Lettre de Marguerite Audoux à André Gide
Auteur(s) : Audoux, Marguerite
DescriptionBillet de train pour Michel Yell, Croquignole, épreuves de Marie-Claire chez Fasquelle, Le Lampadaire (Emma Mc Kenty)
Texte
[Paris, 16 juin 1910]
Cher Monsieur et ami,
Michel m'écrit que [sic] Eugène Rouart ne pourra pas lui procurer de billet pour Paris[1]. Je vous remercie d'avoir aussi cherché de ce côté, mais j'avais plutôt pensé à Ruyters ou à Jacques Copeau qui (je pensais) devaient connaître des journalistes pouvant facilement se procurer des demi‑tarifs. De mon côté je m'occupe activement de trouver ce billet car il me semble que cela ferait grand bien à Michel de passer un mois avec des amis pouvant causer avec lui de son travail.
Je vais aller passer deux jours chez Francis Jourdain et je lui parlerai du chapitre inédit de Croquignole[2].
J'ai porté hier les épreuves au secrétaire de Fasquelle[3] ; il est en effet très sympathique. J'avais reçu votre lettre quand déjà les épreuves étaient parties chez vous, mais il n'y a pas à s'en inquiéter puisque je les avais en double et qu'il n'y avait presque rien à corriger. Les deux mots dont je vous avais parlé[4] pourront entrer dans la ligne sans rien déranger.
Le Lampadaire est revenue hier. J'ai obtenu d'elle qu'elle ne commence pas le « merveilleux livre d'amour[5] » avant que tout ce qu'a laissé Philippe ne soit édité. Elle a l'air d'être vraiment sûre d'elle‑même[6], en disant qu'Elle[7] seule a assez de cœur et de sensibilité pour faire un chef‑d'œuvre en parlant de Philippe.
Aussitôt que j'aurai obtenu le billet de Michel je vous le ferai savoir. Soyez assez bon de votre côté de me tenir au courant de votre réussite, s'il y en a une.
Mes meilleurs remerciements.
Marguerite Audoux
NotesÀ propos du roman
Croquignole de Charles-Louis Philippe, David Roe, l'éminent spécialiste de cet auteur, qui enseigne à l'Université de Leeds, nous a fourni les renseignements suivants :
« Marcel Ray annonce un chapitre inédit dans une lettre à Gide du 22 janvier 1910. Il s'agit du “dernier chapitre de la version primitive”, et il croit que si on l'avait trouvé on aurait pu le proposer à Cornu pour son hommage des Cahiers Nivernais[1].Il y revient le 1er février (lettre parmi celles archivées à la Bibliothèque Doucet) – il croit alors que Gide aura récupéré le dossier de feuillets manuscrits du roman. Entre les deux lettres, Gide rapporte l'affirmation de Ray dans une lettre du 25 janvier à Jourdain (archives Gubisch). En avril, Ray annonce à Gide qu'il a trouvé le chapitre chez Jourdain. Il ne l'a pas encore relu, mais croit qu'il pourrait faire l'objet d'une publication dans la NRF. En mai (le 15, ou plus probablement le 22) Jourdain annonce à Gide (il est à Coutevroult) que ledit chapitre se trouve chez lui à Neuilly . C'est “le dernier chapitre (inédit)”. Il offre de le transmettre à Gide quand il sera de retour. Selon lui, il a été supprimé sur épreuves par Philippe et remplacé par la lettre, “ce qui valait incontestablement beaucoup mieux.” Si on le publie, ce devrait être en soulignant le fait que pour Philippe c'était un passage “raté”. (Vichy)
J'ai publié ces pages, encore inédites, dans le Bulletin des Amis de Charles‑Louis Philippe no 48, 1992, p 1-25 (avec Introduction). En effet le manuscrit du roman comporte toujours le chapitre, qui raconte un second repas à la campagne, à deux (Croquignole et Félicien) à la fin duquel Croquignole se tue. (Il y a de nombreux autres passages inédits dans le manuscrit, d'ailleurs tous publiés dans les Bulletins des Amis de Charles‑Louis Philippe des années 80.) »
Lieu(x) évoqué(s)Bretagne, Coutevroult, Paris
État génétiqueUn même ajouté, un elle corrigé en Elle