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280. Paris, Mercredi 2 octobre 1839, Dorothée de Lieven à François Guizot
9 heures
Ah ! si votre médecin pouvait re connaître en médecin comme moi. J’attends son arrêt avec une espèce d’angoisse. Que j'aimerais ce médecin s'il vous faisait revenir. Dites-moi Dites-moi que vous revenez. Quelle joie ! Bulwerr m'apportera, le lien vers Lord Chatham, mais il croit que vous savez déjà son histoire mieux que tout ce que vous en diraient les le livres. Je conclurai dans la bibliothèque c'est une jolie pièce. Nos habitudes seront probablement dans ce qui était le salon de M. de Talleyrand.
Je n'ai point encore commencé avec la petite lectrice, je suis parvenue à tuer mon temps en sortant après le dîner. Dès que je serai casée ne ne sortirai plus, & c’est alors que j'aurai besoin d’elle dans l’avant soirée. Aurai-je besoin d’elle ? Répondez- moi, demandez-le à votre médecin. Il me semble que moi aussi j’ai besoin de votre médecin. Votre irriitation au gozier a passé dans le mien. J’ai toussé toute la nuit. Le temps cependant est beau.
J'ai été deux heures hier au Marais dans de grandes manifactures de bronze. J'ai choisi de jolies choses. Cela n'a pas le sens commu, car je n’ai pas encore sur quoi coucher, manger & &
Vous êtes parfaitement instruit de nos propositions. Nous verrons. C’est vraiment un moment curieux. Ah, si nous pouvions nous parler ! M. Molé est à Fontainebleau.. La Duchesse de Talleyrand répart demain, et ne reviendra à Paris qu’à la nouvelle année. Midi Génie sort de chez moi, Il avait été très inquiet de vous. Votre médecin lui a écrit un mot dès son arrivée pour le rassurer mais disant que vous avez un rhume. obstiné. Si vous venez, je vous promets de vous laisser à votre travail toute le matin. Je ne vous prendrai rien de votre temps utile. Après le soleil couché vous penseriez à moi, n'est-ce pas ? On dit que la commission de la chambre à Madrid refuse de reconnaître les fueros. Cela serait mauvais. Génie me dit qu’il vous a envoyé hier une lettre de Fontainebleau. Est-ce une invitation ? Que je le voudrais. Je ne suis plus préoccupée que de cela. De façon ou d’autre il me semble que vous devez venir. Cela est si fort entré dans ma tête que le contraire me paraîtrait une horrible injustice. J’attends votre lettre de demain avec un grande impatience. Adieu, adieu. Venez. adieu.
Mots-clés : histoire, Politique (Espagne), Santé (François), Vie domestique (Dorothée)
281. Paris, Jeudi 3 octobre 1839, Dorothée de Lieven à François Guizot
10 heures
Je puis à peine vous écrire deux mots aujourd'hui. J’ai un accès de fièvre très fort, la tête enflée de douleurs atroces. Je n’ai pas dormi un instant cette nuit. Jamais je n’ai eu cela. Et je suis seule tout-à-fait ! C’est bien à présent que je m'en plains. votre lettre me donne de l'espoir mais pas si immédiat que je l'espérais. Adieu, il m’est impossible d'écrire. Je souffre beaucoup.
Mots-clés : Relation François-Dorothée, Santé (Dorothée)
282. Paris, Vendredi 4 octobre 1839, Dorothée de Lieven à François Guizot
Que je suis heureuse & fâchée. Je vous reverrai dimanche ! Mais vous me trouverez bien malade. Si je ne l’étais pas, j’irais vous chercher à Evreux afin de vous ramener dans ma voiture. Mais je ne puis pas bouger de mon canapé. J'ai la tête enflée, des douleurs atroces, la fièvre ; je resterai sûrement plusieurs jours encore dans cet état et un rhume de poitrine par dessus le marché. Ménagez-vous bien. Je vous en conjure la santé avant tout. Si dans cet intérêt là vous avez besoin d’arrangements de voyage qui ne sont pas dans vos habitudes, faites donc sans vous gêner. C'est ce que vous ne comprenez pas que je suis là. Il y a des choses que je ne sais comment vous dire mais vraiment vous ne me traitez pas avec assez de bonté.
Adieu, adieu, dimanche. Quel bon jour ! Mais encore une fois ayez bien soin de vous. Si c’est un jour de pluie, prenez une voiture fermée, l’idée d’une calèche avec un rhume cela ne va pas. Adieu, adieu, mille fois adieu. Et hélas, il va mieux de loin que de près. Adieu.
Mots-clés : Santé (Dorothée), Santé (François)
283. Paris, Samedi 12 octobre 1839, Dorothée de Lieven à François Guizot
Vous m'avez à peine quittée que je tombe dans de nouvelles catastrophes M. Jennisson élève aujourd’hui quatre ou cinq chicanes, et je viens de lui envoyer dire bonjour à lui et à son mobilier. J'aime mieux un gros embarras, que cinq chicanes, et puis reste un sujet. M.Pogenpohl me soutient et est tout révolté du procédé de Jennisson. Voici qu’il fait froid. Je m’en réjouis. Si vous me mandez que vous toussez, je crois que je m'en réjouirais aussi. Soyez sur qu’il n’y a rien d’aussi bon pour vous que Paris. Je n’ai pas été triste hier soir, je vois le bonheur si près de moi. J'ai été bien triste le 10 septembre, je croyais le bonheur si loin. Je me suis trompée alors. Mon Dieu pourvu que je ne me trompe pas à présent ! J’attends Génie. J’ai vu déjà cinq ou 6 marchands, j’ai fait une quantité d'affaires, & je suis fatiguée.
1 heure 1/2 Génie n’est pas venu. Qu'est- ce que cela veut dire ! Adieu. Adieu. Je n’ai vu personne à nouvelles. Je n’ai rien à vous mander, qu'adieu, toujours adieu, & bientôt, adieu.
284. Paris, Dimanche 13 octobre 1839, Dorothée de Lieven à François Guizot
J'espérais bien un peu une lettre d'Evreux, mais je n'y comptais pas. Je vous remercie de m'avoir donné plaisir à mon réveil. J’ai à vous remercier aussi de ce que vous avez remis à Génie et qu'il m’a fait venir tard dans la journée d’hier. Je viens de ré ouvrir une réponse de Bruxner. En voici l’extrait.
D'après cela il me semble que mes questions sont trop péremptoires et qu'il vaut mieux attendre. Qu'en pensez-vous ? Mon frère aura donc reçu avant de conclure encore la lettre dans la quelle je m’oppose à ce qu’il convertisse en rente aucune somme qui pourrait me revenir. Il est difficile de croire qu’il n’aie pas fait comme je le demande.
Jennisson a baissé pavillon, et n’a ici que la honte d’avoir tenté de me duper. J'ai le mobilier que je voulais aux termes que j’avais dit maintenant il ne me manque que l’essentiel, la personne qui doit recevoir tout cela. Je cherche un maître d’hôtel introuvable. L'homme chez Pozzo voyant que je ne lui faisais plus rien dire a conclu avec lui un nouvel arrangement ; ainsi c’est fini et je ne sais où déterrer dans 24 heures ce qu'il me faut ou même à peu près.
Mad. Appony est venue chez moi hier, émue occupée, de toutes petites choses, tendre, inquiète. Mad. Durazzo est venu aussi remplie de l'awkwardnefs de la rencontre de Mesdames Molé & Castellane à Champlâtreux. J'ai fait visite à la Princesse Soltykoff qui vous trouve de bien beaux yeux. Le soir j’ai été chez Pozzo, il était seul, je me suis bien ennuyée.
J'ai oublié Bulwer dans le courant de la matinée. Il soutient que l'Angleterre est plus près de nous que de vous. Nous verrons cela après demain avec Granville. Pardonnez-moi, j’ai pris la feuille double.
A propos, procurez-moi la permission. d’entrée pour les effets que je viens d’indiquer ou bien dites moi ce qu'il faut que je fasse. Est-ce qu'on va me briser le vase en vermeil. Voici du soleil, j’irai voir plus tard la petite Princesse. Adieu. Adieu. J’ai mal dormi, et beaucoup pensé à vous Adieu.
Extrait 18/30 7bre 1839 Nous regrettons infiniment de ne pouvoir rien dire de positif encore relativement au partage de la succession. Tout ce que nous savons c’est qu’on s’en occupe & que Messieurs vos fils sont en conférences fréquentes avec le Comte Bulwer. Ce n’est que lorsque nous recevrons une copie authentique de l’acte de partage, incessamment attendu, que nous en pourrons indiquer à Votre Altesse l d'une manière précise toutes les stipulations. En attendant, toute somme qui rentre provenant de cette succession est versée dans notre caisse et aussitôt que tout ce qui est encore arrivé sera rentré et que nous serons autorisés à en faire la répartition sur les divers comptes, nous nous empresserons de suivre les dispositions que Votre Altesse a bien voulu nous tracer pour la part qui lui en reviendra. quant aux bien et revenus de Courlande nous n'en pouvons rien dire non plus, vu qu’ils ne passent pas par nos mains, et de tous les effets que nous avions en dépôt, il ne reste plus chez nous dans ce moment que les quatre caisses d’argenterie. d’après vos ordres nous expédierons par le bateau à vapeur le Tage Capitaine Pitron qui repart demain pour Le Havre quatre caisses contenant un vase en vermeil. un buste en marbre une pendule 2 vases vieux Sèvres à l'adresse de Messieurs Rotschild & frère. Il ne reste donc plus qu’à obtenir la permission nécessaire pour la vente à l’encan des autres objets de cette succession ce qui n’aura lieu que dans quelques semaines lorsque tout le monde sera rentré en ville afin que cela réussisse mieux. les Princes vos fils sont sur le « point de s'absenter momentanément d'ici, mais toujours dans l'espoir de terminer encore avent leur départ tout ce qui concerne la dite succession.
285. Paris, Lundi 14 octobre 1839, Dorothée de Lieven à François Guizot
J’ai été voir hier la petite Princesse après ma promenade à pied au bois de Boulogne. J'avais eu avant la visite de Bulwer, & celle du Baron Krudner notre ministre en Suisse, homme d’infiniment d’esprit, de beaucoup d’instruction, et du plus aimable caractère. Il est sourd tout-à-fait. Il passe pour aller s'embarquer au Havre de là à Pétersbourg. Il s'est marié secrètement en Suisse, il y a 22 ans ! L'idée lui vint que puisqu'il a déjà un fils de 19 ans et d’autres enfants il pourrait bien faire quelque chose pour eux, et il va obtenir que son mariage soit reconnu. Il m’a fait toutes ces confidences comme on raconte qu’on vient de dîner.
Le Prince Paul de Wurtemberg m'a fait sa visite hebdomadaire il croit savoir que Don Carlos tout ne prescrivant officiellement à Cabrera & au Comte d'Espagne de cesser les hostilités leur a fait intimer l’ordre de les poursuivre. Il a envoyé des pleins pouvoirs à l'un des deux juntes qui s’est organisée en Catalogne, Je fus dîner chez M. de Brignoles. Le maréchal y vint après. Je le trouve bien maigri et changé. Les diplomates ont été faire leur tour avant-hier à St Cloud. Ils ont trouvé le Roi, très content, parfaite ment sûr de l’échec qu'aurait subit M. de Brunnow. Cela reste à être prouvé, et nous saurons cela dès l'arrivée de Lord Granville qui sera ici demain au plus tard. Je n’ai point de lettres aujourd'hui. Ce n'est qui demain que vous serez arrivé. pour moi au Val Richer. Adieu. Adieu.
A propos, j’ai trouvé un maître d’hôtel qui me parait bien par pur hasard. Voilà un souci de moins. La liste des autres est grande encore. Adieu mille fois. Je vous ai dit, n’est-ce pas, que M. de Médem ne va plus chez le Maréchal. Celui-ci a été très impoli dans la dernière entrevue.
286. Paris, Mardi 15 octobre 1839, Dorothée de Lieven à François Guizot
Je suis bien aise de vous savoir arrivé. Il pleut. Il doit faire bien humide au Val-Richer. Voici copie exacte de la lettre de Bruxner, reçue dans ce moment. Expliquez la moi, je ne la comprends pas. Le fait est que je ne comprends rien en fait d’argent.
Hier Bulwer, Zéa, Appony Brünnow le matin. Et puis des courses d'affaires c'est-à-dire de meubles. Après le dîné chez Mad. Appony dans mon lit de bonne heure, je ne me sens pas bien. Je crois que je suis fatiguée, je le serai un peu plus encore aujourd’hui, car je déménage.
J’attends M. de Valcourt qui va prendre possession du mobilier, et puis j’y passerai moi-même. ma matinée se passera à cela.
Je dînerai chez les Appony, si je suis encore capable de sortir. Adieu, Adieu. Je crois que vous vous trompez tous ici. Et que la Russie et l'Angleterre s’entendent. En général je vous trouve ici mal informés. Lord Lansdown est à Vienne ! Vous vous souvenez que j’ai disputé sur cela avec vous. Adieu. Adieu, mille fois.
287. Paris, Mercredi 16 octobre 1839, Dorothée de Lieven à François Guizot
Rue St Florentin 2
Ce serait trop long de vous raconter tout l'ennui, la fatigue de la journée d’hier. Je n’ai vu personne que M. Pogenpohl qui m'est d'un secours extrême. J’ai fermé ma porte à tous les autres. Je n’ai trouvé personne chez les Appony. C’était un dîner de famille pour la Ste Thérèse. Point de nouvelles. Je crois cependant que Médem à reçu un courrier de Londres hier. J’apprendrai quelque chose dans la journée. J'ai mal dormi. Je serai bien ici mais j’y suis encore dans un vrai bivouac.
Je vous remercie mille fois de la lettre pour M. Gréterin. Je vais la remettre à Génie, vous êtes bien bon pour moi. Voilà une phrase parfaitement ridicule. j’attends M. de Valcourt, des tapissiers & &, pendant huit jours encore je serai très mal. Et puis il me semble que je serai bien. Je vous dis adieu déjà, car je crains que je n’aurai pas un moment, dans toute la matinée.
A propos, les rapports de M. de Saint Aulaire annonçant la parfaite approbation du cabinet de Vienne aux projets de pacification du vôtre sont un rêve. Le Roi a dit avant-hier à Appony qu'il n’est rien venu de là. Vous concevez qui si cette bonne nouvelle était venue, le roi aurait eu hâte et plaisir à le dire. Je trouve quelque fois de drôles d'erreurs dans les nouvelles qu'on croit tenir des meilleures sources. Adieu. Adieu. Génie a pris votre billet, il est revenu me dire que les ordres vont être expédiés que votre volonté sera faite et que tout le monde a été très gracieux. Adieu. Adieu.
288. Paris, Jeudi 17 octobre 1839, Dorothée de Lieven à François Guizot
Il est très vrai que l’Empereur est devenu intolérant, et persécuteur en matière de religion, et l'on m’a dit hier que nous aurons une grosse querelle avec le Pape qui mettra tout-à-fait dans l'ombre sa querelle avec la Prusse. Le Maréchal Soult a dit hier matin à Appony qu’il n’avait pas un mot de Vienne en réponse aux propositions françaises pour l’affaire de l'Orient. Voilà donc le roi & le maréchal donnant un démenti formel à ce que vous aviez appris par d’autres ministres. Sont-ils donc si désœuvrés qu'ils aient le temps d’inventer des nouvelles. Je demanderai à Tcham ce que vous voulez savoir. Je ne lis pas encore Lord Chatham. Je ne lis que votre lettre dans la journée. Je n’ai pas le temps d’autre chose. Vous ne concevez pas mes ennuis. Et puis deux ou trois avis différents, M. de Pogenpohl, M. de Valcourt, le tapissier. Je m’en vais mettre une tenture en soie dans le premier salon pour terminer le débat. Il se passera bien encore 12 jours avant que je sois complète.
Hier j’ai passé trois heures avec les deux messieurs et puis une heure dans des magasins de tapis. Et puis un moment avec Bulwer, un autre moment avec Le baron de Krudner, je voudrais bien avoir l’esprit fait comme le sien. J’ai dîné chez M. Feichmann, avec les Appony, Médem, Armin, Jennisson qu'on n’appelle plus que Gémissons et quelques autres. Je suis rentrée pour me coucher. J'ai encore mal dormi. J’écris une longue lettre à mon frère par M. de Krudner, mais je ne lui parle de mes affaires que pour le prier de ne pas oublier de m'envoyer l’acte. Adieu, le temps est abominable. Tout juste comme je l'ai désiré pour vous chasser du Val-Richer. Adieu. Adieu.
Armin a vu le roi avant-hier et l’a trouvé de très mauvaise humeur. Il ne sait pas de quoi.
289. Paris, Vendredi 18 octobre 1839, Dorothée de Lieven à François Guizot
Mots-clés : Enfants (Benckendorff), Finances (Dorothée)
290. Paris, Samedi 19 octobre 1839, Dorothée de Lieven à François Guizot
Je n’ai vraiment pas le temps ni la force de copier les papiers et les explications que m’a envoyés mon frère. J’en suis fâchée, car je voudrais vous tout montrer. J'ai fait lire tout cela hier à M. de Pogenpohl. Voici l’explication. La loi ne me donne que la 7ème part aux arendes comme aux biens fonds. Ainsi c’est en règle. Le question de la partie mobilière en Courlande a été évidemment, parfaitement oubliée. Il est d’avis que je dois la reproduire rigoureusement Paul peut refuser d'entrer en discussion, mon abandon étant complet, honorablement il ne le peut pas. Ce serait un tort de plus. Voici donc maintenant ma fortune. 2 mille francs de pension. Et le quart du Capital Anglais. Cela fera 36 milles francs en tout et pas davantage. Les 52 milles francs car ce n’est pas plus de l’année de veuve, couvriront ma dépense depuis juin et l'achat du mobilier. Je ne compte pas sur cinq sols des capitaux qui peuvent se trouver en Russie. D'abord il est clair par la lettre de mon frère que Paul ne veut pas même dire ce qu'il y a avant d’avoir touché le capital Anglais. Et quand il l’aura touché il est probable qu’il ne se trouvera rien, ou peu de chose. Les effets sont encore à partager, ma sœur est chargée de cela pour mon compte. Vous savez comme je comprendrai ses lettres. Au bout de tous mes calculs je trouve qu'en tout y compris toutes mes propres ressources, j'aurai 60 milles francs de rente & pas davantage. vous verrez que c’est exact. Mes fils auront chacun 110 mille francs de rente. Voilà assez parler d’affaires.
Le courrier de Médem venait de Londres. L'Angleterre n’a pas accepté nos propositions. Ses contre propositions ne sont pas très claires. Le question reste à peu près comme elle était mais il y a quelque rapprochement entre Londres et Pétersbourg dans l'ensemble de nos relations. J'aurai des tapis qui vous plairont. Le dîner de M. Fleichman valait mieux que son invitation. Je ne sais pas si on rappelle Ponsonby. Je le demanderai, mais j’en doute, on ne voudra pas encore fâcher Lord Grey. et les mémoires à payer à vérifier. Ah quelle bagarre, et comment vous écris je deux lignes qui aient le sens commun. Adieu. Adieu.
Je n’ai pas fait de promenade depuis 5 jours. Je ne parviens pas à bouger de chez moi. Adieu. Adieu. God bless you. Voyez comme je vous écris des lettres élégantes. Si vous me voyez entre les tapisseries, les lampistes, les marchands de bronze, et les changements de maître d'hôtel & de femme de chambre
291. Paris, Dimanche 20 octobre 1839, Dorothée de Lieven à François Guizot
Je n'ai vu hier que Bulwer le matin, & Pozzo le soir. J’ai trouvé Mad. de Boigne chez lui. Elle reste en ville jusqu'à pied et puis elle va à Pontchartain pour 3 semaines. Il ne s’est rien dit, et je n'avais rien appris le matin qui mérite de vous être rapporté. Toute la Diplomatie hier est allée à St Cloud à la suite de l'accident de la veille, la Reine ne s’est pas ressenti de ce coup. Je dois très mal. Le bruit est bien plus fort ici qu'à la Terrasse. Cette nuit j’ai entendu des soupirs sous mes fenêtres comme ils ne me sont pas adressés cela m’incommoda beaucoup. Je vais aviser à des sourderies renforcées. J'ai reçu hier une lettre de mon fils Alexandre. Il restait encore à Pétersbourg jusqu'à la décision de ses affaires de service. Il ne mande que tout le reste est terminé et que Paul partait le 5 pour Londres. Il doit y être arrivé. Je suppose qu'il va entrer en relations indirectes avec moi pour l’affaire du Capital. Voulez-vous bien me dire avant d'en faire le partage je n’ai pas le droit de demander à être informée de ce que j'aurai à toucher en argent et en effets à Pétersbourg ? Si je vous ai déjà adressé cette question, pardonnez-moi la répétition. Je n’ai pas vu Tcham depuis votre lettre. Adieu. Il fait un bien beau soleil à Paris, presque aussi joli que votre Lune du Val Richer mais venez-vous chauffer ici. Adieu. Adieu. Adieu. Dites-moi si en répondant à mon frère je dois faire mention de l'oubli dans lequel on a laissé mes droits.
292. Paris, Lundi 21 octobre 1839, Dorothée de Lieven à François Guizot
J'ai reçu hier Lady Granville, Cela m’a fait un gros plaisir. J’ai passé une heure de la soirée avec elle. Voici l’extrait. Le ministère est bien pauvrement établi. Mais il n’y a pas moyen que les Torry entrent, par conséquent ceux-ci resteront. Melbourne plus puissant que jamais, tout puissant. Il ne bouge pas de Windsor. Palmerston ditto. La Reine a reçu son courrier froidement. Elle n’a pas l'air de faire attention à lui. L’entourage le trouve charmant, beau, bien élevé, du tact. Il est un peu embarrassé du peu d'accueil que lui fait la Reine. On désire en Angleterre qu’elle l’épouse on croit que cela rétablirait un peu sa réputation qui est bien ébréchée. Melbourne ne presse ni ne retarde le mariage. La vraisemblance est qu’il se fera.
J'ai fait un bout de chemin à pied hier au bois de Boulogne. J'avais besoin d’air. J’étais restée enfermé presque toute la semaine. Je ne dors pas assez. Je me tracasse l’esprit et je sais bien cependant que cela n'en vaut pas la peine. Je suis fatiguée & cependant bien contente d'être sur la place Louis XV. C’est charmant tous les jours, et tout le jour. Que vous avez bien fait de m'encourager à prendre cet appartement ! Je vais dîner chez Lord Granville.aujourd’hui. J’essayerai de le faire parler. Cela ne me réussira pas si bien cependant qu’avec le gentleman of the Press.
Vous savez que le 1er Novembre c'est-à-dire dans dix jours je me mettrai à vous rendre la vie dure. Tous les jours je vous demanderai quand vous venez. Adieu Adieu. Adieu.
293. Paris, Mardi 22 octobre 1839, Dorothée de Lieven à François Guizot
Messieurs Eymard & Châteauvieux sont à Genève. Félix n’a pas voulu mettre la livrée, en conséquence de quoi ... je le garde par dessus le marché ! Je suis sure que vous vous attendiez à ce dénouement. Peprin est parti, ce n’est pas moi qui lui ai annoncé notre séparation, Charlotte s'en est chargé, avec bien des paroles douces. Il a été bien fâché, et vraiment, c’est devenu une affaire de sentiment de part et d’autre. Et d’autres choses encore de ma part. Ma nouvelle femme de chambre est en fonction depuis deux jours. Elle ne me plaît pas encore. Charlotte me quitte après demain. Voilà du vrai chagrin. Maintenant vous savez tout je crois, excepté un valet de pied qui est bien.
J'ai été faire des emplettes hier quelques meubles encore qu'il me fallait, et je n’ai pas fini ; soyez tranquille je ne me ruinerai pas, et puis comme vous dites j'ai mes diamants. Nous n'étions que l'Ambassade hier a dîné chez Granville. Ils dînent trop tard cela me dérange. Mes nuits sont toujours mauvaises. Quand retrouverai-je du sommeil ? Il n’y a vraiment pas de nouvelles. Je n’ai pas entendu nommer Thiers. Génie me soigne beaucoup. Remerciez le je vous en prie, d'être si bon pour moi. Je me loue beaucoup aussi de M. de Valcourt. Tout votre monde vous obéit. Le temps est laid, triste, et je suis triste. J’attends le beau mois de novembre. Adieu. Adieu.
Mots-clés : Réseau social et politique, Vie domestique (Dorothée)
294. Paris, Mercredi 23 octobre 1839, Dorothée de Lieven à François Guizot
Toute la diplomatie a été fort divertie hier des révélations du Thiers au sujet d’un entretien qu’aurait eu mon Empereur avec un étranger. Votre gouvernement n'en est pas fâché ; nos bons alliés non plus. Cela fera quelque bruit au palais à Pétersbourg, car le public ne sera pas les journaux qui rapportent cela. J’ai eu un long entretien hier avec Médem sur mes Affaires, et puis sur les affaires. Il m’a donné quelques conseils sur les premiers & quelques soupirs sur les secondes. J’ai eu une lettre de mon Ambassadeur. Il l'annonce pour le 10 Décembre, s'il ne survient pas d'obstacle impérial. Il se réjouit fort de me trouver à l'hôtel Talleyrand. Je suis sûre qu’après vous c'est lui qui aura le plus de plaisir à m'y voir bien établie, vraiment j'y serai bien. Mon appartement. sera arrangé pour votre arrivée, mon ménage pas encore, car pour cela il faut que je sache si j’ai ou si je n’ai pas la vaisselle.
J'ai été hier au soir chez Mad. de Boigne. J’y ai vu le chancelier, il dit qu’il faut relâcher Don Carlos.
Il me semble qu’il n’y a des nouvelles de nulle part. Lord Lansdown a été voir le prince Méternich au Johanisberg. Médem parle de M. de Brunow avec beaucoup de dédain & trouve fort naturel et assez agréable qu'il ait échoué dans sa mission, car le naufrage est sûr. Paul est arrivé à Londres je ne le sais qu’indirectement. Bunkhausen ne m’a point envoyé encore les lettres of administration quoique j'aie accompli toutes les formalités requises pour les obtenir. Je n’ai pas encore répondu à mon frère. Je ne sais pas comment faire pour me plaindre un peu et ne pas le choquer. Car Médem aussi ne comprend pas qu'on ait mis ainsi un oubli mes droits en Courlande et il croit qui c’est une grosse affaire, parce que cette terre est très riche en toute chose. Le prince Metternich n'écrit rien encore au sujet du mariage de Rodolphe Appony. Ce qui fait que la chose est parfaitement en suspens ici ; tandis qu’elle est publique à Pétersbourg. Adieu. Adieu. Je suis bien contente d’apprendre que Pauline est remise, et je suis transportée de joie en vous voyant bien résolu à revenir bientôt. Adieu.
295. Paris, Jeudi 24 octobre 1839, Dorothée de Lieven à François Guizot
Lord Brougham est mort. Il a été tiré en se promenant en voiture dans son parc ; les chevaux l'ont emporté et tout brisé, il a été jeté de la voiture, foulé aux pieds des chevaux & roues ensuite. C’est horrible. Voilà une des gloires de l'Angleterre qui a disparu, car bien que fou, c’était un esprit très supérieur, très universel, et vous verrez que tous les partis s’uniront en Angleterre pour le reconnaître et proclamer cela une perte nationale. Savez-vous qu'on dit que Lady Clauricarde avait pour lui un sentiment très tendre et qu’elle sera très malheureuse de cette mort ?
Thiers est venu chez moi hier, mais il ne m’a pas trouvé, j’en suis fâchée. J'ai dîné chez les Granville, il n’y avait que Montrond. Ils étaient bien troublés de la nouvelle de Brougham. J’ai pris froid hier en courant les boutiques. Décidément il y a rien de plus malsain que de se meubler. Le temps est affreux, J’ai des douleurs à la têtes, je crains un retour de ma fluxion. Adieu.
Je suis tourmentée de mille petites tracasseries, ma nouvelle femme de chambre est partie. Elle n’a pas aimé la rivalité de l'Anglaise, et comme celle ci me plait extrêmement je n’ai pas hésité à me séparer de l'autre. Je cherche donc de nouveaux et cette pauvre Charlotte est malade du chagrin de tous ces retards. Je vous conte toutes mes peines. Adieu. Adieu.
Midi Bulwer me fait dire dans ce moment que Brougham n’est pas mort. Je ne conçois pas cette étrange mystification. Le duc de Bedford est mort. On accuse M. d'Orsay de la fausse nouvelle sur Brougham. J'ai reçu la réponse de Burkham. Les lettres of administration sont entre ses mains pour être remises à mon fondé de pouvoir quand je le désignerai.
296. Paris, Vendredi 25 octobre 1839, Dorothée de Lieven à François Guizot
Midi
J’ai passé toute la journée dans ma chambre. Je n’ai vu personne que Thiers il est venu à 2 h. et ne m’a quittée qu’après cinq heures. Beaucoup d’Orient, presque rien que cela. Beaucoup d’esprit sur ce sujet. Ce qu’il aimerait le mieux, c’est que nous nous arrangeassions cela. Au fond c'est son vieux refrain et le refrain de beaucoup de gens ici. " Donnez-nous le Rhin, & nous vous donnerons Constantinople. " Mais il y a une petits écueil là-dedans, c’est que nous pouvons prendre Constantinople, & que nous ne pourrons ni ne voudrons donner le Rhin. Je l'ai un peu plaisante sur la coalition il a fort mal pris mes plaisanteries et a soutenu fort et ferme qu’elle avait accompli ce qu’elle s'était proposé. Tuer le ministère, que c’était beaucoup, que c’était tout, & que les gens d’esprit n’avaient pas un autre devoir. Les Turcs tous les uns après les autres, de façon à y arriver après que tout le monde sera mort. Je vous assure que je vous ai dit là tout ce qu’il a tourné et retourné pendant 3 heures. Il parle fort bien de vous, mais sans affectation, il dit qu’il est à merveille avec le roi.
J’ai eu une lettre de mon frère qui m'envoie les comptes de Brünnow. J'aurai 24 milles francs de plus que les 56 mille en tout 80 mille qui me seront remise quand je voudrai, à ce que dit mon frère. Il a jouté " Vous n'aurez plus qu’à régler la question du capital anglais Paul part pour Londres à cet effet, il a un vif désir de se réconcilier, avec vous. " (écrit comme cela.) Je voudrais voir trace de ce désir ! Ce que vous me dites de M. de Talleyrand est d'une parfaite vérité, de grandes habitudes mais pas de grandeur naturelle. Adieu.
Me voici en face d’une jolie femme de chambre, qui ne l'a jamais été mais qui a l’air si doux que je veux me résigner à toutes le gaucheries. Adieu, adieu.
297. Paris, Samedi 26 octobre 1839, Dorothée de Lieven à François Guizot
Imaginez-vous que Brougham à forcé M. Shafto, un de ses amis résidant avec lui à le Campagne d'écrire à Londres le récit circonstancié de sa mort, pour voir l’effet que produirait cette nouvelle. Une pure plaisanterie. Concevez-vous pareille chose. Le prince Metternich a répondu. Appony épouse, et a la promesse d’un poste indépendant en attendant il sera attaché ici. Vous ai-je dit que mon frère me parle de ce mariage aussi, et se réjouit que sa fille sera auprès de moi? Cela veut dire qu'il sera ravi que je reste à Paris. Il n’a pas de termes d'improbation assez forte pour l’affaire secrète et surtout pour le cordon donné à Espartero ! Point de nouvelles de tout.
Le Roi a été enchanté de revoir Lord Granville. J’ai été encore courir les boutiques de vieux meubles hier, le soir chez Mad. Appony et puis Lady Granville. Je ne laisse entrer chez moi personne, j’ai un peu des coquetteries pour mon appartement et je ne veux pas le montrer qu’il ne soit prêt. Je ne reçois qui Bulwer & Lord Granville, & Thiers l’autre jour dans ma chambre à coucher.
On me dit que tout sera arrangé la semaine prochaine. Le tout me coûtera 30 mille francs & j'espère pas d'avantage. vous êtes fort heureux de ne pas vous trouver auprès de moi dans ce moment, je ne vous parlerais que tapissiers et ébénistes. Peut être cependant que je vous dirais autre chose aussi ! Adieu. Adieu mille fois.
298. Paris, Dimanche 27 octobre 1839, Dorothée de Lieven à François Guizot
Quel plaisir de voir bientôt finir ce mois-ci. Mais toussez donc un peu. J'ai dîné hier en Appony. Ils commencent à faire confidence, du mariage, mais certainement il y a en eux un peu plus de consternation que de joie, et au fait c’est très naturel. Une Russe. Vous ne voudriez pas épouser une russe. La diplomatie voit bien que ce n’est pas la volonté du Roi qui se fait sur l’affaire de Don Carlos. On ne lui donne pas encore ses passeports.
Aujourd’hui dimanche, je me repose. Point de courses dans les boutiques et point d’affaires chez moi. M. de Pogenpohl m’aide dans la réponse à faire à mon frère, car enfin il faut répondre. Vous déjà bien du temps de perdu. Je vous enverrai copie de ce que j'aurai écrit. Il fait bien froid, et j’ai froid. Il me parait que je n'ai rien à vous dire puisque j'ai recours à la température. Il n’y a pas la moindre nouvelle. Le prince Metternich écrit de grands éloges de M. de Brünow, et dit que certainement nos relations avec l'Angleterre ont été placées par lui sur sur pied excellent. Adieu, adieu. Quand est ce que je n'écrirai plus adieu !
Mots-clés : Diplomatie, Réseau social et politique
299. Paris, Lundi 28 octobre 1839, Dorothée de Lieven à François Guizot
J’ai vu hier chez moi Lady Granville que j’ai laissé entrer enfin. Elle est ravie de mon appartement. J’ai vu plus tard le prince Paul de Wurtemberg. Il a des lettres de Madame sa fille, selon lesquelles l'Impératrice serait à toute extrémité. Vous ne sauriez concevoir quelle catastrophe cela sera pour l’Empire. Je ne conçois pas l’'Empereur et sa violence devant un premier malheur. J'ai fait visite à Pozzo hier au soir. Il était bien faible et bien imbécile. C’est vraiment une belle action d’aller passer une heure avec lui. Je viens de recevoir une lettre d'Ellice, mais je n’ai pas le courage encore d’aller à cet affront. La petite Ellice est arrivée très gentille, mais pas tout-à-fait autant qu'à Bade. C’est qu’à Bade j’étais bien abandonnée. Adieu.
Je vous assure que je suis bien harassée de tous ces tracas d’intérieur. Je ris quelque fois à force d’avoir envie d'en pleurer. Adieu. Si votre mère n’est incommodée qu'un peu et de façon seulement à ce que votre retour ne soit qu’une mesure de prudence je ne saurais m’en chagriner. Si vous aviez de l’inquiétude soyez sûr que j’en aurais beaucoup beaucoup aussi. Adieu. Adieu.
300. Paris, Mardi 29 octobre 1839, Dorothée de Lieven à François Guizot
Voici vraiment 300 lettres que je vous ai écrites, cela ne nous fait pas honneur. C'est de mauvais arrangements pour des gens qui trouvent du plaisir à être ensemble il y a bien de la maladresse à avoir passé plus du temps de leur vie commune, séparés. Bulwer doit m’apporter ce matin une lettre, selon laquelle il prétend que Paul montre des dispositions à un racomodément. Je verrai. Je ne veux qu’un retour sincère, Je n’en accepterai plus d’autre. Il m’a trop offensé.
Appony est allé annoncer au roi le mariage de son fils, on dirait l’héritier d'un trone ! Ces bonnes gens font une quantité de petites démarches de petits arrangements surtout, qui sont assez drôles. Le fils se met un peu sous ma protection pour empêcher des lésineries, mais cela ne me regarde pas. Je préparerai mon cadeau. Voilà tout ce que j’ai à y faire.
Midi. Vingt marchands deux querelles où j’avais raison, un froid de loup, une quantité de petits embarras qui puissent toujours pas me donner des grands plaisirs pour me moment vous voyez bien qu'il s’agit de mes meubles, voilà l'emploi de cette première partie de la matinée. Mes lettres doivent bien vous ennuyer car je n’ai rien à vous dire du tout. J'ai eu une longue lettre d’Ellice, au fond rien de nouveau. Le ministère très faible tout juste comme il y a un an et les vraisemblances qu’il fera la même campagne. Point de gloire, mais les plans for ever.
A propos, j’ai ouï dire que vous avez une espèce de discussion presque de querelle avec M. Duchâtel pour un préfet je ne sais pas son nom, & on dit vraiment que vous avez tort, que votre préfet est un sot et que vous ne devriez pas vous faire une affaire pour un pareil personnage. Je trouve cela aussi, et je serais bien aise que vous fussiez de cet avis. Soyez sûr que lorsque je m’avise de vous dire de ces choses là c’est que je crois qu’il est bien de vous le dire. Adieu. Adieu, quand m'annoncerez-vous une date? Adieu.
301. Paris, Mercredi 30 octobre 1839, Dorothée de Lieven à François Guizot
Je suis charmée qu'il fasse froid chez vous, que vous souffriez du froid dans votre maison, il me parait que je suis charmée de tous les petits maux qui peuvent vous arriver loin de moi. Voilà pour mon désintéressement.
M. Jaubert a demandé à me voir, je l'ai reçu. Il m’a plu. Il a d'abord une qualité à laquelle je suis particulièrement sensible, il est poli. Après cela il a parlé de toute chose avec mesure et convenance et esprit. Enfin il me semble qu'il me plaira chez moi presque autant qu'à la tribune, mais... pas souvent. Les boutiques le matin, la Princesse Saltykoff, plus tard. Lady Granville chez Lady Granville le soir. Voilà ma journée. Et je ne sais rien. M. Molé rentre en ville demain. J'ai encore des affaires ce matin, et probablement, pour le reste de la semaine, & puis il faut que je me repose. Miss Clarke me plaît toujours. Adieu, Adieu. On me dit que l’Impératrice va mieux. Adieu. Adieu. Bulwer n’est point venu hier je ne sais donc rien de plus.
Mots-clés : Politique (France), Portrait
302. Paris, Jeudi 31 octobre 1839, Dorothée de Lieven à François Guizot
Prenez patience encore et lisez ce que je vous envoie. Il faut que vous me disiez maintenant ce que j'ai à faire. J'ai reçu hier une lettre d'Alexandre de Berlin. Il arrive aujourdui à Londres. Il ne veut y faire ce séjour strictement nécessaire pour régler ses intérêts là-bas ce qui veut dire recevoir sa part du capital ensuite il viendra ici. Après un petit séjour ici il va en Italie, pour revenir au printemps à Paris et puis Londres encore, et s'embarque de là avec son frère pour un second voyage en Russie. Vous voyez bien qu'il sera pressé et que moi n’ayant écrit ce que je vous envoyé que le 26 Je ne pourrai avoir de réponse que tout au plus le 20 novembre. Cela leur semblera bien long et pourra vexer ce pauvre Alexandre. Cependant puis-je après ce que j’ai écrit à mon frère, & dans mon propre intérêt, leur donner le Capital avant ses réponses ? Dois-je informer Alexandre de tout ceci ? Je crains à présent qu'il est auprès de Paul, quelques réponses impertinentes. Dois-je en charger une tierce personne & qui ? C’est au duc de Sutherland que je donnerai mes pleins pouvoirs. Mais comme il ne sera pas à Londres il les déléguera à quelqu'un, un banquier sans doute. Je ne veux répondre à la lettre d’Alexandre que quand vous m’aurez donné votre avis. Il m’écrit très tendrement et se réjouit beaucoup de me revoir. Ma lettre à mon frère est-elle bien ?
On dit dans le monde diplomatique, que le Roi est fort mécontent de tous les ministes moins le maréchal. Il s’agit de Don Carlos. On menace même de dissoudre le cabinet si ces messieurs s'obstinent à contrarier la volonté du roi sur ce point. C’est Montrond qui m’a dit cela. Lord Granville pousse à garder Don Carlos. On dit que le Roi parle très mal et très vivement sur mon Empereur. Je tremble que Pahlen ne revienne pas ce serait un vrai chagrin pour moi. Il fait un temps abominable Il n’y a plus de belle campagne possible. Adieu. Adieu, Adieu.
14/26 octobre 1839 à mon frère
J’ai reçu il y a huit jours seulement le paquet contenant votre lettre du 20 août et l’acte passé avec mes fils, et avant-hier votre lettre des 22 7bre avec le compte de Bruxner. Je commence mon cher frère par vous remercier bien tendrement de toute là peine que vous avez prise pour arranger mes affaires, et de toute l’amitié, la bonté que vous m'avez prouvées par là. Je vois que j’avais raison ne vous contestant cet été les chiffres de mon revenu que vous portiez à 9400 roubles argent et 400 milles francs de capitaux de la succession de mon mari. Mes propositions sont devenues plus modestes, selon ce que vous me mandez aujourd’hui. L’ensemble de cette succession tel que je le relus de l’acte que vous avez conclu et des autres papiers que vous m’avez envoyés forme pour moi un revenu de 36 395 roubles papiers. Mon propre avoir monte à 20 152 roubles papier. Total général 56 544. Vous en verrez le détail dans le tableau ci-joint. Vous ne trouverez peut-être plus que je suis trop riche comme vous me l'écriviez alors, car il y a loin delà à 80 mille francs de rente que vous m’annoncez. Je vais faire selon la loi russe le partage du capital anglais aussi tôt que je saurai que tout est terminé à Petersboug. Je désire pour cet effet obtenir des réponses aux observations consignés dans la note ci-jointe. En lisant avec attention l’acte et en le confrontant avec les observations que je vous avais soumises dans le temps j'ai trouvé tout parfaitement en règle et toute les questions répondues, sauf le seul point du mobilier de Courlande dont je vous avais déjà entretenu deux fois. J’appelle votre attention sur ce point. S'il a été oublié dans la discussion, c'est à vous à juger si je dois regarder la somme qui aurait dû me revenir de cet état comme perdue à tout jamais ; ou si, dans le cas que l’objet en vaille la peine, vous voudrez le porter à la connaissance de mes fils.
Note
1. La loi de Courlande dit § 194
Toute la partie mobilière de la terre, bétail, magasin, maison, effets, & & sera partagée entre la veuve & les enfants en parts égales.
Comme il m’en revient par conséquent le tiers,. que ce doit être un objet considérable, vu la qualité de la terre et que cependant je ne trouve pas cet objet spécifié dans les papiers qui m'ont été envoyés, je désire savoir quels sont les arrangements qui ont été pris à cet égard, ou l’indemnité qui m'a été assignée pour l’abandon que j’aurais fait de ce droit car on ne peut pas l'inclure dans le 15 829 roubles papier une fois payés. Cette somme formait exactement le revenu de l’année que la loi accordé à la veuve.
2°. Je ne trouve ici dans le tableau du banquier Bruxner, ni autre part mention des coupons qui se trouvaient dans le portefeuille de mon mari pour la valeur de 1350 £ sur la maison Hammersby à Londres.
3°. On aura certainement dressé un inventaire des meubles et un procès verbal de la vente qui en aura été faite à l’encan. Je désire que copie m’en soit envoyée. 4°. Je désire spécialement avoir un état de la vaisselle, & savoir si après la vente à l'encan ma part a pu être rachetée, comme je l'avais demandé. Dans le cas contraire je désire connaître le produit de cette vente.
303. Paris, Vendredi 1er novembre 1839, Dorothée de Lieven à François Guizot
Vendredi
Votre lettre de ce matin m’annonce que notre beau mois ne sera beau qu’a demi. C’est bien shabby ce que vous faites là, mais je ne vous querellerai pas vous seriez capable de me réduire au quart.
J’ai vu du monde hier matin, et un long tête-à-tête avec Appony le père ; des affaires de famille. Que le bon Dieu me préserve de me mêler. jamais d’affaires, j’ai eu bien assez des miennes. Je lui ai conseillé de charger M. de Fiquelmont de traiter de ces matières avec mon frère. Les Appony ont peu de fortune je crois. Mais ils sont passablement avares. Pozzo est venu aussi ; bien mal je trouve, et triste, disant : " le vieillards sont comme les enfants ils croient qu'on les oublie. " Il avait voulu avoir du monde à dîner, tout le monde. l’avait refusé. J’ai été dîner chez lui, il a mis sa plaque en diamants pour me recevoir et il n'y avait personne pauvre homme ! Les jeunes Pozzo mouraient d’envie d’aller aux Italiens. Mais ils n'osent pas car le vieillard veut qu’ils restent jusqu’à son coucher onze heures. Je l'ai engagé à faire une visite à Mad. de Castellane, il est venu et la petite Pozzo a eu sa liberté dont elle m’a été fort reconnaissante. Nous avons trouvé M. Molé, coquet, aimable. Point de nouvelles. M. Cousin y est venu. L’impératrice est beaucoup mieux, elle est sortie en voiture.
Voici du soleil. Adieu, je suis encore occupée, encore fatiguée. J'espère bien que depuis le 12 j'aurai fini mes fatigues. Lady Cowper m’écrit mais rien de nouvelles. Elle était en province. Elle allait se rendre à Windror, d'où elle me mandera des nouvelles. On dit le Prince Albert charmant, mais la Reine ne le dit pas encore. Adieu, adieu.
Mots-clés : Relation François-Dorothée, Réseau social et politique
304. Paris, Samedi 2 novembre 1839, Dorothée de Lieven à François Guizot
J'ai eu un long tête-à-tête hier avec Médem. Il est d’avis que je donne connaissance à mes enfants par l’entremise de Bulwer et Cunning des questions que j’ai adressées à mon frère. Si mes fils sont en état de répondre, il n'y aurait plus de quoi attendre, et le question N°1. Serait tranchée par eux mal ou bien, car enfin, c'est à eux à en décider. Les retards ne les rendraient pas plus accommodants, parce qu'au fait ils ont maintenant le droit pour eux ; ce qu’ils feraient serait courtoisie. Il est clair que pour les trois autres points ils sont compétents pour les éclaircir.
Médem n’est pas sans quelque appréhension que la mauvaise humeur que vous nous montrer ici empêche Pahlen d’y revenir. L’Empereur sera ravi d'un prétexte de faire quelque chose de désagréable au Roi. Et il lui est désagréable de n’être pas environné d’Ambassadeur. Moi, je serais au désespoir. Il me manquera beaucoup et toujours. Médem est sans aucune instruction depuis quatre mois, cela gêne beaucoup sa position. Les Appony préparent un petit appartement, de petits cadeaux c’est le diminutif dans toute son exagération. Je dîne aujourd’hui chez les Granville avec de la diplomatie. Bulwer vient toujours tous les jours, quelques fois deux fois. Lord Brougham va arriver.
Adieu, à présent que le bon moment approche, mon mépris pour les lettres. augmente. Je crois que vous vous en apercevez à la façon dont sont faites les miennes. Le prince d’Arembourg a légué à M. de Bacourt toutes les lettres de Mirabeau, il me l'a dit lui même. Je pense que c'est à lui que vous devriez-vous adresser. Adieu. Adieu.
305. Paris, Dimanche 3 novembre 1839, Dorothée de Lieven à François Guizot
Vous avez mal interprété shabby. Je voulais dire et cela veut dire en Anglais, avarie, parcimonie et je l'appliquais aux quelques jours que vous me volez.
Je viens de recevoir une lettre de Bruxner qui m'annonce l’argent que m’avait déjà annoncé mon frère et me dit en même temps qu'on allait commencer sons peu la vente à l’encan, ainsi après le départ. de mes fils. Il n’y a plus à leur demander compte de cela. D'un autre côté Canning a parlé à Bulwer d’argent que Paul avait à me remettre qui doit être la part des coupons. De toutes les interrogations adressées à mon frère il ne reste donc plus à éclaircir que le premier point et il ne vaut vraiment pas la peine de suspendre pour cela. mention en sera faite pas l’entremise de Canning et mes fils feront ou ne feront pas à volonté. Ne trouvez- vous pas que cela vaut mieux ? Et puis dites-moi vite ; si pour éviter des embarras je ne ferais pas aussi bien de donner à Bulkhausen ma procuration pour lever le capital. Il est conseil général de Russie, sa probité je n'en sais rien, mais il est très employé par notre cour à toute chose. Il me parait qu'il n'y aurait pas de risque. Je donnerais avis à mes fils que je lui envoie mes pleins pouvoirs. C’est lui d’ailleurs qui a avancé 25 milles francs pour les legacy duty. Vite répondez-moi.
Il fait un brouillard de Londres épais comme du cream cheese, do you know what it is ? Il y avait hier toute l'Angleterre chez Granville. Toutes des connaissances arrivées la veille, repartant le lendemain pour l’Italie. Vous savez qu'on a renvoyé de Paris, Labrados, & Nobra deux assidus de Don Carlos. Granville approuve tout ce qui se fait dans ce genre et la détention de Don Carlos. Il espère que les ministres tiendront tête au roi et ne le relâcheront pas Du reste il n’y a aucune nouvelle. On commence à voir que la mission de Brünnow est de l’invention du Prince Metternich.
Adieu. Adieu, oui que de choses nous aurons à nous dire. Et que de choses nous aurons oubliées. C’est insupportable. Je ne me sens pas très bien aujourd’hui je crois qui je ne sortirai pas du tout. Ce brouillard est affreux. God bless you.
Autre proposition; mes pleins pouvoirs au banquier Harman chez lequel le Capital est déposé. N’est-ce pas encore plus simple ? C'est un quaker. Il est banquier de la cour de Russie depuis 50 ans.
Mots-clés : Diplomatie, Enfants (Benckendorff), Finances (Dorothée), Politique (Espagne)
306. Paris, Lundi 4 novembre 1839, Dorothée de Lieven à François Guizot
Point de lettres de vous, ce matin. Qu’est- ce que cela veut dire ? Vous savez que l'inquiétude est ma disposition naturelle. Je serai donc très inquiète jusqu'à demain matin. Vous vous portiez tous bien. Mais tout est si fragile dans ce monde ! Je suis inquiète d’un autre côté aussi. La mer du Nord a été affreuse depuis huit jours, & c’est juste le moment où mon fils s'y est trouvé. Je tremble. Dites-moi que vous vous portez bien et qu’Alexandre est arrivé à Londres.
J'écris aujourd’hui au duc de Sutherland. Bulwer écrit à Cunning l'affaire ira vite maintenant. Je me suis décidée pour le Duc, parce que M. Pogenpohl m'a démontré que dans les mains d'un banquier. mon plein pouvoir entraînerait encore des frais pour 10 milles francs. C'est donc pure avarice ; c’est peut être aussi. plus de sûreté. Midi. Il fait un superbe soleil mais que me fait le soleil ; je n’ai point de lettre. Je reçois de quatre à 6 jusqu'au temps où je recevrai de 9 à 11 heures. Je n’ai à vous citer personne parce que je n'ai rien appris de nouveau hier. Pourquoi suis-je si inquiète ! J'écris aujourd’hui à Alexandre et le cœur me bat. Adieu, il y a encore dix jours jusqu'au 14. Adieu. Adieu.
307. Paris, Mardi 5 novembre 1839, Dorothée de Lieven à François Guizot
Pas de lettres encore aujourd'hui ! Que faut-il que je pense et comment voulez-vous que je ne sois pas inquiète, très inquiète. Je voudrais m'imaginer que c’est la poste et ses négligences qui me vaut ce chagrin. Mais deux jours de suite c’est trop pour cette cause. Vous ne savez pas à quel point je m’inquiète.
M. Molé m’a fait une longue visite hier, il repart aujourd’hui pour quinze jours il va chez Madame de Castellane. Il allait hier soir aux Tuileries. Son dire est un peu méprisant pour le ministère, et sans spéculation pour l’avenir. Il voit des hommes, mais il les voit toujours isolés sans moyen aucune de faire un pluriel. Il ne comprend pas cependant que le ministère tel qu’il est puisse aller à la rencontre des hommes puissants siégeant sur leur banc. Il critique fort l’affaire de Don Carlos. Il ne fallait pas le retenir trois jours. Aujourd'hui et tous les jours il sera plus difficile de le relâcher. On vient de bannir de Bourges un ami de Don Carlos auquel on n’avait accordé que depuis huit jours la permission de résider auprès de lui.
J'ai mené hier au soir la Princesse Saltykoff chez Lady Granville. Il y avait fort peu de monde. Pahlen s'annonce pour le 10 décembre. Je persiste cependant à douter qu’il vienne. Personne n’a vu l’Empereur depuis Borodico. Il ne quitte pas sa femme. Elle allait mieux cependant. Le pauvre Bulwer a un gros chagrin. Lady Granville recevra sa belle-sœur, je n’y puis rien. Je trouve qu’elle a tort, mais elle ne m’a pas demandé mon opinion. Je calme Bulwer de mon mieux.
Midi. Dieu merci, voici deux lettres ! J’étais excessivement agitée, je ne savais à qui demander, où envoyer. J’ai parcouru avidement les journaux cherchant votre nom. Cela n’avait pas le sens commun mais le cœur n’a pas beaucoup d'esprit. Je vous remercie de n’avoir pas eu d'accident. c’est donc le 13 que je serai contente. Demain en huit. Quel plaisir ! J'ai fait comme vous me dites, j’ai écrit au Duc de Sutherland, Bulwer a écrit à Cunning pour une interrogation simple, et l’affaire va finir. Pas de nouvelle d’Alexandre Il faut bien que je m’inquiète encore de ce côté.
Adieu. Adieu. Le journal des Débats et le moniteur me paraissent assez piquants. Adieu mille fois. Dites à votre poste de ne plus me donner de frayeurs. M. Bresson est arrivé de Berlin hier. On a trouvé fort mauvais à Berlin que le roi de Hollande ait reconnu Isabelle et on le lui a dit.
308. Paris, Mercredi 6 novembre 1839, Dorothée de Lieven à François Guizot
J’ai dîné hier chez les Appony, plus tard j’ai été chez Madame de Boigne. Elle est maintenant fixée ici. Rien ne m’a paru plus ridicule que la demi-heure que j’y ai passé. Il y avait M. de Sainte Beuve (dis-je bien ?). Les premières deux minutes il causait à voix basse avec M. Rossi, lorsque le chancelier est entré. Madame de Boigne sans lui dire bonjour ni bonsoir lui montre M. de Sainte- Beuve, et lui dit qu'il soutient les Jansénistes, depuis cet instant je n’ai plus entendu que Pascal Arnaud, Nicole, avec un flux de phrases, de sentences d'un côté et de l’autre à tel point qu’il a été impossible de dire un mot ou d’avoir une idée. Un fond, j'avais bien envie de rire. C'était une véritable exhibition je crois que c’est comme cela que l’entendaient ces messieurs.
309. Paris, Jeudi 7 novembre 1839, Dorothée de Lieven à François Guizot
Midi
J'ai été envahie par des affaires et surtout une affaire à Pétersbourg dont je n’ai pas le temps de vous entretenir, (il parait que Paul met des entraves à ce qu'on m'envoie de la l’argent qui me revient). Tout cela m’a fait arrivé à midi sans vous avoir dit un mot. J'en suis désolée, car à présent il faut que je me presse. Je crois que je n'ai reçu de neuf à vous conter. Le roi a vu Médem avant hier. Le Maréchal aussi cela s’est passé plus doucement que de coutume. Nous sommes hostiles aux personnes nous ne le sommes pas aux choses et nous ne sommes pas loin de nous entendu sur l'Orient. Cela me fait plaisir parce que je vois Pahlen au bout de cela.
L’Impératrice va mieux mais le grand duc est malade et très malade à Mohilon. L’Empereur l’a été un moment il était bien de nouveau. La grande Duchesse Olga toujours malade. Voilà un hôpital.
Adieu. Adieu, pardonnez-moi cette pauvre lettre, je suis très occupée et désagréablement. Alexandre n’était pas arrivé à Londres avant-hier, je continue à être inquiète. Adieu.
310. Paris, Vendredi 8 novembre 1839, Dorothée de Lieven à François Guizot
Je ne suis pas bien, j’a passé. une très mauvaise nuit, mais voici votre déménage ment qui m'arrive et qui me donne de la bonne humeur. J'ai besoin de cela car du reste je suis triste, triste de Paul, inquiète d'Alexandre.
Madame de Boigne est venue hier me faire des excuses du jansénisme. Elle dit que c’était pour distraire le pauvre chancelier, elle parle mal du Ministère c.a.d. qu’elle ne leur donne pas une longue vie. C’est bien ce que dit tout le monde mais cela ne me parait pas avoir grande valeur ici. J’ai eu une lettre bouffonne de Lord Brougham, et une autre de Lady Clauricarde. Elle part toujours pour Pétersbourg & Lord Brougham arrive dans trois semaines. Il n’y a pas la moindre nouvelle, j’ai vu Appony qui ne savait rien. Je ne reçois pas encore le soir ; je ne sais pourquoi l'idée de recevoir m'ennuie profondément. La vie de garçon me plait encore dans huit jours je commencerai.
Mes caisses arrivées au Havre il y a quatre semaines. n’arrivent pas encore à Paris, les banquiers grands seigneurs ne sont pas commodes pour les petites choses. & sans ces petites chose je ne suis pas complète. Cela m’ennuie. Adieu, que de choses à vous dire, grandes et petites, & surtout douces. Adieu.
311. Paris, Samedi 9 novembre 1839, Dorothée de Lieven à François Guizot
Dieu merci il n'y aura plus ni jeudi, ni vendredi, ni samedi entre nous. Je vois passer les jours avec un plaisir extrême. Cependant je voudrais bien avoir le cœur tranquille sur Alexandre. Il ne faut entre Hambourg & Londres que 36 heures, et voici 10 jours ! car il a dû s'embarquer le 29 octobre ! Il me semble que vous êtes presque, aussi content que moi de mercredi le 13 ? Je vais le plus que je puis en promenade tous les jours au bois de Boulogne. C’est triste, seule, mais c’est de l'air. Je suis toujours rentrée pour 4 heures car c’est le seul moment où je vois du monde chez moi.
Onze heures. Voici une lettre d'Alexandre de Londres. Il y est heureusement arrivé. Sa lettre est froid, il est auprès de Paul. Il me dit qu’il ne peut pas fixer le moment de son arrivée ici, parce qu’il faut qu’il termine ces affaires à Londres. C’est donc de moi que cela dépend, et tout cela digne de ce que vous me direz. Il est clair par la lettre de Bruxner que mes fils l’empêche de me payer ce qui me revient. Je suis extrêmement irritée de cela, et je veux au moins qu’en recevant de moi le capital anglais je reçoive d'eux l’ordre à Bruxner de m'envoyer ce qui m’appartient. Mais voilà ce que je ne sais à qui confier. Mon frère comme de coutume ne se doute de rien et m’a écrit dans le temps que le banquier m’enverra l’argent où & quand je voudrai. Je vous assure que je suis 3 parfaitement sick de toutes ces affaires si je pouvais les remettre à quelqu’un ! Mais qui sera-ce quelqu’un ? Point de nouvelles du tout. J’ai vu du monde hier, mais je n'ai rien appris.
Adieu. Adieu. Je ne me porte par bien. J’attends mon Médem. God bless you.
312. Paris, Dimanche 10 novembre 1839, Dorothée de Lieven à François Guizot
Vous avez assurément le talent de me contrarier beaucoup. Il était facile de vous assurer de la voiture dès le jour où vous avez fixé votre départ. 24 heures est peu de chose peut-être et c’est beaucoup pour moi, beaucoup de deux manières. Pour mon plaisir, d'abord ; & puis pour mes affaires. Cette contrariété par dessous ma mauvaise journée d'hier fait quelque chose de complet comme tristesse. Aussi suis-je parfaitement triste. Rien ne va pour moi, tout va contre moi dans le monde, et c’est cette vérité visible en toute chose qui fait que la vie m’est insupportable.
Voici une nouvelle vexation de Pétersbourg un peu étrange et fort inattendue. Ma sœur me mande, par secrétaire, que mes fils ont décidé de ne partager ni me vendre la vaisselle, et d’attendre que l’un du trois ait besoin de la totalité pour indemniser les deux autres. Vous voyez bien la portée de cela ; on me refuse l'usage et l’usufruit. Car il est bien clair que je ne prendrai pas une vaisselle de 30 couverts et que je ne payerai pas 200 milles francs. C’est sur cela qu'il faut que je vous consulte. Moi, je suis décidée à ne pas admettre un arrangement aussi absurde. Je vais insister pour avoir et tout de suite, ma part en nature, ou ma part en argent. Et je suis décidée de plus à un point partager le capital anglais que ce point ne soit arrangé. C’est cela que je voulais vous soumettre. Attendre jeudi pour vous consulter & vendredi pour écrire c’est beaucoup trop long. Veuillez me répondre par écrit. Ici le droit est pour moi tout-à-fait. Je ne comprends ni ma sœur, ni mon frère, mais il n'y a rien de gâté je pense puisqu'en tout cas ce ne pouvait être qu’un arrangement provisoire. S’il en était autrement, j'en suis fâchée pour mon frère mais je n’accepterais pas la sanction qu’il y aurait donné. Je vous prie de m’écrire encore un mot sur ceci car ma lettre ne partira que mardi. Songez aussi au fait d’absurdité, qu'à moins d’être ambassadeur, les fortunes de mes fils ne sont pas de taille à avoir jamais besoin de cette vaisselle, Paul s’est mis hors de la carrière, & Alexandre n'arrivera à ce poste jamais. Ce n’est donc je le répète qu’une résolution de me contrarier, et c’est cela qui me révolte et m'irrite à un haut degré. J’ai eu une lettre de mon frère mais qui ne me dit rien, sinon qu'il sera impatient d’apprendre la conclusion de mes affaires, et que mes file désirent vivement être bien avec moi ! Paul s’y prend bien.
Pozzo est devenu tout-à-fait imbécile. Je m’étonne qu'on le montre encore. C'est humiliant. J'ai vu hier, Brignoles et quelques autres mais je ne sais rien absolument rien de nouveau. J'ai oublié de demander des nouvelles du Duc de Bordeaux. Adieu, vous voyez que mon humeur va mal ; ma santé va mal aussi. Adieu. je m’étais tant réjouie de mercredi ! J’apprendrai à ne me réjouir de rien. je m’épargnerai des désappointements. Je ne me réjouis donc pas de jeudi qui sait ce que sera jeudi. Adieu.
313. Paris, Lundi 11 novembre 1839, Dorothée de Lieven à François Guizot
J'ai eu une longue lettre de Lady Cowper. Le prince Albert doit quitter l’Angleterre demain, mais personne ne doute que la reine ne l'épouse bientôt. On le trouve charmant. Ces chartistes n’inquiètent personne. L’Inde veut tout le monde en grand triomphe. Le ministère est très fort. Voilà Lady Cowper. Le prince Esterhazy que j’ai vu hier soir à son débotté dit autrement. Les Torys auront probablement la majorité dans la chambre. Et s'il y avait dissolution ils auraient une majorité de 70 voix. Le ministère est donc plus fragile que jamais. Mais l'Angleterre peut fort bien aller sans gouvernement tout est solide là. J'écris à Pétersbourg ; je ne puis pas attendre vos avis. Bulwer écrira à Cunning pour tacher officieusement d'éclaircir les deux points. Nous verrons. On ne parle pas du duc de Bordeaux si ce n’est pour confirmer ce que disent les journaux, que c’est un coup de tête que le duc & la duchesse d’Angoulême sont furieux, que le Pape est très embarrassé & & moi, je ne le croyais pas un homme ; il fait acte de volonté. C’est probablement une sottise, mais il n'y a pas de mal d'en faire à 19 ans. Cela ne peut pas vous inquiéter, il n’y a pas de quoi. Je suis fort pressée d'écriture, je vous montrerai jeudi tout ce que j'écris, que le ciel me tire enfin de toutes en désagréables affaires. Adieu. adieu. Je suis interrompue, tracassée, ennuyée. Adieu.
Mots-clés : Politique (Angleterre), Santé (Dorothée)
314. Paris, Mardi 12 novembre 1839, Dorothée de Lieven à François Guizot
Voici donc ma dernière lettre, si c’est ma dernière lettre ! (vous voyez comme je crois difficilement au bonheur.) Je me sens fatiguée ce matin à faire des copies pour vous. Je me sens fatiguée à mille choses de désagréables. Il me semble difficile que les choses désagréables, aient la moindre chance de m’atteindre jeudi.
Le duc de Bordeaux n’a pas été reçu par le Pape. La Duchesse de Berry est allé voir le Saint Père pour solliciter une audience pour son fils. Il l'a absolument refusé parce que le passeport du jeune prince ne portait pas le visa du nonce à Vienne. La cour d'Autriche et la cour de Gorrie sont également fâchée de ceci. J'ai causé hier avec Miraflores il n’est pas sanguin pour les affaires de son pays. Il dit que la dissolution est décidée. Montrond est occupé de la candidature de Berryer à l’Académie. Thiers se donne beaucoup de mouvement pour lui. Il sera surement odieux. Le Roi est curieux de voir ce que sera son discours de réception.
Granville me donne des conseils dans mes affaires. Il veut que des questions directes sont adressées à Londres, et je le ferai. Cela ne doit pas traîner. Je me porte mal, ne vous attendez à rien d’autre qu'à ce que vous aurez laissé. Et tout au plus encore. mais attendez vous bien à ma joie car elle sera grande. Adieu. Adieu, ce dernier adieu est le seul bon de loin. Adieu.
Beauséjour, Samedi 12 août 1843, Dorothée de Lieven à François Guizot
Vous êtes encore à Auteuil peut être et déjà il me semble que le monde entier est placé entre vous et moi, que l’éternité commence. Je me trouve bien lâche de vous avoir laissé partir. Dites-moi, répétez-moi, jurez moi que je vous reverrai bien portant le 26 ? Je n’aurai pas un instant de tranquillité jusque là. J’attends et j’espère Génie. J'ai oublié de vous dire que Lord Howden est arrivé hier matin de Londres, & qu’il est réparti hier au soir pour l'Espagne. On disait Barcelone, et un simple voyage de curiosité. Mais il ne fera autre chose.
Midi. Voilà Génie venu et reparti. Nous avons causé de tout. Et surtout de votre voyage car je l'ai sur le cœur bien lourdement. Votre mère lui a dit ce matin, qu'elle resterait 15 jours plus au Val Richer. et puis 3 jours à Tréport et puis Auteuil vers le 1er Septembre. J’ai affirmé que c’était impossible. Génie me trouve innocente. Tout ce voyage comme affaire est parfaitement inutile. Les bois cela pouvait être fait par tout autre. Raisonnablement comment et pourquoi aller à 80 ans se trimbaler, s'exposer à être malade. Vos enfants toujours malades en voiture. Vous aurez mille tracas. C’était une pure fantaisie de votre mère à laquelle vous n'avez pas su résister. Ici, comme affaires tout le monde s’étonne et trouve le moment singulièrement choisi. Vous même il y a quinze jours. encore vous n'y croyiez pas, parce que vraiment cela n’est pas sensé. Enfin Génie a été très abondant et éloquent sur cette matière, et encore une fois il est surpris de ce que je sois encore à apprendre que pour peu que votre mère ait une fantaisie, vous ne trouvez d’autre ressource que de vous y soumettre. Et bien tout cela m’attriste beaucoup, beaucoup. Je me figure mille choses de plus maintenant. Pourquoi avez-vous été si faible ? S’il lui arrive quelque chose, sera-ce une grande consolation pour vous de savoir que vous avez fait sa volonté quand cette volonté n’est pas raisonnable. Et Génie persiste à dire que de toutes les façons cela n’est pas raisonnable. Mon Dieu, mon dieu, revenez. Mais vous ne reviendrez pas, maintenant je vois bien que vous ne jugerez aucune question assez importante pour revenir. Mais le 26 vous me l'avez juré. Adieu. Adieu. Je ne vous écrirai que de tristes lettres. Je suis très très triste beaucoup plus triste encore qu’il y a une heure. Adieu. Adieu. Ne trouvez- vous pas que je suis quelque chose, aussi ? Adieu.
Mots-clés : Famille Guizot, Relation François-Dorothée (Dispute)
2. Beauséjour, Samedi 12 août 1843, Dorothée de Lieven à François Guizot
Je reviens de ville, où je n’ai vu que Durroy & M. Galand, ce n'est donc pas des nouvelles que j’ai à vous conter mais je veux ajouter à ma lettre de ce matin que j’ai remise à Paris, parce que je crains qu’elle ne vous fâche. Je regrette votre départ, je trouve d’après tout ce que m’a dit Génie que cela n’est vraiment, pas raisonnable, que vous avez été faible, mais je ne vous reproche rien, et je veux avoir foi à votre promesse de 26 en dépit de ce qu'a dit votre mère. Répétez-moi le 26 dans chaque lettre. Vous tenez tant à avoir son respect pour votre parole, & vous me l'avez engagée. Et puis dites-moi, répétez-moi qu’il ne vous arrivera rien. Point d'accident, point de maladie. La semaine prochaine sera abominable et si longue, si longue ! Mais la suivante quel plaisir de me dire la commençant que je la finirai bien si bien auprès de toi dans mon petit salon. Que nous serons contents ! En attendant je me ferai tous les dragons du monde, et pour commencer il me semble que cette nuit, on viendra vous attaquer dans votre lit. Fermez-vous votre porte ? Comment ai-je pu oublier de vous demander cela ? Je relis, je trouve une familiarité extraordinaire sur cette page. C’est égal je n’effacerai pas. La P. Belontelly sort d'ici. Décidément elle croit que Mad. de Nesselrode va venir : si elle vient, je suis d’avis que vous ne soyez pas aussi poli que la dernière fois. Au fond Génie ne m'a dit sur la visite qui vous est venue ce matin que la circonstance qu'on n'appelle plus Bourges ni roi ni reine. Ce n'est pas grand choses. Le faisait-on avant ? Je ne me sens pas bien, je voudrais me distraire. J'ai froid aux jambes. Sur les nerfs. Ils iront mal jusqu'au 26. Voici une petite lettre d'Emilie reçue à l'instant. Je crois que c'est le prétexte pour vous écrire deux lettres. Mais la vraie raison est que je voudrais en écrire et en recevoir toutes les heures. Adieu une fois, mille fois. Le 26. Le 26 et avant s'il plait à Dieu de nous envoyer une révolution, et à Lopeze vous demander un ambassadeur. N'allez pas m'escamoter cela. Adieu. Je vous enverrai Emilie demain au fond je ne l'ai pas encore lue.
3. Beauséjour, Dimanche 13 août 1843, Dorothée de Lieven à François Guizot
J’ai eu hier une visite très longue de M. de Barante. Pendant une heure j’ai été pleine de vivacité. Cela allait très bien. Et puis cela a langui et puis cela n’allait plus de tout. Il faut plus que Barante pour m’intéresser et m’occuper au delà d'une heure. Il n'a rien encore d'André il attend. M. Molé lui écrit de ? tristement, mécontent de sa santé et de tout. Il sera ici sous peu de jours. Barante est convaincu que Salvandy prendra Turin avec joie quoiqu'il continue à dire qu'il ne peut accepter que Madrid. J'ai vu le prince de Dolgoronky, il ne croit pas au voyage du Gal Oudinot. Il avait vu avant hier le Gal Pajol qu'il a interrogé à propos de ce que disent les journaux. Pajol s'est mis à rire. Oudinot est allé à Ems trouver sa fille malade. De là à Vienne. Il n’y a pas un mot de vrai au voyage à Pétersbourg. Dalgorondy de son côté dit que tel qu’il connait Oudinot c'est impossible nous verrons très incessamment. Appony chez qui j’ai dîné, m’a dit que le prince Metternich avait fait beaucoup de vœux pour Espartero et que sa chute lui causerait certainement beaucoup de peine. Voilà probablement le sentiment dans les cours d’Allemagne. Et je crois que cela se traduit par le chagrin du triomphe de la France. Je vous ai assez parlé des autres. à nous maintenant. Je ne me console pas, je ne me pardonne pas de vous avoir laissé partir. Il y a plus dans ce regret qu’il n’y avait autre fois. Cela me fait frissonner. Mon cœur me remonte à la gorge, j’étouffe et je pleure. Est-ce que je vous aime plus que je ne vous aimais ; est-ce pressentiment ? Nous verrons cela le 26. Il y a treize jours jusque là ; demain il n'y en aura plus que 12. Soyez bien assuré que je ne pense qu’à cela, et que cela ne me fera pas engraisser. J'ai revu mon salon hier pendant une demi-heure avant mon coucher. Je n’ai pas pu rester en place. J’ai joué du piano tristement, beaucoup de ? J’ai assez bon dormi. Avez-vous dormi ? pas de brigands ? Avez-vous pensé à moi, au chagrin que vous me donnez. Adieu. Je porte ceci en ville. Le dimanche on ne sait rien faire parler d'ici. J'irai à l’église. Vous savez pourquoi j’y vais à 4 heures je m'embarque avec Pogenpohl pour Versailles. Trouverai-je votre lettre à Paris ? Adieu. Adieu, tous les jours une lettre n’est-ce pas. Et dans chacune après l’adieu répétez le 26. Adieu.
4. Beauséjour, Lundi 14 août 1843, Dorothée de Lieven à François Guizot
Le 14 août 1843
J’ai trouvé en ville hier votre petit mot d'Evreux. Cela m’a raffermi le coeur. J’ai été à l’église. J’ai prié avec ferveur. M. Cuvier nous a fait un bon sermon, simple, très bien.
En rentrant ici j’ai trouvé Bulwer qui m’attendait. Il part ce soir pour Dieppe d'où il veut revenir à la fin de la semaine pour se mettre à ma disposition. Je n’y crois pas du tout. Acton explique longuement qu'Espartero, avait eu raison dans son place de campagne, le bombardement de Séville était même très habile et très juste. Malheureusement Serano qui devait battre, a été battu. Petite différence qui a tout dérangé. Grande désunion parmi les chefs vainqueurs. Grande vraisemblance et même imminence de troubles à Madrid une réaction. Le parti français grossissant. Grande crainte que l'Espagne toute entière ne demande le duc d’Aumale. Voilà Acton, Bulwer a l’esprit préoccupé du duc d'Aumale aussi, et me demande beaucoup ce que j'en crois. Qu’est-ce que je puis croire ? Je ne crois rien, mais je m’amuse des inquiétudes anglaises, c’est ce que je lui ai dit. En ajoutant qu’ils étaient singulièrement crédules. Après, Bulwer j’ai vu Kisselef. Il n’a pas eu un mot par le dernier bateau, il ne savait donc rien et avait tout à apprendre. Grande éloge des discours du duc de Nemours vanté même par les légitimistes au Club.
A quatre heures je suis partie pour Versailles avec Pogenpohl. Jolie course, air excellent qui m’a donné des forces J'ai marché beaucoup sur la terrasse avent dîner, après dîner à huit heures je suis repartie, j’ai descendu à pied la montagne à St Cloud et j'étais rentrée à 9 1/2 et dans mon lit avant 10 heures. Voilà bien exactement hier. Aujourd’hui je vais en ville je passerai à la porte de Génie. Je dinerai chez les Cowley. Demain je compte m’établir à Versailles, mais je vais encore apprendre si la pieuse comtesse y vient décidément ; si elle ne venait pas j’irai à St Germain que je vois plus gai. Certainement je ne resterai pas ici j'y suis trop triste. Avant hier Appony, hier Bulwer ont fort exalté votre mérite. Grands, grands éloges. Voici du bien beau temps ; mais mon jardin me déplait. Je vous envoie la lettre d’Emilie. Il est clair qu’elle n’a pas grande envie de ce mariage. Je pense beaucoup à tout ce qui se prépare en Espagne, hors d’Espagne. Je crois beaucoup à une ligue européenne contre le mariage possible avec la branche d’Orléans. Je crois surtout que vous seriez mieux à Paris dans un moment pareil qu'au Val-Richer. Que de retard ; & que d'occasions où un jour de retard porte un dommage difficile à réparer. Je ne puis m’empêcher de répéter avec beaucoup d’autres que vous vous en allez tout juste au moment où vos embarras et votre action commencent, c’est singulier ! Je me sers du mot le plus poli. J’en ai de bien gros au bout des lèvres. Adieu. Adieu pourtant. Adieu. Le 26 et peut être avant. Pensez un peu si avant ne deviendrait pas nécessaire ? Adieu.
5. Beauséjour, Lundi 14 août 1843,Dorothée de Lieven à François Guizot
le 14 août 1843
J'ai trouvé en ville votre petit mot d'Evreux. Le timbre de l'enveloppe portait Lisieux. Vous êtes donc arrivé sans accident. Dieu merci ! J’ai eu ma petite entrevue en ville. Je suis bien contrariée de ce qu'il m’a dit. Vous le serez un peu. Peut-être trouverez-vous que votre présence ici eut mieux valu dans ce moment. Prenez garde, un faux pas peut mener loin. Je voudrais bien vous parler. Je vous disais ce matin quelque chose qui trouve assez son application. Ceci est un moment des plus importants pour vous et pour la question. Je n’aime pas votre absence. Ce n’est pas à moi du tout que je pense en vous disant cela. C’est vrai ce que je vous dis là. Voici une lettre de mon frère que vous me renverrez.
Adieu. Adieu. J’ai voulu encore ajouter ce petit mot. Les numéros sont utiles pour cela. Adieu, le 26, j'ai bien envie de ne plus y croire mais dans le bon sens. C'est-à-dire qu'il est indispensable que vous reveniez avant. Adieu.
6. Beauséjour, Mardi 15 août 1843, Dorothée de Lieven à François Guizot
J'ai dîné hier chez Cowley. L'humeur n’était pas trop bonne, on demandait ironiquement à Bulwer si les voitures de voyage de la Reine Christine étaient dans sa cour, d’un autre côté on espérait que le régent n'irait pas en Angleterre. Bulwer part ce soir pour Dieppe et va décidément passer deux jours à Londres. Il sera de retour ici le 24.
Plus je pense à l’affaire d’Espagne plus je vois noir. Si l’on entre une fois dans la voie des paroles aigres cela ira bien mal. Il est très évident que l'Angleterre se trouvera dans la question du mariage à la tête de tout le reste de l'Europe. C'est là ce qui va lui donner et lui donne peut être déjà courage. Or, Aberdeen sait être brutal quand il n’a pas peur. Il faudrait lui ôter l'occasion. Que je voudrais vous parler !
La pieuse contesse est ven hier me dire son dernier mot. Je la précède aujourd’hui à Versailles. Elle veut aller demain coucher à St Germain. Je ne demande pas mieux. Je lis dans le journal de Pétersbourg que le bateau qui avait touché Copenhagen était arrivé à Cronstadt le 29 juillet. La lettre de d’André était du 31. Vraiment St Priest se sera trompé. Mais nous allons voir cela bientôt. Bulwer vient de m’interrompre. J'ai écouté, et j’ai parlé ! L'Angleterre prescrit à Acton la reconnaissance du Gouvernement à Madrid. Aberdeen est dans les idées les plus douces. J’ai accepté, et puis j’ai dit qu’il me revenait de tous côtés des inquètudes sur le mariage que les grandes puissances allaient se mettre en campaqne sur cela qu’il fallait faire bien attention à une chose. C’est que la seule, l'unique chance peut-être pour que le duc d’Aumale fut roi serait le cas où les puissances s'aviseraient de l’exclure d'avance. Cette parole prononcée d'une manière tant soit peu officielle serait comme un défi, et personne en France ne supporterait cela tandis que si on laisse les choses aller d’elles mêmes ; si on ne gâte pas en tripotant et en se méfiant, il est bien sûr que cela ne se fera jamais. Je vous dis en gros ce que j’ai donné comme mon opinion mais cela est entré pour rester dans la tête de Bulwer. Il va à Londres. A propos l'Ambassade anglaise croit savoir que Sébastiani va à Londres en mission. Bulwer ne m'en paraît pas fâché car il sait qu’il est bienveillant. Je remets ceci à Génie que je vais chercher. J’aurai, j'espère une bonne lettre aujourd’hui. Adieu. Adieu. Mille fois, parlez-moi du 26 ou de quelque chose avant. Adieu.
7. Beauséjour, Mardi 15 août 1843, Dorothée de Lieven à François Guizot
Je trouve ici votre bonne lettre 3. et l’incluse, excellente. Si je l'avais reçue à Beauséjour il y a une heure. Je n’aurais peut-être pas résisté à la tentation de la montrer, tellement elle est bonne, et to the point. Mais c’est trop tard. Où rattraper man chevalier errant ?
A 3 heures Beauséjour, je l'ai reçu c'est-à-dire que je l'ai fait venir. La préface a été bonne et courte. " Je vous crois un gentleman, je vous crois de l’amitié pour moi, jamais vous ne direz. Voici une occasion unique de porter la conviction dans votre esprit, et de faire par là du bien dans un moment important. Je ne veux pas balancer. "
L’étonnement et le contentement étaient visibles. Je crois, je suis sûre que j'ai bien fait. Il y a des occasions où le noir sur blanc, fait une impression bien autre que la parole. C'était comme mon K. il y a quelques semaines. Je vous renvoie, ce sera remis dans les mains de Génie. Il ne se doute pas comme de raison. Je l’ai vu ce matin, nous sommes convenus qu’Etienne ira tous les matins à onze heures prendre ses ordres c. à. d. ma lettre et qu'il viendra me l’apporter et reprendre ma réponse, demain à Versailles, après demain à St Germain. Adieu. Adieu. Je vais partir. Dites moi que vous recevez exactement mes N° celui-ci surtout. Adieu. Que j'aime votre N°3 !
8. Versailles, Mercredi 16 août 1843, Dorothée de Lieven à François Guizot
Le 16 août 1843
J’ai quitté Beauséjour à 4 heures. Je suis venue dîner seule ici, à 8 la jeune contesse est arrivée. Elle ne m’a pas ennuyée. Mais voici de son côté. Elle me dit tout à coup - Il doit être bien tard chère Princesse. - Quelle heure pensez-vous qu'il soit ? Près de onze heures. Il était huit heures 3/4. Vraiment j’ai peur qu’elle ne supporte pas longtemps le tête-à-tête.
Je me suis couchée à 10 h. J'ai très bien dormi. A 8 h, j'étais sur la Terrasse. Il faisait frais et beau. J’ai déjeuné, j’ai fait une toilette et me voici. La jeune comtesse est allée se promener dans les galeries, déjeuner chez Mad. de la Tour du Pin. J’y étais conviée aussi, mais je reste. Je vous écris et j’attends votre lettre.
Bulwer parle très sérieusement. Au fond il trouve le Cadiz ce qu’il y a de mieux et de plus pratique surtout. Le fils de Don Carlos impossible. Naples peu vraisemblable comme disposition espagnole. Dieu garde dit-il que qui que ce soit mette en avant un prince étranger quel qu'il soit. Car aussitôt la France serait forcée de lui opposer un Prince d’Orléans. Il ne faut pas à tout prix que la lutte de candidats s'engage. Il ne faut se mêler de rien. Il dit cependant que l'Angleterre doit agir pour empêcher que les Cortès ne nomment le duc d’Aumale, car malgré la résolution du Roi le cas pourrait devenir embarrassant. Si l'Angleterre veut en finir, je crois bien qu’elle arriverait au résultat contraire, mais enfin ce n’est que le dire de Bulwer. Il a beaucoup répété que son gouvernement était dans les meilleures dispositions d’entente avec la France. Il a insisté sur le bon effet qu’aurait la présence de Sébastiani, fort respecté à Londres. Cependant ne sera-t-il pas un peu trop Whig pour les gouvernements actuels ?
Tout ce que vous me dites dans votre N°3 me plaît. Vous avez pris si doucement mes reproches. De la manière dont vous me répondez, je trouve bon toutes vos faiblesses. Mais voici ce que je ne pourrais jamais trouver bon c’est que je fusse renvoyée au delà du 26. Vous pouvez être faible pour votre mère, mais vous ne serez pas injuste et dur pour moi. Je reste donc ferme dans ma foi pour le 26.
Midi et demie. Voici le N°4. Je comprends fort bien la première page, car Génie m’avait confié ce qui était venu de Londres. J’espère que vous aurez consenti à rétrancher le petit mot déplaisant. Il ne faut pas que vous ayez à vous reprocher un seul fait ou geste qui empêche de s’entrendre. Mais quel dommage que vous ne soyez pas ici. Je le répète : un jour de retard dans des affaires comme celle-ci c’est beaucoup risquer et vous dites mieux que moi. Je vous copie. " tout cela a besoin d'être conduit avec un grande précision et heure par heure." Et vous êtes à 46 lieues ! Mais au moins vous reconnaissez l’inconvénient, tout le monde le pensait, et moi aussi, par dessus toutes les autres choses. Revenez, revenez. Ceci est votre grand moment vous n'avez rien eu de si grave, de si important, et de si directement posé sur vos épaules depuis 3 ans bientôt que vous êtes ministre. Et c’est là le moment que vous avez choisi pour vos vacances. Pardonnez-moi si je reviens. Mais vraiment je voudrais impress upon your mind combien cela est sérieux pour vous. Je comprends toutes vos jouissances au Val-Richer, & j’essaie même de n'être pas jalouse ; mais je suis désolée de ce que votre sommeil soit toujours troublé. Enfin votre mère en vous voyant comme cela accablé de travail, vous laisserait bien partir, car elle reconnaîtrait que la politique est sa vraie rivale Adieu. Adieu.
Je renvoie Etienne avec ceci. Je regrette que mon N°7 soit arrivé à Génie trop tard pour vous être envoyé par la poste. Je l’avais donné à [?], à 4 pour le poster de suite. Il ne s’est présenté qu’après 6. Nouveau grief. Par dessus la glace & & Adieu. Adieu. Aujourd’hui variante avant le 26. Adieu.
Mots-clés : Conversation, Diplomatie, Famille Guizot, Mariages espagnols, Parcours politique, Politique (Angleterre), Politique (Espagne), Politique (France), Posture politique, Pratique politique, Relation François-Dorothée (Dispute), Relation François-Dorothée (Politique), Réseau social et politique, Salon
9. Saint-Germain, Jeudi 17 août 1843, Dorothée de Lieven à François Guizot
Par quatre ou cinq raisons, matelas élastique, gens d’écurie couchant au dessous de ma chambre. Victoire toussant la nuit & &, je n’ai pas dormi du tout, et pour comble d'infortune ayant été obligée de me lever pour fermer ma porte et ne m’étant pas couverte j’ai repris un point de côté comme j'en ai quelque fois en hiver, et il m’a fallu recourir à une sueur abondante pour m'en débarrasser. Je me suis donc levé tard, en mauvais état, en mauvaise humeur, & voilà l’heureux début de St Germain !
C’est parfaitement bête, car le lieu est ravissant, l’air et le temps aussi. Mais au lieu de mes conforts auxquels Je tiens beaucoup je suis dans une méchante auberge. C’est honteux pour Henri IV. J’attends encore votre lettre. Il parait que St Germain est plus loin que Versailles. Les journaux même n'y sont pas venus encore. Nous sommes arrivés ici hier à 4 heures à 6 Kisseleff et Pogenpohl sont venus dîner avec nous. Dolgorouky qui devait venir partait le même jour. Kisselef a quelque chose à vous montrer sur la Grèce , je crois que c’est de Londres qu'il l’a reçu. Il dit beaucoup que cela va bien mal en Grèce. Il dit aussi qu’on craint que Piscatory n’ait des penchants trop constitutionnel pour l’êtat du pays. Du reste il ne savait rien.
2 heure & demi. Voilà Etienne et une charmante lettre, car je vous reverrai plutôt, ma joie est grande autant que j'ai la force d’en avoir aujourd’hui. Génie m’explique que vous devez avoir reçu le courier qui vous manquait. Mais quel ennui et que je vous plains, car si votre lettre m’avait manqué je sais bien que je n’aurais plus le sens commun. Au reste comme tout vous manquait à la fois vous ne vous, serez pas inquiété pour moi. Je désire bien appendre que vous avez retranché, the objectionable word de ce que vous aviez envoyé à Londres mandez-le moi. Adieu, il faut renvoyer Etienne pour que ma lettre ne manque pas le courrier. Adieu. Adieu.
Vous me dites que vous me reverrez cinq jours plutôt après m’avoir dit que vous quitterez le Val Richer le 21 ou 22, mais vous ne pouvez donc arriver que le 23, cela ne fait que trois jours de gagne. N’ai-je pas bonne grâce de vous quereller encore ? Adieu. Adieu. Adieu. Je serai à Beauséjour Mercredi prochain en même temps que vous. Mais dites-moi encore plus exactement votre retour. Adieu. Adieu.
10. Saint-Germain, Vendredi 18 août 1843, Dorothée de Lieven à François Guizot
J’ai eu une bonne et longue nuit. J’étais à 1 heure du matin sur la Terrasse. Je rentre d'une promenade en calèche dans le bois, et me voilà attendant Etienne. Le temps est d’une beauté incomparable. C'est vraiment de l'été. Je n’ai vu personne, absolument personne hier. La jeune comtesse a fait des visites et rapporté des nouvelles. La grande Duchesse Marie de Lunchtemberg accouchée d’un fils (on se sera querellé pour savoir s'il sera grec ou Catholique), la réponse du Roi de Danemark était venue à Pétersbourg. Il consent au mariage aux trois conditions suivantes : les enfants protestants. Résidants à Copenhagen, et le Prince ne pouvant pas entrer au service de Russie. Tout cela est juste. Voici votre lettre, vous persistez dans la bonne voie. C’est dit, et j’y compte, et je suis heureuse d’y compter. Je ne vois pas clair encore entre Mardi et Mercredi. Moi je suis prise ici jusqu’à Mercredi matin ; il m’est impossible de manquer de parole à la jeune comtesse, elle ne peut pas rentrer en ville, son appartement est bouleversé et ne sera prêt que pour ce jour-là. Je tiens à ne pas manquer aux convenances et vous trouverez que j’ai raison. Toute bonne personne qu’elle est elle se trouverait maltraitée, et le dirait, et aurait droit de le dire. Je n’ai pas besoin d’ajouter qu'il m'en coute beaucoup de perdre même quelques heures ! Si je les perds mon Empereur avait bien besoin encore de se mettre cette affaires des Arméniens sur les bras ! Au reste je ne connais pas ses droits, il en a peut-être. Adieu. Adieu, vous voyez bien que je n’ai pas un mot de nouvelle à vous dire. God bless you dearest.
11. Saint-Germain, Vendredi 18 août 1843, Dorothée de Lieven à François Guizot
Le 18 août 1843
J’ai répondu trop courtement tout à l'heure à votre lettre. J’étais pressée de renvoyer Etienne. Je suis très frappée de ce que vous me dites sur Metternich et Naples. Il faut lui enlever cette clientelle, ou plutôt ce client. Faire reconnaître par Naples. Je crois moi, en tout, que vous menerez bien cette affaire là. Elle est grande vous vous y ferez hommes. Mais il faut la surveiller et la suivre de très près.
Samedi Midi le 19 août. Je fus interrompue hier par l'arrivée des [Delosdeky], de Rodolple Appony. Ils sont restés jusque près de l'heure du dîner. Le mari va aujourd’hui à Dunckerque où il s'embarque, & la femme au Havre où elle reste. Elle a eu une lettre de mon frère par laquelle il est évident, qu'il voudrait que sa femme passât l'hiver à Paris pour se débarrasser d’elle, & il garderait Sophie. The better half, et nous aurons the worse. Nous avons eu à dîner le prince Kourakine et M. Balabine. Vous ne vous attendez pas que cela me fournisse quoi que ce soit à vous dire. Voici huit jours depuis votre départ. Et bien le temps a passé. il passe sur l'ennui comme sur la joie. Mais Dieu merci il n’y a plus que trois jour. Que vous aimeriez St Germain ! C’est charmant et un air si pur si bon. Une heure. Votre lettre m’arrive. Je suis enchantée que vous ayez renvoyé à Londres, avec le changement. Décidément c’est avec Londres qu'il faut s’arranger, et vous y parviendrez. Comment Espertaro serait vraiment en France ? C’est certainement original. Depuis votre lettre qui fixe Mardi pour votre retour je médite sur les moyens de m'échapper. Si je le puis convenablement vous savez bien que je le ferai, mais si cela devait offenser ou chagriner cette bonne jeune comtesse, je ne pourrais pas. Vous ne sauriez croire toutes les attentions qu’elle a pour moi. Adieu. Adieu. Il me semble donc que je ne vous lirerai plus que demain. Je mens, je vous écrirai, toujours puisque Genie saura bien où vous trouver. Adieu. Adieu.
12. Saint-Germain, Dimanche 20 août 1843, Dorothée de Lieven à François Guizot
Le 20 août 1843
Hier un gros orage, point de visites de Paris. J’ai été voir madame [Svétehein] qui a une maison à St Germain. Elle est trop pédante, cela ne me va pas. Je crois l’avoir déroutée un peu, car pour le plaisir du contraste je suis plus que jamais restée simple. Cependant à tout prendre nous ne nous sommes pas ennuyée. Madame de Nesselrode ne vient pas. C'était un conte. Savez-vous qui ne m’ennuie pas et ne m’ennuiera jamais ? C'est la jeune comtesse. Sa bonté sur [?] tellement qu'on se sent le cœur tout réjoui avec elle, et mon esprit, je l'oublie.
Le N°8 m'arrive dans cet instant ; c'est donc à mercredi, pas plus tard je vous en prie. Je suis frappée de ce que vous me dites que les Espagnols pourraient vouloir un grand mari. Dans ce cas là, et s'il n’y avait pas d’autre alternative, il faudra bien que vous soyez le grand mari, better you would or not.
Nous attendrons Kisseleff à dîner aujourd’hui. L'air est fort rafraîchi mais il fait beau. Je griffonne mais la jeune comtesse entre et sort. Je ne sais pas ce que j'écris. Qu’est-ce que cette nouvelle aventure avec l'Angleterre ? Un français tué. On va vous donnez encore bien de l'ennui. Albert Esterhazy arrive après demain. Cela fait de grandes joies et de grands chagrins, car au fond les parents en pleurent. Toute la famille Kotchouby mère & tous les fils arrivent aujourd’hui au Havre. Hélène y arrive aujourd’hui aussi, de sorte que l’à propos est complet. La comtesse Strogonoff sera ici dans quinze jours. La mauvaise chair qu'on fait ici m’a un peu dérangé l’estomac. N’était cela je me porterais parfaitement bien, car certainement l’air me convient. Adieu. Adieu.
Je ne vois point de nouvelles dans les journaux ! L’arrivée d’Espartero n’est pas confirmée est- elle vraie ? Adieu. C'est long encore jusqu’à mercredi ! Adieu.
13. Saint-Germain, Lundi 21 août 1843, Dorothée de Lieven à François Guizot
Le 21 août 1843
Nous avons fait une promenade charmante dans la forêt avant le dîner. C’est superbe, je ne conçois pas que tout le monde ne vienne pas habiter St Germain. Rien ne manque pour en faire la plus belle, la plus ravissante habitation d'été. Pauvre Beauséjour il est en grande décadence. Kisseleff et Pogenpohl sont venus dîner. Pas l’ombre de nouvelle seulement Kisseleff m'apprend que le Maréchal Sébastiani a passé son temps à Ems avec le général Oudinot. Voilà qui est catégorique, & St Priest est un écervelé. Vous ai-je dit que Madame de Castellane est à Paris depuis huit jours ? Elle y est venue le jour où vous êtes parti. Elle me l’a fait dire en me priant de passer chez elle. Je n'y ai pas été. Elle reste encore quinze jours je crois. Aujourd’hui elle dîne chez les Appony avec Molé je suppose. Albert Esterhazy devait arriver hier. Je quitterai St Germain après demain entre 10 & 11 heures.
Voici votre lettre, j’espère bien en avoir encore une demain. C’est vrai, point de nouvelles, rien. Cela m'est égal. Je n’y pense pas. C’est étonnant comme un changement de localité change la direction de mes idées. Je n’assiste plus au spectacle du monde. Je suis très absorbée par la belle vue, la nouveauté des objets qui ne me rappellent rien. La conversation de la jeune comtesse. L'incertitude d'un bon ou d'un mauvais dîner. La journée se passe de la façon du monde la plus tranquille et la plus bête ; et cela me plait puisque vous êtes au Val-Richer. Mercredi à midi cela ne me plairait plus.
J'ai attaqué le dernier paquet de plumes que vous m’avez donné. Elles sont détestables, et j’ai toute la peine du monde pour écrire ceci. Vous le voyez je crois. Je voudrais bien écrire quelques lettres d’ici mais cet obstacle m'arrête. Adieu, adieu. Je vous écrirai encore demain. Adieu dearest.
14. Saint-Germain, Mardi 22 août 1843, Dorothée de Lieven à François Guizot
Le 22 août 1843
Je n’ai pas vu une âme hier et je m'en suis très bien passée. Une seule me suffit, c’est drôle quand cela s’applique à la jeune comtesse, qu'on dise après cela que je suis difficile à vivre ! Le temps s’est un peu gâté cependant nous avons fait comme de coutume nos trois ou quatre promenades. Chacun de nous a ses chevaux et sa calèche, et ses jambes et rien à faire. Cela fait aller !
Je vois par les journaux ce matin qu'à Barcelone, cela s'embrouille. encore, et à Saragosse un peu aussi. C’est dommage, car vraiment les gouvernants à Madrid se conduisent très bien. Je suis curieuse des détails que vous devez avoir reçus de Glüsberg. Voici donc ma dernière lettre Dieu merci, je l'envoie toujours à Génie. Peut-être a-t-il encore une occasion de vous la faire parvenir : je dînerai vraisemblablement seule aujourd’hui. La jeune comtesse veut se divertir à sa manière qui n’est pas la mienne. Elle ira dîner à l’auberge avec une société qu’elle a invitée. Le soir il y a le concert Murad [?] dans le jardin. Celui-là j'en jouirai très bien de notre salon jusqu’ici c'est moi qui ai donné la musique car la jeune comtesse m’avait fait la galanterie d'un piano.
1 heure. Je reçois votre lettre au moment où je suis forcée de fermer ceci. Quel plaisir demain. J'ai eu une longue lettre de Bulwer. Il s'embarquait à Boulogne ; il m'écrira de Londres aussitôt après avoir vu Aberdeen. Mon même Constantin m'annonce sa prochaine arrivée à Paris ! J'en suise fort aise. Adieu. Adieu. Voilà mad. Schitchein, il faut que je vous quitte. Adieu mille fois. Vous ne me dites pas l’heure de votre arrivée ! Ni quand vous viendrez me voir. Je serai à Beauséjour entre midi et 1 heure. Adieu.
1. Beauséjour, Jeudi 31 août 1843, Dorothée de Lieven à François Guizot
6 heures
Je commence par le récit de ma visite hier soir qui a été divertissante mais autrement que je ne pensais. M. Molé était la évidemment m’attendant de pied ferme. Il n'y avait personne. Pendant la première demi-heure, on chercha tous les sujets indifférents. J’étais fort déterminée à ne pas parler de la Reine d'Angleterre pour voir jusqu’où ils pousseraient le mauvais goût de ne pas faire mention de la chose qui les préoccupait le plus. Enfin, je nomme le duc d'Ossena [?] que je venais de voir, M. Molé me demanda s'il m'avait parlé du voyage de la Reine. Non, ce qui était vrai. Alors, il dit : Pour mon compte je suis enchanté de ce voyage. C'est un excellent événement. Et puis mon plaisir est double par le dépit que cela cause à certaines gens. C’est même fort drôle. Comment ? Qui ? Ah, d’abord le faubourg St Germain. Ils en crèvent et puis on en crève dans toutes les langues. Ah. Ah ! "
Hier à la soirée des Appony, c’était impayable. Ces pauvres diplomates ! Quand je disais à l’un d'eux, (et je me suis donné le plaisir de le dire à chacun) eh bien la Reine d'Angleterre arrive. On me répondait par " Avez-vous lu le National ? - Non Monsieur je ne le lis jamais tout ce que j’ai pu obtenir d'eux c'était ceci. C’est un grand événement et puis ils baissaient la tête avec un air capable. Ensuite c’est trop peu déguisé, et tous étaient comme cela. Evidemment c'est une grande déroute, mais c’est trop le montrer. - Vous souvenez vous Monsieur le conte d'une petite confidences que vous m'avez faite il y a quelques années ? Vous me disiez le corps diplomatique n’a pas d'esprit. - Oh, pour cela, c’est vrai. Et bien la seule personne convenable dans le salon Appony était le Duc de Noailles. Il me dit : c’est un événement très important, un grand raffermissement pour la dynastie, et je comprends que le roi et toutes les personnes, qui lui sont attachées ne soient fières et contentes. " Je vous ai redit tout Molé sur ce sujet.
Mad. de Castellane qui avait été de la soirée Appony confirme tout et renchérissait. Pour le coup Molé n’a pas menti car je ne doute pas un instant de la mauvaise humeur mais vous voyez qu'il a pris le bon côté dans l’affaire. Ou du moins qu'il le montra. Il m’a dit encore, c’est votre Empereur surtout qui sera furieux. J'ai simplement répondu, c'est une leçon. Il a encore fort blâmé l’article de la presse, du premier jour qu'il a trouvé de très mauvais goût. Il pense que si la reine vient à Paris, elle y sera très bien reçue. Enfin il était très gai, et n’aurait pas mieux parlé s'il était votre Ambassadeur. J’ai vu longtemps les Cowley. Ils sont dans le troisième œil.
Les lettres de Londres hier de Henry Greville disaient que la Reine ne passerait à Eu qu’un jour et qu’elle viendrait décidément à Paris. Aujourd’hui il attendait son courrier avec quelque chose, comme vous les verrez demain vous saurez avant moi. Vraiment plus on pense à cet événement plus on le trouve grand, immense. Soyez en bien content, et pas trop orgueilleux. Amenez bien la reine, soignez bien le Prince vous ne saurez trop faire dans ce genre. Every Thing short of another Cobourg. Il me semble que vous feriez bien de vous arranger de façon à faire parler le télégraphe. Faites donc stationner un directeur là où il passe le plus près d’Eu. Vous gagneriez toujours huit heures au moins, et plus, et il serait bon qu'on sût ici l'arrivée de la Reine à Eu ; puis que Duchâtel sût très vite si elle vient à Paris. Je vais parler de cela à Génie. Il en donnera peut-être l’idée à Duchâtel. Les Cowley étaient en peine d’une loge à l'opéra, pour le cas où la Reine y irait. Je leur ai dit de s'adresser à vous. En général il faudrait que le corps diplomatique peut être pourvu, car malgré leur mauvaise humeur. Il faut leur supposer un peu de curiosité.
Je vais en ville un moment. peut-être passerai-je chez les Appony. Je suis jalouse du divertissement de Molé. Je vais à Versailles pour dîner et coucher. Si je trouve Pogenpohl je l’emmènerai dîner et pour le cas où il n’y aurait pas de fête pour moi, ce qui est possible, je ne ferais au moins pas le retour seule dont j ai un peu peur dans l'obscurité. Je crois que Madame de Castellane viendra passer un jour chez moi à Versailles. Mais au fond je suis si curieuse d’Eu que je ne sais si je tiendrai loin de Paris. Ecrivez-moi bien les nouvelles. Je suis encore à m'étonner et à m’inquiéter de la joie de notre séparation, à m'inquiéter parce que j’ai pleuré chaque fois, et toujours je vous ai retrouvé bien portant et bien. Aujourd’hui que je ne pleure pas qu’est-ce qui m'attend ? On sait si peu prévoir ! Tout est si incertain dans ce monde ! Vous n'avez pas besoin de mes exclamations et de mes méditations. Vous voilà dans grand [?]. Je pense avec plaisir à la joie de tout votre camp. Adieu Adieu. Adieu.