Archives Marguerite Audoux

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Lettre de Marguerite Audoux à Valery Larbaud

Auteur(s) : Audoux, Marguerite

DescriptionLa Phalange - William-Ernest Henley - Style - Santé - Souvenirs estivaux
Texte
[Paris, fin juillet – début août 1910]
Mon cher Valery,
Me voici de retour à Paris[1]. Je suis arrivée ce matin à huit heures, et à neuf heures ma concierge me remettait La Phalange. Je l'ai tout de suite ouverte à la page de William-Ernest Henley[2]. J'ignore si ces pages vous ont donné beaucoup de peine à écrire, mais que cela soit ou non, je trouve que vous gagnez bougrement en force, dans l'expression. Je n'ai pas trouvé ici cette sorte de timidité que j'avais remarquée dans vos autres choses. Votre article m'a fait penser à un solide coup de poing sur la table. Cela prouve tout simplement que vous commencez à prendre conscience de votre valeur. Bravo, mon cher Valery, je suis heureuse de vous voir ainsi. Il me semble (à moi qui n'y connais pas grand' chose) que votre français s'est épuré et affermi[3].
Comment va votre santé[4] ? J'ai reçu une carte de Marcel[5] me disant qu'ils[6] n'avaient pas osé prendre le paquebot à cause de l'état de la mer[7]. Quant à moi, je regrette bien mon bain de chaque jour et hier matin j'ai tenu à le prendre avant de partir pour emporter encore un peu de cette mer sur ma peau. Elle était pourtant bien méchante et elle m'a chassée deux fois assez brutalement sur les cailloux, mais je me suis accrochée des deux mains à un rocher et elle a bien été obligée de me passer par‑dessus la tête[8].
Au revoir, mon cher Valery. Je vous embrasse bien affectueusement.
Marguerite Audoux

[1] Il s'agit du retour de Plougasnou (voir la lettre 51).

[2] Le 29 juin 1910, Valery Larbaud écrit à Marcel Ray :

« Je viens de terminer l'étude sur l'œuvre poétique de W. E. Henley : je l'envoie à Royère, à qui je l'avais promise depuis Janvier dernier ; j'espère qu'il en sera content : c'est mon plus grand effort en critique depuis l'étude sur les Dynasts de Thomas Hardy. Dès demain j'entame la critique littéraire et artistique du même W. E. H[enley] ; c'est moins intéressant. »

L'étude en question, « William Ernest Henley », paraît dans La Phalange en deux livraisons. La première, le 20 juillet 1910, concerne la poésie de Henley ; la seconde, le 20 août 1910, la critique littéraire et artistique (comme l'indique la lettre précitée). Le numéro reçu par la romancière est donc le premier. Françoise Lioure, dans son édition de la correspondance Larbaud – Ray, apporte les précisions suivantes :

« Larbaud publiera deux autres études sur W. E. Henley : « Le théâtre de R. L. Stevenson et W. E. Henley » dans Pan de novembre‑décembre 1910, et « W. E. Henley, critique littéraire et critique d'art » dans la NRF du 1er février 1911.

Ces trois articles seront recueillis sous le titre « W. E. Henley » dans Ce Vice… Domaine anglais, avec quelques aménagements.

W. E. Henley (1849‑1903), critique et journaliste, fut aussi poète et auteur dramatique. Il collabora à plusieurs journaux et revues, en particulier le Saturday Revue et l'Athenaeum. L'essentiel de son œuvre critique est rassemblé dans Vues et Revues (1901). Ses principaux recueils poétiques sont : Livre de vers, Improvisations de Londres (1892), Aubépine et Lavande (1901). Il écrivit son théâtre en collaboration avec Stevenson. Ses pièces, Le Diacre Bodie, Beau Austin, L'Amiral Guinée et surtout Macaire obtinrent un certain succès. »

[Correspondance Valery Larbaud – Marcel Ray, tome deuxième, p. 267].

[3] Cette critique littéraire peut surprendre, de Marguerite Audoux à Larbaud. Marie‑Claire, promue notamment par le groupe de Carnetin et l'auteur de Fermina Marquez, n'en est encore qu'à sa prépublication. Ce jugement sans fard de la part de la nouvelle romancière s'explique par son attitude souvent tutélaire par rapport à ses amis, notamment Yell (voir la lettre 51).

[4] Larbaud relève d'une forte grippe.

[5] Marcel Ray. Nous n'avons pas retrouvé cette carte.

[6] Son épouse et lui‑même.

[7] Le 24 juillet, Ray écrit, de Paris, à Larbaud : « Nous devrions glisser à l'heure qu'il est sur les mers septentrionales. Mais le Cap Roca qui doit nous emporter était encore hier en vue de la Corogne. Il a donc 2 ou 3 jours de retard et nous devrons l'attendre jusqu'à mardi ou mercredi [les 26 ou 27 juillet suivants]. Sans impatience d'ailleurs, le temps étant stormy and rough, d'après le New York Herald. » (Correspondance Valery Larbaud – Marcel Ray, Op. cit., tome deuxième, p. 51). Fin juillet, Larbaud envoie une lettre à son ami de Hambourg. (Ibid., p. 52). Jusqu'à fin septembre, Ray lui écrira de Blankenese, le plus beau quartier de la périphérie hambourgeoise.

[8] Ce goût pour les bains de mer, en particulier dans l'Atlantique, on le retrouvera dans Douce Lumière, le dernier roman, posthume, dont une partie de l'action se situe dans un lieu inspiré de l'Île‑d'Yeu.

Lieu(x) évoqué(s)Blankenesee, Paris, Plougasnou

Lettres échangées


Collection Correspondants

Cette lettre a comme destinataire :
LARBAUD, Valery

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Notice créée par Bernard-Marie Garreau Notice créée le 17/12/2017 Dernière modification le 03/05/2024