Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


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Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer Jeudi 21 août 1851

J’ai sur le cœur votre chagrin, je ne veux pas dire votre injustice de Vendredi dernier 15. Ne croyez donc jamais qu'aucune dissipation comme vous dîtes, ni aucune affaire puissent me détourner de penser à vous. Je ne serai content que lorsque je saurai que vous avez eu ma lettre. J'espère bien le savoir demain.

Duchâtel m'écrit qu’il part pour Londres, hier soir. J’irai probablement le retrouver chez Grillon, où il va se loger. Il me dit : " Paris est désert. Les renseignements de tous les points de l’horizon s'accordent à dire que la candidature du Prince de Joinville prend assez vivement. On assure que le président et ses ministres en sont inquiets. Il se pourrait que ce coup d'éperon déterminât le président à agir. Le mouvement que les Montagnards se donnent peut lui faire beau jeu. "
Je ne crois pas beaucoup aux inquiétudes du Président sur la candidature du Prince de Joinville, ni à ses velléités d’agir. A en juger par ce qui m'entoure et ce qui me revient le travail pour cette candidature est plus vif qu’efficace ; il créera une petite scission dans le grand parti conservateur ; pas grand chose de plus. Sur les côtes seulement, la faveur est réelle pour le prince de Joinville. Dans les terres, les campagnes restent pour Louis Napoléon. Si, l’intrigue pour créer, au Prince de Joinville, un parti dans la Montagne réussissait, c’est alors que commencerait le danger. Il ne paraît pas que jusqu'ici, l’intrigue réussisse. Les Montagnards hésitent toujours entre Ledru Rollin et Carnot.
Autre sorte de nouvelles que me donne Duchâtel. " Les Régentistes vont à Londres pour le 26. Rémusat est parti hier. A propos de Rémusat, saviez-vous qu’il vivait intimement avec une Mad. Fagnères l'ancienne maîtresse de Martin du Nord ? Je devais aller aujourd'hui à Champlâtreux. M. Molé me fait écrire qu'il est au lit avec la fièvre. " Vous avez tout ce que j'ai.
J’ai un mot du duc de Noailles, de Maintenon. Il regrette fort de ne m'avoir pas trouvé à Paris. Je lui ai écrit que j'y passerais le 24 ; mais il n’avait pas encore reçu ma lettre. Il attend impatiemment votre retour. Il y a, dans votre lettre du 13, une parole qui me plaît, parmi d'autres. Vous me dites que vous aurez fini dans dix jours, c’est-à-dire le 23 ou le 24. Vous partiriez donc le 25 ou le 26, et vous seriez à Paris le 28 ou le 29. Ce serait à merveille. Je me crois sûr que je partirai de Londres le 29 pour être à Paris le 30.
Je suis fâché que vous ne receviez pas la feuille jaune, le courrier de Paris. Vous y trouveriez sur les auteurs des Correspondances de l’Indépendance Belge et sur les dessous de cartes de ces correspondances, des détails qui vous amuseraient. La coterie Régentiste se donne beaucoup de mouvement de ce côté là. Je ne vois toujours pas clair sans Changarnier. Il a bien de l'humeur de la candidature du Prince de Joinville ; mais je le trouve bien timide à la témoigner.
11 heures
Enfin vous avez ma lettre. Je maudis comme vous les postes allemandes, quoique j'en aie moins souffert que vous. Ce ne sont pas elles qui reçoivent vos lettres. Ce mauvais effet d'Ems me contrarie beaucoup.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer. Mercredi 13 août 1851

10 heures
Vous n'aurez que deux lignes. Je suis arrivé ce matin. J’avais très mal dormi la nuit, en voiture. Je me suis endormi ici, dans mon fauteuil, et je me réveille au moment où le facteur arrive et demande mes lettres. A demain la conversation, car il y a de quoi causer mais point de nouvelles à dire.
J’ai vu Molé, Berryer, Duchâtel, Montebello, Montalivet, Valmy, Vitet, une heure avant de quitter Paris. Je vous dirai dans deux jours avec précision mes arrangements de voyage à Londres, pour que nous puissions les faire cadrer avec vos arrangements de retour à Paris. En tout cas, je repars d’ici le 23 au soir, et de Paris le 24 au soir pour être à Londres le 25 et à Claremont le 26. C'est très ennuyeux de vous écrire pour que vous n'ayez pas mes lettres. Il n’y a personne au delà du Rhin à qui j’aie envie d’écrire. Adieu, adieu.
G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Schlangenbad le 8 août 1851

Je pense bien à la désagréable. situation que vous fait cette sotte conduite de Claremont. Evidemment la fusion qui devrait être le salut de la France en sera le fléau. c.a.d. que la division éclatant chaque pas, il faudra bien deux bannières. Eh bien ce qu’il y a de mieux à faire, c'est de ne s'en plus mêler. Vous irez à Claremont pour la messe funèbre, dites-là la vérité pour la dernière fois, & souhaitez leur le bonjour. Et puis restez tranquille. Qu'ils fassent leurs affaires à leur façon cela ne peut pas être la vôtre. J’espère que la France restera comme elle est plutôt que de retomber aux mains de ces Princes gamins. Je suis convaincue que tel est aussi le sentiment de l’Europe. C’est toujours la lettre de Duchâtel qui m'a mis dans ce train là, car hélas vos lettres il y a bien longtemps que je ne les connais plus. Je suis impatiente d’arriver à Francfort pour tout vérifier.

7 heures. Voici enfin deux lettres le 3 et 4. Le 31 juillet & le 2 août me manquent. Où sont elles ? Vous serez donc à Paris après-demain, & lundi & Mardi. Sans moi, je ne le comprends pas. Arrangez votre course à Londres de façon à être à Paris le 2 ou le 3 septembre j'y serai certainement alors. Vous donneriez bien quelques jours à l'exposition. Ou bien voulez-vous que je revienne plus tôt ? Je puis abréger. J’attends Constantin après le 20. Ici ou autre part. Le 9 samedi. Vraiment je suis toute malade, ma pauvre tête, je ne sais qu'en faire. Je viens de prendre une médecine il fallait me donner cela plutôt. A 4 heures je vais à Francfort mauvaise condition pour reprendre mon rôle de courtisan. Adieu. Adieu.
Vous me direz des nouvelles de Paris. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer. Lundi 21 Juillet 1851
6 heures

J’avais oublié de vous dire que vous auriez d’Haubersaert. Il était venu me voir en passant à Paris, venant de Vichy et allant à Ems. Il avait eu Salvandy à Vichy ; il allait trouver Duchâtel à Ems et se félicitait de l'échange. Salvandy est certainement un des hommes qui gâtent le plus d’excellentes qualités d’esprit et de cœur à force de ridicule.
Qu’entendez-vous par original ? Duchâtel l'est en effet et tout le monde, l'est, plus ou moins, comme vous dites. Mais je suis assez curieux de savoir si votre impression sur lui, (Duchâtel) maintenant que vous le connaissez bien est la même que la mienne. Je le suppose.
Vous dites vrai ; vous avez beaucoup de goût à tout ce qui a l’air royal. Par un sentiment fort naturel ; le monde royal est votre patrie, votre enfance, votre jeunesse presque toute votre vie. Je trouve seulement que vous en êtes quelquefois trop facilement et trop exclusivement charmée. Vous savez que nous nous disons tout. C'est peut-être une petite jalousie de ma part, moi qui ne suis pas Roi.
Marion a trop d’esprit pour ne pas dire Monseigneur à un Prince. Si j'étais républicains, je n'y manquerais certainement pas. Il y a bien plus de fierté à ne pas se soucier des titres qu'à s'en souvenir pour les contester. Est-ce que Marion, homme, se serait crue obligé d'entrer dans le salon de Washington le chapeau sur la tête ? Il y avait de bons américains qui faisaient cela, superbement. Je suis décidé à ne pas me figurer Marion le chapeau sur la tête.
Ma solitude est finie ; voilà M. de Witt qui m’arrive, et Pauline sera ici samedi matin avec son mari. Ma petite fille va beaucoup mieux mais or la retient encore quelque temps à Paris. Onze heures Je m'étonne que vous ne vous souveniez pas du baron de Rendoff, vous qui vous souvenez de toute la diplomatie européenne. Un assez grand et gros homme avec une énorme brochette de croix. Il avait été ministre de Portugal à Berlin, et il l’était bien effectivement à Paris, au moment de la révolution. Voilà donc la révision votée, c’est-à-dire rejetée, à demain les commentaires. Mon facteur est arrivé tard et mon déjeuner m'attend. Adieu adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Mardi 15 Juillet 1851

A toutes les perfections que possède Auguste, je voudrais bien qu’il ajoutât celle de bon cuisinier. Je n’ose vous dire de faire comme moi, quand le mouvement de bile se prolonge ; une petite, très petite pilule de très peu d'opium. Il ne faut pas jouer avec l'opium ; n'en prenez jamais que sur l’ordre d’un bon médecin en qui vous ayez confiance. Mais pour moi, la diète et une ou deux pilules mettent fin sûrement à cet ennui
Vous avez toujours eu l’esprit que vous avez. Mais vous en faisiez un usage très exclusif, la vie du monde et votre diplomatie Russe. Hors de là, vous ne pensiez à rien. Depuis vous avez découvert de nouveaux mondes. Vous en découvrez encore ; témoin M. de Maistre. Vous êtes, en tout, très exclusive, ce qui est singulier, étant très impartiale. Et ce qui est encore plus singulier, c’est que vous êtes beaucoup plus impartiale pour les personnes que pour les choses. Vous rendez volontiers justice à toutes les personnes, n'importe lesquelles. Mais pour les choses vous dédaignez souverainement, ou vous ne voyez pas du tout celles qui ne rentrent pas dans vos habitudes et dans vos goûts de tous les jours.
J'ai reçu hier tous mes journaux, sauf les Débats qui, j'espère bien ne me manqueront pas aujourd’hui. Je n’y trouve rien d'important si ce n'est les trois élections qui viennent d'avoir lieu pour l'assemblée ; toutes trois Elyséennes, et deux en remplacement de deux rouges. C’est un symptôme remarquable. L’abstention systématique des légitimistes et des rouges est remarquable aussi. La loi du 31 mai en est bien atteinte. Dans une élection générale, l'abstention n'aurait certainement pas lieu ; mais de graves désordres la remplaceraient. Il faudrait un gouvernement bien fort pour faire pratiquer en paix un système électoral qui rencontre une si forte opposition. Un autre fait qui mérite d'être remarqué, c’est la guerre déclarée, dans le soin du parti légitimiste entre l'Union, et l'Opinion publique, le journal de Berryer, et celui de M. de St Priest. Le Duc de Lévis doit être désolé. Il employait tout ce qu’il a d'influence à prévenir l'explosion de la scission. La scission n’ira pas jusqu'à brouiller les individus ; mais elle troublera la marche du parti. Ni uni, ni divisé ; c'est le caractère du temps, et le symptôme d’une transformation.

10 heures
Sachez donc une fois pour toutes, je vous en prie, que toutes vos lettres sont intéressantes pour moi. Mon bulletin de l'Assemblée à la fin de la séance du 14, me dit. " M. de Falloux vient de parler avec un grand talent, beaucoup d'élévation et d'habilité. Il a franchement arboré le drapeau de la fusion. L'assemblée est restée froide. Nous ne sommes pas encore compris. M. de Falloux a répondu très heureusement au mot de M. Thiers : " la république est le gouvernement qui nous divise le moins. " - " C'est le gouvernement, a-t-il dit, qui nous tient divisés, puisqu'il, nous permet de rester divisés." - Le discours a été court sans être écouté. La force physique manquait. " Ceci vous arrive par un long détour. Je vous l'envoie pourtant. J'aurai un bulletin tous les jours ; les impressions intérieures de l'Assemblée. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Paris, Mercredi 9 Juillet 1851
8 heures

Les journaux vous apportent le rapport de M. de Tocqueville. Tout a marché plus vite qu'on ne croyait. Il n’en sera probablement pas de même du débat. 55 orateurs inscrits, sans compter les incidents ! Le Président ne posera pas sa candidature à la présidence de la République plus clairement que M. Od. Barrot n'a posé la sienne à la Présidence du Conseil du Président réélu.
J’ai éprouvé tout à l'heure, en lisant ce rapport une singulière impression de surprise et de malaise. J'attendais toujours qu’il parlât des deux questions auxquelles le sort de ce pays est suspendu, la question socialiste et la question monarchique. Qui dominera dans notre société le haut ou le bas de la population ? Dans quel gouvernement s’arrêtera la France, la République ou la Monarchie ? Voilà de quoi il s’agit vraiment, et de cela presque pas un mot. Tout cela est renvoyé à l'assemblée constituante qui viendra, si elle vient. La crainte de la réélection inconstitutionnelle du Président et la mauvaise organisation constitutionnelle de la République, voilà les motifs dominants, et seuls développés de la révision ! Je ne connais pas de plus forte preuve de l'ineffable timidité et faiblesse des esprits et des cœurs. Il me paraît impossible que le débat public ne pousse pas plus avant. Qui sait pourtant ?
Voilà votre lettre de samedi. J'espère que nous avons ressaisi le fil et qu’il ne se rompra plus. L'absence est déjà beaucoup trop ; mais le silence dans l'absence est insupportable. Je suis content que vous soyez contente d'Ems. Et très content de ce qu'on vous a dit à Bruxelles. Cela confirme la lettre d'Aberdeen. Je n'espère que de ce côté-là un peu d'influence sur Claremont. Il se peut qu’on se soit trompé ici sur l'effet produit là par la lettre du comte de Chambord au moment du vote sur la proposition Créton, et c'est grand dommage. Pourtant, je doute beaucoup de ce qui serait arrivé, si le vote eût été autre. Les bonnes intentions auraient-elles suffi pour résister au courant ? Je n'ai rien de plus. Je suis resté chez moi avant-hier et hier soir, un peu souffrant. Cela passe. Moi aussi j'ai besoin de sortir de Paris et de changer d'air.
Dans son discours à Beauvais, le Président, en parlant de Jeanne d'Arc et de Jeanne Hachette, a dit, et trés vivement : " Elles marchaient en avant aux cris de vive le Roi ! Vive la France ! " Vous jugez de l'effet. Les Ministres ont retranché, cette phrase dans Le Moniteur. Adieu. Adieu. J’ai ce matin chez moi, à midi, le baptême des mes deux petites-filles. Je vais faire ma toilette. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Paris, Mardi 8 Juillet 1851

M. Vitet et M. Moulin sont venus hier à 5 heures. L’un quittait le Gal Changarnier ; l'autre sortait de le Commission de révision où le Rapport de M. de Tocqueville venait d'être lu. Rapport pas trop républicain. La république est encore le seul gouvernement possible ; il faut en prolonger l’expérience, mais ne pas prétendre y lier définitivement le pays. Il est le maître de choisir le gouvernement qui lui convient, et l'assemblée constituante sera la maîtresse d’exprimer comme elle l’entendra, le vœu du pays. On ne peut limiter, ni la souveraineté nationale, ni le pouvoir constituant. En attendant, il faut observer strictement la légalité, seul frein qui subsiste encore, et la faire observer, à tous ceux qui voudraient la violer.
Le ton du Rapport est triste, très triste, connu d’un homme sans confiance dans les gouvernements qu’il préfère et dans le pays qu’il invoque. Les Montagnards s’en sont montrés surpris, et mécontents. Le Gal Cavaignac a dit à M. de Tocqueville : " C'est le moins de mal que vous ayez pu dire de nous. " selon M. Charras, c’est de la métaphysique bien vague ; il faut du temps pour la comprendre. "
Ils ont demandé, l'impression immédiate du Rapport pour eux seuls et du temps. Ils le discuteront aujourd’hui et demain. On croit qu'il ne sera déposé que jeudi, et que le débat ne commencera que le jeudi suivant 17. Après la séance de la Commission les révisionnistes se sont réunis chez le duc de Broglie pour arrêter la liste des orateurs qui doivent parler et s'inscrire pour la révision. M. de Montalembert très ardent, poussant tout le monde à parler ; ce qu’il faudrait, dit-il, ce serait que les 233 membres, qui ont signé pour demander la révision, s’inscrivissent pour la soutenir. Il s'est plaint du rigorisme excessif du rapport quant à la légalité. " Il n'y a pas moyen de nous plaindre, lui a dit le duc de Broglie, ni de parler autrement ; nous pouvons subir l’illégalité ; nous ne pouvons pas l'autoriser et l'accepter d'avance. "
On a dressé la liste des Orateurs ; une douzaine environ, MM de Montalembert, Broglie, Daru, Beugnot, Goulard, O. Barrot, Berryer, Falloux, Kerdrel & &. O. Barrot prêchant avec passion, la prudence, la modération " On sera très violent contre le Président ; il faut être très doux, jeter de l’eau froide. " Il fait sur tout le monde l'effet d’une ambition impatiente et sénile, qui veut arriver, qui se croit près d’arriver, et qui meurt de peur qu’on ne la dérange, ou qu’on ne lui impose des efforts qu'elle ne pourrait pas faire. On ne sait pas encore si beaucoup de Montagnards parleront, et lesquels. On s’attend à un débat long, violent, confus et plein d’incidents.
Changarnier est triste et inquiet. Il y a évidemment recrudescence de mouvement Bonapartiste et de timidité parmi les anti bonapartistes. L’intérêt électoral gouvernera tout le monde. Dans les masses, Changarnier est un candidat inconnu. Pour lui donner quelques chances, il faudrait écarter d'avance, et absolument au nom de la légalité, les trois candidats connus Le Napoléon, le Prince de Joinville & Ledru Rollin, Est-ce faisable ? En allant à Beauvais, le Président a été harangué à Clermont-Oise, par le Président du tribunal qui lui a dit : " Vous avez été élu il y a trois ans ; vous serez réélu l'an prochain, quoiqu'on fasse, et quoi qu'on dise. " Cette boutade inconstitutionnelle de la part d'un magistrat, a fait quelque rumeur. Le Président n’a rien répondu. Thiers ne songe qu'au libre échange. Michel Chevalier voyage pour recueillir des faits contre son discours. Thiers en recueille pour le défendre. Duvergier de Hauranne revient de Claremont, et se loue de l'accueil qu’il y a reçu. Je n'ai encore point de nouvelles, des autres voyageurs. Il en viendra probablement aujourd’hui. Je pars toujours samedi. J’ai été un peu incommodé hier ; ce n'est rien. Les Hatzfeldt m’ont engagé à dîner pour Jeudi. Je n'irai pas. Je mettrai quelques cartes p.p.c. Adieu.
J’ai bien peur de ne pas avoir ce matin une lettre d'Ems. L'Allemagne ne me ressemble pas ; elle ne prend ni la ligne droite, ni le chemin le plus court. Adieu, Adieu.G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Ems Mardi le 8 Juillet 1851

Votre lettre fait ma journée Je n’ai donc rien à vous dire de plus que je ne vous disais hier. Les verres d’Eau, le bain, la promenade, Duchatel & sa femme. Ah, Le prince George de Prusse neveu du roi. Jeune homme sérieux et agréable, mais qui va partir. Je suis curieuse de Londres, Montebello a promis à Duchâtel de lui écrire de là. Je suis honteuse je n'ai rien à vous dire du tout. Il ne vaut pas la peine de vous envoyer cette lettre. Elle restera jusqu'à demain.
Mercredi 9 juillet. J’espère que vous ne me gronderez pas de vous avoir manqué un jour d’autant plus que hier ressemble à aujourd’hui avec ceci de plus que je suis fort dérangée dans ses entrailles ; le dîner est détestable et cela me cause de vilains mouvements de bile. Je vais essayer aujourd’hui les talents d'Auguste. J’ai peur que cela n’aille pas. Voilà mon seul souci d'Ems.
Comment n'avez-vous pas encore reçu dimanche ma lettre de Cologne de vendredi ? C'est étrange. Dites-moi, ou répétez moi, si vous l'avez reçu ou non. Cela m'importe, car j’avais écrit d’autres lettres de là. Duchatel n’est pas reçu hier soir. Lui aussi a ces mêmes accidents que moi, et de plus un peu de fièvre. Il est mieux ce matin & reconduit sa femme à Coblence.
Le comte de Chambord a parfaitement raison de ne pas risquer Londres. Quel plaisir pour moi de lire M. de Maistre, & quel remord ! Quelle honte ! Tous les soirs chez moi pendant tant d’années et ne me souvenir que de sa figure. Certainement je n’ai pas de l’esprit naturellement. On m'en a donné un peu, et bien tard ; et pour être tout-à-fait vrai je crois qu’il ne m’en est venu un peu qu’à Paris et depuis 14 ans. Il fait très froid ici 8-10 degrés pas davantage,
Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Paris. Mercredi 2 Juillet 185
Une heure

Je ne suis pas du tout résigné à la séparation. Mon plaisir me manquera aux heures accoutumées, et mon attente de mon plaisir tout le jour.
En vous quittant hier soir je suis retourné chez Mad. de Staël. Point d'autre visiteur que Viel-Castel uniquement préoccupé des affaires de La Plata dont le rapport se fait ces jours-ci. M. Thiers, les a toujours à coeur, plus que vous. Il ne refera pourtant pas son discours cette année, mais il en fera faire plusieurs. Pour rien, car la paix sera faite avec Rosas. 13 membres de la commission sont pour la paix contre 2. M. De Tocqueville lira Lundi 7, à la Commission, son rapport sur la révision. La Commission le discutera lundi et mardi. Il le lira à l’assemblée mercredi, ou jeudi. Le grand débat commencera, le mardi 15, grand peut-être, et long certainement.
Pour la réunion des Pyramides, sept orateurs, MM. de Broglie, Montalembert, Daru, Odilon Barrot, Beugnot, Gal Bedeau et Coquerel. Pour la République, plaine ou Montagne, MM. le Gal Cavaignac, Lamartine, Gal Lamoricière, Jules Favre, Charras, Mathieu de la Drôme Michel de Bourges. Pour le Tiers Parti, MM. Dufaure, Tocqueville et Laboulais. Pour les légitimistes, MM. Berryer, Falloux, Vatimesnil, La Rochejacquelein, Laboulie. Pour les fusionnistes MM. Molé, Montebello, Moulin. Pour le Ministère, MM. Baroche. Léon Faucher et Rouher. Voilà le programme général. Et comme il s’agit de prendre position pour les élections futures, peu de gens se retireront de la scène. Au moins dix ou douze jours de débat. Je n’ai encore vu personne qui connût le discours du Président.
La réception de Poitiers n'a pas valu celle de Tours. Peu de visites ce matin. Deux légitimistes, MM. de Neuville et de Limairac, bien pressés qu’on s'entende avec eux pour faire, à la loi du 31 mai une petite modification qui leur permette de ne pas attaquer la loi, et de voter avec la majorité, contre la Montagne. Le parti est assez découragé.
Je verrai demain le général Chabannes qui part le soir pour Claremont. Je lui dirai bien des choses à redire et il les redira. Je ne suis pas plus intéressant que cela. Adieu. La pluie me plait. Vous aurez moins chaud et point de poussière. Adieu, adieu.
Tout va bien chez moi. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris vendredi le 16 Mai 1851

C’est très ennuyeux d’avoir à vous écrire. C’est plus ennuyeux encore d’avoir pensé à vous hier tout le jour. Quand vous êtes pris je ne m'occupe pas autant de vous. Expliquez cela, arrangez cela. Point de nouvelle à ce qu’il me semble. J’ai vu le matin le Prince Paul Montebello, Lord Holland des Russes. Un comte Koutouzoff bien bel homme. Le soir Dumon, Meradi, Viel Castel, Meradi charmant. Thiers est de bien mauvaise humeur. Assis à la Chambre à côté de Heeckeren. Un député les appelle les débris qui se consolent. Thiers trouve débris très impertinent. L’interlocuteur dit : " Glorieux débris dès 18 ans. "
Je vous redis des bêtises. La Duchesse de Parme va à Naples avec injonction de voir les d’Aumale. Puisque vous ne m'avez pas dit cela, je vous l’apprends. Lady Allen croit que le Ministère tiendra. Stanley le désire. Graham au con traire voudrait que Stanley le remplaçât tout de suite, afin que son tour à lui, Graham vint plutôt. La duchesse d'Orléans boude lady Allen, & ne l’a pas vue encore. Joli retour des ardeurs de lady Allen.
Le message Marzini fait du bruit. Je n’y crois pas du tout moi. Mes petites amies ont passé leur soirée hier chez Thiers. Elles l'ont trouvé en très bonne humeur croyant à la prorogation du Président peut être à sa perpétuité. Paul de Ségur était là. Charlotte Rothschild se moque de la fusion et ne croit à rien. Mais elle est en grande haine de l'Elysée. Elle veut un Dictateur. J'espère que me voilà suffisamment commère. Adieu et demain encore Adieu.
G. Viel-Castel ne savait rien du Portugal. En y pensant bien je ne crois pas du tout à l’abdication de la reine ou à sa chute. L'Angleterre la soutiendra.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Un mot de tendre affection avant une heure. Tous les jours, et aujourd’hui plus qu’un autre jour, ce qui vous touche me touche. Même quand nous ne nous en disons rien. On se dit si peu ! Adieu. Adieu G.

Mercredi 9.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Merci, merci tendrement. Hélas c’était hier. Que de choses qu’on ne dit pas, tout juste ce qui remplit le cœur. Encore, encore merci. Adieu. adieu.

10 heures
Mercredi 9 mars 1851

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Merci, merci de vos douces paroles. Comme je vous remercie de m’aimer. Que vous êtes bon, car j’ai bien des défauts. Mais je n’ai pas de mérite à vous donner tout mon cœur, et cette affection est sans partage. Je n'ai que vous au monde. Gardez-moi mon bien. Adieu. Adieu.

1er Janvier 1851

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Je ne veux pas attendre jusqu'à une heure. Que Dieu vous garde et vous bénisse en 1851 ! Pour moi et pour vous. Je me place le premier et j'en ai le droit.
Que de sentiments sont dans l'âme qui ne s’épanouissent jamais tout-à-fait. Les fleurs qu’on va vous apporter feront mieux ; tout ce qu'elles ont de bon; elles vous le donneront. Mais elles passeront et mon affection ne passera pas. Adieu, dearest, adieu.
A une heure. Adieu. G.

Mercredi 1er Janvier 1851
9 heures

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Lundi 21 Oct. 1850
10 heures

Vous n'aurez que deux lignes en retour de la lettre intéressante qui m’arrive. Je pars dans une demi-heure pour Lisieux et puis Broglie. Je vous écrirai demain de Broglie.
J’ai une lettre de Mad. Mollien qui me dit : " On voudrait en Belgique que la Reine acceptât la haute direction de l’édu cation des jeunes princes sous le rapport religieux, et qu’elle promit de venir tous les ans passer un mois ou deux à Bruxelles. Je ne sais pas pressentir la décision, encore moins les désirs réels du Roi Léopold. "
Adieu, adieu. Radowitz se chargera de tranquilliser Hübner. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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J'arrive. Je serai chez vous entre midi, et une heure, adieu, adieu. G.

Mardi matin 8 Oct. 1850

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Dimanche 6 Oct. 1850

Je suis désolé que vous n'ayez pas vu tout de suite mon visiteur. Il faut qu’il ait passé la journée hors de chez lui, car je suis sûr de son zèle. Je n'en espère pas moins qu'on aura été à temps. Je suis de plus en plus convaincu que cette femme a besoin d'argent, et qu’on ne lui offre pas, d’un autre côté, ce qu’elle dit. Elle ne me paraît pas personne à ne commettre qu’une demi-infamie, si l’infamie entière lui eût été plus profitable. Enfin, les raisonnements ne servent à rien. Il faut attendre. à quoi sert aussi de vous dire que je regrette du fond du cœur de n’être pas près de vous quand vous êtes triste et agitée. Mais plus j'y pense, plus je suis convaincu qu’il valait mieux ne pas paraître du tout, rester directement, tout-à-fait étranger à la chose; ce qui ne serait certainement pas arrivé si j’avais été là. Je ne puis guère me déplacer sans qu’on y cherche une raison ; et la curiosité trouve presque toujours quelque chose de ce qu’elle cherche ; ou bien elle met autre chose à la place, ce qui ne vaut pas mieux. Dieu veuille que cet ennui finisse bientôt.
Pauvre reine. Je n'espérais pas que ce coup lui fût épargné ; mais j'espère qu’elle aura revu sa fille. Quelque affreuse que soit la séparation, je trouve bien plus affreux de se séparer sans se voir. Tout ce que vous m’avez écrit sur la reine Louise et sur la position du Roi m’est encore revenu de plusieurs côtés. J’ai peine à croire aux conséquences extrêmes. Au fond, les Belges sont sensés, et le Roi Léopold aussi. Il faut être un vieux poète antiquaire, comme le Roi de Bavière, pour défendre jusqu'au bout Lola montes.
Le Journal des Débats revient ce matin, c’est-à-dire recule sur sa polémique avec les légitimistes. Il ne serait pas impossible que tout cet incident eût son utilité, et que de part et d’autre, on comprit mieux sa position et la nécessité de s'accepter, tout au moins de se ménager mutuellement.
Dans ce pays-ci, la circulaire a blessé les conservateurs, comme partout, et reculé la fusion ; mais il y a eu plus de tristesse que de colère, un certain regret que la fusion fût si difficile, peut-être impossible. On s'en est éloigné, mais on ne lui a pas tourné le dos.
Avez-vous remarqué l’article de la Gazette d’Autriche sur Radowitz ? Je l'ai trouvé bon, point flatteur et point irritant, propre à agir sur l’esprit d’un homme d’esprit et à le rendre attentif sur sa position. Je me persuade que là comme ici, il faut une nécessité absolue, un danger imminent pour obliger deux puissances à s'entendre au lieu de se quereller. On ne se fera pas la guerre pour M. de Hassenpflug. Adieu, Adieu.
Moi aussi, je ne sais pas vous parler d'autre chose que de ce qui me préoccupe, c’est-à-dire de vous. Adieu encore. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris vendredi le 4 octobre 1850

J'oublie au milieu de mon agitation que vous avez aujourd’hui 63 ans. Je ne félicite jamais sur les progrès de l'âge. Je reçois votre lettre. Elle vient un peu tard, car hier, votre visiteur avait proposé quelque chose qui ne s’accorde pas tout-à-fait avec ce que vous dites. Je suis livrée aux conseils des autres. Moi je n’ai pas d’avis, car je n’ai pas de tête, & je me sens très malheureuse. Et entre les allées & venues, les choses sont faites avant qu'on y puisse porter remède, ce moment est bien creux pour moi. Je n'en ai jamais connu de semblable. Je ne saurais vous parler d’autre chose.
J'ai eu beaucoup de monde hier, entre autre Lahitte. L’Allemagne préoccupe beaucoup. Cela devient très gros, le [?]mare aussi, il faudra la guerre. Thiers est arrivé. Molé m'écrit & me prie de lire l'Opinion publique du 3 qui renferme un morceau de vous admirable, & ajoute tâchez donc de savoir où & quand cela a été publié. Il est fort dégoûté du Journal des Débats & s’étonne que les anciennes influences ne s’exercent pas là pour empêcher ces mauvais articles.
Je suis très dérangée. Les entrailles, les nerfs, la poitrine. L’agitation attaque toujours les parties faibles. Je ne dors pas depuis deux nuits, & j'en ai pour longtemps encore de ce régime. Je répète avec une grande vérité. Je suis très malheureuse. Le terme est écoulé aujourd'hui & rien n’est commencé. Que puis-je y faire ! Le mal est fait. Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Vendredi 4 oct. 1850

J’y ai bien pensé depuis hier. Je ne vois rien de mieux à faire sur cette infamie, ni aucune précaution plus efficace à prendre pour l'avenir. Et les deux personnes que je vous ai indiqués sont très propres à ménager l'exécution. Peut-être vous suggéreront-elles quelque autre chose ? Peut-être en aurez-vous déjà parlé à quelque autre personne. Je doute qu’il y ait plus ni mieux à faire. Votre frère vous a fait là un triste legs. Je voudrais bien que vous ne vous en agitassiez pas outre mesure.
Moi aussi, je trouve la lettre de M. Molé dans les Débats très bonne ; venant à propos et bonne en soi. Il faut voir de près le mal qu’a fait, dans la masse des honnêtes conservateurs, la sotte circulaire. Leur principale objection contre la fusion était cette question : " Est-elle possible ? " Depuis la circulaire, ils se répondent eux-mêmes : " Non. " Il faut du temps et des incidents nouveaux.
Vous avez bien raison ; il a fallu une immense gaucherie au Roi pour faire dire de lui ce qu’il méritait si peu. Je n’ai jamais vu un plus étrange amalgame d'adresse et de gaucherie, d’esprit profond et de légèreté de persévérance et de mobilité. Beaucoup de finesse et point de tact, une grande expérience des hommes et aucun sentiment juste de l'effet que produisaient sur eux ses actions et ses paroles. Deux idées fixes, suite ses impressions de sa jeunesse : l'iirésistibilité du torrent révolutionnaire, une fois débordé, et la détresse des proscrits sans argent. On ne sait pas combien de choses ont découlé de là. Les articles de M. de Montalivet sont intéressants, et utiles.

Dix heures
Votre trouble me désole. Je l’entrevoyais et je le comprends, mais je le crois excessif. Je vous répète que je suis prêt à venir si vous le désirez, pour vous car, pour la chose, je ne vois vraiment pas ce que ma présence y fera de plus ; sinon de donner à penser à ceux qui pourraient y regarder avec curiosité qu'elle est grosse et qu'on les craint. Si l'affaire ne pouvait pas être réglée à Paris, ou si le temps manquait, il faudrait envoyer sur le champ à Bruxelles, et l'homme que j'ai indiqué dans mon billet à mon visiteur serait très propre à cela. Soyez sûre qu’en pareille occasion, il faut faire le moins de bruit et se donner le moins de mouvement extérieur possible. L’important c’est d’avoir le manuscrit avec une déclaration comme celle dont je vous ai parlé. J’y pense et repense, et je ne vois pas autre chose à faire ; et pour faire cela, les deux personnes que je vous ai indiquées me paraissent toujours, ce qu’il y a de mieux, soit qu'on puisse régler l'affaire à Paris avec le fils de cette femme, ou qu’il faille aller à Bruxelles ou à Aix- la-Chapelle, pour un waiter soit avec le libraire, soit avec elle-même.
Enfin, je suis comme de raison à votre disposition ; mais je vous prie vous et vos conseillers d'y bien penser ; je ne crois pas qu’il soit utile que j'aille. Vous avez parfaitement fait d’en parler à Dumon. Adieu, Adieu, Adieu. Que je regrette de n'être pas là pour vous calmer un peu ! Adieu. G.
P.S. Je ne comprendrais pas que cette femme eût retrouvé à dessein l’envoi de sa lettre, pour que vous n'eussiez pas le temps de répondre dans le délai indiqué à sa proposition, car alors pourquoi vous l'aurait-elle faite ? Sa lettre est une arme contre elle, et elle ne put l'écrire qu'avec le désir que sa proposition fût accueillie.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Mercredi 2 oct 1850

Je vous dirai bien peu de chose ce matin. Je viens de causer trois heures. J'en ferai encore autant dans la journée. Tout cela vous reviendra demain. J’ai vos deux lettres. Je ne suis jamais trop riche.
Je reçois la réponse de Villemain. L’Académie me laisse, pour mon retour, toute la latitude que je voudrai ; mais il est clair qu'elle a envie que je ne tarde pas trop. Je serai à Paris dans les huit derniers jours de ce mois. Je comptais y être vers le 10 novembre. J'avancerai de quinze jours. Grand plaisir. Mais soyez sûre que sauf mon plaisir, il ne me convient pas de paraître impatient d'être à Paris. L'Académie est un très bon motif de retour.
Villemain m'écrit une lettre charmante. J'en ai une de Duchâtel triste. Comme il peut être triste. Il a de bonnes vendanges en perspective. Parfaitement sensé et spirituel, selon sa coutume.
Je ne comprends rien aux Ellice. Je commence à croire qu’il y a, dans l’intérieur de cette famille, sur l’amitié de Marion pour vous, quelque chose de plus sérieux que nous ne savons, quelque grand orage domestique. Je ne m'explique pas Marion autrement. Il faut de la tragédie pour que ce ne soit pas très ridicule.
Nous verrons Radowitz à l'œuvre. Il me paraît de ceux à qui l’œuvre ne va guère, l'œuvre en chef et responsable. Les esprits actifs confus et faux, se sauvent à la faveur de la critique et des promesses. C’est quand il faut entrer dans la lumière, et l'action que leur vice éclate. Adieu, Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Trouville, Mardi 27 août 1850.

Est-ce que vous vous sentez plus fatiguée que de coutume ? Vous me parlez de votre besoin de repos en personne vraiment fatiguée. Vous renoncez à passer par Baden qui vous amuserait. Cela me préoccupe. Donnez moi quelques détails. Les eaux fatiguent quelque temps, même quand elles font du bien. Tout le monde le dit. Il me semble que Schlangenbad vous a moins réussi qu’Ems. Je sais gré à Fleischmann d'être venu vous y voir. Il aura un peu rompu votre solitude. Et je suis sûr qu’il ne vous aura pas rendue germaine unitaire. Cette question Allemande me déplait parce que je n'y vois pas clair. J’ai un instinct plutôt qu'un avis. Mais un instinct ne satisfait pas. Je ne veux pas de ce qu’on veut faire, et j’entrevois qu’il y a quelque chose à faire. Cette passion d’unité qui tient tant d'Allemands ne doit pas être uniquement l’ambition Prussienne ou la folie révolutionnaire. Il y a probablement là dessous quelque chose de sérieux et de nécessaire. Comment s'y prendre pour reconstituer la confédération germanique et la diète de Francfort d'une façon qui donne satisfaction à ce qui n’est ni révolution, ni bouleversement territorial ? Ou bien serait-ce là un but chimérique ? Et l'Allemagne, en serait-elle venue à l'une de ces époques où les gens sensés comme les fous, les honnêtes gens comme les coquins, sciemment ou aveuglément, veulent absolument refondre toutes choses et se lancent au hasard dans les nouveautés, n'importe à quel prix. La France en était là en 1789. J’ai peur que l'Allemagne n’y soit à son tour, si cela est, la guerre européenne est infaillible, et nos 34 ans de bon gouvernement et de paix n'auront été qu’une oasis dans le désert, une halte dans le chaos.
Je conjecture et je spécule comme si nous causions. J'ai peur aussi que M. de Nesselrode n'ait raison, et que Wiesbaden n'ait fait plus de fracas qu’il ne convient. Le fracas rouge sur le passage du Président est une compensation. Mais tenez pour certain qu’à son retour il y aura à Paris un effort en faveur d’un ministère tiers-parti.
Je suis bien aise de retourner au Val Richer. Le temps est superbe ce matin. J'ai droit à un beau mois de septembre. Août a été affreux excepté les jours d’Ems.
Je suis très occupé de mon Monk. J’y ai pas mal changé, ajouté. Je crois que c’est amusant et à propos. Une grande comédie politique remise en scène devant des spectateurs acteurs eux-mêmes. Et on veut réimprimer en même temps mon Washington. Comment on rétablit une Monarchie et comment on fonde une République. Choisissez. Pourvu qu'on ne me réponde pas : ni l’un ni l'autre ! Hélas je suis un peu, pour la décadence de mon pays comme Mad. Geoffrin pour les revenants " Je n’y crois pas, mais je les crains. "

Onze heures
Pas de lettre ici. Je suppose que vous m'avez écrit au Val Richer, et que j’y trouverai votre lettre en arrivant. J'ai de bien mauvaises nouvelles de Claremont d'avant-hier. Dumas mécrit : " Il est douteux que l'état du Roi permette que S. M. aille s’installer à Richmond où se trouvent déjà M. la Duchesse d'Orléans et Mad la Duchesse de Saxe Cobourg. Les forces déclinent, tous les organes s'affaiblissent, à l'exception des facultés intellectuelles qui restent entières. J'ai dû faire une absence de quatre jours pour aller porter à Dreux le Corps de l’enfant morte dont est accouchée Mad la Duchesse d’Aumale. J’ai trouvé à mon retour avant hier, les progrès de l'affaiblissement très notables. Le Roi a fait appeler les docteurs Chamel et Fouquier. Mad. la Duchesse d'Orléans est aussi bien que possible. La Reine se maintient en bonne santé. Le Duc de Nemours est très souffrant d’un Anthrax. M. le Prince de Joinville qui a été en Belgigue chercher sa soeur la Duchesse de Saxe Cobourg et qui a dû séjourner deux jours à Ostende, à cause du mauvais état de la mer, y a été l'objet d’un accueil remarquable de la part du grand nombre de Français qui y résident. Cela s’est passé sous les yeux du Roi des Belges. "
Adieu, Adieu. Je voudrais vous envoyer ce soleil. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Trouville, Samedi 24 août 1850
Quatre heures

J'ai votre lettre. Je suis moins étonné que vous de votre émotion. Vous pouvez passer très vite d’un accès d’indifférence à un accès d'attendrissement. Il y a bien des cordes à toucher en vous. M. le Comte de Chambord a touché, la bonne. Est-ce sa figure, son nom, sa situation, sa conversation ? Peu importe.
Le chancelier, vient de m’apporter le dire de M. Benoist d'Azy revenant de Wiesbaden. Il dit comme vous quoique moins ému. Très probablement vous avez raison, et j'en suis fort aise. Votre court récit me plaît beaucoup. Si Salvandy va là, il en dira plus long. Je crains un peu qu’on n'abuse du portrait. Cela inspire bientôt plus de méfiance que de sympathie aux gens qui ne voient pas l'original. Et M. le comte de Chambord ne peut pas faire à beaucoup de monde la visite qu’il vous à faite.
Les visages sont moins gais à Clarmont, car c'est encore à Claremont qu’ils sont. Le Roi va toujours s'affaiblissant. Madame la Duchesse d'Aumale vient d'accoucher à huit mois, d’un enfant mort, une petite fille si chétive et si mal constituée qu’elle n’eût probablement pas vécu. Le chagrin est peu de chose, mais le dérangement, est grand. On devait partir le surlendemain pour Richmond. Il faut attendre à l'extrême déplaisir du Roi qui a pris Claremont en dégoût. On y laisserait bien Mad la Duchesse d’Aumale qui va à merveille, et à qui Mad, la Princesse de Joinville tiendrait compagnie. Mais M. le duc de Nemours a des clous, mal placés et dont l’un ressemble un peu, dit-on, à un Anthrax, et pourra exiger une petite opération chirurgicale. Tout cela fait un intérieur triste et agité. Mad. la Duchesse d'Orléans est déjà établie dans la maison qu’elle a louée à Richmond, près du Star and Garter. J’entrevois dans ce qu'on me dit que le médecin n’est pas très pressé de transporter le Roi à Richmond, qu'il le trouve bien faible et qu’il trouve Claremont un lieu plus convenable pour un tel malade, si malade.
Je ne sais rien du tout de la lettre que les journaux attribuent à M. le Prince de Joinville. Mad. Mollien est à Claremont. Chomet est allé voir la Reine des Belges et ne trouve rien d'inquiétant dans son état. C’est du moins ce qu’on dit de son dire.

Dimanche, 8 heures
J’ai eu hier successivement la visite de trois conseillers à la cour jadis royale de Caen. Hommes assez considérables par leur fortune, et leur fonction. Deux conservateurs, et un légitimiste. Bons échantillons de la bonne opinion. Fusionnistes, tous trois, disant tous trois exactement les mêmes choses, mais vaguement et froidement avec peu d'espérance et pas plus de courage. Parce que la fusion, n'est encore qu’une idée, un désir. Ce n’est pas un parti politique hautement proclamé, ayant son drapeau et son camp. Il y a beaucoup de fusionnistes, tous encore classés et enrôlés, dans les anciens partis. Les anciens partis seuls subsistent. Personne n’ose en sortir ouvertement et décidément, et en disant pourquoi. Tant que cette situation durera, rien ne se fera. Non seulement on n’arrivera pas mais on ne marchera pas. Tout le monde voudrait arriver sans marcher, tant on a peur de se compromettre et d'être pris pour dupe. On voudrait que Dieu se chargeât seul de toute la besogne. Ce n’est pas son usage ; il fait beaucoup, beaucoup plus que nous ; mais il veut que nous fassions quelque chose nous-mêmes. Il ne nous dispensera pas d'avoir une volonté de prendre une résolution de mettre la main à l'œuvre. Nous attendons Dieu et Dieu nous attend.

Midi
J’espère que vous aurez fait à ce bon Fleischmann mes plus vraies amitiés. J’aurais été charmé de le voir. Si vous l’avez encore avec vous, sachez, je vous prie, ce qu’il donnerait à son fils, s’il le mariait à son gré, et ce que son fils pourrait espérer un jour. Il faut savoir cela. On me dit qu’ils sont pauvres. Trop pauvres serait trop. On me dit aussi que Fleischmann est un peu avare. Il vous sera facile d'éclaircir ces deux faits. Je me crois sûr, par des renseignements venus ces jours ci, qu’il n’y a eu chez les Nottinguer, ni chez les Delessert, pas la moindre idée de ce mariage.
Pourquoi n'iriez-vous pas un peu à Baden si vous en avez envie? Il n’est pas plus fatigant de vous arrêter quelques jours à Baden, en revenant que de revenir droit à Paris. Adieu, Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Paris, lundi 12 août 1850

Les Sainte-Aulaire ont été charmés hier de me voir. Ils m'attendaient au bord de la rivière que j'ai passée dans un petit bateau comme celui dont vous n'avez pas voulu sur le Rhin. Mais quand nous irons ensemble, nous n'userons point du petit bateau ; avec vingt minutes de plus on passe sur le pont de Corbeil. Rien que Mr et Mad. d’Harcourt, M. de Viel-Castel, M. Raulin, un M. de Kermarer, représentant et parent de Sainte-Aulaire, et moi. Amicale et agréable conversation. Il écrit ses mémoires avec passion. Elle a bien de l’esprit. Fusionniste, plus décidée que personne ; ne comprenant pas qu’on ne le soit pas si on est sensé et honnête. Ils sont bien établis. Ils resteront là jusqu'au 15 Janvier. Leurs enfants viennent alternativement leur tenir compagnie. Les d'Harcourt vont en Angleterre à la fin du mois, pour quelques jours le mari pour son héritage, la femme pour rendre ses devoirs à la Reine.
J’ai eu hier une longue lettre de la Reine, ancienne (25 Juillet) ; elle m'a été apportée par quelqu’un qui a fait de longs détours. A ce moment quoique après la fatigue de la première communion de M. le comte de Paris le Roi continuait d'aller mieux. Du moins la Reine le croyait et me le dit. Elle me remercie vivement de l’article de M. de Lavergne dans la Revue des deux mondes. Evidemment cela leur a fait un grand plaisir. Ils seront à Richmond samedi prochain 17.
J’ai oublié de vous dire qu’en passant à Bruxelles, j'ai redit au roi Léopold ma conversation chez vous avec le comte Chreptovitch. Vous vous la rappelez. Il en a été charmé. Van Praet m'a dit que le Général Skrinesky (est-ce le nom ?) n’était plus employé dans l’armée Belge. Il est en retraite. Ils n’ont plus dans l’armée que sept ou huit officiers Polonais dont il leur serait assez facile de se débarrasser. Il ne leur faut qu’une occasion naturelle, qui peut se présenter. Du reste, j’ai trouvé la Belgique, non pas agitée mais assez troublée de la retraite du Ministre de la guerre, retraite forcée par les susceptibilités et la mauvaise humeur de la garde civique de Bruxelles. Le 23 Février sans révolution. Il m’a paru que cela inquiétait les gens d'esprit. Là aussi, il y a de bien mauvaises idées et habitudes qui ne fermentent pas et n'éclatent pas tout de suite, comme en France, mais qui couvent et pourraient bien jouer quelque mauvais tour.
J’ai eu hier la visite de votre ministre des Finances, Achille Fould. Assez tranquille sur l'année 1851, sauf les trois derniers mois. C'est alors qu’il faudra prendre son parti. Le Président part ce matin. A tout prendre on croit que les manifestations favorables l'emporteront sur les manifestations hostiles. Je le crois aussi. Le second dîner militaire à l'Elysée (320 couverts, officiers et sous officiers, pêle-mêle, un choix dans deux régiments de ligne) a été plus tranquille que le premier à vrai dire assez froid. Je doute et on doute que cette pratique continue. Elle réunit médiocrement auprès des acteurs et déplait beaucoup au public spectateur. Je suis allé voir hier Kisseleff que j'ai trouvé sensé et content selon son usage. Il paraît croire d'après des nouvelles très récentes de Péterstourg que décidément l'Impératrice ira passer l'hiver à Venise. Il ne m'a rien dit de M. de Brünnow. Le Roi Othon a été très satisfait du résultat des débats de Londres. C’est à Athènes une reculade, avérée pour l'Angleterre et Lord Palmerston. M. Thouvenel a un congé de trois mois. Mais il reste Ministre à Athènes et en bonne position. M. Drouyn de Lhuys écrit que Lord Palmerston n’est pas reconnaissable, doux, patient, craignant les affaires. s'y prenant de loin pour les éviter et demandant qu'on l'aide à les éviter.
Adieu. Adieu. J’espère que vous êtes bien établi à Schlangenbad. Je pars demain soir pour Trouville. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Ems 8 heures Samedi le 10 août 1850

Je sais de vos nouvelles par les journaux de Bruxelles. J’attendrai avec impatience plus & mieux par votre lettre. Mon fils vient de partir, grande peine pour moi. Je pars à l’instant, je laisse encore ce petit mot d’adieu de ce joli Ems, si joli quand vous y étiez. Je vais me plonger dans l’eau de beauté & dans la solitude. Voyons comment me réussira celle-ci, l’autre revient à la Princesse Grasalcovitch. Le temps s’est relevé un peu. Il faut qu'il dure car je serai bien malheureuse sans cela. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Ems le 9 août 1850 Vendredi

De la pluie, de la pluie ; pas autre chose depuis mardi. Je ne parviens pas à montrer à mon fils le vieux château de Nassau. Les petites Beauvau sont parties ce matin, les nouveaux arrivants je n'y pense pas, puisque je m’en vais. Je fais mes paquets demain je pars. Alexandre va de son côté. Je vous reprends à 2 heures. Nous avons profité d'un petit moment de vacances de pluie pour aller à Nassau. Mon fils est monté au vieux château & m'a répété ce que vous avez écrit, qu'il croit très propre à charmer ce pays.
J’ai eu une lettre de Marion. qui ne dit rien que son admiration de votre lettre. Que faire de cette lettre-ci ? Il faut bien vous l’envoyer puis que vous vous fâcheriez s’il n'en venait pas. Mais vous est-il jamais arrivé d'en recevoir une pareille ? Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Bruxelles. Jeudi 8 août 1850

6 heures Je sors de mon lit. J'ai bien dormi. J'en avais besoin. Les lits allemands sont décidément bien mauvais. A Aix-la-Chapelle et ici, j’ai senti la différence d'avance, je suis encore jeune et indifférent au plus ou moins de comfort matériel. Au fait, il y a des comforts dont je ressens d'absence, car elle me cause une fatigue dont je ne me suis pas soucié, mais dont je ne peux plus me défendre. C'est l’âge.
Agréable descente du Rhin très beau temps, très chaud. Les beaux endroits m'ont moins frappé que la première fois, sauf le fleuve, j’aime mieux la vallée de la Lahn. J'ai assez causé avec Constantin. Vraiment très bon, très sensé et intelligent. Sa femme souffrait et s'impatientait de la chaleur. Il y avait avec eux deux ou trois Crony. A Cologne j'ai dîné, lu l'Indépen dance, et vu la Cathédrale. Ce qui est fait est admirable, prächtig ; mais ce n'est ni un monument, ni une ruine. Une grande œuvre inachevée, faute de foi, de constance et d'argent. Une preuve colossale de la faiblesse humaine. On y met aujourd’hui 180 ouvriers, et on y dépense 600 000 francs par an. A ce taux-là, il faudra 150 ans pour la finir. Cela ne vous fait rien ; mais cela m’a fait quelque chose quand on me l'a dit et je vous le redis. Thiers avait passé à Cologne, la veille à l'hôtel Royal dont le maître me l'a dit, et le Cicerone qui m’a conduit à la cathédrale m’a dit qu’il l’avait conduit, non pas à la Cathédrale, mais à une mine de cuivre et d'argent, située à quatre lieues de Cologne et dans laquelle il a des actions.
A Verviers, dans l'embarcadère, j’ai rencontré la Duchesse de Saxe-Cobourg venant de Cobourg avec ses quatre enfants, Mad. Angelet, son ancienne gouvernante, un précepteur et deux domestiques. Elle allait passer quinze jours à Bruxelles, et je l’ai retrouvée à 7 heures à Lacken où j’ai dîné. Cinq minutes après, mon arrivée à l'hôtel de Bellevue, Van Pract est venu me voir, et m’engager à dîner de la part du Roi. A six heures et demie, il est revenu me chercher. Très bon accueil : " Que de temps que nous nous sommes vus, et que de choses me rappelle votre voix !" J'ai dîné à côté de la Reine, à qui j'ai dit pas mal de choses qui l’ont, si je ne me trompe, un peu frappée. Après dîner, vingt, minutes de conversation avec le Roi, devant une fenêtre. Il m’a donné rendez-vous pour aujourd’hui à onze heures et demie Il veut causer et moi aussi. En le quittant, j’irai voir, le Prince de Metternich, et je pars ce soir à 6 heures.
Duchâtel m’écrit : " J'arriverai le 8 au soir (ce soir) à Creuznach. Voulez-vous présenter tous mes hommages à la Princesse de Lieven ? Si elle reste dans le voisinage du Rhin, elle serait bien aimable de me le faire savoir à Creuznach. J’irais la voir là où elle serait. " Point de nouvelles d'ailleurs sinon celle-ci : " Piscatory a renoncé à la République et au président ; il est tout régence. "
Adieu. J’ai quitté Ems content et triste. Jouir et regretter, c’est la vie humaine, si ce n’était que cela, ce serait trop peu pour l'élan donné à l'âme. On n'aspire pas si loin pour tomber si près. Adieu, adieu. Je vous écrirai demain de Paris. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Ems le 8 août 1850

Quelle journée hier ! Pas un moment de relâche à la pluie et à une tempête effroyable. Mon fils même n’a pas pu sortir. J’ai vu chez moi la Princesse Lobkovic, le Prince de Chalais & cette petite dame russe nouvellement arrivée. Elle est spirituelle & nous a [?] intime dans les intimistes de la cour. Je vois dans le Constitutionnel une réponse à votre lettre. Je ne sais pas de nouvelle du tout. Je vous envoie la lettre d’Ellice. Vous savez que mon adresse est Schlangenbad Près de Weisbaden Duché de Nassau Allemagne. La Reine de Hollande passe aujourd’hui à Coblence, elle y fait venir la princesse Grasalcovic. Drôle d’intimité pour une femme d’esprit. De là la reine va à Bade. Vous verrez par la lettre d'Ellice que Thiers y sera. La duchesse de Modène arrive ici aujourd’hui (princesse de Bavière belle soeur de la duchesse de Bordeaux) ma grande Duchesse sera ici jeudi prochain. Moi je ne trouverai pas une âme à Schlangenbad.
La pluie continue ici, c’est désolant, si elle va de ce train à Schlagenbad, que devenir ? L'Empereur a appris avec une grande joie que le mariage de sa nièce s’est arrangé. Notre petit prince de [Meklembourg Stréliz] a fait ses conditions. Il veut bien vivre un peu en Russie mais il veut avoir un établissement aussi à Strelitz. Je trouve très bon qu'il ait tenu à sa volonté. L'Empereur a déjà envoyé des cadeaux superbes. Vous voyez que je n'ai rien du tout à vous dire. L'Eglise luthérienne de Wiesbaden vient de brûler tout entière. En attendant qu’une église grecque soit achevée, on avait déposé là le cercueil de la grande Duchesse, femme du duc de Nassau qui est morte en couche, heureusement, le cercueil a été sauvé ! Je finis sans pouvoir ajouter un mot qui vaille. Adieu. Adieu. Ems est bien laid depuis votre départ !

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Ems le 6 août 1850 Mardi
5 heures

Que c’est triste de recommencer à écrire ? Voilà un orage semblable à celui du jour de votre arrivée, mais comme il a bien fini alors. Je n’attends rien au bout de celui-ci. Je viens de dîner avec mon fils. Kolb est revenu. Il a arrêté pour moi à Schlangenbad l'appartement de la princesse de Prusse. Elle le quitte samedi matin, moi j’y entre samedi soir. Excepté la princesse, qui n'y sera plus, il n’y a personne absolument. Je me suis fait lire votre lettre, je la trouve belle, évidemment elle a fait de l'effet.

Mercredi 7
Hier nous avons passé une moitié de la journée à nous barricader contre le soleil et une chaleur étouffante, l’autre moitié en précautions contre le tonnerre & une pluie battante. La journée entière passée sans promenade. Mon fils & moi tous seuls. Le soir votre petite princesse de Beauvau, & le Prince de Chalais. Aujourd’hui il fait parfaitement froid, & pas un rayon de soleil. Vous m’avez tout enlevé. Une longue lettre d’Ellice. Je m'en vais l’étudier, & je vous l’enverrai demain. Voici la fin d'un long article de la presse du 4 à propos de votre lettre. " M. G. vient de se venger en homme d'esprit. Il s’est montré tout à la fois plus libéral que M. Thiers plus religieux que M. de Montalembert & plus républicain que M. le Président de la république. " Je cite parce que vous ne lisez pas la presse.

2 heures. Voici encore un temps détestable, du veut de la pluie, & très froid. C’est trop triste. Vous et le beau temps de moins ! Je n’ai rien à vous dire, que mon plaisi,r mon regret. Ces huit jours ont été charmants. Recommençons l’année prochaine, mais mieux. Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Allons-nous à Stolzenfels ? Dites le moi pour que je règle ma vie d'ici à une heure en conséquence. Si nous allons, à quelle heure dois-je être chez vous ? J’espère que vous avez dormi vous étiez fatiguée hier soir. Adieu Adieu.

Ems
Vendredi 2 août 1850

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Ems le 28 Juillet 1850

Me voilà bien perplexe ! Vous arrivez ayant découvert que vous pouviez rester huit grands jours en attendant je vous déconseillais de venir puisque selon votre premier calcul vous n'en seriez resté ici que deux. J’ai eu le grand tort de vous écrire un mot à Paris qui vous aura dérouté, car mes explications étaient adressées au Val Richer, et ces lettres là vous ne les avez pas attendues. J'ai deux raisons de plus pour désirer que vous ne veniez qu’après le 14, mais C’est trop tard. Enfin voyons, je sais bien que le bonheur de vous voir sera le même. A présent que plus tard, seulement je vais rester très incertaine jusqu'à mercredi en attendant votre logement est prêt.
La grande duchesse Hélène arrive ici le 17. Elle désire bien que je l’attende. J’irai le 8 comme je vous l'ai mandé à Schlangenbadad. Je la verrai à mon retour de là, cela me fera m’arrêter un jour ou deux au plus à Ems. J'adresse ceci à Strybon. Si vous êtes encore à Paris il vous porte ma lettre si non il la fait aller plus loin. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Ems le 26 juillet 1850

Puisque votre dernière lettre ne me parle plus de venir, j’espère que vous y aurez renoncé pour le moment. J'ai eu beaucoup de lettres aujourd’hui lord Aberdeen il partait le même jour pour l’Ecosse. Le dîner pour Palmerston a été une pauvre affaire. Pas un ministre n’a voulu en être. Leur absence a semblé très significative. J’attends ce que Ellice m'en dira. Brunnow va en août à Pétersbourg. Il a beaucoup parlé et raconté à Aberdeen, très triste, voyant très en noir notre avenir avec l'Angleterre & désirerait connaître exactement la volonté de l’empereur, doutant de son propre retour à Londres. La guerre en Danemark tout de suite après s’être vanté du succès de la médiation pour la paix, fait à Londres un effet singulier.
Duchâtel & Montebello me disent tous deux que le Bonapartisme fait de grands progrès, même celui qui devait former notre partie carrée avec Marion à dîner, est dans cette opinion. On veut rappeler d'exil les princes. Lamoricière est à la tête de tout ce qui peut vexer l’Elysée. Il me semble que la commission est mal arrangée pour y plaire dans ce quartier. Enfin il peut encore survenir d’étranges complications. J’ai lu l’article de M. de Lavergne dans la revue des deux mondes et j'en ai été charmée. On me parle tout à l'heure d'un article du Moniteur du soir qui serait la guerre déclarée, par l’Elysée à l’assemblée. Cela a l’air vif, ce ne sera probablement rien. J'ai passé une nuit détestable des crampes, oppression de poitrine, j’ai suspendu aujourd'hui les verres d'eau, & le bain. Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val-Richer. Vendredi 26 Juillet 1850

J’aimerais mieux n'avoir pas pour mon voyage, les torrents de pluie qui nous inondaient hier. Une fois arrivé, j'oublierai la pluie ; mais je voudrais que tout eût l’air content et gai autour de moi. Je ne saurai que demain matin, si je suis partir de Paris dimanche soir pour être à Ems mardi avec la poste. En tous cas, je partirai d’ici demain soir. Je ne vous écrirai pas demain. Je vous écrirais dimanche de Paris si je ne pouvais en partir que lundi.
A en juger par les apparences, le Prince Emile a tout-à-fait raison sur l'Allemagne. La révolution est évidemment hors d'état de faire là ce qu’elle veut. Mais je doute que les vieux gouvernements en soient plus capables, eussent-ils de l’esprit de refaire ce qu'ils voudraient. De tels événements même quand ils avortent, ne laissent pas en vie ce qui était avant eux. Comme vous le disait votre Prince de Saxe-Meiningen, on ne ramènera pas purement et simplement l'Allemagne, à l'ancienne confédération. A la suite de tout ceci, il se fera, au-delà du Rhin, plus ou moins d'unité et de constitution, mais il s'en fera. Vous me dîtes que le Prince de Prusse est devenu plus libéral que son frère, qu’il n’y aura en Autriche que des États locaux à qui on dira un mot du budget. Des Etats locaux partout en Autriche, un mot du budget à tous ces états, et le Prince de Prusse libéral ; mais ce sont là des changements énormes. Et l’Empereur d’Autriche sur son trône et le Prince de Metternich dans sa retraite, et votre Empereur dans sa grandeur intacte et inaccessible, regarderont pourtant cela comme des victoires et ils auront raison. Le monde change ; il faut s'y résigner et changer soi-même autant qu'il le faut pour être en harmonie avec la grande métamorphose, au lieu d’y mourir.
On se sépare bien mal à Paris. Le Constitutionnel, le Pouvoir, tous les amis de l'Elysée prennent la nomination de la Commission permanente avec beaucoup d’amertume. Les Burgraves, si triomphants après le vote de la loi électorale n'ont pas que, ou n’ont pas voulu s'y faire nommer eux ou leurs amis déclarés. M. Molé figure là comme un portrait d'ancêtre. Piscatory s'est mis de côté soit pour échapper comme il me l'a dit, aux embarras de la situation dans l’intervalle, soit crainte de ne pas réussir. La majorité est en dissolution. L'Elysée ne peut rien. Je ne crois à aucun grand acte de personne. Mais il arrivera quelque évènement. Quand les hommes ne peuvent décidément plus rien, ni avancer, ni rester, Dieu s’en mêle.

9 heures
Voilà votre lettre. Je ne vous en dis pas d'avantage. La coalition n’a pas pu réussir à faire passer M. Grévy pour la Commission permanente. Adieu, adieu. Je suis charmé que vous partiez d’Ems le 8, puisque je n'y pourrais rester davantage. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Ems le 25 juillet 1850

Je vous adresse à tout hasard un mot dans votre maison de ville. Car la peur me prend que vous ne vous soyez mis en campagne, & je veux que vous sachiez que je reste en Allemagne jus qu'au 20 ou 22 août ou même plus si vous venez plus tard. Je vais le 8 à Shlangenbad. Tout près d'ici. Ce sont des bains calmants excellents pour les nerfs. J’y resterai une quinzaine de jours. Si vous venez après le 13 vous me trouverez là, et cela vaut bien mieux que de vous presser maintenant pour vous retrouver au Val Richer le 6. Je crois vous avoir parlé de mon projet de Schlangenbad. Si vous avez eu cette lettre elle vous aura décidé à attendre. Enfin nous verrons, quand on est si loin les explications. sont impossibles ! Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Ems le 24 Juillet 1850

Non vraiment ce serait trop shabby de venir à présent avec l’obligation de vous retrouver au Val-Richer le 6, ce qui vous ferait quitter Ems le 2 août, car enfin il faut le temps de voyage. Renoncez à cela maintenant. Ce serait absurde. Puisque vous vous arrangez toujours de façon à avoir des devoirs de 10 en 10 jours, je ne vois pas le moyen d’entreprendre un voyage. Je ne veux pas de vous à présent, dans quelques jours j’aurai décidé Schlangenbad. Alors vous m’y trouveriez après les prix de l’Université. En ne s’arrêtant pas on arrive à Ems le 3ème jour. Ainsi aller et venir 6 jours de Paris seulement ! Ce qui fait huit pour le Val-Richer. A moins que vous ne soyez parti aujourd’hui je ne vois pas le moyen que vous me fassiez une visite de plus de 48 heures. Vraiment cela n’en vaut pas la peine.
Hier la chaleur a été très forte. Aujourd’hui c’est le tour de la pluie. Ces changements soudains rendent tout le monde un peu malade. Il n'y a d’autre protection pour les demoiselles Ribinsky que le Maréchal Paskevitch, il peut tout. Je le connais, mais je n’aimerais pas à me mettre en avant dans cette affaire. Ce sera possible par le Prince Labanoff son gendre que vous avez vu à Paris, et qui y revient. On me dit qu'on est très large en fait d’argent chez nous pour les Polonais. Que va devenir ma lettre ? J’espère qu'elle vous trouvera chez vous, & que vous ne ferez pas la bêtise, pardonnez moi de me faire une visite comme si j’étais à Beauséjour. Il sera temps après le 14. Aberdeen ne m’a pas répondu. Je ne pense donc pas qu'il vienne. Je lui avais parlé du 1er au 3 août croyant alors que ce serait là le moment où vous viendriez. Je finis je n'ai rien du tout à dire. J’apprends que les 25 de la Commission sont mauvais. Je n’ai pas lu la liste encore. Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23013_00233.jpg
Val Richer, Mardi 23 Juillet 1850

Si je me guérissait de mes passions, les Assemblées, ne seraient pas la seule dont j’aurais à me guérir. J’aime mieux rester comme je suis. A tout prendre en France du moins, et depuis 1814, les Assemblées ont empêché plus de mal qu'elles n’en ont fait. Sans elles en 1830, et en 1848, le démon révolutionnaire aurait triomphé. Elles l'avaient bien un peu encouragé ; mais elles le lui ont fait bien payer après. Je viens de parcourir tous mes journaux. Je n’y trouve rien. La nomination de la commission permanente sera le dernier acte. Et puis nous serons trois mois sans assemblée. Je souhaite de tout mon cœur que nous soyons mieux dans trois mois qu'aujourd’hui. Je suis bien aise que l'article d’Albert de Broglie vous ait plu. Mais maintenez vos critiques. Je les trouve très justes.
L'homme aux mémoires est bien Saint-Simon. Quoiqu'il écrivit encore sous et sur la Régence, c’est le 17ème siècle qu’il raconte le plus. Louis XIV et sa cour. J'en lis tous les soirs 30 ou 40 pages, là et là à mes enfants. Cela les amuse parfaitement. Je n’ai pas lu les Sophismes en frustrade dont vous parle Marion. Si cela en valait la peine, je les ferais demander. J’ai demandé s'il y avait déjà quelque chose d'un peu complet sur Peel. On me répond qu'il y a un livre, publié, il y a deux ou trois ans par un Dr. Cooke Taylor " Sir Robert Peel and his Times." Vous n'avez surement par entendu parler de cela.
J’ai des nouvelles de Ste Aulaire. Il me dit qu’Horace Vernet, raconte que votre Empereur est toujours charmé de la République en France et surtout partisan zélé du général Cavaignac. C'est sa plus grande nouvelle. Vous voyez que je suis à peu près aussi stérile qu'Ems. Adieu. Adieu. Voilà enfin le soleil revenu. La pluie nous a accablés pendant quelques jours. Adieu. G.

Midi
Je rouvre ma lettre. Je viens d'avoir une visite qui me rend ma liberté pour le 6 août. J'irai donc vous voir à présent. Je partirai d’ici samedi prochain 27. Je serai dimanche matin, à Paris. J’en partirai le soir ou lundi matin pour Bruxelles et je serai à Ems mardi soir 30 ou mercredi Il. J’y passerai huit jours avec vous. Il faut que je sois à Paris, dans la journée du 11. Si Aberdeen vient à Ems, tant mieux. Sinon encore tant mieux. Grand plaisir que cette petite course. Adieu, adieu.
Soyez assez bonne pour m’assurer à Ems un petit logement. J’aurai avec moi un domestique, Adieu encore. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Dimanche 21 Juillet 1850

Vous dites que votre cure finit le 5 août. Je ne croyais pas que ce fût si tôt. C’était en août et plutôt vers le milieu que dans les premiers jours que je me promettais d’aller vous voir. J’ai besoin d’être ici le 6 août, pour affaires, affaires de la localité et affaires à moi qui doivent réunir quelques personnes. J’attends deux ou trois visites d’ici à la fin de Juillet. J’aimerais donc mieux la dernière quinzaine d’août que la première. Voici quel était mon désir et mon plan. Guillaume aura, je l'espère, des prix au grand concours de l'université, le 17 août. Je n’ai jamais manqué d'aller le voir couronner. Je n’y voudrais pas manquer à présent qu’il est grand et que mons influence sur lui est de plus en plus nécessaire. J’irais à Paris le 12 août, et j'en repartirais, le 13 au soir pour aller vous trouver, en passant par Bruxelles, là où vous seriez sur les bords du Rhin, Ems, Bade, ou ailleurs.
Je serai charmé de voir Aberdeen, mais je doute qu’il vienne et en tous cas, ce n’est pas lui que je vais chercher. Quel ennui que cette distance qui empêche de rien concerter. Je n'aurai réponse à ceci que dans six jours. Je vais tâcher de m’arranger pour ne pas l'attendre et pour aller vous voir à Ems dans les derniers jours de Juillet de les premiers d'août toujours obligé d'être ici de retour le 6, au moment où vous quitterez Ems. Je voudrais bien savoir où vous serez après. Je comprends que vous n'ayez nulle envie de passer le mois d'août à Paris. Il n’y aura personne; pas un de vos amis Français, et bien peu du corps diplomatique. La dispersion sera encore plus grande cette année que de coutume. Tout le monde est excédé.
Va-t-on de Paris à Ems en deux jours quand on ne s'arrête pas? Je suppose qu'on n’arrive à Ems que le troisième jour. Je vais faire demander cela à Paris. Les jeunes Broglie et les d’Harcourt sont venus hier de Trouville, passer la journée ici. Ils sont aimables et en train. J’ai une lettre de Madame de Ste-Aulaire qui me presse d'aller la voir à Etiolles. A la bonne heure l’automne prochain, quand nous serons tous rentrés à Paris.
Un M. Alexander Wood m'a apporté hier une lettre de Gladstone très amicale et qui contient ceci : « Through Lord Aberdeen, I have had the high gratification of learning that you approved of the sentiments which I made bold to express on the occasion of our late debate respecting foreign affairs. They were spoken with great, sincerity. They were confortable, I believe, not only to the declared opinion of one of our houses of Legislature but to the real, though undeclared and latent opinion of the other. The majority of the house ef Commons was with us in heart and conviction ; but fear of inconveniences attending the removal of a Ministry which there is no regularly organized opposition ready to succeed, carried the day, beyond all substantial doubt against, the merits of the particular question. " Après tout, je crois que c’est bien là le vrai, et que la victoire de Lord Palmerston n'est ni de bien bon aloi, ni bien définitive s’il recommence. Et je suis persuadé qu’il recommencera.
La poste est en retard ce matin. Non pas vous, mais toute la poste. Je ne comprends pas pourquoi. Il n'y a point de sûreté ; on peut tous les jours apprendre de Paris je ne sais quoi. Je vais faire ma toilette en attendant, et avant de vous dire adieu.

Onze heures
Voilà le facteur qui a été retardé. Il faut qu'il reparte tout de suite. Je n'ai que le temps de fermer ma lettre. Adieu, adieu. Le mercredi 17 ou au plus tard le 18, vous aurez été délivré de mon inquiétude. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Ems le 21 Juillet 1850

Le Prince Paul est revenu hier de Francfort. Il y a vu la duchesse de Kent qui lui a dit positive ment : "le ministère ne durera pas, c’est impossible, la reine me l'écrit." Je vous livre texte et auteur. Le Prince Emile me disait avant hier que pour le moment tout est rompu entre l’Autriche et la Prusse, mais cela n'inquiète personne. L’affaire du Danemark est assez embrouillée. C'est pour nous obéir et nous plaire que la Prusse a conclu la paix avec le Danemark au nom de l’Allemagne, maintenant il faut que les états allemands ratifient. Or, c’est une affaire très nationale & qui pique l'honneur allemand. L’Autriche est charmée que la Prusse ne soit un peu dépopulaire par là, et elle refuse de son côté de ratifier, pour se populariser à son tour. Nous allons nous fâcher contre l’Autriche. Voyez quelle confusion ! Notre flotte est là, mais il n’y a pas de troupes à bord.
Le mauvais temps continue. Je fais cependant mes promenades en voiture. A présent avec Constantin. Il a des récits curieux à me faire impossible de les écrire. On commence à Ems à être un peu trop curieux de me voir. Comme je ne vais jamais ni dans la promenade, ni dans le salon, on se fait présenter chez moi, & je commence à être très ennuyée de cela. Hier j’ai été d'une impolitesse remarquable même pour moi. Aujourd’hui je fais dire non aux gens qui demandent à venir. Ce que je vois habituellement c’est les petites princesses de Beauvale et la Duchesse d'Istrie. Le duc de Saxe Meneingen & Rothschild. A présent Paul de Wurtemberg for ever. Mais il ne m'ennuie pas. J'oublie ma princesse régnante, mais celle-là me fait rire à force de modestie & d'ignorance, et de bonne volonté !
Adieu, je suis fâchée de vous faire de si pauvres lettres. Je ne pêche rien dans le salon. Pensez-vous encore à votre projet de visite au Rhin ? Ou bien l'avez-vous abandonnée ? Répondez-moi, & si vous disiez oui, dites en un mot à Lord Aberdeen, en lui disant vos dates. Moi je reste ici jusqu'au 7. Le 8 je pars. Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/MF-G-L013_00220.jpg
Val Richer, Dimanche 21 Juillet 1850

Vous dites que votre cure finit le 5 août. Je ne croyais pas que ce fût si tôt. C’était en août et plutôt vers le milieu que dans les premiers jours que je me promettais d’aller vous voir. J’ai besoin d’être ici le 6 août, pour affaires, affaires de la localité et affaires à moi qui doivent réunir quelques personnes. J’attends deux ou trois visites d’ici à la fin de Juillet. J’aimerais donc mieux la dernière quinzaine d’août que la première. Voici quel était mon désir et mon plan. Guillaume aura, je l'espère, des prix au grand concours de l'université, le 17 août. Je n’ai jamais manqué d'aller le voir couronner. Je n’y voudrais pas manquer à présent qu’il est grand et que mons influence sur lui est de plus en plus nécessaire. J’irais à Paris le 12 août, et j'en repartirais, le 13 au soir pour aller vous trouver, en passant par Bruxelles, là où vous seriez sur les bords du Rhin, Ems, Bade, ou ailleurs. Je serai charmé de voir Aberdeen, mais je doute qu’il vienne et en tous cas, ce n’est pas lui que je vais chercher. Quel ennui que cette distance qui empêche de rien concerter. Je n'aurai réponse à ceci que dans six jours. Je vais tâcher de m’arranger pour ne pas l'attendre et pour aller vous voir à Ems dans les derniers jours de Juillet de les premiers d'août toujours obligé d'être ici de retour le 6, au moment où vous quitterez Ems. Je voudrais bien savoir où vous serez après. Je comprends que vous n'ayez nulle envie de passer le mois d'août à Paris. Il n’y aura personne; pas un de vos amis Français, et bien peu du corps diplomatique. La dispersion sera encore plus grande cette année que de coutume. Tout le monde est excédé.
Va-t-on de Paris à Ems en deux jours quand on ne s'arrête pas? Je suppose qu'on n’arrive à Ems que le troisième jour. Je vais faire demander cela à Paris. Les jeunes Broglie et les d’Harcourt sont venus hier de Trouville, passer la journée ici. Ils sont aimables et en train. J’ai une lettre de Madame de Ste-Aulaire qui me presse d'aller la voir à Etiolles. A la bonne heure l’automne prochain, quand nous serons tous rentrés à Paris.
Un M. Alexander Wood m'a apporté hier une lettre de Gladstone très amicale et qui contient ceci : « Through Lord Aberdeen, I have had the high gratification of learning that you approved of the sentiments which I made bold to express on the occasion of our late debate respecting foreign affairs. They were spoken with great, sincerity. They were confortable, I believe, not only to the declared opinion of one of our houses of Legislature but to the real, though undeclared and latent opinion of the other. The majority of the house ef Commons was with us in heart and conviction ; but fear of inconveniences attending the removal of a Ministry which there is no regularly organized opposition ready to succeed, carried the day, beyond all substantial doubt against, the merits of the particular question. " Après tout, je crois que c’est bien là le vrai, et que la victoire de Lord Palmerston n'est ni de bien bon aloi, ni bien définitive s’il recommence. Et je suis persuadé qu’il recommencera.
La poste est en retard ce matin. Non pas vous, mais toute la poste. Je ne comprends pas pourquoi. Il n'y a point de sûreté ; on peut tous les jours apprendre de Paris je ne sais quoi. Je vais faire ma toilette en attendant, et avant de vous dire adieu.

Onze heures
Voilà le facteur qui a été retardé. Il faut qu'il reparte tout de suite. Je n'ai que le temps de fermer ma lettre. Adieu, adieu.
Le mercredi 17 ou au plus tard le 18, vous aurez été délivré de mon inquiétude. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/MF-G-L013_00212.jpg
Val Richer, Jeudi 18 Juillet 1850
6 heures

C'est aussi l’heure où vous vous levez, me dites-vous. Que faites-vous à cette heure-ci, aujourd’hui ? Quand vous vous le rappellerez, au moment où vous recevrez ma lettre, la vôtre ne me le dirait que dans huit jours. On aura beau inventer les chemins de fer, les ballons ; on ne supprimera pas l'absence. Je n'ai guère plus de nouveau à vous envoyer d’ici que vous d'Ems à moi.
J’ai fait hier mes visites à Lisieux, par la pluie. Je suis frappé de ce qu’il y a de tranquillité et de ce qui revient de prospérité matérielle dans le pays. Cette société est aussi habile à se défendre du mal qu’inhabile à conserver le bien. Il est vrai qu'en fait de prospérité comme de sécurité, elle se contente à bon marché. Toutes ces existences sont très petites pour la richesse comme pour l’esprit, et elles se soucient peu de devenir grandes, sous l'un ou sous l'autre rapport. Quand on a gagné assez d’argent pour vivre sans rien faire dans sa petite maison de ville ou de campagne, on se trouve assez riche. Quand on sait faire ses comptes et lire son journal, on se trouve assez spirituel. Jamais l’ambition n'a été si courte et si basse. Les proverbes ont toujours raison : on est punis par où l'on a pêché.
Voici où ce mot puni me mène tout à coup à M. de Lamartine. Bien des gens le trouvent bien puni. Je trouve qu’il ne le sera jamais assez. Vous vous rappelez l’article de Croker dans le Quarterly review sur l’évasion du Roi après Février, et la réponse qu’y a faite M. de Lamartine et dans laquelle il a raconté qu’il avait voulu, comme gouvernement provisoire, faire sortir le Roi en sûreté, qu’il était allé trouver M. de Montalivet, qu’il lui avait demandé où était le Roi, et lui avait offert, sur son honneur, de le faire conduire hors de France par quatre commissaires qu’il lui avait nommés, M. Ferdinand de Lasteyrie, M. Oscar de Lafayette, et deux de ses amis personnels, M. de Champeaux ancien officier dans la garde royale, et M. d'Argaud, attaché aux Affaires étrangères. Croker ne lâche pas prise aisément ; il est allé au fond de tous ces dire ; il a questionné le Roi, et par le Roi, M. de Montalivet. Il publie dans le nouveau n° du Quarterly review une réponse à la réponse de M. de Lamartine, et, il affirme que les quatre commissaires proposés par M. de Lamartine à M. de Montativet étaient, Lasteyrie et Lafayette, oui, mais au lieu des deux derniers nommés dans la réponse, MM. Flocon et Albert, [ouvriers] ! Peut-on concevoir un tel mensonge ? Car entre les deux assertions, je crois à celle de Montalivet. M. de Lamartine s’en tirera par l'absence. Il est à Smyrne. Le Quaterly review ne va pas là.
Voilà un petit désagrément pour Palmerston. C'est encore la Duchesse de Montpensier qui hérite du trône d’Espagne. Si la Reine d'Espagne mourait demain, il aurait de la peine, malgré ses 46 voix de majorité, à faire faire la guerre par son pays pour empêcher l'Infante de succéder. Car elle succéderait en Espagne sans difficulté ; les progressistes seraient les premiers à la reconnaître et Narvaez est toujours là.

9 heures.
Voilà votre lettre. Je n’en ai absolument aucune autre. Quand j’ai celle-là, j’attends les autres patiemment. Comment ne savez-vous pas encore que j’ai été cinq jours sans lettre ? Nous sommes bien loin. Adieu, adieu, adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/MF-G-L013_00205.jpg
Ems Mardi 16 juillet 1850

Je deviens décidément unitaire allemande. Si l’Allemagne était cela, mes lettres vous arriveraient. Tous les petits états se passent leur fantaisies, c-à-d. que l’administration va comme il lui plait. Les postes ne sont pas réglées. Que faut-il faire ? Je n'en sais rien. Mes lettres m’arrivent, les journaux aussi, mais ce qui part d'ici n’arrive pas. Je vous ai écrit un mot par Strybon sans l’affranchir, peut être cela ira-t-il mieux. Je m’en vais remettre ceci à Rothschild. J’essaye de tout. Quel ennui. Vous, inquiet. Moi sans nouvelle. Car vous ne voulez plus rien me dire. Voici quatre de vos lettres sur une demi page pour vous inquiéter et vous plaindre. Je n’ai pas de lettres d’ailleurs ainsi pas un mot à vous dire, puisque je n’ai pas même à vous répondre. Je vous répète que je vous ai écrit tous les jours, tous les jours. Voici ma douzième lettre d’Ems, car je vous ai déjà écrit ce matin. Si je vous avais là que de choses à nous dire que d'observations à nous communiquer sur ce qui se passe.
Je pense toujours beaucoup à Peel. Décidément un grand caractère. Sa volonté d’outre tombe vaut mieux que tous les volumes de M. de Chateaubriand. Il veut que sa postérité reste roturière. C'est bien de l'orgueil. Cela plaira à tous les démocrates dans le monde. Je vois d'ici les grimaces de la belle marquise. Les Canning n'ont pas su faire cela. Mais encore les fois quel manque de tact d’offrir à la famille Peel la même chose, pas plus, qu’on n’avait offert à la veuve Canning. Canning beau parleur rien de plus. Belle comparaison ! Adieu car il faut finir. Quand me direz-vous que vous avez reçu mes nombreuses lettres où même une seule ! Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/MF-G-L013_00204.jpg
Ems Mardi le 16 juillet

Je me porte bien, je n’ai pas manqué un jour de vous écrire. Je suis désolée de votre inquiétude. Je prends le parti d’adresser autrement ma lettre aujourd'hui. Je l'envoies à Strybon pour qu’il la mette lui-même à la poste. Les autres je les ai toujours adressées au Val Richer, et affranchies c’est peut-être cela qui les empêche de vous arriver. Je ne vous dis que ce mot à 6 h. du matin, en toute hâte & tristesse de votre inquiétude. Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/MF-G-L013_00199.jpg
Val Richer, Mardi 16 Juillet 1850

Voici, à Paris la disposition d'avant hier, comme me l'écrit un des meilleurs juges : " Tout le monde dort et veut dormir. Les légitimistes seuls se tiennent les yeux ouverts, mais pour faire cent sottises. Ce pauvre Berryer me racontait tout à l'heure ses douleurs. Sa seule ambition, pour le moment, serait de leur rendre l'humeur un peu plus douce pour les personnes, de leur donner un peu de liant de confiance, d'abandon, avec nous autres ; et puis on verrait après. Mais non ; c’est plus fort qu'eux ; ils ont vécu d'absinthe, et ne veulent plus d’autre boisson. Le seul remède, selon Berryer, c’est de se séparer, c’est la prorogation de l'assemblée ; mais en la demandant, il éveille les soupçons. Vous voulez donc nous vendre au Président ? Quelles pauvres gens qui ne peuvent ni faire, ni laisser faire ! Et pourtant qu’y a-t-il de possible sans eux ? " " Thiers est revenu de Lille et de Valenciennes. Il s'est aperçu en chemin de fer que le pays voulait se laisser faire, et il m'a l’air d'avoir envie de faire comme le pays. "
Vous voyez que cela s’accorde avec vos pressentiments. La lettre d'Ellice est curieuse. Il a de l'esprit. Je suis de son avis ; je ne partage pas l’espoir d'Aberdeen que Palmerston, plus puissant au dedans, sera plus prudent au dehors. Palmerston s'est donné aux radicaux et les radicaux à lui. Les radicaux l'ont déjà payé ; il faudra bien qu'il les paye à son tour. Si Kossuth, Mazzini et Ledru Rollin étaient encore en action chez eux, sur le champ de bataille révolutionnaire, je serais très inquiet ; Palmerston les aiderait. Mais ils sont battus, et fugitifs chez lui ; il se contentera de les ménager. Pour le moment cela lui suffit. Faut-il vous renvoyer la lettre d'Ellice ou vous la garder ?
A-t-on à Ems le Quarterly Review ? Lisez, dans le numéro de Juin qui vient de paraître, un grand article, on the austrian revolution. C’est un résumé intéressant. Je suppose que c'est de mon ami le Dr Travers Twiss. Il est allé naguère à Bruxelles. Je vous avais recommandé sa brochure sur les affaires de Hongrie. L’avez-vous lue ?
L'article d'Albert de Broglie sur M. de Châteaubriand met en grande colère les débris de la coterie de Mad. Récamier. Ils s'indignent qu'on touche à leur idéal. Il faut être jeune pour être idole. M. de Chateaubriand ne se consolait pas de vieillir. Il avait raison.

9 heures
Certainement, je vous plains, et vraiment il y a de quoi avoir froid toute seule, c’est très triste. Prenez Ems en horreur tant que vous voudrez, mais non pas vous-même, je ne vois pas le lien nécessaire de ces deux haines. Dites-moi au moins si les eaux que vous buvez vous font du bien. Quelle est la nature de ces eaux là, ferrugineuses sulfureuses, gazeuses, alcalines, salines ? Comment s’appelle le médecin des eaux ? Quand vous êtes quelque part, j’ai envie de savoir tout ce qui y est.
Ma lettre à l’Institut réussit très bien, la démarche et la lettre. Que je fais bien de me tenir en dehors de tout ! Certainement Lady Alice, vous a écrit. Sa lettre aura été retenue quelque part. J’ai reçu d'elle une réponse très amicale. Ma lettre lui avait fait plaisir. Adieu, adieu. Je voudrais vous envoyer de quoi remplir votre journée de quoi échauffer votre chambre. Adieu, adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Dimanche 14 Juillet 1850
Sept heures

C’est un plaisir charmant de vous écrire le cœur content. Je puis enfouir bien des choses dans mon cœur sans qu’il y paraisse mais c'est un poids bien lourd.
Nous ne nous sommes pas trompés sur les défauts de Peel ; mais nous n'avons pas prisé assez haut ses qualités, ces deux-ci surtout, son indépendance de tout esprit de parti, et sa préoccupation de la justice envers le masses et de leur sort. C'est là ce que l’a fait grand en lui faisant faire à tout risque, de grandes choses, et ce qui lui vaut aujourd’hui le respect et la sympathie de tout un peuple. Il s'est dégagé des liens qui enchaînent en général les hommes politiques, et il s’en est dégagé pour donner satisfaction aux besoins du peuple, sans s'inquiéter des nécessité du gouvernement. Et il a fait cela en étant un conservateur, un homme d’ordre et de politique sensée et régulière Conduite grande et originale, quoi qu’il n’eût pas dans l’esprit beaucoup d'originalité ni de grandeur.

10 heures
Votre lettre du 9 m’a interrompu. Je ne m’en plains pas. J’ai beaucoup à vous dire encore sur Peel. J'y reviendrai. Je reçois une longue lettre de Lord Aberdeen revenant de Drayton. « It was a sad ceremony ; and to witness the change in that happy résidence, in which I had experienced so much friendship, and had seen so much wisdom, prudence, and integrity of character, required more philosophy than I possessed. " Des détails sur le sentiment public envers Peel. Puis ceci : " His last speech was most important. It was made reluctanly and he greatly dreaded the defeat of tre Govern. ment. From his previous silence, had it not been delivered, the government could have maintained and the public would have believed that he approved of their foreign, as well as of their domestic policy. His manifest reluctance and the moderation of hir manner rendered his censure most effective. " Discussion toujours profonde, quoiqu'avec moins d’aigreur, dans le parti conservateur ; pas de conciliation sur les questions de free trade. Conclusion : " Radicalism is here in the ascendant ; but I am inclined to think that there will be more prudence than we have lately witnessed, abroad. "
Autre lettre intéressante de Mistriss Austin " Lord John's speech was far worse than Lord Palmerston's, and calcutated to do great mischief. Every body speaks of Lord Palmerston's as the most wonderful effort of oratory, considering his age, the heat, and all there was to [?] his difficulties. During five hours, he never faultered, never recalled a word never drank a drop of water, and left off with the very same intonation of voice as he began with. How lamentable that such powers are se employed ! People seem to think that in spite of the " triumph " of tne government, the system of foreign policy has received a severe and salutary, check and that even he will not risk another such struggle. If there were any bounds to human credulity, one might be amazed at hearing sensible men (as I did) talk of " all this being the result of a conspiracy. " I asked in vain what means you, and M. de Metternich, and Princess Lieven, possessed of influencing the mind and opinion of the English - for I maintain that the public was against the government. Nobody can answer. Yet they continue to assert it. We are very much ashamed of the vulgar blustering tone of the speacher en that side." Elle est liée avec Cobden, Sir W. Molesworth, tous ces chefs radicaux qui ont parlé et voté contre Lord Palmerston, malgré leur peuple. Voilà l'Angleterre. Demain, je vous enverrai de la France.
J’ai, ce matin, de Paris, de bonnes nouvelles de vous, par Kisseleff. Votre fils Alexandre était arrivé. Adieu, Adieu, Adieu. Vos lettres arrivent affranchies. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, samedi 13 Juillet 1850
9 heures

Que je suis heureux ! Trois lettres à la fois, des 6, 7 et 8 ! Mais c'est égal ; je ne veux pas de ce bonheur-là ; je le paye trop cher. Je suis au supplice depuis quatre jours. Tout possible, tout, quoique vous ne montiez pas à cheval. Enfin, c’est passé. Vous n'êtes que mal logée et ennuyée. Je n'ai, en ce moment, nulle pitié de vous. Elle me reviendra. Mais il faut absolument qu’Ems vous fasse du bien sans cela, la duperie serait vraiment trop grande.
Essayons de parler d'autre chose. J’avais tant de choses à vous dire ! Vous en perdrez beaucoup. Point par votre faute, j'en conviens. Je soupçonne la poste allemande d'être beaucoup moins exacte et beaucoup plus curieuse que la nôtre. Quand on fait un mauvais coup au moins faut-il le faire vite et sans trop déranger les gens.
L'assemblée se prorogera sur une pauvre impression. Brouillée du dehors avec le public qui parle, et quasi brouillée, au dedans, sur tous ses bancs. Je ne serais pas surpris qu'en fin de compte la loi sur la presse fût rejetée. Elle est devenue absurde. Tracassière et inefficace, c’est trop de moitié. Les légitimistes ont eu, dans ce débat, des inventions pitoyables. Ce qui me frappe de plus en plus c’est la pauvreté et la stérilité d’esprit. Partout, plus ou moins.
Palmerston a eu beau avoir du succès ; son discours est commun, très commun, infiniment au-dessous de la situation et des sujets. Mettez bout à bout huit ou dix articles du Siécle français et du Dayly news anglais sur les questions grecque, suisse, italienne, turque, française ; vous aurez ce discours là, et au moins aussi bien. Ce n’est pas la peine d'être Ministre de la Grande Bretagne et d'avoir le diable au corps pour parler comme les journalistes radicaux écrivent. Et il faut que le public de la Chambre des Communes soit lui-même bien descendu pour se contenter et se ravir à si bon marché. Je vous dirai que c'est là, à mon avis, un symptôme assez inquiétant sur l’Angleterre ; si le parti qui trouve tout cela beau et bon reste ou devient tout-à-fait le parti dominant, vous verrez là toutes les sottises du continent. Je compte un peu sur l’autre parti et beaucoup sur le bon sens et la droiture du public anglais qui ne parle ni n'écrit.
Je reviens à notre assemblée. Elle va donc se proroger, peut-être pas pour bien longtemps. On m'écrit : " Nous ne ferons rien demander par les Conseils généraux ; il y aurait trop de divergence, et cela ferait trop bien les affaires du Président. Diviser la majorité et donner la chasse aux légitimistes, voilà la tendance actuelle, à laquelle ces derniers ne se prêtent que trop. On craint que les votes des conseils généraux ne soient ou présidentiels ou légitimistes. Je crois pour ma part que l'on fait trop d’honneur à notre magnanimité, et qu'en lui donnant le plus grand essor possible, elle n'irait pas au delà d’une révision de la Constitution par voie régulière. Mais à quoi bon ? Et que peut-on faire de cette constitution là sinon de la jeter au feu ? " Vous voyez que les uns prétendent, et que les autres espèrent bien peu.
Autre lettre : " Les légitimistes de l'Assemblée commencent à se demander s’il ne vaudrait pas mieux ne pas voter le budget, avant la prorogation, et se borner à voter les contributions directes comme l'an dernier, pour donner aux conseils généraux leur travail mais réserver le vote du budget des dépenses pour le retour de l'assemblée afin de ne pas faire un lit trop commode au Président, s’il avait quelques velléités pour cet été."
J’ai tout le détail des conversations de Dalmatie, Mornay et St Aignan à St Léonard. Ils sont les derniers revenus. La Duchesse d'Orléans plus traitable, comme plus inquiète. N'évitant pas, provoquant au contraire la conversation : " Vous m'avez dit bien des choses qui m’ont donné à réfléchir. M'avez-vous tout dit ? Dites-moi tout. Vous m’avez parlé de quelque chose à faire ? Qu'entendez-vous par là ? Que faut-il faire ? " De l'humeur contre moi : " M. Guizot veut qu’on se rende à ses idées. Il est bien décidé, et bien pressé. " Même langage du Roi, plutôt moins net et moins explicite. Au fond, même situation.
Je commence à peine à causer avec vous. Pourtant il faut finir. A demain. Je compte bien sur une ou deux lettres. Adieu, adieu, adieu. Il fait beau, et bien plus beau au dedans qu’au dehors. Je me promènerai en respirant au lieu de me promener en étouffant. Adieu, adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Pour le coup, je suis très inquiet. Encore pas de lettre. J'envoie à Paris, chez vous et chez Kisseleff pour savoir, si on sait quelque chose de vous. Je ne sais pourquoi j'écris encore à Ems car où êtes-vous ? Comment êtes-vous ? Quel supplice ! Il est impossible que vous ne soyez pas malade, peut-être très malade. Adieu. G
Val Richer 12 Juillet 1850

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val-Richer, Vendredi 28 juin 1850,
Cinq heures

Je viens de lire attentivement Lord Palmerston habile mensonge d’un bout à l'autre. Bien plus mensonge qu'habile pour qui s’y connait un peu. Il omet hardiment ce qui est. Il affirme hardiment ce qui n'est pas. Ce serait ridicule et périlleux, s’il n’était pas sûr de son public et s’il avait des contradicteurs bien décidés.
Grèce. Il oublie qu’en 1835 il a dénoncé le Duc de Broglie au Prince de Metternich comme trop favorable à une constitution à Athènes.
Portugal. Il ne songe plus à renverser Costa Cabral. Donc il n’y a jamais songé.
Espagne. Narvaez, ce reckless adventurer, dans sa dépêche du 19 Juillet 1846, est aujourd’hui l'observateur le plus fidèle de la constitution.
France. Lord Normanby n'a été lié parmi les opposants à M. Guizot, qu'avec M. Molé, aussi monarchique que M. Guizot.
Autriche. L’Autriche a été six mois sans se plaindre de la non-production d'une dépêche. Donc elle n’avait pas à se plaindre.
Russie. Pas un moment des dépêches de Mr. de Nesselrode, du moins dans ce que j'ai aujourd’hui.
Quand on est aussi effrontément résolu à mentir en se taisant ou en se contredisant. On n'a pas grand peine à se défendre. Il se défend bien quand il accable de compliments la nation française pour retourner, contre les adversaires anglais, le reproche qu'ils lui ont fait de m'avoir renversé par haine personnelle, et avec moi la Monarchie. C'est le meilleur morceau du discours. La péroraison, qui me paraît avoir ou grand succès est un lieu commun d'éloquence vulgaire bon pour des badauds. Mais il a bien fait de s'en servir puisqu’il avait là des badauds pour l'applaudir. Je comprends le succès ; mais c’est un succès qui ne fait honneur ni à l'orateur, ni à son public.
Samedi 29 - 9 heures
Le chaud est passé ici, après deux orages nous sommes entrés, dans une température fort modérée. J'espère qu’il en est de même pour vous. Si le soleil vous fait mal, je finirai par m'en dégoûter. Je ne suis plus curieux que de Peel. Je n’espère pas qu’il dise tout ce qu’il y a à dire. Mais il pourrait dire beaucoup sans dire tout. L’article des Débats sur Palmerston me convient. Je voudrais vous envoyer des nouvelles pour vous distraire un peu de vos paquets. Je n'en ai point. Adieu, adieu.
Avez-vous revu, ou reverrez-vous Chomel avant de partir ? Je vous écris encore à Paris, selon votre ordre. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Vendredi 28 juin 1850
Sept heures

Est-ce donc bien demain que vous partez ? Cela me fait l'effet d’une seconde séparation. Paris est si près ! J’espère qu’au moins les eaux d’Aix-la-Chapelle vous feront du bien. Prenez les avec précaution ; elles passent pour très fortes ; j’ai entendu dire que nous n'avions en France point d’eaux sulfureuses aussi fortes. Je ne vous crois aucun mal spécial et précis ; je vous crois au contraire un bon fond d’organisation et de tempérament. Mais vous êtes affaiblie délicate et susceptible ; il faut vous fortifier en vous ménageant ; des toniques doux et soutenus ; point de secousse. C'est dommage que je ne sois pas médecin et votre médecin. Je suis sûr que je vous traiterais à merveille. Mais vous n'êtes pas commode pour votre médecin.
J'attends Londres dans beaucoup de curiosité. Personne n'aura dit ce qu’il y à dire, et ce qui tuerait infailliblement Lord Palmerston, peut-être même dans la Chambre des Communes actuelle. Je connais bien les Anglais. et je les comprends d'instinct encore mieux que je ne les connais ; je sais qu’elles sont les cordes qu’il faut toucher pour aller jusqu'au fond de leur âme. Ils ont à la fois le respect des anciennes choses, des anciennes lois, et le goût de la liberté ; ils sont en même temps de vieux conservateurs et des libéraux sensés et honnêtes ; il faut leur montrer que Lord Palmerston ne leur ressemble et ne leur convient ni sous l’un ni sous l'autre rappor ; qu’il fait en leur nom de la politique qui n’a rien d'Anglais, point de dignité, point de moralité point d'intelligence des vrais intérêts de la liberté dans le monde comme de la considération et de l'influence de l’Angleterre. Je voudrais soulever contre lui, l’esprit libéral des Anglais, aussi bien que leur esprit conservateur, et le leur faire voir tel qu’il est réellement, comme un brouillon sans prévoyance et sans foi, qui va servant et semant partout, l'anarchie révolutionnaire, et qui revient ensuite dire dans le Parlement qu’il a soutenu l'Angleterre et la liberté tandis qu'il les a partout compromises, et rendues suspectes ou odieuses. Vous voyez ; je retombe toujours dans mon ancien métier. Je vous assure, et vous me croirez sans peine, que mon discours serait très bon.

10 heures
J’avais bien raison de vous envoyer un discours. Je viens de parcourir celui de Lord Palmerston. Le meilleur, ce me semble, qu’il ait jamais fait. Spirituel, spécieux et convenable. Je le lirai attentivement. Mais je persiste dans le mien. La réponse à Lord Palmerston pourrait être foudroyante. Puisque Sir J. Graham s'est engagé si avant, Sir Robert Peel en fera certainement autant et parlera bien. Le débat est solennel. Et certainement Palmerston en restera blessé à mort. Je crains seulement que le public, les badauds honnêtes, ne soient pas suffisamment détrompés et éclairés, sur son compte. Vous aurez moins chaud aujourd'hui. L'orage n’est pas encore fini. Il abattra la poussière sur votre route. Adieu. adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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J’arrive. J'irai vous voir entre midi et une heure. Voulez-vous avertir le duc de Noailles que je suis arrivé ? Et voulez-vous me donner à dîner demain ? Je ne partirai que demain soir, à 10 heures. Imaginez que je n’ai pas reçu une ligne de vous. Je suppose que vos lettres me reviendront demain de St Léonard. Le Roi continue à aller mieux. Je ne puis rien vous dire de la santé de Lord Palmerston. Adieu. Adieu. G. Jeudi 20 juin 1850
10 heures

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Je suis arrivé à 6 heures. Je vais voir Broglie et Duchâtel qui se lèvent de meilleure heure que vous. Voulez-vous que j'aille vous voir entre midi, et une heure ? Quel plaisir ! Adieu, adieu, en attendant. G.

Samedi matin 15 juin 1850
8 heures et demie

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Entre midi & une heure, quel bonheur, quel plaisir ! Ma journée sera à vous.

11 1/2. Samedi 15 Juin
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