Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


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Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Vendredi 24 sept 1852

J’aurais voulu être là quand Montalembert s’est trouvé entre Fould, et Hackeren ; j’aurais tâché de le faire rester, un quart d’heure du moins, et nous nous serions amusés. Soignez-le un peu. Je me reproche, dans le passé, de n'avoir pas tenu assez de compte de lui, même comme adversaire. Par ses bon côtés, comme par ses faiblesses, il est de ceux sur qui on peut toujours agir. Du reste je suppose qu’il ne fait, en ce moment, que traverser Paris.
Avez-vous lu, dans les Débats d’hier, l'article de John Lemoinne sur le Duc de Wellington ? Il n’y a pas le good sens, mais il y a l’intelligence du good sense et de la grande folie. Tout comprendre sans bien juger, c’est une qualité française ; John Lemoine la possède à un degré peu commun et il écrit avec un certain éclat familier qui plaît au moment où on lit. Je ne crois pas du tout que les Princes aient acheté le Times. Ce serait beaucoup trop cher pour leur bourse et pour leur goût.
Dit-on qui ira dans l’Inde à la place de Lord Dalhousie ? Je vois dans les journaux anglais qu’il reviendra au terme de son temps, malgré son envie de doubler le relai. J’avais toujours cru que Lord Palmerston finirait par là, pour arranger ses affaires ; mais Lady Palmerston n'ira pas dans la patrie du choléra. Et lord Derby, sera-t-il chancelier de l’université d'Oxford ? Ce serait très convenable. Qu'y a-t-il de vrai dans l’entrevue de Bulwer avec le cardinal Antonelli et dans sa demande de la communication des pièces du procès Murray ?
En fait d'impertinences, il ne faut faire que celles qui sont de bon goût, et qui réussissent. Rome a fait d'énormes fautes, depuis quelque temps, dans ses rapports avec l’Angleterre ; il ne faudrait pas que l’Angleterre en fit beaucoup de son côté pour lui rendre ses avantages. Un italien n’a que son esprit pour se défendre contre un Anglais ; mais il en a toujours assez pour cela, même quand l’Anglais en a.

Onze heures
Vous voyez que j’avais remarqué Bulwer et Antonelli. Je suis bien aise que vous ayez vu le duc de Noailles. Vous aurez causé avec lui comme nous avons causé dans notre dernière promenade au bois de Boulogne. Adieu, adieu. Moins vous me parlerez de votre santé, plus je croirai que cela va bien. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris jeudi 23 Septembre 1852

Nouvelle consultation ce matin. Chomel me trouve mieux. J'ai mangé hier du perdreau. Je continuerai aujourd’hui. Mais je ne vous parlerai plus de ma santé. Cela m'ennuie & cela me porte malheur. Chomel a eu une lettre de Lausanne où l'on a transporté la D. d’Orléans, c’est vendredi 17 qu'a eu lieu l’accident. Ils ont pensé être noyés tous. Elle a la clavicule droite cassée. Si on la transporte avant 10 jours elle peut supporter le voyage. Si on attend il faudra 4 semaines de repos complet. Chomel va je crois la rejoindre. Il saura demain si elle va à Eisenach ou à Claremont. Il dit qu’elle a les nerfs très dérangés de tous les tourments qu'on lui donne. Et bien qu'elle se tienne tranquille.
Le Moniteur commente & ce matin anime le discours des Princes. On a trouvé un peu de remède. On veut le forcer à marcher en avant et plus vite. Thiers est amoureux de Turin, de son roi, de son ministre, de tout ce régime. Avez-vous remarqué hier dans le Galignani le dialogue de Bulwer avec Antonelli ? On s’attend à de grands changements en Belgique. Léopold [?] peu l’air d'être le compère du Président, ou vice versa. Meyendorff sera à Petersbourg en même temps que Kisseleff dans un mois. Ce départ de [Kisseleff] me désole, mais je suis en pleine assurance de son retour au bout de six semaines ou deux mois voilà le duc de Noailles. Il me prend mon temps jusqu'à ma promenade. Je ferme donc ici Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 11 Septembre 1852

J’ai vu hier soir M. Fould mais il y avait du monde, trop ou pas assez pour une causerie tête-à-tête ; je ne sais donc rien, seulement j' ai remarqué qu'il n’avait pas l'air de bonne humeur. Persigny est revenu de son voyage parfaitement remis et bien portant. Il part le premier avec le Président et reste auprès de lui 6 jours. Mad de Contades va à Lyon faire les honneurs chez son Père. A la soirée chez la Princesse Mathilde où était le Président ; [Kisseleff] a pris congé de lui, car il va à Petersbourg dans un mois. Il n’y avait pas d’autre diplomate. La plupart des ministres et Morny, très gai. Kolb vient de voir aux Champs Elysées une revue de cinq régimes passée, par le président. Cris unanimes de tous, vive Napoléon vive l’Empereur avec un très grand entrain ; il avait l'air d'avoir crié aussi. Voici votre lettre, c’est bien court, me quitter vendredi déjà ! Aggy ne me reviendra que Mardi 21. Je ne sais vraiment rien. J'ai peur de vous dire que je crois que les forces me reviennent car cela me les ferait perdre sans doute demain. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris Jeudi le 9 [Sept.] 1852

D'André est ici en congé, cependant on dit qu'on n’a pas été fâché de cela vu ce qui s’est passé à la Haye. Fagel a envoyé un courrier hier pour demander des ordres. Vous soupçonnez une partie du ministère Hollandais de n’avoir pas été étranger au rejet de la convention. Je n’ai pas revu Persigny depuis son retour et j’ai oublié d'en demander de nouvelles à Fould. 9 heures Ah voilà qui est beau et charmant ! Quel grand plaisir pour moi. J’ai peur que ce plaisir même d'avancer ne me fasse assez de bien pour que vous ne me trouviez pas assez malade. Si vous étiez venu hier j'en valais la peine. La jaunisse. Je vous dirai à la fin de la lettre le jour du départ d'Aggy. En tous cas je sais que c’est la semaine prochaine, le commencement ; & qu’elle me quitte pour huit jours. J’entends bien parler de Drouin de Lhuys. C’est peut être [?] Turgot. En tous cas on le trouve convenable, homme d’esprit et plus du tout aussi long que ci devant. Ce pauvre Piscatory, comme je suis fâchée de son malheur ! Il a l’air d'avoir tant de coeur. Viel Castel doit être chez lui dans ce moment. La petite princesse sera bien contente de vous revoir. Voilà Aggy levée.
Midi. Elle part Mardi 14. Vous me direz quel jour vous arriverez. Elle revient lundi le 20. On m'interrompt, adieu. Adieu, & merci, merci.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Mardi 7 Sept. 1852

Je vois que M. de Nesselrode en arrivant à Naples s'est rendu à Castelle mare, dans la maison de votre fils Alexandre où demeure son gendre Creptovitch. Votre fils, a donc prêté sa maison à celui-ci. Cela devrait mettre, M. de Nesselrode en bonne disposition pour vos fils. Mais les petits services n'étouffent pas les petites passions. On fait quelques politesses de plus, et on garde sa mauvaise humeur. M. de Nesselrode aura trouvé à Naples M. Turgot. Conversation qui ne l'aura ni beaucoup instruit, ni beaucoup amusé.
Avez-vous entendu dire qu’on rappelât notre Ministre de La haye parce que les Chambres de Hollande ont rejeté la convention conclue avec la France pour la contrefaçon et la propriété littéraire ? Ce serait un peu vif. Il est sûr qu’on n'aura pas fait grand chose en supprimant la contrefaçon, en Belgique si elle va s’établir en Hollande.
Je ne m'étonne pas que M. Molé ne soit pas content de M. de Lamartine ; il ne sera content d'aucune histoire. Les mérites, et les agréments de M. Molé sont des agréments et des mérites essentiellement contemporains ; il faut les voir de près, et en jouir soi-même d’un peu loin, ce sont des ombres pâles qui disparaissent bientôt tout-à-fait. De son temps, M. Molé aura été prise plus qu’il ne vaut, après, il ne le sera pas assez.
Le récit de Waterloo est en effet frappant et attachant dans Lamartine ; trop long et trop arrangé. Cet homme gâte ses richesses en les étalant trop, mais l'étalage est beau, comme dans les magasins de Paris.
Galignani me dit que Lady Lovolace est très malade. Jolie, savante, pédante, folle et coquette. Coquette avec ce singulier. mélange d'affectation et de naïveté que les Anglaises mettent dans la coquetterie. Bonne personne au fond, et de sentiments nobles. Son mari est ce qu’on appelle un homme de mérite.
Je n'ai point de nouvelles des Broglie si ce n’est par Mad. de Staël qui écrit à ma fille Henriette que Madame la Duchesse d'Orléans est venu les voir à Coppet avec ses enfants. Pas contente de sa santé. Les jeunes Princes très bien. Le comte de Paris étonnamment bon cavalier pour son âge. Pas d’autres détails.

10 heures et demie
Bonne longue lettre, qui me plait doublement, d'abord parce qu'elle me donne à penser que vous vous sentiez mieux hier, et puis pour elle-même. La lettre de l'Impératrice est charmante. Le voyage d’Aggy me déplait. Adieu, adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val-Richer. Lundi 6 sept 1852

Vous me demandez des lectures. Vous intéressez-vous d’autant plus à un temps que vous vous en êtes plus, et plus récemment occupé ? Si c’est là votre disposition, quand vous aurez fini l’histoire de la Restauration de Lamartine, prenez l’histoire des deux restaurations de M. Vaulabelle, un moment ministre de l’instruction publique sous le gouvernement provisoire, après Carnot, je crois. Six volumes non terminés ; cela va jusqu'en 1827 et à la chute de M. de Villèle. C'est l’histoire révolutionnaire de la Restauration ; parfaitement révolutionnaire ; tout est bon pour défendre ou répandre la révolution ; tout est légitime contre la légitimité ; l’auteur accepte et accepterait tout y compris la ruine de la France, plutôt que de transiger une minute avec les adversaires quelconque de la Révolution. Cela dit, c’est un livre curieux, sérieux, fait avec soin, avec un certain talent lourd, mais passionné, avec conscience quant à la vérité des faits et même avec une certaine intention d'impartialité quant aux personnes. C’est un mauvais livre qui mérite d'être lu.
Il y a quatre ouvrages à lire sur l’histoire de la Restauration ; Lamartine et Vaulabell, plus Lubis, celui- ci est la droite Villèle et gazette de France ; plus Capefigue, recueil d'anecdotes, de documents, écrit avec une fatuité pédante et intelligente. Tous livres faux, et dont aucun ne restera parce que, ni pour le fond, ni pour la forme, aucun n'est l’histoire ; Lamartine seul offre çà et là pour la forme, des traces d’un esprit et d’un talent supérieurs ; mais tous amusants aujourd’hui et nécessaires à consulter plus tard, pour qui voudra connaître notre temps. Si vous aimez mieux quelque chose encore plus près de nous, lisez l’Europe depuis l'avènement du Roi Louis-Philippe, jusqu’en 1842, par Capefigue, dix volumes. C'est bien long et bien médiocre, mais animé, plein de détails sur les faits, sur les personnes, et plutôt vrai que faux, un long bavardage écrit par un coureur de conversations et de nouvelles qui ne vit pas habituellement dans le salon, mais qui y entre quelque fois.
Si vous voulez les romans, demandez les trois ou quatre nouvelles de Mad. d'Arbouville, la femme, laide et morte, du Général d’Arbouville. Vous l’avez rencontrée, je crois, chez Mad. de Boigne. Vraiment une femme d’esprit, dans le genre roman, du cœur elle-même, et l’intelligence du cœur des autres. Je crois qu’il y en a quatre, Marie, Le médecin de village, je ne me rappelle pas le nom des deux autres. Ils ne portent pas le nom de l'auteur, mais tout le monde sait de qui ils sont. Voilà ma bibliographie à votre usage.
Je m'attendais à votre réponse sur Lady Palmerston. Il y a beaucoup de sa faute, un peu de la vôtre. Elle a mérité que vous vous détachiez (je ne veux pas dire détachassiez) d'elle ; mais vous vous détachez aisément quand vous n'aimez plus beaucoup. Vous ne tenez pas assez de compte du passé, même du vôtre.
Deux romans qui me reviennent en tête vraiment spirituels et intéressants, Ellen Middleton et Grantley manor, de Lady Georgia Fullarton. Moi qui n’en lis point, j’ai lu Grantley Manor qui m'a plu, et surtout attaché. C’est un peu tendu.
Comme je ne lis jamais les journaux Allemands, je ne savais pas qu’ils fussent violents contre le Président. Mais je vois que faute de répression à Berlin, Tallenay vient d'adresser à ce sujet une note à la diète de Francfort. C'est faire une bien grosse affaire. Je ne doute pas que la diète me réponde, très convenablement ; mais après ? Gouvernements, ou amants les plaintes inefficaces ont mauvaise grâce.
On annonce l’arrivée à Paris du Marquis de Villamarina, comme ministre de Sardaigne en remplacement de M. de Collegno. S'il vient, vous ferez bien de l’attirer chez-vous. C’était autre fois un homme d’esprit. Il y a longtemps à la vérité.
Pauvre Anisson qui est venu mourir subitement à Dieppe. C’était un bon et honnête homme, aussi honnête que laid. Ce sera un chagrin pour Barante.
Quel volume ! Presque comme si nous causions. C'est bien différent pourtant. Adieu. en attendant la poste, je vais faire ma toilette.

11 heures
Je n'ai plus de place que pour adieu. Adieu. G. On m'écrit que le Sénat sera convoqué pour le 20 novembre.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 6 Septembre 1852

J'ai manqué Fould hier, ce que je regrette. Je ne le verrai que demain, il est à sa cam pagne, certainement le Moniteur est à lui. J’avais oublié de vous dire. Il n’y a de communiqué que ce qui passe par lui. J'ai vu longuement Cowley hier. Voici ce que je relève de plus frappant de son opinion personelle " jamais un Bourbon ne pourra tenir en France. " Il regarderait donc une restauration comme devant ramener une révolution. Il est très décidé dans cette opinion. Il paraît qu’avant la conclusion de l’arrangement avec la Belgique. Les propos ici ont été très vifs jusqu'à menacer d'une invasion, aujourd’hui on se dit très content des deux côtés.
C’est Londonderry qui a eu la jarretière. Il a menacé de retirer trois voix au ministère dans la Chambre basse. On a cédé. Cela aura fort déplu à la Reine. Je doute que cela plaise au Président. Le dîner à St Cloud a commencé par un mistake. On était prié pour 5 1/2. Le Prince n’y était pas. Il se promenait à Bagatelle, il n’est rentré qu'à 6 1/2. Banischi avait fait le mépris. Le Prince s’est confondu en excuses. Il n’y avait personne Granville que Hubner, les Drouin de Luys, et une dame Rouger un peu leste. On a joué après mais pour de l’argent. Le Prince toujours très aimable puisque Hubner y était pour la princesse, Cowley aurait pu y être, ou Granville. Il n’y était pas. Hubner a dîné 3 fois depuis 3 semaines, pas un autre diplomate n’y dine.
J’ai eu hier une lettre toute d’amour de l’Impératrice elle-même. Elle m’écrit malgré ses yeux, & si tendrement ! Je ne sais rien de mon fils. Madame Kalerdgi était ici hier soir, maigrie, bien empressée pour moi, plein d’un nouveau roman allemand. Elle va en Russie dans 15 jours. Elle lève le camp à Paris, & n’y viendra plus qu'en passant. Molé avait l'air triste. J’avais assez de femmes. Il y a une grande disette d’hommes. On me conte qu'à Bade la suite du Prince s’y est rendue. Odieuse par sa jactance. Là on ne croit pas au mariage la [grande duchesse] Stéphanie serait contre ; elle veut du plus assuré pour sa petite fille. Il est question de Luitpold de Bavière qui doit être roi de Grèce. C'est Mad. Kalerdgi qui me rapporte cela, elle en vient. Voilà je crois toutes mes nouvelles.
Kolb part demain pour Bade avec les Delmas. Oliff est toujours à Trouville. Aggy s'en va après demain pour 10 jours chez les Hainguerlot. Vous voyez qu'on me délaisse. Je ne puis pas m'opposer. Adieu. Adieu.
Persigny n'a fait aucune affaire à Londres, et n’y a vu personne. Il a fait une visite de politesse à Malmesbury voilà tout. Il y était allé simplement pour amuser sa femme. Il est très amoureux d’elle. Voici quelques extraits de la lettre de l’Impératrice. Vos lettres me sont encore plus chères qu’autre fois, puisque nous nous connaissons et nous aimons encore mieux. Se revoir nous a réchauffé le cœur l'une pour l’autre. Je sais que sous la [Princesse] Lieven politique il y en a une autre qui est à moi, et à Dieu. Midi. Aggy remet son voyage à Tours jusqu'à la semaine prochaine

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val-Richer, Dimanche 5 sept. 1852

Quand quelque chose vous empêche de m'écrire, faites-moi écrire je vous prie, deux lignes par Aggy ; non pour me donner des nouvelles, dont je me passerais fort bien quand même, il y en aurait, mais uniquement pour me dire ce qui vous empêche d’écrire, et comment vous vous trouvez ; c'est là ce que j'ai tous les jours besoin de savoir, et ce qui me préoccupe quand je ne le sais pas.
J’ai eu hier des visiteurs de Trouville, des Delessert, des Mallet, Hippolyte de La Rochefoucauld, une bande ; ils ont passé ici la matinée. Il y a beaucoup plus de monde, mais pas plus de nouvelles, à Trouville qu'au Val Richer. Il y a eu de la grande compagnie ; elle s'en est allée ou s'en va ces jours-ci. La quantité reste. Le Chancelier et Mad. de Boigne toujours centre le soir, sauf pour ceux qui vont danser au salon. Et toujours très intelligents sensés et causants.
Le 15 Août a été très brillant à Trouville ; illumination de toutes les maisons sur la plage, et celle de Mad. de Boigne très bien illuminée. Et le 26 Août, elle est allée à un très modeste service dans la petite église d'Hennequeville, pour la mémoire du Roi Louis-Philippe. Il y a du bon sens et du bon goût à concilier ce qui est dû aux souvenirs du passé et aux droits du présent, au pouvoir qu’on a servi et aimé et au pouvoir qui maintient l’ordre au profit de tous. Il n’y a pas, dans ce pays-ci, beaucoup de gens qui sachent faire cette conciliation-là.
Voilà, M. de Persigny qui a repris possession de son portefeuille. Est-ce qu’on ne dit rien de l'objet de son voyage à Londres ? Il me revient qu’en dépit des articles du Times et du Moniteur, l’intelligence est très bonne entre le Président et le gouvernement Anglais, et que s’il avait à recevoir de là quelques bons offices, on les lui rendrait volontiers.
Il me revient aussi que la situation de Fould, même en son absence, devient de jour en jour meilleure. On dit, par exemple, qu'aucun ministre n’est plus admis à envoyer au Moniteur un communiqué sans l'avoir fait passer par le Ministre d'Etat. Dans le gouvernement tel qu’il est constitué aujourd'hui, c’est très sensé.
Le vote du Conseil général des Hautes-Pyrénées que Fould présidait, à dû plaire au Président. C'est à la fois le plus positif et le plus large. Quand, M. de Nesselrode, doit-il rentrer à Pétersbourg ?
Je suis impatient de savoir quelles conséquences auront les ouvertures faites à votre fils Paul et les bontés de l'Impératrice pour lui. Je crains un peu d'humeur et de jalousie ministérielle. Le bon vouloir du pouvoir le plus absolu est bien aisément distrait ou entravé.
Avez-vous entendu dire que la Constitution avait été sur le point, il y a quelques jours d'être suspendue pour deux mois, à propos de son article, très inconvenant, il est vrai, sur le duc de Parme ? Antonini s'en est plaint, avec raison. Le Constitutionnel s’est excusé comme il a pu, et on s’est contenté de son excuse publique. Mais il a eu peur. C’est probablement, pour vous une vieille histoire.

Onze heures
Merci de votre lettre. Je suis bien aise que la restauration de M. de Lamartine vous amuse. Je vous chercherai quelque autre lecture. Adieu, Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris jeudi le 2 Septembre 1852

J'ai encore revu Lord Granville hier, il reste pour dîner demain à Saint Cloud. Cela m'amuse qu' il y dîne. Je n’ai vu hier soir que Valdegamas et le nonce. Voldeganas est original et me plait. Personne n’a la moindre nouvelle à dire. C'est un vide extraordinaire. Chomel est revenu ce matin il est content de ma société, mais moi je voudrais être plus contente de ses ordonnances. Je continue. Molé doit venir aujourd'hui. Kalerdgi aussi, cela va m'égayer. Il y a quelques anglais. Les [Bruce] que j’ai vu hier, ils trouvent Paris charmant quelque ennuyeux qu'il nous paraisse. Voilà qu'on m’interrompt, cela ne vous prive de rien car je n'ai rien de mieux à vous envoyer qu'Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Mercredi 1er Sept. 1852

Ce que vous me dites de Hübner ne m'étonne pas ; il a de l’esprit, mais son esprit est placé trop bas pour se répandre aisément ; il n’y a que les esprits hauts qui soient communicatifs et libres.
Vous avez en effet bien peu de ressources à Paris en ce moment ; mais vous en auriez encore moins ailleurs. La campagne est bonne à ceux qui ne craignent pas la solitude.
A mon avis, vous avez tort de ne vouloir absolument. d’aucun château ; vous n’y seriez pas, il est vrai, aussi parfaitement, sans gêne que chez vous ; mais vous y auriez un peu de bonne conversation et beaucoup de bon air. Il faut bien choisir entre ses goûts et sacrifier quelque chose des uns à la satisfaction des autres. Je vous fais de la très bonne morale, sans compter sur son succès.
Pour moi, je ne parie plus ni pour contre l'Empire ; il viendra, ou ne viendra pas, comme on voudra ; je n’y pense même plus. Je puis oublier beaucoup le présent.
La guerre devient bien vive, entre le Times et le Moniteur. Je ne crois pas que cela serve le Président en Angleterre où tout le monde lit le Times et personne le Moniteur. Et en France, où personne ne lit le Times, et tout le monde à présent le Monteur, cela n’a d'autre effet que d’apprendre au public, que le Times attaque violemment le Président. Ce sont des polémiques où l’on s’engage pour la satisfaction de son humeur, non pour le service de son intérêt. Je les comprends de l'Empereur Napoléon, il faisait la guerre à l'Angleterre ; il la lui faisait dans le Moniteur comme partout ; ses articles étaient soutenus par ses canons, et expliquaient ses canons. Mais le Président, est et veut, être en paix avec l’Angleterre ; le Moniteur ainsi employé lui rend la paix plus aigre voilà, tout. C’est un mauvais calcul un anachronisme.
Je suppose que vous ne lisez pas le Bernardin de St Pierre de M. Ste Beuve. aussi soigneusement que ses Regrets. Quatre Bernardin de St Pierre à la fois, celui qui a eu le prix à l'Académie, celui de M. Villemain dans son Rapport, celui de M. de Salvandy dans les Débats, et celui de M. Ste Beuve dans le Constitutionnel, c’est beaucoup.
Vous êtes vous fait lire le Rapport de M. Villemain ? Aggy lit-elle bien tout haut ?

Onze heures
Je reçois quatre lignes de Piscatory qui me dit qu’il est malade, et qu’on le croit dangereusement malade, d’une esquinancie. Lui, il se croit mieux ; mais il finit en me disant. " Je pourrai me vanter d'avoir été pendu. " J’en suis très fâché, car j’ai vraiment de l’amitié pour lui. Adieu, Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 1er Septembre 1852

Lady Palmerston a été dans le plus grand danger, une attaque de Choléra elle est sauvée. Lord Cowley que j’ai vu hier soir me parait triste, triste sur son compte je crois. L’affaire n’est pas claire il me confie ses petits chagrins. Sur l'ensemble, il ne m'a rien dit de plus que Granville, qui est venu encore hier causer long temps chez moi. Celui-ci a de l’esprit. La petite princesse dîne encore après-demain à St Cloud. On s’étonne assez des articles.du Moniteur sur le Times. Quelle mauvaise guerre on engage là. Et cela fait un vrai mal. La bourse s’en inquiète. (pardon de mon papier taché) Rémusat est dans sa terre. Ils sont tous revenus.
Je reverrai demain Chomel. Oliffe reste toujours à Trouville. Je me tire d’affaires avec Kolb. Aggy n’a pas bonne mine. Sa soeur malade va un peu mieux. Lady Allice veut venir ici le 15. Madame Kalerdgi arrive aujourd’hui. Voilà ma gazette et pas intéressante du tout. Adieu. Adieu. Hubner me soigne assez, c’est parce qu'il n’y a personne à Paris. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris mardi 31 août 1852

Lord Granville a passé quelques heures à Paris venant de Londres et allant chercher sa femme en Allemagne. Il est venu me voir et m’a fort intéressée. Il n’y a rien de nouveau cependant. Si Derby touche il croit à John Russell et le garde toujours comme le plus grand chef de parti en Angleterre, il confirme la liaison d’Aberdeen avec lui. Quant à Palmerston, jamais [Ministre] des aff. étrangèrs, & jamais premier ministre. Stuart Canning retournera probable ment à Constantinople.
Il n’y a pas moyen d’attraper un bout de nouvelle d'ici. Personne n'approche de St Cloud, et on n’a d’accointance. avec aucun homme en place. Fould ne revient que le 5 pour repartir le 15. Aggy a été faire visite aux dames Thiers hier soir. Elle y a trouvé Lasteyrie extrêmement engraissé. La rosière y était aussi. On ne parle pas politique. On s’est moqué du discours de Laroche Jacquelin, du bal de la Halle & & Voilà mon bulletin. Haynau est fort suivi et protégé par la police. Mes forces ne reviennent pas. Je continue les bains de Vichy. Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Samedi 28 Août 1852

Votre découragement me chagrine au moins autant que votre faiblesse. Il est impossible que, n'ayant point de maladie, point de fièvre, vous ayez sujet d'être à le point abattu. Je sais que lorsqu’il vous a vue il y a quelque temps Chomel ne vous a trouvé d’autre mal qu’une de ces constitutions délicates et fatiguées qui exigent des soins continuels, mais avec lesquelles on vit très longtemps, comme deux secrétaires perpétuels de l’Académie, Fontenelle et Suard qui ont vécu l’un jusqu'à 99 ans, 9 mois, l'autre jusqu'à 84 ans, en ayant toujours eu mal à l'estomac depuis leur enfance.
Êtes-vous contente de Kolb ? Quand Olliffe retourne-t-il à Paris ?
Je vois, dans mon Galignani, que Lady Palmerston aussi a été malade, en Irlande. Mais elle est bien plus forte que vous. Elle doit avoir des crises vives et nom pas des langueurs. Antonini va-t-il partir en congé, comme le disent les journaux ? Le voyez-vous souvent et serait-ce une perte pour vous ? Autrefois vous l’aimiez assez comme porteur de nouvelles et il en savait. Mais il s’est fait grand tort un jour dans votre esprit, et bien justement. Puisque sa cour s'est si bien conduite, envers le président à l'occasion du 15 Août, il doit être en faveur à l'Elysée et assez au courant.
On parle de querelles dans l’intérieur du cabinet anglais, et de la retraite probable des protectionnistes intraitables comme M. Christopher. Est-ce vrai ? Il faut que les Protectionnistes se résignent ; la protection ne peut plus être le sine qua non de la politique conservatrice. Trois statues à Peel en trois ans. Londres, Leeds, et Montrose !
Je suis assez curieux de savoir si les nouveaux arrangements de Lavalette avec la Porte, annoncées par dépêche télégraphique seront aussi satisfaisants et efficaces que les premiers.

11 heures
J’aime mieux que vous soyez jaune. On sait que faire à cela. Mais faites, je vous en prie, ce que vous dit Chomel. Je ne crois point, hélas à l'infaillibilité, ni à la toute puissance des médecin, mais je crois encore, moins à la fantaisie des malades. Adieu, adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris samedi le 28 août 1852

La journée hier a été un peu meilleure, mais je n’ai pas dormi la nuit. Je viens de prendre mon premier bain de Vichy, je compte être bien docile, mais je le serai sans confiance. Molé est venu hier soir, une vraie surprise. Il dit qu’il est venu pour moi naturellement je ne le crois pas. Il part ce matin pour Maintenon. Viel Castel m’a dit adieu. Il est allé passer quelques semaines chez Piscatory. J’ai vu Hubner deux fois, il est peu communicatif. Très présidentiel. Il n’y a pas eu de dîner à Vienne le 15. M. de Lacour n’y était pas. La messe le matin dans une église de la paroisse et pour les Français seuls. A Londres la légation de Prusse s'est excusée du dîner. Antonini est venu me dire adieu. Il part ce matin pour Naples. Impossible de continuer. Adieu

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 26 août jeudi 1852

J'ai été bien mal cette nuit. Kolb est resté auprès de moi jusqu’à 4 h. du matin, depuis j'ai dormi deux heures. J’ai envoyé chez Chomel. Le fait est que je suis très souffrante. Je fais tout ce que vous dites chicorée, gelée de viande & & rien ne va. Les forces partent. Me retrouverez-vous ? J'en doute. Rogier est venu hier. Il se dit content, & son roi aussi, de la Convention. On doute que les chambres le soient.
Depuis toutes les nouvelles qui arrivent de l’étranger les diplomates commencent à regretter d’avoir assisté au te deum le 15. C'est une drôle d’affaire. Traitée très diversement. Berlin, Pétersbourg, Hanovre, Berne, de la même façon. Les autres comme Naples avec [?] et honneurs, comme Vienne & Londres simplement de tout cela il reste ici beaucoup d’humeur, et pour l'avenir prochain une autre façon d'amorcer la fête. Car fête politique et nationale nous n'en voulons pas & personne ne peut en vouloir. Personnelle de tout notre coeur. Hubner vient chez moi souvent ; il est détesté par tous les petits. Viel Castel est ici pour quelques jours, très aimable homme.
3 heures je suis toujours dans mon lit et je n'ai guère la force d’écrire. Comme je suis ce que vous dites ! Quel vide pour l’esprit et le cœur, & mille fois plus que pour vous. C’est probablement une bonne partie de mon mal. Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer Mercredi 25 Août 1852

Le beau temps paraît décidé à revenir aujourd’hui. Vous en jouirez dans votre calèche. Moi, j'en jouis dans mon jardin. Je ne fais guère de longue promenade aux environs. J’aime mieux flâner en rêvant dans mes allées. Je rêve à mes travaux, au passé, à l'avenir. Je suis ici à la fois très entouré et très solitaire. Pour la vie extérieure et à la surface, rien ne me manque ; le fond est vide. C'est curieux combien la distance est grande dans l’âme entre la surface et le fond.
Mes enfants sont excellents et charmants pour moi. Quand je chercherais, je ne saurais vraiment qu’y ajouter ; mais ils ont leur propre vie, qui n’est pas la mienne. C’est tout simple. Je suis également frapper du sage arrangement des choses telles que Dieu les a réglées, et de leur imperfection.
M. Drouyn de Lhuys s'est donc arrangé avec la Belgique. Pour des affaires de cette sorte et de cette taille, il en sait plus que M. Turgot. Il vient de faire une bonne et juste nomination en envoyant à Londres, mon ami Herbet que vous connaissez, comme consul Général. J’ai vu avec plaisir que mon amitié ne lui faisait pas tort. Il m’est resté très attaché. Il servira très fidèlement et très capablement. Je regrette que ce mot-là ne soit pas français.
Ably, nous manque. Je trouve que les petits jeux et les bijoux qu’on gagne toujours sont des appâts un peu vulgaires. Je conviens qu’il en faut de ceux là, et quand ils réussissent, on a bien fait de les employer.
Avez-vous remarqué que M. de Radowitz vient d'être nommé inspecteur général de tous les établissements militaires de Prusse ? Est-ce un simple manque de faveur personnelle, ou bien y a-t-il là quelque politique ? Ceci me paraît peu probable.
La Suisse est vraiment une honte pour l'Europe. Je viens de lire, dans l'Assemblée nationale, une longue lettre sur l'état intérieur du canton de Neuchâtel qui fait vraiment dégoût et pitié. Les protocoles de Londres pour le maintien des droits du Roi de Prusse n’ont abouti qu'à un redoublement de tyrannie radicale. Les radicaux ont raison de se moquer des rois.

Onze heures
Demandez à votre médecin, Olliffe ou Chomel, si l’usage habituel de quelque boisson amère, comme la chicorée, ne serait pas bon pour votre estomac. Vous avez besoin de quelque tonique pas fort, mais constant. Avez-vous renoncé aux eaux de Bussang ? Prenez-vous un peu souvent de la gelée de viande ? Je voudrais bien vous trouver un peu de force.
Si la petite Princesse a moins d’esprit qu’il y a douze ans, ce n’est pas assez. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 25 août 1852

On se fâche fort ici de l’événement de Berlin. On conteste cela avez d’autre lieux où tout s’est passé le 15 selon les désirs de la France. Il faut qu’il y ait un luxe de maladresse de la part de M. de Varennes. Au reste je vous ai dit que ce n’est pas là seulement, à Bern cela a été encore pire qu'à Berlin. On me dit que les Belges ont été fort piqués du voyage de la Reine d'Angleterre, de voir tous les vaisseaux anglais sonder l'Escaut, prendre des notes & & cela a été très impopulaire. M. Drouin de Lhuys a dit hier à un diplomate que le nouveau traité avec la Belgique était tout à l’avantage de la France au delà de ce qu’il aurait jamais cru possible. Il a dit aussi au même, l’Empire est fait.
Dumon est venu me voir hier de Versailles. Je lui avais prêté Cromwell. Comme moi. il a été très accusé, mais de même que moi et plus que moi, il dit pourquoi ; & il ajoute que c'est fâcheux pour vous et pour les autres. Je vous en prie restez en là. Voilà votre lettre, qui explique. C'est peu connaître l’homme que de croire qu’un avertissement public puisse agir sur lui et le retenir ce serait plutôt propre à faire l’effet contraire.
Les petits dîners élégants, les lotteries, les cadeaux continuent à St Cloud. Mad. Sebach y a gagné hier une belle bague rubis & et diamants. La surveille Mad. Woronoff m’avait rapporté une émeraude & diamants. Il faut être riche pour cela. Toujours 6 ou 8 dames bien dotées. Le temps est beau, mes forces ne viennent pas, elles s'en vont. Je suis très découragée. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 24 août Mardi 1852

Je ne suis sentie si lasse hier que j'ai fermé ma porte et je me suis couchée à 9 heures. J’ai mal dormi, ma faiblesse augmente. Pour peu que cela continue, j'y périrai. Je n'ai pas d’autre mal, mais je suis prête à crier de faiblesse. J’ai vu du monde le matin, il y a ici peu d’accord dans les procédés le 15. Il me semble qu'à tout prendre c’est les anglais qui se sont le mieux prêtés à la Célébration. Je vous ai dit Berlin. A Hanovre le peuple a [?] d'immortelles ce jour-là la colonne de Waterloo sur une place publique. Enfin il y a de quoi donner ici beaucoup d’humeur, mes sources d’information sur ici me manquent. J’ai rencontré hier au bois le Prince. Très gracieux salut. J’étais avec la princesse Schonberg. Elle est chez moi tous les jours. Elle a de l’esprit, mais pas beaucoup, moins qu'il y a 12 ans.
Les Conseils généraux voguent en plein empire. Ceci vous prouve que je lis le Moniteur. Je n’ai que lui, tous les autres journaux m’ennuient je ne les vois plus. La conclusion du traité avec la Belgique était hier l'événement diplomatique. Je ne m'y connais pas. Adieu. Adieu, car voilà qu'on m’interrompt.
Avez- vous lu les regrets dans le Constitutionnel ?

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris dimanche le 22 août 1852

J'ai vu une lettre de Berlin racontant le 15. La police a défendu l’illumination & le Te deum. Mantenffeld & le reste a refusé d’aller au dîner. Pas un Prussien n’y a été. Petit dîner en habit bourgeois, & de tout le corps Diplomatique rien que l'Anglais & le Bavarois. Voilà, partout je crois cela aura été de même ; on ne peut pas célébrer la mémoire de l'homme qui est venu saccager, opprimer, humilier tous les pays. Pourquoi le Prince ne s'est-il pas borné à dire que c’était sa fête à lui ? On la célébrerait volontiers. Tout cela est très maladroit. Castelbajac a un congé. Il revient comme Kisseleff va partir, il n’y aura pas d'affaires du tout. Car ce n’est pas le Prince Kourakin qui saurait les faire.
Je vous envoie la lettre d’Ellice qui vous intéressera. Renvoyez la moi je vous prie. Tout le monde a comme moi lu votre Cromwell avec beaucoup d’intérêt, mais tout le monde se demande, & mon plaisir une fois passé je me demande aussi pourquoi vous l'avez fait paraître. C'est de la désobligeance pour le moins. C’est inutile & cela pourrait vous attirer et à d’autres des désagréments. Cela ne vous ressemble pas de faire de la malice pour de la malice. What use ?
Je ne sais rien de Rémusat. Je n’ai point vu les Delessert depuis deux jours. Je les vois beaucoup, elle me plait tout à fait. Ce pauvre Auguste est revenu il est allé voir mourrir sa femme et l’enterrer. Hier on a enterré le petit Tolstoy. En ai-je fini des tragédies ? Mes jambes vont mieux, mais la débilité générale est extrême. Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Mercredi 18 Août 1852

Je reconnais bien M. de Varenne dans l’idée de faire chanter un Te deum en l'honneur de Napoléon dans l'Eglise catholique publique de Berlin. Il manque tout à fait d’esprit et de tact. Berlin est probablement de toutes les capitales de l'Europe celle où un pareil service devait le moins réussir. Dans la Chapelle de la Légation et entre français à la bonne heure, si le Président avait de grandes affaires, il verrait combien de tels agents sont impraticables.
Je remarque, assez de conseils d’arrondissement qui poussent à l'Empire. Nous verrons ce que feront les conseils généraux. A peu près partout, ils sont tels que l'administration, les a voulus, et elle en aura ce qu’elle voudra. C'est commode, mais pas toujours utile.
Les informations de Lord Aberdeen s'accordent avec celles de mes visiteurs anglais. Pour le moment, je crois plutôt à la durée de Derby, plus ou moins modifié, qu'à l'avènement de Lansdowne. Celui-ci serait obligé de dissoudre presque aussitôt. C’est trop d’émotion et trop de dépense. Lord Cowley redoute-t-il toujours Lord Malmesbury ?

Onze heures
Vous avez donc encore Stockhausen ? Je le croyais parti. Aggy n'aura pas la même popularité mondaine que Marion, mais je suis bien aise qu'elle aille un peu dans le monde, et qu’on l'y traite bien. Cela convient à votre salon.
Ce dont je suis bien plus aise, c’est de vos nouvelles de votre fils Paul. Non seulement cela lui montre ce que vous êtes et ce que vous pouvez pour lui, mais j’espère que si on lui ouvre une belle porte, il rentrera avec plaisir dans sa carrière. Je ne puis souffrir de voir un homme distingué perdre sa vie comme un good for nothing. Adieu. Adieu.
Nous avons eu hier ici un immense orage. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 17 août 1852

Dans toute la journée hier je n’ai vu que Stolham, & la Duchesse Decazes. Tout le reste se reposait de la veille et se préparait à St Cloud. Aggy même y a été. Il ne restait rien à Paris pour moi. St Cloud a été brillant, beau ; Aggy très fêté par tout le monde. Le Président gracieux pour elle. Des nouvelles, elle ne m'en a point rapporté. Je serai donc très peu intéressante aujourd’hui car ma lettre part toujours avant que je n'aie vu du monde. L'Électeur ne se présente pas. Il a vu le feu d’artifice dimanche de dessus les plombes dans ma maison à côté des chambres de mes domestiques. Je saurai ce qu'on en pense ici.
Je reçois dans ce moment une lettre de Paul. L’Impératrice l’a fait venir et l’a tenu une heure et demi. C'est énorme et une énorme faveur. Voyez comme elle est bonne & fidèle ! Paul ne peut assez se vanter de sa bonne grâce pour lui, moi j'en suis bien touchée. Mes jambes vont mieux, je marche avec mon parapluie en guise de canne, je ne veux pas de canne. J’espère bientôt être émancipée. Je n’ai pas entendu parler du tout du pamphlet de Victor Hugo. Remarquez que je ne vis qu'avec des diplomates. Meyendorff m'écrit. L'Autriche & la Prusse ne s'arrangent pas (le Zollverein) ce qui n'empêche pas que sur les grandes affaires, les grands principes, on ne soit en complet accord.
Mad. Decases me dit que Thiers va arriver. Son mari ira vous voir au Val Richer. On a été étonné de ne voir personne de la famille Bonaparte auprès du Prince [...]

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer. Lundi 16 Août 1852

Si vous avez eu hier soir le même temps que nous, les illuminations auront brillé librement et la fête aura été belle ; le ciel ici était sombre, mais sans pluie, et pas beaucoup de vent. Ce matin, à 5 heures et demie, un temps superbe, pas un nuage ; le brouillard est venu et couvre ma vallée.
L’Electeur de Hesse aurait tort de ne pas faire sa visite. Je comprends qu’on ne vienne pas, c'est une politique ; mais venir et ne pas donner signe de vie au chef du pays, c’est une impolitesse impertinente qui ne convient jamais à de grands seigneurs. Vous me direz ce qui sera arrivé, n'est-ce pas ? J'en suis curieux.
Les journaux de Bruxelles mettent quelque affectation à dire que la Reine Victoria est restée enfermée dans son appartement, à Lacken, depuis le matin jusqu'à 4 heures. Donc temps donné à la conversation avec le Roi Léopold et aux affaires. Je ne doute pas que le voyage, n'ait un but d’amitié et de protection affichée.
Dit-on quelque chose, du pamphlet de M. Victor Hugo ? A en juger par les extraits que je lis dans les journaux, c’est aussi fou et aussi ridicule que celui de Proudhon, avec la fureur contre le président de plus. Voilà deux socialistes qui le proclament, l’un le plus utile ami, l’autre le plus odieux ennemi de la révolution. L’un est proscrit, l'autre bien traité. C’est naturel.
M. Thiers, M. de Rémusat, et les autres sont-ils déjà revenus à Paris, ou bien annonce-t-on leur prochain retour ?
Lord Londonderry est assommant avec sa correspondance. Le Président doit en être bien ennuyé. Il ne peut pas relâcher Abdelkader ; l'Algérie serait bientôt sans dessus dessous, tout le monde le craindrait du moins. Je comprends que le Duc d’Aumale fût embarrassé de le voir retenu par le gouvernement de son père. Mais le Président n’a rien promis à Abdelkader. Pourquoi s’est-il laissé aller à promettre quelque chose à Lord Londonderry, ou à peu près. Il devrait le connaître.
Soyez assez bonne, je vous prie, pour parler un moment de moi à la Princesse Schönberg et lui exprimer tout mon regret de ne pas la voir. J’aurais été charmé de causer avec elle ; elle était, et je suis sûr qu’elle est toujours charmante. Quand on l'a été vraiment, on ne change pas. Adieu.
Vous ne me dites pas si vous avez trouvé un maître d'hôtel. Je ne sais pourquoi les embarras de ce genre, vous troublent tant ; vous vous en tirez toujours bien. Le fou en veut aux papiers et aux bijoux présidentiels. Le ministère de l’intérieur et l’Elysée, c’est trop. 10 heures Pas de lettre. Ou vous n'aurez pas eu le temps de m’écrire, ou votre lettre aura été mise trop tard à la poste qui est partie plutôt. Adieu, Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Dieppe le 2 août lundi 1852

Voici ce que m'écrit Fould. " je ne pensais guère vous écrire. encore de Paris. C’est presqu'au moment de monter en voiture et mes chevaux commandés sur toute la route de Pyrénées que j'ai été appelé à St Cloud. La mission que j’ai acceptée me paraît pleine de difficulté, et ce n’est pas sans quelque préoccupation que je l’ai acceptée. Ce sont des fonctions nouvelles que le début de mon prédécesseur a laissé à peine ébauchées. La bonté du Prince et la bienveillance avec laquelle il m’a promis de m'aider ne m’a pas permis d’ailleurs d'hésiter. "
Je lui ai répondu pour le féliciter et moi aussi Voici Beauvale. Je suis moins bien que hier. Les mouvements plus gênés. Et la marche plus impossible. J'en suis bien triste. On me dit que toutes les épurations, et nominations dans le conseil d’Etat sont à l’adresse des décrets d’Orléans.
Mardi le 3. L'heure de la poste était passée Aggy qui devait terminer ma lettre et la fermer n'était pas là. Je suis bien fâchée. J’étais souf frante. Je le suis encore un peu plus ce matin. Une pauvre nuit, provenant de mon inquiétude sur mon compte. Beaucoup plus que de mes souffrances, car quand je ne remue pas je n’ai point mal. Mais mon imagination va, va & je n'ai personne pour la régler.

2 heures. Le médecin revient aux tous premiers remèdes du premier jour de l’arnica. Reprendre l’alphabet par la lettre a. c’est bien ennuyeux. Je me suis fait traîner en calèche. Tolstoy au lieu de vous ! Stohkansen me mande qu'il payerait cher pour avoir une bonne occasion pour m'écrire. Il la faut bonne. Je ne puis pas deviner, c'est bien dommage. Hatzfeld a dîné à St Cloud. Promenade dans la forêt, navigation sur l'Étang de Villeneuve l'Etang. Le Président menant lui même la barque. Trés agréable journée. Je ne sais rien de plus à vous dire.
Je me soigne, je me tourmente & Je m'ennuie. Au fond je serais mieux à Paris. Tout est si incommode ici. Aggy vous remercie de votre souvenir. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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41 Dieppe Jeudi le 22 juillet 1852

Mardi est bien loin, mais je suppose qu'il arrivera un jour. J'ai été tracassée et occupée. J’ai beaucoup réfléchi au Moniteur, je ne puis pas laisser là cette affaire d'un autre côté je ne veux rien faire sans Kisseleff. Je lui adresse donc aujourd’hui. une lettre pour Persigny. Il me dirigera là dedans, je vous dirai ce que j’aurai fait. Je ne sais pas de nouvelle. M. de St Priest a été ici, toujours très fusionniste mais vous savez que je ne le connais pas. Vous parlez très sensibly de l’Empire. A propos vous me deviez 5 Francs au ler Juillet nous ferons un autre pari si vous voulez. Lord Cowley que je vois tous les jours ne sait rien de nouveau d'Angleterre. On m’envoie de là le grand article qui a motivé le communiqué du Moniteur sur moi. On promet entre autre à Marion un mari et une fortune si elle me dispose à servir le président auprès de l’Impératrice. Le tout est de cette force. Comment va-t-on ramasser de ces choses là & y répondre. Est-ce possible ? Adieu. Adieu.
Je ne suis contente ni de la mer ni de ma santé. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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33. Paris le 9 juillet 1852 jeudi

Je n’ai pris à Schlangenbad qu’un seul bain. Je n’avais pas le temps. Voilà la vie de cour. Ils ont fait du bien à l’Impératrice. Je les aurais pris avec grand bénéfice après son départ pendant 15 jours, si Aggy était venue. Voici qu’elle s'annonce pour le 14 c’est encore bien long.
Paris est étouffant. Je vois tout le monde. Fould, Caumont, voilà pour la Cour. Toute la diplomatie. Duchatel, Dumon, Noailles les indépendants. L’Empire ne se fait pas encore, on n’en parle pas ; pas du tout. Il faut une femme, elle n'y est pas encore. Le Prince se porte à merveille & se repose à St Cloud. Il ira à Strasbourg le 17. 3 jours d'absence.
Je vous répète que j’ai beaucoup à vous raconter et rien à écrire. Je cause avec vos amis, je les écoute & je leur apprends. Je suis trop paresseuse pour aller à Champlatreux. Je n’ai pas eu une minute de solitude de puis mon arrivée. Je me lève à 7. Je me promène jusqu'à 8 1/2 alors je me renferme. Je dîne à 3, à 6 h. je sors pour rentrer à 8 1/2 & je me couche voilà ma journée.
De 10 à 6 on vient me voir. Kisseleff part demain pour Vichy. Hatzfeld est bon d’affaires. Hubner n'est pas revenu. L’Impératrice s’est bien trouvée de Schlangenbad, mais il eut fallu quinze jours encore & l’Empereur ne lui a pas accordé. Je n’ai pas encore eu le temps d'écrire un seul mot à l’Impératrice. Adieu. Adieu.
On me dit que je ne trouverai rien à Dieppe. C'est là que je veux aller, mais j’ignore si je réussirai. Je le saurai demain Adieu.
Drouin de Lhuys va avoir les aff. étrangères. On changera aussi M. Duruflé. Lord Mahon & Cardwell ont perdu leur élection.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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N°33 Val Richer Mardi 6 Juillet 1852
6 heures

J’ai eu hier vos N°27 et 28, Schlangenbad et Stolzenfels. J’espère, pour vous, que vous n'avez pas en la chaleur que nous avons ici depuis trois jours ; avec votre fatigue, vous en auriez été accablée. Vous aurez certainement grand besoin de repos. Je suppose que vous arriverez à Paris demain ou après-demain. Vous y aurez bientôt Aggy, si elle n’y est déjà ; la lettre que je vous ai envoyé était positive sur cela ; elle valait mieux pour le présent que pour l'avenir. Votre navigation sur le Rhin a dû être très agréable. J’aime le Rhin, les bons bateaux et la bonne compagnie. Je serais fâché de savoir que je ne reverrai jamais Stolzenfels.
Malgré la saison, vous ne serez pas seule à Paris, on n’y est jamais seul. C'est le lieu où l’on peut le plus se reposer sans s'ennuyer. Vous y avez toujours vos diplomates. Je regrette pour vous Stockhausen. Connaissez-vous son successeur ? Les hommes du nouveau Roi ne vous seront probablement pas aussi familiers, ni aussi dévoués que ceux de l'ancien. Je n’ai toujours point de nouvelles à vous dire. C'est vous qui m'en direz.
Le discours de la Reine d'Angleterre m’a assez plu, quoique trop long. Il est d’un ton tranquille. On aurait peine à y voir, si on ne le savait pas, qu’elle a changé de ministère et de parti.
Je travaille et je m'amuse vraiment à travailler. Je raconte comment Cromwell a eu envie de se faire Roi, et pourquoi il a eu le bon sens de ne pas se faire Roi. Je n’ai pas choisi récemment le sujet et je ne cherche pas du tout les analogies ; mais je m'amuse à les rencontrer. J’ai peine à croire à l'expulsion de Thiers de la Suisse ; les conservateurs suisses ne sont pas si brutaux et les radicaux suisses auraient tort d'être si rancuniers. Il a défendu les corps francs.

10 h 1/2
Voilà votre N°30. Je suis charmé que ce soit fini. Vous en aviez vraiment besoin. Vous êtes cependant plus forte que vous ne croyez. Ce que vous me dites de votre journée du 3 et de votre matinée du 4 aurait lassé je ne sais qui ; et vous ne vous arrêtez-même pas à Cologne vous allez coucher à Aix-la Chapelle, et vous ne savez pas si vous vous reposerez un jour à Bruxelles. Ne dites pas, je n'en puis plus.
Adieu. Adieu. Vous serez certainement demain à Paris, comme cette lettre. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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N°29 Val Richer, Vendredi 2 Juillet 1852

Voici une lettre de Marion qui ne vous plaira guères. Vous en savez certainement déjà une partie ; elle vous a écrit, me dit-elle, qu’Aggy ne vous rejoindrait qu'à Paris. Il faut que vous sachiez le tout. Je ne sais si vous auriez mieux aimé rester sur le Rhin avec Aggy que revenir à Paris et l’y trouver ; après le mois que vous venez de passer, vous devez avoir besoin de repos sans solitude, et vous aurez cela à Paris mieux que sur le Rhin. Vous venez d'être très fatiguée et très intéressée ; il vous faut du calme sans vide, il me semble que sur le Rhin, à Baden, Wiesbaden, Ems, n'importe, vous n'auriez ni l’un ni l’autre. Pourquoi n'iriez-vous pas un peu à Versailles, où vous trouveriez Dumon, un peu à Maintenon un peu à Dieppe ? Je parle au hasard ; il n’y a pas moyen de discuter cela de loin.
Fould est un homme d’esprit qui sait se conduire dans le présent, et qui voudrait bien arranger l'avenir. Envie fort naturelle aux gens d’esprit. Mais l'oeuvre est plus difficile.
Je suis fort aise que la rencontre de l'Impératrice, et du Roi Léopold ait réussi, et j’espère que ce sera le prélude de quelque chose de plus et de mieux encore. Soyez sûre que pour toutes les affaires de tout le monde, le Roi Léopold est un homme considérable, et qui ne demande qu’à faire très bien, pourvu qu’il soit un peu bien traité.
Avez-vous remarqué le discours de Lord Palmerston à propos de la motion de Sir Harry Verney sur les missionnaires anglais expulsés de Hongrie par l’Autriche ? Il a rarement été plus perfidement anti-autrichien et plus habile pour plaire en Angleterre. Le coup de patte qu’il a donné en passant à Lord Granville doit être fort désagréable à celui-ci. Palmerston jouira encore un rôle. Je ne sais si le comte de Bual sera très flatté de ses compliments. Aberdeen me dit qu’il part pour l'Ecosse trois jours après la dissolution du Parlement.
J’ajoute un fait à ce que je vous disais hier sur l'importance prochaine des questions religieuses. Il se prépare et déjà, il se commence dans l'Eglise anglicane, une scission pareille à celle qui s’est faite, il y a quelques années, dans l'Eglise Presbytérienne d’Ecosse, c’est-à-dire que l’Eglise Anglicane se coupera en deux, l’une restant officielle et unie à l'Etat, l'autre séparée et indépendante. Et voilà, un M. Gladstone frère, je crois du politique, qui entre dans ce mouvement. Les Catholiques croiront que c'est la reine de l’Eglise anglicane qui commence et ils se tromperont, ne comprenant pas l’Angleterre, ni la liberté religieuse.

11 heures
Votre rhume me déplait. Et par conséquent votre dîner en plein air, même quand on vous regarde manger. Ce régime-là ne vous irait pas longtemps. Je vois qu'ayant Kolb vous retournerez vous reposer dans Schlangenbad solitaire, de Schlangenbad impérial. Adieu, adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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24 Schlangenbad Dimanche le 27 juin 1852

Je suis horriblement enrhumée. Je tousse beaucoup, cela me désespère, les derniers jours vont être bien gâtés par là. Vous ai-je dit hier que Kolb est arrivé ? C’est une grande sécurité pour moi. Il reste à mon service pour tout le mois de juillet. Maintenant si Aggy pouvait arriver ce serait complet. Je doute parce que je le désire tant. Il y a là quelque chose que je ne m'explique pas. J’ai écrit au Médecin du lieu. Il m’a répondu que [?] allait beaucoup mieux. Ellice & Marion m'écrivent que les parents veulent qu'Aggy m'arrive, qu'elle-même le désire ardemment. Mais que c'est la soeur malade qui s'y oppose. Est-ce la vérité ? On pourrait bien vaincre cet obstacle. Enfin que faire !
Nous avons dîné aujourd’hui en plein air avec l’Impératrice ; grande musique, nombreux public pour nous voir manger. Magnifiques ombrages, les plus beaux arbres du monde, & le plus beau temps, malgré cela, comme ma toux m'inquiète j’aurais préféré la chambre.
Van Praet est revenu me voir aujourd’hui m’apportant une lettre de son roi. Toujours bien bonne conversation avec lui. L'Empereur a envoyé à Kisseleff 13 décorations de ses ordres pour des militaires Français en retour des politesses faites à ses fils à Rome par les autorités françaises.
Décidément le roi Léopold n'a pas vu la duchesse d’Orléans à son passage sur le Rhin, et décidément il n'ap prouve pas sa conduite. C'est Lasteyrie qui la gouverne souverainement. Ce que disent les journaux sur Frohsdorf est-il donc vrai ? Est-il vrai que le comte de Chambord persiste à interdire le serment.

2 heures. J’ai essayé une petite promenade. Elle ne m’a pas réussi. Je rentre plus malade. Je crois qu'il me faudra mon lit au lieu de la soirée chez l'Impératrice. Adieu. Adieu.

Le 1er Juillet je m'embarque avec l’Impératrice. Nous dînons sur le bateau, nous arrivons de bonne heure à Stolzenfels, Vendredi la journée se passe là. Samedi je me séparerai d'elle soit à Stolzenfels, soit à Cologne si je devais aller jusque là. J'en doute, je suis trop fatiguée. Je penche beaucoup pour le retour ici. J'ai si besoin de repos que je ne songe plus à l'ennui de ce lieu quand toutes les magnificences l'auront quitté. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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22. Schlangenbad Vendredi le 25 juin 1852
3 heures

Encore séance chez l’Impératrice. Elle a l'air d'y prendre goût. Nous sommes seules avec la grande duchesse Olga en rentrant j’ai trouvé chez moi Van Praet, causant avec Meyendorff, c'est une bonne connaissance réciproque. Ils se promènent ensemble dans ce moment. Je crois qu'ils seront contents l'un de l’autre. La duchesse d'Orléans a passé deux jours à Liège ! Quelle idée ! Quatre grandes conversations avec Changarnier. Celui-ci très fusionniste, elle peu disposée à cela se déclarant cependant ébranlée. Elle a voyagé de là à Aix la Chapelle avec Lamoricière. Tout cela est jugé par le roi Léopold trés inconvenant. Il n'y a eu de sa part aucune manifestation. comme il ignorait son passage. Il n’y a eu personne pour la recevoir pas même les voitures royales, (pas si bien traitée que moi à qui on les a données. Excellentes voitures avec lesquelles j’irais si on veut en Russie. Non, pas si loin) L’Autorité militaire, & le bourgmestre ont inventé de leur propre chef de lui faire fête. Elle leur a donné à dîner, après le dîner sur le balcon où elle a été saluée par la foule. Tout cela est bien ridicule dans sa situation, & Van Praet en rit. Changarnier a refusé de dîner.
Tout ce que vous me dites dans votre lettre du 16 est vrai sur Claremont. Seulement il n’y a pas encore de démarches ou correspondances. Les Princes & leur belle soeur ne s’entendent point. Mais les Princes passeront outre. La Princesse de Prusse en causant avec le roi Léopold s’est montré fusionniste. Il me paraît que la Duchesse d'Orléans reste seule avec Lasteyrie. La rencontre hier entre l’Impératrice & le roi Léopold a fort bien réussi. Elle m’a tout raconté, elle a été fort contente. Elle n’avait voulu prendre personne avec elle. Il n’y avait que la grande duchesse Olga, son mari & les deux princes de Prusse. Point de témoins donc & je n'ai que le récit de l'Impératrice. Van Praet me dit que de son côté [Léopold] & a été très content.
Le roi de Prusse a envoyé ici hier son grand Maréchal. Il m’a formellement invité de sa part à venir à Stolzenfels. C’est le 30 ou le 1er que je pars avec l’Impératrice. Nous coucherons deux nuits là et puis à Cologne, où je me séparerai d’elle, ce sera tout-à- fait du chagrin de cœur. Quant à mon corps il a besoin de repos, grand besoin. Je n’en puis plus mais où aller me refaire ? Et avec qui ?

5 heures. Voilà un courrier & rien de vous, à mon tour l’étonnement & tout à l'heure l’inquiétude. J'ai une longue lettre de Fould intéressante, racontant la séance du C. législatif où assistait le Président. " Montalembert a fait un discours modéré dans la forme, plein d'éloges pour la personne pour l’acte qui a sauvé la France & l’Europe du danger qui la menaçaient, mais où perçaient au milieu d'assez piquantes critiques sur les institutions un dépit personnel assez vif. " Autre passage. " Sans doute il pourra être reconnu nécessaire d’apporter quelques changements dans les institutions, mais elles s’y prêtent vous le savez et le Prince y avisera dans sa sagesse. "
Pas question pour Fould de rentrer dans le gouvernement. Si je relève autre chose dans sa lettre, je vous le donnerai demain. En attendant. Adieu, & adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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N°23 Val Richer. Vendredi 25 Juin 1852

Outre la satisfaction de cœur, c’est un plaisir d'être rentré dans l’ordre. Plus je vieillis, plus le moindre désordre le simple dérangement me déplait et m'inquiète. On ne sait jamais ce que cela peut devenir.
Je suis charmé qu’on soit si bien pour vous à Schlangenbad. Est-ce que vos fils ne s'en ressentiront pas ? C'est là vraiment la marque d’amitié que vous devrait l'Impératrice. J’ai peine à comprendre qu’elle ne soit pas en état ou en volonté d'obtenir cela de l'Empereur, et que l'Empereur ne puisse pas être amené, pour faire plaisir à sa femme, à faire deux exceptions au régime des passeports. Je voudrais beaucoup que vos fils vous dussent l’agrément de leur vie. Rien ne les rapprocherait d'avantage de vous. Ils sont dans cette disposition et cette habitude d’esprit, où l’agrément de la vie inspire plus de reconnaissance que la vie même. Avez-vous de bonnes nouvelles de la santé d'Alexandre ?
J’attendais hier avec quelque curiosité, mon Journal des Débats pour voir comment le corps législatif aurait pris la lettre de M. Casabianca sur le rapport de M. de Chasseloup Laubat. Je vois seulement que beaucoup de personnes ont parlé, MM. de Montalembert, de Kerdrel, de Chasseloup deux ou trois conseillers d’Etat, et M. Billault lui-même, du haut de son fauteuil. Mais le procès-verbal détaillé n'était pas encore prêt et communiqué aux journaux hier, à 4 heures. Il aura probablement été un peu difficile à rédiger.
Les ministres Anglais, Lord Malmesbury surtout, ont l’air d'écoliers à qui le Parlement fait la leçon et qui recommencent leur tâche quand le Parlement leur a montré qu’elle n'était pas bien faite.
Voilà votre ami Bulwer qui va rentrer en négociation à Florence pour les coups de sabre de M. Mather, et qui est chargé d'obliger le grand Duc de Toscane à dire, s’il répond ou non, de ce qui se passe chez lui. Ainsi les plus petits incidents ramènent les plus grandes questions. Et M. Mornay, sera-t-il ou ne sera-t-il pas pendu à Ancône ? A Dieu ne plaise que je regrette si un homme n’est pas pendu ; mais vraiment, si M. Mourray est l’un de ces mauvais sujets errants qui vont se faire partout où l'occasion s'en présente, les complices de l'anarchie et de l’assassinat révolutionnaire, c'est une grande indignité au gouvernement Anglais de forcer la main au pauvre Pape pour lui faire faire cette grâce. Le Pape portera ici la peine de la mauvaise réputation, très mérité, du gouvernement Papal en fait de justice et de jugements criminels.
J’ai connu, il y a quelques années, à Paris un M. de Harthausen qui était un homme d'esprit, et qui écrivait. Il avait écrit quelque chose sur le rôle et la politique de l’Autriche en Allemagne. Je ne suppose pas que ce soit là ce que l'Impératrice, s'est fait lire. Comme M. de Meyendorff lit sans doute le Français aussi bien que l'Allemand, je vous signale un article sur St Ambroise, de M. Villemain, inséré dans le Journal des Débats d’hier. Jeudi 24 ; c’est un morceau très intéressant, et assez court pour être lu tout haut. Je serais surpris s’il ne plaisait pas à l'Impératrice, et même à vous. Cependant je dois convenir que St Ambroise résistait quelques fois aux Empereurs, mais à des Empereurs qui ordonnaient le massacre de Thessalonique. On est infiniment plus juste et plus doux à Pétersbourg, au XIXe siècle, qu’à Rome ou à Constantinople, au IVe.

Onze heures
Mon facteur arrive tard et doit repartir promptement. Je regrette que vous n'ayez pu causer à l'aise avec le Roi de Wurtemberg. Voilà un chapitre au budget rejeté. On me dit que c’est celui du Ministère de la police générale. Adieu, adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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N°18 Val Richer samedi 19 Juin 1852

Je vous plains, si vous avez autant de pluie que moi. Je ne me promène qu’entre deux déluges. Je me promène pourtant, car je me porte bien. Mais vous vous promenez-vous un peu en voiture ? J'espère que malgré vos mauvaises jambes, vous ne restez pas toujours enfermée. Le grand repos vous est nécessaire, mais le grand air aussi ; vous en avez l'habitude, et le goût. Dites-moi, je vous prie, ce que vous faites chaque jour à cet égard.
Pourquoi le Roi de Prusse refuse-t-il au général Lamoricière les eaux d'Aix la Chapelle ? Je trouve cela dur et d’une dureté inutile. Lamoricière ne conspirera et ne parlera pas plus à Aix la Chapelle qu'à Bruxelles. Je ne sais si les bannis sont incommodes ; ils sont, à coup sûr, bien inoffensifs.
Voilà Thiers qui débarque tout à coup à Gênes, et se rend en Suisse. Sa santé est altérée, comme celle de Madame la Duchesse d'Orléans. Cela me frappe assez. Puisque vous n’avez plus le Journal des Débats vous n'aurez pas lu un article assez intéressant sur Kossuth. Purement de l’histoire, mais de l’histoire dont Kossuth ne sera pas content. C'est à propos des Mémoires de Georgey.
Je voudrais savoir un peu réellement ces affaires de Hongrie. Je n’y vois pas clair. Je sais seulement que Kossuth est un révolutionnaire, et un charlatan, les deux espèces d'hommes qui me déplaisent le plus. C’est peut-être le mérite principal des Anglais de n'être point charlatans. Rien ne l'est moins à coup sûr, que le discours du Duc de Wellington sur la milice. Frappant mélange d’un esprit qui reste ferme et d’un vieux corps impuissant, et chancelant que l’esprit, par un dernier et pénible effort de volonté, fait encore servir à son image.
Le matin de je ne sais plus quelle bataille, M. de Turenne avait un accès de fièvre, et le frisson : on l’entendit qui marmottait entre ses dents : " Tu trembles, carcasse, si tu savais où je te mènerai tantôt ! " Je ne connais pas de parole qui prouve mieux l'immatérialité et l'immortalité de l’âme.
On dit, et ce sont les feuilles du Ministère qui le disent qu’il n’y aura pas de prolongation de la session du Corps législatif. Ils me paraissent, les uns et les autres pressés de se séparer. Je vois que M. et Mad. de Persigny sont rentrés dans le monde, ou plutôt que le monde est rentré chez eux. Le journal qui l’annonce dit que le même jour, M. de Maupas a donné un grand dîner. " Ainsi le faubourg St Germain était en fête. " Voilà M. de Persigny et M. de Maupas représentants du faubourg St Germain. Qu'on dise que le système représentatif est en décadence. Madame de Persigny voilà probablement un nouvel hôte de votre dimanche. Tout le monde la trouve jolie et agréable.
Qu'y a-t-il de vrai dans le travail et les espérances de rapprochement commercial entre l’Autriche et la Prusse ? Les journaux font bruit de la mission de M. Le Bismarck Schoenhausen à Vienne. Je voudrais bien qu'elle aboutît à l'accord. L'accord, l'accord, toute la politique est là. Adieu, en attendant votre lettre. Je ne viens pas à bout de comprendre pourquoi il y a plus loin de Schlangenbad à Paris que de Paris à Schlangenbad. 10 heures Pas de lettre aujourd’hui. C'est bien pis que d’arriver tard. Tant que vous ne vous porterez pas très bien, je ne pardonnerai pas l’inexactitude des courriers.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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7. Schlangenbad le 9 juin 1852

Je vous envoie l’épitaphe fait par Meyendorff sur le tombeau du D. Schwarzenberg. Cela vient à propos de votre discours sur celui de Morny. Les journaux ne nous le donnent pas encore dites-moi un mot sur ce que je vous envoie là.
Meyendorff est bien sensible à votre opinion. Je suis sûre qu’il vous plairait extrêmement si vous le connaissiez. A mon gré il est charmant seulement il sait trop de choses et moi je n’en sais qu’une c’est encore comme cela ! En faisant ma toilette hier soir pour aller chez l’Impératrice je me suis trouvée mal. Tout simplement une excessive fatigue. Au lieu de sortir, je me suis couchée. Je n’ai pas dormi ou très mal. J’ai l’esprit tracassé de deux choses mes fils, c’est la plus grosse et puis que devenir, où aller, avec qui ? Qui me ramènera à Paris ? Qui prendra pitié de moi jusque là ? Pour toute ressource Emilie, Jean & Auguste.
Pauvre femme d'esprit, comme je sais arranger mes affaires ! Et bien voyez-vous tout cela m'empêche de dormir. Je m'agite, & je crois fermement que je suis venue mourir à Schlangenbad. Ecoutez, à toute extrémité, si suis absolument privée de toute ressource pourrez-vous m'envoyer votre petit ami ? Vous comprenez les inconvénients, mais j’aime tout mieux que l’abandon total absolu et c'est là où je vais être plongée dans 18 jours. Ceci est un tourbillon, après le néant.
Je viens de causer avec quelqu’un qui a parlé avec l’Empereur il y a 3 jours à Varsovie. L’Empereur très content du Président souhaitant vivement qu'il continue comme il fait.

8 heures. J’ai été couchée tout le jour, quoique toujours en causeries. Je me relève pour aller chez l’Impératrice. J’espère ne pas tomber comme hier. Vos lettres m’arrivent bien, mais les nouvelles, vous n'en faites pas. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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6. Schlangenbad le 8 juin 1852
Onze heures

De 10 à 1 on se rassemble à l'ombre de superbes tilleuls à la porte de l’appartement de l’Impératrice. Là Meyendorff vient de faire lecture du testament du duc d’Orléans, (que j’avais apporté). Cette lecture a produit un effet prodigieux. Le Prince de Prusse qui partage beaucoup les idées de sa femme en est resté stupéfait. L’Impératrice vous concevez !
Vous ne me donnez aucune nouvelle. Je crois que le monde veut rester tranquille pendant mon éclipse. De ce côté rien ne se passe non plus. Les Princes et princesses se croisent ici sans ajouter à l’élément de la conversation. Meyendorff est un trèsor très abondant, et si naturel. L’Impératrice prend intérêt à tout sans se fixer à rien. Mais elle n'oublie rien non plus. Et je vois avec plaisir que mes lettres vertes lui restent dans la mémoire. La grande duchesse Olga est charmante et bien belle. La suite de l’Impératrice est bien composée hommes & femmes.

5 heures J’ai pris mon premier bain avec plaisir & frayeur. Je ne sais jamais si ce que j’entreprends me réussira. Je commence déjà à m'inquiéter de ce que je deviendrai après ceci, & puis avec qui m'en retourner, car plus que jamais j’ai vu qu'il me faut quelqu'un. A propos quand je vous reverrai j’aurai quelque chose de drôle à vous raconter. L’Allemagne se brouille. On ne parvient pas à l’arranger, la presse veut avant tout reconstruire le Zollverrein et cela ne va pas. Adieu. Adieu.
J’espère que votre fille va bien. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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N°4 Paris, Vendredi 4 Juin 1852
9 heures

Hier soir chez Mad. de Boigne. Elle part lundi pour Pontchartrain, et de là à Trouville. Le Chancelier part le 15 pour aller la rejoindre. Il est moins pressé qu’elle de quitter Paris.
Dumon, M. d'Houdetot, M. et Mad. de la Guiche, M. de Lurdes, le général. d'Arbouville, voilà la conversation. Le Général d'Arbouville rentre en activité de service, comme inspecteur général des troupes. Il court toujours des bruits de changements dans le Ministère. C’est Fould et Roucher qui les font courir. Je n'y crois pas.
Les décrets du 22 Janvier leur barrent toujours la porte. La décision du Conseil d'Etat ne peut plus tarder beaucoup. On en parle peu. J'en espère encore moins. Cependant je vois des gens bien informés, qui ne désespèrent pas. On se décide très difficilement en France à tremper dans une iniquité judiciaire. La probité politique Française s'est nichée là. Les confiscations révolutionnaires sont encore un souvenir très odieux et très présent. Le Président ne sait pas cela.
On parlait hier d’une circulaire du Ministère des affaires étrangères à ses agents pour démentir les bruits répandus sur la mission de M. de Heeckeren. Je n'y crois pas. Ce n’est pas un dehors, c’est au dedans qu’on travaillera à discréditer ces bruits. On s'aperçoit qu’ils inquiètent plus qu’ils n'irritent. Inquiétude fort calme du reste, et qui ne se manifeste que dans les raisonnements sur l'avenir. On est, quant à présent, de plus en plus tranquille. Point d'événement en perspective, le commerce en assez bon train, et la dispersion de l'été, il y a là du repos pour le reste de l’année.

2 heures
J’ai eu du monde jusqu'à présent, et je vais à l'Académie des Inscriptions. Les Mornay et les Dalmatie sont venus me demander de dire quelques mots demain aux obsèques. Je le ferai, à cause de la conduite du Marquis pendant et depuis Février 1848.
Merci de votre mot d’hier. Certainement vous êtes moins fatiguée. On parle un peu de la fête de lundi dernier à St Cloud et du Président si attentif à amuser les dames Russes.
C'est décidément M. de Chasseloup Laubat qui fait le rapport du budget. Il y aura fort peu de discussion. On croit que le Conseil d'Etat, acceptera la plupart des réductions demandées.
J’ai rencontré hier deux de vos diplomates qui ont bien envie que celle des 31 000 hommes soit du nombre. Adieu, Princesse.
C'est demain, et peut- être après demain que seront mes mauvais jours. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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2 Bruxelles le 3 juin 1852

Je n’ai pas bougé de chez moi hier. J’ai vu deux fois Van Praet. Le roi avait voulu venir, il a pris un accès de bile. Il sera dans huit jours à Wiesbade.
J'ai causé un peu avec Collaredo, bien content de retrouver Londres, & de ne plus trouver Palmerston. J'ai bien parlé à Van Praet sur la nécessité de réprimer la presse. On ne peut pas vivre avec un voisin comme celui-ci. Ce sera une grande faute si un motif pareil poussait la France à sortir de chez elle, mais en définitive et malgré toutes ses protections, la Belgique serait abîmée. Elle deviendrait le théâtre de la guerre. [Van] Praet dit qu'on fera aussitôt les élections passées dans huit jours. Il faut modifier la législation, on le fera.
On est ici très fusionniste seulement on voulait attendre, et on croyait que tel était le conseil de Paris. Moi je n’y comprends rien. Si non que ce qui est fait et fait, & que ce qui se fera peut ne pas se faire. Voilà un raisonnement de [portier] ce qui veut dire good sense.
Trubert a vu hier Changarnier. Il fait son plan pour quand il sera dictateur. Comme Broglie fait sa Constitution ! Du reste tranquille & convenable & très solitaire dans son trou de [Malines]. Adieu. Adieu.

Je pars dans une heure. L'[Impératrice], est arrivée hier soir à Schlangenbad moi, je n’y suis annoncée pour Samedi. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Bruxelles Mercredi 2 juin 1852

Ma dernière nuit à Paris a été assez bonne. Je suis arrivée ici à 5 heures mon fils arrivait de Londres en même temps. Il reste avec moi aujourd’hui.
Trubert est très bien. Kalerdgi est arrivée cette nuit, je ne l'ai pas vue encore. Collaredo est dans le même hôtel que moi depuis hier aussi. Van Praet est venue me voir. Le tête-à-tête n’a pas réussi. [Kontornoff] & notre consul l’ont empêché. Je le reverrai ce matin. J'ai redormi cette nuit, et je suis moins fatiguée que vous ne m’avez laissée. Voilà tout ce que j’ai à vous dire et Adieu. Adieu.
Voici votre lettre merci, une aussi d’Aberdeen, très rude pour Lord Derby, & peu obligeant pour Paris. Adieu encore et le M. [?] raconte mon dîner. Evidemment il y avait un gentleman of the press dans mon salon vendredi soir. Je suis très vexée.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857) ; Ellice, Marion
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Paris le 5 novembre 1851

Le message a été trouvé déplorable. La Redorte est venu le premier me raconter le fiasco. En même temps on a fort blâmé Berryer, & Molé lui même en était mécontent. iIs étaient tous deux chez moi hier soir. Le rejet de l’urgence parait à Berryer les funérailles du projet de loi. Il m'a dit ensuite à l’oreille que la majorité était bien molle, & que tout ce qu'il pouvait espérer serait 300 voix compactes et encore. Ni la reine, ni le duc de Nemours n’ont écrit au comte de Chambord on n’a parlé que de la séance. Les diplomates présents ont trouvé dans l’attitude de défi du [général] [Saint-Arnaud] l’indice d'un coup d’Etat. Le peu de soin de la rédaction du message parait indiquer ainsi beaucoup de dédain pour l’assemblée. Le Président a sans doute pris son parti quoiqu'il arrive. La Montagne triomphe et l’a témoigné hier. Enfin le grand combat a commencé hier.
Montebello n’est pas ici. Sa femme cependant va mieux. [Mérade] n’est pas ici non plus. Je n'oublierai pas ce que vous me dites dès que je le verrai. Adieu. Adieu.

La Princesse me permet d'ajouter deux mots, sur la santé dont elle ne vous aura probablement pas parlé. Elle a pris hier avec son diner avec pillule digestive, dont elle s’est aussitôt [?]. Cette nuit, en effet elle s'est réveillée vers 2 h. du matin avec des étouffements qui lui ont gâté un peu sa nuit. Mais ce matin Olliffe est loin d'être mécontent. Le pouls est bon, et le teint meilleur. Mais nous avançons tout doucement cependant ! Chomel n’est pas ici. Il n'arrive qu’aujourd’hui mais nous espérons pourtant le voir dans le courant de la jounée. La princesse tâche de prendre la nourriture qu'on lui ordonne mais c’est toujours là le point difficile. Voilà un bulletin légèrement décourageant [mais] il ne faut pourtant pas se décourager.
Croyez-moi toujours, cher M. Guizot. Trés sincèrement à vous. M. Ellice

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris dimanche le 26 octobre 1851

Je n’ai rien à vous mander. aujourd’hui. Vous voyez que Billault est fini. Hier on travaillait à Ducos. M. Fould me semble avoir raison. On ne trouvera pas de Ministres. Les propos des Elyséens sont très vifs. Tout leur est égal. Et s'ils périssent au moins auront-ils le plaisir de voir le pays tout entier périr avec eux. C'est M. Persigny qui a dit cela. Douce satisfaction. Encore le Chancelier hier soir. Mais pour le coup il n’y avait pas de quoi l'amuser. Je suis réputée en vacances le samedi.
On me défend cependant encore les Italiens, et je n’avais ici que la diplomatie. Viel Castel aussi, qui revenait de chez le duc de Broglie. Il croyait trouver M. de [Bourgeoly] aux Aff. étrangères. Il n'a rien trouvé, pas même Baroche qui est à la Campagne. Le duc de Noailles est reparti pour Maintenon.
En me rappelant le peu de paroles de M. Fould avant hier je crois me souvenir qu’il voulait laisser croire que rien n'empêchait le président de transiger. " Il n’a reçu dit d’officiel encore. Il n’est pas compromis.“ On me dit que l’antipathie du Président pour M. Léon Faucher est énorme. D’un autre côté tout le monde regrette Léon Faucher comme un ministre très vigilant, très ferme et fort honoré [?] par les Préfets. En tout on continue à blâmer, blâmer beaucoup, le Président. L'émotion est très vive sur le continent. Vous avez beau temps pour l’événement de falaise. La Redorte est revenu. J'en suis charmée. Je le verrai aujourd’hui. Adieu. Adieu.
On dit que le [Journal] des Débats tourne à la fusion est-ce vrai ?

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris lundi le 27 octobre 1851
Midi

Voilà le ministère. Vous saurez mieux que moi en décider la couleur. Je n’ai vu personne encore, rien que le Moniteur. A tout hasard je vous envoie les noms, car je ne sais pas si vous recevez les journaux du soir. Chasseloup était ici hier, ne sachant rien. La Redorte très curieux à entendre. Très mécontent. Le pays d'où il vient, ardent comme lui-même l’était, pas le Président ; aujourd’hui en blâme comme lui et très vivement. Faute énorme dont le Président [?] ne pourra pas se relever. L'Assemblée qui était très bas, est redevenue très respectée. Sa conduite tranquille a beaucoup plu. L'espoir et le conseil de La Redorte sont qu’elle continue comme cela mais qu’elle tienne bon et ferme. Jamais accorder l'abrogation. Selon ce qu'il avait recueilli dans 24 heures, grande consternation à l’Elysée du jugement si unanime de toutes les classes élevées. Heckern me disait hier que Morny & Persigny se disputent l'influence. Morny pour qu'on recule. Persigny pour qu'on avance. Je suppose que le ministère est dans l’opinion Morny.
J’ai rencontré hier le Président il avait l’air fort triste. Les diplomates curieux, inquiets de l’inquiétude de leurs gouvernements. Mad. de la Redorte a pris le deuil de la Dauphine. Mad. Roger aussi chez moi hier soir. Celle-ci blame & noir. L’autre tout noir. Les dames russes sont venues chez moi hier en deuil. Je les en ai louées. Est-ce loué ? ou louées ? La Redorte dit que ce qui cause le blâme universel c'est que la politique personnelle marche à front découvert. Adieu. Adieu.
Rien encore de Pétersbourg. Peut-être aurai-je pour toute réponse le silence. Est-il possible ! Je suis toujours misérable. Un artichaut & deux quenelles de volaille, les forces s'en vont. Adieu. Adieu.
Corbin Justice
Turgot. Aff. étrangères
Charles Giraud Instruction
Thorigny Intérieur
Casabianca agriculture
Lacrosse travaux publics
Saint-Arnaud la guerre
Fortoul marine
Blondel Finances
Maupas La police.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris Samedi le 25 octobre

Encore beaucoup de monde hier soir. Vitet, Noailles, le Chancelier, Albert de Broglie, Salvandy, Fould, et la diplomatie. Le chancelier est en grandes éloges de Fould. Il a raison. Sa conduite et son langage sont excellents. Le ministère ne se fait pas, il n’y a pas moyen à moins d'une transaction, peut-être le Président cèdera-t-il un peu. Mais dans ce cas il fallait vous céder à vous, et vous restiez. Mais peut-être le Président était-il bien aise d'un prétexte pour nous chasser. Fould croit à présent que le message sera porté le 4 novembre, seulement il faut que soit proposé un seul ministre comme l’a été le duc de Wellington pendant 3 semaines l’année 34. Fould a trouvé l’expédient bon, on cherchera un duc de Wellington ! Enfin, on a ri.
On parle beaucoup de ce que fera, ou de ce que devrait faire Claremont, vis-à-vis de Frohsdorf. Ils sont capables de se déshonorer. On avait pensé à faire aller, Montebello à Claremont pour rappeler les devoirs de convenance on y a renoncé. Il se croit sûr que tout se fera bien, & spontanément. & que son apparition y aurait [nui]. D’ailleurs depuis les lettres du Times, vos amis sont englobés dans l’extrême colère qu’il y a contre vous à Claremont.
Duchâtel est chez lui faisant ses vendanges. Il viendra probablement du 15 au 20 novembre. Marion a été chez les Thiers tard hier soir. Elle a trouvé le salon triste, Thiers inquiet de lui- même. Le gosier, la langue embarrassés. On dit là tout est bien mauvais mais on s’en tirera, et on finira bien on se moque un peu là de l’importance & de la satisfaction de Changarnier.
Je ne trouve pas le duc de Noailles radieux. Il est agité, occupé de temps à autre passioné. Tout cela restera stérile. Je crois au succès du Président malgré ses fautes. Le Président croit à la platitude de l’Assemblée. Mais il désire peut être qu’elle résiste cela avancerait son affaire. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 24 octobre 1851 Vendredi

Je suis si malade, et si tourmentée que je ne sais pas vous écrire une lettre raisonnable. Pardonnez-moi et acceptez le peu que je vous donne. La crise n’a pas fait un pas. Le public est très insouciant. J’ai vu hier-soir Berryer et beaucoup de monde, trop pour mes nerfs. On est très monté sur tout ce qui se passe. Le parti légitimiste très résolu à tenir tête. Je ne sais pas les autres. On me dit qu'on est très content de Changarnier. La mort de la Duchesse d'Angoulême est un événement et pourrait mener à bien, si à Claremont on veut le bien.
En attendant vous avez vu les paroles du Prince de Joinville à Adiot. Je vous les envoie pour le cas où vous ne les aurez pas. Deux lettres l'une à M. Foucher de lui qu'on a vues sont en contradiction formelle avec cela. Il veut qu'on soit muet, comment [?] cela. Les paroles dites à Adiot sont du 17. Les lettres des 20, & 21. Le Chancelier était aussi chez moi hier soir, très vif sur ce qu’on doit faire par suite de la mort de La [Duchesse] d’Angoulême. Noailles reste encore aujourd’hui ici. Le comte Bual est à Bruxelles. On retient Brunnow à Pétersbourg. Je ne sais ce que fera Brunnow. Mais évident le monument Kossuth fait fiasco. Lord John a réuni le cabinet le 14, & ne lui a pas dit un mot encore sur la réforme. Les Ministres n’en savent pas le premier mot. C’est Bauvale qui me le dit.
Une nouvelle impertinence de Lord [Palmerston] a provoqué de le part de Fortunato une [?] très vive, dit Antonini. La légation napolitaine à Londres est rappelée toute entière. On désigne un autre ministre Carini mais qui n’ira pas encore Antonini est plus furieux que jamais. A propos il est le seul diplomate qui approuve ce que fait le président.
Je suis triste pour moi du retard de votre arrivée à Paris. Pour vous je ne le regrette pas. Je ne vois pas le bien que vous pourriez faire, & je vois, même dans ce qui se passe aujourd’hui l’avantage pour vous de votre absence. Si l'on cherche à peser sur Claremont il vaut mieux pour la chose, que vous y soyez tout à fait étranger. Qu’allez-vous dire à Falaise depuis certaines préfaces il me reste de l’inquiétude dès que vous parlez ou écrivez. Vous me pardonnez mon impertinence.
Je ne sais rien de Morny. Vitet est établi à Paris depuis hier. Je le questionnerai sur Duchatel. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 22 octobre 1851

Mon ministère était défait dans le moment où je vous l’envoyais hier. On ne savait rien dans la soirée. On croit beaucoup à [Brunier] aux Aff étrangères & à des collègues tous extra parlementaires. Ce sera un relai, le vrai attelage arrivera plus tard.
Je me sens bien faible. Deux jours de suite vivre sur un artichaut c’est trop extravagant. Aujourd’hui je me révolte, car j'ai des défaillances.
Antonini est revenu hier de Bruxelles. La candidature Joinville se poursuit très hautement. Léopold lui en a parlé, en se donnant pour étranger absolument à tout ce qu'on fait à Claremont. Antonini est convaincu que les Légitimistes seraient des sots s'ils se donnaient à Changarnier.
Le nonce a vu le Président hier il lui a répété les mêmes choses qu'à moins de détails, du moins il ne m'en a pas conté autant. J'oubliais de vous dire que parlant de la loi du 31 Mai il a dit : " Elle était faite en vue des intérêts orléanistes. Elle s’adressait à la bourgeoisie. Moi, mes mandataires c’est le peuple, la campagne. C'est là où je retourne.”
J'ai eu une longue lettre de Lady Palmerston non provoquée, très tendre. & pas intéressante. Vous la verrez quand vous viendrez. Adieu. Adieu.
Le Prince de Joinville a chargé M. Adiot l'orfèvre, le 19, il y a trois jours, d'annoncer qu'il accepte la candidature pour le Président. Arrangez cela avec les lettres où il dit de suspendre !

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 20 octobre 1851

Le Président a dit avant hier que rien ne serait changé à sa politique. L’Europe peut être tranquille sur ce point. Il n'a jamais accepté pour son compte le 31 Mai. Il veut être réélu comme il a été élu. Il le sera. Il restera là où il est. Les vieux temps & les vieux hommes sont passés. Il a beaucoup réfléchi à tout cela, et il a le pays avec lui. Il est fort indifférent à ce que fera, ou ne fera pas l’Assemblée. Son entourage tient un langage très vif, les autres ont plus à perdre que nous. Ils ont des terres, des maisons des familles. Nous sommes indépendants de tous ces biens. Nous irons résolument au but et au bout. Cela sent un peu le brigand, c’est égal.
Hier soir [Hecheren] se croyait sur que Billault entrait que le général [Bourjolis] serait [Ministre] des Affaires étrangères. Saint-Arnaud à la guerre. Ducos je ne sais quoi. Il croyait aussi que Fould resterait. Cela je ne le crois pas du tout. Il faudrait pour cela que le Président se prêtât à une modification de la loi du 31 Mai.
J'ai revu hier soir le brave Lahitte, & cela m’a fait grand plaisir. Le Président rentre à l'Elysée. Samedi J’ai vu assez de monde hier point d’hommes politiques. Thiers a été si effrayé pendant 3 jours, qu’il en a été malade et ses accidents d’aphtes lui sont revenus. On dit beaucoup qui Carlier l’avait prévenu lui & Changarnier qu’ils seraient arrêtés.
Hier [Heseren] disait que le Président ne demandait pas mieux que d’être mis en accusation, alors il ira de l’avant. Je cite [Hesseren] parce qu'il voit dit-on le président tous les jours. Il a beaucoup d’esprit.
Il y aura consultation pour moi aujourd’hui. Il y a de quoi. Je suis toute jaune & tirée.
Samedi
J'avais une loge aux italiens. Je n’ai pas eu le courage ni l’envie d'y aller. Adieu. Adieu.
Vitet a été très frappé de ce que vous me dites du travail légitimiste contre vous. Je verrai le duc de Noailles aujourd’hui je lui en parlerai. Le comte Buol va arriver ici de Londres aussitôt que Kossuth y paraîtra. Hubner m'a dit qui si la princesse Grasalcovitz se permettait le moindre propos factieux, l'Empereur lui ordonnerait sur le champ de revenir en Hongrie. On est là très sévère. Le corps diplomatique blâme toujours ceci, & attend sans curiosité les nouveaux Ministres. On dit beaucoup que ce ne se sera qu’un relais, & que la troupe dorée est derrière. Montebello est revenu. Sa femme va mieux.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Dimanche 19 Oct. 1851

Mes visiteurs d'hier étaient assez curieux à observer. A peu près tous des Elyséens sensés. Il sont tristes et déconcertés de ce qui se passe, mais pas troublés au point de croire leur partie perdue, et de renoncer. Ils disent que le Président n'ira pas jusqu'au bout, qu’il s’arrêtera ou qu’il reviendra à temps, qu'il n'abandonnera pas définitivement le parti de l’ordre, qu'il est encore la meilleure garantie de l’ordre, &. Ils ajoutent que tous des mouvements parlementaires restent inconnus ou indifférents à la masse des paysans qui sont toujours décidés à voter pour Louis Napoléon que la candidature du Prince de Joinville ne gagne ici point de terrain, plutôt le contraire, deux choses seulement les ébranleraient tout-à-fait ; si le président. prenait décidément ses ministres et la politique à l'entrée de la Montagne, obligeant ainsi le parti de l’ordre en masse à devenir opposition ; si des lois pénales étaient rendues dans l'Assemblée contre la réélection du Président. Ceci pénétrerait jusqu'aux paysans et arrêterait beaucoup de votes. Dans cette hypothèse, à laquelle ils ne croient pas, quelques uns vont au Prince de Joinville. D'autres, les plus intelligents pensent à Changamier, beaucoup disent que le Président des rouges l'emporterait et ont peur.
Sur la loi du 31 mai, à peu près tous désirent les modifications dont il était question avant la crise et blâment beaucoup le Président de ne s'en être pas contenté. Voilà mes observations. Décidément ce pays-ci est sensé. Si toute la France, lui ressemblait, il n’y aurait pas grand chose à craindre. On dit cependant que le département de La Manche se gâte un peu. Toujours, dans la masse des paysans même méfiance et même antipathie envers les légitimistes.
Je regrette que Kisseleff n'ait pas dîné à St. Cloud avec les dames Russes. Il est bon observateur. Je suis curieux de savoir jusqu'à quel point le Président est confiant ou troublé.
Pendant que nous remettons ici tout en question, l'Europe est tranquille et se reconstitue. Je suis frappé du contraste. Quand l’Assemblée sera réunie, on devrait bien faire ressortir ce fait pour faire sentir à la France sa jolie et poser sur les honnêtes gens. Si le Président. changeait réellement de politique, l’armée Française quitterait Rome, et ce serait un petit ébranlement. Mais l’Autrichienne y entrevoit tout de suite. Je ne crois pas aux Italiens. Pourtant il y a encore là des volcans et des tremblements de terre.
A propos d'Italiens, avez-vous été à leur rentrée ? Je n'ai pas regardé dans les journaux si elle avait été brillante. Cela ne vous fera-t-il pas coucher trop tard le samedi, veille du Dimanche ?

Onze heures
Mes impressions d’ici ne sont pas en désaccord avec ce que dit M. Fould de la confiance du Président. Quand l'Assemblée sera là, ce sera autre chose. On a beau en mal parler. Sa présence réelle agit et sur le public, et sur le président lui-même. Nous verrons. Adieu, adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 13 octobre 1851

Pas de lettre par la poste, ce qui me fait espérer Génie. Pas de nouvelles ce qui fait croire qu’on délibère. Molé m'écrit un mot pour me dire qu’il ne sait rien. Je suis aussi avancée que lui. La statue de Guillaume le conquérant est exposé aux Champs Elysées. Elle est affreuse. Sa vue ne pourra pas inspirer vos paroles.
J’ai vu beaucoup de monde hier mais rien que des étrangers. En français il n’y avait que Chalais. et d’Aremberg. Hubner est revenu très gai. Il a tout-à-fait de l'aplomb. Valdegamas me dit que Narvaez reste tout l'hiver ici. Voici Génie qui m’envoie la lettre d’Ellice que vous me renvoyez. Comme il n’est pas venu lui-même, je ne sais rien. Adieu.
J’ai vu Montebello un moment bien inquiet de sa femme & ne sachant pas un mot de rien.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 7 octobre 1851

Hatzfeld est parti. Je verrai si Brandebourg qui reste chargé d’affaire peut le remplacer pour la lettre au [Ministre] de Prusse à Rome. Antonini est parti aussi, par lui j’aurais pu apprendre où sont les [Rignano ; Brignoles, Durazo, tout cela est, parti. Peut-être Garibaldi pourra-t-il me le dire. Je donnerai à votre fille une lettre pour mon ministre & pour ma nièce Wolkonsky. Je vous écris en croisant Molé un supplice, tant de venir causer que je vais ce matin à Champlatreux. J’emmène Dumon. Je reviens dîner. Pas de nouvelle. J’ai vu Bulwer, ami intime de Narvaez. Mollé a dîné ces jours-ci chez le Président à St Cloud il l'a trouvé très gai. Le Kossuth fait bien de bruit.
Votre refus de passage, & les ovations à Londres, font un grand contraste fort louable pour vous Adieu. Adieu. Une longue lettre d’Ellice que je vous enverrai quand je l'aurai lue. Lord John viendra probablement, à Paris en Novembre. L’assemblée Nationale a un pauvre article sur Abdel Kader. & où a-t-il pris la mission de Londonderry à St Pétersbourg ?

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 6 octobre 1851 Lundi
Je suis bien aise de ce que vous me dites à propos d'Abdel Kader c'est bon au besoin. Trop long à vous expliquer pourquoi. J’ai vu assez de monde hier mais rien d’intéressant, le comte de Thomas, comme nouveauté. Pas de Français intéressant. Thiers part aujourd’hui pour Valenciennes, dit-il. Une absence de 5 jours. Lamoricière n’est pas allé en Angleterre comme il en avait le projet. Hatzfeld est venu me dire adieu. Il part ce soir pour Berlin.
Malgré tout mon [?] de rester si longtemps sans vous voir, d'autant plus qu’à présent je suis vraiment sans ressource, je ne puis pas regretter votre absence. Il est bon que vous restiez tranquille et loin dans ce moment de bavardage stérile. L’agitation ne sert jamais et elle ôte toujours un peu de la dignité. Quelle pauvre lettre ! Mais je ne sais absolument rien. Adieu. Adieu

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris Dimanche le 5 octobre 1851

Je n'ai vu hier personne que Stockhausen & Richard le matin, & Stockhausen & Richard le soir aux français. J’ai été voir les Demoiselles de St Cyr. Il y a un bon acteur. Cela m’a médiocrement amusée. Pas un mot de nouvelle à vous dire.
M. Royer le Ministre de Belgique est revenu de Bruxelles hier chargé d’assurer que le roi est & restera complètement étranger & ignorant de toute l’intrigue pour la candidature. M. Baroche a reçu le comte Batthyany. Je ne puis pas cesser de rire de la lettre de Londonderry. Antonini est parti pour Bruxelles, Hatzfeld va à Berlin, Hubner pérégrine dans le midi de la France. Montebello absent, Dumon va l’être. Il ne me restera rien. Adieu. Adieu. Voilà une belle lettre.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris Samedi le 4 octobre 1851

Le duc de Noailles est venu me voir hier un moment. Vous devez savoir que le Comité légitimiste a décidé ces deux choses. 1° on ne choisira pas de candidat avant l’élection de la nouvelle assemblée & l'on pressera cette élection 2° on ne prendra pas pour candidat à la Présidence un nombre qui aurait voté pour la proposition Creton. L’exclusion est formelle, et elle a été formellement annoncée au général Changarnier Il est évident qu'il a repoussé, et qu’il votera pour. Voilà donc qui est fini. Je trouve l'humeur des Légitimistes très tranchante. Certainement ils finiraient par voter pour le Président actuel.
J’ai rencontré Thiers chez la [duchesse Mackikoff], il y est tous les jours & tout le jour pérorant, ne se compromettant pas. Je lui ai dit quelques petite paroles provocatrices il ne s’est pas laissé entraîner. Il est monarchiste orléaniste et puis c’est fini. Très contenu sur les personnes. Enfin je n'ai rien à citer. On ne se battra pas dans la rue, les rouges sont battus d'avance. On se battra beaucoup à l’Assemblée & & & bien amusé comme tout le monde de la correspondance sur Abdelkader. Cela passe vraiment toute imagination ! Je me permets de blâmer la réponse du président. Lamoricière veut [rosser] Londonderry quand il viendra à Paris.
J’ai vu le soir mes diplomates. Je n’ai pas vu Dumon. Il ne m’est pas très fidèle. On ne parle que d'ici. Je ne sais pas un mot sur ce reste de l’Europe. Thiers était bien monté hier contre l'Angleterre. Sur ce point il dit comme tout le monde. Vitel est parti pour 15 jours pour les environs de Dieppe. Narvaez & Bulwer sont les plus grands amis du monde. Celui-ce retourne à Londres. Lady Cowley est fort malade. Adieu, adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 2 octobre

Je me suis trompé en écrivant ou vous en lisant. Je parlais de la lettre du Times dans le temps & vous avez lu Thiers. Je veux ajouter à ce que j'aurais pu vous dire hier ceci. Fould en me parlant de la proposition Creton & de ses chances me dit : moi-même si je ne servais pas ce gouverne ment ci, je me croirais obligé de voter pour la proposition. Et puis Thiers avait dit à Marion en parlant du Président : " Changarnier a eu tous les torts dans la rupture. " Dumon se dit malade. Le soir, il vient chez moi le matin. Il est vrai qu'il a mauvais visage. Il a rectifié le dire de Fould en ce sens. - Si l'Assemblée veut décider la révision à la majorité des voix, je la soutiendrai. - Cela change beaucoup le sens, & rend la phrase irréprochable. vous savez que je parle de messages présumés. Tous les jours les perplexités augmentent c.a.d. dans l’opinion des bavards irresponsables & ignorants.
J'ai vu hier la duchesse Decases. Elle croit que le Président perd. Il me semble qu’elle le désire, le corps diplomatique devient tous les jours plus ardent pour le succès du Président. L'article de Véron ce matin me paraît fort bon. J'avais hier soir Viel Castel, Stratford Canning est très embarrassé. Il avait donné au sujet du chemin de fer à la Porte des assurances que la conduite du Conseil anglais à Alexandrie a démenti. Ce sera un démêlé entre Palmerston & Canning. On refuse à Kossuth de traverser la France et on trouve fort mauvais qu'on lui ait permis de mettre pied à terre à Marseille Adieu voilà tout je crois. Adieu
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