Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


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Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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204 Baden le 28 juin vendredi 1839 9 heures du matin

J'ai lu les rapports de M. Jouffroy. Il est très bien, on ne peut mieux. Mais le conseil qu’il donne impraticable. Nous ne laisserons par les puissances de l'Europe se mêler de cette affaire, soyez persuadé qu’il ne peut pas y avoir de congrès. Vous serez très content de nous, moins cela.
Vous m'écrivez de courtes lettres. Je manque d’appétit pour mon dîner mais j’en ai toujours, toujours un très grand pour vos lettres, songez à cela. Vous m'avez promis de me tout dire, mais vous ce qui arrive. Quand vous êtes à Paris vous avez beau coup à me dire et vous n'en avez pas le temps. A la campagne, beaucoup de temps et point de nouvelles vous êtes un peu dissipé à Paris. Racontez-moi mieux vos journées. Est-ce que par hasard vous feriez des visites comme l’année dernière, dont je n’entends parler que l’hiver d’ensuite ? Vous voyez que c’est une vieille querelle que je veux réchauffer. Mais trois petites pages et demi pour deux jours, cela, me parait d'une grande avarice. Comment ne trouvez-vous pas de temps pour m'écrire davantage. On trouve toujours du temps quand on veut ! Je vous prie, je vous prie écrivez-moi davantage. Vous me maltraitez, & moi je suis triste, je suis seule, je me fais des dragons. Et si dans ce moment, je continuais, je vous dirais quelques sottises. Adieu. Je vais me promener.

11 heures
Je rentre et je suis plus tranquille, mais ne dérangez pas ma tranquillité. Ecrivez-moi, écrivez- moi davantage. Eh bien, de Paris envoyez-moi une lettre tous les jours. Vous aurez honte de ne m’écrire que deux pages, il faudra bien que je vous occupe un peu plus que cela. Ce sera mieux pour vous, pour moi, pour moi surtout. A la campagne vous donnez des leçons à vos enfants, je n'en suis pas jaloux, vous donnez des ordres à les ouvriers, je n'en suis pas jalouse. Vous aidez Mad. de Meulan à caler des gravures, je n'en suis pas jalouse. Je vous laisse faire. à Paris, sans moi ; je ne vous laisse pas tant de liberté ; il faut que je vous aie à moi davantage toujours, quand vous n'avez pas des affaires. Est-ce convenu ? Je fais parler cette lettre aujourdhui lors de ma règle mais c’est pour que vous soyez plutôt informé de mes exigences. Ainsi de Paris vous m'écrirez tous les jours. Promettez-le moi je vous en supplie.
Ma nuit a été un peu meilleure. Mais le médecin a été forcé de renverser toutes ses ordonnances, au lieu de son et de lait, c'est des bains de sel et d’aromates que je vais commencer demain, & si au bout de huit jours ils ne me font pas de bien, je suis décidé à ne plus rien faire. Je suis plus faible que je ne l’étais à Paris. Il n’y a pas le sens commun à être venu ici pour être plus mal. Le prince Toufackin est venu me voir ce matin. Imaginez que j’ai eu presque du plaisir à le revoir. C’est fort. Adieu. Adieu. Il me semble que je me sens déjà. soulagé par l’arrangement que je vous propose. Adieu. Vous comprenez comment je vous dis Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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203 Baden le 26 juin, 1839 5 heures après midi.

J'ai beaucoup écrit ce matin, je me suis beaucoup promené, je ne vous ai rien dit jusqu’à ce moment et je ne vous dirai pas combien j’ai pensé à vous, vous savez comme on peut penser, toujours pensé à une même chose. Je pense à vous à Baden un peu plus encore que je n’y pense à Paris. C’est beaucoup.
Je suis sérieusement inquiète de ce qui peut arriver à Paris, dites-moi si vous l’êtes. Madame de Talleyrand était tellement persuadé en partant qu’il aurait de gros événements qu’elle n'y a rien laissé du tout. Hors ses combles, elle a tout fait venir à Baden. Moi tout au contraire, j'y ai quatre robes de deuil, et j’ai tout tout laissé à Paris. Pillera-t-on l’hôtel de la Terrasse ? Dites-moi cela, J'en serais très fâchée, cela me manque encore. J'ai écrit une longue lettre à mon frère aujourd'hui, je ne sais plus quoi mais c’était bien, que je voudrais voir mes affaire finies !
J'ai eu une lettre de Lady Cowper. Lady Flora Hastings est très mal . Si elle meurt ce sera une mauvaise affaire pour la Reine. Les Ministres espèrent arriver dans dix jours à la fin de la session. Lady Cowper n’admet pas de discussions dans le Cabinet. Lord Normanby ne pense pas à supplanter Lord Melbourne. Pozzo très faible et hors d’état même de partir. Lady Cowper, Mad. de Flahaut d’autres encore veulent venir à Baden. Je ne crois à rien de cela parce que cela me serait agréable, et je crois à de mauvais moments à Paris parce que j’en serais désolée. Voilà la foi que j'ai dans ma fortune !

Jeudi 27 à 8 h. du matin.
Le temps est beaucoup rafraîchi, il fait même froid et ma promenade hier au soir ne m'a fait aucun plaisir. Ah que les jours coulent lourdement ici ! Je n'en puis plus. Si je voyais mes bras s’arrondir selon votre volonté, je supporterais Baden gaiement peut-être. Mais sans bras, sans société, sans un moment de bon temps ou de plaisir dans la journée, c’est bien dur ! J’ai laissé le lait d'ânesse, il n'allait pas à mon estomac. Je continue les bains, et il me semble qu'ils m’affaiblissent. Ainsi, il y a décadence au lieu de progrès.

5 heures
Merci de votre N°201. Il m'arrive au moment où je suis obligée de remettre le mien. Je n’ai rien de nouveau à vous dire. Je me suis trouvé mal ce matin. Le Médecin trouve mon pouls très affaibli, on va changer en bains. Moi j'aimerais bien mieux ne rien faire. Je suis sûre que tout ceci va me tuer. Je me sens très souffrante. Adieu. Adieu. Pensez bien moi.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Mercredi 12 sept. 1849

Les yeux vont un peu mieux. Mais j’écrirai peu. Voici ce que mande Lord Ponsonby : " nobody here cares one reach what all the goodies in England ta hef say as advice to be listen to, but great disgust is created by it, and entre nous. [?] there may be source danger of desagreable results." Ceci est tout frais. Lord John a épluché devant moi la lettre du Président à M. Ney. Il voulait trouver les quatre conditions exigées, très élastiques et peu compromettantes. Cela me semble difficile. Au reste il critique la lettre beaucoup dans la forme, dans le fond & ne comprend pas comment on se tirera de toute cette affaire. Je n’ai pas vu M. de Metternich, je ne sors pas. Morny m’avait dit sur la composition de l’Assemblée à peu près ceci. De 150 à 170 rouges. 150 légitimistes, 50 légitimistes exagérés, une quarantaine de flottant & ce bagage passant aisément aux rouges. Les vrais conservateurs en minorité. Grande majorité s'il s'agit d’ordre. Fractionnant immédiat s'il s’agit de forme de gouvernement ou de tout ce qui y mène. Impossibilité de rien entreprendre par le moyen de l’Assemblée actuelle. Morny reviendra dans huit jours, je chercherai à mieux fixer les chiffres.
Aberdeen a eu de longues conversation avec Lord John à Balmoral. Il me dit. (J'abrège) "We talked freely of every thing. Without naming his colleague we certainly talked of various matters in astrain to which he would not have [?] at the same time I think Lord John is radically disposed, but corrects his radicalism by his policy and prudence. his colleague is not naturally dispond to radicalism but being without political principles freely of every thing. Without naming his colleague we certainly talked of various matters in astrain to which he would not have [?] at the same time I think Lord John is radically disposed, but corrects his radicalism by his policy and prudence. his colleague is not naturally dispond to radicalism but being without political principles principles yields at once to the passion or interest of the moment. The proportion as the world is rettering to his senres, his failures become more manifest." Voilà beaucoup pour mes yeux. Je finis Quel dommage que je ne puisse pas tout conter. P. E. la dépêche de Lord. Palmerston à John. Mais c'est si long. Voici : Rough Sketch " il y a le probable & le possible (comme cela ressemble à Metternich). Probable vous battrez les Hongrois. Possible vous serez battus par eux. Alors quoi ? Ne risquez ni le probable ni le possible. Arrangez vous tout de suite. Donnez indépendance && " Adieu. Adieu, si vous me donnez des yeux, je vous amuserais davantage. Adieu Adieu.
J’ajoute encore. [?] ne veut pas se rendre. Les autres l’attaqueront avec toutes leurs forces. La Prusse n’est pas assez forte pour faire sa volonté en Allemagne. L'Autriche qui ne veut pas de ce que veut la Prusse n'opposera que son vote et son inertie. Mais si la Prusse employait la force alors Autriche, Russie & &France tout serait là pour s'opposer. Voilà ce que mande Lord Ponsonby.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Ems le 24 Juillet 1851, jeudi

Je suis un peu effrayée de ma décadence. Cette affaire du reçu égaré est étrange. Je l’ai tenu en main, je l’ai soigneusement serré avec mes papiers d’affaires, et il n’est par là ! C’est évidemment de ma faute, mais comment est-ce que je fais des fautes pareilles. J'oublie ; je ne sais plus ce que je fais des choses. Il y a du trouble dans ma mémoire. Est-ce que cela arrive vite, comme une maladie, la rougeole, ou autre chose ?
Voilà un oukase nouveau bien sévère. En cinq ans d'absence convertis en 2 années et cela encore avec des droits énormes. Je crois qu'on criera bien fort en Russie. Il faut que l’Empereur soit bien sûr de son fait pour aventure est oukaze. Mes fils vont être bien contrariés. Je le suis pour eux, surtout pour Alexandre. Car Paul, Courlande ou Londres cela revient un peu au même pour moi.
Ellice est arrivé. Bonne mine et en train de s’amuser. Je voudrais qu'il devint un peu amoureux de la duchesse d'Istrie comme l’était le prince George de Prusse. Cela le ferait rester un peu. Avant de l’avoir vue, il menace de repartir après demain, avec Marion & Duchâtel. Quel grand vide pour moi.
Gladstone vient de publier une lettre à Lord Aberdeen contenant des horreurs contre le Roi de Naples & donnant pleine raison à Lord Palmerston sur ce point. Ellice conseille à Lord John d'élever Lionel Rothschild à la Pairie, pour punir la Chambre haute de résister à la volonté des Ministres pour l'admission des Juifs. Je n'ai encore causé avec Ellice qu’en courant. Adieu. Adieu. Je pense que le Président gardera ses Ministres.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Hôtel Bellevue. Mercredi le 2 juillet 1851,
6 heures

Je viens d’arriver fatiguée. Voilà toutes mes nouvelles. Si le train ne part pas de trop bonne heure demain je poursuis, sinon je me repose. Je sais que le Roi de Würtemberg va venir à Ems. Pensez un peu quel dommage que vous ne le voyiez pas ! Je crois qu’il y vient dans l'espoir que vous y serez. J’en saurai davantage après-demain.
Adieu, je tombe de fatigue de faim et de sommeil.
Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Ems Samedi le 5 juillet 1851

Je suis arrivée hier à 7 heures après un voyage excellent. Je me suis séparée de mon fils à Coblence, bien bon garçon. Ici je retrouve tout, très bien, matériellement, pas une âme de connaissance. Nous avons bien besoin l’un de l’autre. Duchatel & moi.
Votre lettre du 2 qui est venue ce matin. Une d’Ellice aussi. Le discours de Thiers n'a pas fait fortune en Angleterre du tout. Ellice me dit quel effort de déraison ! Lord john est parfaitement raffermi, & restera très solidement. pour l’éternité. Amen. On m’a dit à Bruxelles qu'on ne s’est pas douté à Paris de l’effet produit à Claremont par la lettre du comte de Chambord en février. La duchesse d’Orléans était rendue complètement. On songeait à une entrevue. La proposition Creton renversée par Berryer a renversé toute la [?]. Léopold est très sensé. Il donne les meilleurs conseils. Les doutes que j’avais exprimés à ce sujet ont beaucoup déplus & étonnés. J’ai dit des choses utiles.
A Bruxelles comme partout, on est convaincu de la durée du Président, et comme partout, on la désire car on ne voit rien de bon que cela en fait de choses possibles. A Naples chaque fois qu'on se rencontre, on fait un petit programme de phrases à s'adresser ni plus ni moins. C’est positif. Je crois que je vous ai dit tout ce que j'ai ramassé.
Marion est ravie d’Ems elle a une fort jolie chambre à la gauche de mon salon. L’air est délicieux, ni trop chaud, ni trop froid. Je ne regrette de Paris que vous, car du reste je pense de lui avec mépris, au physique & au moral. Adieu. Adieu. Adieu.
Brunnow ne parle de Walensky que comme d’un polisson. S'il fait comme il parle cela va faire une relation agréable. Le discours à Châtellerault est excellent.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Ems Dimanche le 6 juillet 1851,

Vos lettres m’arrivent régulièrement mais tard. Le matin du 3° jour c-à-d. la lettre du 3 est chez moi le 6. Pas moyen de remédier à cela. Duchatel est arrivé avec sa femme qui passera 3 jours avec lui. J’ai commencé aujourd’hui. à boire mais je ne me sens pas très bien. C’est peut-être le changement de climat. Ici il fait plutôt froid, 8 degrés seulement ce matin.
Pas l'ombre de nouvelle comme de raison, & je n'en prévois guère si personne n’arrive. Tout à l’heure une lettre de Constantin du 4 de Potsdam. Le roi a reçu le duc de Noailles, le 3 à merveille. Il a beaucoup causé avec lui & aura l’occasion de recauser encore. Il a été présenté à la grande Duchesse Marie, et dîné avec elle chez le roi. La grande Duchesse veut me voir, nous nous donnerons rendez-vous quelque part sur le Rhin. Voilà pour aujourd’hui. Adieu. Adieu.

Pauvre lettre. Il y en aura beaucoup qui ne seront pas plus belles. Adieu.
Dites à M. Molé, le duc de Noailles. Hambold, & mon neveu l'ont placé entre eux à dîner, pour l’orienter. Il y avait 22 princes ou princesses. Il a été présenté à tous et cela n’a pas été chose facile que de l’édifier sur chacun d'eux. On est très poli & empressée pour lui.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Ems lundi le 7 juillet 1851

Votre lettre m’est remise à 7 h. du matin. C'est réglé, & j'aime bien la règle. Je serai au régime de la règle en toute chose ici. Je commence déjà à m'ennuyer c’est bien tôt !
Il fait froid très froid même. Les Duchatel sont venus hier soir, je le vois lui deux fois le jour. Il joue à la roulette. Il est très étonné de n’avoir par la moindre nouvelle de Montebello. Je n'imagine que la partie du palais de cristal sera remise au mois d’août.
Aujourd’hui je n’ai point de lettres de mes correspondants, au fond j’en ai peu maintenant et comme Constantin va aux eaux, lui aussi n’aura rien à me mander. Le duc de Saxe Meiningen est ici, je pense que je le verrai. Du reste personne. Personne regrette la [?], Schomburg, Bückeburg ! Rappellez-vous que Mad. Hatzfeld reçoit le jeudi. Vous devriez y aller, dernière soirée de Paris.

2 heures. J'ai pris mon premier bain, & un somme après. L’un et l’autre très agréable. Voyez les nouvelles intéressantes que je vous mande ? Adieu Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Ems Mardi le 8 Juillet 1851

Votre lettre fait ma journée Je n’ai donc rien à vous dire de plus que je ne vous disais hier. Les verres d’Eau, le bain, la promenade, Duchatel & sa femme. Ah, Le prince George de Prusse neveu du roi. Jeune homme sérieux et agréable, mais qui va partir. Je suis curieuse de Londres, Montebello a promis à Duchâtel de lui écrire de là. Je suis honteuse je n'ai rien à vous dire du tout. Il ne vaut pas la peine de vous envoyer cette lettre. Elle restera jusqu'à demain.
Mercredi 9 juillet. J’espère que vous ne me gronderez pas de vous avoir manqué un jour d’autant plus que hier ressemble à aujourd’hui avec ceci de plus que je suis fort dérangée dans ses entrailles ; le dîner est détestable et cela me cause de vilains mouvements de bile. Je vais essayer aujourd’hui les talents d'Auguste. J’ai peur que cela n’aille pas. Voilà mon seul souci d'Ems.
Comment n'avez-vous pas encore reçu dimanche ma lettre de Cologne de vendredi ? C'est étrange. Dites-moi, ou répétez moi, si vous l'avez reçu ou non. Cela m'importe, car j’avais écrit d’autres lettres de là. Duchatel n’est pas reçu hier soir. Lui aussi a ces mêmes accidents que moi, et de plus un peu de fièvre. Il est mieux ce matin & reconduit sa femme à Coblence.
Le comte de Chambord a parfaitement raison de ne pas risquer Londres. Quel plaisir pour moi de lire M. de Maistre, & quel remord ! Quelle honte ! Tous les soirs chez moi pendant tant d’années et ne me souvenir que de sa figure. Certainement je n’ai pas de l’esprit naturellement. On m'en a donné un peu, et bien tard ; et pour être tout-à-fait vrai je crois qu’il ne m’en est venu un peu qu’à Paris et depuis 14 ans. Il fait très froid ici 8-10 degrés pas davantage,
Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Ems Jeudi le 10 Juillet 1851

Vos lettres sont toujours intéressantes. Et les miennes. Quelle pauvreté ! Je me suis fort ménagée hier. Le temps était froid. J’ai vu le médecin d’Ems, il ne trouve pas que je doive suspendre les eaux. Mon indisposition ne sera rien.
Hier soir le Prince George de Prusse et Duchatel. Pas gai du tout. Le prince est très raide & lent. Mais nous lui croyons de l'esprit. Il en a sur sa figure. Duchatel ne s’est pas amusé ni Marion, ni moi ; cela ira mieux. Il me semble que Beauvais a parfaitement réussi !
Je reçois vos lettres à 7 heures du matin. Je crois vous l’avoir déjà dit. Les mêmes porteurs à la même heure ce qui fait qu’elles doivent être mises à la poste la veille avant 6 heures du soir. Quels sots arrangements.
Les enfants du Roi des Belges arrivent je crois aujourd’hui. Ils ont pris tout l’hôtel à côté du Panorama. Je suis bien fâché que le roi lui-même ne vienne pas. Montebello avait promis à Duchâtel de lui écrire de Londres. Il ne l’a pas fait, cela le fâche. J'écris à l'impératrice sans trop savoir quoi. Ma scribomanie.
Adieu. Adieu Duchâtel trouve que cela vous irait très bien d’être catholique. Je ne trouve pas.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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169. Paris, samedi 20 octobre 1838

J’ai pris beaucoup de bois de Boulogne hier, je me suis fatiguée dans l’espoir que cela me profiterait pour la nuit. J'ai été faire visite à la Duchesse de Talleyrand. Je ne puis pas vous dire combien elle & tout son établissement me paraissent unconfortable and unsatisfactory. Je ne sais à quoi cela tient. Elle a un air flottant, indécis, elle flatte tout le monde à droite, à gauche. Et par dessus toute cette incertitude, elle veut se donner de l'aplomb, & répète à tout instant qu’elle est une grande dame. Assurément elle devrait l’être, mais en vérité je ne trouve pas qu’elle en ait l'air, elle n’a pas assez de calme pour cela.
Le soir j’ai été dire adieu à la duchesse de Sutherland chez Lady Granville. J'y ai laissé Marie et je suis revenue me coucher à 10 heures ; cela m’a fait dormir un peu, pas beaucoup. Très décidément on dit Potsdam & je croirais, que cela dérive d’un juron. Il faut le demander à Humbold. Je suis comme Thiers, j'aime la géographie. Le Duc de Noailles est ici, je ne l’ai pas vu encore. Son père était mourant, et il est mort en effet avant-hier. Ce sera pour lui un deuil et pas autre chose. M. de Barante est arrivé à Pétersbourg. Les affaires en Espagne sont au plus mal pour les Christinos, du moins c'est le ministre de Christine qui le dit !
Il fait doux et charmant aujourd’hui. je devrais me porter bien, & je me porte très mal. Il me semble que jamais mes nerfs n’ont été plus malades. Tout m’agite, tout m'irrite. Je sais bien qu’il n’y a pas de remède, car le mal me vient de gens incurables. Adieu. Adieu. Racontez-moi toujours que vous emballez, que vous envoyez. Il faudra bien finir par vous emballer vous même. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Ems le 15 juillet 1851, Mardi

Voici du renfort. La duchesse d'Istrie & d’Haubersaert sont tombées chez moi hier soir à ma grande joie. Comme je reçois bien les gens quand je m'ennuie. Le Prince George est venu un moment après, subitement touché de la beauté de Madame d'Istrie. Cela plaît à Duchâtel aussi. Il m’a envoyé ce matin toutes ses lettres de Paris parfaitement conformes aux vôtres. Nous allons être curieux ici comme vous au Val-Richer de la discussion de la semaine. Je ne crois pas qu’elle offre rien de très vif.
Marion me fait certainement une grande ressource. Elle me fait bien rire. Petite républicaine qui ne veut absolument pas dire Monseigneur au prince de Prusse, cela lui reste dans le gosier. Elle se moque de lui pas mal, elle lui trouve l'air d'une bête fauve innocente, mais qui a de l’esprit. Bouteneff est venu me voir. Esprit droit, sensé, & doux. Il vient de Pétersbourg. Il sera bon à l’usage. Grand ami d’Alexandre, qu'il me donne pour un bien bon fils. Cela me fait du bien à entendre. Duchâtel veut faire demain une partie à Stolzenfels avec la duchesse d’Istrie et Marion et d'Haubersaert. Ils vont s’amuser. Le temps est toujours à la pluie, au vent, au froid. C’est détestable. Je bois, & je baigne. Les princes Belges sont arrivés hier avec un grand train. Cela avait très bon air. J'ai beaucoup de goût à tout ce qui a l'air royal. Adieu voyez comme je vous écris des lettres intéressantes.
Adieu encore.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Ems jeudi 17 Juillet 1851

Voilà votre petit mot du Val Richer. Nous sommes bien loin l'un de l’autre. Le dimanche arrive ici jeudi la réponse vous parviendra donc lundi. Il y a de quoi aller et venir quatre fois en Angleterre. Ma soirée s’est passée comme l’autre, d’Haubersaert & moi au piquet. Le Prince George de Prusse, Duchâtel, la duchesse d'Istrie, le comte [?] très joli jeune homme aide de camp du Prince, au lansquenet Marion regardant. On lui prend son argent je ne veux plus qu’elle joue.
Je ne me baigne pas aujourd’hui, je veux me reposer. J’en profiterai pour aller faire visite à la petite princesse. 2 heures. J’ai été les voir. De charmants enfants, & la petite, jolie comme un ange. Ellice viendra probablement ici. Le parlement va se séparer bientôt. Adieu. Je n’ai pas un mot de plus à vous dire Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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3 Versailles, Samedi 2 Septembre 1843
6 heures du matin

Me voici bien véritablement à Versailles, mais cela ne me plait guère. L’appartement que j'occupe est au midi. J’étouffe. J’ai passé une nuit détestable. J’ai fait hier un mauvais dîner qui me dérange l’estomac. Enfin cela commence très mal. Je commence à me croire bête. Je ne sais pas les arranger. Kisseleff est venu hier à Beauséjour avant mon départ. Je voulais lui dire que le corps diplomatique se conduisait très sottement et lui insinuer par là la convenance de faire et dire autrement. Il s’est avoué coupable du pari, il les regrette extrêmement. Je l’ai rassuré, j’ai dit que quoiqu'on les sût on n’y ferait pas attention mais il faut qu'il règle son langage ou il a affirmé et je le crois qu’il dit à tout le monde en parlant du voyage " c’est un très grand événement ", & lorsqu'on lui jette à la face la petite fille. Il dit une petite fille qui est un roi, qui arrive flanquée de ses vaisseaux de ligne ; et accompagnée de son ministre, c'est le gouvernement, c'est l'Angleterre. Je l'ai loué et exhorté à continuer. Quand on a de l'esprit c’est comme cela, qu'il faut faire. Je voulais sérieusement rendre service à Kisseleff, et je suis sûre de mon fait en faisant ressortir que tous ses collègues sont des sots.
Ce pauvre Fluihman que j’attends qui est venu a été renvoyé brutalement par ce sot de Stryboss. Pauvre homme dans cette chaleur. Je lui ai écrit pour l’inviter ici aujourd’hui mais il ne me croira plus.
J’ai quitté Beauséjour à cinq heures, seule. J’ai dîné un peu tristement et mal. J'ai marché sur le pavé dans les ténèbres suivie d’Auguste. Comme c’est gai. Je suis entrée un moment chez Mad. Locke dont l'appartement touche au mien. Elle est très bête, sa fille a un ton de village, le mari ne dit plus un mot. Ce trio n’est pas soutenable si l'on ne vient pas me voir de Paris cette solitude sera intolérable.
J’attends votre lettre. Je voudrais bien savoir cette reine arrivée. Si elle tarde c’est autant de jours de pénitence de plus pour moi, et je les trouve déjà bien longs. Serra Capriela donne demain une soirée diplomatique au comte de Syracuse. Appony devait venir passer la journée chez moi, ceci l’en empêche.
Une heure. Voici votre lettre. Je vous en prie pas de galanterie en mer. Que le Roi n’aille pas au devant. La bonne grâce serait quand elle approchera et lorsque son bâtiment sera en rade. C'est-à-dire en parfaite sécurité, que le Roi monte en bateau ouvert pour la recevoir. Il est clair qu'il faut un bateau dans tous les cas. Je ne connais pas votre Tréport mais s’il est fait comme d'autres ports le bateau à vapeur n’arrivant pas jusqu’au bord il faut toujours se mettre en chaloupe pour aborder. C’est donc chaloupe que je voulais dire, et encore j'ai bien envie de m’en dédire. Je ne suis pas le moins du monde de votre avis sur ces sortes d’entreprises. " Là où il y a la plus petite chance d’un très grand malheur il faut s’abstenir ! " (traduction littérale d'un dicton Anglais.) Que le Roi reste chez lui. Et surtout pour Dieu que vous y restiez. Je n’aime pas toutes ces aventures. Ah que je voudrais qu’elle fut déjà là ! Votre lettre me fera trembler jusqu'à demain. Et puis je recommencerai. Vous me rendez très nervous par cette chance d’une promenade en mer si la Reine n’est pas arrivée demain quand vous lirez ceci, suivez-mon conseil. Je vous en conjure ; écoutez-moi.
Je vois que vous me voulez à Beauséjour. J’y retournerai puisque c’est votre volonté. Je coucherai encore ici aujourd’hui. Vous ne savez pas comme vous venez de m’inquiéter, et puis quand je me rappelle que nous nous sommes quittés si gais j'en reviens à un pressentiment triste. Je vous demande à genoux de ne pas vous embarquer, de ne pas embarquer le Roi. Adieu, adieu.
J'écris à Génie pour le prier de venir ici. Peut-être viendra t-il. Madame Narychkine revenue de Bade me rapporte la nouvelle que les trois filles du Grand Duc Michel se marient. L'ainée au Duc royal de Wurtemberg. La seconde au Duc régnant de Nassau. La troisième au Prince héréditaire de Bade. Tout cela d’excellents mariages. Et l’Empereur qui ne parvient pas à en faire de bons pour ses filles. Qu’est-ce que je vous dis là ! Je n’ai plus autre chose dans la tête que cette navigation du roi. Abominable idée jetez la par terre je vous en supplie. Adieu. Adieu. Adieu. Non pas gaiement du tout mais avec une horrible inquiétude. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Ems Dimanche le 27 juillet 1851

Une nuit blanche. Les nerfs de la tête agacés, courbatures générales, un feu de fièvre hier. Voilà les bénéfices de la lettre de [Coutte]. C'est bien ignoble d'être agitée & malade comme cela pour une question d'argent. I cannot help it. 10 000 £ de moins dans ma fortune je ne m'y accoutume pas. Ellice écrit à [Coutte] pour expliquer. J'affirme que le dépôt est chez lui, c’est ainsi sûr qu'il est sûr que je suis à Ems. Je l'ai remis cacheté, signé chez lui. Il m’en a donné reçu, ce reçu est mentionné dans mon testament. C'est sûr, parfaitement sûr. Sa réponse est laconique : il m’a rendu ce paquet avec tous les autres titres. Je dis que j’ai repris tous les autres titres moins celui-là. Et ma raison était simple. Un très gros paquet, inutile jusqu’en1858, et moi rentrant dans un pays de révolution. Enfin, je vous ennuie, j’ennuie tout le monde, et je suis honteuse. Si l’affaire ne s'éclaircit pas. (ce à quoi je ne vois pas de chance depuis la lettre de Coutts) je déclare que j’ai été volée dans la première maison d'Angleterre. Comment ai-je pu égarer le reçu ? C'est là où ma raison est en défaut. Moi si exacte, soigneuse de mes affaires.
La soirée s’est bien ressentie du départ de Marion, & de Duchâtel & de mes soucis. Nous proclamons tous Duchâtel le plus agréable homme du monde. Si gai, si en train, toujours en bonne humeur, & tant d'esprit tout prêt & tout naturel. Je le crois bien parfaitement égoïste, qu'est-ce que cela me fait ? Je ne suis pas de votre avis sur la fête à l’hôtel de ville. Comment voulez-vous qu'on reconnaisse autrement les politesses faites à vos commissaires industriels & & en Angleterre ? Et vos fêtes à vous sont cossues, magnifiques, et bien supérieures à celles d'Angleterre. Non, M. Berryer a raison. Je saurai à Francfort sans doute des nouvelles des affaires d'Allemagne. Ici je n’ai aucun moyen d’être bien renseignée.
J'ai une petite nièce ici bien gentille et jolie, une Princesse de Lieven mi ditto. Son mari a l'air bourru. Elle dit qu’il la fait rire, & elle l'aime beaucoup. 28 ans de plus qu’elle. Midi dans ce moment une nouvelle lettre de Coutte, m’informant qu’il a en sa possession mes titres. Ouf ! Mais voilà un banquier bien léger. Adieu. Adieu

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33. Paris le 9 juillet 1852 jeudi

Je n’ai pris à Schlangenbad qu’un seul bain. Je n’avais pas le temps. Voilà la vie de cour. Ils ont fait du bien à l’Impératrice. Je les aurais pris avec grand bénéfice après son départ pendant 15 jours, si Aggy était venue. Voici qu’elle s'annonce pour le 14 c’est encore bien long.
Paris est étouffant. Je vois tout le monde. Fould, Caumont, voilà pour la Cour. Toute la diplomatie. Duchatel, Dumon, Noailles les indépendants. L’Empire ne se fait pas encore, on n’en parle pas ; pas du tout. Il faut une femme, elle n'y est pas encore. Le Prince se porte à merveille & se repose à St Cloud. Il ira à Strasbourg le 17. 3 jours d'absence.
Je vous répète que j’ai beaucoup à vous raconter et rien à écrire. Je cause avec vos amis, je les écoute & je leur apprends. Je suis trop paresseuse pour aller à Champlatreux. Je n’ai pas eu une minute de solitude de puis mon arrivée. Je me lève à 7. Je me promène jusqu'à 8 1/2 alors je me renferme. Je dîne à 3, à 6 h. je sors pour rentrer à 8 1/2 & je me couche voilà ma journée.
De 10 à 6 on vient me voir. Kisseleff part demain pour Vichy. Hatzfeld est bon d’affaires. Hubner n'est pas revenu. L’Impératrice s’est bien trouvée de Schlangenbad, mais il eut fallu quinze jours encore & l’Empereur ne lui a pas accordé. Je n’ai pas encore eu le temps d'écrire un seul mot à l’Impératrice. Adieu. Adieu.
On me dit que je ne trouverai rien à Dieppe. C'est là que je veux aller, mais j’ignore si je réussirai. Je le saurai demain Adieu.
Drouin de Lhuys va avoir les aff. étrangères. On changera aussi M. Duruflé. Lord Mahon & Cardwell ont perdu leur élection.

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Ems le 28 juillet 1851 Lundi

J'ai dormi, et je vais mieux. J’attends l’éclipse. Ellice qui devait partir reste pour la voir d'ici ca.d. que la Duchesse d'Istrie l’a complé tement ensorcelé. Il fond. C'est à mourir de rire. La grande duchesse me laisse le choix entre Bade le 4, ou Francfort le 10. Je prends Francfort. J’irai à Schlangenbad le 2, le 9 à Francfort, & je reviens à Schlangenbad le 11 ou même le 10 déjà si je puis m’en tirer à si bon marché. Je viens de rencontrer le comte de Beroldingen qui me dit qu’il vient de recevoir la nouvelle que sa belle mère est morte hier. Il allait commander une messe de mort, & vient ce soir chez moi jouer au 21 ! Bouteneff me fait une conversation agréable, intéressante aussi bien anti Palmerston, bien anti Brunnow celui-ci en décadence, mais restant parce qu'on ne sait où ne trouve un autre, et qu’en général nous n'aimons pas changer nos agents.
3 h. L’éclipse est passée, peu de chose. Pas plus merveilleux qu'en 1819. On a vu ce matin à la source une danse russe se promenant avec une lanterne sur la poitrine, qu’elle tenait préparée pour l’allumer quand on serait dans les ténèbres. Adieu. Adieu, je n'ai rien à vous dire. Ellice a une attaque de choléra, il part demain. Adieu.

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157. Paris lundi le 8 octobre 1838, La Terrasse

Je n’ai vu hier que Palmella et Fagel. J'ai fermé ma porte à tous les autres & le soir on a fait comme on a pu, mais vraiment je me suis sentie trop malade pour recevoir. Je me suis couchée à 9 heures. J'ai un peu mieux dormi et je verrai à me conduire mieux. Je viens de recevoir une lettre très ministérielle de Matonchewitz, qui me laisse croire qu'il viendra me voir secrètement à Paris ou dans les environs, ce qui me fera un grand plaisir. C’est mon premier confident, et privy counciler ; à lui est due ma première révolte. Lui même s’est mal trouvé de ce système. Il a fait une reculade, j'espère ne jamais en faire.
Il fait très froid, très désagréable et les arbres du Tuileries sont de toutes les couleurs hors la vraie. On dit beaucoup que M. de Broglie est dans un désespoir qui rend toute idée d’affaire impossible. M. Decazes raconte qu’il ne quitte pas la Chambre de sa femme, qu’il y conserve le lit ou elle couchait à côté du sien. Enfin pour le moment on assure qu’il n’a pas une autre pensée. Je suis persuadée qu'avant la fin de l’année il en aura bien d’autres, et je trouve très bien et nécessaire qu’un homme se voue plus que jamais à la vie publique lorsque la vie privée à été détruite. Voilà ce que fait qu’un homme vit encore et doit vivre après avoir essuyé les plus grands malheurs et que pour une femme, c'est fort inutile.
J'ai fait des courses ce matin, je m’arrange c’est-à-dire que je me fatigue. Vous me demandez des nouvelles de mon sommeil dans le moment où j’ai un très mauvais compte à vous en rendre. Je m’endors à 10 h. Je me réveille à 3 et tout est fini. C’est trop peu.
Adieu, mon petit cabinet me plait ; je vous y retrouve, partout. Vous y pensez n’est-ce pas ? Adieu. Adieu. Je ne sais ce que j’ai fait de mon papier, je ne retrouve pas mes enveloppes et Félix a trop couru pour que je l'envoie en chercher. Adieu.

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Ems le 1er août 1851, vendredi

Je pars demain et je suis très souffrante aujourd’hui. Toujours ce vilain point à la tête. Chreptovitz est arrivé hier. Il ne me dit rien de nouveau. Il demande, & moi, je ne sais rien. Je vois que Changarnier est sur toutes les listes de commission des permanences, et Molé & Broglie sur celle de la gauche. Seulement, c’est drôle.

2 h. J'ai revu tout à l'heure Chreptovitz et j’ai recueilli d'assez curieuses choses. L’Empereur a fort approuvé le Président pour avoir été le commandement à Changarnier. Il faut rester le maître. Nous trouvons que le Président se conduit sagement. Nous attendons de lui qu’il fera encore de bonnes choses à l’intérieur ; ses rapports avec l’étranger sont excellents, et pour le moment nous voyons tout profit à ce que le Président soit prorogé. J'ai si mal à la tête que je ne puis pas continuer. Adieu. Adieu.

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Schlangenbad le 2 août Samedi 1851

Seconde lettre aujourd’hui, parce que la poste part d'ici le matin de très bonne heure. Je prépare donc. Je suis arrivée ici à 2 heures très fatiguée parce que je suis faible. Je vais tâcher de me bien reposer. Je trouve Schlangenbad comme j’avais trouvé Ems plus joli encore que l’année dernière. Mais pas une âme, pas de villa franca. Pas d'espoir d'une aventure !
Ce que vous me dites du projet Joinville est bien alarmant, car j’y vois des chances. Dieu sait tout ce que nous verrons encore. Moi je suis décidée ; je veux garder le président. Nul autre que lui ne pourrait faire la bonne besogne qu'il vous faut encore, à coup sûr ce ne serait pas Joinville ! Ellice m'écrit de Francfort, il s'annonce ici pour deux jours de la semaine. Il est bien bon. Il ne sait pas ce qui l’attend. Rien, à personne. Comment m’y prendre pour l’amuser ? Duchâtel va chez lui en Ecosse. Ils partiront de Londres ensemble le 11 ou le 22. Duchâtel arrive à Paris demain. Lord Carlisle va assister aux fêtes de Paris. Quelle tournure pour un premier rôle !

Le 3 Août dimanche. Je me lève pour vous écrire c.-a.-d. pour fermer ma lettre. J'envoie chercher Marion aujourd’hui au Johannisberg. Elle me fera une petite nouveauté. Adieu. Adieu.

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Ems le 2 août Samedi. 1851 6 h. du matin

On m'emballe, et pendant ce temps je vous écris un mot. La comtesse Chreptovitz est arrivée de Londres hier. Elle me raconte à propos du nouvel oukaze pour les passeports, que Nesselrode & Orloff l'ont appris en même temps que le public. L’Empereur l'a fait promulguer d'une manière soudaine, ses ministres l’ignoraient. L’étonnement & le mécontentement ont été grands. J'essaye avec les Chreptovitz de parer le coup qui attend peut être mon pauvre Alexandre. si on lui refuse de sortir du pays, quelle triste affaire. On vient de refuser à une de ses cousines aussi une sœur du petit cousin.
J'ai eu la migraine hier tout le jour, & tout le monde est venu, beaucoup de monde. Je me suis couchée de très bonne heure. J’espère aller mieux à Schlangenbad. Je vous quitte. Adieu. Adieu.

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Schlangenbad Dimanche 3 août 1851

Le temps est superbe, mais ma tête ne va pas bien. C’est long. Voilà huit ou dix jours que je suis comme cela. Savez-vous que c'est cette maudite question d’argent qui m'a mis dans cet état. Cette fameuse lettre de [Coutte]. niant le dépôt m’a été remise au moment où je sortais de mon bain. L'émotion a été grande. Très honteuse je le répète ; mais que faire. Je ne suis pas sublime. Au reste Ellice m'envoie une lettre de [Coutte] bien humble. Mauvaise affaire pour lui, mais sa tête ne lui fait pas mal comme la mienne. La poste n’arrive ici que dans l’après-midi à 4 heures je crois, et quel retard dans ces montagnes. Le facteur vient à pied.
Il y a ici un Ministre du Roi de Prusse M. de Westphalen. Je crois ministre de l’intérieur. Je ferais bien quelqu’avance mais je crois me souvenir qu'il a été question de lui tout dernière ment dans une complication ministérielle, et je ne veux pas me bruler les doigts. Le roi de Prusse sera à Stolzenfels le 16. Je n’espère ici personne, absolument. Cela me serait peut-être égal si je me portais bien.

Lundi 4 août. Un seul mot car je me lève tard j’ai pris médecin, je suis assez misérable. Hier Marion m’est revenue de bonne heure, elle était escorté de Richard Metternich & son cousin, radieuse, heureuse, adorée au Johannisberg, surtout pas le vieux prince. Il vit là une grande gloire. Toutes les puissances se courbent devant lui. Je suis bien aise qu'il ait ces jouissances-là. Adieu, adieu.
Vos lettres seront ma seule société ici. Adieu

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Schlangenbad le 5 août Mardi soir.

Jugez mon chagrin ! Encore pas de lettre aujourd’hui. J'écris à Francfort de nouveau. Je ne conçois pas ce que cela veut dire. Il est bien certain que vous m’aurez écrit. Maudites postes. Je n’ai rien, je ne sais rien, & mon mal de tête continue. Vrai supplice.

Mecredi 6 août 7 h. du matin. Ellice est arrivé tard hier soir. Il dort encore je suppose. Je ne l’ai point encore vu : voilà une petite distraction dans ma solitude, & mon absence de lettres. Ma tête va un peu mieux. J’ai pu dormir cette nuit. Et le temps est charmant, mais vos lettres ! J'en ai une d'Aberdeen regrettant la publication de Gladstone, mais craignant que le fond ne soit vrai. Sur le bill Catholique, il prédit des malheurs à l'Angleterre. Quant à la réforme promise par Lord John, elle le renversera, ou le consolidation mais il lui faudra de nouveaux éléments dans son cabinet. Vienne et Londres très mal ensemble. Je vous envoie tout ce qui me revient dans mon trou. Adieu. Adieu.
Aurai-je une lettre aujourd’hui ? Il m’en faut trois. Adieu.

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Schlangenbad le 8 août 1851

Je pense bien à la désagréable. situation que vous fait cette sotte conduite de Claremont. Evidemment la fusion qui devrait être le salut de la France en sera le fléau. c.a.d. que la division éclatant chaque pas, il faudra bien deux bannières. Eh bien ce qu’il y a de mieux à faire, c'est de ne s'en plus mêler. Vous irez à Claremont pour la messe funèbre, dites-là la vérité pour la dernière fois, & souhaitez leur le bonjour. Et puis restez tranquille. Qu'ils fassent leurs affaires à leur façon cela ne peut pas être la vôtre. J’espère que la France restera comme elle est plutôt que de retomber aux mains de ces Princes gamins. Je suis convaincue que tel est aussi le sentiment de l’Europe. C’est toujours la lettre de Duchâtel qui m'a mis dans ce train là, car hélas vos lettres il y a bien longtemps que je ne les connais plus. Je suis impatiente d’arriver à Francfort pour tout vérifier.

7 heures. Voici enfin deux lettres le 3 et 4. Le 31 juillet & le 2 août me manquent. Où sont elles ? Vous serez donc à Paris après-demain, & lundi & Mardi. Sans moi, je ne le comprends pas. Arrangez votre course à Londres de façon à être à Paris le 2 ou le 3 septembre j'y serai certainement alors. Vous donneriez bien quelques jours à l'exposition. Ou bien voulez-vous que je revienne plus tôt ? Je puis abréger. J’attends Constantin après le 20. Ici ou autre part. Le 9 samedi. Vraiment je suis toute malade, ma pauvre tête, je ne sais qu'en faire. Je viens de prendre une médecine il fallait me donner cela plutôt. A 4 heures je vais à Francfort mauvaise condition pour reprendre mon rôle de courtisan. Adieu. Adieu.
Vous me direz des nouvelles de Paris. Adieu.

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Schlangenbad Vendredi 8 août 1851

Ah la vilaine chose que l'absence & les postes allemandes. Rien, rien de vous hier. Je crois vraiment qu'on me vole vos lettres pour les garder et les publier un jour. Je fais du fracas à droite et à gauche. Enfin je vais demain moi-même à Francfort. Voyons comment cela me réussira. Tous les Metternich jeunes sont venus ici voir Marion. On ne parle que des inondations. Le Rhin a quadruplé. Le soir je m'en suis assurée, moi-même en conduisant Ellice jusqu’à Biberich où il a dû s'embarquer ce matin. A Bade il y a eu des dégâts effroyables. Le chemin de fer coupé. Les ponts emportés.
Duchâtel m'écrit de Paris. Il trouve tout bien gâté. Votre prince de Joinville a fait de la belle besogne et Changarnier aussi. Enfin si tout cela tourne au profit de la réélection du président je n’en serai pas fâchée. On serait bien avec une tête comme Joinville !!
La mienne me fait toujours mal, mais elle ne me fait pas faire de sottises encore. Adieu. Adieu. Constantin m'écrit qu'il a grand peur qu'on ne donne pas de passeport à mon pauvre Alexandre. Quelle tristesse cela va lui faire. Je suis bien troublée de cela. Je cherche le moyen de lui être utile. Adieu.

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Francfort Dimanche 10 août 1851

Avant de quitter Schlangenbad. J’ai reçu votre lettre du 5, et ce matin ici, celle du 6. Voilà qui est bien, mais les perdues restent perdues. Je suis arrivée ici à 8 h. La grande Duchesse un quart d’heure après moi, et une minutes après j’étais dans ses bras, car c’est ainsi qu'elle m’a reçue. Aussi tendre, plus tendre qu'il y a 16 ans à Pétersbourg. J’ai eu un grand grand plaisir à la voir & la contempler. Elle est charmante. Une heure de conversation intime, toutes choses. Je n’ai retrouvé mon lit qu'à dix et demie. Ce qui est hors de mes habitudes. J'ai dormi un peu. Je passe la journée ici. Demain, je ne sais pas. Ma tête va toujours mal.
Brunnow a été appellé en toute hâte à Petersbourg. On me mande cela de Londres. Il est radieux. J’ignore tout-à-fait pourquoi on l’a fait venir. Mon ministre ici le Prince Gortchakoff qui a été huit ans secrétaire chez mon mari à Londres est un homme d'esprit et fort au courant. Il est content de l’Allemagne, les deux grandes puissances laissent de côté les questions politiques & ne songent dans ce moment qu'à la question sociale. Premier intérêt pour tous, & sur cela on s’entend à merveille, & on agit avec une merveilleuse activité. Je suis interrompue par des visites, & de peur d'accident je fermerai ma lettre. Adieu. Adieu.

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34 Paris le 11 Juillet 1852

Il ne faut pas vous fâcher si je ne vous écris pas tous les jours. La tête me tourne de tout ce que j’ai à faire, à dire, à écouter. Je regrette bien de ne vous avoir pas vu. Vous auriez sû. Ma crainte a été de vous déranger. Quand on est loin, on croit qu'il n'y a rien. Il y a toujours mais je ne puis pas écrire.
Fould me prie de vous dire que le Sénat a fait la liste civile & la haute cour. Il ira avec le Président à Strasbourg. Le prince a fait visite à sa femme ce qui l’a beaucoup flatté. La modification ministérielle n'aura lieu qu’à la fin du mois. Il y aura des changements en Belgique donnant satisfaction à la France. Je vous ai dit que Kisseleff est allé à Vichy.
Je pars Mardi à 8 h du matin pour Dieppe. Pas d'Aggy encore. J’espère qu’elle viendra mais ma sécurité n'y est plus, quoique Marion affirme. Jamais je n’aurais cru de sa part à tant d’affirmations déçues ! Votre portrait de L’Empereur est charmant. Je l'enverrai quand même. Adieu. Adieu.
J’étouffe et je me sens mal.

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186 Paris le 1er mars, vendredi 1839

J’ai passé une nuit affreuse. de l’insomnie, & des rêves l'un plus hideux que l’autre. Des meurtres et rien que des morts autour de moi. Des morts chéris, d'autres indifférents, mais enfin je n'étais pas de ce monde. Et je me suis tout-à-fait brisée ce matin. Votre lettre m’a remise un peu, je vous en remercie. Je vous vois content et je le suis.
Les journaux disent que M. Duvergier de Hauranne n’est pas aussi content que vous et qu'il va perdre son élection, ah cela par exemple fera un grand plaisir dans le camp ministériel. M. Appony m'a fait une longue visite hier matin. Il n’est pas tranquille. L'avènement possible de M. Thiers le trouble à un degré un peu excessif. Il y a là quelque mystère, quelque personnalité dont je n’ai pas la clé. La discussion à Bruxelles est remise à la semaine prochaine. Les troupes prussiennes sont en force sur la frontière. Partout on s’émeut fort de la situation des affaires en France. Vous êtes de grands perturbateurs.
J'ai vu longtemps hier matin Lady Granville et son mari. J'ai fait une longue promenade au bois de Boulogne par un temps. charmant. Le soir j’ai reçu mon ambassadeur, la Sardaigne, Naples, la Suisse, et le Duc de Richelieu. Le faubourg St Germain a une grande admiration pour le duc de Joinville. Messieurs ses frères sont partis hier pour aller à sa rencontre. Ils le ramènent aujourd’hui à Paris. Voilà toutes mes nouvelles.
J'écris aujourd’hui à mes deux fils, et à la Duchesse de Sutherland. Elle prolongera son séjour en Italie, ce dont je suis fâchée. M. Ellice sera ici le 20, il est dans une fort grande admiration de la coalition ! Adieu vous ne concevez pas comme je me sens souffrante. C’est peut être le temps. Je n’en sais rien, mais je ne vaux rien. Adieu. Adieu.

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Paris Samedi le 14 septembre 1850

Je croyais vous avoir parlé du Piémont. Changarnier m’en a parlé dans le même sens que vous dites. Palmerston voulant recommencer la révolution en Italie. La guerre avec l’Autriche, & le Président entraîné à secourir le Piémont. Il me dit qu'il fallait y regarder. Je vous prie écrivez-moi sur Fleischmann une lettre que je pense lui envoyer. Il ne faut pas nous être enfilés là dedans pour rebrousser chemin sans grandes raisons. Moi, je l'épouserais. mon rhume me paraît descendre la montagne mais je ne suis pas sûre encore. J'ai marché dans le bois. Temps perfide. Le vent froid & le soleil ardent. J’ai vu le prince Paul, & les Holland le matin. Le soir le duc de Noailles & Dumon. Nous sommes très frappés d’un article du Times d’avant hier sur Salvandy, très exact. Aucun journal français ne le reproduit. Je n’ai pas de nouvelles de ce qui se passe ici. Je n’ai vu personne qui eût pu m'en donner.

Midi. Un courrier de Berlin qui m'apporte un de Constantin. " L’Empereur a pris connaissance avec beaucoup d'intérêt de votre note du 1/13 août, et me charge de vous remercier pour cette nouvelle preuve du zèle avec lequel vous avez toujours rempli vos devoirs" signé Czernicheff. Constantin ajoute que de pareils remerciements n’arrivent pas deux fois dans l'année. Il est fort content, & il est content que sa note a fait un grand plaisir. A propos de la Hesse, il me dit qu'on va voir là renouveler Charles X & Polignac, & que c’est déplorable. L’électeur un très vilain homme, & qui est tout à fait dans son tort. On le chassera. Adieu. Adieu.

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9. Schlangenbad le 11 juin 1852

Je me suis couchée à 9 h. hier soir, et levée à 9 ce matin j’ai beaucoup dormi & je ne suis pas reposée. Il me faut du repos & des soins. Il est clair que si je dois rester seule je n’aurai ni l’un ni l’autre, & que dans ces conditions là les bains les plus efficaces seront sans efficacité pour moi. Si donc je n’ai la certitude ici de Marion, ni d'Aggy, Je finis l’Allemagne en même temps que l’Impératrice c’est-à-dire le 1er Juillet, & je retourne à Paris avec un blanc, un bleu, un rouge, tout m’est égal pourvu que ce soit un homme qui me protège en route. Je le cherche pourriez-vous écrire encore un mot à Marion. Clothal, Mad. Baldoux Herti. L’une d’elle pourrait elle venir ici avant cette date ? La soeur ne mourra pas, le médecin du lieu le dit. Elles ont pris l’alarme inutilement et m'ont fait à moi un mal bien grand. Elles pourraient réparer. Si elle vient je reste et je fais quelque chose pour cette pauvre santé. Si non, Paris et là Dieu sait quoi.
J’ai écrit à Beauvale aussi sur cela, mais vous pouvez davantage. Tous les soirs en m'envoyant coucher l’Impératrice crie Marion, Marion. Dites lui cela. Mad. Narichkin a passé quelques heures ici. Elle est partie. L’Empereur envoie tous les deux jours un courrier. Je voudrais bien que Constantin fut le prochain.

5 h. J'ai essayé mes jambes soutenue par Meyendorff. J’ai eu une longue visite du général Philosofof gouverneur des grands Ducs. Ceux-ci n'ont donné au Comte de Chambord que le Monseigneur. Le grand duc Constantin avait été plus loin, mais jamais devant un témoin étranger, ce qui explique que les autorités autrichiennes interrogées sur cela ont répondu néga tivement. L'Empereur en apprenant que le [grand duc Constantin] avait dit Majesté, a dit de son fils, il s’est émancipé. Meyendorff averti par moi en temps utile à empêcher les cadets d’imiter leur aîné.
Voici votre lettre d’avant hier. Je suis mieux traitée que vous ne l'êtes par les facteurs. Le temps est laid depuis deux jours froid et pluvieux. Je suis fâchée que vous ayez manqué Fould & Noailles. J’espère que vous me donnerez des nouvelles de l’un et de l'autre. Adieu, adieu.

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Paris dimanche le 15 septembre 1850

J’ai vu hier matin Kisseleff le soir lui encore, les Douglas Mad. [Kalergis], Mad. Sebach, Viel-Castel, Frantenansdorff & &. Point de nouvelles. Le président & Lahitte sont revenus nègres, tant ils ont été brûlés par le soleil. On mande que la reine de Hollande & la princesse de Prusse se disputent Thiers. Elles en raffolent. Il se laisse prendre volontiers. Il va au salon tous les soirs. Là des coteries ce sera drôle à entendre raconter par les revenants de Bade. Mad. [Nariclekin] sera compétent.
Voici votre lettre. Vraiment votre réponse sur Fleichmann est trop compliquée, je ne me charge pas de redire ce que vous me dites. Ecrivez- moi bel et bon une lettre que je puisse envoyer, cela vaut bien mieux & dites quelque chose de net. Pourquoi donc Mlle de Wiit ne continuerait-elle pas à vivre sous le toit de sa tante ? Avec cela et 1200 francs qu’ils auraient ensemble pour commencer il y a de quoi aller ? Enfin cela ne me regarde pas. Et je ne me charge que de transmettre la lettre que vous m'écrirez. En attendant comme Fleischmann père m’avait prié avant qu'il fût question de mariage de protéger son fils auprès de Rothschild, je ferai cela la première fois que je le verrai.
Mon rhume dure sans augmenter. C’est toujours cela. Mad. Sébach avait dîné hier chez Lamoricière à 3 avec son mari. Il ne leur a donné que du poisson, parce que c'était samedi & qu’il fait maigre tous les vendredis & samedis. Il part pour 15 jours. Voyez comme j’ai peu à dire, c.a.d. rien du tout. Adieu. Adieu

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Paris lundi le 16 septembre 1850

Meyendorff est nommé à Vienne. Médem est un peu fou & va vivre dans ses terres en Courlande. M. de Budberg reste chargé d'affaires à Berlin. On dit un homme d’un grand mérite. J'ai eu hier soir votre lettre par votre portier. Je chercherai à faire aujourd’hui ce que vous me demandez, mais les occasions sont rares. Le Constitutionnel a un grand article politique aujourd’hui, que je trouve excellent. C'est bien ce que je vous ai souvent entendu dire vous-même. Hier peu de monde. Les Holland le prince Paul. Le soir le duc de Bauffremont, d’Estournel & Kisseleff. Point de nouvelles du tout. Les Holland pleins de petits commérages qu'ils ramassent aux Invalides. Le mouvement de troupes est incessant à Paris. Des exercices sans feu. Les Normanby ont passé deux jours à Champlatreux. Ils en reviennent aujourd’hui. Le Constitutionnel dit, pour donner à dîner au Président. Je ne sais pas un mot de ces quartiers-là. Vous voyez que je ne suis pas intéressante du tout. Le duc de Noailles devait revenir hier de Mouchy. Il n’est pas venu. Adieu, Adieu.
Mon rhume reprend. J’ai été hier à l’église, il y avait la courant d’air. Je n’ose rien entreprendre que ma promenade au bois de Boulogne, et le vent d’Est la rend peu agréable. Adieu.

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Paris le 19 Septembre jeudi 1850

J’ai oublié de vous répondre sur le deuil. Je crois qu'en le portant jusqu’à la fin de l’année cela sera bien, et assez. Ce que vous dites sur Liverpool et Castelrengh est vrai. Il reste le choix entre rendre son pays très heureux & même glorieux car c'est ce qu’ils ont fait, et se donner à soi des pages brillants dans l’histoire. Moi, j'honore bien plus lord Liverpool que M. Canning. C’est très bourgeois ici que je vous dis là, je le suis un peu en politique. J’ai vu hier matin, lady Douglas, très bonne personne & qui me plait. Tolstoy est revenu. Un accident dans la famille a hâté son retour. Il regrette beaucoup de n’avoir pas pu aller au Val Richer. Je suis charmée de l’avoir ici. Hier soir M. Mercier, revenant de Bade. Trés curieux sur Bade. Thiers archi orléaniste. Ennemi juré des des légitimistes, & républicains plutôt que cela. La reine de Hollande éprise de lui & lui d’elle. Tous les jours ensemble. C'est assez drôle à entendre. Il parait qu’il n’avait pas encore vu la grande duchesse Hélène. Les princesses en querelle entre elles. La princesse de Prusse en grande hostilité avec la reine de Hollande sa cousine. Thiers n’a pas bougé de Bade. La princesse Mathilde a rêvé.
Achille Fould est venu hier soir aussi. Il a certainement de l’esprit, et de la mesure dont je fais grand cas. Il est convaincu quoiqu’on dise ou qu’on fasse, qu'il en ira de la prolongation de la Présidence comme de la dotation. On la votera & tout le monde. Le pays très tranquille & à aucune époque le gouvernement n’a été plus puissant et plus obéi. J’ai donné à lire à Dumon des articles de l’Indépendance Belge, répétés dans le Galignani, évidemment venus de Clarmont qui atténuent & dénaturent même un peu les messages entre Wiesbaden & Clarmont. Salvandy y est tourné en ridicule. Je ne sais pas un mot d’aucun de ces quartiers, pas même des commérages. Montebello est ici, mais il n’est pas venu me voir encore. Mon rhume continue. C'est bien long, et mes yeux sont enrhumés aussi. Adieu. Adieu.

2 h. tout à l'heure Montebello & M. Molé venu pour la commission. Molé enchanté de ce que vous me dites à propos de l’article dans le Constitutionnel. Il signerait chacune de vos paroles.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris Dimanche 29 septembre 1850

J'ai eu hier toute la journée la tête prise par une violente migraine. C’est un peu passé aujourd’hui. Ce qui ne passe pas c’est mon rhume de poitrine. Je prévois que je le trainerai tout l'hiver. Je n’ai presque vu personne. hier. Le Prince Paul. Madame Kalergis, Balabrice, & Tolstoy vous conviendrez que c’est du régime. Mad. Kalergis voit beaucoup M. de Persigny ; je vous ai dit qu’il est à Londres, & pourquoi il y est. Voilà donc Radony aux affaires étrangères. Cela va nous réjouir ! Je reste sans lettre de Constantin, c’est inconcevable quant à mon fils, je n’aurai de ses nouvelles que de Naples, Cela va encore être bien long.
Vous ai-je dit que Marion est ici depuis dix jours & que je ne l’ai pas vue encore ? Elle m’a écrit de Brighton pour me dire de l’ignorer complètement, que cela lui était nécessaire pour régler le reste de son hiver. Ainsi pas même un petit billet vert, j'obéis. Ils sont tous ici, tout le monde les a rencontrés, & j'en reste là. Je ne comprends pas son calcul, & je crois qu’elle fait une inconvenance et une bêtise. J'oubliais la princesse de Ligne qui est venue me voir hier, le reine des Belges est au plus mal. Voici une lettre de Lady Allice qui a vu la reine à Clarmont dans le désespoir à propos de sa fille. Elle veut aller la voir le 5 octobre. Le duc de Nemours dit qu’il laisse à sa mère cet espoir mais que sa pauvre soeur sera morte avant. Comme c’est triste ! Beauvale me mande que Schwarzenberg demande à l'Angleterre réparation pour l'outrage commis sur la personne du général Haynau et que c'est l’armée autrichienne qui l’exige. Schwarzenberg cite Pacifico, qu’y a t-il à répondre ? Cela peut encore devenir une affaire.
Enfin une lettre de Louise. Constantin absent avec le roi aux manœuvres. Pas de catastrophe, & j’ai été une sotte. J'enverrai à Fleichmann votre première feuille. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris vendredi le 4 octobre 1850

J'oublie au milieu de mon agitation que vous avez aujourd’hui 63 ans. Je ne félicite jamais sur les progrès de l'âge. Je reçois votre lettre. Elle vient un peu tard, car hier, votre visiteur avait proposé quelque chose qui ne s’accorde pas tout-à-fait avec ce que vous dites. Je suis livrée aux conseils des autres. Moi je n’ai pas d’avis, car je n’ai pas de tête, & je me sens très malheureuse. Et entre les allées & venues, les choses sont faites avant qu'on y puisse porter remède, ce moment est bien creux pour moi. Je n'en ai jamais connu de semblable. Je ne saurais vous parler d’autre chose.
J'ai eu beaucoup de monde hier, entre autre Lahitte. L’Allemagne préoccupe beaucoup. Cela devient très gros, le [?]mare aussi, il faudra la guerre. Thiers est arrivé. Molé m'écrit & me prie de lire l'Opinion publique du 3 qui renferme un morceau de vous admirable, & ajoute tâchez donc de savoir où & quand cela a été publié. Il est fort dégoûté du Journal des Débats & s’étonne que les anciennes influences ne s’exercent pas là pour empêcher ces mauvais articles.
Je suis très dérangée. Les entrailles, les nerfs, la poitrine. L’agitation attaque toujours les parties faibles. Je ne dors pas depuis deux nuits, & j'en ai pour longtemps encore de ce régime. Je répète avec une grande vérité. Je suis très malheureuse. Le terme est écoulé aujourd'hui & rien n’est commencé. Que puis-je y faire ! Le mal est fait. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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199 Baden Mardi le 18 juin 1839
5 1/2 du matin

Je ne puis pas dormir. Je me suis levée avant cinq heures. J'ai marché à l'ombre il faisait de déjà trop chaud. J’attends mon déjeuner et je viens en attendant vous dire bonjour. J’ai été bien malade hier au soir. Le médecin n'en accuse que mes nerfs. Je le sais bien, et que faire ? Mad. de Talleyrand à eu un long entretien avec Mad. de Nesselrode à mon sujet. Imaginez qu’on dit à Pétersbourg que j’ai fort maltraité mes fils qu'ils m'avaient offert un capital d’un million, que j'ai refusé avec dédain, trouvant cela trop peu, et que je m’étais en conséquence brouillée avec eux on parlait fort mal de moi à ce sujet. Mad. de Talleyrand a rétabli la vérité des faits, et la comtesse Nesselrode veut en écrire de suite à son mari et à Matonshewitz. Celui ci peut à peine avoir reçu ma longue lettre. L'arrivé de Pahlen, à Petersbourg me fera du bien aussi si toutes fois, il ouvre la bouche pour ma défendre. Je crois qu’il quitte Paris dans peu du jour. Comprenez-vous tout ce que ceci me donne d’agitation. Vraiment je passe par de dures épreuves !

3 heures
La comtesse Nesselrode m’a fait une longue visite ce matin. Nous avons parlé de tout excepté de moi. Je n’ai pas voulu le faire. 1° parce que mes forces ne suffisent plus à un entretien, 2° parce qu’elle est suffisamment instruite par Mad. de Talleyrand et qu’il ne faut pas risquer d’affaiblir une impression en revenant trop sur le même sujet. Voici ce que j’ai relevé de plus marquant de son entretien avec Mad. de Talleyrand. Le maître ne m’a pas. pardonné et ne me pardonnera jamais. Il est vraisemblable qu'on ne me molestera plus, mais il est invraisemblable qu'on me donne la pension, cependant le comte de Nesselrode veut le tenter. Je pense que cet essai sera fait après l'arrivée d’Orloff, je le désire, ce ne serait que par lui qu’il y aurait quelque chance. Maintenant vous savez tout. Je crois que Mad. de Nesselrode et une bonne fortune pour moi. Ce que je n’aurais jamais dit, elle le dira, et on la croira.

Mercredi 19 à 8 heures du matin.
Votre N° 196 est charmant. Il y a une page à propos de ma lettre au grand Duc est incomparable. ma nuit a été un peu meilleure je continue mes bains ; mais quant à l'embonpoint, vous êtes un peu pressé. Il n’y a pas encore d'apparence, et je n'ai que d’espoir, j’ai l’esprit trop agité. J’ai eu une réponse du comte F. Pahlen, très convenable pour me dire simplement qu'il accepte et qu’il ne doute pas, qu’il ne puisse très incessamment me soumettre un plan d’arrangement. Il m'écrivait cependant, avant d'avoir vu mes fils. C’est une très vieille lettre. Je vous préviens que dans quatre ou cinq jours on fait partir un nouveau courrier pour Pétersbourg. Et Castillon ? Sera-t-il envoyé ? Vous êtes à Paris. Vous y avez chaud sans doute. Que faites vous de votre temps ? Au fond comment êtes-vous resté à longtemps absent ? Aura-t-on pris cela pour de la bouderie. Vous me raconterez beaucoup de choses n’est-ce pas ?
Adieu. Adieu. Moi je n’ai à vous parler que de ma pauvre personne et de mes plus pauvres affaires. Je ne veux pas vous faire l'injure de vous demander si je vous ennuie. Mais il n’y aurait rien de plus naturel. Adieu encore mille fois.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Bruxelles Mercredi 2 juin 1852

Ma dernière nuit à Paris a été assez bonne. Je suis arrivée ici à 5 heures mon fils arrivait de Londres en même temps. Il reste avec moi aujourd’hui.
Trubert est très bien. Kalerdgi est arrivée cette nuit, je ne l'ai pas vue encore. Collaredo est dans le même hôtel que moi depuis hier aussi. Van Praet est venue me voir. Le tête-à-tête n’a pas réussi. [Kontornoff] & notre consul l’ont empêché. Je le reverrai ce matin. J'ai redormi cette nuit, et je suis moins fatiguée que vous ne m’avez laissée. Voilà tout ce que j’ai à vous dire et Adieu. Adieu.
Voici votre lettre merci, une aussi d’Aberdeen, très rude pour Lord Derby, & peu obligeant pour Paris. Adieu encore et le M. [?] raconte mon dîner. Evidemment il y avait un gentleman of the press dans mon salon vendredi soir. Je suis très vexée.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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6. Schlangenbad le 8 juin 1852
Onze heures

De 10 à 1 on se rassemble à l'ombre de superbes tilleuls à la porte de l’appartement de l’Impératrice. Là Meyendorff vient de faire lecture du testament du duc d’Orléans, (que j’avais apporté). Cette lecture a produit un effet prodigieux. Le Prince de Prusse qui partage beaucoup les idées de sa femme en est resté stupéfait. L’Impératrice vous concevez !
Vous ne me donnez aucune nouvelle. Je crois que le monde veut rester tranquille pendant mon éclipse. De ce côté rien ne se passe non plus. Les Princes et princesses se croisent ici sans ajouter à l’élément de la conversation. Meyendorff est un trèsor très abondant, et si naturel. L’Impératrice prend intérêt à tout sans se fixer à rien. Mais elle n'oublie rien non plus. Et je vois avec plaisir que mes lettres vertes lui restent dans la mémoire. La grande duchesse Olga est charmante et bien belle. La suite de l’Impératrice est bien composée hommes & femmes.

5 heures J’ai pris mon premier bain avec plaisir & frayeur. Je ne sais jamais si ce que j’entreprends me réussira. Je commence déjà à m'inquiéter de ce que je deviendrai après ceci, & puis avec qui m'en retourner, car plus que jamais j’ai vu qu'il me faut quelqu'un. A propos quand je vous reverrai j’aurai quelque chose de drôle à vous raconter. L’Allemagne se brouille. On ne parvient pas à l’arranger, la presse veut avant tout reconstruire le Zollverrein et cela ne va pas. Adieu. Adieu.
J’espère que votre fille va bien. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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8 Schlangenbad le 10 juin 1852

Après une journée de repos j’ai pu finir ma soirée chez l’Impératrice. Au moment de se séparer le Prince de Prusse est arrivé, il avait fait une absence de deux jours. Aujourd'hui reviennent les jeunes grands Ducs qui ont fait une pointe aux petites cours du Midi, & qui repartent demain pour la Hollande, tout ce mouvement est fatigant à regarder.
Saztinsky est ici. L’Impératrice. est bien gardée. Elle vient de m'envoyer son médecin Maudt. Je ne sais s'il est bon médecin, mais je sais qu'il a bien de l’esprit, & que cela me fait une précieuse et utile connaissance. Vous savez que quand je parle d’utilité c’est de mes fils qu'il est question.

2 heures. Voici votre lettre. Tout m'arrive plus régulièrement cette année. Je reçois votre lettre du 8, le 10. Cela ne peut pas être mieux. Je suis bien fâchée de ne pas avoir les Débats. Je viens de lire votre discours dans le Galignani, en Anglais par conséquent. Quel dommage. Ce doit être si beau !
J’ai passé ma matinée couchée, beaucoup de visites, une longue du Prince de Prusse. J’ai été dîner chez l’Impératrice, rien que la famille. Elle me dispense de la soirée aujourd’hui, mes forces ne suffisent pas. Je suis bien plus faible qu’à Paris. Léopold arrive demain à Coblence. Il dîne et couche chez le Prince de Prusse. Mes jeunes grands ducs y seront aussi et passeront la nuit sous le même toit ; c'était une visite arrangée. Le roi Léopold s’est invité depuis. La rencontre est imprévue mais cela se passera bien. Tout est difficile dans ce genre. Je doute que l'Impératrice puisse recevoir sa visite. Elle pourra le rencontrer.
L'affaire du Constitutionnel est bien curieuse Adieu, je sens que je n’ai absolument pas une nouvelle à vous dire. Je voudrais vous en donner de meilleures sur ma santé. Je voudrais aussi avoir une meilleure mémoire. Je fais ici une grande confusion de princesses. Il y en a trop. Ma grande Duchesse Olga est vraiment charmante. Naturelle, fine, bonne & si belle. Son mari m’intéresse, car il est un peu délaissé par tout le monde. Le roi de Wurtemberg viendra la semaine prochaine, cela a couté de la peine de le faire admettre. Adieu, adieu, encore.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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198 Baden dimanche 16 juin 1839 8 h. du matin.

J’ai été relire votre lettre hier soir auprès du vieux château, sur cette belle montagne au milieu de ruines, de rochers et de magnifiques sapin. C’est ma promenade favorite. Il devrait y avoir tant de calme là pour moi, et cependant je n’en éprouve point. En rentrant pour me coucher, j’ai trouvé Mad. Nesselrode qui m’attendait chez moi après y être déjà venue deux fois. Elle m'a fait veiller, mais j’ai été aise de la revoir et de la retrouver bonne. Nous avons causé de tout, hors de moi, cela viendra plus tard. Elle passe ici deux mois il puis elle ira au Havre. J'en suis bien aise. Son arrivée va me faire une petite ressource ; le grand Duc a dû quitter Darmstadt hier. La jeune Princesse est très maladive, cela ne nous va pas. Aussi je crois qu'on ne décidera rien encore. Elle n’a pas quinze ans. Dans ce moment même est malade, et elle ne paraissait qu'une heure dans la journée. Le grand Duc sera à Pétersbourg dans quinze jours.

Lundi le 17 à 8 heures
Votre N°195 m’est parvenu hier. Votre retour en ville étant encore. retardé je ne doute pas que vous ne soyez resté quelques jours sans lettre. J’ai adressé selon vos ordres, mais vos mouvements ont changé depuis. Vous ne me dites pas si malgré l'absence du Duc de Broglie. C’est chez lui que vous allez descendre j’y adresse ma lettre puisque vous m'avez dit de le faire dans une de vos lettres. J'ai suspendu le lait d'ânesse J’ai recommencé les bains. J’ai été voir Mad. de Nesselrode hier matin. Et puis à l’église à 2 h. ma promenade avec Mad. de Talleyrand à 6 heures avec ma petite Ellice nièce de notre Ellice, qui veut bien rem placer Marie pendant quelques jours. à 9 heures dans mon lit et à deux heures du matin encore éveillée.
J'ai eu un vilain accès de nerfs qui m’a pris au moment de me coucher. Décidément je ne me porte pas bien. Si vous êtes ici ; il me semble que j'y serais à merveille. Mais sans vous, et sur le, cela n'ira pas. Ah rien ne va. Vos affaires me semblent être very flat. J’attends la discussion sur l'Orient, c.a.d. votre discours avec une grande impatience. Savez-vous ce que j’attends surtout ? l’époque de quitter Baden ; j'y suis trop triste, trop seule. Ah l'horreur que la solitude au milieu de l’affliction.

11 heures
Je viens de voir Mad. de Nesselrode. Pour la première fois j’ai parlé de moi. Même de mes affaires du moment. Vous en sauriez concevoir son étonnement lorsqu’elle apprit que mes fils en n’avaient fait aucune proposition. Le dire de Péterstourg était qu’ils m'avaient cédé le capital en Angleterre. En général elle me dit que bien que la loi prescrive ce qui revient à une veuve, il n’y a pas d’exemple en Russie que cette loi soit suivie. Les fils cèdent à leur mère à peu près tout ; l’opinion la gouverne beaucoup plus que la loi, et enfin elle ne peut pas croire que Paul se soustraie à cette opinion. Elle a été fort bien sur ce chapitre, et m’a laissé l’intime conviction qu’il faudra bien que mes fils se conduisent bien pour moi. Nous allons voir. Dans tous les cas mes affaires sont en bonnes mains. Le dernier procédé l’a renversée d’étonnement. Elle ne peut pas le croire enfin tout ce qu’elle me dit me promet que l’atmosphère de Pétersbourg doit agir sur l’esprit de Paul, car c’est les antipodes de toute sa conduite envers moi. Ah mon Dieu si on y savait tout, quel étonnement cela causerait ! Je n’ai parlé à Mad. de Nesselrode que d'une manière très réservée, elle ne sait pas l'essentiel. Je répugne trop à le dire. Adieu. Adieu.
Mad. de Talleyrand veut que je vous parle d'elle, Dites-moi un mot sur un compte bon à lui être montré. Elle est de nouveau un très bon train pour moi, et pour faire du bien auprès de Mad. de Nesselrode Adieu encore bien tendrement.

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11. Schlangenbad le 13 juin 1852

La journée a fini hier presque seule avec l’Impératrice, il n'y avait chez elle que la grande duchesse Olga et son mari. C'était confortable et agréable. Cependant je n’ai pas dormi la nuit. Marion, mes fils. Voilà ce qui me tourmente l’esprit. Vous me connaissez, vous savez ce que ces préoccupations là me font, comme elles m'envahissent.
Ce matin le Prince Charles de Prusse & le prince Frédéric de Hesse sont arrivés. L’un pour moi, l'autre à côté de moi. Tout de suite chez moi. Le prince Charles a beaucoup d'esprit, l'esprit gai, très bien fait, très bien pensant. Pensant comme moi sur toute chose très bonné découverte. Quand je suis chez moi je reste couchée et je ne me gêne pas pour la qualité de mes visiteurs. Je ne me gêne que pour l’Impératrice. Je ne servirai pas à Schlangenbad si je faisais autrement.
La grande duchesse Stéphanie a demandé à venir faire sa cour, l’Impératrice décline, sa règle est absolue. Elle ne veut recevoir personne elle a besoin de repos & de ne se gêner pour rien et pour personne. Moi qui connais les douceurs de cela je trouve qu'elle a bien raison.
Maudt est encore revenu, nous ne parvenons pas à parler de ma santé, il m’entretient de choses bien plus curieuses, il a de l’esprit extrêmement, & doit gouverner là où il prend la peine de le faire.
Sa conversation vous plairait, et quoique très philosophique je marche avec lui, cela m'étonne.
Le roi Léopold vient de m'écrire pour me demander une entrevue. C’est fort embarrassant. Je ne vais pas à Wisbade. J’ai refusé de rendre visite à la duchesse de Nassau qui est venue exprès me voir. Je ne puis pas la recevoir chez moi, c’est trop près de l'Impératrice, & il y aurait de l'inconvenance pour lui d’être venue jusqu’ici sans la voir. Question à débattre. En attendant adieu. Il pleut Il fait très froid. Je fais du feu, je me couvre et je ne me chauffe pas. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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31 Paris Mardi le 6 juillet 1852
6. 1/2

Me voilà pourrez-vous venir ? Je le voudrais bien, mais remarquez que je ne veux pas vous déranger. C’est mes amis que je ménage, les autres il faut qu'ils se fatiguent, je ne veux pas vous fatiguer. Je ne sais rien sur mes mouvements. Je sens qu'il me faut du repos, beaucoup de repos. D'Abord ici plusieurs jours certainement. Et puis je ne sais où aller ? Je suis arrivée il y a une heure à peine. Je n’ai vu personne. Je pense qu'il n’y a personne à voir. Quel contraste ces deux jours avec mes quatre semaines ! Choyée, entourée par les Impératrices & rois ; voyageant pendant deux jours avec des juifs et la [?] ".
Non, c’est trop fort. Je n’avais que Kolb. Schouvaloff appelé à Berlin par une sœur mourante. Tous les guignons. Pas d’Aggy vous le savez. Une lettre de Beauvale aujourd’hui me la promet. Elle allait venir à Coblence tout cela a été une suite de maladresse de la part de ces filles, & mon été & ma santé sont gâtés par là ! Bruxelles a été intéressant pour moi.

Le 7 midi. Voici vos lettres et mon avenir gâté. Il faudra renoncer aux Ellice à l'avenir cela me paraît si cruel que je ne puis pas y croire. Si je vous voyais je crois que nous y porterions remède. J’apprends que Duchatel & Montebello, sont ici. Fould aussi. Je verrai tout cela. Mais je n'ouvrirai ma porte qu'à 4 h. Je viens de prendre un Bain. Cela repose & moi cela m’affaiblit. Que j’ai besoin de repos & de forces ! Quelle campagne j'ai fait là. Adieu. Adieu.
Comme je ne sais rien d'ici, & que tout ce que je sais de là ne peut pas s'écrire, il en résulte une pauvre lettre qui ne vous porte que des soupirs et Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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14. Schlangenbad le 17 juin jeudi 1852

Pardonnez-moi la lacune d'un jour. J’ai été vraiment malade et quand hier j’ai trouvé la force & le moment pour vous écrire la grande Duchesse Olga est entrée et il n'y a pas eu moyen de trouver 3 minutes de liberté.
Ce n’est que hier que j’ai vu la princesse de Prusse. Je lui trouve certainement de l’esprit mais pas le moindre naturel. Elle n’a pas beaucoup cherché à me plaire, mais cela c'est égal. Pour juger quelqu’un c’est même plus commode.
Quand elle a vu que je n’étais pas forte en littérature moderne elle n’a parlé que de cela. Son mépris pour moi a été énorme quand je lui ai dit que je n’avais pas entendu parler des Causeries du Lundi par Ste Beuve. Je lui ai promis que je demanderai raison à mes amis de Paris de l'ignorance où il m'ont laissée sur ce point, et très sérieusement je vous demande de me dire si vous connaissez cela, & si cela à quelque mérite. J'aurai votre réponse à temps pour en faire usage. Ne vous gênez pas, et si cela valait la peine d’être lu & dites que je ne valais pas la peine qu’on m’en parle. Ma place est fort bien prise déjà sur ce point.
Nous nous passons des billets, le roi Léopold et moi sans parvenir à nous voir. Il faudra bien pourtant que cela aboutisse. Je regrette les embarras qui se sont glissés là, il était mal renseigné et a employé des intermédiaires mal choisis, cela a gâté l’affaire. Mon petit favori le Prince. Nicolas de Nassau, vient me voir quelques fois. Il est vraiment bien gentil on l’invite quelque fois mais c’est rare. Quand il y est c’est avec la jeunesse. Il n'y a à la table de l’Impératrice que ses frères, la grande duchesse Olga, Meyendorff et moi, quelque fois un [comte Sch] de Paris qui a bien de l'esprit & dont je ne me doutais pas à Paris.
Il pleut à verse c’est un déluge depuis 3 jours. Je ne bouge, quand je puis bouger, que pour aller en chaise à porteur chez l’Impératrice. Les montagnes sont enveloppées dans un épais brouillard. Adieu. Adieu.
Dites moi ce que je deviendrai après ceci Je n’en sais pas le premier mot. Ah si Marion, Aggy avaient pitié de moi Adieu. Adieu, voici votre première lettre du Val Richer, mais au moment où je suis forcée de fermer la mienne. Adieu.

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16 Schlangenbad samedi 19 juin 1852

Si vous voyez ma vie ici vous seriez inquiet pour ma santé & mes forces & très satisfait pour tout le reste.
On me rend plus qu’il ne me revient en soins, en égards, pas plus qu'il ne n’est dû en amitié, car je m'attache à l’Imp., tous les jours davantage.
Mon retour à Paris est assuré je n’ai plus d'embarras ou d'inquiétude à cet égard. Elle veut que je l’accompagne à Cologne. De là elle me donne le comte Schouvaloff. et me [?] pour me ramener à Paris si c'est là que je vais et je crois que c'est là qu’il faut que j'aille à moins que je n’ai Marion ou Aggy ce qui est peu probable.
J’ai passé toute la matinée chez l'Impératrice une lecture allemande sérieuse (M. Haxthamen) Meyendorff lecteur. L'Impératrice a l’esprit plus serein que moi cela l'a intéressée beaucoup, moi pendant une demie-heure pas davantage. Après cela beaucoup de visiteurs chez moi, je suis à la mode à Schlangenbad. J'aurai de quoi vous intéresser quand je vous conterai mon séjour. Il m'intéresse moi beaucoup. Mais comment survivre à toutes les fatigues encore ? & cependant je ne fais avec l'Impératrice pas une promenade. Rien d'extraordinaire. De la causerie le matin au jardin. Diné quelques fois et vite sans cérémonie aucune. Le soir très agréable causerie & souper où je ne mange pas, et bien rien que cela est trop. Je reste couchée chez moi tout le jour pour me refaire. Je crois que je n'échapperai pas à Stolzenfeld. L'honneur sera grand, le plaisir aussi, je le sais, mais la fatigue ! Adieu, adieu.
L'Impératrice veut partir le 29. Maudt veut qu'elle reste jusqu'au 2 juillet. Nous verrons. Adieu encore.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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195. Baden lundi le 10 juin, 1839, à 8 h matin.

Je n’ai dormi que deux heures cette nuit la lettre de mon banquier m’avait de nouveau renversée. Vous savez comme je le suis aisément. Je m’en vais écrire à moi frère et Matonchewitz. Et j'ai bien peu de forces. Si vous étiez là vous m'en donneriez, et un peu de courage. Mais mes seules ressources ! C’est pitoyable.

Mardi 8 h. du matin
J’ai écrit, je vous enverrai copie si cela ne me coûte pas trop de peine. J’ai reçu votre n° 192. Je serai bien aise de vous écrire à Paris nous serons plus près. J’ai vu Mad. de Talleyrand. Ah que nous sommes loin. Hier un peu plus que de coutume, elle redevient très bonne ; je vous ai dit ; le secours moral, j’y puis compter, l’autre non. Elle me prendra mes chevaux et mes chambres, mais elle me donnera de bons conseils. Voici ma vie à 6 heures hors de mon lit et un verre de lait d’ânesse. Une heure de promenade à pied. Une demi-heure de repos à 7 1/2 un bain de son et de lait à 27 degrés. Dix minutes de bain, à 8 h mon déjeuner, et puis mes lettres à 9 1/2 ma toilette, à 11 heures seconde promenade à pied. à Midi le lunchon. Après de la lecture de 2 à 3 promenade en calèche ; de 3 à 4 je me repose dans le jardin. à 4 heures mon Dieu ! à 5 h., on m'apporte mes lettres et mes journaux, à 6 heures en calèche jusqu'après 8 heures. Ensuite une demi-heure de mon jardin, et à 9 heures mon lit. Voilà exactement mes faits et gestes. Ensuite, Marie vient me voir un quart d’heure dans la matinée pas davantage. Mad. de Talleyrand se promène en calèche avec moi ou le matin ou le soir. Et voilà toutes mes ressources. A propos elle me charge de la rappeler à vous. Dans quelques temps elle vous écrira pour vous dire de mes nouvelles.

1 heure
Je vois par votre lettre que j’ai négligé de vous dire d'où m'étaient venu les mauvaises nouvelles sur mes affaires en Courlande. C'est de copies des textes de la loi en Courlande très volumineux, très embrouillés, mais d'où il appert, que j'aurai une année du revenu entier de la terre de Courlande une fois payé ce qui fait je crois 60 m. francs. Rien du tout d’une autre terre en Lituanie achetée par mon mari, et rien non plus d'une belle arende en Lituanie. La 7ème partie de l’arende en Courlande qui sera peut être 2 mille francs par an. Vous voyez que cela me réduit au 7ème de la terre de Russie & à la quatrième part du capital en Angleterre. Mes fils auront chacun entre 80 à 90 mille roubles de rentes. Voilà mes notions pour le moment. Ces papiers Courlandais dont je vous parle m'ont été remis par la princesse Mescherscky. C'est un cousin à elle qui les lui a envoyés de Mittan. Je vous envoie les copies promises, dites-moi si j'ai bien fait sans ma lettre à Matonchevitz, j’ai été un peu plus claire. Il n’y a personne encore à Baden que je connaisse beaucoup de russes petites gens. Quelques Anglais ditto Le lieu est fort embellie. L'entrepreneur des jeux à Paris est venu ici, il y a déjà dépensé un million 300 m. francs pour embellir le salon et les promenades. Je suis la voisine immédiate. C’est même lui qui me nourrit. Le temps est charmant pas trop chaud, les promenades les plus belles du monde. Que ce serait joli se vous étiez ici ! Je n’ai pas une nouvelle à vous mander je ne sais absolument rien. Je ne saurai rien que par vous.

5 heures
Je reçois dans ce moment, une lettre de mon frère, fort bonne et amicale. Il me parle avec tendresse de mes fils, dont il parait fort content. Il me dit que Pahlen accepte, et que lui mon frère se réserve le rôle de super arbitre. Il fait faire un recueil des lois en Russie et en Courlande, qui m’indiquera ce qui me revient, et il ajoute. " Le reste sera une négociation j'espère aisée avec deux fils qui paraissent si comme il faut. " A présent j'attendrais avec plus de patience et de confiance, car je crois que vraiment mes affaires sont dans les meilleurs mains possibles. Je transcrirai demain ce qu'il me dit de vos affaires qui est assez drôle. Adieu. Adieu. Adieu. Ecrivez-moi tout. J’attends vos lettres avec tant d’impatience ! Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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19 Schlangenbad le 22 juin1852

Aujourd’hui la reine de Wurtemberg que je n’avais pas vue depuis 31 ans, pas changée du tout. Les bénéfices d'une vie uniforme, sans grand plaisir, sans grande peine, sans affection vive, sans intérêt, sans curiosité. Si elle n'était pas reine, je dirais le bénéfice de n'être pas incommodée par trop d’esprit. La pluie continue et abondante. Les palpitations sont revenues à l’Impératrice. C’est une saison mauvaise pour faire usage des bains. Je me fais traîner mais en voiture fermée, il fait trop froid pour la voiture ouverte. J’ai toute sorte d’équipages ici entre autres une chaise à porteurs. J'en ai demandé le soir de mon arrivée, le comte Schouvaloff m’a vite fait venir par télégraphe électrique de Dresde, & le roi de Saxe envoie ses hommes & sa chaise. Le plus grotesque équipage avec les plus étranges couleurs. Cela fait mourir de rire l'Impératrice.
Vous voyez que je n’ai pas un mot de nouvelle à vous écrire. Ce qui fait cependant que j'aurai beaucoup à vous dire si je vous voyais quand je vous verrai. Depuis dimanche prochain le 27 adressez vos lettres à Francfort, sur le Main Légation de Russie.
C'est le 30 que l'Impératrice quitte ceci & moi aussi. Adieu. Adieu.
On me demande ce qu'on pense, ce que vous pensez de l’attitude de l’Empereur. Je dis mais pas si bien que vous savez dire. Je cite le duc de Broglie, comme le grognon qui se rend. La duchesse d’Orléans a passé un jour auprès de son amie la princesse de Prusse à Coblence. Certainement Thiers va la trouver en Suisse pour viser son passeport pour Paris Adieu. Adieu.
Jusqu’à présent j'aime mon Impératrice tous les jours davantage. Vous trouverez que c’est trop, vu que vous en saviez déjà.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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194 Baden Samedi 8 juin 1839 à 3 heures

J'ai été bien fatiguée toute la matinée j’ai écrit au grand Duc, à Orloff, à mon frère, à mon fils Alexandre. J'ai envoyé copie à mon frère de la lettre du grand Duc et de ma réponse. Tout cela est beaucoup après une mauvaise nuit et par un temps bien chaud. J’ai vu longuement mon médecin. Il veut pour moi du lait d'ânesse, des bains de son, de l’air toujours de l'air, du calme dans ma vie, point de peines ! Point d'agitations ! Il veut que je dorme et avec tout cela il me répond de m'engraisser. Oui mais comment, excepté le lait et le bain, comment avoir tout cela ? Il m’a trouvé extrêmement changée et maigrie il y a longtemps que cela me frappe.
Je ne vois Mad. de Talleyrand qu’une demi-heure par jour, voilà tout, et puis je ne vois personne que Marie qui vient se promener avec moi le soir. Voilà mes dissipations de Baden. Mais le lieu est charmant, le temps superbe. Je ne me plaindrai pas, mais je suis bien seule.

Dimanche 9. à 8 heures du matin.
J'ai reçu hier au soir votre N°191. Je suis avide et heureuse de vos lettres, mettez-vous bien en tête qu’il ne se passe pas de minute où je ne pense à vous. J'ai des nouvelles de mon fils Alexandre. Il est arrivé à Pétersbourg le 22. Mon frère est tout de suite accouru chez mon fils, et les à reçus avec la plus grande tendresse. Alexandre a l’air fort content. Je n’ai rien de mon frère.
Une longue lettre d’Ellice qui ne pense pas que le ministère anglais tienne longtemps. Il croit que Lord Howick fera la brèche. Il est question de dissolution. J'ai presque bien dormi cette nuit.
J’ai commencé ce matin le lait d’ânesse. Je reviens de mon bain qui m’a plu. J'ai marché, j'ai déjeuné et il n’est que huit heures. Hier au soir je me suis fait miner au vieux château. On monte pendant une heure. C’est beau, c’est superbe. Des points de vue admirables des ombrages charmants, venez donc voir cela. Je défie que vous ayez rien vu de comparable. J’étais seule, toujours seule, ah ! que c’est triste ! midi. Je reviens de l'église. J'ai entendu mon excellent sermon, qui m’a bien émue. Vous ne savez pas comme j'ai l’âme tendre et triste. Je vous envoie copie de ma lettre au grand Duc. Dites-moi si elle est bien. Adieu, Adieu, que d'adieux à 120 lieux de distance. Ah que j'aimerai à repasser le Rhin ! Si on s’avisait de me le défendre, qu’est-ce que je ferais ? Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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24 Schlangenbad Dimanche le 27 juin 1852

Je suis horriblement enrhumée. Je tousse beaucoup, cela me désespère, les derniers jours vont être bien gâtés par là. Vous ai-je dit hier que Kolb est arrivé ? C’est une grande sécurité pour moi. Il reste à mon service pour tout le mois de juillet. Maintenant si Aggy pouvait arriver ce serait complet. Je doute parce que je le désire tant. Il y a là quelque chose que je ne m'explique pas. J’ai écrit au Médecin du lieu. Il m’a répondu que [?] allait beaucoup mieux. Ellice & Marion m'écrivent que les parents veulent qu'Aggy m'arrive, qu'elle-même le désire ardemment. Mais que c'est la soeur malade qui s'y oppose. Est-ce la vérité ? On pourrait bien vaincre cet obstacle. Enfin que faire !
Nous avons dîné aujourd’hui en plein air avec l’Impératrice ; grande musique, nombreux public pour nous voir manger. Magnifiques ombrages, les plus beaux arbres du monde, & le plus beau temps, malgré cela, comme ma toux m'inquiète j’aurais préféré la chambre.
Van Praet est revenu me voir aujourd’hui m’apportant une lettre de son roi. Toujours bien bonne conversation avec lui. L'Empereur a envoyé à Kisseleff 13 décorations de ses ordres pour des militaires Français en retour des politesses faites à ses fils à Rome par les autorités françaises.
Décidément le roi Léopold n'a pas vu la duchesse d’Orléans à son passage sur le Rhin, et décidément il n'ap prouve pas sa conduite. C'est Lasteyrie qui la gouverne souverainement. Ce que disent les journaux sur Frohsdorf est-il donc vrai ? Est-il vrai que le comte de Chambord persiste à interdire le serment.

2 heures. J’ai essayé une petite promenade. Elle ne m’a pas réussi. Je rentre plus malade. Je crois qu'il me faudra mon lit au lieu de la soirée chez l'Impératrice. Adieu. Adieu.

Le 1er Juillet je m'embarque avec l’Impératrice. Nous dînons sur le bateau, nous arrivons de bonne heure à Stolzenfels, Vendredi la journée se passe là. Samedi je me séparerai d'elle soit à Stolzenfels, soit à Cologne si je devais aller jusque là. J'en doute, je suis trop fatiguée. Je penche beaucoup pour le retour ici. J'ai si besoin de repos que je ne songe plus à l'ennui de ce lieu quand toutes les magnificences l'auront quitté. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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25 Schlangenbad Lundi le 28 juin 1852

Le dîner en plein air hier ne m’a pas réussi du tout. Je suis en plein rhume si ce n’est pire. Une toux violente. Je n'ose pas bouger, pas parler, c’est affreux. Je serais désolée de manquer Stolzenfels.
Dernière réponse de Clothall. Elles se sont un peu moqués de moi. Après m'avoir promis le Rhin, Aggy se refuse à y venir, elle viendrait à Paris. Je n'ose pas montrer tout ce que je pense de cela. Je le répète elles abusent du besoin que j'ai d'aller. Il résulte de tout ceci que je retournerais à Paris sans savoir ce que je pourrais faire de mon été. Je vous demande cependant une dernière faveur c’est de dire que comme c’est pour Aggy que je renonce à l’Allemagne elle me doit de ne pas me manquer de parole pour Paris. Je crois que ceci dit par vous avec amitié et un peu d’autorité ferait bon effet.
Voilà donc où j’en suis ; à moins de toucher sérieusement malade, et je suis un peu en train de cela, je pars avec l'Impératrice. Je me sépare d'elle à Cologne le 3, & je serai à Paris le 6 juillet. Il est possible que je change encore d'avis, mais aujourd'hui voilà le projet.
L'Empereur a fait une chute & s'est blessé à la hanche ; il a été couché deux jours. L’Impératrice ne s’inquiète pas mais Maudt s’en préoccupe. Point de nouvelles. Vous êtes arriéré au Val Richer. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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26. Schlangenbad le 29 juin 1852

L’Impératrice est venue chez moi ce matin. Elle y a passé une heure et davantage. Long tête-à-tête où nous avons causé de tout. De son côté tant d’intimité, de bonté, de confiance, d'abandon. Un esprit si sérieux, une âme si élevée, si adorable. Je ne puis assez-vous dire combien j'ai pour elle de tendresse & de respect sincère. Si vous aviez pu écouter. Vous auriez été frappé & charmé de ce naturel, cette grâce d'esprit et de coeur rare dans toutes les conditions, unique dans le rang qu’elle occupe, moi je n’ai pas l’honneur de connaître une femme qui ressemble à l’Impératrice s'il y en a qui lui ressemble.
Au milieu de tout cela l’intérêt de ma vie n’a pas été négligé, & j'ai toutes les garanties possibles. Je suis bien contente d’être venue. Précieux souvenir & sincérité pour l’avenir.
Mais mes forces ! Pauvre, pauvre santé. Enfin, je retourne à Paris ; c’est là que vous allez m’adresser vos lettres. Constantin est arrivé aujourd’hui. Le roi vient chercher l’Impératrice après demain. Outre Stolzenfels où nous passons deux jours, nous irons dans un autre château Barath. C'est le 4 que je me sépare de l’Impératrice. Adieu. Adieu.
Toute la journée j'ai du monde je n’ai pas. un moment de repos, & j'ai tant de besoin d'en avoir. Adieu.
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