M. Rollin vient de mourir. Je crois que je ramasse toutes les nouvelles pour vous faire rire ou pleurer. Saint Aulaire arrive demain pour quelques jours. Adieu. Adieu
Mots-clés : Conversation, Femme (politique), Politique (France), Réseau social et politique, Salon
Paris, Mercredi 18 septembre 1850, Dorothée de Lieven à François Guizot
Changarnier a été fort en train de confidences. Je voudrais pouvoir tout redire mais je vous dirai l’essentiel. Bien avec le président, & cherchant à le rester. Fort soupçonné par lui mais cajolé. Mal avec le M. de Laguerre. L’assemblée le renverra. Le Président se défend tous les jours d’avoir connaissance du 10 Xbre. Il y est jusqu'au cou. Dans sa tournée recueillant d'assez bonnes paroles du clergé de la noblesse & des paysans. La classe moyenne lui est hostile, (c'est tout le contraire de ce que vous croyez) très décidé à ne pas prolonger les pouvoirs du Président, mais plutôt à les abréger, en complète dissidence avec Molé sur ce point. Mais Molé est un poltron. Le président devrait comprendre que son intérêt est de servir une restauration. Mais il ne comprend pas. Il veut le pouvoir, & il ne le veut que pour avoir quelques chevaux de plus. Plein d’ardeur pour qu'on s’entende avec les légitimistes pour qu’il n’y ait qu’un seul cadeau. Il faut poursuivre mettre tout le monde à l'ouvrage, vous y êtes nécessaire, indispensable. Furieux contre Piscatory, il faut que vous le [?]. La Reine Amélie admirable & puissante sur sa famille plus que n'était le roi. Bien content de tout le chemin qu'on a fait. En pleine, en grande espérance, tenant tous les fils. Thiers croit qu'il me mène. C'est moi qui le conduit où je veux. Une femme entre cela, Mad d'Osne. Mais il lui cache déjà certaines choses. Je l'amènerai à lui cacher tout. Chacun croit me tenir. C'est moi qui tiens tout ce monde. Des questions encore sur Chambord.
La France a vu la ligue, la fronde. Après cela elle a eu un grand règne. Elle aura cela encore. Voilà à peu près l’essentiel. Mad. Rothschild tout le contraire à propos du Président. Il faut le faire durer. Jamais le petit commerce n’a été aussi content, &. Changarnier lui avait raconté tout ce que je lui ai dit sur le comte de Chambord. Elle m’a prié de recommencer. Parce que lui en avait été très frappée. En récapitulant tout Changarnier s'est montré plus légitimiste que je ne l’avais jamais vu. Car que signifierait sans cela sa grandissime colère contre Piscatory qui est allé prêcher à Clarmont une croisade contre les légitimistes.
Le 19. M. Molé ardent pour la fusion au moins autant que vous. Son thème pour faire des conversions est celui-ci : il n'y à que Henri V qui puisse raviver le régime parlementaire. Il développe cela très bien. C’est trop long pour moi, mais il dit que cela entraîne bien des gens. En grandissime et constante méfiance de Changarnier. Carlier qu'il venait de voir, lui a laissé clairement voir qu'on va, dès la rentrée de l'Assemblée, procéder à la prolongation. Carlier dit que les sociétés secrètes sont aussi actives que jamais. En relation avec les autres sociétés européennes. L'Angleterre très malade de cette maladie là. Les Allemands les plus actifs la dedans. Normanby parlant mal de Palmerston & désirant sa chute. Il l’a dit à Molé. Je crois vous avoir tout dit. Molé trouve que Changarnier me mystifie un peu. Après tout c’est possible.
Le 22. Je me souviens exactement du propos suivant de Changarnier. " Thiers a dit à la grande duchesse Stéphanie. Votre neveu est un sot. Il n’y a d'homme important en France que Changarnier, & Changarnier C’est moi. "
Paris, Mercredi 20 octobre 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
Chomel d’abord et à présent Andral, celui-ci tous les jours depuis 20 jours et moins bien depuis lui. Voilà. J’ai vu hier Fould longtemps. C’est en décembre que sera fait l’Empire. Ce n’est pas lui qui a conseillé la mise en liberté d’Abdel Kader. Le blâme est plus général que l’approbation. Thiers est violent dans les premiers. Je vois beaucoup de monde. On cherche à me distraire. Tout le monde me trouve bien changée. Les forces s’en vont tous les jours. Adieu. Adieu.
Mots-clés : Empire (France), Politique (France), Réseau social et politique, Salon, Santé (Dorothée)
Paris, Mercredi 22 octobre 1851, Dorothée de Lieven à François Guizot
Mon ministère était défait dans le moment où je vous l’envoyais hier. On ne savait rien dans la soirée. On croit beaucoup à [Brunier] aux Aff étrangères & à des collègues tous extra parlementaires. Ce sera un relai, le vrai attelage arrivera plus tard.
Je me sens bien faible. Deux jours de suite vivre sur un artichaut c’est trop extravagant. Aujourd’hui je me révolte, car j'ai des défaillances.
Antonini est revenu hier de Bruxelles. La candidature Joinville se poursuit très hautement. Léopold lui en a parlé, en se donnant pour étranger absolument à tout ce qu'on fait à Claremont. Antonini est convaincu que les Légitimistes seraient des sots s'ils se donnaient à Changarnier.
Le nonce a vu le Président hier il lui a répété les mêmes choses qu'à moins de détails, du moins il ne m'en a pas conté autant. J'oubliais de vous dire que parlant de la loi du 31 Mai il a dit : " Elle était faite en vue des intérêts orléanistes. Elle s’adressait à la bourgeoisie. Moi, mes mandataires c’est le peuple, la campagne. C'est là où je retourne.”
J'ai eu une longue lettre de Lady Palmerston non provoquée, très tendre. & pas intéressante. Vous la verrez quand vous viendrez. Adieu. Adieu.
Le Prince de Joinville a chargé M. Adiot l'orfèvre, le 19, il y a trois jours, d'annoncer qu'il accepte la candidature pour le Président. Arrangez cela avec les lettres où il dit de suspendre !
Paris, Mercredi 22 septembre 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
Vous m'avez pardonné hier. J’étais si fatiguée. Aujourd’hui j'ai dormi, et on m’a permis hier de manger un peu. Je me sens plus vivante. Le discours du Président devant la statue est la grosse affaire. Tout le monde le commente Il est habile. Chaque mot est une intention. Pour l’Empire, il laisse les choses où elles étaient. Cependant il est un peu en arrière des quatre mots à Nevers. Fould que j’ai vu hier matin dit que quant à l’enthousiasme, c'est à ne plus trouver de mots pour le raconter d’une manière vraie. Il en rit lui-même. Il me dit " cet homme est bien le maître de la France, le maître comme on ne l’a jamais été. Il la tient dans sa main. "
J'avais chez moi Heckman hier matin lorsque Montalembert est entré ; à peine celui-ci assis qu’arrive Fould nous voilà à nous quatre ! La place n'était plus tenable. Montalembert avait pâli d’émotion et de colère, il s’est levé et il est parti. Beauvale me mande que le Times est acheté par les Orléans et payé très cher. Lady Palmerston m’écrit aussi ; il n’est pas question de Nice. Le ministère anglais tiendra. La mort du duc de [Wellington] ne fait pas un très grand effet réel mais le regret public est universel.
Fould me dit : " nous avons commencé les hostilités avec la Belgique. " Vous avez lu le décret élevant les droits sur la houille & les fers. On répondra de la par les vins et les soieries et on finira par chasser les ministres. ces décrets au dire de Fould feront grand plaisir en Angleterre. J’ai vu hier soir beaucoup de monde, mais comme je le renvoie à 10 h. Cela ne me fatigue pas. Interruption. Adieu. Adieu.
Paris, Mercredi 23 octobre 1850, Dorothée de Lieven à François Guizot
Je ne sais rien hors le fait du général [Schrans], ministre de la guerre raconté partout. Le monde hier & aujourd’hui. par le journal des Débats. Mad. de Contades qui venait de dîner chez le Président avec tous les ministres, n’en savait pas un mot hier soir et doutait ou faisait semblant de douter. Ce dîner était donné en l'honneur de la Toison d'or. Il y avait l’Espagnol & le Turc, je ne sais ce que le Turc avait à faire là-dedans.
[Stokhamm] est arrivé hier de Hanovre, il est venu chez moi de suite. Son roi accablé. Il ne trouve par un ministre qui se charge de ses affaires. Tous veulent aller plus loin même que M. Steeve. Le Hanovre est très exposé. Il serait envahi de suite par la Prusse ; il n'y a pas moyen. Ce qu’on peut faire de plus hardi est de rester neutre. Hubner hier soir inquiet. Si mon empereur ne se décide pas, dieu sait où l'on va. Et l’on craint les affections de famille. L'Autriche est tellement engagée que la guerre est inévitable si la Prusse ne recule pas, et si nous ne parlons pas très haut et très ferme, elle ne reculera pas. Il est impossible que tout cela ne soit pas tranché d’ici à 10 ou 12 jours au plus.
Il y avait un dîner hier chez Thiers pour Changarnier, Grasalcoviz & Kisseleff. Lady Jersey a été retenu à Hanovre elle n'arrive qu'à la fin de la semaine. Je crois qu'il y a quelque désaccord entre cette lettre et les précédentes où je vous disais que la Prusse reculait. Elle a reculé quant à l’Union. Erfert est fini. Mais il faut qu’elle reconnaisse la Diète, voilà l’ultimatum de l'Autriche, et la Prusse s'y refuse. Elle veut son indépendance. La Hesse est le symptôme. C’est la diète qui y entrera. Et c’est dans cette qualité que la Prusse conteste ce droit d’y entrer. Adieu. Adieu.
Paris, Mercredi 24 septembre 1851, Dorothée de Lieven à François Guizot
Hier matin F. Byng. le duc de Noailles. G. Delessert, celui-ci bien triste, bien affecté. Très contre Joinville. Byng ditto. Du reste sur les affaires anglaises un peu de l’avis de la personne à qui il parle. Le duc de Noailles de fort mauvaise humeur, cela est plus saillant que la tristesse. Il venait causer avec le duc de Lévis qui part aujourd’hui pour Frohsdorf comme Molé, Noailles est pour le coup d’Etat. C’est superbe et facile à l’entendre parler. Seulement... Il faut que le Président le fasse seul, personne n’en veut partager la responsabilité. C’est commode. Il ne faut pas dire après cela que c'est le Président qui manque de courage. Les Légitimistes voteront tous contre la [proposition] Créton, mais après si elle est rejetée il leur sera difficile de ne pas voter les lois pénales, ils les voteront donc sous condition expresse qu’elles s'appliquent à Joinville. Le duc Rollin, tous les candidats inconstitutionnels. Voilà donc tout le monde écarté. Alors quoi ? Changarnier. Et Changarnier pour qui est-il ? Tout cela est de la pitoyable conduite. Dumon me disait hier soir que Paul de Ségur arrive de Claremont. La Candidature semble décidée. Le duc d’Aumale est de cet avis. Il est allé à Eisenach. M. A. Bertin finira par appuyer Joinville quoique ce ne soit pas tout-à-fait son goût.
Je regrette que vous ayez quitté Broglie. Il me semble que vous y étiez utile. Mes yeux ne vont pas bien. Voilà mon souci actuel. Marion ne revient que demain. Adieu. Adieu.
Dumon est allé passer la journée à Champlatreux. Montebello revient de Chalons demain. J’ai rencontré hier le Président très triste. Il suivait tout pensif le chemin de St Cloud. Il ne manquait rien. Le cheval se conformait à sa triste pensée. Je trouve comme vous l’article sur la vicomtesse trop, & même beaucoup trop. Vitet ne vient jamais. Je lui fais cependant parvenir des agaceries. À propos, j’ai parlé moi-même au concierge de Montalembert. On ne sait pas son adresse. Pas un de ses gens n'est à Paris. Où demander. Je demanderai cependant encore.
Paris, Mercredi 25 août 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
On se fâche fort ici de l’événement de Berlin. On conteste cela avez d’autre lieux où tout s’est passé le 15 selon les désirs de la France. Il faut qu’il y ait un luxe de maladresse de la part de M. de Varennes. Au reste je vous ai dit que ce n’est pas là seulement, à Bern cela a été encore pire qu'à Berlin. On me dit que les Belges ont été fort piqués du voyage de la Reine d'Angleterre, de voir tous les vaisseaux anglais sonder l'Escaut, prendre des notes & & cela a été très impopulaire. M. Drouin de Lhuys a dit hier à un diplomate que le nouveau traité avec la Belgique était tout à l’avantage de la France au delà de ce qu’il aurait jamais cru possible. Il a dit aussi au même, l’Empire est fait.
Dumon est venu me voir hier de Versailles. Je lui avais prêté Cromwell. Comme moi. il a été très accusé, mais de même que moi et plus que moi, il dit pourquoi ; & il ajoute que c'est fâcheux pour vous et pour les autres. Je vous en prie restez en là. Voilà votre lettre, qui explique. C'est peu connaître l’homme que de croire qu’un avertissement public puisse agir sur lui et le retenir ce serait plutôt propre à faire l’effet contraire.
Les petits dîners élégants, les lotteries, les cadeaux continuent à St Cloud. Mad. Sebach y a gagné hier une belle bague rubis & et diamants. La surveille Mad. Woronoff m’avait rapporté une émeraude & diamants. Il faut être riche pour cela. Toujours 6 ou 8 dames bien dotées. Le temps est beau, mes forces ne viennent pas, elles s'en vont. Je suis très découragée. Adieu. Adieu.
Paris, Mercredi 25 septembre 1850, Dorothée de Lieven à François Guizot
Le Cte Schulenburg est venu hier soir me raconter Versailles où il a été. Superbe spectacle, la foule nombreuse mais tranquille. La troupe très animée après le banquet et au défilé. " Vive l’Empereur " A peu près général, moins l'artillerie qui s’est tue. Changarnier en face du Président avec ses aides de camps. Le Président avait avec lui Normanby les princes indiens et beaucoup d'Anglais en uniforme, pas d’autre uniforme étranger. Deux calèches en évidence lady Normanby & Mrs Howard. Le Président s’est approché de l'une & de l’autre. Toutes les autres calèches renvoyées en arrière. Voilà la journée. Le duc de Noailles est venu hier soir consterné de la circulaire. Il a écrit à Berryer pour le prier de venir. Il est convaincu qu'il sera aussi consterné que lui-même. Voilà Wiesbade bien démoli. Comme ces gens-là sont stupides. Demain le duc de Nesselrode revient de Champlatreux, & ne retourne à Maintenon que vendredi. J’ai vu hier soir les diplomates. Rien de nouveau. Brunow n’ira pas à Varsovie, en sorte qu’il ne verra pas la cour cette année. Il habite Clarendon Hôtel. Il croit Ashburnham house infectée. Je n’ai point de nouvelle à vous dire. Le Constitutionnel a un article très bien fait sur Wiesbade. Vous lisez le journal je crois. Adieu. Adieu.
Il est possible que j'aille à Champlatreux pour dîner. Lady Allice Peel est parti hier soir pour Londres. En me disant Adieu, elle. s’est écrié. "Je vous aime comme mon cœur ! " J’ai trouvé cela très original. Adieu. Adieu.
Mots-clés : Diplomatie, Politique (France), Presse, Réseau social et politique, Salon
Paris, Mercredi 26 juin 1850, Dorothée de Lieven à François Guizot
Voici votre lettre d’hier. Celle de Lundi me manque encore, à moins que vous ne m’ayez pas écrit, ce que j’ai peine à croire. La discussion à Londres se prolonge. Lady Allice seule m'écrit, & me dit que Sir J. Graham avait parlé contre le g[ouvernement] & que certainement Peel voterait & parlerait contre aussi ! On croit que la majorité pour le gouvernement sera de 30 voix, plus peut-être. Voici dans ce moment une lettre de Brougham. Il croit aussi à la majorité, mais il dit c’est égal, après le vote à Le Chambre haute Palmerston ne peut pas tenir & Lansdowne ne peut plus présider car les Pairs seront ingouvernables après le démenti qui leur aura été donné par les [Communes]. Voici votre lettre de lundi aussi.
2 heures. J’ai été interrompue Chreptovitz pendant trois heures. Une lettre de Lord Stanley. Content de lui même, & disant que quand bien même la Chambre basse appuierait Lord Palmerston. Il ne peut pas durer. J’ai appris par une source. intime très sûre que les ministres avaient demandé l’intervention active de Changarnier pour emporter le vote. Il y avait donc quelques confidences de ce qui devait se passer à l'Assemblée, mais bien peu. Hier le Président a offert avec convenance ses remerciements au général. On me dit aussi que si l'Assemblée n’avait pas voté pour, le Prince était [?] de retrouver la somme, et bien au delà, dans une souscription nationale, et qu’au fond cette alternative lui eût convenu. Les situations respectives restent ce que je vous disais hier. A Londres hier il restait encore à avaler cinq longs discours : John, Palmerston, Disraeli, Peel, [?], sans compter les autres, c’est ce qui me fait douter qu'on aie pu voter hier. Il fait une chaleur accablante si je pars samedi ce sera le soir. Adieu. Adieu. Adieu.
Paris, Mercredi 29 octobre 1851, Dorothée de Lieven à François Guizot
1 heure
Je suis encore dans mon lit, avec des étouffements. Vitet que j'ai vu hier soir m’a prié de vous dire qu'il a vu les lettres du duc de Nemours à M. Bauchez témoignant du vif chagrin de la reine & du sien à l'occasion de la mort de la Dauphine. Le Duc de [Nemours] était son filleul. On va célébrer une messe, et on écrit au duc de [Mont?] pour le prier de chercher un complimenteur convenable pour Frohsdorf. On espère that he will take the hint. Cela serait très bien.
Longue visite hier matin de M. Dupin. Blâmant beaucoup, espérant peu de l'Assemblée à cause de ses divisions. Des regrets, des hélas de ce que chacun s'occupe de son intérêt ou de son penchant personnel. Le mieux serait que le comte de Chambord abdique ! Il pense bien de Corbin & Giraud, il rit du reste surtout de Fortoul. Il n’ira pas à St Cloud, il s'est borné à s’inscrire à l'Elysée. Le soir Pasquier m’a dit qu’il croyait que Corbin refuse. Il n’est pas ici encore.
Je voudrais bien mes nouvelles. J'en suis bien loin aujourd’hui. Rien de Pétersbourg. Adieu. Adieu.
Je trouve votre discours à Falaise extrêmement bien. Avez-vous trouvé la statue extrêmement belle ?
Paris, Mercredi 29 septembre 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
Je commence par ma visite. Il est bien plus poli de ne pas aller à la porte quand on ne peut pas monter. C’est l'escalier de la [grande duchesse] qui fait l'obstacle, et je ne puis pas la traiter comme Mad. Lagrange, l'impolitesse serait là. Au reste ne vous inquiétez pas, elle m'adore, et elle a pour cela des raisons. Chomel me quitte à l’instant, il part ce soir pour Lausanne. La Reine lui y donne rendez- vous. Il est mécontent de l’état général de la santé de la [duchesse] d’Orléans. Point de nouvelle hier. Vous remarquerez aujourd’hui dans le Moniteur " la Méditerranée les Français " dans la bouche du Prince ? Que dira l'Angleterre et d’autres ? Voilà le Ministère Belge renversé.
Molé était triste hier soir, Kalerdgi venait de partir. Il se moquait beaucoup de Lord Howden qui à 50 ans passés est aux pieds de Mad. Odier ! C'était fort drôle. Lasteyrie est très lié avec les Sebach, & se rencontre là avec Hekern, & un M. Chevreau secrétaire de Persigny. Les Anglais ici parlent bien haut de guerre et de la nécessité de se mettre en état de défense. Adieu. Adieu.
Paris, Mercredi le 8 septembre 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
J’ai vu hier M. Fould, trés engraissé, très content, très confiant très puissant. Il ne bougera pas de Paris pendant le voyage du Prince tous les autres ministres se relayeront à tour de rôle auprès de lui. Fould reste pour répondre de tout et pourvoir à tout. Il est très content de la disposi tion du pays. Partout l’autorité puissante, obéir, les populations contentes. Ce n’est pas lui qui a rédigé l’adresse de son conseil général c’est M. d’Aguilleau. Il en rit. On ne parle pas d’Empire. Le Prince sait fort bien ce qui est dans son intérêt. Il fera attendre. Il a plus d’esprit que les autres. Le voyage sera une ovation. Il regrette la guerre au Times, cela ne continuera pas. On exécute doucement les décrets. Je n’ai dit que deux choses : que le Prince se conduise toujours dans son intérêt personnel, & il a trop d'esprit pour ne le pas connaître. Et puis qu'il laisse tranquille son oncle. Il en a assez parlé. Il a le droit de parler de lui même. J'ai bien relevé aussi l’impatience des ennemis de le voir empereur. Cela a déjà frappé. Voilà en raccourci. Il n’a pas été question de mariage.
Je suis charmée que Fould reste. J’ai été hier soir un moment chez Mad. Salovoy. Fête, illu mination, bal. 18 Hongrois musiciens admirables, dans leur costume pittoresque j'y ai été pour les entendre. à 10 h. j'étais dans mon lit. Aggy a remis son voyage à la semaine prochaine. Les Delmas restent, Kolb reste donc aussi. On regrette à Berlin que Manteuffel n’aie pas donné sa démission, vu le secret que le Roi lui a fait de la faveur rendue à Radowitz, il aurait eu avec lui l’opinion, la bonne qui est toujours la plus puissante en Prusse. Madame de la Redorte croit que le coup porté à Molé par le [?] de camps de Kalerdgi est plus fort encore pour [?] que le 2 décembre. Adieu. Adieu.
Paris, Samedi 1er juin 1850, Dorothée de Lieven à François Guizot
Hier matin le duc de Nesselrode, Duchâtel, Dumon. [?] Montebello, Kisseleff. Le soir Nesselrode & Montebello. La Prusse, l’Autriche & Naples. La loi votée à une très grande majorité comme vous voyez. On s’attend aujourd’hui à du scandale à propos des pétitions contre la loi. Il m’a semblé que je pouvais rendre un compte succint à vos amis de votre dernière matinée. Ils en étaient curieux & ont été charmés. Ils étaient ici successivement, pas ensemble. Antonini a eu une audience. du Président dans laquelle celui-ci lui a dit que Palmerston avait promis de ne pas employer la force à Naples mais qu'on ne pouvait pas se fier aux promesses de Palmerston. “ Le président a dit encore à Antonioni qui lui faisait compliment sur l'appui éclatant que lui donne la France dans sa conduite ferme envers l'Angleterre" cela prouve bien à quel point l’entente cordiale avec ce pays-là est antipathique à la France. Tout cela est bon, mais je crains que les faiblesses ne reviennent. La négociation en est toujours là. Mais on sait ici à quel point Palmerston désire aboutir avant la discussion du 7. Cela donne ici une grande force, j’espère qu'on en profite.
La duchesse d’Orléans est allé rejoindre la famille royale et St Léonard. On dit qu’elle était restée en arrière dans l’attente d’un événement à Paris. Quelles illusions ! Des avertissements sont partis de Londres il y a 3 semaines sur des tentatives d’assassinat des 3 souverains, roi de Prusse & les deux Empereurs. Cela m’a été dit par Molé & par Hatzfeld. 2 heures. Une longue lettre de d'Ellice assez importante pour que je l'envoie à Aberdeen. Ellice doute qu'Aberdeen & Stanley soient in earnest. S’ils l’étaient le vote de mesure renverrait indubitablement. Immense effect est le terme dont il se sert. Je suis entourée, La Redorte est venu, bien ennemi de Changarnier. Voici votre lettre merci.
Paris, Samedi 4 octobre 1851, Dorothée de Lieven à François Guizot
Le duc de Noailles est venu me voir hier un moment. Vous devez savoir que le Comité légitimiste a décidé ces deux choses. 1° on ne choisira pas de candidat avant l’élection de la nouvelle assemblée & l'on pressera cette élection 2° on ne prendra pas pour candidat à la Présidence un nombre qui aurait voté pour la proposition Creton. L’exclusion est formelle, et elle a été formellement annoncée au général Changarnier Il est évident qu'il a repoussé, et qu’il votera pour. Voilà donc qui est fini. Je trouve l'humeur des Légitimistes très tranchante. Certainement ils finiraient par voter pour le Président actuel.
J’ai rencontré Thiers chez la [duchesse Mackikoff], il y est tous les jours & tout le jour pérorant, ne se compromettant pas. Je lui ai dit quelques petite paroles provocatrices il ne s’est pas laissé entraîner. Il est monarchiste orléaniste et puis c’est fini. Très contenu sur les personnes. Enfin je n'ai rien à citer. On ne se battra pas dans la rue, les rouges sont battus d'avance. On se battra beaucoup à l’Assemblée & & & bien amusé comme tout le monde de la correspondance sur Abdelkader. Cela passe vraiment toute imagination ! Je me permets de blâmer la réponse du président. Lamoricière veut [rosser] Londonderry quand il viendra à Paris.
J’ai vu le soir mes diplomates. Je n’ai pas vu Dumon. Il ne m’est pas très fidèle. On ne parle que d'ici. Je ne sais pas un mot sur ce reste de l’Europe. Thiers était bien monté hier contre l'Angleterre. Sur ce point il dit comme tout le monde. Vitel est parti pour 15 jours pour les environs de Dieppe. Narvaez & Bulwer sont les plus grands amis du monde. Celui-ce retourne à Londres. Lady Cowley est fort malade. Adieu, adieu.
Paris, Samedi 5 juillet 1851, François Guizot à Dorothée de Lieven
Midi
Je suis impatient que notre correspondance ait pris son cours régulier. Je n'aurai pas de lettre aujourd’hui. Il en est venu hier de Montebello. Tard, mais bonnes. Il a trouvé la Reine et le Duc de Nemours exactement dans les mêmes dispositions où nous les avions laissées ; établis dans l'abstention, mais toujours pour la fusion, et approuvant qu’on démente hautement, dans les conversations et dans les journaux les gens qui veulent se servir de l'abstention contre la fusion. Le Prince de Joinville a tenu le même langage. Le Courrier de la Gironde n’avait nul droit de dire ce qu’il a dit et on a droit de le lui dire. D'après ceci et sur l'avis formel de Montebello, la résolution qui avait été prise avant son départ a été immédiatement exécutée. Ils sont partis hier soir. Nous verrons, si et comment ils seront reçus. Mad. la Duchesse d'Orléans, peu avant de quitter Claremont pour Edimbourg, a dit en rencontrant dans la conversation, le nom de M. de Falloux : " On dit que c’est vraiment un homme distingué ; je serais bien aise de causer avec lui. " Donc là rien de nouveau et rien de décisif.
Ici, toujours même travail pour répandre que les Princes sont décidément contre la fusion. On dit plus ; on dit que nous le savons, et que nous sommes bien près, nous-mêmes de n'être plus pour, faute d'espérance. De braves gens viennent me demander, si je suis encore du même avis. Je suis tenté de demander à mon tour, si on me prend pour un étourneau. Mais je ne fais pas le fier ; j'écoute, je démens, j'explique le mensonge, je raconte la vérité. Que de tracas dont on pourrait se dispenser ! Mais le tracas est l'amusement.
J’ai été hier au soir chez Mad. de Staël. Le Duc de Broglie était aux Pyramides. Piscatory est venu arrivant de Tours où il avait eu l'affront de n'être pas invité à déjeuner à la table du Président. Il a déjeuné avec le commun peuple. Il en dit long sur le mauvais accueil. Les socialistes ne veulent pas entendre parler de la candidature du général Cavaignac, et reviennent à Ledru Rollin. Les seuls candidats sérieux seront ses candidats inconstitutionnels. Louis Napoléon, le Prince de Joinville et Ledru Rollin. Aussi Changarnier, a plus que jamais la passion de la légalité.
Je n'ai rien de Lord Aberdeen. Adieu.
Mes amitiés, je vous prie à Marion. Prend-elle les eaux d’Ems ? Je lui envie les promenades au haut du rocher. Adieu, Adieu. G.
Paris, Samedi 5 octobre 1850, Dorothée de Lieven à François Guizot
Malgré quatre envois & tous les efforts, directs et indirects. Il m’a été impossible hier de voir votre visiteur. Il n’est pas venu. Je ne saurais le comprendre ! Vous voyez comme il m’est facile de faire mes affaires ? Votre billet est encore dans ma poche. J’ai gardé M. Dumon hier après ma soirée. Il cherche à me soutenir mais il est assez noir. Le temps perdu et peut-être tout perdu. Hier on attendait la réponse à 120 lieues d'ici, & hier rien n'était seulement comme à Paris. Que peut faire une femme seule ! Je suis prête à tout mais comment ? Le duc de Noailles a dîné avec moi, j’avais besoin de distraction, le soir Mad. de Contades a diverti mon cercle. Je ne dors pas & je cesse de manger, voilà de quoi me soutenir !
Voici votre lettre. J'espère dans une heure d'ici voir mes deux conseillers, votre collègue, & votre visiteur. 2 h Dumon est arrivé consterné. Son gendre est revenu de Clarmont ce matin. Il les a laissées tous dans le plus grand désespoir. Mon courrier d'Ostende annonce qu’il n'y a pas un moment à perdre. Il envoie un bateau. A l’heure qu'il est ils s'embarquent à Douvres. La Reine, la duchesse d’Orléans, la Princesse Clémentine, le duc de Nemours, débarqueront à Ostende. Les deux autres princesses resteront sur le bâtiment la vraisemblance est qu’ils arrivent tous trop tard. Votre pauvre reine. On a ordonné des prières publiques dans le royaume. Adieu, Adieu. J’ai vu tout les deux, ils n'en savent pas plus long que moi. Le petit va voir en le fils, à délai, le délai fatal expire c’est affreux. Adieu.
C'est bien dur de ne pas vous avoir auprès de moi dans le moment le plus affreux. Adieu.
Mots-clés : Famille royale (France), Inquiétude, Réseau social et politique, Salon
Paris, Samedi 6 novembre 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
Le Sénat n’a pas siégé hier mais la commission qu'on dit très hostile à Jérome. Le Prince Président est venu à l’Elysée tenir un conseil des ministres pour chercher à concilier. J’ignore ce que ce conseil a décidé. Le sénat se réunit aujour d’hui pour entendre le rapport, discuter, & statuer. L'archevêque de Bordeaux, le duc de Mortemart un grand nombre de Sénateurs ont parlé vivement au Prince contre son oncle. Jérôme était hier très inquiet du Sénat mais très confiant dans la sincérité de son neveu. Je trouve qu'en se rendant au voeu de Sénat il y au rait profit pour le Président et pour tout le monde. Nous verrons dans quelques heures. Mon neveu Constantin est envoyé à Londres pour assister aux obsèques, c’est tout frais. Adieu. Adieu.
Le 11 les ministres anglais seront obligés de se déclarer pour le free trade, ou ils seront renversés.
Paris, Samedi 6 septembre 1851, Dorothée de Lieven à François Guizot
J’ai vu assez de monde hier soir, et un moment Dumon & Vitet seuls. Nous avons parlé de la lettre dans le Times. Ils sont d’avis de regretter les détails de la mise en scène. Il y a peu de convenance à ce récit pris par le menu. Cela m’avait frappée aussi. Je vous crois brouillée avec Claremont dès cette lettre car il est clair que c’est dans vos conversations qu'on aura recueilli tout cela. L'effet est excellent pour la chose essentielle est peut être un peu dommageable pour vous. Je suis étonnée qu’aucun journal ennemi ne relève cela encore. Je ne vois pas ce qu'il y a à faire. Il faut laisser passer.
On rit beaucoup du journal des Débats d’hier. Le Constitutionnel en tire bon parti ce matin. Léon Faucher a dit hier. Les arrestations sont très nombreuses, & les papiers sont trés importants. A quelqu’un qui lui demandait si l’on avait arrêté quelques représentants, il a répondu, pas encore.
Hubner reconnaît parmi les personnes saisies le plus mauvais des assassins du [général] Latour. Je n’ai pas vu Montebello hier. Sa femme allait moins bien. Moi je me plains aussi. Deux nuits sans sommeil. Je ne saurais comprendre cela. Votre petit ami est venu tout à l'heure. Nous avons parlé de ce qui fait le sujet du commencement de cette lettre. Il n'est pas de mon opinion, & il m'y a fait renoncer facilement. Il y avait tant de monde dans ce salon qu’il n’est pas nécessaire de vous attribuer le récit. En attendant cette lettre du Times fait un bruit énorme. Hubner croit qu’elle retentira bien fortement dans toute l’Europe. Quel abaissement pour les Princes ! Je crois la candidature ruinée par là, ce serait une bien bonne affaire. Je ne sais rien de nouveau à vous dire. Thiers est attendu aujourd’hui. Adieu. Adieu.
Paris, Samedi 8 juin 1850, Dorothée de Lieven à François Guizot
Montebello part demain soir pour Londres, il sera de retour le 16. Il vous écrira dès Mardi 11 pour vous dire au juste l'état dans lequel il aura trouvé le malade. J’avais assez de monde ici hier soir. Les diplomates, & ses amis Français, le favori Merode, le chancelier, Viel-Castel. Celui ci affirme qu’on prendra toutes ses précautions pour la rédaction de l’arrangement quand cet arrange ment sera convenu. Il ne tardera pas à l’être. Palmerston cède peu à peu sur tout. On ajustera les deux conventions de façon à faire disparaître tout ce que celle d’atténuer a d’onéreux de plus que celle de Londres. C’est particulièrement sur l'engagement pris par la reine de ne rien réclamer de l'Angleterre pour pertes & avaries qu’a coûté le différend. Pal[merston] ne voulait pas résilier cela, & Lahitte s’est obstiné. On croit que sous peu de jours, demain peut-être, Lord P[almerston] cèdera tout. Le bruit du rappel de Brunnow ne repose que sur une lettre particulière de Mareschalchi, ce n’est pas suffisant. Les 3 millions courent bien des chances. Personne ne veut laisser passer cela, & je parie que tous ou à peu près le voteront. Cependant il y a des obstinés dans tous les rangs. Légitimistes, conservateurs. M. Moulin par exemple, un des meilleurs. Il ne veut pas. On ne peut pas deviner ce qui se dira aujourd’hui dans les bureaux.
Voici la dernière phrase de la seconde lettre d’Ellice, celle où il m'annonce l'ajournement. I still think the case in the Lord very serious, & that we cannot get out of it. Une lettre du Prince Albert à l’Université de Cambridge prouve de l’humeur contre le Ministère qu'il appelle the present cabinet. Ceci semble très ominous à Ellice La lettre est dans le Galignani. Je crois que vous le recevez. 2 heures. Je n’ai vu jusqu’ici que [Craptovitch] qui n’a absolu ment rien. Je ferme ma lettre très peu intéressante aujourd'hui je crois que le duc de Noailles s'employait hier pour faire voter ses amis pour les 3 millions. Adieu. Adieu
P. S. Thiers part Lundi, il l'a dit hier à M. Molé. La Redorte vient de me raconter 10 bureaux 4 pour, 4 contre 2 douteux. Les autres pas connus encore. D’Houdetot écrit à son frère que le roi baisse visiblement.
Paris, Samedi 9 octobre 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
Ah quelle rude besogne de gouverner une fille anglaise ! Elle voulait s'échapper tout de suite seule, sans rien ; de ces têtes folles qui suivent leur impuls sans plus. J’ai été fort résolu. Le père m’a armé de son autorité. Il ne faut pas qu’elle parte. Une lettre de vous sera bonne, & n’arrivera pas trop tard. J’espère, car je ne réponds de rien pour moi, cette lettre de toute la journée m’a renversée. J’ai bien besoin de cette agitation de plus. Je n’ai pas mangé et je n’ai pas dormi. La veine de malheures n’a pas tarie encore pour moi.
Hier on disait qu’en même temps que le Prince se fera empereur, il sera roi d’Algérie. Une garde algérienne équivalant à garde impériale. On dit beaucoup de choses. Je croirai ce que je verrai. M. de Caumont est venu me voir. Les Sénateurs iront tous à la rencontre. Le Chancelier est ici. Il est venu le matin, le soir. C’est trop. Je vois qu'étant la seule ressource, il m'ennuiera souvent. S'il n'était pas sourd je ne me plaindrais pas. Je suis très tracassée et bouleversée.
Lady Holland m'est d'un grande aide auprès d'Aggy. Elle a très bon coeur Lady Holland, et elle est très intelligente. Adieu. Adieu, venez à mon secours aussi, et écrivez.
Voici les paroles du Père. Keep Aggy with you by all means. At this season her coming might a danger her & it would only add sorrow to sorrow. If it will be comfortable to her. We shall contrive to get Marion over with her uncle shortly as he is going. Vous voyez d’après cela mon droit et mon devoir de la retenir, et son devoir à elle d’obéir à ses parents.
Paris, Samedi 10 août 1850, François Guizot à Dorothée de Lieven
Il n’y a plus personne ici, et j’ai eu du monde hier tout le jour Dalmatie Mallac, Génie, Piscatory, des insignifiants. Rien de plus que ce que nous savons ; mais un sentiment général qu’il faudra absolument du nouveau l'hiver prochain, et que tout ce qui est est usé. Le banquet de l'Elysée fait encore assez de bruit. Changarnier et les officiers supérieurs étaient partis quand les sous officiers se sont promenés dans le jardin, en criant : " Vive l'Empereur ! Aux Tuileries ! Pas tous, à beaucoup près, dit-on, mais un certain nombre. Et on dit que ces banquets se renouvelleront au retour du Président que tous les sous-officiers de l’armée de Paris y seront successivement invités. Cela déplaît beaucoup aux Généraux. Changarnier pourrait bien interdire, aux sous-officiers d’y aller. Alors le conflit entre les deux. Evidemment la Camarilla du président se remue assez et voudrait se faire un parti dans l’armée. Si son voyage réussit, s'il est bien reçu par les populations, on s’attend à quelque chose. Je ne m'attends à rien. Et au fond, Piscatory, non plus, ne croit pas qu’il se fasse rien, quoiqu’il eût bien envie de croire qu’il se fera quelque chose. On dit qu'au retour de l’assemblée, les diverses réunions, Rivoli, Richelieu, & & se disloqueront que, dans toutes, les sensés et les fous sont las de vivre ensemble et veulent se séparer, que tous les partis sont en état de désorganisation. Je crois cela ; mais je crois que l'explosion et les conséquences de cet état se feront encore attendre longtemps. Un seul fait est certain c’est que pour le moment, les légitimistes sont en perte et les orléanistes en progrès. On fait toutes sortes de raisonnements fantastiques ; voyez l’Espagne pourquoi s’est-elle sauvée ? Parce qu'il n’y avait sur le trône que des femmes et des enfants. Plus les apparences, d’un gouvernement sont faibles, moins il y a de péril ; le peuple veut un gouvernement qu'il ne craigne pas, qu'il ne respecte pas, qui ait besoin de sa protection.
Savez-vous pourquoi vous êtes tombé sans être soutenu ? Parce que vous imposiez trop, parce que vous n'avez point de préjugés populaires. Si le Roi avait suivi, en 1840, la pente populaire, s’il s’était engagé n'importe dans quoi en harmonie avec les traditions de la révolution et de l'Empire, il serait arrivé on ne sait pas quoi, mais autre chose, quelque chose qui eût duré. J’écoute, je souris, j'objecte ; je finis par parler sérieusement, et on ne sait plus que dire. Les esprits sont bien grès de retomber dans les vieilles maladies ; mais les corps sont fatigués et impuissants.
J’ai passé près de deux heures à Bruxelles avec le Prince de Metternich. Grande satisfaction de me voir ; il voulait être plus que poli. Après lui, il a fallu entrer chez Madame de Metternich ; il m'y a conduit. Aussi gracieuse que lui, là, il a fallu m'asseoir. Des compliments et des questions sur mes filles, sur leur mariage ; on cherchait mes faibles pour entrer par là. Quand je m’en suis allé il m'a reconduit jusqu'au milieu de l'escalier. Il m'a même écouté en silence deux ou trois fois. Bonne conversation. Il m’a parlé de l’Autriche et de Thiers. Plein de confiance dans l’avenir de l'Autriche : " Les hommes qui gouvernent sont de braves gens, pleins de courage " sur quoi, il me raconte toutes leurs fautes, et les embarras qui résultent de leurs fautes. Mais tout va bien. Ce qu’il m'a dit de ses conversations avec Thiers m’a intéressé. Il a fini par : " Je ne suis pas Thiériste." Et alors une longue comparaison entre sa situation à lui Metternich, et la mienne, pourquoi, il ne retourne pas en Autriche, pourquoi je fais bien de rester en dehors de tout ; en quoi nous nous ressemblons et en quoi nous différons . Pour qu’il y ait vie, il faut qu’il y ait les conditions de la vie. Ce n'est pas la même chose d'être tout-à-fait vieux, et de ne l'être pas encore tout-à-fait & &. Il m'a amusé, et il s'est amusé. Adieu.
Mon fils vient de m’arriver. On dit qu’il y a ce matin, une séance publique de l'Académie française ; prix Monthyon, l'éloge de Mad. de Staël. J'irai peut-être, pour voir quelques personnes. Adieu, Adieu. J’espère bien avoir une lettre ce matin. Adieu. G.
Paris, Samedi 11 octobre 1851, Dorothée de Lieven à François Guizot
J’ai enfin dormi, et c'est là tout ce que j'ai à vous apprendre. Les journaux sont pleins du bruit d'un changement. Votre petit ami auquel j’ai confié ma lettre hier, a pu vous porter les dernières nouvelles. Moi, je les ignore, entièrement. Je n’ai vu personne qui pût m'en donner. Viel-Castel ne sait ou ne dit jamais rien, & c’est le plus capable de mes visiteurs d’hier. Lasteyrie a parlé avec humeur feinte ou réelle de la conduite des Princes qui font toujours des bêtises. Il a parlé aussi avec une colère très sincère quoique contenu de Changarnier et tout joute sincère parce qu’elle était coutume. Il croit à la réélection du Président. Me voilà au bout.
Mon fils Paul va venir. Je le crois très effrayé. S’il va en Russie, ce sera pour lui bien pire que pour son frère. Et s’il ne va pas dans 6 mois on met le séquestre sur ses biens. Ce qu'il fera probablement sera de vendre ses terres et très mal. Comme il a des capitaux cela ne le dérangera pas. Et pour ce qu'il dépense il restera toujours beaucoup trop riche. Nicolas Pahlen va venir passer l'hiver à Paris. Kossuth fait un véritable événement en Angleterre. Palmerston reculera certainement. Le Morning post l’indique. Le journal des Débats serait-il bien informé à propos de Gladstone Palmerston & la diète de Francfort ? Hubner revient aujourd’hui de Corse. Adieu. adieu
Francfort est vrai. Je viens de l’apprendre à l’instant.
Paris, Samedi 12 juillet 1851, François Guizot à Dorothée de Lieven
8 heures
La rumeur de la visite à Claremont, va croissant. Et aussi l'humeur en certains lieux. On dit que le Président et ses ministres en sont très préoccupés. Je le comprendrais s'ils étaient, comme moi, des philosophes patients et regardant au loin dans l'avenir. Mais pour des hommes d'affaires et d'affaires à courte échéance, je m'en étonne. Ils sont bien bons. Le fait n'a pas d’importance directe et prochaine. On n’a rien réglé, rien avancé ; on est resté dans la situation où l'on était, et que l’en connaissait. Seulement on s’est mutuellement exprimé des sentiments, et fait des politesses qui un jour rendront l’événement plus facile et qui, d’ici là, rendent tout autre événement plus difficile. C'est beaucoup à mon avis ; mais ce n’est pas redoutable pour 1852.
J'ai dîné hier à Passy, chez François Delessert. J’ai été frappé de la vivacité du sentiment des femmes de la famille pour Mad. la Duchesse d'Orléans, ses enfants, ses droits & C'est comme Mad. de Ségur, Mad. de Vatry, Mad. Rothschild &. Il faut que l’idée de la légitimité monarchique soit bien naturelle, car elle naît bien vite. Mais en même temps, on est bien aise, là, de tous les symptômes de conciliation et de paix entre les personnes et les partis. Si le mot de fusion était venu s'en mêler, c'eût été autre chose ; on l'aurait repoussé. Mais on aime la conciliation, et on me questionnait sur la visite avec bienveillance et en s'en félicitant.
La poste est venue et ne m'a rien apporté de vous. Vous m'aurez-peut-être déjà écrit au Val Richer. Je pars toujours ce soir, sans savoir quel jour ma fille aînée pourra venir me rejoindre ; il faut que son enfant soit tout-à-fait bien. Elle a confiance dans le médecin qui la soigne ici. Je travaillerai je lirai et je me promènerai en attendant.
Une heure
Je renvoie les visiteurs et je ferme ma porte ; je n'aurais pas le temps de ranger mes papiers et de faire mes malles. Dumon a causé hier longtemps avec Bocher qui est parti de Claremont après les visiteurs. Le dire de Bocher, confirme pleinement le récit de Berryer.
Voici deux phrases assez significatives, dans la conversation au moment où il était question de l’exil des Princes, le duc de Nemours a dit : " M. le comte de Chambord peut être bien certain que nous ne désirons, et que nous ne tenterons rien contre ses intérêts. Ceci allait à l'adresse de la proposition Creton, et pour écarter la crainte d’un coup de moins régentiste. Bocher a conduit la Reine mardi au chemin de fer d’Edimbourg ; elle lui a dit : " Nous avons été très contents d'eux et j’espère qu’ils ont été contents de nous. " Thiers, Lasteyrie, et Duvergier de Hauranne sont visiblement troublés et fâchés.
Ma petite fille va mieux mais doucement. Adieu. Adieu.
Je compte trouver votre lettre demain, au Val Richer. Adieu. G. Grande réunion hier soir à la rue de Rivoli. MM. Nettement et Léo de Laborde ont vivement poussé Berryer pour qu’il leur redit tout ce qu’il était allé dire et tout ce qu'on lui avait dit. Il a vivement repoussé leur curiosité radicale, et avec très grand succès. Approbation presque unanime de la réunion. G.
Mots-clés : Autoportrait, Bonaparte, Charles-Louis-Napoléon (1808-1873), Conditions matérielles de la correspondance, Conversation, Enfants (Guizot), Famille royale (France), Femme (politique), Femme (statut social), Politique (Analyse), Politique (France), Réseau social et politique, Salon, Santé (enfants Guizot)
Paris, Samedi 12 octobre 1850, Dorothée de Lieven à François Guizot
Le dîner hier, animé. Après le dîner, curieux. M. Fould est venu plein de courtoisie et presque d’intimité pour le général Changarnier, conversation générale ou celui-ci racontait le passé avec vivacité intérêt, & appuyait forte- ment sur ceci. " L'armée m'estime, me respecte & me craint." Avant cela ils avaient passé tous deux dans le salon jaune et ont causé là un quart d’heure. Évidemment il y a quelque chose. La commission se rassemble de nouveau aujourd’hui. On dresse un procès verbal qui rappellera la séance de Lundi, le quasi engagement pris par le général d’Hautpoul d'interdire les cris. La déviation de cette promesse. On blâmera, ce blâme retombe sur l’Élysée. Et cette pièce sera soumise à l’assemblée à sa réunion. Changarnier m’a dit, que la séance avait été vive. M. Dupin très vif contre l'Élysée. J’ai retrouvé dans la Conversation la même impatience que par le passé. M. Molé a été parmi les blâmants.
Du reste Changarnier m'a dit que les nouvelles d’Allemagne étaient bien mauvaises. On s’attend à un éclat. Le Président est fort préoccupé de cela. Il penche pour la Prusse et pour s’en mêler si l’Italie venait à s'agiter en conséquence. Hier on a eu la nouvelle que l’Autriche avait mis à la disposition de l'électeur, un bataillon autrichien qui se trouve sur la frontière. La Reine des Belges est morte hier à 8 heures du matin. Votre pauvre reine !
Marion est venue ce matin la bombe a éclaté. Elle a été très ferme. Deux résolutions de sa part. Rester à Paris auprès de moi. Ou rester à Paris avec sa soeur Fanny malade, s’établir ensemble modestement. Ceci accepté par la mère. Marion est décidée à l’un ou à l’autre parti. C'est sans doute le dernier qui sera adopté. Adieu. Adieu. Il n’a pas été question hier des absents. Adieu. Pas de conversation a parte avec Fould.
Paris, Samedi 13 novembre 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
Samedi 13 nov. 1852
Mots-clés : Conversation, Relation François-Dorothée
Paris, Samedi 13 septembre 1851, Dorothée de Lieven à François Guizot
Le duc de Noailles est venu hier matin. Il ressemble parfaitement au duc de Broglie. “c'en est fait de la France. Nous périssons, seulement j’aime mieux périr avec le Président qu’avec le prince de Join ville " Voilà toute sa politique. On fait venir M. de Falloux. C'est l'homme utile & convenable si l’on peut faire quelque chose. Mais rien ne pourra être fait que lorsqu'on aura vraiment peur. Peur à l’Elysée, puis dans le camps légitimiste. Ce moment sera la proposition Creton. Si elle passe, ou alors les légitimistes se déclarent. Berryer passe à l’Elysée & dira pourquoi. Mais il faut que l’Elysée prenne en retour des engagements. Si la proposition est rejetée ou écartée, on restera comme on est. Des bruits de coup d’état ont circulé dans la journée. Cela vient de quelques déplacements de régiments. Mad. Royer qui est venue voir Marion était toute pleine de cela.
Le soir Dumon, Kisseleff, Antonini, Mercier. Rien de neuf. Marion me quitte aujourd’hui pour huit jours. D'abord chez les Royer & puis à Ferrières. J'ai un peu dormi cette nuit, mais cela ne va pas encore. Adieu. Adieu. C’est drôle, Barante.
Paris, Samedi 14 août 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
Vous n’avez pas idée de la grandeur, splendeur, variété, des préparatifs pour demain. C'est immense. Ils coûtent déjà plus d’un million. Je marche un peu mieux, et toujours très mal avec des bras.
Hier soir j'ai vu beaucoup de monde, Hecken entre autre, disant que Fould est premier ministre et s’en réjouissant. On ne parle pas volontiers du mariage. Et on dit qu' on n'y a jamais sérieusement pensé. Je commence à croire qu’il ne se fera pas. La Princesse Schoenbourg est ici, très changée. La Comtesse de Brandebourg amie intime de l’Impératrice est arrivée aussi. Et la princesse Paskévitch, en voilà des princesses !
L'Électeur de Hesse est arrivé que fera-t-il ? On est ennuyé de cela. S'il ne fait pas visite on pourrait l'envoyez promener. S'il la fait que diront ses camarades ? L’enfant de Tolstoy n’est pas mort. Il y a un peu d'espoir. La visite de la reine d'Angleterre, semble être de l’intention, marquer la protection.
Je vous écris à bâtons rompus. Je suis dans les horreurs de maîtres d'hôtel. Ah quels tracas pour une femme & seule sans conseil. Adieu. Adieu.
Paris, Samedi 14 septembre 1850, Dorothée de Lieven à François Guizot
Je croyais vous avoir parlé du Piémont. Changarnier m’en a parlé dans le même sens que vous dites. Palmerston voulant recommencer la révolution en Italie. La guerre avec l’Autriche, & le Président entraîné à secourir le Piémont. Il me dit qu'il fallait y regarder. Je vous prie écrivez-moi sur Fleischmann une lettre que je pense lui envoyer. Il ne faut pas nous être enfilés là dedans pour rebrousser chemin sans grandes raisons. Moi, je l'épouserais. mon rhume me paraît descendre la montagne mais je ne suis pas sûre encore. J'ai marché dans le bois. Temps perfide. Le vent froid & le soleil ardent. J’ai vu le prince Paul, & les Holland le matin. Le soir le duc de Noailles & Dumon. Nous sommes très frappés d’un article du Times d’avant hier sur Salvandy, très exact. Aucun journal français ne le reproduit. Je n’ai pas de nouvelles de ce qui se passe ici. Je n’ai vu personne qui eût pu m'en donner.
Midi. Un courrier de Berlin qui m'apporte un de Constantin. " L’Empereur a pris connaissance avec beaucoup d'intérêt de votre note du 1/13 août, et me charge de vous remercier pour cette nouvelle preuve du zèle avec lequel vous avez toujours rempli vos devoirs" signé Czernicheff. Constantin ajoute que de pareils remerciements n’arrivent pas deux fois dans l'année. Il est fort content, & il est content que sa note a fait un grand plaisir. A propos de la Hesse, il me dit qu'on va voir là renouveler Charles X & Polignac, & que c’est déplorable. L’électeur un très vilain homme, & qui est tout à fait dans son tort. On le chassera. Adieu. Adieu.
Paris, Samedi 15 juin 1850, Dorothée de Lieven à François Guizot
11 1/2. Samedi 15 Juin
Mots-clés : Relation François-Dorothée
Paris, Samedi 15 juin 1850, François Guizot à Dorothée de Lieven
Samedi matin 15 juin 1850
8 heures et demie
Mots-clés : Relation François-Dorothée, Réseau social et politique, Voyage
Paris, Samedi 17 mai 1851, Dorothée de Lieven à François Guizot
Hier Duchatel seul, le matin. Le soir M. Molé, Antonini, Hotzfeld. Molé est remis et en bon train & bonne humeur. Il avait eu la visite de M. Dupin, revenu très révérencieux pour la fusion. Il ne parle plus que chapeau bas de M. le comte de Chambord il dit seulement qu'il faut que tous les prétendants se fusionnent Antonini me contait les fureurs du parti Thiers contre Changarnier. M. de Rémusat crie à l'ingratitude. " C'est moi qui lui ai fait les pauvres petites phrases qu'il a encore à débiter à la tribune." !
Duchatel est bien amusé de Lady Allen pas reçue à Esher. Cela l’enchante. On dit beaucoup que Léopold passe à la fusion. J’ai eu une lettre de Constantin du 15 il parlait à l’instant même avec le Roi. La reine ayant reçu la nouvelle de la mort de la duchesse de Leuchtenberg, sa sœur n’a pas pu aller à Varsovie. Cette mort met en deuil toutes les cours de l’Europe. Prusse, Autriche, Russie, Saxe, Suède, Piémont, Elysée ! C’est sa tante. Il ferme ses portes. On espère que les 3 souverains se rencontreront, c’est très désirable. Dans tous les cas, on se concerte pour les éventualités françaises et cela deviendra visible bientôt. Montebello est repris, une troisième rougeole s’est déclarée chez lui. C'est insupportable. J'ai eu une visite ce matin qui me dit que Mazzini désavoue la pièce. D'un autre côté M. Carlier a dit hier à quelqu’un qu’elle était authentique. J’espère qu’elle l’est.
Adieu. Adieu, jusqu’à lundi. Adieu.
Paris, Samedi 18 octobre 1851, Dorothée de Lieven à François Guizot
J'ai vu hier soir M. Fould très gai, très décidé ; décidé pour son compte à voter contre l'abrogation de la loi du 31 mai. Très sûr de la résolution du Prince de demander cette abrogation. Presque sûr que l’Assemblée aura peur et fera la volonté du Président. Le Président a fait une faute, il peut en faire impunément beaucoup encore car il est très puissant. Le pays est à lui. Les salons, les classes élevées, tout est unanime à blâmer ce qui vient de se passer. Il n’y a personne qui ne soit de cet avis. Mais cela n'y fait rien. Le prince sait tout cela, & cela lui est égal. Voilà ce qui s’est dit devant une demi douzaine de personnes. Le Prince multiplie les dîners. Aujourd’hui Kisseleff. On joue le soir au Lansquenet. Quand il n'y a pas dîner, le prince va au spectacle. Il rit beaucoup aux variétés. Voilà !
Viel Castel s'en va pour huit jours à Broglie. Baroche est parti pour sa campagne. Tout le monde est en vacances. Hier le Président a donné audience au comte Louis Batthyany qui devait être pendu.
Voici la lettre de Lord Aberdeen. Je lui ai répondu hier. Il est évident que cette affaire Gladstone le vexe beaucoup.
Dans le gros public, je vous rapporte le dire de mon médecin, on est persuadé que l’Assemblée fera la volonté du Président. Elle aura peur des rouges & peur de la popularité du Président ; c’est exactement ce que dit Fould. Il n’avait aucune idée sur le nouveau ministère. Il doute que Billault accepte. On dit que Victor Lefranc a refusé. Piscatory est ici, je suis fâché qu’il ne vienne pas me voir. Changarnier parle beaucoup. Il est en grande espérance. Marion le voit tous les jours chez les Rothschild. Le Baron est couché depuis sa chute. chez moi. Adieu. Adieu.
Paris, Samedi 18 septembre 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
La Consultation a été longue tout le traitement est changé. Comme cela inspire confiance ! Enfin, je ferai encore ce qu’on m'ordonne. M. Fould est venu hier soir. Il dit que le Moniteur atténue encore l’enthousiasme. Il a parlé avec quelque aigreur de la Belgique. A son retour du voyage le Prince après avoir encore résidé à St Cloud et Fontainebleau, s’établira pour 3 mois de l'hiver aux Tuileries. On prépare pour lui l’appartement du Roi au rez de chaussée. Voilà toutes mes nouvelles.
Le vieux Prince Wolkonsky ministre de la maison de l’Empereur est mort. Le Prince Crénicheff ministre de la guerre se retire comblé de richesses & d’honneurs héréditaires pour sa descendance. Choses nouvelle chez nous, pour les dotations de pensions et & Ellice écrit que Lord John Aberdeen, & Graham marchent ensemble, que Lord Palmerston ignore lui même comment il va marcher. Qu’il sera très incommode au Parlemen et que c’est là sans doute sa vocation pour le reste de sa carrière. Voilà une visite. Adieu. Adieu.
Paris, Samedi 18 septembre 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
J'ai oublié de vous dire tantôt que j’ai lu l'Assemblée nationale. L’article sur le duc de [Wellington] m'a beaucoup frappé. Comme il est bien fait.
19 Dimanche. Je suis très engourdie depuis hier soir, un demi-sommeil perpétuel, et pas moyen de manger, je ne veux plus de rien. Voilà le premier effet des nouveaux remèdes. C'est un peu excessif, & je ne sais pas si ces messieurs sont dans la bonne. route. Je continue à obéir.
Morny est venu hier et est resté deux heures. Très intéressant. il ne doute pas de l’Empire, tout en raisonnant comme moi. Toutes fois l’année finira encore en république. Tout le monde est frappé de l’article de l'Assemblée nationale sur Wellington & Napoléon. Je l'ai donné à Morny. Il est irréprochable, mais il donnera de l’humeur. Le voyage est en fin roulant d'enthousiasme. Cela devient monotone, je désire que cela reste monotone. J’ai vu peu de monde hier ; le soir rien que Kalerdgi Dumon et Kisseleff. La chaleur hier était étouffante. Votre lettre ce matin me plait.
A moi aussi le dernier moment a laissé un souvenir bien doux. J’étais restée plus triste que satisfaite des 3 jours. Ceci a effacé et j'ai le coeur remis en place.
J’ai eu une lettre de Paul. On veut qu'il fasse une sorte de noviciat qu'il passe quelque temps à Petersbourg avant de reprendre la carrière active. Cela ne me plait pas du tout ni à lui, & pour commencer sa santé ne le lui permettrait vraiment pas en hiver. Nous verrons tout cela se débrouiller au retour de Nesselrode dans un mois. Il est dans le ravissement de Castellane. Adieu, pas de nouvelles ce matin. Je ne verrai du monde qui dans la soirée. Adieu.
Paris, Samedi 19 octobre 1850, Dorothée de Lieven à François Guizot
Le Constitutionnel confirme pleinement ce matin ce que me mandait Fleichmann de l’alliance signée à Breguez, Viel Castel qui était ici hier soir prétendait ne le savoir que comme moi par des lettres particulières. Il a ajouté que les propos de [Radony] étaient d'une violence. extrême, & que certaine ment la Prusse ne peut pas reculer, à moins que [Radony] Louise, et puis une agitation curieuse. Être si près de la France ! En Allemagne je suis mieux, plus tranquille. Voilà les paroles. La reine en mourant a dit en baisant la main du roi. Je veux baiser la main de mon roi. Cela a été fort remarqué le mère n’y jouait pas de rôle. Le prince de Joinville a l'air mourant, il sera le premier à suivre sa sœur. Voilà tout Mad. Molhin.
Kisseleff frère part aujourd’hui. Il a refusé toutes les occasions que je lui ai offerts de voir des personnes importantes, sauf Changarnier est-ce timidité ? égard pour son incognito ? Insuffisance dans la conversation ? Je ne sais. Ce que je sais c'est qu'il a beaucoup d'esprit, la finesse russe et une demi civilisation originale, agréable. Au fond, il pleure de quitter Paris et je ne serais pas étonnée s'il y revenait. Longue visite de Marion. Sa résolution reste bien arrêtée. Et j’y crois tout-à-fait. Adieu. Adieu. Je vous félicite du prospect de grande paternité.