Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


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Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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N°1 Paris, Mardi 1er Juin 1852
2 heures

Vous êtes en route depuis six heures. Je voudrais bien savoir comment vous traite le voyage. Je me figure qu’il vous reposera en vous tranquillisant. Je crains moins pour vous la fatigue même que la perspective de toutes les chances. Je viens d'écrire à Marion ; une lettre very impressive, je crois. Je lui persuade que son retour, elle ou Aggy, est pour elle un devoir, et pour vous une nécessité. Après avoir écrit, je me suis aperçu que je ne savais pas son adresse. Clothall, c’est bon mais où est Clothall. Je viens de la faire demander à M. Hanguerlot qui me l'a donnée. Il m’écrit que Fanny est très préoccupée de ce qui vient de France et demande à lire toutes les lettres. Il n’y a rien dans la mienne qu’elle ne puisse lire.
Je n'ai, comme de raison, rien à vous mander. Je n'ai vu ce matin que trois anciens conservateurs en retraite braves gens préoccupés surtout de leur conseil général et que la lettre du comte de Chambord contrarie quoiqu'ils n’osent pas s'en plaindre.
On dit que M. Baroche envoyé chercher M. Cornudet et Reverchon, les rapporteurs du conflit au conseil d'Etat, et leur a demandé d'abord, leur avis sur le conflit, puis leur démission, si leur avis était contraire au conflit. Ils ont avoué leur avis et refusé leur démission, disant qu’il fallait qu’on prit la peine de les destituer. Les journaux sont parfaitement vides. Adieu, adieu. Et que Dieu vous garde !
Je vous écris une heure plutôt parce que je vais à l'Académie. G.

Auteurs : Lepère, premier vicaire de Saint-Valéry-sur-Somme (?-?)

Auteurs : Gelmini, Domenico-Maria (1807-1888)

Auteurs : Croker, John-Wilson (1780-1857)

Auteurs : Orléans, Henri (duc d' Aumale) (1822-1897)

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)

Auteurs : Orléans, Louis Charles Philippe Raphaël d' (duc de Nemours) (1814-1896)

Auteurs : Croker, John-Wilson (1780-1857)

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)

Auteurs : Villemain, Abel-François (1790-1870)

Auteurs : Carné, Louis de (1804-1876)

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)

Auteurs : Carné, Louis de (1804-1876)

Auteurs : Austin, Sarah (1793-1867)

Auteurs : Vitet, Louis, dit Ludovic (1802-1873)

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, lundi 10 Nov. 1851

Voici la fin. Après demain à 1 heure, je vous verrai. Marion me dit que vous recommencez à manger, et Génie qu’il vous a trouvée en assez bon état. Tout cela est médiocre, mais enfin le mieux a commencé.
Je ne puis pas regretter, pour mon compte de n'avoir pas été plutôt à Paris. Ce qui s'y passe me paraît pitoyable et déplorable. Je ne comprends pas que ces gens d’esprit perdent volontairement les avantages de la situation que leur ont faite des sots ; et il faudrait qu’on m’apprît de bien importantes choses que j'ignore et que je n’entrevois pas du tout, pour m'ébranler dans ma conviction. Nous verrons.
Je suis très curieux d'entendre Molé et Vitet. J’ai vu hier, ici et à Lisieux, quelques honnêtes gens dont le langage révélait déjà l'effet de ce qui se passe. Ils s'en étonnent et recommencent à donner tort à l'Assemblée, sans redonner raison au président. Ils iront plus loin si on continue. Adieu. Adieu. Marion a été un suppléant charmant. Adieu. G.
Voilà vos quelques lignes qui me plaisent. Mais il ne faut pas veiller jusqu'à 11 heures. Merci de ce que vous avez dit à Mérode.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris Lundi le 10 novembre 1851

Soirée très orageuse hier. L'allocution du Président aux affaires. Piscatory, Molé, Berryer, Montebello très montés. Montalembert n’en parlait pas. Fould approuvait en général cependant cela était regardé comme une nouvelle provocation, et l’on croit généralement que l’Elysée veut la crise.
Je vous verrai donc après demain. Grande joie. Mais voici deux recommandations. 1° Ne venez pas avant 3 1/4 je ne puis pas vous recevoir avant.. C’est trop long à expliquer. 2° faites-moi la grâce pour tout ce premier jour de vous borner à écouter tout le monde, et puis vous digèrerez ce mauvais dîner et vous pourrez avoir un avis le lendemain. On en sera très avide, c’est tout juste pour cela qu’il ne faut pas vous presser. Mon impression à moi est de trouver la conduite du duc de Broglie très bonne. Je ne suis pas suspect quand je le loue. Je trouve à Molé l’air mal à l’aise. Au reste depuis bien des jours je n'ai plus de tête-à-tête.
2 heures. Adieu. Adieu. Des nouvelles indirectes disent que le passeport est accordé !

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Dimanche 9 nov. 1851

Je viens de finir mon discours, et je vais donner ces deux jours à mes visites et à mes affaires. Que j’ai envie de vous trouver mercredi moins fatiguée ! Mais si vous l'êtes encore beaucoup je vous soignerai enfin. Au moins vous ne vous ennuyez pas.
Singulier spectacle. Quiconque prend l’initiative du moindre mouvement inutile, quiconque dépasse la nécessité de l'épaisseur d’un cheveu est aussitôt condamné et délaissé par le pays. C’est de la politique thermométrique. Il faut avoir le coup d’oeil bien sûr et le pied bien ferme pour marcher droit dans une telle atmosphère. Certainement d’ici la nomination de Vitet et la proposition des questeurs me paraissent deux fautes graves et si j’avais été là, je les aurais déconseillées. Je verrai ce qu’on me dira pour les justifier. Je suis du reste, bien décidé à n'en croire moi-même plutôt que ce qu’on me dira. Ecouter tous les avis et agir toujours selon son propre avis, c’est la bonne règle quand on a du bon sens C'est facile quand on n'est que donneur d'avis, et point acteur. Je ne puis croire que la majorité se laisse mener longtemps par Thiers, et Changarnier ; elle reconnaîtra bientôt qu’ils la mènerait perdre. Les montagnards ont voté pour Vitet évidemment pour brouiller la majorité. Je ne crois pas du tout à M. de Hackereen.
Thiers a-t-il, ou n'a-t-il pas été au service de la Madeleine pour la Dauphine. Je puis encore vous faire une question. Mais mardi, Marion n'aura plus à vous remplacer. pour m'écrire.

4 heures
Je suis charmé que vous recommenciez à manger pourvu que vous digériez. Adieu, Adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris dimanche le 9 Novembre 1851

Molé hier soir gêné sur l'affaire de questeurs. [?] sur l'affaire Faucher, en tout de mauvaise humeur. Mérade en grand blâme. Je lui ai dit ce que vous vouliez qu'il sût et dans les termes convenables. Il rendra cet avertissement. Il est bien temps que vous reveniez. Il me semble qu'on perd la tramontane. Cela fera gagner le Président. Il y a deux jours que je n’ai vu Fould. La santé ne va pas mal. Un peu de fatigue hier soir parce qu'on est resté jusqu'à 11h. passées ! La nuit s'en est un peu ressentie, mais cependant tant bien que mal il y a eu 7 h. de sommeil. Voilà toute ce que j'ai à dire. Adieu. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Samedi 8 nov. 1851

Vous me permettez du bien petit papier, n'est-ce pas ? J'ai beaucoup à faire ces jours-ci. Je veux absolument avoir fini mon discours, et je l'aurai fini. Une visite de matinée à Lisieux, chez les gens qui m'ont donné à dîner. Une visite. dans mes champs, avec mon fermier et mon homme d'affaires, pour voir s’ils sont bien cultivés et en bon état. Riez si vous voulez, de ma science agricole ; elle me prend mon temps comme si elle était bien profonde.
Je lis tout ce que vous m'écrivez, vous et Marion, tout ce qui me vient d'ailleurs, tout ce que me disent mes dix ou douze journaux ; je ne vois pas de raison de changer mon impression et mon pronostic. Je crois la situation où je suis en ce moment très bonne pour juger sainement. Bien informé des faits et loin du bruit. J’y vais rentrer. Je tâcherai de ne pas m'en laisser étourdir au milieu du bruit, on oublie le plus grand des faits, l'état réel du pays lui-même, et on fait des sottises dont on est averti par des catastrophes.
Je sais bon gré à ce bon Alexandre de sa résignation. Je me préoccupe de la situation de votre fils Paul. Nous en causerons si vous voulez et si cette conversation ne vous agite pas trop.
A tout prendre, j’aime mieux que Lord John ne vienne pas à Paris. Dieu sait ce qu’il aurait dit ou conseillé au Président. Les Anglais n'entendent rien à nos affaires et pourtant leurs paroles ont toujours du poids. Vous êtes vous fait lire le discours de Louis Blanc à Londres dans l’une des fêtes de Kossuth ? C'est le vrai programme du parti au moins des émigrés du parti ; il feront ce qu’ils pourront en 1852 pour soulever une grande prise d’armes à moins que nous ne le fassions exprès de les faire réussir, ils échoueront ; mais ils ne pensent guère laisser passer cette époque sans protester contre les anciens échecs.

4 heures
Nous avons bien les mêmes instincts. J’ai été frappé et désolé des fautes qui commencent. Adieu, adieu. Je suis chaque jour plus pressé de vous retrouver. Adieu. G.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Vendredi 7 nov. 1851

Le message est profondément médiocre. Mais je ne crois pas du tout que ce soit un manque de dédain pour l'Assemblée. C’est tout bonnement de la médiocrité naturelle. Les articles du Dr Véron valaient mieux. Je ne trouve pas non plus que Berryer ait bien conduit sa première attaque. Il a été long, confus et hésitant. Mais si j'étais à Paris, je ne dirais pas cela. L’esprit de critique nous domine, et nous sacrifions tout au plaisir de tirer les uns sur les autres. Sur la physionomie de ce début, je crois moins que jamais à de grands coups, de l’une ou de l'autre part. On ne disserte pas si longuement et si froidement, au moment de telles révolutions. Elles sont précédées, ou par de grands signes de passion ou par de grands silences. La montagne épousant systématiquement le Président et sa mesure, cela est significatif et pourrait devenir important. Je doute que cela tienne. Le Président n'en fera pas assez pour eux et ils ne seront jamais pour lui ce qu’il veut, sa réélection. Chacun finira par rentrer dans son ornière.
J’ai mal dormi cette nuit, pas tout-à-fait par les mêmes raisons que vous. Je cherchais deux paragraphes de ma réponse à M. de Montalembert. Ils m'ont réveillé à 2 heures ; je les ai trouvés, je me suis levé, je les ai écrits, et je me suis recouché, pour mal dormir, mais pour dormir pourtant.
Le froid commence. Il gèle fort la nuit. Je vois fumer en ce moment le tuyau de ma serre. Il n’y a plus de fleurs que là. Il est bien temps d'aller retrouver ma petite maison chaude. Je ne vous écrirai plus que trois fois. Je voulais porter d’ici à Marion une belle rose en signe de ma reconnaissance. La gelée me les a flétries. Elle a bien raison d’ajouter à votre lettre des détails sur votre santé. C’est un arrangement excellent, et dont je la remercie encore.
J’ai fait ces jours-ci quelque chose d'extraordinaire dans mes moments de repos, et pour me délasser de mon travail. J’ai lu deux romans, David Copperfield de Dickens et Grantley Manor, de Lady Georgina Fullerton. Le premier est remarquablement spirituel, vrai varié et pathétique ; plein, seulement de trop d'observations et de moralités microscopiques. Le commun des hommes ne vaut pas qu'on en fasse de si minutieux portraits. Pour mon goût, j’aime bien mieux le roman de Lady Georgina, la société et la nature humaine élevée, élégante et un peu héroïque ; mais elle a l’esprit bien moins riche et bien moins vrai que Dickens. Qu'est-ce que cela vous fait à vous qui n’avez lu et ne lirez ni l'un, ni l’autre.

Onze heures et demie
Décidément mon facteur vient plus tard ; mais peu m'importe à présent. Adieu, Adieu. Je voudrais bien que vous ne violassiez pas trop les règles de Chomel. Adieu. G.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Jeudi 6 nov. 1851

Ne vous fatiguez pas à m'écrire ; mais sachez que la vue de votre écriture me charme tout le jour.
Les détails que vous me donnez sont tristes, mais ne m'étonnent pas. Il faudrait une force de sens et d’âme supérieure pour résister à la tentation dont on les assiège. On leur promet de leur rendre leur patrie et un trône et nous leur demandons de renoncer absolument à cette chance pour en courir une autre qu’ils regardent comme très douteuse presque comme impossible. Ce n’est pas sur eux que tombe mon blâme mais sur ceux qui les prennent pour instrument de la perpétuité d'un état de révolution qu’ils sont eux-mêmes incapables de gouverner, et qu’ils ne veulent pas laisser finir.
Je suis de l’avis du Duc de Noailles. Il a bien fait de laisser partir la lettre que le duc de Montmorency avait reçue. Votre paragraphe dans le portrait du comte de Chambord de M. de la Guéronnière m’a amusé, malgré la délayage et la lourdeur prétentieuse. Mallac m'écrit avec assez de trouble. Nous touchons, selon lui, à de gros événements peut-être à une crise définitive, le Président est résolu à tout risquer pour vaincre la résistance de l'Assemblée ; les Régentistes se donnent beaucoup de mouvement et sont plein d’espérance ; Changarnier pousse les Légitimistes à des mesures extrêmes, et pourrait bien n'être que l’instrument de Thiers & & Tout cela se peut ; mais je persiste à douter que tout cela aboutisse à une solution prochaine. La partie est plus compliquée, et plus grande que ne se le figurent les joueurs assis autour de la table. Personne n'est près de la gagner.
Je ne vous dis rien de Pétersbourg. Il n'en faut plus parler, et il y faut penser le moins possible. C'est bien difficile. Je le sais.
J’avais hier chez moi un des principaux et des plus intelligents manufacturiers de Lisieux. Il m’a dit que depuis trois ou quatre semaines, les affaires étaient aussi complètement suspendues qu'elles l’avaient été en 1848.

Onze heures et demie
Mon facteur arrive très tard. Je craignais qu’il n’y est quelque chose à Paris. Ce que vous me dites ne change rien à mon impression. Adieu, adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857) ; Ellice, Marion
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Paris le 5 novembre 1851

Le message a été trouvé déplorable. La Redorte est venu le premier me raconter le fiasco. En même temps on a fort blâmé Berryer, & Molé lui même en était mécontent. iIs étaient tous deux chez moi hier soir. Le rejet de l’urgence parait à Berryer les funérailles du projet de loi. Il m'a dit ensuite à l’oreille que la majorité était bien molle, & que tout ce qu'il pouvait espérer serait 300 voix compactes et encore. Ni la reine, ni le duc de Nemours n’ont écrit au comte de Chambord on n’a parlé que de la séance. Les diplomates présents ont trouvé dans l’attitude de défi du [général] [Saint-Arnaud] l’indice d'un coup d’Etat. Le peu de soin de la rédaction du message parait indiquer ainsi beaucoup de dédain pour l’assemblée. Le Président a sans doute pris son parti quoiqu'il arrive. La Montagne triomphe et l’a témoigné hier. Enfin le grand combat a commencé hier.
Montebello n’est pas ici. Sa femme cependant va mieux. [Mérade] n’est pas ici non plus. Je n'oublierai pas ce que vous me dites dès que je le verrai. Adieu. Adieu.

La Princesse me permet d'ajouter deux mots, sur la santé dont elle ne vous aura probablement pas parlé. Elle a pris hier avec son diner avec pillule digestive, dont elle s’est aussitôt [?]. Cette nuit, en effet elle s'est réveillée vers 2 h. du matin avec des étouffements qui lui ont gâté un peu sa nuit. Mais ce matin Olliffe est loin d'être mécontent. Le pouls est bon, et le teint meilleur. Mais nous avançons tout doucement cependant ! Chomel n’est pas ici. Il n'arrive qu’aujourd’hui mais nous espérons pourtant le voir dans le courant de la jounée. La princesse tâche de prendre la nourriture qu'on lui ordonne mais c’est toujours là le point difficile. Voilà un bulletin légèrement décourageant [mais] il ne faut pourtant pas se décourager.
Croyez-moi toujours, cher M. Guizot. Trés sincèrement à vous. M. Ellice

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer. Mercredi 5 nov. 1849

Je trouve vraiment comique les prédictions et ces bravades contraires que s'adressent les amis du Président et ceux de l'Assemblée comme pour se faire peur mutuellement et d'avance, sans doute dans l’espoir d'avoir, au moment du combat, meilleur marché les uns des autres. C’est bien Gascon et bien puéril. Le chef d'œuvre du genre, c’est Thiers ayant peur d'être arrêté et le Président lui faisant dire de n'avoir pas peur et qu’il ne le fera pas arrêter. Ce sont là des façons du temps de la Fronde qui ne vont plus au nôtre, quelque irrégulier et inattendu qu’il soit tout cela ne supporte ni la presse, ni la tribune au milieu des formes publiques et graves de nos gouvernements et de nos révolutions, ces finesses deviennent des enfantillages ce qui était de la gaieté devient du ridicule ; les hommes se diminuent à jouir de vieux jours. Voilà les réflexions pédantes de ma solitude.
Je parie toujours pour mon même dénouement. Rejet de l'abrogation, patience du Président, modifications indirectes de la loi du 31 mai par l'Assemblée ; acceptation de ces modification par le Président ; rentrée de l’ancien ministère, sauf Léon Faucher. M. de Lamartine a fait bien d'avoir un rhumatisme aigu à Macon, cela le dispense de figurer, en personne dans cette journée des dupes.
Quand j’ai lu mes lettres de Paris et les journaux, je ne pense plus à tout cela, je suis tout entier dans mon discours d'Académie qui me plaît à faire. J’ai déjà une grande satisfaction. Je suis sûr que je serai court. Quelque réduction que M. de Montalembert, fasse subir au sien, il restera long et quelque curieux que soit le public de cette séance, il ne faut pas le mettre à l'épreuve de deux longs plaisirs.
Est-il vrai que Lord Palmerston ait adressé au Cabinet de Vienne quelque explication sur le séjour et le bruit de Kossuth en Angleterre ? Cela me paraît peu probable. Je trouve que le journal des Débats fait à Kossuth une guerre très spirituelle, et qui devrait être efficace si quelque chose était efficace contre les Charlatans et les badauds. On fait trop de bruit de la circulaire du ministre de la guerre. Que ses paroles aient été écrites à mauvaise intention, cela se peut mais on n'en est pas à faire du bruit pour les mauvaises intentions, et il y a là une question que les hommes d’ordre doivent laisser dormir sauf à se bien défendre si on abuse un jour contre eux du principe de l'obéissance militaire qui est tous les jours leur sauvegarde.

4 heures
Merci, merci. Le plaisir de voir votre écriture efface le chagrin de vos nouvelles de Claremont. Faiblesse déplorable et ridicule. Que deviendra tout cela ? La situation paraît bien tendue. Je persiste à ne pas croire aux grands coups. Adieu. G.
Et Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)

Auteurs : Mallac, Eloi (1809-1876)

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Mardi 4 nov. 1851

Je jouis encore de vos deux lignes d'hier. J’espère bien en avoir quelques unes aujourd’hui. Pourvu que votre soirée de Dimanche ne vous ait pas trop fatiguée. Entre le besoin de distraction et la crainte d’agitation, vous êtes très difficile à arranger. Pourtant, je penche, en général du côté de la distraction, l'ennui vous agite plus que la fatigue.
Je suis fort aise que Molé soit pressé de me voir ; mais la presse quant aux choses mêmes n’est pas si grande. Je ne crois pas tant à ma nécessité et à mon efficacité que quelques jours de plus ou de moins y fassent quelque chose. En fait d'envie de hâter mon départ, j'ai résisté à mieux que cela. Je serai à Paris dans huit jours, et bien à temps pour n’y rien faire. J’ai absolument besoin de cette semaine pour ma réponse à M. de Montalembert qui est en bon train.
J’ai bien envie que vous ayez pu voir Mérode avant mon arrivée, et lui dire ce que je vous ai dit du discours de son beau-frère ; discours dont on peut tirer un grand succès, et un grand effet, et qui, s'il restait tel qu’il est, serait probablement pour lui, l'occasion d’un grand échec, comme son rapport sur la loi du Dimanche.
Je suis désolé que le Duc de Montmorency ne soit pas parti. C'était très bien, comme vous l’avez senti au premier moment. Et s’il ne va pas, parce que Thiers ne l'aura pas voulu, ce sera déplorable. Déplorable comme fait, déplorable comme symptôme. Je fais ce que je puis pour me persuader qu’il y a moyen de nous tirer de nos vieilles ornières. Nous y retombons toujours. Etrange pays aussi obstiné que mobile !
Sait-on enfin positivement si c’est la Reine, ou le Duc de Nemours qui a écrit au comte de Chambord, et si réellement on a écrit ? Je ne veux pas croire qu’on se soit borné au service funèbre de Claremont et d’Eisenach.
J’ai vu hier les députés d’ici partant le soir pour l'Assemblée. Ils partent semés. Rejet de l'abrogation de la loi du 11 Mai ; ajournement de la proposition Créton ; et puis, adoption de la loi municipale et de modifications indirectes qu’elle introduit dans la loi du 11 mai. Parti pris de tout subordonner au maintien d’une majorité de 400 voix. Je m'étonne que M. Molé se laisse aller, ou paraisse se laisser aller à un sentiment trop rude envers le Président. Ce n’est pas dans ses allures. Je ne doute pas que le président ne cherche un accommodement, et ne finisse par accepter plus que l'Assemblée elle-même lui donnera, après avoir rejeté sa propositions d’abrogation. Je crois tous les jours moins au coup d'Etat. Pas plus par le général [Saint Arnaud] que par le général Magnan. Tout le monde est un peu fou ; mais les vrais fous sont très rares.

Onze heures
Tant mieux que votre soirée de Dimanche ne vous ait pas trop fatiguée. Je vois que vous avez encore assez de force pour animer la conversation. Adieu, adieu, et merci à Marion. G.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, 3 Novembre 1851

Il a fait ici cette nuit une tempête effroyable ; je me suis réveillé dix fois, pensant à vous et espérant que ces coups de vent et les torrents de pluie n'étaient pas aussi au-dessus de vous. Ils auraient encore agité vos nerfs déjà si faibles. La tempête a cessé ce matin, et le soleil brille. Que je voudrais apprendre, ce matin que vous avez un peu dormi !
Ce n'est pas au moins le mouvement autour de vous qui vous manque. On vient beaucoup vous voir et vous dire ce qu’on sait, vous vivez des indiscrétions d’autrui qui se confient dans votre discrétion à vous.
Malgré l'ennui qu’ont eu mes amis du nom du Duc de Montmorency dans l’Assemblée nationale, je n’y ai nul regret. Ces choses- là n’ont leur valeur que quand elles sont publiques à cette condition seulement elles lient un peu. Et bien peu encore. Certainement ces courtoisies de famille ne sont rien tant que la question politique n'est pas résolue ; mais elles aplanissent les voies vers cette solution ; surtout elles rendent de plus en plus difficile tout autre chose que cette solution. Rien ne le prouve mieux que l'humeur des adversaires ; l'ordre n’a pu se résoudre à dire que la Reine avait écrit au comte de Chambord.
Je ne puis croire au calcul de Dupin pour l'abrogation de la loi du 31 mai. Je n'allais pas au-delà de 300 voix contre 400. Il connaît mieux que moi l’Assemblée. Je persiste à n'y pas croire. On a parfaitement raison de rejeter tout-à-fait, sans amendement ni transaction la proposition d’abrogation pourvu qu’on soit décidé à adopter ensuite la loi municipale dont le rapport a déjà été fait, et qui contient la transaction pratique dont le parti de l'ordre a besoin pour rester uni. Je vous quitte pour ma toilette.
Voici ma dernière semaine sans vous voir. Que ferais-je pour remercier Marion de ses bonnes lettres ? J'en ai reçu hier une très longue de Croker qui ne peut toujours pas se consoler qu’on n'ait pas renommé le général Cavaignac président, et laissé ainsi la République seule avec elle-même. C'est bien dommage que la Révolution française ne se soit pas laissée diriger par lui ; il savait bien mieux ses affaires qu'elle-même, et il lui aurait donné d'excellents conseils.
Sur l’Angleterre, il ne me dit que ceci : " Why is the Assemblée nationale so stupid as to attribute Palmerston policy to England in general, and above all to suppose that any man in England dreams of acquiring Sicily ? So far from desiring any such thing I will venture to say that not one man, Whig or Tory, would consent to accept it, even il offered I and you may be assured we [?] more likely to get rid of colonies that we have than to attempt to obtain a new one." Je crois qu’il dit vrai.

Onze heures
Voilà deux lignes qui me charment ; soit dit sais faire tort à la charmante Marion. Adieu, adieu, adieu. G.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer 2 Novembre 1851

Je ne suis pas malade comme vous, mais j’ai eu hier et cette nuit une forte migraine ; ce qui fait que je me lève tard, et que vous n'aurez qu’une courte lettre.
J’ai beaucoup travaillé depuis quelque temps, et je veux travailler beaucoup cette dernière semaine. Je sais le peu de temps dont je dispose à Paris. Si ma réponse à M. de Montalembert n’est pas tout-à-fait finie quand je partirai, elle en sera bien près.
J’espère bien apprendre ce matin que le mieux s'est soutenu pour vous. Ce sera parfait si je l’apprends de vous-même. Vous aurez vu que j’avais fait grand attention à l'article du Constitutionnel sur M. de Persigny, et que j'en savais le sens. Si cela aboutissait à son renvoi, ce serait en effet très significatif, et une facilité pour reculer.
Je ne suis pas inquiet de la reculade, pourvu que le débats de l'Assemblée n'enveniment pas trop les plaies. Si elle le conduit aussi sensément que sa commission de permanence, si elle cherche le succès plutôt que le bruit, elle aura certainement le succés. L’ajournement de la proposition Créton et probablement aussi de la candidature de M. le Prince de Joinville me paraît être la résultat naturel et obligé de la situation actuelle. Il n'y a de majorité qu'à cette condition.
Le Duc de Montmorency est-il bien réellement parti ? J’ai des nouvelles de Duchâtel. Rien de nouveau. Mêmes observations, même impressions et mêmes conjectures que les miennes. Il ne reviendra qu'à la fin de novembre.

Onze heures
Je suis moins content aujourd’hui qu’hier. Je maudis Pétersbourg. Je sais avec qu’elle lenteur vous vous remettez de secousses pareilles. Adieu, adieu. Je ne vous ferais pas grand bien si j'étais là, mais je suis bien pressé d'y être. Adieu. Je remercie toujours Marion, vrai trèsor. G.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, samedi 1 Nov. 1849

Je ne sais pas vous écrire comme à l’ordinaire. La lettre de Marion me poursuit. J’ai besoin que celle de ce matin soit arrivée. J’espère qu’elle sera de vous ; quelques lignes du moins.
Je me rappelle très bien Versailles, vos inquiétudes, votre extrême abattement. C’est un souvenir qui m'attriste et me rassure à la fois. Chomel et Oliffe ensemble me rassureront aussi. Ils sont habiles et prudents, et l’un des deux est toujours là. Mais hélas ce qu’ils peuvent est si insuffisant !
Claremont me satisfait. Une lettre de la Reine et l'envoi du Duc de [Mérode] c’est très bien. Vous ne m’aviez rien dit de la lettre, c’est le Journal des Débats qui me l’a appris. C'est au comte de Chambord à faire fructifier cela, sans avoir l’air de l'exploiter. La mort de la Dauphine fait dans le commun public un grand effet, un effet utile. On est touché de cette vertue triste, simple et résignée. Les retours que cela fait faire sur le passé sont au profit de bons sentiments. Et en même temps au fond des coeurs, il y a une secrète satisfaction de ce que ce dernier témoin royal de ce hideux passé n'est plus là pour le rappeler sans cesse et en porter plainte. C’est un étrange personnage qu’une nation, encore bien plus mêlée de bons et de mauvais sentiments que les personnes individuelles, et acceptant avec entêtement une certaine part de responsabilité dans les événements, même de son histoire qu’elle déteste le plus et dont elle a le plus souffert. Mais c’est son histoire.
Voilà enfin, le mois de Novembre commencé. J’ai retenu la malle poste pour le 11. Tous vos habitués sont déjà rentrés, ce me semble. Je suis charmé que ce pauvre Montebello soit plus tranquille sur sa femme.
J’ai reçu une lettre de M. Moulin de retour à Paris qui n’est pas content de l'état de l'Auvergne. " J’ai laissé, me dit-il les départements du centre très divisés. Les idées de fusion y ont fait peu de progrès et cependant nulle part les légitimistes ne sont plus raisonnables et plus conciliants. Ce sont nos amis qui manquent de raison et de bienveillance. "

Onze heures
Voilà de meilleures nouvelles. Marion est charmante. C'est dommage qu’elle ne soit pas Empereur. Adieu, adieu.G.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer Vendredi 31 Oct. 1851

Ce que vous me dites de Claremont me fait grand plaisir. Le Duc de Montmorency serait en effet très bien ; un pas de plus qu'il n'a été fait de l'autre côté à la mort du Roi, et en même temps grande convenance de la personne. Je ne doute pas qu'il n'accepte si le hint lui a vraiment été donné, comme l'indique le simple fait de s'être adressé à lui.
La conversation de Dupin est l'écho de ce que j'entends beaucoup dire. J'ai dîné hier à Lisieux, avec 30 personnes, fort mêlées, assez de Régentistes. Ceux-ci aussi tristes, plus tristes peut-être que les autres, également atteints d’un sentiment d'impuissance, mais ne renonçant à rien pour cela, et disant toujours que leurs adversaires devraient bien renoncer. Depuis bien longtemps le mot childish erre sans cesse sur mes lèvres ; je n'ai jamais eu plus de peine à m'empêcher de le prononcer, tout haut. On a tort de maltraiter indistinctement les nouveaux ministres. Indépendamment de M. Corbin et Giraud qui sont bons, il y a là un ministre de l’intérieur de qui l’un de mes amis, qui le connaît très bien m'écrit : " Thorigny est bien supérieur à Faucher sous tous les rapports, et il a toutes nos opinions. C'est le ministre que nous aurions choisi nous- mêmes pour diriger les prochaines élections. Pourquoi, comment est-il entré dans ce cabinet ? Tout le monde l'ignore ; il ne le sait peut-être pas bien lui-même."
C'est là évidemment un homme à ménager. Je me rappelle que comme magistrat, il s'est montré capable et résolu. J’ai été encore plus frappé que d'autres de l'attaque du Constitutionnel contre Persigny. Voici pourquoi. Morny a gagné pleinement son procès contre le Dr Véron. C'est à lui Morny, qu'appartient maintenant la direction politique du Constitutionnel. Il n’a pas voulu la prendre ostensiblement, ni la changer promptement ; il lui a convenu qu’elle restât encore dans les mêmes mains et les mêmes voies, mais il est en mesure de la modifier et de s’en servir comme il voudra. L’attaque à Persigny a donc assez d'importance. C’est un reflet de l’intérieur de l'Elysée. Si vous ne saviez pas déjà ceci, gardez-le pour vous, je vous prie.
Je suis charmé que le discours de Falaise ait votre approbation. Je ne trouve pas la statue extrêmement belle, ni si mal que vous me l’aviez dit. Il y a de la force et du mouvement. Mélodrame sans doute, point de noblesse, ni de mesure dans la force. Le public est content. Je prends votre silence sur la lettre projetée du Duc de [Noailles]. comme une réponse, et je règle un [?] d'après cela mon langage avec ou sur certaines personnes. M. de Mérode est-il de retour à Paris, et l’avez-vous vu ?

Onze heures
Voilà la triste lettre de Marion. Je l’en remercie pourtant de tout mon cœur. Je lui écrirai demain quoique j'espère bien revoir demain votre écriture. Adieu, Adieu. G.

Auteurs : Cuvillier-Fleury, Alfred-Auguste (1887-14802)

Auteurs : Croker, John-Wilson (1780-1857)

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer Jeudi 30 octobre 1851

Hier soir, vers onze heures, le Roi Louis Philippe, signait, il y a onze ans, le Cabinet du 29 octobre. Il a duré sept ans et quatre mois. Quand reverrons-nous quelque chose qui dure autant. J’ai bien l'orgueil du passé, mais il ne me console pas des tristesses du présent. Mon esprit, est partagé entre deux pressentiments, très divers ; celui de mon bon sens qui me fait croire au retour de la monarchie et d’un ordre à peu près semblable à l'ordre que nous avons vu ; celui d’un instinct obscur qui me fait entrevoir, dans ce qui se passe, le commencement d'un état social très nouveau, point glorieux, et pourtant grand et fort, point solide et pourtant toujours à peu près le même, point d'avenir, mais chaque jour se suffisant à lui-même assez du moins pour ne pas être le dernier jour, une décadence à la fois agitée et monotone et durant des siècles.
Je suis très préoccupé de ce qu'on fera de ce qu'on doit avoir déjà fait à Claremont. Et non pas sans inquiétude. Ce sera inconcevable et impardonnable. Mais je crains qu’ils ne craignent qu'on n’exploite ce qu’ils feront, pour les lier plus qu’ils ne veulent être liés. Ils trouveront peut-être quelque biais indirect et disgracieux pour s'acquitter strictement. La poste de ce matin m'en apprendra peut-être quelque chose.
Je trouve toujours qu'on ne sait pas tirer parti, contre Lord Palmerston de ses démarches et de ses paroles. Sa réponse à Fortunato est un acte d’insolence effrontée vraiment, sans exemple. Si, en Angleterre même, l'opposition faisait bien comprendre au peuple anglais ce qu'il y a de frivolement pervers et de dangereux, en définitive pour l'Angleterre elle-même, dans ce patronage affiché, indistinct, de tous les ennemis de tous les gouvernements du continent, je suis convaincu que le peuple Anglais comprendrait et finirait par le trouver mauvais. Mais l'opposition attaque en passant, tel ou tel acte de Palmerston et ne fait point de charge à fond contre l'ensemble et le caractère permanent de sa politique ; et le peuple anglais croit que Palmerston est une espèce de grand patriote anglais, uniquement préoccupé, comme Lord Chatham ou M. Pitt, de la grandeur de l'Angleterre et à qui l'on ne peut reprocher que ce qui se pardonne toujours, la passion de l’égoïsme national. C’est cet absurde mensonge qu’il faudrait mettre en lumière. Je souffre toutes les fois que j'en vais manquer l’occasion.
On m'a envoyé, hier le récit des derniers moments de la Dauphine. C'est beau, précisément parce que ce n'est pas orné du tout. Son testament est admirable de simplicité et de vérité, me disant, ni plus, ni moins que ce qu'elle pensait, et sentait réellement. Cette phrase-ci surtout me frappa : " à l'exemple de mes parents, je pardonne de toute mon âme, et sans exception, à tous ceux qui ont pu me nuire et m'offenser demandant sincèrement à Dieu d’étendre sur eux sa miséricorde aussi bien que sur moi-même, et le suppliant de m'accorder le pardon de mes fautes. "
Il y a de sa part, une charité et une humilité Chrétiennes vraiment sublimes à se confondre ainsi elle-même avec ses bourreaux, et à implorer en même temps, pour eux et pour elle, le pardon de Dieu.

Onze heures

Je ne suis plus préoccupé que de vous. Vous faites bien de rester dans votre lit ; mais il faut que votre lit vous repose. Enfin, j'y verrai moi-même dans quelques jours. Hélas, la présence n’est pas la puissance. Adieu, Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer. Mercredi 29 oct. 1851

Le Ministère n'est pas effrayant. Tous ceux que je connais sont, ou du moins ont toujours été des conservateurs très décidés. En particulier, les Ministres de l’intérieur et de la justice ; gens capables et honnêtes, et très compromis contre les rouges. Je ne me figure pas qu'avec ces hommes-là il puisse y avoir à craindre ni alliance avec la Montagne, ni coup d'Etat. Je persiste plus que jamais dans ma première conjecture. Rejet complet, par l'assemblée de l'abrogation de la loi du 31 mai, et acceptation par le Président, des modifications à cette même loi que l'Assemblée fera elle-même un peu plus tard, à l'occasion de la loi municipale. Les ministres, qui sortent rentreront alors, M. Fould, M. Rouher, M. Baroche, d'autres peut-être, M. Léon Faucher restera dehors. Ce sera la dupe de cette journée, avec M. De Lamartine et Emile de Girardin. Voilà mon programme.
Je ne connais pas du tout M. de Maupas le Préfet de Police, ni le Ministre de la guerre, le général St Arnauld. On parle mal du premier. Le maréchal Bugeaud regardait le second comme un militaire hardi et capable. S'ils ont comme on dit de l'esprit tous les deux, ils comprendront bien vite la situation et ils ne pousseront pas aux mesures extrêmes. Quand elles ne sont pas dans l’air, personne ne peut les y mettre. Dans le conflit, je parie toujours pour Morny.
Puisque Mad. de la Redorte et Mad. Roger, et les dames Russes sont venues chez vous en deuil et puisque vous les en avez louées, tout est correct. Qui avez-vous loué ? Des femmes, plusieurs femmes. Et avant le mot louées, je trouve dans votre phrase le mot les qui désigne ces femmes. Donc, quand vous avez écrit le mot louées, vous saviez que vous parliez de femmes, et de plusieurs femmes ; donc il fallait le féminin et le pluriel, c’est-à-dire louées et non pas loué. Est-ce clair ?
Ce que la Redorte vous a dit, quant à la situation respective du Président et de l'Assemblée devant le public est vrai de mon département comme du [sign]. Quoiqu’un peu moins absolument, parce qu'on ne change pas aussi vite d'impression et d'avis en Normandie qu’en Languedoc

Onze heures
Ces accès de faiblesse nerveuse me désolent. Que je voudrais une bonne lettre le Pétersbourg. Elle vous ferait plus de bien que toute autre chose. L'écriture de Marion sur l'adresse m’a troublé. J’ai été heureux de trouver la vôtre en dedan.s Adieu, adieu.
Je partirai d’ici le 11 nov. et je serai à Paris le 14 au matin. Adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 29 octobre 1851
1 heure
Je suis encore dans mon lit, avec des étouffements. Vitet que j'ai vu hier soir m’a prié de vous dire qu'il a vu les lettres du duc de Nemours à M. Bauchez témoignant du vif chagrin de la reine & du sien à l'occasion de la mort de la Dauphine. Le Duc de [Nemours] était son filleul. On va célébrer une messe, et on écrit au duc de [Mont?] pour le prier de chercher un complimenteur convenable pour Frohsdorf. On espère that he will take the hint. Cela serait très bien.
Longue visite hier matin de M. Dupin. Blâmant beaucoup, espérant peu de l'Assemblée à cause de ses divisions. Des regrets, des hélas de ce que chacun s'occupe de son intérêt ou de son penchant personnel. Le mieux serait que le comte de Chambord abdique ! Il pense bien de Corbin & Giraud, il rit du reste surtout de Fortoul. Il n’ira pas à St Cloud, il s'est borné à s’inscrire à l'Elysée. Le soir Pasquier m’a dit qu’il croyait que Corbin refuse. Il n’est pas ici encore.
Je voudrais bien mes nouvelles. J'en suis bien loin aujourd’hui. Rien de Pétersbourg. Adieu. Adieu.
Je trouve votre discours à Falaise extrêmement bien. Avez-vous trouvé la statue extrêmement belle ?

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 28 octobre 1851

Hier soir une défaillance. plus de pouls, attaque de nerfs, [?] de vomissements. Pas de sommeil cette nuit, aujourd’hui je ne bouge pas. Pas de réponse de Pétersbourg. Je ne pense qu’à cela.
Tout le monde rit. du ministère. Fould & Berryer hier, en très bonne intelligence. C'est Casabianca qui a fait le Ministère. Blondel est depuis 12 mois en Corse. Fould dit qu’il ne le connaît pas. Le blâme sur tout cela est universel. On a reçu hier le testament de la Dauphine. On dit très touchant. Adieu. Adieu.

Auteurs : Moulin, Gabriel (1810-1873)

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer Lundi 27 octobre 1851
4 heures

Je suis toujours bien aise de rentrer chez moi même quand il m'a réussi d'en sortir. Voilà trois jours que je vous écris bien sottement. J’ai fait hier à Falaise, tout le jour une vraie mission pour la fusion ; presque sans en parler, mais parfaitement compris de tout le monde ; conservateurs et légitimistes que j'ai laissés tout contents de moi, et d’eux-mêmes. L’un ne va guère sans d'autre. Avec du temps, beaucoup de temps, et en y prenant beaucoup de peine ; et avec l'aide de beaucoup de malheur et de beaucoup de peur, on pourra arriver à quelque chose. Les incidents dérangeront et précipiteront. Si tant est que les incidents dérangent le véritable cours de l'eau, le cours du fond. Nous vivons et nous nous remuons à la surface ; mais ce n'est pas à surface que se préparent et se décident les grands événements. Quels que soient les incidents, nous marchons à la monarchie par la fusion ou à la décadence par la République. Voilà les deux courants profonds qui sont, aux prises. Lequel des deux l'emportera ? Mon raisonnement est pour la crainte et mon instinct pour l'espérance.
Dans tout le monde que j'ai vu depuis les plus considérables jusqu'aux moindres, et soit bienveillants, soit malveillants, la situation du Président est mauvaise. On a porté sa santé au banquet, le maire de la ville, mon hôte. Un silence universel lui a répondu à la lettre. Le Préfet qui était là, s’en est tiré en homme d’esprit, et en répondant au toast qui lui était porté à lui-même ; il a parlé du Président, de l'appui qu’il avait donné au parti de l'ordre et qu'il avait trouvé dans le parti de l'ordre, en termes trés convenables qui ont été applaudis. Beaucoup de blâme, point de rancune, voilà la disposition. Jusqu'au dernier moment la transaction sera toujours possible et j'y crois toujours. Je n'ai jamais été plus applaudi. Les ennemis n’applaudissaient pas, mais ils approuvaient du geste les amis qui applaudissaient. Les Conservateurs, pris en masse, m'aiment vraiment ; et ceux-là même, qui n'ont nul goût pour la fusion me sont, au fond, gré de la vouloir et trouvant que j'ai raison.
J’attends toujours la lettre du duc de Noailles. Pour mon langage à quelques personnes, il m'importe un peu de savoir jusqu'à quel point M. de St Priest, M. Nettement et tout ce côté du parti, désavouent ou ne désavouent pas les bruits dont je vous ai parlé. Comme il n’y a plus aujourd'hui rien d'étrange ni de ridicule, il ne faut pas laisser passer. Sans y regarder ce qui paraît le plus étrange et le plus ridicule.
Je répète que je ne puis pas ne pas croire qu'on fera à Claremont ce qui convient. On aura bien pesé que M. le comte de Chambord n’en tire trop de parti et ne les mette dans un grand embarras. Mais je tiens pour impossible que cette peur arrête. Je crois que Montebello a bien fait de n'y pas aller. On ne fait pas ce qui déplaît sans déplaire ; surtout quand on veut le faire efficacement, et de manière à empêcher ce qui plairait.
Voici ce que j'ai écrit au sujet de cet incident du Times, au général Trézel, après lui avoir parlé de mes raisons contre la candidature du Prince ; je suis bien aise que vous le connaissiez textuellement. " Je suis absolument étranger, indirectement comme directement, à la correspondance du Times qui a raconté, bien ou mal, ma conversation avec M. le duc de Nemours. Je ne me permettrais jamais une telle inconvenance. Ce qui est vrai, c'est que, soit à Londres, soit à Paris, j'ai redit moi-même à plusieurs personnes le fond de cette conversation. A dessein, et par plusieurs motifs. D'abord, parce qu'opposé comme je le suis à la candidature de M. le Prince de Joinville, j'ai désiré que mon opinion fût connue, et qu’il fût connu aussi que je l'avais exprimée à la famille royale ; nous ne pouvons et ne devons agir librement qu'après avoir dit aux Princes ce que nous pensons et quand on sait que nous le leur avons dit. J'espérais de plus que la publicité de notre opinion rendrait peut-être un peu plus incertaine la publicité de cette candidature elle-même et comme je désire qu’elle ne le produise pas décidément je n'hésite point à faire ce qui peut y jeter quelque hésitation. Enfin, quoique je trouve que les Princes ont tout-à-fait raison de se tenir et de se montrer très unis, je ne regrette point qu’on sache, et je crois même qu’il est bon pour leur avenir qu’on sache qu’au fond ils ne sont pas tous du même avis, ni sur la même pente. Je trouve fort simple que parmi eux, quelques uns dressent leur tente au milieu de l'ancienne opposition au gouvernement du Roi leur père ; mais je ne pense pas que les chances de leur cause aient à souffrir si, parmi eux aussi, il y a encore les alliés fidèles de l'ancien parti conservateur, et si les conservateurs en sont convaincus. Voilà, mon cher général, pourquoi j’ai parlé assez ouvertement de la conversation que j’ai eu l'honneur d'avoir avec M. le Duc de Nemours. Je n’ai pas le droit de m'étonner qu’il en soit revenu quelque chose aux correspondants du Times, à Paris, et qu’ils l’aient racontée confusément et inexactement comme ils l'ont fait. Je le regrette puisqu’on l’a regretté à Claremont ; mais je ne puis pas ne pas penser que, pour la bonne politique de la bonne cause la candidature de M. le Prince de Joinville serait infiniment plus nuisible qu’il ne peut l'être qu'on entrevoie que M. le Duc de Nemours n'en est pas tout-à-fait d'avis."
Adieu jusqu'à demain.
J’ai trouvé vos deux lettres en arrivant ici Onze heures Le cabinet n’a rien d'effrayant, Tout ceci finira par une transaction. Mais j'attends Pétersbourg. Je ne peux croire ni au refus, ni au silence. Si cela arrive ! Adieu, Adieu. G.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Falaise Dimanche 26 oct. 1851
8 heures

Un déjeuner à 9 heures et demie. Une grand messe à 11 heures. La Statue à midi et demie. Des cérémonies et des discours jusqu’au delà de 3 heures. La poste part à 2. Un dîner de 200 personnes à 5 heures. Un bal après. Voilà, ma journée.
J'ai tout juste le temps de faire ma toilette avant le déjeuner. Je repartirai demain à 6 heures du matin. Je n'étais jamais venu ici. Le lieu est très pittoresque. Il y a beaucoup de monde ; toute la Normandie. Adieu, Adieu.
J'espère trouver demain, en arrivant au Val-Richer, de bonnes nouvelles de Pétersbourg. Adieu.

Mots-clés :

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris dimanche le 26 octobre 1851

Je n’ai rien à vous mander. aujourd’hui. Vous voyez que Billault est fini. Hier on travaillait à Ducos. M. Fould me semble avoir raison. On ne trouvera pas de Ministres. Les propos des Elyséens sont très vifs. Tout leur est égal. Et s'ils périssent au moins auront-ils le plaisir de voir le pays tout entier périr avec eux. C'est M. Persigny qui a dit cela. Douce satisfaction. Encore le Chancelier hier soir. Mais pour le coup il n’y avait pas de quoi l'amuser. Je suis réputée en vacances le samedi.
On me défend cependant encore les Italiens, et je n’avais ici que la diplomatie. Viel Castel aussi, qui revenait de chez le duc de Broglie. Il croyait trouver M. de [Bourgeoly] aux Aff. étrangères. Il n'a rien trouvé, pas même Baroche qui est à la Campagne. Le duc de Noailles est reparti pour Maintenon.
En me rappelant le peu de paroles de M. Fould avant hier je crois me souvenir qu’il voulait laisser croire que rien n'empêchait le président de transiger. " Il n’a reçu dit d’officiel encore. Il n’est pas compromis.“ On me dit que l’antipathie du Président pour M. Léon Faucher est énorme. D’un autre côté tout le monde regrette Léon Faucher comme un ministre très vigilant, très ferme et fort honoré [?] par les Préfets. En tout on continue à blâmer, blâmer beaucoup, le Président. L'émotion est très vive sur le continent. Vous avez beau temps pour l’événement de falaise. La Redorte est revenu. J'en suis charmée. Je le verrai aujourd’hui. Adieu. Adieu.
On dit que le [Journal] des Débats tourne à la fusion est-ce vrai ?

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Falaise Dimanche 26 Oct. 1851
Onze heures du soir

Je rentre du bal. J’ai exécuté pleinement mon programme. Le succès du discours a été complet. Les amis le disent ; et les ennemis disent qu'ils ont raison. Mon toast (c'est-à-dire le toast qu'on m'a porté) au banquet a été très bruyant. Je crains la journée bonne, pour la bonne cause et pour moi. Adieu. Je vais me coucher. Je pars demain à 6 heures, pour aller trouver deux lettres de vous. Adieu. G.

Mots-clés :

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris lundi le 27 octobre 1851
Midi

Voilà le ministère. Vous saurez mieux que moi en décider la couleur. Je n’ai vu personne encore, rien que le Moniteur. A tout hasard je vous envoie les noms, car je ne sais pas si vous recevez les journaux du soir. Chasseloup était ici hier, ne sachant rien. La Redorte très curieux à entendre. Très mécontent. Le pays d'où il vient, ardent comme lui-même l’était, pas le Président ; aujourd’hui en blâme comme lui et très vivement. Faute énorme dont le Président [?] ne pourra pas se relever. L'Assemblée qui était très bas, est redevenue très respectée. Sa conduite tranquille a beaucoup plu. L'espoir et le conseil de La Redorte sont qu’elle continue comme cela mais qu’elle tienne bon et ferme. Jamais accorder l'abrogation. Selon ce qu'il avait recueilli dans 24 heures, grande consternation à l’Elysée du jugement si unanime de toutes les classes élevées. Heckern me disait hier que Morny & Persigny se disputent l'influence. Morny pour qu'on recule. Persigny pour qu'on avance. Je suppose que le ministère est dans l’opinion Morny.
J’ai rencontré hier le Président il avait l’air fort triste. Les diplomates curieux, inquiets de l’inquiétude de leurs gouvernements. Mad. de la Redorte a pris le deuil de la Dauphine. Mad. Roger aussi chez moi hier soir. Celle-ci blame & noir. L’autre tout noir. Les dames russes sont venues chez moi hier en deuil. Je les en ai louées. Est-ce loué ? ou louées ? La Redorte dit que ce qui cause le blâme universel c'est que la politique personnelle marche à front découvert. Adieu. Adieu.
Rien encore de Pétersbourg. Peut-être aurai-je pour toute réponse le silence. Est-il possible ! Je suis toujours misérable. Un artichaut & deux quenelles de volaille, les forces s'en vont. Adieu. Adieu.
Corbin Justice
Turgot. Aff. étrangères
Charles Giraud Instruction
Thorigny Intérieur
Casabianca agriculture
Lacrosse travaux publics
Saint-Arnaud la guerre
Fortoul marine
Blondel Finances
Maupas La police.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Samedi 25 octobre 1851

Vous n'aurez aujourd’hui que quelques lignes. Je pars après déjeuner pour Falaise où l’on me donne un dîner choisi ; et demain Guillaume le conquérant. Il faut que je me promène ce matin dans mon jardin pour arranger mon discours, car à Falaise je n'aurai pas un moment de loisir. Vous avez bien mal traité la statue du Roi ; on m'a dit qu'elle est belle. Je suis décidé à la trouver.
La Dauphine me revient toujours depuis hier. Deux choses me touchent également ; la grandeur vertueuse, et malheureuse ; la vertu et le malheur dans une condition pauvre et obscure. Dit-on si elle a regretté de mourir, et si elle espérait beaucoup revoir en France son neveu, et aller elle-même à Saint Denis ? Je ne puis pas ne pas être sûr qu'on fera à Claremont tout ce qui convient. Je suppose qu’à Paris toute la société monarchique prendra le deuil, indistinctement.
Voilà l’arrêt au Conseil de Guerre de Lyon confirmé par le Conseil de révision et la double fermeté du Président mise à l’épreuve. Enverra-t-il à Noukahiva, M. Genti et ses complices ? Adieu.
Je vais me promener. Onze heures Je suis bien impatient de la réponse de Pétersbourg. J’espère qu'elle sera bonne et qu'elle calmera un peu vos nerfs. Que devient la lettre que le duc de Noailles devait m'écrire le lendemain ? Soyez tranquille sur Falaise. Adieu, Adieu.
Je vous écrirai demain de Falaise. Je reviendrai ici lundi matin, de bonne heure. Adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23014_00473.jpg
Paris Samedi le 25 octobre

Encore beaucoup de monde hier soir. Vitet, Noailles, le Chancelier, Albert de Broglie, Salvandy, Fould, et la diplomatie. Le chancelier est en grandes éloges de Fould. Il a raison. Sa conduite et son langage sont excellents. Le ministère ne se fait pas, il n’y a pas moyen à moins d'une transaction, peut-être le Président cèdera-t-il un peu. Mais dans ce cas il fallait vous céder à vous, et vous restiez. Mais peut-être le Président était-il bien aise d'un prétexte pour nous chasser. Fould croit à présent que le message sera porté le 4 novembre, seulement il faut que soit proposé un seul ministre comme l’a été le duc de Wellington pendant 3 semaines l’année 34. Fould a trouvé l’expédient bon, on cherchera un duc de Wellington ! Enfin, on a ri.
On parle beaucoup de ce que fera, ou de ce que devrait faire Claremont, vis-à-vis de Frohsdorf. Ils sont capables de se déshonorer. On avait pensé à faire aller, Montebello à Claremont pour rappeler les devoirs de convenance on y a renoncé. Il se croit sûr que tout se fera bien, & spontanément. & que son apparition y aurait [nui]. D’ailleurs depuis les lettres du Times, vos amis sont englobés dans l’extrême colère qu’il y a contre vous à Claremont.
Duchâtel est chez lui faisant ses vendanges. Il viendra probablement du 15 au 20 novembre. Marion a été chez les Thiers tard hier soir. Elle a trouvé le salon triste, Thiers inquiet de lui- même. Le gosier, la langue embarrassés. On dit là tout est bien mauvais mais on s’en tirera, et on finira bien on se moque un peu là de l’importance & de la satisfaction de Changarnier.
Je ne trouve pas le duc de Noailles radieux. Il est agité, occupé de temps à autre passioné. Tout cela restera stérile. Je crois au succès du Président malgré ses fautes. Le Président croit à la platitude de l’Assemblée. Mais il désire peut être qu’elle résiste cela avancerait son affaire. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23014_00465.jpg
Paris le 24 octobre 1851 Vendredi

Je suis si malade, et si tourmentée que je ne sais pas vous écrire une lettre raisonnable. Pardonnez-moi et acceptez le peu que je vous donne. La crise n’a pas fait un pas. Le public est très insouciant. J’ai vu hier-soir Berryer et beaucoup de monde, trop pour mes nerfs. On est très monté sur tout ce qui se passe. Le parti légitimiste très résolu à tenir tête. Je ne sais pas les autres. On me dit qu'on est très content de Changarnier. La mort de la Duchesse d'Angoulême est un événement et pourrait mener à bien, si à Claremont on veut le bien.
En attendant vous avez vu les paroles du Prince de Joinville à Adiot. Je vous les envoie pour le cas où vous ne les aurez pas. Deux lettres l'une à M. Foucher de lui qu'on a vues sont en contradiction formelle avec cela. Il veut qu'on soit muet, comment [?] cela. Les paroles dites à Adiot sont du 17. Les lettres des 20, & 21. Le Chancelier était aussi chez moi hier soir, très vif sur ce qu’on doit faire par suite de la mort de La [Duchesse] d’Angoulême. Noailles reste encore aujourd’hui ici. Le comte Bual est à Bruxelles. On retient Brunnow à Pétersbourg. Je ne sais ce que fera Brunnow. Mais évident le monument Kossuth fait fiasco. Lord John a réuni le cabinet le 14, & ne lui a pas dit un mot encore sur la réforme. Les Ministres n’en savent pas le premier mot. C’est Bauvale qui me le dit.
Une nouvelle impertinence de Lord [Palmerston] a provoqué de le part de Fortunato une [?] très vive, dit Antonini. La légation napolitaine à Londres est rappelée toute entière. On désigne un autre ministre Carini mais qui n’ira pas encore Antonini est plus furieux que jamais. A propos il est le seul diplomate qui approuve ce que fait le président.
Je suis triste pour moi du retard de votre arrivée à Paris. Pour vous je ne le regrette pas. Je ne vois pas le bien que vous pourriez faire, & je vois, même dans ce qui se passe aujourd’hui l’avantage pour vous de votre absence. Si l'on cherche à peser sur Claremont il vaut mieux pour la chose, que vous y soyez tout à fait étranger. Qu’allez-vous dire à Falaise depuis certaines préfaces il me reste de l’inquiétude dès que vous parlez ou écrivez. Vous me pardonnez mon impertinence.
Je ne sais rien de Morny. Vitet est établi à Paris depuis hier. Je le questionnerai sur Duchatel. Adieu. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Vendredi 24 Oct. 1851

Je me lève tard. Je ne suis rentré chez moi qu'à minuit. On m'a fait causer et jouer au Whist toute la soirée. L'alarme est réelle, pas vive. Les affaires se sont ralenties sans s'arrêter tout-à-fait. On croit en général à une transaction entre l'Assemblée et le Président, sur la loi du 31 mai. Le président ayant pris le suffrage universel sans sa protection. On le blâme plus qu'on ne s'en inquiète. Très généralement on trouve sa manœuvre mauvaise ; le profit de popularité qu’il en pourra retirer ne vaudra pas le discrédit que cela lui attire. Il a fait la manoeuvre pour les paysans qui auraient été ses amis sans cela, et pour les rouges qui ne cesseront pas d’être ses ennemis. Voilà le raisonnement commun.
Ce que M. Odiot rapporte, dit-on, de Claremont ne m'étonne pas. Il est impossible que cet incident ne leur donne pas des espérances. On parlait beaucoup ici ces jours derniers d’un manifeste prochain du Prince de Joinville. C’était la nouvelle générale évidemment répandue par les partisans de sa candidature. Je n’y crois pas. A moins qu'on ne renouvelle la faute de faire feu trop tôt, ce qui se pourrait bien. S'il n'y avait point de transaction entre le Président et l'Assemblée. Si l’Assemblée rendait des lois pénales contre sa réélection, la candidature Joinville deviendrai plus sérieuse. Mad.Lenormant m'écrit : " Le Duc de Noailles est tout ranimé, tout confiant ; la crise lui paraît commencée et sous de bons auspices. " Est-ce vrai, et a-t-il raison ?
Voilà donc encore deux départements de plus en état de siège. C'est aujourd’hui l'état de la 9e partie du territoire français. En attendant.
Le journal de Thiers, l’Ordre, a passé au ton de la conciliation. Il fait, comme le Président, sa cour aux légitimistes. Je suppose qu'ils n'en sont pas dupes. Mon petit courrier jaune est à cet égard, très sensé et très clairvoyant. Je crois plus à ce que vous a dit Antonini qu'au ton de l'Ordre.
Je ne vous dis pas grand chose et je n’ai rien de plus à vous dire. Je vais faire ma toilette, en attendant la poste. Moi aussi, je me suis mis au régime, non pas d'un artichaut par jour, mais de l’eau de Vichy. J’ai ressentie quelque petite atteinte de mes douleurs de foie et de reins. Cela n’est pas revenu. L’eau de Vichy me réussit toujours. Jusqu'ici, car tout s'use, dans notre corps du moins. J'ai, quant à notre âme, le sentiment contraire.

11 heures
La mort de la Dauphine me touche. Je l'ai bien peu vue, mais j'ai passé ma vie à la respecter. Certainement, il faut une démonstration très publique de Claremont. Adieu. Adieu. G.

L’article des Débats sur le Prince de Joinville fait pressentir une retraite. Quant à présent du moins et comme manœuvre du moment.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris jeudi 23 octobre 1851

Fould hier soir. Billault est encore possible. Mais tout est difficile, comment trouver des nouveaux qui fassent le [?]. Deux visages révolutionnaires pour rendre le suffrage universel, réactionnaire pour des mesures extrêmement sévère que le Président va mettre au jour. Il est également résolu à l'une & l’autre chose. Très convaincu que l'Assemblée fera sa volonté & si elle ne la fait pas, ça lui est indifférent. Il la place dans une impasse. inextricable, où elle s’avilit, s'annule, entièrement, ou bien elle s’interdit toute chance de réélection. Le Président se venge bien des dégoûts qu'elle lui a fait subir ! Toujours en grandissime désapprobation de ce que le Président vient de faire. Mais persuadé que c'est encore lui qu’il faut soutenir qu’il n’y a que lui de capable de sauver la France. Le Président ou la guillotine. Voilà pour hier soir.
Tout à l'heure le duc de Noailles qui passe la journée en ville. On m’interrompt. La commission s’ajourne à Lundi sauf la nomination du ministère dans lequel cas on s’assemble le lendemain. On écrit à Claremont. pour rappeler qu'il faut envoyer complimenter à Frohsdorf sur la mort de la duchesse d’Angoulême. Adieu. Adieu.
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