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167. Bruxelles, Mercredi 22 novembre 1854, Dorothée de Lieven à François Guizot
La poste n’est pas venue. La neige empêche l’arrivage du train. Quelle fatalité ! Tous les jours j’attends ma délivrance, elle tarde quoique j’ai la promesse. Allez-voir Morny, quoique j’ai promis de ne pas parler de mon affaire, il est bien naturel que je vous l'ai dite. Il pourra vous dire où elle en est. Malgré les très mauvais auspices il ne m’est plus possible d’attendre. Je suis trop malade, plus tard je ne pourrais plus peut être, & vous voyez bien que Sébastopol est l’éternité. Je ne puis pas croire à des soupçons efficaces s'il y en avait à Londres ; l’Empereur est le maître et il est excellent pour moi. Je place toute ma confiance dans Morny. Parlez et redites-moi. Je me suis très malade et quel temps, & quels courants d'air chez moi !
J'ai été frappé de l’article de St Marc Girardin sur la Pologne. Il est bien fait. Quant au subside anglais je n’y ai pas cru un instant. Vous êtes plus fier que cela. " et la France est assez riche pour payer sa gloire. " Quelle lutte, quel carnage et quel courage. Les géants se sont atteints et comme ils se battent.
1 heure
Je vous prie allez chez Morny. Je le préviens de votre visite et je le prie de vous mettre au courant afin que vous puissiez me redire. Je suis pressée de savoir, & lui est peut-être ou malade ou trop occupé. L’Empereur est parfait pour moi, mais il peut craindre les soupçons anglais ; c’est ce qui fait le retard, demandez, apprenez et redites-moi sans perdre un moment. Je vous prie allez chez Morny tout de suite. Adieu. Adieu. Laissez là votre académie, je vous assure que je suis plus précise qu'elle.
167. Paris, Jeudi 18 octobre 1838, Dorothée de Lieven à François Guizot
C’est un bien petit mot que celui que vous m’avez écrit hier ; j'espère mieux pour demain, mais je vous remercie de tout ce que vous me dites. Matonchewitz part aujourd’hui. Je n'ai jamais tant causé avec lui de ma vie que dans ces huit jours, et suis bien contente de lui. J’aurai beau coup de choses à vous dire qui ne s’écrivent pas. Les Sutherland sont venus passer la soirée chez moi hier. Je n'ai reçu à leur donner pour les divertir ; il n’y a vraiment personne à Paris. Quel hasard que Humboldt. Mon ambassadeur se calme, il croit avoir trouvé l'hotel Beauny sur la place Vendôme mais il faut deux millions et il vient de les demander à l'Empereur.
Le discours d'ouverture des états à La Haye annonce comme je crois vous l’avoir dit que la Roi a fait une démocratie conciliante au mois de mars, et que jusqu’ici il n'y a pas obtenu réponse. Il espère cependant arriver à un arrangement définitif et honorable pour la Hollande au sujet des provinces insurgées. On dit maintenant que tout sera terminée cette semaine à Londres & dans une séance de la conférence. Léopold était hier dans le salon du roi, mon ambassadeur et lui ont beaucoup parlé batailles. C’est l’anniversaire de Leipzig, gigantesque combat.
Hier il a plu tout le jour, je n’ai pas pu marcher, aujourd’hui il me faut absolument trouver le moyen de faire de l'exercice. Mes nerfs vont mal. Voilà Matonchewitz qui m’a tenue deux grande heures, & dont je viens de me séparer avec un vrai chagrin. Alava sort d'ici aussi. L'arrivée en Espagne de la Princesse de Keira, aujourd’hui reine, car elle épouse Don Carlos est un grand événement. Votre police est complaisante.
Adieu. Adieu. Je suis plus nervous que jamais, plus triste que jamais. D’après tout ce qui s’est dit entre Matonchewitz et moi, je vois que mon avenir sera affreux, & que je ne puis compter sur rien et sur personne. Quel pays, quelles gens ! Il n’y a rien de plus, rien de nouveau, seulement qu'en y regardant de bien près, nous avons trouvé que mon mari et mon frère ne sont autre chose que des courtisans, & qu’ils le resteront. Adieu. Adieu.
167. Val-Richer, Lundi 22 octobre 1838, François Guizot à Dorothée de Lieven
Est-ce que si vous étiez bien parfaitement sûre que le mal de votre situation vient de gens incurables en effet, bien vraiment incurables cela ne vous calmerait pas au lieu de vous agiter ? Excepté les peines de cœur auxquelles la nécessité, l’inévitabilité n’est pas du tout un remède, je ne connais rien d’aussi calmant que la certitude qu’il n’en peut être autrement. Il me semble que j’ai une infinité de choses, et de très bonnes choses à vous dire sur cela. Mais je ne les dirai pas de loin. Rien n’est bon de loin. Bientôt nous serons près. En attendant, je pense sans cesse à vous. Telle vous voyez Mad. de Talleyrand, telle elle a été toujours. Seulement, quand elle avait M. de Talleyrand derrière elle, cela paraissait moins. Elle ne prendra pas l’aplomb qu’elle cherche. Elle a trop d’esprit pour ne pas s’apercevoir qu’il lui manque, et pas assez de hauteur, de de suite dans le caractère pour l’acquérir. Rien n’est pire que de connaitre en vain son mal. Quand on n’en peut guérir, il faut l’ignorer.
Je vous ai demandé une fois, si vous preniez quelque intérêt aux Etats-Unis, à quoi vous n’avez pas répondu. Il faut bien que j’y prenne intérêt puisque je m’en occupe. Mais Washington à part, il m’est arrivé, les jours derniers de Boston une nouvelle et grande quarterly review qui ma fort étonné, tant j’y ai trouvé d’esprit, de bon et presque de grand esprit quoique un peu enthusiantic and unexperienced. C’est très supérieur à tout ce que j’avais vu de là. L’auteur est un M. Greene, jusqu’ici inconnu, pour moi du moins. Je prends un vrai plaisir à découvrir dans le monde un homme de plus. un homme, c’est un monde.
On m’écrit qu’une affaire à laquelle vous n’avez certainement jamais pensé devient pour le Cabinet un assez gros embarras, l’affaire des sucres. Vous ne savez peut-être pas qu’il y a deux sucres, deux sucres en guerre, le sucre de canne et le sucre de betterave. Ils veulent absolument. ou qu’on leur sacrifie leur rival ou qu’on les mette d’accord. Malgré, son talent de conciliation, M. Molé n’en peut venir à bout. Il y a là quelque chose de plus à faire que de donner des paroles à droite et à gauche. Les intérêts sont en présence, très positifs et très animés. Ils exigent qu’on ait un avis, une volonté. M. Duchâtel m’écrit qu’on a trouvé cette exigence par trop forte, et qu’on n’aura, ni volonté, ni avis. Je vous mande tout ce qu’on me mande. A propos de M. Duchâtel, sa femme vient d’accoucher d’un garçon. Il est bien content.
Vous ne vous doutez pas du petit plaisir que j’ai à regarder ce matin par ma fenêtre. Il fait beau, s’il n’avait pas fait beau, j’aurais eu sur les bras, pendant quatre ou cinq heures, entre les quatre murs de mon salon, les vingt hôtes que j’attends de Lisieux à déjeuner. Grace au soleil, je pourrai les mettre dehors, je veux dire les promener.
10 heures
Je ne reçois pas une ligne de vous, je ne pense pas une fois à vous sans que mon désir de me retrouver auprès de vous redouble. Enfin, j’approche. Je vous aime bien tendrement. Je ne puis pas pour vous ce que je voudrais ce que je pourrais pas la millième partie, mais enfin, de près, je puis quelque chose, je fais quelque chose. Votre tristesse me pèse bien plus quand je ne la vois pas. Je serai triste avec vous. Je serai gai pour que vous ne soyez pas triste. Je veux vous faire un peu de bien. Je vous aime trop pour ne pas vous faire du bien. Adieu. Adieu. G.
168. Bruxelles, Jeudi 23 novembre 1854, Dorothée de Lieven à François Guizot
Une longue lettre de Greville. En détestation croissante de la guerre. Il vient d'y perdre un neveu chéri. L’Autriche sait notre disposition à traiter sur la base des 4 points. Bual ne veut attacher aucune valeur à cela. Palmerston est allé à Paris pour y faire adopter toutes ses vues et idées politiques. Voilà la lettre de Greville. Mon neveu me mande de Berlin que nous avons actually accepté les 4 points par défiance pour la Prusse. Que veut-on de plus ? Je viens d'écrire à M. Delessert des nouvelles de votre causerie. et de lui envoyer mon chek avec Morny. Adieu.
Je reste prisonnière. Je n'ose pas sortir. Je recrache le sang aujourd’hui, j’avais eu deux jours de relâche. Le 15. Les travaux du siège n'avaient pas avancé. Le bombardement. continue. Le 14, huit bâtiments de transports ennemis ont été jetés sur la côte. Une frégate. & une corvette ont coulé bas. Voilà notre bulletin ce matin Je trouve bien charmant de pouvoir tous les jours avoir de mes nouvelles respectives. Il y aurait quelque chose de plus charmant encore.
Adieu. Adieu, pour aujourd’hui. J’attendrai avec impatience.
168. Paris, Vendredi 19 octobre 1838, Dorothée de Lieven à François Guizot
J’ai passé une bien mauvaise journée hier. J’avais les nerfs tout à fait dérangés. Je me suis promenée assez longtemps au Bois de Boulogne avec mon fils ; le temps était passable. Avant le dîner, j’ai eu une longue visite de Montrond. J’ai dîné seule avec Marie, Alexandre dînait chez M. de Pahlen. Le soir, mon fils est allé au spectacle, Marie à l’Ambassade d'Angleterre, et moi dans mon lit. J'ai un peu dormi, & je me sens moins malade aujourd’hui.
Montrond est assez questionneur, assez causant, et assez en bonne humeur. Il a certainement beaucoup d'esprit. Il dit que Thiers est en bonne disposition. Il espère que vous l’êtes. Il ne dénigre personne, mais il exalte le roi. La Duchesse de Talleyrand a vu le Roi hier elle est bien traitée là. Elle essaye d’être bien un peu partout. M. Salvandy va beaucoup chez elle. Ma grande Duchesse Marie épouse vraiment le Lenchtemberg, les Russes jettent les haute cris avec raison, c'est égal, il sera notre gendre. On lui prépare un beau palais à Petersbourg, il doit y arriver dans huit jours. Nous aurons l'honneur d’être cousin de Louis Bonaparte. Il entre au service de Russie, (le gendre par Louis Bonaparte).
Le comte Woronzoff s’est démis de son gouvernement de la mer noire. Il était trop populaire. On a fait sa femme ce que je suis; ou espère par là calmer son mécontentement. Je suis ravie des dîner d'Adieux. Les Adieux de Normandie ne sont pas comme les nôtres.
On s'occupe beaucoup de l’Espagne. Je ne crois pas du tout que le dénoue ment soit prochain mais je crois sûrement au triomphe définitif de Don Carlos. Selon les propos de Montrond je croirais qu'on n’est pas tout-à-fait content du duc d’Orléans, ne savez-vous quelque chose. A propos, la cour désirerait le retour des Flahaut. On trouve qu’il n’y a plus un salon à Paris, & c’est vrai. M. de Talleyrand, Madame de Broglie, Madame de Flahaut de moins, c’est beaucoup. Quelle pauvre ville que votre grande ville, quand on en est réduit à avoir besoin de Marguerite. Adieu. Adieux.
Mots-clés : Politique (France), Politique (Internationale)
168. Val-Richer, Mardi 23 octobre 1838, François Guizot à Dorothée de Lieven
Je me lève tard. J’ai mal dormi ; pour moi du moins ; pour vous, ce serait probablement une bonne nuit. Vos nuits dépendent de vos jours ; votre santé de votre âme. J’y pense continuellement. Il y a de l’irrémédiable. du moins pour nous ; nous n’y pouvons rien actuellement directement. Les circonstances peuvent amener, là où se décide ce qui vous touche, des raisons de changement qui amèneraient à leur tour le changement. Nous ne les prévoyons pas aujourd’hui ; mais elles peuvent venir. Je le crois unforgiving, implacable, mais non contre son propre intérêt, son moindre intérêt bien clair. Mais il n’y faut pas compter, j’en conviens ; il faut s’arranger comme si cela ne se pouvait pas. Ce que je voudrais pouvoir vous dire, c’est de combien d’affection et de soin j’entourerai, votre solitaire établissement. Je sais tout ce qui vous manque tout ce qui manque à votre cœur, à votre journée. Je sais ce qui m’empêche souvent moi-même de faire tout ce que je voudrais. Mais je veux tant que je ferai beaucoup beaucoup. Je me sens inépuisable pour vous. En fait de monde chez vous, hors de chez vous, en fait de passe-temps vous en aurez à peu près tant que vous voudrez. Votre salon est formé, à présent ; les habitudes sont prises ; la conversation, le petit mouvement social qui vous plaisent ne vous manqueront pas. Voilà pour la surface, au fond dearest, nous comblerons ensemble les vides, nous soignerons ensembles les plaies. Je vous aime tendrement. Le temps, l’absence, la connaissance plus complète de votre caractère, de votre esprit de vous toute entière, tout cela fait que je vous aime toujours autant, plutôt davantage. Vous savez que mes paroles n’exagèrent jamais mes sentiments. Vous savez que je suis doux à vivre. Je le serai pour vous, avec vous, plus que vous ne savez. Il y a bien du vide, bien de l’amertume dans votre situation ; j’y mettrai beaucoup de baume, beaucoup de tendresse. Vous vous souvenez de mon défi, dans nos premiers temps. Vous me direz un jour, si j’avais raison.
J’ai gardé hier mes hôtes jusqu’à cinq heures. Aujourd’hui, je vais dîner à Lisieux, demain aussi. Je mets les morceaux en quatre. Le retour de Lord Durham sera un avènement à Londres. Je ne sais qu’elle position il s’y refera ; mais je comprends que celle de Québec ne lui convienne pas. Revient-il cependant sans attendre son successeur, sans donner à son gouvernement le temps de pourvoir aux affaires du Canada ? Ce serait une boutade d’enfant gâté. Il y est sujet. Les Granville en sont-ils inquiets ? Je crois assez à leur jugement sur la situation, et les chances de leur cabinet. Ils sont éclairés, par une passion, leur désir de rester à Paris. Je la partage pour eux, quoique, non à cause d’eux.
10 heures
Je suis fâché que votre fils vous quitte avant que j’arrive. J’avais espéré qu’il vous resterait encore quelques jours ! Je suis charmé que vous en soyez contente. Ses qualités qu’il a valent mieux plus on en jouit. Je reçois une lettre de M. de Broglie qui me dit qu’en effet il ne vient pas à Broglie. Cela me met à l’aise. Je craignais toujours qu’il ne vint au moment où je veux partir. Il est bien triste, mais il reprend ses occupations intérieures. Il est très content de son fils. Adieu. Je serais en effet très bien aux Tuileries. J’y serai. Adieu. Adieu. Bien tendrement adieu. G.
168. Val Richer, Mercredi 27 septembre 1854, François Guizot à Dorothée de Lieven
Je me promets aujourd’hui, une lettre de vous un peu moins agitée. Nous causerons de tous vos troubles. Depuis que je sais que Mad. Kalergis vient passer l’hiver à Paris, la situation me semble plus simple.
Je doute que vos renseignements sur l’Autriche soient bien exacts, sur la disposition du public, je veux dire. Si Bual et Bach étaient seuls contre vous, ils ne seraient pas de force à dominer tout le monde, Empereur et pays. Je vous crois un grand parti à la cour, dans la noblesse, dans l’armée, mais hors de là vous avez peu d’amis et même là, tous ne sont pas vos amis. Témoin feu Schwartzenberg. Il n'était certainement pas le seul de sa tonte dans sa classe. Et puis vous avez contre vous le danger qu’il y aurait à être avec vous. Le mauvais vouloir de l'Empereur Napoléon ferait aujourd’hui à l’Autriche plus de mal que le vôtre. Je persiste à croire qu’on fera tout ce qu’on pourra pour ne pas vous faire la guerre et que probablement, on n'y réussira ; mais si la guerre se prolonge, les dernières extrémités viendront, et alors je ne réponds de rien. Il me paraît impossible que nous n'apprenions pas bientôt ce qui s’est passé à Sébastopol. Puisque l’armée a débarqué à sept lieues, seulement et s'est mise aussitôt en marche, le siège doit avoir commencé du 18 au 20. Y aura-t-il autre chose qu’un siège ? Se battra-t-on en rase campagne tout cela est bien obscur et bien étrange. Je m'étonne de plus en plus que pas un de vos grands Ducs ne soit là, ni nulle part. On a joué un mauvais tour au grand Duc Constantin en annonçant, qu’il était parti. Notre public n’y pensait guère, à présent tout le monde parle de cette immobilité de la famille impériale.
Vous avez raison de dire qu’il faut regarder du côté des Etats-Unis. Je vois qu’ils viennent de se faire céder, par un traité avec le Roi Tamahéma (je ne sais quel chiffre), les îles Sandwich. C'est un petit commencement, mais un commencement. Leur ministre à Madrid, M. Soulé, était et est encore, quoique absent, dans les menées révolutionnaires les plus extrêmes. Il a été vraiment obligé de partir. Même Espartero ne pouvait plus le tolérer.
Onze heures
Pas de lettre. Cela m'étonne un peu. Vous devez avoir reçu avant hier ma lettre qui vous disait que j'irais vous voir du 12 au 15 octobre.
À demain donc. Adieu, adieu. G.
Mots-clés : Armée, Conditions matérielles de la correspondance, Femme (politique), France (1852-1870, Second Empire), Guerre de Crimée (1853-1856), Napoléon III (1808-1873 ; empereur des Français), Nicolas I (1796-1855 ; empereur de Russie), Politique (Autriche), Politique (Etats-Unis), Politique (Russie), Salon
169. Bruxelles, Vendredi 24 novembre 1854, Dorothée de Lieven à François Guizot
Votre lettre est triste. Elle m’a rendue bien triste. Triste à pleurer je sais que je suis en bonnes mains. Vous, M. et plus haut aussi. Mais il parait que c'est peu de chose.
L’intimité serait donc bien frêle, si mon souffle pouvait l'endommager, mais c’est vraiment ridicule d’admettre ce motif, reste le mauvais caractère. Or, du côté puissant le cœur est bon et la disposition bonne. Je veux espérer, et cependant je pleure.
Je ne sais pas vous parler d’autre chose. Et cependant les quatre points acceptés par nous. Parlez de moi et de toute l’affaire à personne.
Les renseignements sur l’effet de notre réponse sont très variés. Vous saurez sans doute comment cela est pris à Paris, à juger sur le Times, on ne veut pas tenir compte à Londres de notre acceptation des quatre points. Alors je ne sais pas ce qu’on veut, sinon une guerre éternelle.
Persister à dire qu'on ne veut pas croire à la sincérité de l’Empereur Nicolas, c’est établir qu'on ne fera jamais la paix avec lui. Lui, veut la paix, je vous en réponds. On dit que notre Ministre à Vienne. dit : nous sommes las de faire la guerre pour des ingrats. (la race grecque).
Je vous ai dit que je vois Lord Howard souvent très intimement. Du reste van Praet & Brokhausen. Creptovitch est à la chasse. Sa femme à Stuttgart. Dites-moi toujours qui vous voyez et ce que vous faites de vos journées. Je suis inquiète de la soirée. Vous avez eu Broglie, mais vous ne l'avez plus.
Ma toux allait mieux hier mais les mauvaises nouvelles sur mon compte m'ont donné une attaque de bile. Vous savez comme tout agit sur moi. Il y a deux ans j’étais du du passeport de mon fils ! même cause même mal Adieu. Adieu.
Apprenez c’est pure curiosité de ma part, s'il est vrai qu'on paye le Moniteur juste le double de ce qu'il s'annonce. Ainsi 20 fr par trimestre au lieu de 10. Et moi on le fait encore payer 23. C’est drôle.
Mots-clés : Affaire d'Orient, Diplomatie, Discours du for intérieur, Femme (diplomatie), France (1852-1870, Second Empire), Guerre de Crimée (1853-1856), Napoléon III (1808-1873 ; empereur des Français), Nicolas I (1796-1855 ; empereur de Russie), Politique (Angleterre), Politique (Autriche), Politique (France), Politique (Russie), Réseau social et politique, Salon, Santé (Dorothée), Tristesse
169.Lisieux, Mercredi 24 octobre 1838, François Guizot à Dorothée de Lieven
Hier au moment où j’allais partir, deux personnes me sont arrivées qui viennent passer deux ou trois jours au Val Richer. Il a bien fallu les y laisser pour venir dîner ici, et je les laisserai encore aujourd’hui. Aussi je retourne, sur le champ pour être poli au moins à déjeuner. Encore aujourd’hui vous n’aurez donc que quelques lignes. Cela me déplaît, je vous assure autant qu’à vous. Il me semble que je vous ai sous ma garde, et que je manque à ma consigne quand je vous quitte. Il faut que vous me plaisiez beaucoup et bien sérieusement pour qu’il en soit ainsi. Je n’ai pas le goût ni l’habitude, des devoirs factices, et je n’aliène pas aisément une part de ma liberté. Vous avez vécu dans un pays libre, représentatif, électoral. Mais vous n’en avez jamais mené la vie. Vous ne savez donc pas ce que c’est qu’un grand dîner d’électeurs importants, où viennent s’étaler toutes les importances, toutes les magnificences de l’endroit où il faut passer deux heures à table mangeant et causant, deux heures après la table causant et jouant au trictrac, avec 40 personnes. Voilà ma vie hier et aujourd’hui. Cela aussi, il faut que ce soit bien sérieux pour que je le fasse. Mais c’est un sérieux moins plaisant.
Je crois comme Berryer que la prochaine session sera importante et très animée si chacun consent à prendre sa position simplement, nettement, sans but immédiat et sans combinaison factice. C’est, pour mon compte, ce que je me propose de faire. Adieu. On me dit que ma calèche est prête. La poste n’est pas encore arrivée. J’espérais l’avoir avant de partir. Elle viendra me chercher au Val-Richer. Il a fait un brouillard abominable, cette nuit. Le courrier aura marché plus lentement. Adieu. Adieu. Non pas comme si nous nous promenions, aux Tuileries, mais comme dans notre cabinet. G.
169. Paris, Samedi 20 octobre 1838, Dorothée de Lieven à François Guizot
J’ai pris beaucoup de bois de Boulogne hier, je me suis fatiguée dans l’espoir que cela me profiterait pour la nuit. J'ai été faire visite à la Duchesse de Talleyrand. Je ne puis pas vous dire combien elle & tout son établissement me paraissent unconfortable and unsatisfactory. Je ne sais à quoi cela tient. Elle a un air flottant, indécis, elle flatte tout le monde à droite, à gauche. Et par dessus toute cette incertitude, elle veut se donner de l'aplomb, & répète à tout instant qu’elle est une grande dame. Assurément elle devrait l’être, mais en vérité je ne trouve pas qu’elle en ait l'air, elle n’a pas assez de calme pour cela.
Le soir j’ai été dire adieu à la duchesse de Sutherland chez Lady Granville. J'y ai laissé Marie et je suis revenue me coucher à 10 heures ; cela m’a fait dormir un peu, pas beaucoup. Très décidément on dit Potsdam & je croirais, que cela dérive d’un juron. Il faut le demander à Humboldt. Je suis comme Thiers, j'aime la géographie. Le Duc de Noailles est ici, je ne l’ai pas vu encore. Son père était mourant, et il est mort en effet avant-hier. Ce sera pour lui un deuil et pas autre chose. M. de Barante est arrivé à Pétersbourg. Les affaires en Espagne sont au plus mal pour les Christinos, du moins c'est le ministre de Christine qui le dit !
Il fait doux et charmant aujourd’hui. je devrais me porter bien, & je me porte très mal. Il me semble que jamais mes nerfs n’ont été plus malades. Tout m’agite, tout m'irrite. Je sais bien qu’il n’y a pas de remède, car le mal me vient de gens incurables. Adieu. Adieu. Racontez-moi toujours que vous emballez, que vous envoyez. Il faudra bien finir par vous emballer vous même. Adieu.
169. Val Richer, Jeudi 28 septembre 1854, François Guizot à Dorothée de Lieven
170. Bruxelles, Samedi 25 novembre 1854, Dorothée de Lieven à François Guizot
Pas de lettres de vous aujourd’hui ! Mais ne m’abandonnez donc pas au milieu de mes angoisses. Vous ne savez pas comme je suis désespérée. Comme je tourne & retourne chacun des paroles de vos deux dernières lettres Comme j’y trouve peu de motifs d'espérance. Depuis le 20 novembre mon ardeur de Paris est devenu plus grande et c’est tout juste de là que datent les obstacles.
Vous avez des sujets de distraction, vous parlez & pensez à d’autres choses. Je n'ai qu’une chose, moi, et personne auprès de qui m'épancher. Je ferme quelques fois ma porte tant je me sens triste. Je ne sais de quoi je parle. Que puis-je faire que faut-il faire ? Mes maux s’aggravent avec ma tristesse. Je ne sais que vous dire il n'y a pas un mot de nouvelle Adieu. Adieu.
170. Paris, Dimanche 21 octobre 1838, Dorothée de Lieven à François Guizot
J’ai rencontré beaucoup de monde hier à Auteuil, sans y rencontrer cependant des nouvelles, si ce n’est que décidément l’affaire Belge va être terminer avant la fin de ce mois encore. Je crois que l’Angleterre avait besoin de cela, du moins Lord Palmerston, afin de pouvoir se vanter d’avoir mené à fin quelque chose. A dîner chez Lord Granville j’ai appris la résolution de Lord Ducham d'abandonner son gouvernement du Canada. C’est une grosse affaire de plus d'une façon. La rébellion éclatera de nouveau dans ces provinces. Les fonds Anglais ont fléchi à l’arrivée de cette nouvelle. Que va faire Lord Durham en Angleterre ? C'est un grand imbroglio. Les Anglais hier en étaient fort consternés.
Il y a une autre affaire à Madrid qui a aussi son importance. Frias & le chargé d’affaires d'Angleterre se sont brouillés sur une question de journaux, et au point que Lord Wiliam Hervey n’a plus voulu aller à la cour le jour de la fête de la Reine. Cela fait un grand scandale. Villers sera appelé à ajuster cela, probablement en faisant chasser Frias. Le pauvre Alava dit quand on lui demande "comment vont vos affaires ? " au diable."
Il fait chaud ; il fait beau, et je me sens très malade, c’est que je suis bien triste. Vous avez raison dans tout ce que vous me dites sur mon compte. La faveur de la cour me ramènerait mon mari, comme ma disgrâce me l’a aliéné. Est-il possible. Mais vous vous trompez la faveur ne reviendra plus. Il est unforgiving, je ne trouve pas le mot français.
On prétend que la Princesse de Beïra n’est pas en Navarre & que toute la nouvelle était une mystification. Adieu, Adieu. Mon fils me quitte demain. Adieu.
170. Val-Richer, Mercredi 24 octobre 1838, François Guizot à Dorothée de Lieven
Je commence à vous écrire ici. Ce soir et demain matin à Lisieux, je n’aurai pas plus de temps que ce matin. Je suis désolé de l’état de vos nerfs. J’espère que l’indisposition de votre fils ne sera rien, et n’aura d’autre effet que de vous le laisser quelques jours de plus. Je ne puis partir d’ici que le 5 novembre. J’ai fait et je fais force de voiles pour finir je ne sais combien de petites affaires, qui sont pourtant des affaires, et que je ne puis laisser en arrière. Ma mère de son côté m’a demandé jusqu’au 5 pour ses arrangements de ménage. Ces cinq jours de retard me contrarient vivement. Il n’y avait pas moyen. Nous partirons le 5 au soir. Nous arriverons le 6 pour dîner. Je vous verrai le 6, à 8 heures du soir. Nous voilà au moins à jour fixe. Aurez-vous un bon jour en me revoyant ? Je voudrais bien vous égayer vous distraire. Je ferai de mon mieux. Il y a des choses dont je suis sûr. Il y en a d’autres sur lesquelles notre disposition, n’est pas, la même. Les mêmes remèdes ne nous sont pas bons à l’un et à l’autre. Mais, quoique je n’aie plus vingt-cinq ans je persiste à croire beaucoup qu’on trouve ce qu’on cherche et qu’on peut ce qu’on veut. Je chercherai et je voudrai. Vous avez raison de vouloir de l’éclat, de la grandeur. C’est aussi mon gout, très décidé, et l’un des mérites en effet des monarchie. Cependant je ne puis souscrire absolument à votre arrêt. La République romaine a bien eu quelque éclat, et il n’y a pas beaucoup de plus grandes figures que Scipion et Annibal. Il y a république et république, comme aussi monarchie et monarchie. Il me revient que Thiers est fort triste, fort abattu et assez de l’avis que vous me mandiez de Berryer. La tristesse est en général pour Thiers une source de bonne conduite. Nous verrons. Il revient vers le milieu de novembre.
Lisieux, jeudi 9 heures
J’attends votre lettre. Je n’aime pas à attendre dans les auberges. Nulle part le sentiment de la solitude n’est plus vif. C’est ce qui fait qu’il est charmant de voyager avec quelqu’un qu’on aime. Le monde disparaît. On est vraiment seule. Il y a, dans je ne sais plus quel roman de Mad. de Stael, une page où cela est senti et dit à merveille. A propos de Mad de Stael, j’ai écrit ces jours-ci sur l’état des âmes, dans notre temps, quelques pages qui paraîtront dans la Revue française et où j’ai un peu parlé de Mad. de Broglie. On dit bien peu ce qu’on pense quand on pense vraiment quelque chose sur quelqu’un qui le mérite. Je voudrais avoir réussi cette fois. Vous me le direz.
Voilà 173. Toujours aussi nervons. Il fait pourtant beau. Je ne sais pourquoi je dis pourtant, car décidément je n’aime pas les beaux jours d’automne. Je les accepte, j’en jouis même. Mais on n’aime pas, tout ce dont on jouit. On n’aime que ce qu’on préfère. Adieu. Je remonte en voiture. Les dîners me laissent cinq jours de repos jusqu’à mardi. Je donne cette lettre à la poste avec chagrin. Ces cinq jours de retard vous déplairont, comme à moi. Adieu. Adieu. G.
170. Val Richer, Vendredi 29 septembre 1854, François Guizot à Dorothée de Lieven
Nos journaux disent que le Prince Mentchikoff n’a avec lui que 25, 000 hommes, qu’il en attend 15 000, et qu’on lui livrera bataille avant que ce renfort n’arrive. Je suis décidé à ne pas croire à un si petit chiffre, pas plus qu'au gros chiffre dont vous me parle. Ce serait incompréhensible. Je crois plutôt à des mensonges énormes qu'à des vérités ridicules. Mais les hommes abusent vraiment du mensonge.
J’ai eu hier quelques personnes à dîner de Lisieux et de Londres. Tout ce qui vient de Londres est bien décidé, et peu effrayé d’une longue guerre. Jusqu'ici le pays n'en souffre pas. Le gouvernement dépense beaucoup d'argent, et il faut bien que le pays le lui donne ; mais on en gagne plus qu’on n'en a à donner. Il en est à peu près de même chez nous. Un peu de bataille et de victoire pour satisfaire de temps en temps, l’attente des imaginations ; à ce prix, la guerre peut durer longtemps sans qu’on s'en plaigne beaucoup.
J’ai des nouvelles de ce pauvre St Aulaire, très tristes. Sa fille, Mad. de Langsdorff est toujours dangereusement malade : " Si Dieu nous accorde sa guérison, ce sera au prix de longues souffrances." Ils sont tous réunis à Etiolles ; Mad. d'Harcourt, Mad. d'Esterno comme il ne me donne pas de détails, je ne sais pas quel est le mal ; mais il faut que les soins soient très assidus et très pénibles car il me dit : " La santé de ma femme et celle d'Emile résistent à un terrible, régime. " On a encore opéré de Cazes de la pierre ces jours derniers avec succès. Je n’ai jamais vu d'homme se défendre. aussi énergiquement.
Montalembert aussi m'écrit ; non pas de Bruxelles, mais de Bourgogne, comme je l’avais espéré un moment pour vous. M. de Falloux veut se présenter pour la place vacante à l'Académie, et il me fait demander, par trois ou quatre personnes, mon avis, et ma voix. Je ne crois pas qu’il soit nommé de ce coup ; mais il aura, en tous cas, une minorité respectable qui servira à rendre son élection plus prochaine. A sa place, je ne voudrais pas me présenter pour n'être pas élu ; mais cela le regarde. Montalembert va bien d'ailleurs, et ne me paraît occupé que de son histoire des ordres religieux.
Samedi 20 sept. Ma raison pour être bien aise que Mad. Kalergi passe l'hiver à Paris est simple. Je trouve l'exemple bon et autorisant. Il n’y a donc pas d'impossibilité. Un bon exemple et votre santé, cela doit suffire. Adieu, Adieu, en attendant la conversation, avant quinze jours. G.
171. Bruxelles, Dimanche 26 novembre 1854, Dorothée de Lieven à François Guizot
Vous avez des sujets de distraction, vous parlez & pensez à d’autres choses. Je n'ai qu’une chose, moi, et personne auprès de qui m'épancher. Je ferme quelques fois ma porte tant je me sens triste. Je ne sais de quoi je parle. Que puis-je faire que faut-il faire ? Mes maux s’aggravent avec ma tristesse. Je ne sais que vous dire il n'y a pas un mot de nouvelle Adieu. Adieu.
171. Paris, Lundi 22 octobre 1838, Dorothée de Lieven à François Guizot
J’ai fait hier ma dernière grande promenade au bois de Boulogne avec mon fils. Il me quitte aujourd’hui. Il n’est pas homme d'esprit, mais il est si doux, si bon, si affectueux pour moi et il a tant de bon sens que c’est vraiment une bien douce société pour moi. Il retourne à Naples. Il me promet de revenir me trouver l’été prochain, que sera l’été prochain pour moi ?
J'ai eu beaucoup de monde hier au soir ; je n'avais de fixe que les Holland & Berryer, c’était une affaire commune ; les autres entrent quand ils voient les lampes. On s’est écouté vers les onze heures, & alors a commencé la véritable causerie avec Granville du plus. Il me parait que Berryer et Lord Holland ont été réciproquement frappés l’un de l’autre. Berryer compte sur une session importante ; dont vous & M. Odillon Barrot serez les principales figures. Il trouve Thiers fort effacé dans la chambre, et votre parti fort grandi par la presse. Il est impatient de vous revoir. En attendant il fait à ce qu’il dit le paysan.
Les Holland partent samedi, ils ne peuvent pas vous attendre. Cette affaire du Canada va amener des délibérations du Conseil, & peut être, une convocation du parlement. Cependant, ils ont confiance dans le général Colburne qui garde son commandement, & qu’on dit un homme de guerre & un homme de tête, supérieur. Lady Burgharsh est venue aussi hier au soir. Elle est bien changée. La pauvre femme a perdu il y a deux ans un enfant, une fille de 16 ans, charmante. Mon ambassadeur parle à tout le monde de ses embarras de maison. C'est un peu ennuyeux & on commence à en rire, mais lui en maigrit. Les Appony passeront le 8 Novembre dans leur maison, ils sont enchantés. La Duchesse de Talleyand a donné hier à dîner à M. Molé & Mme de Castellane. Si elle ne les nourrit pas mieux que moi ils seront un peu étonnés. Adieu.
Le temps est ravissant. Je vais m’établir aux Tuileries. Si vous y veniez avec moi, quelle jolie causerie nous aurions dans ce bon air qui est si gai aujourd’hui. Moi, je ne le suis pas. Adieu, adieu.
171. Val-Richer, Vendredi 26 octobre 1838, François Guizot à Dorothée de Lieven
Quoique vous me disiez que votre fils n’a pas encore quitté son lit je me tiens pour assuré que son indisposition n’est rien. Ne le laissez pas répartir pour Naples sans qu’il soit tout à fait remis. Je ne suppose pas que vous ayez à Naples des affaires qui exigent instamment sa présence. Quand je serai près de vous, je vous désirerai toujours les personnes que vous aimez et qui vous sont bonnes, mais de loin, ce désir va jusqu’à l’inquiétude, et j’ai de la reconnaissance pour votre fils, comme s’il sentait pour moi. Il me paraît qu’on est fort préoccupé de la crainte que nous ne fassions de l’opposition. Cela me revient de tous les côtés et le langage du Journal des Débats me confirme ce qui me revient. Non seulement, on ne veut pas que nous parlions contre l’opposition, mais on nous prédit toutes sorte de malheurs, si nous restons muets. On veut que nous parlions... pour le Ministère apparemment. On voudrait bien avoir des bravi d’éloquence comme au moyen âge on en avait d’épée. En attendant, on chante les hymnes en l’honneur de M. Molé. Mais l’hiver arrive ; et quand il est là, il ne sert pas à grand chose d’avoir chanté, tout l’été. Vous avez bien raison de vous étonner des illusions de M. de Flahaut. Quand il était auprès du Duc d’Orléans, il ferait un peu ses affaires lui-même, et il y avait quelque raison de le ménager. Mais aujourd’hui, qu’a-t-on à espérer ou à craindre de lui ? Et quant au salon de Mad. de Flahaut, on n’est pas assez sûr qu’il fût bon pour désirer réellement qu’il soit ouvert. On ne fera rien pour eux ; et ils font bien de ne pas revenir. Il y a dans les cours, (puisque cour y a) un genre d’hypocrisie qui m’a toujours été insupportable ; c’est la prétention, quand l’occasion s’en présente, à être traité comme s’il y avait de l’affection, quoiqu’on n’y croie point et qu’on n’en ressente point soi-même. On parle d’ingratitude, de froideur, de sécheresse. Les Rois n’aiment qu’eux- mêmes et leur famille. C’est une de leurs grandes infériorités. Mais, pour peu qu’on ait vécu auprès d’eux, cela est si clair ! Savez-vous qu’elle est la situation admirable, qui fait d’un homme tout ce qu’il peut être ? C’est celle d’un Roi légitime qui a été obligé de reconquérir son royaume qui s’assied sur le trône par son droit, et y est monté par son fait, qui est né pour la vie royale et à mené la vie humaine. Gustave Wasa et Henri 4. Ceux-là ont aimé et ont été aimés.
Le Duc de Broglie m’écrit que sa santé est bonne et qu’il va tous les jours, à midi, faire le tour des grandes allées désertes du Champ de Mars. Il a l’air de m’attendre, impatiemment. On me dit d’ailleurs de sa fille : " Mad. d’Haussonville s’apaise un peu. Mais ce pauvre jeune esprit reste sans mouvement, et le moindre effort pour le ranimer lui cause une impression douloureuse. Elle ne sait que trop tout ce qu’elle a perdu. " Je suis bien aise qu’elle le sache, et Je désire pour elle qu’elle le sache toujours. Avec une longue vie devant soi, il n’y a rien de plus salutaire qu’un souvenir respecté et chéri. La voix des morts n’offense jamais et on accepte d’eux des vérités qu’on ne supporterait pas d’une bouche vivante. Sans savoir ce qu’ils sont, on les croit, on les sait parfaitement désintéressés et sincères.
10 heures
Seulement adieu. Je reçois trois ou quatre lettres auxquelles il faut que je réponde sur le champ. Adieu. Il n’y a plus qu’une semaine entière entre nous. C’est encore bien long. Mais enfin, ce n’est plus que cela. Adieu. Adieu. G.
Mots-clés : Politique (France), Réseau social et politique
171. Val Richer, Dimanche 1er octobre 1854, François Guizot à Dorothée de Lieven
Il fait vraiment un temps merveilleux, aussi chaud que beau. Qu’il vous fasse du bien, je vous en prie, et que je ne vous trouve pas trop souffrante, en arrivant. La même impression sur vos affaires me revient de toutes parts. Duchâtel m'écrit : " Comme vous, je crois au succès en Crimée. L’incapacité Russe passe toute prévision. On a beau se vanter à St. Pétersbourg ; ce ne sera pas un petit échec que la prise de Sébastopol. Ce que l'Empereur Nicolas a de mieux à faire dans son intérêt, c’est la paix. Plus tard, il la fera, plus dures en seront les conditions. C'est le marché des livres Sibyllin."
Pardon d’un langage, si dur. Le petit bulletin de St Pétersbourg sur le débarquement des allées en Crimée est étrange dans son insignifiance. Le Prince Mentchikoff est aussi imprévoyant que prudent. Comment n'avait-il pas prévu que les troupes débarqueraient sous la protection des batteries de la flotte ? Vous empêchez nos journaux d’entrer chez vous ; vous devriez empêcher aussi les vôtres de venir chez nous. Je deviens aussi dur que Duchâtel.
Pardonnez-moi aussi. Vos prisonniers sont en effet bien traités par notre peuple ; il n’y a aucune malveillance pour eux, plutôt le contraire.
Ce qui est bien ridicule, c’est la correspondance de Lord Dundonald avec les journaux Anglais. Evidemment on a très bien fait de ne pas lui donner le commandement.
Lirez-vous, comme moi, toute la lettre de la Reine Christine, jusqu'au bout, sans en sauter une ligne ? C'est un fouillis bien sentimental, et bien embrouillé, très inférieur au manifeste que notre ami les Bermudes rédigea pour elle en 1840. Pourtant, au fond, il y a beaucoup d’esprit, et une ferme intelligence de la situation générale en Espagne, et de la sienne propre. C’est bien dommage que ce pauvre Valdegamas, soit mort ; il serait bien éloquent sur tout ceci, et aussi amusant qu'éloquent. Midi Point de lettre ni de nouvelle. Adieu, adieu.
171. Val Richer, Dimanche 1er octobre 1854, François Guizot à Dorothée de Lieven
172. Bruxelles, [Lundi 27] novembre 1854, Dorothée de Lieven à François Guizot
2 heures
Si vous trouvez bon de lire cette lettre à Morny ou bien de la lui envoyer, faites-le. Je n’ai rien de lui depuis le 16, il me disait alors "l’Empereur va m'envoyer de suite un passeport pour vous." & plus loin "prévenez- moi du jour de votre arrivée. J’irai vous chercher au chemin de fer moi-même. Je donnerai des ordres pour votre appartement pour faire préparer votre diner." Voilà où j’en étais ici le 17. Je suis bien loin de là aujourd'hui. Comprenez-vous ma joie alors, ma tristesse aujourd’hui. Je suis sûre que Morny est un peu triste aussi. Il a mis bien du cœur à tout cela. Mais je ne veux pas l'ennuyer.
4 h.
Lady Pal. est hors de question. Je lui avais écrit une lettre qui la mettait bien sur la voie, elle vient de m'écrire, elle parle de tout hors de moi. Vous savez qu’elle avait voulu venir ici, et me l’avait fait dire par les Howard. J’ai remercié & dit que c’était moi qui avais besoin de Paris. Médecin, lit & & et j'ajoute "je me laisse dire qu'on en concevrait des soupçons" et sur cela je brode comme il convenait de faire, pas un mot de réponse à cela. Dans sa lettre du 16 Morny avait promis à l’Emp. que j'écrirais à Ly P. et à Aberdeen pour écarter les soupçons. Je n’ai pas écrit à celui-ci & ma lettre à Lady P. et passe sous cachet volant par Morny qui devait brûler, on envoyer comme il voudrait. Il a envoyé & 7 heures.
Voilà Je me ménage ici un excellent ami dans Lord Coward, ami intime de Clarendon, il vient de me dire que le Gt Anglais accepte notre acceptation, pourvu qu’il n’y ait pas de commentaires.
172. Paris, Mardi 23 octobre 1838, Dorothée de Lieven à François Guizot
Vous m'écrivez de bonnes, d'aimables lettres ; des paroles bien douces & tendres. Oui, je veux que vous me rendrez un peu de santé, essayez-le je vous en prie. Jusqu’ici vous n'y avez pas réussi par ce que vous n'y avez pas tâché. Vous êtes trop grave pour moi, vous entrez trop dans mes peines, vous ne les combattez jamais, vous ne me montrez pas le moyen de distraire mon esprit je suis avec vous plus triste qu’avec d’autres. Donnez-moi du courage, de la gaieté s'il est possible. Je vous dis cela aujourd’hui au moment où je suis le plus triste du monde, les nerfs dans un état horrible. Irritée, irritable, tremblante quand on sonne, quand on me demande quoi que ce soit, enfin de la plus détestable compagnie.
Au moment où mon fils allait partir hier, il a été saisi d'une fièvre si violente qu'il a été obligé de se mettre au lit. Il y est encore. Le médecin espère que ce ne sera rien, mais moi je m’agite, je m’in quiète ; & dans cet état non seulement je ne suis bonne à rien mais j'impatiente & j'ennuie tout ce qui m’entoure à commencer par mon fils. Voilà mon mauvais caractère ou plutôt mes mauvais nerfs. Je voudrais finir, finir tout le monde, mais surtout me fuir moi.
Non, l’Amérique ne m’intéresse pas du tout. A dire vrai je ne me suis jamais intéressée qu'aux monarchies. Je veux quelque chose qui m’éblouisse ; de l'éclat, de la pompe, de la grandeur. Une république, cela ne me plait pas du tout. Je n’ai rien à vous conter d’hier. J’ai été un moment le soir chez Lady Granville, il y avait du monde, mais tout le monde m'a déplu, ce qui veut dire que de mon côté j’ai été fort peu aimable. Je suis partie au bout d’une demi-heure.
J'ai eu une lettre du Duc de Devonshire de Côme du 15, il venait de dîner entre mon mari, & mon grand duc. Il me dit qu’on reste à Côme un mois, & puis Rome pour l'hiver & Londres au mois de mai. Mon mari ne me dit jamais cela, il ne me dira jamais plus rien. Décidément la correspondance ne reprendra jamais. Et vous avez beau dire, je ne prendrai jamais mon parti des gens incurables. Cela ne m'est pas donné. Je croirai toujours à quelques curieux que je n’atteindrai jamais. Adieu. Adieu. Je vous attends avec bien de l’impatience. Adieu
172. Val-Richer, Samedi 27 octobre 1838, François Guizot à Dorothée de Lieven
J’étais très fatigué hier soir je ne sais pourquoi. Je me suis couché avant 10 heures. Aussi je me lève à 6. J’ai bien dormi. Je voudrais bien qu’à vous coucher de bonne heure, vous eussiez le même gain. Comment vont vos nerfs ? La lecture en me couchant dans mon lit est pour moi, un moyen de sommeil à peu près infaillible. N’est-il plus du tout à votre usage ? Peut-être pourriez-vous vous faire lire quelques minutes par votre femme de chambre. Du reste, il me semble que ce n’est pas au moment où vous vous couchez que le sommeil vous manque. Ma mère, qui dort très mal et se réveille sans cesse dans la nuit, se rendort souvent en lisant. A la vérité elle a conservé de très bons yeux. Je ne suis pas bien content de sa santé depuis quelque temps. Elle n’est pas encore remise de l’ébranlement que lui a causé la mort de Mad. de Broglie. Je suis bien aise de la ramener à Paris. Ici. avec du temps, les sœurs ne me manqueraient pas ; il y a de bons médecins à Lisieux. Mais pour quelque mal prompt et inattendu, trois ou quatre heures d’attente sont beaucoup trop. Le départ de ma maison a commencé hier. Cette amie de ma mère dont je vous ai quelquefois parlé Melle Chabaud nous a quittés. Elle a été pour mes enfants, pendant tout son séjour d’une bonté aussi utile qu’affectueuse. Je ne puis la remplacer pour le piano d’Henriette, mais je me suis chargé de la leçon d’Anglais d’ici au 5 novembre. Nous lisons ce qui se peut lire de Shakespeare. Je ne voudrais pourtant pas nourrir mes enfants de cette lecture-là, même de ce qu’il y a de bon. C’est trop fort et trop brut. Il y a trop d’émotion et pas assez de perfection. Il faut, à de jeunes esprits quelque chose de plus serein et de plus achevé.
Mad. Graham reprend ses raouts de bien bonne heure. Il y a donc déjà beaucoup d’Anglais à Paris. Vous les aimez toujours beaucoup, c’est sûr ; mais si je ne me trompe, ils sont bien vite usés pour vous. Excepté, Lady Granville, s’entend. J’ai peur que Paris ne soit pour vous comme la cour, selon La Bruyère, " pays où l’on n’est pas toujours bien, mais qui empêche qu’on ne se trouve bien ailleurs. " Les journaux démentent la retraite du comte Woronzoff. ont-ils raison ? Il me semble que l’Orient s’apaise. Pourtant la question a fait un pas. L’Angleterre a jeté un grappin de plus & vous êtes mécontents. Qu’y a-t-il de sérieux dans son traité de commerce avec l’Autriche et dans ces bouches du Danube ? Mettez-vous à cela beaucoup d’importance ? Lord Grey a raison de trouver que son gendre a été indignement abandonné. Mais ni Lord Melbourne, ni Lord John ne pourraient faire autrement. C’est leur situation comme celle de notre cabinet, de faire, ce que d’autres ne voudraient pas faire, de supporter ce que d’autres ne voudraient pas supporter. Vous savez le mot du Prince de Talmont aux soldats qui allaient le fusiller : " J’ai fait mon devoir ; faites votre métier. " Il y a des Cabinets qui font leur devoir, d’autres leur métier.
10 heures
Je vous dirai adieu comme à l’ordinaire, à moins que vous ne vouliez pas. Mais aujourd’hui, en ce moment je ne vous dirai pas autre chose. Moi aussi, je vous blesserais, et je ne veux pas. Adieu. Je ne sais pourquoi il convient à M. de Broglie de dire qu’il n’a jamais songé à bouger de Paris. Non seulement il m’en avait parlé, mais il l’a écrit à ma mère.
172. Val Richer, Lundi 2 octobre 1854, François Guizot à Dorothée de Lieven
172. Val Richer, Lundi 2 octobre 1854, François Guizot à Dorothée de Lieven
J’ai lu attentivement, les rapports de l’amiral Hamelin et de ses officiers. A part le mérite et le succès de l'opération même, ils m'ont plu ; ils sont sérieux et simples, sans fanfaronnade et pleins d’entrain. Je connais beaucoup le contre amiral Bouet qui a été la cheville ouvrière du débarquement. C’est un officier très distingué, spirituel, animé, hardi, beau parleur et bon acteur. Il doit avoir de la puissance sur les hommes.
J’ai lu aussi les dépêches Autrichienne et Prussienne en réponse à votre réponse en la communiquant à leurs agents J’aime mieux l’Autrichienne, quoiqu’elle soit aussi trop verbeuse. Elle a moins de prétentions. Il est clair que tant que la pression Anglo-française, ne sera pas plus forte les Allemands ne vous feront pas la guerre.
Voici une nouvelle d’un intérêt très private. et qui m’a fait grand plaisir. On ajourne au moins d’un an le boulevard de la Madeleine à Mousseaux. Ainsi je suis sûr de passer encore l’hiver tranquillement dans ma petite maison. Je ne suis pas difficile en fait d'avenir ; un an me paraît beaucoup. C'est à cause de l'exposition de l'industrie de l'an prochain que cet ajournement a lieu. Il y a assez de décombres dans Paris. On construit à ce qu’il paraît, rue de Rivoli, pour les étrangers de 1855, un hôtel garni qui sera gigantesque et magnifique. On s'attend à une exposition très brillante, spectacle et spectateurs. Revenez rue St Florentin, soyez ma fête de 1855.
Midi
Voilà votre 140. Malgré vos observations et le passeport grec, je persiste ; Madame Kalergis prouve qu’on peut être russe et passer l'hiver à Paris. Je trouvais déjà que Mad. Svetchine, et la comtesse de Stackelberg étaient des exemples suffisants, et que, si l’âge et la mauvaise santé étaient, pour elles, de bonnes raisons, les mêmes raisons pouvaient être bonnes aussi pour vous. Mais Mad. Kalergis n’a pas même les raisons-là ; elle est jeune, elle se porte bien. Elle est de plus la nièce du comte de Nesselrode ; elle vient de tenir, pendant je ne sais combien de mois, la maison de son oncle. Pour l’apparence du moins ce n’est pas une personne insignifiante. Et pourtant on l’autorise. Pourquoi serait-on. plus rigoureux envers vous ? Ce que Mad. Kalergis fait pour s'amuser, ne pouvez-vous pas le faire pour n'être pas malade ?
On s'attend à une exposition très brillante, Si j'en croyais mes journaux de ce matin, Sébastopol serait pris, et sans grand peine. Il est au moins certain qu’une première bataille a eu lieu. J’attendrai bien impatiemment mon courrier demain. Adieu. Adieu. G.
173. Bruxelles, Mardi 28 novembre 1854, Dorothée de Lieven à François Guizot
Comment pas de lettre ? Voici la seconde fois depuis votre retour à Paris (huit jours!) que vous m'oubliez. Et dans le moment où j'ai un si grand besoin de soutien. Je vous en prie ne me donnez pas ce chagrin de penser que je suis moins pour vous à Paris que je ne l’étais au Val Richer.
J’ai passé ma journée couchée et j’ai vraiment fait pitié à mes visiteurs. Le dernier qui était Lord Howard m’a paru être touché de me voir dans cet état. Il est très lié avec Clarendon, ils s'écrivent deux fois la semaine. Il peut me devenir utile. Il trouve qu'on est dans un moment de crise. de ce côté là j’ai cependant peu d'espérance. Voilà la bonne entente rétablie entre les deux grands allemands c’est très bon pour tous les cas. Vous ne m'aviez déjà pas écrit Samedi. Voici lundi qui me manque je m’afflige de cela comme d'un grand malheur, mes nerfs sont en bien mauvais état depuis votre visite chez M.
Ce pauvre Mouchy, je suis bien fâchée pour sa veuve. Molé m'écrit une longue lettre bien pressante pour revenir à Paris. Hélas. Kisseleff est très malade du climat de Bruxelles. (Jugez pour moi.) et il est trop malade pour se mettre en route dans cette saison. Madame Chreptovitch était partie il y a quinze jours pour Stuttgard. Au lieu de cela, elle a pris le train de Paris, et elle y est depuis ! C'est un peu fort. Son mari en est bien embarrassé, il est en même temps bien content d’être débarrassé d’elle.
Ah que je suis malheureuse. Vous me connaissez, vous devez vous figurer l’état où je suis. Je vous prie ne passez pas un jour sans m'écrire. Personne ne viendra-t-il donc me voir. Montebello a eu tort de tant promettre. La mort de Mouchy va empêcher le duc de Noailles, car pour lui je suis sûre de son amitié. Adieu. Adieu.
La pluie, la neige, le vent. Ma chambre, et ma tristesse.
173. Paris, Mercredi 24 octobre 1838, Dorothée de Lieven à François Guizot
Je vous remercie tous les jours, toujours de tout ce que vous me dites de tendre, d’affectueux. Cela me fait du bien. J'ai bien besoin de vous, j’ai été trop longtemps seule. Mon fils n’a pas quitté son lit, & je ne suis pas beaucoup auprès de lui. Cela me rend nervous au possible parce que je sens mon insuffisance. J’ai ce caractère trop inquiet, cela doit impatienter les autres.
Je me suis promenée le matin avec Marie ; à propos, elle est à merveille de santé, d'humeur, de beauté. Avant dîner, j’ai fait visite aux Holland ; j’ai trouvé Milady se faisant frotter les jambes & causant avec M. Berryer. Ensuite elle a passé à sa toilette et m’a proposé un tête à tête avec son mari. J’ai trouvé, ce que je trouverais en Angleterre c’est qu’il est l’homme le moins propre à une vraie conversation d’affaires, c’est de la politique personnelle et non pas de grands intérêts. Ce soir Marie est allée au spectacle avec les Carlisle, je suis restée avec Armin, Humboldt et M. Mossion. J'ai renvoyé un peu brutalement celui-ci, pour causer avec les autres.
La fièvre jaune s’est déclarée à bord d’un bâtiment de votre flotte au Mexique. On est inquiet du prince de Joinville. Il parait hors de doute que Lord Durham reviendra sans attendre. Sa démission et peut être même sans la demander. Lord Grey m’a écrit sans connaître encore la résolution de son gendre mais il la pressent, & je ne pense pas qu'il en soit très mécontent. Il trouve qu’il a été indignement abandonné par les Ministres. Madame de Flahaut m'écrit aussi. Décidément ils ne reviennent pas. Elle se plaint amèrement de M. Molé. M. de Flahaut s'attendait à l’offre de l'ambassade à Naples, ou en Suisse ou à Turin enfin quelque chose. Je suis étonnée qu'il se soit fait de ces illusions là.
Je ne sais de quelle couleur est M. de Mossion. Il revient de Suisse où il a passé l'été. Il trouve que la France a joué un pitoyable rôle dans l’affaire de Louis Bonaparte, et la Suisse un très beau. J'ai M. Fossin et tout mon écrin à côté de moi au moment où je vous écris. Je fais faire à tout événement l’estimation de mes diamants. On ne sait pas...! Il pleut à verse. J’aurai les arcades pour ressources, et des visites ensuite. Adieu. Adieu comme vous très tendrement.
173. Val-Richer, Dimanche 28 octobre 1838, François Guizot à Dorothée de Lieven
Je voudrais que vous pussiez voir, voir dans la réalité et par le menu, les soins que j’ai eu à prendre, et que j’ai pris, dans mon intérieur et dans mes affaires auprès des personnes, et auprès des choses pour retourner à Paris dans les premiers jours de Novembre, au lieu de rester ici jusqu’à l’ouverture de la session. C’est ma seule réponse possible à votre n° 175. Mais vous ne l’avez pas vu, et moi, je ne vous le dirai pas. C’est triste.
Voici ce que je trouve dans une lettre que m’écrivait, le 8 octobre, le Duc de Broglie, à moi et non pas à ma mère : " Je compte toujours aller à Broglie d’ici à quinze jours ; et si j’y vais, j’irai voir vous et votre mère. Dites lui bien des tendresses pour moi ; elle me manque beaucoup. " Ma mère a été très souffrante hier tout le jour de ses pesanteurs de tête et de ses vertiges. Quand elle en convient, il faut que ce soit bien réel, car je n’ai jamais rencontré de personne plus dure à elle-même. Je l’ai tenue dehors presque toute la journée. Ce n’est pas très aise à présent, car on ne peut plus guère s’asseoir dehors.
Mes enfants, en ont profité pour passer aussi toute là journée à l’air. Il y sont beaucoup en général ; mais ma mère à un peu la manie des leçons et quand je puis lui en voler quelques unes ; j’en suis toujours charmé. Du reste, ils ne sont point à plaindre ; ils ont ici un petit cousins qui est venu passer quelques jours au Val Richer, et avec lequel ils s’amusent parfaitement. Le plaisir est encore plus vif pour ce petit garçon que pour mes enfants. Il a été élevé seul. Il éprouve à sortir de sa solitude, à vivre avec ses parents, une joie qui me fait spectacle. C’est une curiosité et une surprise de tous les moments. Il découvre un nouveau monde. C’est du luxe, de la part de M. de Pahlen qui discute si peu, de discuter avec M. de Maussion. L’affaire suisse sera partout une désagréable discussion pour le Ministère. On a bien fait de demander l’expulsion de Louis Buonaparte mais il fallait et on pouvait la demander et l’obtenir tout autrement. Et la façon dont on l’a demandée et obtenue a, pour la France, des inconvénients graves qu’elle rencontrera plus d’une fois sur son chemin, et qui mis au jour, frapperont beaucoup le public, car ils choquent ses passions, bonnes et mauvaises. On me dit qu’il va paraître une brochure du général Bugeaud qui préoccupe beaucoup M. Molé. Le Général Bugeaud, puisqu’il n’a pas répondu au premier moment, ferrait mieux à présent de garder ses explications pour la tribune. C’est une singulière manœuvre que d’avoir retardé le nouveau procès du général Brossard. Il coïncidera avec l’ouverture de la session. Peut-être le retardera-t-on encore jusqu’après les Débat de l’adresse. On n’en évitera pas le retentissement. M. Harcourt est-il revenu avec sa fille Lady Norris ? L’avait-il avec lui quand il a perdu sa femme ? Est-il affligé ? Il me semble qu’il n’y a guère de quoi. Mais l’habitude, même sans être douce est quelquefois puissante.
10 heures 1/2
Le N° 176, commence mieux, que ne finissait le N°175. Mais le cœur m’importe encore plus que les lettres et c’est au fond de votre cœur qu’il faut que j’aille puisque ce qui vient J’espère que nous serons heureux de vous va au fond du mien. quand nous nous serons tout dit. Adieu. Adieu. G. Ma mère est moins souffrante.
173. Val Richer, Mercredi 4 octobre 1854, François Guizot à Dorothée de Lieven
Non, mon séjour auprès de vous ne sera pas étranglé, et vous n'avez nul besoin de me prier. Je vais vous voir autant pour moi-même que pour vous. Vous ne savez pas à quel point je suis occupé de vous. en ce moment plus que jamais, s’il peut y avoir en ceci du plus et du moins. Je comprends tout ce qui se passe dans votre âme, et les blessures vives qui vous atteignent là où vous vous croyez bien froide. Votre lettre d’hier m’a beaucoup touché. J’aurais voulu me transporter auprès de vous, comme une dépêche du télégraphe électrique, pour vous distraire de cette catastrophe, car je vous en distrairai en vous en parlant. Nous n'épuiserions pas, en bien des jours, tout ce que nous aurons à nous dire. Les détails me manquent encore ; mais il me semble que vous vous êtes très énergiquement défendus. Je pense avec horreur à ce qui a pu se passer dans ce second port où le Prince Mentchikoff s'est retiré avec une partie de la flotte. Ce serait plus horrible que l’incendie de Moscou. Je comprends que les alliés veuillent à tout prix, les vaisseaux mais les hommes ? Vous voyez que je prends pour vrai ce que Bourqueney a mandé d'après Omer Pacha. J’ai envoyé hier soir à Lisieux pour faire demander au sous Préfet, s’il avait reçu quelque chose de plus. Il n’avait que les mêmes assertions. Pas même le jour précis où tout cela s'est passé. Il faut attendre. La vie se passe à attendre.
Vous avez raison ; il vous convient, en ce moment d'être un peu seule. On vous choquerait où l’on vous ménagerait, et vous ne pourriez rien dire. Je sais très bon gré à Lady Alice de vous être restée. Je m'intéresse à la tristesse d'Hélène et de Constantin.
Vous avez surement remarqué ce qu’on disait hier de l’amiral Parseval qui ralliait son escadre à Kiel pour aller rejoindre Napier. Je ne pense pas qu’on puisse rien entreprendre dans la Baltique. Il est trop tard. Le beau temps nous a quitté hier ici. Les pluies et les vents d’automne commencent. Les félicitations de Hübner ne se sont pas fait attendre, et avec un caractère bien officiel. Je ne sais pas quelle combinaison Narvaez retourne à Madrid. Il n’y va certainement pas sans y être appelé. Rappelez-vous, je vous prie, que je vous ai annoncé sa réconciliation avec Espartero. Pour la cause de la Reine et de l’ordre, je suis fort aise qu’il rentre en Espagne. Brouillé comme il l'est avec la Reine Christine, il devait avoir quelque humeur d'être proscrit, ou du moins émigré avec elle.
Que dira-t-on à Berlin de la permanence du camp du Nord pendant l’hiver ? Si la paix ne se fait pas, tenez pour certain que le camp du midi sera permanent aussi. On voudra avoir partout des troupes prêtes.
Midi
Rien d’officiel et de détaillé encore ; mais la confirmation des nouvelles d’hier. Adieu, Adieu. G.
174. Bruxelles, Mercredi 29 novembre 1854, Dorothée de Lieven à François Guizot
Votre lettre est venue, tard hier soir. Avec quel soin je dévore & je pèse chaque parole, cherchant un sens qui aggrave mon désespoir ou le soulage. Je vois bien que vous êtes résigné à prendre patience. longtemps. La résignation ne peut pas m’entrer dans le cœur, et je crois quelque fois que dans trois jours je succomberai. Le fil électrique vous le dira à temps, car je ne veux pas mourir sans vous avoir revu. Encore une nuit toute entière sans sommeil. Ah que d'images affreuses occupent la pensée et mon impuissance ! Car comment agir contre cet obstacle quand j’éprouve.
Midi.
Voici une lettre de Morny de hier. L’Empereur lui a dit la veille. Je ne changerai pas je l'ai promis. C'est la promesse à moi dont il est question. Ah voilà une parole qui me fait pousser un soupir d’allègement ! Reste le quand. Rien ne m'aide à le devenir. Mais d’après cela il me semble qu’il ne faut rien tenter de l’autre côté. En attendant voici Aggy qui est à Paris & qui me dit que tout le monde parle de mon retour. Cela doit venir de l'amb. Anglaise. Elle me questionne, je nie, mais je raconte ma santé, et le propos de mon médecin de Bruxelles que je vous ai redit je crois ? et qu’ici tout le monde connait. Je voudrais vous parler d’autre chose que de moi, mais je ne pense qu'à moi, et j'ai peur de vous ennuyer. Le nouvel engagement de la Prusse avec l’Autriche est ceci. Si l’Autriche est entraînée dans des hostilités contre nous, chez nous, on la laisse faire, sans s'en mêler. Si en retour nous la poursuivons sur territoire Moldave, la Prusse soutient l’Autriche là comme partout ailleurs. Voilà, ce n’est pas amical pour la Russie.
Je n’apprends rien du sort des quatre points, ni des théâtres de la guerre. Mon théâtre c’est Paris. J'y pense nuit et jour. Au Val-Richer vous appartenez à votre famille. A Paris vous m’appartenez à moi, et vous savoir là sans moi est un supplice.
3 h. Une lettre de Greville. Tout réjoui. On lui dit que je vais à Paris, que j'y suis peut-être. Il me demande s'il doit encore m'écrire ici ou là. Voyez comme le commérage a marché ! Est-ce bon, est-ce mauvais. Je ne sais. J’aurais mieux aimé le silence, mais il est de plus en plus évident que c’est les Anglais qui ont propagé la nouvelle. Adieu. Adieu.
Mots-clés : Conditions matérielles de la correspondance, Diplomatie (Angleterre), Famille Guizot, Femme (diplomatie), France (1852-1870, Second Empire), Guerre de Crimée (1853-1856), Politique (Autriche), Politique (Prusse), Politique (Russie), Relation François-Dorothée, Réseau social et politique, Santé (Dorothée), Tristesse
174. Paris, Jeudi 25 octobre 1838, Dorothée de Lieven à François Guizot
Moi aussi je ne vous écrirai qu'un petit mot aujourd’hui. J’ai été fort tracassée toute la matinée par de petites affaires je suis lasser, & cependant il me faut de l'air. Je m’en vais le prendre et puis faire des visites Anglaises à des partants. Hier au soir j’ai été un moment chez Madame Graham où j'ai vu le commencement d'un véritable rout plus communément appelé drum en Angleterre. De là j’ai été rendre les 6 visites que m’avait faites Madame de Castellane. J'y ai trouvé M. Salvandy, je n’ai rien appris de lui, sinon qu’il est très piqué de ce que Lord Holland ne lui a pas rendu sa visite.
Rien d'Angleterre, on ne saura des nouvelles aujourd’hui. Mon fils va mieux ; moi non, je n’ai pas vu mon ambassadeur depuis plusieurs jours. Je ne sais ce qu’il est devenu.
Adieu. Adieu. Voyez comme je disais vrai en commençant cette lettre. Adieu.
174. Val-Richer, Lundi 29 octobre 1838, François Guizot à Dorothée de Lieven
Je suis exactement le contraire de Lord Holland, bien plus hardi dans le Gouvernement que dans l’opposition. Cela prouve qu’il n’est pas trop à sa place en ce moment, ni moi à la mienne. Je crains toujours de faire verser la voiture en querellant le cocher, même quand je n’aime pas le cocher. Et puis, l’opposition déclame beaucoup et je ne peux souffrir la déclamation. Toute parole exagérée tombe sur moi, comme un seau d’eau froide. En revanche, et pour me défendre de ma faiblesse j’ai aversion de celle d’un gouvernement. La colère me prend quand je vois le pouvoir indécis, inerte, abaissé. C’est un son faux à mon oreille, une ligne de travers à mon œil. Je puis me permettre cette colère, car je l’ai dans les affaires comme en dehors. Je n’ai jamais été content de mon propre gouvernement. Voilà les deux sentiments qui me tiennent aujourd’hui. Je navigue de l’un à l’autre.
Hier, pour la première fois depuis que je suis ici, je n’ai pas mis le pied hors de la maison. Je n’ai jamais vu un tel torrent de pluie continue. Je m’en serais consolé en travaillant, si j’avais été en train de travailler ; mais je n’étais pas en train. J’ai beaucoup causé avec Henriette. Cette bonne petite fille m’avait donné le matin, l’air fort troublé, et toute rouge, le billet au crayon que je vous envoie; et qui m’a été au cœur. Pourrez-vous le lire ? Je lui ai promis un mari qui serait charmé de vivre avec moi, et que nous ne nous séparerions jamais. Comment cette petite Duchesse de Wurtemberg s’est-elle détruite si vite ? J’espère que l’Italie la guérira si elle a auprès d’elle quelqu’un qui sache la gouverner, car je doute qu’elle se gouverne bien elle-même. Son mari n’a pas l’air gouvernant du tout.
Qu’est-ce que Fagel entend par le mauvais état des Affaires de son pays ? Croit-il que son Roi, malgré son semblant d’arrangement, s’obstinera toujours et finira par le brouiller avec ses Etats Généraux ? Si la conférence termine l’affaire Belge, je ne vois pas quel embarras il peut y avoir en Hollande. Il me semble que la duchesse de Talleyrand vous donne beaucoup à dîner. Veut-elle comme c’est l’usage de ce temps-ci, suppléer à la qualité par la quantité ? A-t-elle pris des jours ? Essaye-t-elle d’avoir une maison ? Je suis bien questionneur ce matin.
Vous souvenez-vous que vous m’écriviez de Londres, l’an dernier : " Durham a du courage, de l’audace, et surtout de l’ambition. Il me semble qu’il se prépare ici bien de l’embarras. C’est Lord Durham qui le créerait. Tout cela est encore à sa naissance ; mais regardez-y bien ; le danger peut surgir tout à coup. Vous avez une sagacité bien rare, et charmante parce qu’elle est si naturelle si prompte ! En passant vous voyez au fond.
10 heures
Je me fâche de ce que vous vous fâchez ; je m’afflige de ce que vous vous affligez. Qu’est-ce que cela prouve ? que dans ma conviction, vous n’avez jamais droit de vous fâcher jamais droit de vous affliger à mon égard. Oui, j’en suis convaincu, j’en suis sûr. Entendez bien ceci, dearest, je suis infaillible envers vous. Et tant que vous ne le croirez pas vous ne me connaîtrez pas, et vous ne saurez pas combien je vous aime. Adieu, adieu toujours le même adieu quand même, et je ne veux pas qu’il y ait de quand même. G.
175. Bruxelles, Jeudi 30 novembre 1854, Dorothée de Lieven à François Guizot
J’ai répondu à M. Sa lettre était excellente. Je suis frappée de ce que me dit C. Greville du peu d'importance de Lord Palmerston dans le Cabinet anglais. Il me dit en parlant de ce qu'on pense de lui à Paris et du cas qu'on en fait. "They would be surprised if they could know how comparatively [?] his political influence is now, and how diminished his power is for good et for evil."
Les quatre points n’avancent nulle part. Je ne comprends pas. On m'affirme cependant qu’ils sont sans réserve. Les Prussiens le soutiennent. à propos de Prusse rappellez- vous que Hatzfeld fait toujours partir son courrier le 2 et le 16 de chaque mois. Bonne occasion pour m'envoyez les livres.
Ne pourriez-vous pas charger quelqu’un de s’informer en passant au bureau du Moniteur pourquoi on me triche. Voici le reçu. Cela me paraît singulier. Je ne sais à qui demander de faire cette vérification.
J'ai fait pour la première fois hier un tour en voiture. La toux a augmenté. Déci dément c’est un air brutal celui de Bruxelles, il faut que je m'en prive tout à fait. J'ai fait hier la connaissance du ch. d’aff d'Amérique. Très Russe, très contre l'Angleterre. On ne prendra pas Cuba, on négociera pour de l’argent. Je suis si triste, que je laisse entrer qui veut pour me passer le temps. Ainsi un Duc de Mirepoix, l'homme le plus ennuyeux du monde. Ah mon Dieu être réduite à cela !
N'ai-je jamais inspiré autant de confiance que de défiance ? Ce serait long d’avoir à répondre à cela. J’ai fait mon chemin dans le monde et les gens qui me connaissent bien, m’aiment bien. Je n'ai jamais fait de trahison, j’en ai rencontré. Je devrais écrire mon histoire en matière de politique. Quand nous nous reverrons reparlez-moi de cela. Adieu. Adieu. Et adieu
175. Paris, Vendredi 26 octobre 1838, Dorothée de Lieven à François Guizot
Je vous ferai mon journal comme de coutume, mais je ne répondrai pas à votre lettre, car je sens qu’une réponse pourrait vous déplaire ; et que de mon côté, je ne dirais jamais assez tout ce qu'il y a dans mon cœur. Je me permettrai un mot cependant, c’est que je n'ai jamais douté que vous me ménagiez une nouvelle surprise.
Après ma promenade ordinaire, j'ai été hier faire visite à M. de Broglie. Je l’ai trouvé un peu maigri et l’air grave et triste mais pas changé comme on me l’avait dit. Nous n’avons pas parlé de sa femme, je ne sais pas parler, mais j'ai senti des larmes dans mes yeux. Il m’a dit qu’il n’avait jamais songé à faire une visite en Normandie ni à bouger de Paris. Où aviez-vous pris qu'il y irait ? Un homme seul me parait une chose bien triste, sans doute je me trompe et un homme doit savoir mieux que nous employer son temps mais son home a un air d’inconfort qui ajoute ce me semble au chagrin.
J’ai eu hier une longue visite des Appony. Ils sont gais, et joyeux d’entrer dans une belle maison toute fraîche. Sûrement cela fait beaucoup à l'humeur, car ce sont des jouissances de tous les instants. Il n’y pas de nouvelles, on espère et on croit toujours que l’affaire Belge s'arrange, mais cependant on n’a pas encore le dernier mot des deux parties intéressées sur l’affaire de la dette.
Lady Carlisle est venue me dire adieu elle part aujourd'hui. C'est une bonne femme et qui est très accoutumé à m’aimer. Le soir j’ai eu du monde. Une querelle entre mon Ambassadeur et M. de Mossion sur l’affaire Suisse. C’est rare que M. de Pahlen discute, mais il a M. Mossion en horreur. George Harcourt et de retour, il est venu. J’aime beaucoup ses manières. J'aime beaucoup les bonnes manières. Le temps est à la pluie, froid et triste, & moi je ne suis pas gaie. Il m’est impossible de vous dire adieu.
Le gouvernement fait des conquêtes. Messieurs de Hautpoul, le marquis d’Oudinot et d’Aligre sont ralliés à la cour.
175. Val-Richer, Mardi 30 octobre 1838, François Guizot à Dorothée de Lieven
Que l’hiver est une laide saison ! Il fait noir, il pleut, il gèle. Il n'y a pas moyen de se passer d’intimité. En hiver on en a besoin parce qu'il ne vient point de plaisir du dehors ; en été, pour partager le plaisir qui vient du dehors. L’intimité est infiniment plus douce que l’hiver n’est laid. Je suis charmé de voir venir l’hiver. Bientôt nous ne serons plus seuls. Je regrette que votre fils soit parti. J’aurais été bien aise de le voir. Est-il toujours préoccupé de ses projets de mariage ? Si Mlle de T. est toujours en Italie, entre les mains des Jésuites, elle ne cédera pas. Il me revient, qu’on est préoccupé, dans le monde catholique, de ce qu’on appelle les progrès de l’esprit protestant, et qu'on me fait l'honneur de s'en prendre à moi. Je le veux bien quoique ce soit plaisant. Un nouveau journal paraît, intitulé L’ Europe protestante, très animé et très prosélytique, dit-on. Je n'en ai encore reçu que le prospectus. Les patrons de l’entreprise sont en Angleterre, Lord Teignmouth, Lord Bexley, l’évêque de Landaff, &, &
Ma mère a été mieux hier. Je suis convaincu que ses lourdeurs de tête tiennent à l'état de son estomac. Elle mange extrêmement peu mais à sa fantaisie et souvent des choses peu saines, la cuisine méridionale qu'elle préfère par habitude. Je crains l'immobilité de Paris. A tout prendre la campagne lui a été bonne, et sans cette malheureuse secousse, elle serait retournée à Paris très bien.
Il est vrai que votre politique vous à conduits à un grand isolement. Mais ne vous en prenez pas à sa faiblesse seule. Vous vous êtes faits les champions d'une cause extrême de l'absolutisme. Champions, non seulement en fait, mais en principe, avec passion et étalage encore plus qu'avec effet. Le temps des causes extrêmes n’est plus. En Angleterre et en France, le juste milieu libéral. En Prusse le juste milieu monarchique. En Autriche le juste milieu silencieux et immobile. Vous êtes des doctrinaires fastueux. Et votre destiné a peu de cours, même chez vous. De là votre isolement. On ne vous aime pas parce que vous êtes non seulement forts mais compromettants. On vous craint comme adversaires et comme alliés. Vous aviez une bien meilleure position à prendre. Vous pouviez rester étrangers et libres dans la lutte des principes. Mais la passion, et la Pologne vous ont jetés dans un camp, où vous serez seuls, excepté dans les jours de crise violente et générale, qui ne reviendront probablement pas de sitôt.
J’ai reçu ces jours-ci un singulier présent. Un homme, que je ne connais pas, dont je n’avais jamais entendu parler, qui vient, dit-il, du côté droit, m'a envoyé un volume manuscrit, intitulé : M. Guizot -1838, et qui n’est autre chose qu'une étude politique de mon caractère, de ce que j’ai fait ou dit de ma position passée et actuelle, avec des conseils sur toutes choses ; le tout spirituel, sensé, écrit quelque fois avec verve, et dans un sentiment dont je ne puis qu'être fort touché. Il s’appelle M. Des Landes, est d'une famille de marins bretons, doit être d'après quelques indications, déjà assez âgé, ne demande et n'attend évidemment rien de moi, pas plus dans l'avenir que dans le présent, et n'a voulu que me dire son avis en me témoignant son estime.
Si vos yeux vous le permettent, je vous le donnerai à parcourir. C’est écrit assez gros.
10 heures
Vous me reprochez de croire que j’ai toujours raison, et je vous ai dit hier qu'envers vous j'étais infaillible. N’avais-je pas bien pressenti et bien répondu ? Tant mieux, si je ne sais pas combien vous m'aimez. Vous me l'apprendrez, en novembre malgré votre incrédulité. L'incrédulité est de l'impiété. sur ce, Adieu, le meilleur des adieux. Le dernier vaudra encore mieux, car après le dernier viendra le premier, le premier depuis bien longtemps ! Adieu. Je vous disais des bêtises. G.
175. Val Richer, Vendredi 6 octobre 1854, François Guizot à Dorothée de Lieven
176. Bruxelles, Vendredi 1er décembre 1854, Dorothée de Lieven à François Guizot
176. Lisieux, Mercredi 31 octobre 1838, François Guizot à Dorothée de Lieven
J’ai amené hier mes enfants dîner ici. C’était un grand divertissement. Je vais les ramener à leur grand mère dont ils sont toute la vie. Elle est mieux. Le temps devient froid, ce qui lui vaut mieux que l’humidité continuelle. Vous avez beau dire. Nous partons lundi 5. Je vous verrai mardi 6 à 6 heures et demie. Et puisque vous ne voulez pas de mon espérance que nous serons heureux, j'accepte votre certitude. Je gagne au change. Plus de paroles, plus de discussion. De loin, c’est impossible. Je le sais comme vous. Et comment se taire quand on a tant à dire ? Vous avez l’esprit, et le cœur bien actifs, bien des choses s’y passent en une heure, en deux mois et demi. Mais soyez sûre qu’il s'en passe tout autant chez moi. Je vous défie toujours. Dans longtemps, bien longtemps d'ici, quand nous serons vieux vous me direz si j'ai gagné mon défi.
Je connais beaucoup George d'Harcourt. Je ne comprenais guère votre goût pour les bonnes manières de M. Harcourt qui n'en a ni de bonnes, ni de mauvaises et que j’avais trouvé très ennuyeux. George est en effet de manières fort agréables, spirituel sans bruit. Je n’aime pas le bruit.
Non certainement il n'est pas besoin d'être anglais pour être choqué d’une soirée de mariage au Gymnase. C'est le mal de ce pays-ci qu’on veut toujours s'amuser, et qu’on s'amuse de très petits plaisirs. Comme je vois beaucoup de Puritains, je passe ma vie à défendre l'amusement ; mais je vous livre celui-là. Et comme il faut finir par une injure, je vous dirai que la passion du petit amusement possède surtout à Paris, les étrangers. Ils se figurent qu’ils y viennent pour cela. Le Gymnase fait partie du tout.
Vous trouverez bien quelque chose de moi, dans la Revue française, mais rien sur Mad. de Broglie, son mari est occupé à rassembler quelques morceaux qu’elle a publiés. Il veut y joindre des fragments de manuscrits, et il m’a demandé de mettre en tête de ce volume une notice. Je garde pour cette notice ce que je voulais dire d’elle. Ne parlez pas de ce projet de volume. J'étais fort tranquille sur votre discrétion. C’est une de vos petites et charmantes vertus. Mais je tenais à rétablir les faits. Il y avait dans votre lettre un certain où aviez-vous pris plein de doute et d'humeur. Votre doute m'offense, votre humeur me chagrine. Prenez-en votre parti. Rien de vous ne m'est indifférent, & ce qui ne m'est pas indifférent m'est important.
Voilà le N°179 et on me dit que ma voiture est prête. Adieu. Me trouvez-vous fâché ? J’étais sûr que le billet de mon Henriette vous irait au cœur. Certainement, je le garde. Adieu, Adieu. Expliquez-moi comment il se peut que je trouve le temps à la fois lent et rapide d’ici à lundi. Chaque heure qui s’en va est un gain immense. Pourtant il y en a encore beaucoup à gagner. Adieu. Adieu. G.
176. Paris, Samedi 27 octobre 1838, Dorothée de Lieven à François Guizot
Adieu. Je commence aujourd'hui comme je n’ai pas voulu finir hier. J'étais en bien méchante humeur hier. Je le suis encore un peu aujourd’hui et cela me restera jusqu’à votre arrivée simplement, parce que je ne puis pas vous écrire toutes mes mauvaises pensées. Une fois celles là dites, mon cœur sera soulagé. Mais mon refrain restera toujours. L’année 38 ressemble bien jusqu'à 37 !
Il y a de drôles de passage dans votre lettre ce matin. Ils ne promettent pas un grand appui de votre part au gouvernement ! M. Molé est fort tranquille à ce qu'on dit. La Duchesse de Würtemberg va partir tout de suite pour Gènes où elle passera l'hiver. Elle est dans un état déplorable ! C’est un mélange de poitrine & d’intestins délabrés.
Le Roi est allé voir Mademoiselle Rachel hier. Je vous ai dit je crois, qu’au dire de Mad. de Talleyrand elle est fort médiocre. Lord Holland est venu me faire une longue visite hier matin. Nous avons parlé de toutes les affaires. Il est timide en politique. Il a bien plus de courage quand il est dans l'opposition. Il a été tendre et aimable pour moi et presque tendre en me disant adieu.
J’ai fait une tournée de visites avec Lady Granville. Fagel est venu me voir un moment avant ma toilette. Il a fort mauvaise opinion des affaires de son pays. J’ai dîné chez la Duchesse de Talleyrand avec le duc de Noailles, qui a l’air fort gai. Il reste à Paris ; on y revient. Le soir j’ai été passer une demi- heure chez Lady Granville. Il y avait une nuée d'Anglais dont je ne connaissais pas un. Lady Holland avait encore hier un petit rendez-vous avec M. Molé qui l’a singulièrement soignée. Il a bien fait & fort réussi. Ils partent ce matin et arriveront dans huit jours à Boulogne ! Je viens de faire une promenade aux Tuileries avec Lord Coke. Il me donnait le bras. Cela m’a fait du mal !
Adieu, le temps me paraît bien long !
Mots-clés : Politique (France), Réseau social et politique
176. Val Richer, Samedi 7 octobre 1854, François Guizot à Dorothée de Lieven
Cette irrégularité de me lettres me déplaît beaucoup, malgré les douces paroles qu’elle me vaut. Je ne vous veux pas ce surcroît d’agitation. Je ne sais qu’y faire Mercredi, en passant à Lisieux, je me plaindrai au directeur de la poste et j'accuserai l’inexactitude de mon facteur, probablement très innocent. On verra du moins que j'y fais attention.
Je reçois de trois points très différents, des lettres qui me montrent quel effet faisait la prise de Sébastopol et quel effet fera la méprise. C'est plus étourdi qu’il n’est permis. Le silence du Moniteur n’est pas une excuse suffisante. Pendant que le Moniteur n'affirmait pas, le gouvernement semblait croire fermement et accréditait la nouvelle de cent manières. Le même effet a été produit à Londres quoique le Duc de Newcastle ait été plus explicite dans ses assertions qu’il ne savait rien au delà de la petite lettre de Lord Raglan après la bataille de l’Alma. A présent, il faut que Sébastopol soit pris, et sans trop attendre. Vous me pardonnez mais il faut. Je parle Français.
Je ne crois même meilleur Français que Barbés malgré la grâce qu’il vient d'obtenir.
Barante m'écrit, dans la fois générale : " La supériorité mécanique d’une civilisation avancée, la régularité de l'administration et de la machine du gouvernement, et par dessus tout la supériorité financière ont donné à cette guerre un aspect nouveau. Ce qui avait été impossible par terre, il y a 40 ans, a pu s'accomplir facilement par mer. Ce n’est pas que je suppose une expédition dans l’intérieur de la Russie. Le but est atteint. Sébastopol était évidemment le point décisif. Maintenant que vont faire les vainqueurs et le vaincu ? Je doute que l'Empereur Nicolas se soumette aux conditions que nécessairement on lui imposera. Il serait, ce semble, plus raisonnable et plus pacifique d’exiger la suppression de toute marine militaire dans la mer Noire que y aller les flottes anglaises et françaises mais l’un et l'autre hypothèse ne seront sans doute pas acceptées par la Russie. Je suis curieux de savoir jusqu'à quel point l'opinion Russe poussera le blâme et le mécontentement, et de quelle façon, l'Empereur supportera l'adversité. Il ( Barante) m'écrit d'Orléans, où il est allé passer deux jours avec Madame de Talleyrand qui s'en retourne dans sa patrie allemande. " Elle se conserve merveilleusement, dit-il, et ne vieillit pas. Elle aime mieux sa vie princière et féodale de Sagan que le séjour de France.
Onze heures
Le courrier ne m’apporte rien. Adieu, Adieu. G.
Mots-clés : Circulation épistolaire, Civilisation, Conditions matérielles de la correspondance, Femme (politique), France (1852-1870, Second Empire), Guerre de Crimée (1853-1856), Marine, Nicolas I (1796-1855 ; empereur de Russie), Politique (Angleterre), Politique (France), Presse, Réseau social et politique
177. Bruxelles, Samedi 2 décembre 1854, Dorothée de Lieven à François Guizot
Lord Raghan a écrit (me dit-on de bonnes source) une lettre au Prince Menchikoff où racontant que de pauvres blessés Anglais auraient été massacrés par des officiers Russes, il lui dit ces mots : "Je désire savoir si vous êtes un Chretien et un homme, ou, un païen & une brute." Brute est fort. Voyez où l'on en vient dans une guerre aussi affreuse que celle-ci. On mande de Berlin que ma cour va envoyer une acceptation encore plus explicite et plus nette des quatre points, de sorte qu'il est difficile de concevoir comment on pourra repousser mais les Anglais répètent. We must have Sébastopol. Vos lettres sont pleines d’intérêt. Merci de me tout dire. Je n’ai que cela pour me faire prendre en patience mes misères de toutes sortes. Adieu. Adieu.
177. Paris, Dimanche 28 octobre 1838, Dorothée de Lieven à François Guizot
Certainement vous avez un mauvais caractère ou une mauvaise logique dans l’esprit. Vous vous fâchez de ce que je me fâche, et c'est vous cependant qui avez commencé par m'affliger ! Cela n’a pas le sens commun. Venez et nous raisonnerons sur ce sujet, et je vous prouverai que ce n’est pas moi qui ai tort. Laissons cela maintenant. Ce qu'il y a de plus clair dans notre fait, c'est qu'à distance nous finirions par nous brouiller et que c'est impossible, à jamais impossible, lorsque nous somme ensemble, n’est-ce pas ?
Le traité entre l’Autriche & l'Angleterre ne peut pas nous être agréable, je vous dis cela de mon propre cru. Je n'en ai parlé à personne, et je n’ai personne avec qui causer de ces sujets là. Pahlen n'y entend pas un mot et Médem n’est pas ici. Je trouve en général que notre politique est fort lâchement même depuis quelques temps, aussi nous trouvons nous aujourd’hui dans un parfait isolement.
10 heures. Mon fils vient de me quitter. Je reste affligé, et bien contente de lui. C'est un excellent garçon. Me voilà seule de nouveau sans personne qui m’aime ! Je m'en vais à l'église. Je n’ai rien du tout à vous conter sur ma journée d’hier. Je l'ai passée avec mon fils, avec un peu de mélange de Lady Granville. Adieu. Adieu, & encore adieu et toujours adieu. Si cela ne vous déplaît pas.
Mots-clés : Diplomatie, Relation François-Dorothée (Dispute)
177. Val-Richer, Jeudi 1er novembre 1838, François Guizot à Dorothée de Lieven
Nous entrons dans le honey-moon, n’est- ce pas ? C’est charmant de retrouver un honey-moon, toutes les fois qu’on se retrouve, et sans qu’il fasse tort aux moons qui suivent. Je me lève de bonne humeur, par un vent et une pluie épouvantables. Je défie qu’il y ait entre nous de pareils orages. Le soleil est toujours sur notre horizon. Séparés, nous ne le regardons pas toujours ensemble et au même moment, mais il y est toujours. Nous voilà des gens bien heureux, nous avons le soleil et la lune à notre disposition. Il y a deux pays que je voudrais voir avec vous, l'Italie et l’Angleterre, le pays du soleil et celui du brouillard. Je ne sais duquel nous jouirions, le plus vivement. Quel dommage que nous ne voyagions pas ensemble ! Dans la grande voiture de Châtenay. Je ne vous savais pas cette aversion pour les voitures, fermées.
A propos de voyage, lisez-vous dans les journaux les lettres de ces savants que nous avons envoyés chez les Lapons et les Samides ? Ils me paraissent décidés à réhabiliter le Spitzberg, et la bonne compagnie des Esquimaux. A les en croire, ils s'amusent parfaitement. Leurs plaisirs me gèlent. Nous plairions-nous là ? Je dis le Spitzberg nous plairait-il, non pas, nous plairions-nous l'un à l'autre dans le Spitzberg ? Ceci ne fait pas question. Je me suis quelquefois proscrit avec vous en Sibérie. Mais vous la trouviez trop uncomfortable, plus unconfortable que la maison de Pozzo. Vous me livrez la tournure et les manières de Lord Castlereagh et de Lord Jocelyn, et je vous en remercie. Mais quoique vous les avez trouvés très agréables, n’est-ce pas, et vous avez causé avec eux très volontiers, bons ou mauvais principes. Je vous le pardonne. Mon estime pour les Anglais est devenu du goût, un goût sérieux mais affectueux. Obtenez seulement qu’ils ne se donnent pas tant de peine pour être frivoles.
Que cède-t-on aux Belges sur l'argent ? Car je suppose qu’on leur cède quelque chose puisque les cinq Puissances sont d'accord. Je trouve l’adresse des Etats Généraux belle. Cette ferme adhésion d'un peuple à son Roi, dans une question dont pour son compte. le peuple se soucie peu, mais qui est pour le Roi une question d’honneur, me plaît infiniment. Il sert toujours à quelque chose d'avoir été grand. Les Hollandais l’ont été. Depuis longtemps ils sont bien déchus. Dans tout le 18e siècle, leur politique a été pitoyable, sans dessein, sont consistance, sans dignité, sans autorité ; mais de temps en temps Jean de Witt se redresse et élève la tête hors de son tombeau, comme Farinata degl' Uberti dans l'Enfer du Dante.
J’ai fini hier mes plantations. A forces de vouloir m’y intéresser, j'en viens un peu à bout. Je suis pour le bonheur solitaire comme les Anglais pour la frivolité. Pourtant, je me trémousse. moins. Je me persuade quelque fois que je tiens vraiment à ce que je fais avec cette terre et ces arbres. Mais quand je rencontre quelqu’un qui y tient réellement et de cœur, je me reconnais de glace et je m'humilie. Avant-hier, ma mère m'a querellé parce que j’avais laissé mettre où l'on avait voulu des cerisiers qu’elle voulait ailleurs. Un c'est que cela m'est égal à failli m'échapper. Je l’ai retenu à temps. Si Dieu m’avait laissé mon fils, rien ici ne me serait égal. Que de projets j’avais formés, commencés ! Je les discutais avec lui ; puis, je les lui remettais absolument, sans réserve. Il faisait faire seul, à son gré. C'est charmant de se décharger sur son enfant de tout soin, de toute affaire, de se reposer en le voyant agir, décider, ordonner, vivre en maître et pour son compte, comme il vivra quand on n'y sera plus. Mon fils était si libre avec moi, et si tendre ! Il s’appartenait bien tout entier à lui-même, et il venait sans cesse à moi. Pardon, Pardon ce que je me laisse aller à vous dire là, je me permets bien rarement de me le dire à moi-même. Pardon.
9 h. 3/4.
Oui, nous avons abusé de l'adieu. Nous approchons du dernier. Adieu pourtant. J’aime mieux l'autre. G.
177. Val Richer, Lundi 9 octobre 1854, François Guizot à Dorothée de Lieven
Je vous écris encore aujourd’hui et demain. Et puis, je vous verrai, ce qui sera charmant. Je n’ai plus de goût à vous écrire. Il me semble que je ne vous ai rien dit du tout depuis six mois. Je me reposerai Jeudi à Paris, où je ne trouverai personne que l'Académie, et je partirai vendredi matin, par le convoi de 7 heures, pour être avec vous à 2 heures. Je vous quitterai le Vendredi suivant 20, à 3 heures, pour passer le samedi à Paris, et être ici, dimanche matin 22. Dieu veuille ne rien déranger à ces arrangements ! Le plus sensible effet, pour moi, de la vieillesse c’est un sentiment permanent d'insécurité. Rien ne change plus en moi, et tout chancèle ou s'écoule autour de moi. C'est lorsque, au dedans, j’ai atteint le point fixe, qu’au dehors tout me semble incertain. Contraste étrange, et qui serait très douloureux, si la foi, et l'espérance en Dieu n'étaient pas au bout. Ne soyez pas malade, je vous en prie.
Je crois aussi que Sébastopol sera pris. Evidemment, vous ne vous êtes attendus nulle part à ce qui vous arrive. Vous n'avez été prêts nulle part. C'est insuffisance, j'en suis convaincu, autant qu'imprévoyance. Pour agir, vous avez trop d’espace à parcourir, et à remplir. La tête est trop faible et les bras sont trop courts pour un si grand corps. On imputera tout à votre Empereur, et ce sera injuste ; la faute est autant à l'Empire qu'à lui même vous êtes un état disproportionné ; il y a, entre l'étendue matérielle, et la force sociale, une inégalité énorme, et qui se révèle quand vous trouvez en présence d'Etats plus complets et plus harmoniques à l’intérieur ; comme il arriverait à un corps aux trois quarts creux et vide qui viendrait à se heurter contre un corps plein.
Le rapport du Maréchal St Arnaud sur l'Alma ne m’a point plu. Le canon vaut mieux sur le champ de bataille qu’en paroles, depuis vingt ans que je ne vais plus au spectacle, j’ai perdu l'habitude des poses et des phrases théâtrales. Mentchikoff est inconvénient. Lord Raglan est loué, comme l'aurait loué M. de Lamartine. Il me reste dans l’esprit que les Anglais sont arrivés un peu tard dans la bataille, et que c'est le général Bosquet qui l'a gagnée. Il y a évidemment beaucoup d’entrant, dans les troupes alliées.
Onze heures
Je ne puis pas dire pauvre homme ! C'est une belle mort, annoncée par lui-même, dans les dernières lignes de son rapport sur la bataille qu’il a gagnée. Le maréchal de Villars disait du Maréchal de Boufflers tué d’un boulet de canon, cet homme là a été toujours heureux ; moi, je mourrai dans mon lit comme un vilain de maréchal St Arnaud a presque dit la même chose en partant. Il a été heureux aussi.
Adieu, adieu. G.
Mots-clés : Académie des sciences morales et politiques, Armée, Diplomatie (Russie), Discours du for intérieur, Femme (santé), France (1852-1870, Second Empire), Guerre de Crimée (1853-1856), Nicolas I (1796-1855 ; empereur de Russie), Politique (Russie), Relation François-Dorothée, Santé (Dorothée), Vieillissement
178. Bruxelles, Dimanche 3 décembre 1854, Dorothée de Lieven à François Guizot
J’ai toutes vos lettres inclus celle de hier. Tout ce que vous me dites, je me le dis mais je me sens si malade que je crains que le remède n’arrive que lorsque je ne pourrai plus m'en servir. Au reste j’ap prouve que vous ne pressiez pas M.
J’ai eu une longue lettre de Meyendorff, en grande irritation contre les Anglais. En grande douceur pour les Français ; maître et public, et soldat tous sont doux. Il ne me dit pour vous. pas un mot d'espérance de paix. On est triste à la cour mais bien résolu à tous les sacrifices pour continuer la lutte.
Greville m'écrit une énorme lettre, révolté des atrocités que nous commettons sur les blessés. Il a raison si c’est vrai. Raglan & Canrobert ont réclamé au près de Menchikoff, il n'a répondu qu'à Canrobert. Sans doute parce que la rédaction de celui-ci lui aura semblée plus civilisée que celle de l’autre. L'Angleterre ne demeure, voulant tout donner, hommes & argents ne craignant qu’une chose, que le gouvernement n'en dépense pas assez. Enfin on est fou. Les quatre points c'est de l'eau claire. Il n'y a que le roi de Prusse qui puisse avaler cette plaisanterie. Voilà la lettre.
J’apprends la triple alliance offensive & défensive avec l’Autriche. Comme cela devient gros ! Il y a des jours où je ne vois personne, comprenez-vous ce que devient ma pauvre tête alors ? Je regrette mon bonheur de huit jours, passé. Si je l’avais à présent. Si j'avais un ami. Remerciez bien M. Guillaume de la peine qu'il a prise. J'en suis confuse. Adieu. Adieu.
Nous croyons avoir tout prévu le 20 oct. quand vous m'avez quittée.
Mots-clés : Circulation épistolaire, Conditions matérielles de la correspondance, Correspondance, Diplomatie (Russie), Femme (diplomatie), France (1852-1870, Second Empire), Guerre de Crimée (1853-1856), Politique (Angleterre), Politique (Autriche), Politique (France), Politique (Prusse), Réseau social et politique
178. Lisieux, Vendredi 2 novembre 1838, François Guizot à Dorothée de Lieven
Je vous écris debout, auprès de ma fenêtre, avec trois personnes dans ma chambre, certains attendent en bas dans le salon. C'est mon dernier séjour ici : on se presse. Deux choses dominent en province, les intérêts privés et l’ennui. On me trouve bon pour l'un et l'autre mal. Je ne suis bon à présent qu’à une chose, à désirer mardi. L'impatience de vous revoir m'envahit. Ma solitude de deux mois et demi pèsera tout entière sur chaque moment jusqu'à ce que je vous aie retrouvée, vue, entendue, à côté de moi, devant moi, bien près de moi. Si les trois personnes qui sont là, et qui m’interrompent savaient quel sentiment me tient et ce que j'écris, elles seraient bien étonnées. Soyez, soyez impatiente. Soyez-le autant que moi. Il me le faut absolument. Je vous écrirai encore demain et après demain, mais lundi, non, ce sera moi qui partirai. Vous m’écrirez aussi Dimanche pour la dernière fois.
Il a fait cette nuit un temps épouvantable du vent, de la pluie, de la grêle avec fracas. Et au milieu de ce fracas, la sonnerie de toutes les cloches de la ville pour la fête de la Toussaint. Tout cela m'a éveillé, comme de raison. J’ai pensé à vous; je n'ai plus rien entendu. Il y avait une chanson où un pauvre jeune conscrit partant pour l’armée disait à sa maîtresse, Charlotte, je crois. Les cent voix de la renommée de ta voix n'ont pas la douceur. Je dis bien mieux, votre voix, votre seule pensée couvre toutes les voix de la renommée, des cloches, de l'orage. Adieu. Adieu.
Je retourne à mes ennuyés. Adieu. G.
Ma mère était bien hier. Je repars dans une demi-heure pour arriver avant le déjeuner. J’ai Mad. de Meulan avec moi. Elle était invitée à ce dernier dîner. Voilà mon courrier. Pas de lettre. Pourquoi ? J’ai le cœur bien serré. Adieu encore. G.
Mots-clés : Autoportrait, Relation François-Dorothée
178. Paris, Lundi 29 octobre 1838, Dorothée de Lieven à François Guizot
Vraiment vous êtes étrange ! Selon votre lettre, il faudrait encore que je vous remercie de venir huit jours plus tard que vous ne m'aviez solennellement promis, et cela parce que il pouvait se faire que vous ne fussiez venu que 6 semaines après ? à ce compte surement je puis me promener de remerciements en remerciements et passer ma vie sans vous voir. J’aime la foi dans les promesses. Vous ne devez pas m'en faire, ou ne pas les rompre. Celles que vous me faisiez l’année dernière vous les teniez. Cette année ci tout a été de travers et sans le jury. Depuis juin jusqu’en novembre, je ne vous aurais pas vu une fois. et vous verrai je en novembre ? Croyez-vous que j’y crois. Il se peut que je vous dise là une chose dure, mais si vous y pensez bien vous trouverez que je n’ai pas tort. Seulement ce qui vous arrive à vous, c’est de croire que vous avez toujours raison surtout de loin ; ce qui vous arrive encore c’est de ne pas savoir combien je vous aime ! Vous voyez bien, je ne voulais pas entrer en discussion sur ce retard. Et me voilà engouffrée dans des explications sans fin et qui ne mènent à rien, car rien ne mène quand on est loin. Il faut être ensemble. Et voyez encore la différence entre vous et moi. Je vous ai dit, je vous répète. Quand nous nous serons tout dit, nous serons bien heureux. Vous modifiez cela, & vous m'écrivez aujourd'hui j'espère que nous serons heureux. C'est un bien vilain mot que vous avez tracé là Monsieur, et je suis bien aise d'avoir mis Monsieur pour vous le reprocher.
Voilà votre mère souffrante, si elle le devenait davantage n'aurez-vous pas à vous reprocher de ne pas être à Paris avec elle. Je vous prie de m'en parler tous les jours. M. Verny a fait hier un excellent discours, qui m’a fait du bien. Je mènerai Lady Granville à l’église un jour pour l'entendre. Le temps a été affreux. J’ai fait des visites entre autres à Mad. de Stackelberg. Elle avait marié sa fille la veille ; savez-vous ce qu'ils ont fait après la cérémonie ? Les mariés & toute la famille ! Ils sont allés au gymnase voir de méchantes pièces. Sans être Anglais, il me semble qu'on peut être choqué de cela.
J’ai vu beaucoup de monde hier au soir. On est resté dans la mauvaise habitude de l'été, dont je voudrais bien désaccoutumer mes amis, c’est de faire foule le dimanche & le jeudi. je n' y ai aucun plaisir, il n'y a pas de causerie possible. La princesse Schwaremberg qui était chez moi entre autres, est certainement extrêmement jolie ; elle a frappé tout le monde. Avec cela elle est animée, spirituelle. Savez-vous que la petite princesse était de mauvaise humeur ! Car même mon ambassadeur lui a été infidèle. Le George d’Harcourt dont je vous ai parlé est le vôtre. Vous devez l'avoir vu souvent chez Madame de Broglie. C’est lui que je trouve bien, et non le sot mari de Lady Elisabeth qui est le plus ennuyeux personnage du monde.
Avez-vous fait attention à l’adresse des états généraux en Hollande ? Je ne crois pas qu’elle facilite la conclusion de l’affaire belge. Jamais ils ne se sont montrés plus dévoués et plus fiers. Je serai impatiente de la revue française.
A propos, je n’ai point dit à M. de. Broglie que c’était de vous que j’avais appris qu'on l'attendait en Normandie. Jamais je ne cite. C’est mon habitude et une très bonne habitude. Ce qui fait que je n'ai jamais fait un paquet. il n'y a que vous à qui je dise tout, cela va sans dire. La cour toute entière va à Fontainebleau pour conduire jusque là la duchesse de Würtemberg. On y passera quelques jours. J’ai vu hier Mad. la Duchesse d’Orléans à l’église. Elle est selon moi, parfaitement laide.
Adieu, répétez moi, que c’est bien mardi le 6 que je vous verrai afin que j’essaie de me réjouir. J'écris aujourd’hui à Toukowsky pour lui demander l'itinéraire. C’est hopeless de l’attendre de mon mari.
Adieu, adieu, adieu. Dites-moi de bonnes, de douces paroles. Je n’aime pas du tout votre dernière lettre. Adieu.
178. Val Richer, Mardi 10 octobre 1854, François Guizot à Dorothée de Lieven
Vous n'aurez aujourd’hui que quelques lignes ; j’ai une multitude de petites affaires, et pas la moindre envie de vous écrire. Il me revient seulement dans l’esprit qu’en rappelant hier un mot du Maréchal de Villars, je l’ai attribué à la mort du Maréchal de Boufflers ; c’est du Maréchal de Berwick que je voulais dire. Je me corrige pour l’honneur de ma mémoire. Je reste très frappé de la mort du maréchal St Arnaud. Pas même le temps de retourner mourir à Constantinople, où sa femme était venue avec lui et restée à l’attendre, je crois. Mourir en mer, en vue de Sébastopol ! Il a fallu certainement une grande énergie pour vivre jusque-là vivre à cheval et gagner une bataille avec le choléra dans le corps.
Si j’ai le temps, je vous écrirai un mot Jeudi de Paris, qui devra vous arriver Vendredi vers 9 heures du matin. Ne vous inquiétez pas en voyant venir une lettre ; cela ne voudra pas dire que je ne viens pas. Et ne vous inquiétez pas, s'il ne vous en vient point ; cela voudra dire seulement que le temps m’a empêché. Mon indicateur des chemins de fer me dit que le train qui part de Paris à 7 heures du matin arrive à Bruxelles à 2 heures 35 minutes.
Onze heures
Lord Lansdowne devrait avoir raison ; la chute de Sébastopol devrait mettre fin à la guerre. Nous verrons. Je ne vois rien dans les journaux, et je n'ai de lettre que la vôtre.
Adieu, Adieu. G.
179. Bruxelles, Lundi 4 décembre 1854, Dorothée de Lieven à François Guizot
J’ai vu beaucoup de monde hier. Conversation peu satisfactory. Wring l’Autrichien très content & très glorieux. Il faut non seulement Sébastopol, mais garder la Crimée toute entière, & Ismail à l'embouchure du Danube. Si on nous avait battu dans 10 batailles. On ne serait pas plus arrogant. Le prussien est renversé de l'accusation de l’Autriche à l'alliance occidentale. Il ne s’y attendait pas si vite après l’arrangement de la Prusse avec l’Autriche. Il y a des gens qui s'obstinent à voir dans tous ces dénouements diplomatiques des acheminements à mes négociation de paix. Si on la veut à la façon de Wring cela n’est pas possible. Mais Lord Howard aussi me parle d’Ismail par dessus Sébastopol. (la forteresse d'Ismail commande l'embouchure du Danube).
On est fou en Angleterre ; j’ai vu hier le comte Caroli revenant de Londres. Il dit que c’est de la démence et dans toutes les classes. Haine & vengeance. Les seules paroles douces & convenables que j’entends me viennent de votre Ministre, à Pétersbourg même langage, pour tout ce qui est France & Français.
Ici on me parait charmé de voir l’Allemagne tellement engagée avec l’occident. On va dormir tranquille. Quand dormirai-je, moi ? Vous ne vous figurez pas mon désespoir par moment. Ma tristesse toujours. Adieu. Adieu.
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179. Paris, Mardi 30 octobre 1838, Dorothée de Lieven à François Guizot
Rien de plus touchant que ce petit billet d’Henriette. Comme vous devez aimer cet enfant. Je vous renvoie le billet, vous le conserverez. Le temps a été charmant hier. J'ai marché un peu à différentes reprises mais je n’ai pas été au bois de Boulogne. C'est loin, & la voiture fermée m'ennuie horriblement.
J'ai dîné chez Lady Granville. Au milieu du dîner sont entrés quelques jeunes anglais qui se croyaient encore à Londres où il est élégant d'arriver trop tard. Vraiment leur tournure étaient incroyables, l’un surtout, Lord Castleragh qui a cependant beaucoup d'esprit mais il faut franchir des diamants, des turquoises des cheveux touchant sur ses épaules, des choses étonnantes, et un peu de folie dans ses propos. L’autre, Lord Jocelyn, je ne le connaissais pas du tout, mais comme je suis anglaise. Il s'est mis tout de suite à son aise avec moi et nous avons parlé bons principes, car toute cette jeunesse, est Tory.
Il parait qu'on ne se pressera pas à Londres de donner un successeur à Lord Durham. Je crois que Lord Glendy va quitter. Il sera sans doute remplacer par Lord Morpette ou M. Baring. On espère que le soutien si unanime que les états généraux accordent à leur roi disposera Léopold à modifier ses prétentions, car il comptait que les Hollandais se montreraient mécontents. Il serait donc possible encore que les chose s’arrangent. Les cinq puissances sont d’accord entre elles & n’attendent plus que les réponses de la Haye & de Bruxelles. Léopold va à Fontainebleau & delà il retournera chez lui. On ne pense pas cependant que la cession territoriale à la Hollande s'opère sans quelque petite tentative de combat.
Que vous êtes patient de relire mes lettres vous m’apprenez que je suis sagace, je ne savais plus du tout ce que je vous avais dit dans le temps sur Lord Durham. Pour moi c’est autre chose, je relis vos lettres comme plaisir, comme étude. Elles sont admirables. Vous serez vous fâchée de celle que je vous ai écrite hier. Je n'en sais rien, mais vous auriez tort, il faut absolument parler de ces choses-là, mais jamais les écrire, je ne devais pas le faire peut-être ; mais ce n’est pas moi qui ai fourni l'occasion Enfin c’est fini ou plutôt ce sera fini le 6.
Voici un beau soleil, il ne faut pas que je le manque. Je m’en vais marcher. 2 heures Je rentre très fatiguée, je ne me sens pas bien, j’ai dormi mal d'abord, et puis ensuite lourdement. Je suis ce qui disent les Anglais out of sorts. Je n'ai jamais su d'où venait cette expression. Je lis toujours Sully avec plaisir. Adieu. Adieu, pas de lettres, pas de nouvelles. Adieu.
