Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


Votre recherche dans le corpus : 433 résultats dans 3341 notices du site.

Auteur : Baudrand, Marie-Etienne-François-Henri (1774-1848)
MF-G-L#024_00059.jpg
Hier, je dînais au château des Tuileries : après le repas, lorsque le roi eut congédié la plus part de ses convives, sa majesté vint à moi, me demanda si j'avais eu de vos nouvelles ; sur ma réponse négative, le prince me dit : je vois que M. Guizot est bien accueilli par les hommes de tous les rangs de la société, à Londres, et qu'il y jouit d'une juste considération, j'espère que cette considération s'accroitra encore, et que notre ambassadeur conservera cette position qui lui plait, qui lui est avantageuse et dans laquelle il peut bien servir la France et le roi. Je trouve seulement que, dans ses dernières lettres au président du Conseil, M. Guizot parait trop préoccupé des dispositions de l'Angleterre qui lui semblent douteuses envers nous. Guizot est enclin à croire que les ministres anglais traiteront avec les puissances étrangères sur les affaires de la Turquie sans nous.

Auteur : Montalivet, Camille Bachasson, comte de (1801-1880)
MF-G-L#023_00680.jpg
Je désirais vous prier de me remettre la copie que vous avez bien voulu faire faire pour moi des lettres que j'ai eu l'honneur de vous adresser sur le procès des Ministres de Charles X : c'eût été pour moi une précieuse occasion de vous revoir et de causer avec vous.

[De la main de Guizot] Je lui ai renvoyé les copies le juillet 1869.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
MF-G-L#017_00481.jpg
129 Val Richer. Lundi 31 Juillet 1854

Je trouve le bulletin du Prince Gortchakoff sur la bataille de Giurgiu, très modéré et convenable, sans forfanterie insolente et vulgaire. Il parle des Turcs avec estime et en homme qui a éprouvé qu’il n'en fallait pas parler légèrement. Omer Pacha se fait certainement beaucoup d’honneur. Il serait plaisant que le résultat de tout ceci fût de relever réellement, sinon pour toujours, du moins pour cinquante ans l'Empire Turc. Tout est possible, surtout l'imprévu.
Les Anglais paient bien vivement de leur personne dans les débuts de cette guerre. Voilà quatre ou cinq officiers d’un nom commun tués à Sulina et à Silistrie, Parker, Butler & Ces morts sont racontées, dans les lettres des chefs avec une simplicité grave et émue qui fait honneur aux morts et aux vivants. Un pays Chrétien, aristocratique et libre, c’est ce que l’histoire du monde, jusqu'ici, a offert de plus beau.
Les affaires d’Espagne tournent selon mon attente. Espartero sera premier Ministre comme il a été régent, au nom de la Reine Isabelle, et il gouvernera l’Espagne jusqu'à ce qu'à force de mal gouverner, il ramène au pouvoir Narvaez où son pareil. La France et l'Angleterre feront très bien de ne point s'en mêler et je ne crois pas que rien les y oblige.
Je vois que le général Aurep est à la tête de trois corps à Frateschi. Nous aurons encore là, au premier jour, une grande bataille, où comme vous dites, personne ne sera battu.
Vous faites bien de rester à Ems tant que vous y avez quelqu’un dont la conversation vous plaît. Quelle est donc la maladie de Morny et comment fait Oliffe pour abandonner ses maisons, et ses baigneurs de Trouville, du reste, le monde commence seulement à y arriver. Le Prince Murat qui a acheté le château y donne des fêtes à la population, des spectacles, des bals. Cela console médiocrement les familles, dont les chefs et les enfants ont été pris pour les flottes. Dans ce seul bourg de Trouville, on a pris 175 marins.

Midi
Rien de nouveau. Adieu, adieu. Il fait moins chaud, quoique beau. En jouissez-vous ? Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
MF-G-L#017_00477.jpg
128 Val Richer, Dimanche 30 Juillet 1854

Je ne puis croire que l’amiral Berkeley soit assez sot pour avoir produit les lettres qu’il a produites à la Chambre des Communes sans que le Cabinet en ait été d’avis. On a probablement, voulu expliquer par là l’inaction d’une si grande flotte. Cela explique en effet l’inaction, mais non pas l'imprévoyance. On aurait dû savoir cela plutôt. Ce serait payer bien cher la découverte qu’une place est imprenable s’il fallait chaque fois équiper et envoyer sous ses murs l'armée nécessaire pour la prendre. En tout cas, ceci ne me donne aucune espérance pacifique. On vous bloquera jusqu'à ce qu’on aie trouvé par où vous êtes vulnérables. L'occupation de l'île de Gothland par nos troupes si elle est réelle est un fait bien grave. La Suède entre donc dans l'alliance. Cela donne aux alliés des ports dans la Baltique, où ils peuvent hiverner, et se trouver prêts dès que la mer sera libre. C'est la principale difficulté de la guerre dans le Nord supprimée pour eux. Je le pense comme vous, toute la politique de l’Europe est changée, toutes les situations, toutes les alliances. Le premier qui démêlera, les conséquences de cette révolution, et qui entrera hardiment dans les voies de l'avenir qu'elle prépare, sera pour un long temps, le maître de l’Europe. Nous n'épuiserions pas ce sujet en huit jours, si nous causions.
Avez-vous remarqué l'article sur les Finances russes qu'a répété le Moniteur d'avant hier vendredi. Je ne connais pas assez bien les faits pour apprécier la valeur de ses assertions ; mais soyez sûre qu’il fera de l'effet. On croira à votre banque route si la guerre se prolonge. Et on fera tout ce qu’il faudra pour vous empêcher de trouver de l'argent hors de chez vous, ce qui ne sera pas difficile si on croit vos finances embarrassés à ce point. Le discours de Lord Palmerston sur le bill de Lord Dudley Stuart, et la faveur avec laquelle il a été reçu, sont très significatifs.
Aberdeen a une joie de famille. Son dernier fils Arthur, qui voulait le faire Clergyman y renonce et entre dans la chambre des communes. Le père le désirait beaucoup. C’est un très honnête et spirituel jeune homme. Je l’ai vu un moment cet été à Paris, où il a passé en accompagnant à Bordeaux une vieille amie de son prre. Je l’ai trouvé très au courant de toutes choses, et très sensé sur toutes choses.
Que dites-vous du mariage de Lord Harry vane. Je n’avais pas remarqué la mort, très peu remarquable, de Lord Dalmeny. Je me rappelle, très bien Lady Dalmeny, vraie beauté de Keepsake. C'est la soeur de Lord Mahon, si je ne me trompe, Midi. J'adresse toujours mes lettres à Schlangenbad. Adieu, Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
MF-G-L#017_00468.jpg
105. Ems le 26 juillet 1854

Toujours ici encore. Vos lettres se promènent mais elles m'arrivent je n’ai pas fixé de jour, je lèverai le camps du soir au matin. Je suis restée emballée depuis 8 jours. Morny est bien malade, et découragé. Il ne veut pas rester ici, mais il ne se décide pas. La conversation me plaît et m’amuse, je m'ennuierais à Schlangenbad profondément. Hélène m'écrit pour m'exhorter à rester. Elle sait que l'ennui est ma plus grande maladie. Enfin je suis encore là, sans savoir si j’y serai demain. Nous avons des chaleurs excessives. On ne peut pas bouger le jour. On ne peut pas dormir la nuit.
Pas de nouvelles. D'Orient rien militairement & politiquement on élabore quelque nouveau protocole qui voudra dire que nos propositions ne sont pas acceptées. Je sais ce pendant qu'on les a trouvé pas sables et que sans y donner suite à présent, on les regarde comme des jalons pour l’avenir. L’Espagne. Que va-t-elle devenir ? Je crois que c'est Espartero qui va reparaître et régner.
Je ne sais sur la mort du général Aurep que ce qu’en disent les journaux. Sa femme avait passé ici il y a une dizaines de jours. Elle ne s’y est arrêté que quelques heures pour me voir. Les journaux sont si menteurs que je ne crois pas encore à cette mort. Si l'Espagne était arrivée dans la belle saison du bavardage de mon salon, que de choses à se dire, et Dumon comme il parlerait ! Adieu. Adieu, que se passera- t-il encore jusqu’au temps où nous nous retrouverons tous ? Ce temps viendra-t-il ? Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
MF-G-L#017_00466.jpg
125 Val Richer, Mardi 25 Juillet 1954

Voilà donc l'Empereur, à Biarritz et formant, là aussi, un camp à propos des événements d’Espagne. Les ministres ont fait ce qu’ils ont pu pour empêcher ce voyage. Ils ne sont pas accoutumés à prendre sur eux la responsabilité des résolutions. Mais l'Impératrice a déclaré qu’elle n'irait pas seule à Biarritz, et l'Empereur voulait qu’elle y allât ; il l'a donc accompagnée. Au fait, qu’elle que soit l'arrogance des décisions, avec le télégraphe électrique, ce sera lui qui les prendra toutes. Seulement cela supprime à peu près la discussion préalable, dans l’intérieur du gouvernement aussi bien qu’en dehors.
On est un peu frappé d’un acte de résistance du Conseil municipal de Paris. Le gouvernement n'est pas, pour le moment, très bien avec les Jésuites, et pour les empêcher d'acheter un des grands collèges de Paris, le collège Stanislas qui est à vendre pour cause de mauvaises affaires, il a voulu que la ville de Paris elle-même l'achetât. Il en a fait faire la proposition dans le conseil municipal ; le ministre de l’Instruction publique et le Préfet de la Somme s’y sont vivement employés. La discussion a abouti à 16 boules blanches et 16 boules noires, de sorte que la proposition n’a pas été adoptée. C'est M. Delangle, le premier président de la cour impériale qui a été à la tête de l'opposition. Autre petit fait, moins sérieux. La visite. de l'Empereur au Commodore Grey, devant Calais, n’a pas été sans mésaventures. Le beau steamer La Reine Hortense, sur lequel l'Empereur s'est embarqué, était entré trop avant dans le port et a voulu en sortir trop tôt, avant la marée pleine. Il a fallu une heure et demie d'effort pour y réussir. Puis on n’a pas bien abordé le vaisseau Anglais ; on a eu besoin d’un remorqueur anglais. Puis, le maréchal Vaillant a manqué l'échelle et est tombé à moitié dans l'eau, où il serait tombé tout-à-fait si on ne l’avait ressaisi à temps. Voilà l’histoire qui court le long de la côte.
On dit beaucoup à Paris que les événements de Portugal tourneront au profit de la maison de Bragance. Bragance et Cobourg. M. de Païra est fort dans l’intimité de M. Drouyn de Lhuys.

10 heures
J’ai mes lettres de bonne heure. Je pense avec plaisir au plaisir que vous aurez eu à causer un peu avec Morny. Mais dites-moi que ce beau temps là vous fait du bien ; il est si beau ! On m'écrit de Paris : " On commence à s’inquiéter, dans les régions officielles, du caractère révolutionnaire, et anarchique du bouleversement Espagnol. Les révolutionnaires ici sont en grande jubilation, et annoncent de prochains mouvements en Italie, surtout dans le royaume des deux Siciles. "
Adieu, adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
MF-G-L#017_00462.jpg
104. Ems le 24 Juillet 1854

Me voilà encore. J’ai du plaisir à la société de Morny. Je ne trouve rien de si agréable à Schlangenbad. D’abord c’est que je n’y trouve rien du tout. La chaleur est excessive. Je recule devant ce voyage. Je reste emballée cependant, mais je lambine. Ici nous causons beaucoup, toute la journée. Morny est bien agréable. Il a de plus un talent de musique charmant. La plus belle voix. Il est bien à son aise, je n’ai plus personne, car le prince de Prusse est absent pour quelques jours.
L'Espagne devient une véritablement grosse affaire. Personne ne s’en mêlera. C’est convenu. B. d'Hilliers va avec ses troupes occuper l'île de Gothland, c. a. d. qu'on l’y reçoit. La Suède se serait donc compromise contre nous. Cela me parait exorbitant mais nous devons nous attendre à tout. Nous avons bien mené nos affaires !
Comme il y a à parler, à penser. Une grande révolution s’opère en Europe. Toutes les situations sont changées. & l'ancien état de choses ne peut plus revenir. J'ai beaucoup à dire, mais Je meurs de chaud, et j’écris un peu loin.
Morny est découragé. Il croit qu’Ems ne lui conviendra pas. Olliffe est d'un avis contraire. Ils vont décider ce soir s’il reste ou s’il va à Plombières. Il a eu aujourd’hui une reprise de ses audiences de Paris. Adieu. Adieu. Je n'ai aucune nouvelle de Russie, & je ne crois pas un mot aux nouvelles des journaux. J’attends les faits. Une bataille. Encore ! Personne n’aura été battu. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
MF-G-L#017_00458.jpg
103. Ems Samedi le 22 juillet 1854

Morny est arrivé hier au moment où je venais de vous écrire. Je ne lui trouve pas mauvais visage mais il se plaint beaucoup de puis un mois il ne peut ni manger ni dormir. Olliffe est avec lui. J’ai eu un grand plaisir de cette arrivée. Nous avons beaucoup causé. Je n’ai rien recueilli de bien nouveau. La détermination de pousser jus qu’au bout. Point de conquête, point de restitution, mais liberté du Danube. Protectorat collectif des pptés, et dans la mer noire régler les choses de façon à donner sécurité à la porte, c.a.d. limiter le nombre de nos vaisseaux de guerre et posséder un point de la côte qui serve d'abri aux vaisseaux anglais & Français. Je crois que ces trois points sont arrêtés & convenus avec l'Angleterre. de plus on parles d'indemnité des frais de la guerre, mais cela ne peut pas être sérieux.
Le plus intime accord avec l'Angleterre et celle dans les plus grande coquetterie pour vous. En vous offrant ses vaisseaux pour le transport de vos troupes dans la Baltique, elle les défraie de tout.
On compte toujours sur l’Autriche et le langage de Hubner y autorise. On est mécontent de la Prusse mais on est convaincu & je le suis aussi, qu’elle sera forcée de faire comme le voisin. On est très préparé a une longue guerre, et comme elle nous ruinera et qu’elle ne ruinera pas la France on compte sur la désaffection qui se produira chez nous, & qui forcera à faire la paix. On se trompe, il n’y aura jamais chez nous ni découragement, ni désaffection et tout cela me paraît éternel. Et je suis parfaitement malheureuse. La cour ne reviendra guère à Paris que pour le [?].
On ne se mêlera pas de l'Espagne. Cependant si le désordre s’établit là, comment laisser faire ? Je trouve toujours que c’est une très grosse question. Il fait une chaleur effroyable. 26 degrés à l'ombre (réaumur) Comment me trainerai-je à Schlangenbad ? Je ne sais encore si j’y vais demain ou après demain. Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
MF-G-L#017_00452.jpg
121 Val Richer, 20 Juillet 1854

Je suis charmé que votre fils Paul vous ait rejointe ; avec lui de moins vous pouvez causer en liberté. Vous avez donc trouvé un logement à Schlangenbad. Si le ciel y est aussi pur et le soleil aussi chaud que nous l'avons ici depuis trois jours, ce doit être charmant.
Je ne prévois pas ce qui arrivera des affaires d’Espagne ; le bouleversement revient bien complet. Je penche à croire que la bombe éclatera encore cette fois sur la tête. de la Reine Christine, et non par sur celle de la Reine. Les insurgés, qui sont d'origine très diverse, auraient trop de peine à s'entendre sur quelque autre solution, si la Reine Isabelle disparaissait, la réunion au Portugal, la République, l'infante Montpensier tout cela est factice et combinaison du coterie ; il n’y a que deux partis sérieux. la Reine Isabelle et les Carlistes. Il ne me revient absolument rien de Narvaez ; je ne rencontre sans nom nulle part. Les chefs civils, et modérés du parti constitutionnel, Mon, Pidal, ont également disparu. Étrange pays dans un temps où tous les pays sont étranges.
Que fera le duc de Montpensier à Séville, si les insurgés y arrivent ? Je suis assez curieux de savoir qui sera, ou était à la tête de votre armée dans la grande bataille qui va être, ou qui a été, livrée entre Giurgiu, et Bucharest. Le Maréchal Paskevitch est-il réellement disgracié ? Il avait raison de ne pas se soucier de la guerre. Je m'étonne de plus en plus que pas un de vos grands Ducs ne soit à l’armée.
Ce n’est pas avec la Reine d'Angleterre, c'est avec le commodore Grey que l'Empereur Napoléon s'est rencontré à bord d’un vaisseau Anglais. Grand honneur pour le fils de votre ancien ami.

Midi
Adieu, adieu. Nous causerons demain, comme on cause de loin. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
MF-G-L#017_00448.jpg
101. Ems le 13 juillet 1854
Mardi

Je n'ai rien. Rien qu'un nouveau rhume que je dois au beau temps. Il fait chaud depuis trois jours et j’ai été assez habile pour en profiter de cette façon. Hier presque tout le jour dans mon lit. Cela ne m'empêchera pas cependant d’aller après demain à Schlangenbad. J’y vais sans plaisir comme tout ce que je fais depuis 6 mois. Je ne sais plus de vos nouvelles depuis Mercredi dernier. C’est bien long.
Voici votre lettre de Vendredi bien courte. Nous ne savons plus que nous dire. Il y a trop pour moi j’étouffe. Une longue lettre de Morny, il a vraiment été bien mal, il l’est encore. On ne sait encore où l'envoyer, Oliffe l’accompagnera. Pas l'ombre d'espérance de la paix. Des bonnes paroles pour moi de St Cloud.
Brockhausen s'écrit ainsi. Il est à Spa avec Hasfeld. Tous deux se lamentent, hopeless case. Au fond j'aimerais aller à Spa. Je suis d’un appétit vorace pour la conversation. L’idée de n'en avoir pas du tout me met dans un vrai désespoir.
Le gros comte Woronov que vous avez vu à Paris le gendre de M. Narchikein vient de mourir subitement du choléra à Peterhof où il était allé pour la fête de l’Empereur. Grande consternation à là cour. Il était fort aimé. Je n'ai rien à vous dire ; tous les jours je suis plus triste. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
MF-G-L#017_00436.jpg
98. Ems jeudi 13 juillet 1854

Voici jeudi, votre dernière lettre était de samedi, c’est bien long. J'ai reçu de bonne source hier les renseignements suivants sur notre réponse.
" Les [principautés] ne peuvent être totalement évacuées parce qu'il faut conserver un champs de bataille autre que la mer noire et la mer baltique. Jamais nous n’avons ni l’intention d’y rester & de les garder.
Nous sommes prêts à négocier sur trois points. 1. intégrité de l’Empire ottoman
2. égalité des Chrétiens et des Musulman
3. traité des détroits et de la navigation.
Le langage du Prince Gortchakoff est trés modéré, très pacifique. L'impression transmise à Paris et à Londres. est celle là."
Que pensez-vous de ceci ? Il me semble qu’on pourrait se parler. Voilà votre lettre de Dimanche comme c’est long, ce que dit Barante me paraît très sensé, à quoi sert-il d’être sensé ? Tout ce qui se passe est insensé. Je ne puis vous dire mon découragement profond, et puis c'est si triste de n’avoir avec qui discourir de mes peines. La semaine prochaine toute ma société s’éparpille. Cela m’est égal à moi, Schlangenbad, ou ceci, ou autre chose, c’est de la tristesse partout. Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
MF-G-L#017_00432.jpg
116 Val Richer, Mercredi 11 Juillet 1854

Si j'étais un Russe un vrai Russe, bien Moujik et bien grec, je serai un peu choqué de ces promenades de divertissement de la cour pour aller lorgner la flotte Anglo-française. Je ne regarderais cette flotte que de travers et je n'en approcherai qu'à coups de canon. Mais c'est l'affaire de votre Empereur ; il sait mieux que moi ce qui choque, ou ne choque pas les Russes.
Le Bulletin d'Havas parle des nouvelles hésitations du Roi de Prusse et de ces tentatives pour que la réponse de votre Empereur aboutisse à une nouvelle négociation. Mais il en parle sans colère presque ironiquement et comme ayant la certitude que tout le petit travail sera vain, et que la Prusse sera entraînée jusqu'au bout, à la suite de l’Autriche, dans la politique Européenne. Cela me paraît probable.
Avez-vous remarqué l’article du Constitutionnel d’hier mardi, signé Granier de Cavaignac, et intitulé caractère actuel de la question d'Orient. Il en vaut la peine. L'idée qu’il développe, est déjà et sont de plus en plus le lieu commun de la politique dans nos provinces.

Jeudi 12
Je dis comme vous, cela ne valait pas la peine de vous être envoyé hier. Je mène ici une vie très douce, entouré d'affection et de soin ; mais vous me manquez, vous et votre conversation, bien plus que je ne vous le dis. Tantôt j'ai l'esprit trop plein et il m'irrite de ne pas vous avoir là, pour la mettre en commun avec vous à tantôt je languis et je m'endors dans ma solitude. J'étais hier dans un accès de langueur.
Nous voilà dans une nouvelle attente de courriers et de réponses entre Vienne, Berlin et Pétersbourg. Cela n'aboutira pas ; les négociations incertaines peuvent réussir au commencement où à la fin des grands événements, quand la sagesse est encore écoutée ou quand la lassitude, est déjà venue. Mais nous n'en sommes ni à l’une, ni à l'autre de ces deux époques. Pendant qu’à Vienne on écrit, et on reçoit encore des lettres, 6.000 Anglais de plus partent de Southampton pour la Mer Noire et 10.000 Français de Calais pour la Baltique. C’est trop d'efforts et trop de forces pour que le vieux savoir-faire du Prince de Metternich arrête tout cela. Mais il peut bien en résulte que les grands coups soient remis à l’année prochaine. Pourtant, j'en doute. Il y a encore cette année, trois mois de guerre.
On pense comme vous à Paris sur les affaires d’Espagne, malgré la retraite des insurgés, on ne les trouve pas très rassurantes. Que signifie ce que je vois dans les journaux anglais que votre grand Duc héritier est très malade, rapid decline ?
Si vous ne pouvez pas avoir de logement à Schlangenbad, pourquoi ne resteriez-vous pas à Ems tant que vous y aurez une société et un peu agréable. Je vois que vos petites soirées de musique vous plaisent. Gardez-les, même quand [manque une page]

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
MF-G-L#017_00420.jpg
95. Ems le 8 juillet 1854

Il n’y a pas moyen de trouver un appartement à Schlangenbad, je ne sais ce que je vais devenir. Voilà un souci de plus, par dessus mes malheurs. Ma vie ici se passe assez agréablement. Mes écritures, les bains, quand le temps me permet de les prendre ; la promenade, ditto. A 3 heures je dîne ; Brignoles vient causer avec moi. Il a beaucoup plus d'esprit que je ne croyais. Ou bien est-ce Ems qui fait cela ? Après une longue promenade en calèche. à 8 heures mon monde, toujours les mêmes. Le Prince George & le bel aide de Camps. Les Melas, les d’Ayne Hélène et Olga. Musique superbe. Le public s’assemble sous les fenêtres pour entendre ces belles voix. De la conversation pas trop. à 10 heures tout le monde est rentré chez soi. A propos du Pce George. Je lui montre de vos lettres. Grande fête pour lui. Il a de l’esprit, il comprend, & il admire avec fureur.
Si j'en crois l’Indépendance il y aurait dans notre réponse de quoi s’arranger. Mais ni vous ni les Anglais ne le voudrez. Il me semble que l’Espagne donne de l’inquiétude à Paris. Je ne crois pas comme vous que la Reine s’en tire maintenant. Et si elle tombe, quoi ? Restauration ? Règne ? L’infante Montpensier ? La réunion au Portugal ? La république ? Rien de tout cela ne peut vous convenir. Vous finirez par aller occuper Madrid, et de quatre. On peut tout croire, & surtout on peut tout rêver quand on s'ennuie à Ems. Adieu. Adieu.
Ma santé n'est ni mieux, ni pire. Dîtes moi que vous n’éternuez plus. Je compte que le soleil vous viendra un jour. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
MF-G-L#017_00402.jpg
91. Ems le 1er juillet 1854

Plus je pense à tout ceci, plus je suis humiliée de la façon dont nous conduisons nos affaires. à ce train là, il vaudrait mieux faire la paix tout de suite. Dieu sait tout ce qui nous est réservé encore si nous continuons cette triste guerre.
Le dernier petit mot de votre lettre du 28 me prouve que vous êtes en pleine espérance. C'est comme vous étiez à la dernière heure à Bruxelles. Hélas, en sera- t-il autrement.
J'ai un besoin énorme de parler de tout ceci, et je n’ai avec qui. Hélène n’est plus praticable. Elle veut pour pendre les Autrichiens elle n’a plus que cela en tête, elle donnerait toute sa fortune pour les anéantir. Richelieu est sensé et nous jasons & rabachons quelque fois. Je suis fâchée que mon fils ne soit pas ici. Avec lui cela irait mieux. Le Times fait un grand éloge de la dépêche d'Aberdeen de l'année 1829 en effet elle est bien faite. Je n'ai de lettre de personne aujourd’hui, je relis la lettre de Constantin. évidement notre retraite n’est pas de la bonne grâce pour l’Autriche, d’après cela c’est seule ment un ennemi de plus. Je suis frappée des soupçons de l'Angleterre contre l'Autriche. En France la nouvelle n’est pas non plus accueillie avec plaisir. Tout me paraît plus confus que jamais. Débrouillez cela. J'aurai demain je crois quelque chose. Ma lettre aujourd’hui est bien bête. Adieu. Adieu.

Dimanche le 2. Elle était si bête, qu’elle n’est pas partie ; elle attend son camarade aujourd’hui. Rien, rien, que mes réflexions qui sont tristes, décidément ce sera une longue guerre. Comment me tirer de là.
Je viens de lire les journaux. Nous ne cédons pas à l’Autriche, Nous cédons à la nécessité de nous mettre en garde contre C'est bien différent, et il est clair que nous nous battrons. Nous n’avons pas battu les terres, que ferons nous des autres ? Vous comprenez que je ne partage aucune de vos espérances. Je n’ai pas ni de lettre de vous, ni de personne, et la seconde porte est arrivée.
Le temps est bien laid, et mon humeur plus laide encore que le temps. Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
MF-G-L#017_00400.jpg
107 Val Richer, Vendredi 30 Juin 1854

Je n’ai pas reçu hier la confir mation que j’attendais, si impatiemment. Il me paraît clair que vous avez levé le siège de Silistrie, mais non pas que vous vous retirez des Principautés. Je crains que vous ne fassiez dans cette occasion-ci, ce que vous avez fait depuis le commencement de l'affaire, diplomatiquement et militairement, c’est-à-dire quelque chose d’indécis et d’incomplet un certain mélange d’ambition et de modération d'obstination et de concession, d'étalage guerrier et d’esprit non guerrier. Combinaison déplorable pour vous, et aussi pour l'Europe, car elle ne donne, ni à vous la victoire, ni à l’Europe la paix, et elle détruit à la fois l’idée de votre sagesse et celle de votre force. Tout l'orgueil Barbare possible, ne suffit pas pour tenir lieu d'habileté et de vigueur.
Je vous traite, en personne aussi impartiale, que moi je vous dis tout ce que je pense. Je me figure que, si je causais avec elle, je ferais admettre cela, même à la Princesse Kotschoubey qui a l’esprit juste, si elle a le coeur patriote. La vérité peut attrister, mais elle ne blesse pas quand il n’y a rien de blessant dans l’intention de celui qui l'a dit.
J'aime les deux discours d'Aberdeen, et le second au moins autant que le premier, quoique je trouve toujours qu’il ne le prend pas d’assez haut avec les adversaires. Il a beaucoup plus raison qu’il ne dit. Il ne rattache pas assez son bon sens et son honnêteté à la grande morale et à la grande politique. Il ne donne pas grand air à une conduite qui mériterait de l'avoir, et il se donne un air de faiblesse au moment même où il résiste. Il se défend quand il devrait attaquer, et il se défend amèrement et non pas énergiquement. Je le lis avec un mélange de satisfaction et d'impatience, d'approbation et de regret. Et je m'irrite de l'impertinence hautaine avec laquelle, les hommes qui sont à cent piques au-dessous de lui le traitent quelquefois.
Encore un général mort. N'est-ce pas que le général Schilder était un de vos officiers du génie les plus distingués ?

Midi
Votre N°97 est bien triste, et il y a de quoi. J'ai peine à croire pourtant que, de tout ce qui se passe, il ne sorte pas quelque chose de nouveau. Je vais lire la lettre d’Ellice. A demain. Adieu, Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
MF-G-L#017_00396.jpg
89 Ems le 29 Juin 1854

J’ai trop de correspondants. Je me fatigue à répondre et j’aime cependant à bavarder. Une longue lettre ce matin de Greville bien de la mauvaise humeur de notre reculade par la crainte que cela satisfasse l’Autriche et la détache par conséquent de l'accident. Le mieux qu'on pourra espérer sera sa neutralité. (Je crois que je viens de faire là trois fautes de Français c’est égal.) La rage en Angleterre va en grossissant. On veut la Crimée, la destruction de nos flottes, l'indépendance de la Circassie. à quatre on arrivait plus vite au but, à deux cela l’éloigne ainsi toute cette nouvelle aventure sert que la paix. Mais quelle pauvre mine nous avons là. Ce que nous proposait L’Empereur Napoléon valait mieux que ce que nous cédons maintenant à l’Autriche. Il offrait le retrait des flottes ici point de compensation. Si ce n’est l'espoir de détacher l’Au triche. Mais lever le siège de Silistrie, c.a.d. nous avons vaincu par les terre, & nous dessaisir de pptés ! Tout cela est bien humiliants, et doit avoir bien conté à l'orgueil impérial. C’est même si fort que j’ai peine encore à y croire. cinq heures. Je viens de recevoir des nouvelles de Bruxelles. On n’est pas fixé là encore sur la valeur de ce qui vient de se passer. On ne sait que les faits. Ils sont bien gros. On regarde la position de l’Autriche comme prépondérante et ne regardant la chose dans son acception la plus simple on trouve que cela conduit plutôt à la paix qu’à la guerre. La situation d'Aberdeen est raffermie par son dernier discours, c’est-ce qu’on me mande de Bruxelles aussi. Adieu.
Je suis bien impatiente de ce que vous allez me dire de tout ceci. Comme nous aurions à parler ! Adieu
Formats de sortie

atom, dcmes-xml, json, omeka-xml, rss2