Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


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Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Vendredi 3 août 1849
8 heures

Ceci ne partira pas aujourd’hui. Je vous assure que votre Dimanche me déplaît autant que mon mardi. Je reviens sur le Duc de Broglie. Je crois que vous vous trompez. Il vous a tout simplement exprimé son sentiment général que Paris n'a plus de quoi attirer personne, et que pour y rester il faut y être obligé. Il pense bien peu aux personnes et aux questions personnelles, et ne fait guères de combinaisons et de calculs dont elles soient le premier objet. Cependant c’est possible. Vous avez toujours inspiré à mes amis, un peu de jalousie et un peu de crainte. Heureusement ce ne sont pas eux qui décident. J’ai été charmé quand vous avez repris votre appartement pour trois ans. J’aime les liens matériels même quand ils ne sont pas nécessaires. Il faut faire le contraire de ce que pense le duc de Broglie, c'est-à-dire être à Paris autant que vous ne serez pas forcée d’être ailleurs. Je suis bien aise du reste que le duc de Broglie vous ait pleinement rassurée sur ce qui me touche, Croyez bien et que j'y regarde avec soin, et que je vous dirai toujours la vérité. Je veux que vous vous fassiez une affaire de conscience de me tout dire sur vous, et je vous promets d'en faire autant, pour vous, sur moi. C’est le seul moyen d'avoir un peu de sécurité. Sécurité bien imparfaite et moyen quelques fois triste. Mais enfin, c’est le seul.
J’écris aujourd’hui à Guineau de Mussy pour lui demander une ordonnance dont Pauline a besoin contre des douleurs de névralgie dans la tête qu’il a déjà dissipées une fois, à Brompton. Je lui dis en outre : " Je sais que vous avez vu la Princesse de Lieven. J’en suis fort aise. Vous lui donnerez de bons conseils et du courage. Elle est charmée de vous et vous ne la verrez pas longtemps sans prendre intérêt à cette nature, grande et délicate qui a toutes les forces de l’esprit le plus élevé et toutes les agitations d’une femme isolée et souffrante. Je serai reconnaissant de tous les soins que vous prendrez d'elle. " Il m'est en effet très dévoué, et je veux qu’il vous soit dévoué aussi. Je crois au dévouement, et j'en fais grand cas. C'est le service, non seulement le plus doux, mais le plus sûr le seul qui résiste aux épreuves, et aille jusqu'au bout parce qu'il trouve en lui-même son mobile et sa satisfaction. C’est une des sottises de l’égoïsme de ne pas comprendre le dévouement ne sachant pas plus, l’inspirer que le ressentir. J’ai vu des égoïstes très habiles à tirer parti, pour eux-mêmes des personnes qui les entouraient, mais forces d’y prendre une peine extrême et continue, et ne pouvant jamais compter. Avec plus de cœur, ils auraient eu moins de fatigue et plus de sécurité. Il est vrai qu’il faut deux choses avec les personnes dévouées ; il faut leur donner de l'affection et leur passer des défauts. Par goût, j'aime mieux cela, et je crois qu’à tout prendre c’est un bon calcul ! Mais on ne fait pas cela par calcul. Chacun sait sa pente et le dévouement ne va qu'à ceux qui l’inspirent et le méritent réellement.
MM. de Lavergne et Mallac sont partis hier soir. Ils ne m'ont rien dit de plus que ce que je vous ai déjà mandé. J’attends MM. Dumon, Dalmatie, Vitet, Moulin, Coste, Lenormant & & Je me réserve le matin depuis m'en lever jusqu’au déjeuner et dans le cours de l'après-midi au moins trois heures, plus souvent quatre. Je donne à mes hôtes deux heures dans la matinée, et la soirée. D'ici à un mois, je compte bien avoir moins de visites. Elles me dérangeraient trop. On vient toujours beaucoup des environs. Et je répète ce que je vous ai déjà dit, plus d’une fois peut-être ; bonne population, trop petite, d’esprit et de cœur, pour ce qu’elle a à faire. j'espère qu’elle grandira. Mais je n'en suis point sûr.

5 heures
J’ai reçu une lettre de St Aulaire qui se désole de n'avoir pu venir à ma rencontre au Havre et qui va rejoindre sa femme en Bourgogne, chez Mad d'Esterne. Ils vont tous bien. " J'avais toujours rêvé, me dit-il d'achever ma vie dans le loisir : m’ha troppo ajutato San Antonio. Mais ce n’est pas le mouvement que je regrette. Je travaille à mettre de l'ordre dans mes papiers et mes souvenirs. Mais j'ai commencé par Rome en 1831. J’ai bien du chemin à faire pour arriver à Londres en 1842. Je voudrais que Dieu m’en donnât le temps, car vous m’avez fourni de beaux matériaux à mettre en œuvre pour cette époque. Personne ne lira ce que j'écris avant trente ans. C'est quand on ne se sent plus bon à rien qu’on se rejette ainsi dans l'avenir. J'espère bien que vous nous préparez des enseignements moins tardifs. Que j'aurais envie de causer avec vous mon cher ami ! Vous l'esprit le plus net que j’ai jamais connu débrouillez-vous ce chaos ? Ne comptez pas sur moi pour mettre une idée quelconque dans la conversation. Quelque fois je pense que les socialistes ont à moitié raison, et que la vieille société finit. J'espère seulement ne pas vivre assez pour jouir de celle qu’ils mettront à la place. " Je trouve tout le monde bien découragé. Et les gens d’esprit bien plus que les autres. Et les vieilles. gens d’esprit bien plus que les jeunes. Voici ce que m’écrit Béhier qui ne manque pas d’esprit ; de votre aveu malgré votre première impression : " Nous avons ici un vent singulier qui souffle. On répète partout que le 15 de ce mois Louis Napoléon doit être proclamé Empereur. Personne n’y croit, que Nos Républicains. Ils ont l’air d'en avoir une profonde inquiétude. Ceci n’est probablement pas sérieux. Mais il en résulte ce fait démontré que personne ne croit à la durée de ceci. On parle tout nettement tout bonnement, d’une substitution. Que Dieu la retarde ! Non pas que je me préoccupe des 60 Montagnards qui, pendant les vacances de l'Assemblée vont rester à Paris pour surveiller le pouvoir. Ces vieux roquets fangeux peuvent grogner ; ils ne font plus peur à grand monde : ils ont perdre leurs crocs, et ne sont bons qu'à faire des mannequins de parade. "
C'est là l’impression qui règne autour de moi, parmi les honnêtes gens de bon sens, qui ne cherchent et n'entendent malice à rien. Plus de peur et point d'espérance. Dégoût du présent ; point d’idée ni de désir d'avenir. Le Chancelier et Mad. de Boigne disent à Trouville qu’ils désirent bien que j’y vienne, qu’ils seront bien contents de me revoir & & Je ne leur donnerai pas lieu de croire que je crois ce qu’ils disent. Je n’irai de longtemps à Trouville. Ils ont été mal pour moi. Je suis bien aise qu’ils sachent que je le sais. Adieu. A demain. Je dis cela avec un serrement de cœur. Adieu.

Samedi. 4 août. 7 heures
Je vous dis bonjour en me levant. Je vais travailler. Il faut que j'aie fait deux choses d'ici à la fin de l'automne. Pour les grandes et pour les petites maisons. Le temps est superbe. Je vous aime mille fois mieux que le soleil. Adieu. Adieu. Je dors bien mais toujours en rêvant. Décidemment la révolution de Février m’a enlevé le calme de mes nuits, bien plus que celui de mes jours. Adieu encore. Jusqu'à la poste.

Onze heures Je ne crains pas que vous deveniez bête. Mais j’aimerais infiniment mieux que nous fissions à toute minute, échange de nos esprits. Adieu. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Samedi le 14 Juillet 1849

En repassant chez moi après vous avoir quitté hier, j’ai trouvé Ellice & mon fils qui venaient d’arriver. Le premier en demandant à dîner. Le second m’annonçant son départ pour une tournée en Angleterre ; il part ce matin fuyant le choléra de Londres et les mauvaises odeurs dans le quartier qu'il habite. il m’a quitté à 7 1/2 de sorte que je n’ai pas causé seule avec lui. Ellice m’a dit que la discussion de la chambre des Pairs était ajournée à vendredi & que la motion de Brougham était fort hostile. Du reste point de nouvelles.
Rodolple Cousin m'écrit de Paris assez tristement sur les affaires en France. Misère, mauvais esprit, impossibilité de continuer comme on est.
Je crois que la place Vendôme me conviendrait mieux. Je flotte. Quoique je fasse j'aurais mieux fait je crois d’épouser Célimène Est- ce bien là ce vers ? Le petit Cousin à moi m'écrit de Pétersbourg. Tout le monde y est triste. Je vous montrerai demain ces deux lettres. Je suis de nouveau un peu souffrante des entrailles ce matin. Est-ce que le choléra serait venu à Richmond ? Adieu à demain. Je ne répèterai plus cela qu’une fois. Ah il y a de quoi mourir de chagrin et je suis bien triste ! Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond vendredi le 29 Juin Midi.

Votre lettre est bien touchante et tendre et m’a bien touchée. Oui, je suis plus triste que vous, cela tient à nos caractères, j'espère moins et je suis si seule ! Il est si impossible de deviner ce qui peut nous arriver à l’un et à l’autre ? La seule chose sûre, c'est la séparation et pour assez de temps. Comment voulez-vous que je ne pleure pas ?
Je viens de recevoir une lettre d’[?] que je vous montrerai. Il est probable que la grande Duchesse Marie viendra passer 3 semaines en Angleterre. Cela peut se croiser avec mon voyage à Paris, il faudrait y renoncer, le retarder. Albrecht veut absolument que je prenne l’entresol place Vendôme. Je ne veux pas me lier. C’est bien bas, il me semble que je dormirais mal. Je veux choisir moi-même.
Je crois que Marion & Aggy reviendront ici demain. Elles vont aujourd’hui en ville. Les parents sont doux & charmés qu'elles s'amusent. Quand je me couche elles vont chez les Metternich, là elles chantent & dansent jusqu’à minuit. Moi je me sens bien lasse et nervous. Je vais ce matin. à un déjeuner chez lady Douglas, j’y verrai du monde, et cela ne m'amuse pas. Les jours vont se presser, se passer. Et le terrible jour arrivera. Quel néant pour moi ! Alors, comme je trouverai doux d'être à Richmond, vous à Brompton, sans nous voir. Qu’est-ce que cela fait ? On se sent près l'un de l’autre, on peut se voir dans une heure. Toute la différence du possible à l’impossible. Ah que je suis triste. Adieu. Adieu, & demain adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Bedford Hôtel Brighton Dimanche le 29 octobre 1848

Je commence Brighton bien mal. Votre lettre n’est pas venue. Pourquoi ? Vous êtes maladroit en expéditions de lettres. Sans doute trop tard à la poste, car je ne veux admettre, ni maladie, ni oubli, ni paresse. Je vous en prie, ne me faites pas de ces mauvais tours. Vous savez que tout de suite je m'inquiète. Quel temps hier, quel voyage ! Pas même Gale, personne. Avec la multitude d'amis et d’obligés, je manque toujours d’obligeants, tandis que tout le monde en trouve. J'ai eu bien peur, j’ai eu bien froid. Je trouve ici une tempête, de la tristesse, de la solitude, un joli salon mais petit comme une cage avec des courants d'air de tous côtés. Je ne sais comment je pourrai y tenir. La bonne Marion est venue deux fois me recréer la vue & me réjouir le cœur. Aggy va décidément mieux. J'irai la voir aujourd’hui, si la tempête me permet de sortir. Vous ne m'avez pas donné votre adresse pour Cambridge.
Voici Brougham amusant. Hier pas un mot de politique et je n’y ai pas pensé ; savez vous que cela repose. Et que cette continuelle agitation, excitation est très malsaine. Je ne m’agiterai tout le jour, aujourd’hui, que de votre silence, mais c’est bien pire que la politique. Je serai en rhumatisme, en choléra, cependant tout cela n’aurait pas empêché un bout de lettres, et je crois que je resterai encore un peu plus fâchée qu'inquiète.
Le Constitutionnel raconte le discours de Louis Bonaparte. Sans commentaire. La Prusse appuie cette candidature à défaut de Lamartine qu’il regarde comme impossible faute de votants. Je découpe ce qu’il dit sur Thiers ; et que je trouve très bien.
Adieu, Cambridge est loin, bien loin de Brighton. Je voudrais être à vendredi pour vous tenir plus prés. N’allez pas trop manger ou boire dans ce ménage anglais. Dites-moi votre adresse, je crains que vous ne l'ayez pas fait, de sorte que demain j'adresserai ma lettre tout bonnement à Cambridge. Envoyez la chercher à la poste. Adieu. Adieu

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton. Jeudi 23 nov. 1848

Voici une immense et curieuse lettre de Paris. J'en ai retranché deux feuillets qui n'étaient relatifs qu’à des affaires personnelles, maisons, vins, Calvados &. Je vous envoie tout ce qui est intéressant : la dernière page retranchée dit à la fin. " Lundi 20 nov. On m’apporte la lettre que vous m'avez écrite le 17. Vous avez parfaitement compris l’article des Débats, une impertinence à réprimer ; le ressentiment de la liberté qu’on avait prise de disposer, sans dire gare, de toute le parti modéré ; une rouerie à déjouer ; une position pour l'avenir. Il y a eu de tout cela ; et lorsque j'ai lu tout à l'heure à Bertin ce passage de votre lettre, il a ..." Le reste sur les feuillets que je vous envoie. Renvoyez-moi, je vous prie, dès que vous les aurez lus. Je veux répondre par ma prochaine occasion. C’est bien fin. Mais l'encre est un peu plus noire.
Merci de la lettre du duc de Noailles. Je vous la renverrai demain. Je veux la relire, et je suis pressé ce matin. J’apporterai mardi tout ce que vous me prescrivez. Je ne regrette pas, Miss Gibbons pour vous. Nous trouverons bien l’équivalent quand il le faudra absolument. Je vous ai dit hier mon impression sur Berlin. Bien d'accord avec la vôtre. Je ne m'étonne pas du galimatias du Prince de Metternich. C'est l'Allemagne. Il a respiré cela toute sa vie. Ce qui est de lui, c’est le bon jugement.
Je n’ai pas encore mes journaux français. Adieu. Adieu. J’aimerais mieux dire à demain qu'à mardi. J'ai beaucoup à vous dire. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton-Mercredi 22 Nov. 1848
Midi

Je suis toujours sans nouvelles de Paris à vous envoyer. Il est impossible que je n’en aie pas bientôt. Je sais que Duchâtel n'en a pas davantage. Je crois qu’il viendra dîner aujourd'hui avec moi. Je viens de recevoir un billet de Lady Lovelace qui me presse d’aller les voir dans le Surrey. Dumon y va. Comme de raison, je refuse. Je ne veux plus aller nulle part avant Noël, où j'irai passer quelques jours chez Sir John Boileau.
J’irai vous voir Mardi. J'aurai complétement terminé ce que j'écris. M. Lemoinne emportera, le manuscrit à Paris pour que le Duc de Broglie, le lise. Je l’apporterai mardi à Brighton. Je vous en lirai quelques fragments après l'élection du Président, quelle qu’elle soit, et à moins qu'on n'en vienne immédiatement aux mains, il y aura un moment opportun pour la publication. Les chances vont croissant pour Louis Bonaparte. C'est la conviction des Débats qui sont croyables sur ce point.
Je suis de plus en plus inquiet de Berlin mais pas étonné que de Francfort, on abandonne le Roi de Prusse après l'avoir poussé. C’est exactement ce qui arrivait en 1790 et 91 avec le pauvre Louis XVI. Du dedans et du dehors, on l'excitait, on le compromettait ; puis on ne le soutenait pas. Berlin ressemble extrêmement à notre première révolution. La Cour et la nation. Les idées et les façons d'agir. Et je crains que le Roi de Prusse, qui a plus d’esprit, n'ait encore moins de courage, et n'inspire encore moins de confiance que Louis XVI. Moralement, à coup sûr, il ne le vaut pas. Ni politiquement peut-être. Il y a là de plus l'ambition de la Prusse qui veut prendre l'Allemagne C’est vraiment là l’incendie. Le rétablissement même de l’ordre en France ne l'éteindrait pas. Mais il donnerait bien de la force pour le combattre.
Je suis vraiment triste du bruit qui est venu de Rome sur M. Rossi. Je cherche et ne trouve nulle part des détails. On dit que l'ordre n’a pas été troublé. Mais Rossi lui-même qu'est-il devenu sous ce coup de poignard pauvre homme? Quelle surprise pour lui et pour moi si, quand je l’ai envoyé à Rome, tout cet avenir s’était dévoilé devant nous ! J'espère que l’assassin a manqué son coup. Ce n'est peut-être pas vrai du tout. Il manque bien les choses à M. Rossi. Le cœur n'est ni tendre, ni grand. Mais l’esprit est supérieur ; si juste, si fin, si actif dans son indolence apparente, si prompt, si étendu ! Des vues générales et un savoir faire infini. Très inférieur à Colettis par le caractère et l’empire. J’ai pleuré Colettis. Il m’aimait et je l’aimais. Je regretterai M. Rossi, si le fait est vrai, comme un allié utile et un homme très distingué. L’un et l’autre est rare. Il ne m’a pas donné signe de vie depuis Février. On me disait, il y a quelque temps, qu’il disait qu'il ne retournerait jamais en France. S'il a été assassiné, c’est que le parti révolutionnaire de Rome, le considérait comme un obstacle, sérieux. Ce serait un honneur pour son nom.
J’ai vu hier Charles Greville à dîner, chez le Baron Parke. Il ne savait rien. Parlant toujours très mal des affaires de Sicile. Le Roi de Naples me paraît décidé à laisser trainer cette médiation anglo-française, comme on fait à Milan. On se rejoint ici de la nomination à peu près certaine, du Général Taylor comme président aux Etats-Unis. Cass est très anti- anglais.
Puisque vous prenez votre dame assez à cœur pour en être malade, vous ferez bien de vous en débarrasser, à Brighton, tel que Brighton est à présent, vous pouvez vous en passer. Il y aura tel lieu et tel moment où même cette maussade personne vous manquera. Mais après tout, vous en trouverez une autre. Nous aurons le temps de chercher. Marion vous a-t-elle reparlé ? Adieu. Adieu.
Mardi est bien loin. Je ne puis vraiment pas plutôt. Je suis très pressé. Par toutes sortes de motifs. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton Mardi le 21 Novembre
8 heures du soir.

Lady Palmerston et lord Beauvale m’écrivent tous les deux, deux mots seulement pour me dire que Lord Melbourne est mourant. Ils me font entendre que sa tête est partie. Tous deux fort tristes. J'espère que de Londres vous m’appendrez quelque chose sur Paris, car à Drayton vous n’avez sans doute pas reçu de lettres. Ce que j’apprends de sources peu importantes. C'est que Louis Bonaparte a toujours le plus de chances. Je voudrais bien que ce fut vrai. Moi je n'ai rien de nulle part. C'est bien curieux Berlin ! Batterman envoyé de Francfort pour pousser le Roi à tout ce qu’il vient de faire, et maintenant Francfort tournant contre lui, et l’invitant à la reculade. J'ai des tracas chez moi, impossible de tenir avec ma dame. C’est très ennuyeux. Mais vraiment elle me rend malade, & cela ne vaut pas la peine. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton lundi 30 octobre 1848

Je suis tout à fait triste de ne pas savoir un mot de vous depuis vendredi soir, triste et fâchée. J'ai vu hier Aggy. Effrayante. Une vielle femme. Le front ridé, les dente noires, quelques rares cheveux, du ventre, du reste un squelette. Pâle comme un linge et cependant elle a plutôt l’air convalescente que malade. Alvandy bien vieilli, ne pouvant pas bouger. Mais l’esprit serein, drôle, sensé. Je n’ai pas été chez la Metternich. Ils sont venus chez moi sans me trouver. Aujourd’hui j’irai là, si l'avenir m'y pousse. M. Morrier est venu me voir. Homme d’esprit, homme du monde. Sachant causer de tout, parlant très bien le français et très mal de Lord Palmerston. Je n’ai pas vu de journal encore aujourd’hui.
Mon ménage n’est pas monté. Je vous écris aux sons de la voix de Jenny Lyard, elle est au dessus de ma tête. Voix bien pure, bien juste très remarquable vraiment, méthode un peu allemande et imitant très bien, un violon bien doux. Ce n’est pas ce qu'on demande à une voix.

4 heures. Pas un mot. Tout est venu de Londres pour tout le monde. Rien pour moi. Je suis bien misérable. Avez- vous voulu me punir d’être venu à Brighton ? Je ne vous dirai plus rien. Je ne sais rien. Je m’agite et m’inquiète. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond le 20 Septembre 1848

Lutterotte me mande en date de hier, qu'on remanie le ministère. La montagne a déclaré se séparer tout-à-fait de Cavaignac il doit donc chercher du renfort dans le parti modéré, sa majorité étant désorganisé. Ainsi décidément changement de Cabinet. Voilà tout ce que je sais, n'ayant vu que les habitants de Richmond qui ne savent jamais rien. Votre lettre me dira demain matin quand je puis vous attendre ; où je dois vous allez chercher.
Je suis un peu furieuse de ce que Lutterotte m’a mal arrangé mes affaires. On me prend une chambre, & il faut que je paie comme avant ? Cela n’est pas juste. Adieu. Adieu.
Que dira-t-on à Claremont de la lettre du Prince de Joinville à son frère écrite un mois avant la révolution, la prévoyant, et parlant très mal de son frère ? Le Roi cause de tout. Cette lettre est dans tous les journaux moins les Débats, vous l'aurez lue dans le Times. Adieu.

1 heure
Louis Bonaparte est élu partout & à la tête de tout à Paris. Après lui Raspail & Cabet, Fould député dans quelques arrondissements. Voilà mes dernières nouvelles de hier 6 h. du soir Paris.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Lowestoft Jeudi 31 août 1848
9 heures

Voici la dernière. Few words. Je supprime tous ces raisonnements par lesquels, on essaie de se persuader qu'on cause. Le temps est superbe.
J'attends Sir John Boileau et sa femme qui viennent me faire une visite d'Adieu. J’en ferai moi-même trois ou quatre dans la ville, car c'est une jolie petite ville, très propre et très sereine. Je ne veux pas dire gaie. Rien n'est gai en Angleterre, mais il y a beaucoup de sérénité. J’ai fait connaissance à Ketteringham-Park, avec l'existence d’un country gentleman. Ici, avec celle d’un clergyman, un M. Cunningham excellent homme qui ne sait qu'inventer pour me témoigner son amitié. Tout cela fait une société bien réglée, et j’espère bien solide. Je leur ai dit à Yarmouth, en finissant: « Keep your faith, keep yours lands, be faithful to the example, to the traditions ef your ancestors aud I trust god will continue to pour on your conntry, his host, his most abundant, his most fertilising blessings " Most enthousiastick cheers and Vivas, Guizot.
Adieu. Adieu. Je ne fermerai ma lettre qu'après avoir reçu la vôtre. Mais je ne suppose pas qu'elle me donne grand'chose à ajouter. Adieu. Adieu.

2 heures
J’irai samedi par Putney, et j’y serai à 4 heures et demie. Toujours un peu dans la dépendance des omnibus qui passent à Pelham Crescent. Mais en tous cas, j’irai par Putney. Quel dommage de n'avoir pas été ensemble hier 30 ! En Angleterre ! Nous causerons samedi de la médiation de l’appartement et de la loge. Adieu, Adieu. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond le 30 août 1848,

Reconnaissez-vous cette date ? Toujours nous sommes séparés ce jour-là, Et toujours par votre faute. Enfin vous revenez après demain, & cela me fait tout pardonner. Neumann m'a fait une longue visite hier. Italie & Autriche pas d'autre conversation sur la médiation. Il ne comprend aucune des trois alternatives. Si on fait de Milan un duché séparé, fut [?] un archiduc, c'est un second Cracovie. Un foyer d’insurrection où se donnent rendez-vous tous les révolutionnaires de l'Europe. Polonais & & Le donner à la Toscane ? Cela n'a pas de sens, il n’y a pas contiguïté. Modène et Parme sont là debout et veulent le rester. Et la Sardaigne ? C'est une monstruosité. Jamais l'Allemagne & l’Autriche n'y consentiront. En définitive Milan doit rester à l’Autriche. Neumann arrive d’Autriche et vient de causer avec Wessenberg à Francfort. A Vienne situation déplorable. L’Empereur est revenu trop tôt. Il devait rentrer avec Radsky et 30 mille hommes. Il n’y a que cela pour faire tout rentrer dans l’ordre. A Vienne comme à Paris, gouvernement militaire. Il faut y arriver! Le Ministère Autrichien pitoyable, tous des gens qu'on peut payer, il n'en excepte pas même Wessenberg. Cela me parait trop fort.
Lutterotte écrit à Montebello que toute l’affaire à Paris a été une comédie, tous les rôles étaient appris. Cela n’a pas grand air et cela fera du tort à la réputation & rigide droiture de Cavaignac. Le fait est qu’il est gouverné par la coterie du National, & il subira ce joug jusqu’au bout. J’attends votre lettre après quoi j’irai peut être à Londres for a change, et pour quelques emplettes. L'opéra italien rouvre à Paris le 3 octobre. J’ai bien envie de reprendre ma loge pour ne pas perdre mon droit. Je la sous-louerai. L'idée de renoncer là à ce que j'y ai eu m’est insupportable. Quant à mon appartement nous en causerons. Vous ai-je dit que Lutterotte croit qu'on le donnera pour 800 francs ?

Midi.
Voici votre lettre comme vous jugez bien ce qui s’est passé à Paris ! C’est merveilleux. Adieu. Adieu. Dernière lettre à Lowestoft. Vous trouverez la suivante à Brompton. Si vous pouviez encore me dire que vous irez surement par Putney, j’irais vous chercher moi-même au port de Putney samedi, c'est une promenade. Je serai là à 4 h. 1/2. Vous savez que je suis exacte.
Adieu. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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16 . St Germain dimanche 26 juillet 1846

Je serai charmée de vous savoir revenir de votre banquet, & content & reposé. Moi, je vais un peu mieux. Hier, j'ai eu la visite de Fagel, & Fleichman, plus tard, Pahlen à dîner. Nous avons beaucoup ri de mille vieilleries. Il est plein de bonne gaieté de souvenirs, avec un fond de mélancolie très triste, car cela frise l'homme prêt à se tuer. Les diplomates n’avaient rien de nouveau du tout à me conter. Toujours Sébastiani.
Génie est d'une étourderie bien ennuyeuse. Et c’est trop long à vous conter, mais enfin il m’a livré 1829 au lieu de 1827, et cela après des commentaires qui rendent sa distraction encore plus singulière. C’est cependant fort triste pour moi car je lui avais bien dit, ce qui est vrai, que 27 allait faire ma seule joie. St Germain l’autre jour, il vous a envoyé mes lettres et billets au lieu de les envoyer à la poste. C’est un drôle d'homme de Cabinet. Frenchman ! Je n’aime pas Lamoricière en face de Casimir Perrier. Pourquoi tout cela va t-il comme cela ? c.a.d. pourquoi le général est-il opposition ? Thiers a dû partir hier pour Le Havre, où sa belle mère l’a précédé.
Madame Danicau est une personne très utile très résolue, elle a pris une autorité étonnante sur tout mon monde. Elle me trouve parfaitement incapable de me faire obéir. Elle ne cesse de s’étonner de l'embarras que je me donne pour n’aboutir à rien. Elle ne trouve bien dans les gens qui me servent qu’auguste. Stryborn décoration. Mes femmes, des dames que je sers. Elle a peu d’esprit, ce n’est pas une ressource. Son maintien est excellent. Elle a du tact. Voilà. Et puis elle ne sait pas lire. Que ferons nous de tout cela ? Pauvre femme comme elle doit s'ennuyer avec moi. Je suis pour elle très affectueuse, elle est plein d'envie de me plaire et de me servir. Je m'ennuie beaucoup ici. S'il se passait un jour sans une visite à dîner je n’y tien drais pas. Il fait froid ici. Voici votre lettre, bonne charmante. Je vous en prie soignez-vous aujourd’hui. Que je suis bête ! J’ai peur du 10 milles personnes sous la table. Vous savez que j'ai peur de tout. Je n’aime pas ce dîner. Je vais rester inquiète jusqu’à mardi. C'est bien long ! Bacourt m'écrit une lettre intéressante que je vous envoie renvoyez la moi. Adieu. Adieu. J’ai peur du dix mille. Je ne suis pas raisonable. Adieu. L'armistice du Pape me fait un grand plaisir. Vous avez remarqué que lord Landsown a dit de bonnes paroles pour l’Autriche. Adieu encore dearest, adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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9. St Germain Dimanche 19 juillet 1846

J’ai oublié de vous dire hier qu’entre autre commérages Fleichman m'a assuré que le roi se préoccupait de faire Sébastiani président du conseil si le M. Soult se retirait. Cela se dit couramment, & cela se croit. Fleichman voit des gens de la cour, et beaucoup Mad. Dolomieu. Hier personne n’est venu. Rodolphe est couché avec une jambe malade. Aujourd’hui j’attends Hervey sans accident. La journée a été laide. Mais je me suis promenée. Mad. Danicau décidément lit très mal mais des restes elle me convient tout-à-fait. De l’ordre comme une Anglaise, de l’élégance comme une française et du savoir faire, de l’intrépidité comme une Russe bonne à tout, se prêtant à tout. Je suis curieuse maintenant de savoir si elle ne me méprise pas un peu pour tout ce que je ne sais pas et qu’elle sait très bien ; et si je ne l’ennuie pas pour ce que je sais et qu’elle ignore. Il est vrai que je n’en fais pas parade. J'ai un piano, très grande ressource et piano excellent. C'est elle qui me l'a procuré de Paris. John Rusell m'a l'air un peu embarrassé. Déjà ! Il n’aura pas la vie douce, ni commode. Ni longue j'espère.
2 heures. Voici votre lettre, toujours intéressantes vos lettres. La mienne aujourd’hui ce sera bien peu. J'attends des visiteurs ce matin, & puis Hervey à dîner. Je demeure ici à côté de Henri IV sur la terrasse aussi mais de côté. Mon cuisinier Dieu merci. Très joli salon de plein pied avec la terrasse. Chambre à coucher au premier, bon air et sec. J'ai eu une aimable & bonne lettre du petit cousin. Je vous l'envoie, renvoyez la moi, car je je n’ai fait que la parcourir rien de Lady Palmerston. Voilà qui est un peu long. Vraiment je ne crois par qu'ils se sentent en solide situation, et elle n’aime guère écrire que pour la vanter. Adieu. Adieu. La forêt est charmante je m'y fais trainer au moins deux fois le jour. Adieu dearest adieu .

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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7 St. Germain vendredi le 17 juillet 1846.

Me voici depuis hier assez bien casé, et assez bien de santé ! Il fait froid. Cela m’étonne, beaucoup et ne me déplait pas. Madame Danicau est une personne très utile, avec toutes les vertus qui me manquent. Cela me rendra ma vie ici plus confortable. Elle a de l’autorité du savoir faire, et elle est pleine de désir de me plaire sans m’incommoder. J'attends votre lettre. Je vous en prie ayez soin de vous. A Trouville il y a peut être quel qu'assassin, ou en route. Quand vous êtes loin j’ai peur de tout pour vous, quand vous êtes près j’ai peur aussi mais cela va mieux, il me semble que je suis là pour parer le coup. Voici votre lettre d’hier. Certainement faites dire à Palmerston par Jarnac exactement ce que vous m'écrivez. C'est de la franchise, de la loyauté, dans ma première affaire, & la plus grosse entre vous. Cela éclaire d'emblée votre position avec l'Angleterre sur ce point capital, & vous donne une bonne base. Tout le tort sera à lui s’il n’accepte pas cela. Fleichman vient dîner avec moi aujourd’hui. Hervey viendra diner dimanche. Dites moi si vous avez quelque chose à les faire insinuer ou dire. Il est très confiant, très bien, & moi aussi je suis bien pour lui, en m'observant toujours comme avec tout le monde. Il n’aime pas beaucoup Palmerston. Cowley lui a dit que ses amis à Londres n'aiment pas qu'il donne sa démission, et au fait il ne l’a pas donné d'une manière franche. Lettre particulière simplement et en demandant à Palmerston si cela lui convient. Adieu. Adieu. On demande ma lettre. Je vous prie, je vous prie, prenez soin de vous. Mes yeux vont mieux, mais je les ménage beaucoup. Adieu encore. Êtes-vous un peu surveillé ? Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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29. Boulogne Mardi le 26 août 1845, neuf heures

Pas de Bulwer. Il faudra m'embarquer avec un inconnu. Un révérend de Boulogne dont je vais faire la connaissance ce matin, je deviens bien impatiente de vous revoir, de causer avec vous. Nous voilà avancés dans notre semaine. Quel plaisir de se dire cela. Lord Cowley a eu hier une traversée fabuleuse. Le même bâteau se retrouvait à Boulogne au bout de cinq heures. Madame de Flahaut a bien envie qu'Andral lui conseille de passer l'hiver à Paris. Je vous préviens de cela ; avisez car cela ne vaudrait rien. C’est toujours la même Mad. de Flahaut au fond.

Midi. Voici votre lettre de dimanche. J'ai du malheur pour la cuisinière. Mais enfin le mois de Septembre coulera sous la protection de Guillet. Et vendredi je trouverai moyen de me nourir à Paris. Je compte partir demain matin pour aller coucher (très mal) à Granvilliers. Jeudi je serai à Paris. J'y trouverai deux lettres j’espère. Adieu. Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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27 Val Richer 24 août 1845

Voici un ennui. Page, qui habite à Neuilly, écrit à Guillet qu’il est fort malade, qu’on va lui faire une opération grave, (je ne sais quoi) et qu’il est hors d’état d’entrer chez vous dans ce moment. Guillet me dit que son second aide, Charles, qui est resté à Paris, peut faire votre cuisine jusqu’à notre arrivée et que lui Guillet continuera de s'en charger, si cela vous convient jusqu’à ce que Page soit rétabli. Je le fais écrire à Charles d'être à votre disposition, si vous le faites demander. Il est à Beauséjour. Chargez Mlle Lallemand de le chercher, et de vous l’amener. Cela me contrarie, car on mange tous les jours, vous serez probablement à Beauséjour demain lundi, et votre dîner ne peut pas attendre jusqu’à samedi. J’espère que Charles sera suffisant pour une semaine. Nous serons donc ensemble Samedi.
Voilà, le n° 25. J’espère que vous aurez trouvé un oiseau de passage convenable. Je ne demande pas mieux que d’en finir avec les 20 mille francs de Pritchard. C’est à Londres à présent qu’on demaude autre chose, Tenez pour certain que ce que je vous écrivais l’autre jour est vrai. Lord Aberdeen à ces complaisances là pour les missionnaires, pour l’amirauté, pour ceux de ses collègues qui grognent. Mais je ne suis pas obligé de ménager également les grogneries, et je ne me laisserai pas intimider par leur obstination. J'ai réduit Taïti à ce qu’il devait être pour qu’on n'eût à Londres, point de grief légitime. Je n'irai pas plus loin. Je suis d'ailleurs de plus en plus persuadé que Lord Aberdeen, au fond, n’y attache pas grande importance, & veut seulement avoir quelque chose à dire aux grognons. J’espère que nous viderons cela ensemble dans trois ou quatre semaines. J'ai la plus petite nouvelle.
Je suis toujours trés préoccupé de l’Allemagne et de la nécessité d'y avoir des agents capables. Là va passer le centre de l’agitation européenne. Je suis content de la correspondance de d'Eyragues. Je vais faire aujourd hui une longue promenade. Soyez tranquille ; pure promenade de quelques heures dans les vallées des environs. Nous n'avons ici point de tempête. Rouen est affreux. J’espère garder le soleil jusqu'à Samedi et puis le retrouver à Beauséjour. Adieu. La correspondance, m'impatiente. Je soupire après la conversation. Adieu. Adieu. Il n’y aura point de mer à Beauséjour. Donc plus de bile. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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315 Du Val Richer. Lundi 11 Novembre 1839
7 heures et demie

Enfin, nous voilà dans la bonne semaine. Car je suis de ceux qui regardent le Dimanche comme le dernier jour de la semaine. Après demain, je serai en route vers vous. Et vers vous définitivement établie chez vous, en France chez moi. Quelle inextinguible soif du définitif dans notre âme ! Il nous fuit toujours et nous le poursuivons toujours. Sans qu'aucun mécompte parvienne à dissiper notre illusion et à lasser notre désir. N'est-ce pas c’est définitif ? Si je n'y croyais pas un peu, je ne jouirai de rien. Si j’en étais tout-à-fait sûr, tout serait ravissant. Dites-moi que c’est sûr. Me direz-vous, quand j’entrerai que vous vous portez bien ? Vous êtes certainement mieux que vous n'étiez en arrivant de Baden. Je n’ai personne à vous donner pour vos affaires. Et puis cela ne servirait à rien. Il faudrait bien qu’on vous en parlât quelque fois, et vous vous en occuperiez, vous vous en préoccuperiez tout autant qu’à présent. Au fait, elles vont finir. Vous tenez le dernier de ces ennuis. Une fois le capital de Londres, partagé votre argent venu de Pétersbourg et placé, vous n'aurez plus de débat à soutenir ni de question à résoudre. Vous ferez vos affaires toute seule, ou plutôt, elles se feront toutes seules. Voilà un coup de soleil charmant sur la vallée jaune et verte variée de toutes les nuances de l’automne. Il n'y a de charmant que la grande route.

10 heures
Si vous aviez la moindre expérience de ces choses là, vous sauriez qu’en province, on ne s'assure pas d’une voiture, le jour où on veut. J’ai eu tort de vous dire que je parlais le 12. Dès que je m’y suis décidé. J’aurais dû attendre que la voiture me fût assurée. Une autre fois, je serai plus réservé. Mais je ne veux pas vous rendre votre gronderie. Je suis un hypocrite, car la voilà rendue. Le droit est pour vous, sans nul doute, pour la vaisselle, et je suis d’avis du fait. Demandez sans hésiter, votre part immédiates, en nature, ou en argent. Ici cela ne ferait pas un pli, à Pétersbourg, je ne sais pas. Pourtant il me paraît impossible qu’on ne vous fasse pas droit. C’est inconcevable, inconcevable. Servez-vous du capital anglais. C’est votre arme, arme bien innocente à côté de celles qu'on emploie contre vous. Mais ici, j'espère qu’elle sera efficace. Je ne serai jamais assez étonné de tels procédés. Adieu. Vous avez fort contribué à rendre toutes mes paroles exactes. Vous m'apprendrez aussi à ne rien dire d'avance. Adieu, pourtant à jeudi. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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312 Paris, Dimanche le 10 Novembre 1839

Vous avez assurément le talent de me contrarier beaucoup. Il était facile de vous assurer de la voiture dès le jour où vous avez fixé votre départ. 24 heures est peu de chose peut-être et c’est beaucoup pour moi, beaucoup de deux manières. Pour mon plaisir, d'abord ; & puis pour mes affaires. Cette contrariété par dessous ma mauvaise journée d'hier fait quelque chose de complet comme tristesse. Aussi suis-je parfaitement triste. Rien ne va pour moi, tout va contre moi dans le monde, et c’est cette vérité visible en toute chose qui fait que la vie m’est insupportable.
Voici une nouvelle vexation de Pétersbourg un peu étrange et fort inattendue. Ma sœur me mande, par secrétaire, que mes fils ont décidé de ne partager ni me vendre la vaisselle, et d’attendre que l’un du trois ait besoin de la totalité pour indemniser les deux autres. Vous voyez bien la portée de cela ; on me refuse l'usage et l’usufruit. Car il est bien clair que je ne prendrai pas une vaisselle de 30 couverts et que je ne payerai pas 200 milles francs. C’est sur cela qu'il faut que je vous consulte. Moi, je suis décidée à ne pas admettre un arrangement aussi absurde. Je vais insister pour avoir et tout de suite, ma part en nature, ou ma part en argent. Et je suis décidée de plus à un point partager le capital anglais que ce point ne soit arrangé. C’est cela que je voulais vous soumettre. Attendre jeudi pour vous consulter & vendredi pour écrire c’est beaucoup trop long. Veuillez me répondre par écrit. Ici le droit est pour moi tout-à-fait. Je ne comprends ni ma sœur, ni mon frère, mais il n'y a rien de gâté je pense puisqu'en tout cas ce ne pouvait être qu’un arrangement provisoire. S’il en était autrement, j'en suis fâchée pour mon frère mais je n’accepterais pas la sanction qu’il y aurait donné. Je vous prie de m’écrire encore un mot sur ceci car ma lettre ne partira que mardi. Songez aussi au fait d’absurdité, qu'à moins d’être ambassadeur, les fortunes de mes fils ne sont pas de taille à avoir jamais besoin de cette vaisselle, Paul s’est mis hors de la carrière, & Alexandre n'arrivera à ce poste jamais. Ce n’est donc je le répète qu’une résolution de me contrarier, et c’est cela qui me révolte et m'irrite à un haut degré. J’ai eu une lettre de mon frère mais qui ne me dit rien, sinon qu'il sera impatient d’apprendre la conclusion de mes affaires, et que mes file désirent vivement être bien avec moi ! Paul s’y prend bien.
Pozzo est devenu tout-à-fait imbécile. Je m’étonne qu'on le montre encore. C'est humiliant. J'ai vu hier, Brignoles et quelques autres mais je ne sais rien absolument rien de nouveau. J'ai oublié de demander des nouvelles du Duc de Bordeaux. Adieu, vous voyez que mon humeur va mal ; ma santé va mal aussi. Adieu. je m’étais tant réjouie de mercredi ! J’apprendrai à ne me réjouir de rien. je m’épargnerai des désappointements. Je ne me réjouis donc pas de jeudi qui sait ce que sera jeudi. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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309 Paris, vendredi le 8 Novembre 1839

Je ne suis pas bien, j’a passé. une très mauvaise nuit, mais voici votre déménage ment qui m'arrive et qui me donne de la bonne humeur. J'ai besoin de cela car du reste je suis triste, triste de Paul, inquiète d'Alexandre.
Madame de Boigne est venue hier me faire des excuses du jansénisme. Elle dit que c’était pour distraire le pauvre chancelier, elle parle mal du Ministère c.a.d. qu’elle ne leur donne pas une longue vie. C’est bien ce que dit tout le monde mais cela ne me parait pas avoir grande valeur ici. J’ai eu une lettre bouffonne de Lord Brougham, et une autre de Lady Clauricarde. Elle part toujours pour Pétersbourg & Lord Brougham arrive dans trois semaines. Il n’y a pas la moindre nouvelle, j’ai vu Appony qui ne savait rien. Je ne reçois pas encore le soir ; je ne sais pourquoi l'idée de recevoir m'ennuie profondément. La vie de garçon me plait encore dans huit jours je commencerai.
Mes caisses arrivées au Havre il y a quatre semaines. n’arrivent pas encore à Paris, les banquiers grands seigneurs ne sont pas commodes pour les petites choses. & sans ces petites chose je ne suis pas complète. Cela m’ennuie. Adieu, que de choses à vous dire, grandes et petites, & surtout douces. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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311 Paris 9 novembre 1839. Samedi

Dieu merci il n'y aura plus ni jeudi, ni vendredi, ni samedi entre nous. Je vois passer les jours avec un plaisir extrême. Cependant je voudrais bien avoir le cœur tranquille sur Alexandre. Il ne faut entre Hambourg & Londres que 36 heures, et voici 10 jours ! car il a dû s'embarquer le 29 octobre ! Il me semble que vous êtes presque, aussi content que moi de mercredi le 13 ? Je vais le plus que je puis en promenade tous les jours au bois de Boulogne. C’est triste, seule, mais c’est de l'air. Je suis toujours rentrée pour 4 heures car c’est le seul moment où je vois du monde chez moi.

Onze heures. Voici une lettre d'Alexandre de Londres. Il y est heureusement arrivé. Sa lettre est froid, il est auprès de Paul. Il me dit qu’il ne peut pas fixer le moment de son arrivée ici, parce qu’il faut qu’il termine ces affaires à Londres. C’est donc de moi que cela dépend, et tout cela digne de ce que vous me direz. Il est clair par la lettre de Bruxner que mes fils l’empêche de me payer ce qui me revient. Je suis extrêmement irritée de cela, et je veux au moins qu’en recevant de moi le capital anglais je reçoive d'eux l’ordre à Bruxner de m'envoyer ce qui m’appartient. Mais voilà ce que je ne sais à qui confier. Mon frère comme de coutume ne se doute de rien et m’a écrit dans le temps que le banquier m’enverra l’argent où & quand je voudrai. Je vous assure que je suis 3 parfaitement sick de toutes ces affaires si je pouvais les remettre à quelqu’un ! Mais qui sera-ce quelqu’un ? Point de nouvelles du tout. J’ai vu du monde hier, mais je n'ai rien appris.
Adieu. Adieu. Je ne me porte par bien. J’attends mon Médem. God bless you.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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300 Paris mardi 29 octobre 1839

Voici vraiment 300 lettres que je vous ai écrites, cela ne nous fait pas honneur. C'est de mauvais arrangements pour des gens qui trouvent du plaisir à être ensemble il y a bien de la maladresse à avoir passé plus du temps de leur vie commune, séparés. Bulwer doit m’apporter ce matin une lettre, selon laquelle il prétend que Paul montre des dispositions à un racomodément. Je verrai. Je ne veux qu’un retour sincère, Je n’en accepterai plus d’autre. Il m’a trop offensé.
Appony est allé annoncer au roi le mariage de son fils, on dirait l’héritier d'un trone ! Ces bonnes gens font une quantité de petites démarches de petits arrangements surtout, qui sont assez drôles. Le fils se met un peu sous ma protection pour empêcher des lésineries, mais cela ne me regarde pas. Je préparerai mon cadeau. Voilà tout ce que j’ai à y faire.

Midi. Vingt marchands deux querelles où j’avais raison, un froid de loup, une quantité de petits embarras qui puissent toujours pas me donner des grands plaisirs pour me moment vous voyez bien qu'il s’agit de mes meubles, voilà l'emploi de cette première partie de la matinée. Mes lettres doivent bien vous ennuyer car je n’ai rien à vous dire du tout. J'ai eu une longue lettre d’Ellice, au fond rien de nouveau. Le ministère très faible tout juste comme il y a un an et les vraisemblances qu’il fera la même campagne. Point de gloire, mais les plans for ever.
A propos, j’ai ouï dire que vous avez une espèce de discussion presque de querelle avec M. Duchâtel pour un préfet je ne sais pas son nom, & on dit vraiment que vous avez tort, que votre préfet est un sot et que vous ne devriez pas vous faire une affaire pour un pareil personnage. Je trouve cela aussi, et je serais bien aise que vous fussiez de cet avis. Soyez sûr que lorsque je m’avise de vous dire de ces choses là c’est que je crois qu’il est bien de vous le dire. Adieu. Adieu, quand m'annoncerez-vous une date? Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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301 Du Val Richer Lundi 28 octobre 1839
7 heures et demie

Je ne m'étonne pas qu’on soit furieux contre Maroto. Il a bien dérangé le comte de los Valles. Mais j'admire qu'on en veuille. tant au cordon d'Espartero. On tient donc encore plus au respect des cordons qu'au respect des Rois. N'avez-vous pas eu aussi vous-même un peu d'étonnement de ce cordon ? Pour moi, je vous l'avoue, s’il a fait grand plaisir à Espartero, si les Espagnols ont trouvé que c’était là pour lui une récompense, si une aune de ruban rouge, venu de France, a au delà des Pyrénées cette valeur, je trouve qu’on très bien fait. Je fais cas des cordons ; ils plaisent à quelque chose d’indestructible et de puissant dans la nature humaine ; mais je ne les respecte pas ; pas plus que je ne respecte l'argent. Ils sont comme l'argent, très bons à donner à ceux qui les aiment, et il faut savoir, chamarrer les hommes comme les enrichir. Mais je ne connais à l'emploi des cordons, qu'une limite ; c'est de ne pas les user au point qu’on ne les désire plus. Vous voyez qu’on n'en est pas là dans la Péninsule.
Ma mère est mieux. Elle vient de me faire dire qu’elle avait passé une bonne nuit. Je l’ai fait promener hier pendant deux heures au plus petit pas possible sous un ciel sans soleil mais doux et en causant du passé, cette vie des vieillards. Elle était contente, et le contentement est ce qu’il y a de plus sain à tout âge.
J’écris ce matin à Lord Brougham pour lui dire qu’une petite affaire qu’il m’avait recommandée vient d'être faite. J’ai bien envie de lui reprocher d'être revenu trop tôt. Il fallait nous donner trois jours, son expérience est manquée. J'ai peur qu’il ne lui en reste qu’un ridicule de plus. Je suis bien aise que ce mariage Appony soit tout-à-fait arrangé, et que vous ayez votre nièce près de vous. Peut-être en ferez-vous quelque chose ?
Votre anglaise vous plait donc. Est-ce plus qu’une bonne d'enfants ?
Vous devez avoir les Pairs ce matin, au Moniteur. M. Rossi est le seul qui m'intéresse. A sa place, j’aurais mieux aimé attendre qu’une porte s'ouvrit à la Chambre des Députés. Mais qui sait attendre ? Il sera bien partout. Il est du très petit nombre des hommes qui ont assez d’esprit pour que je regrette que vous ne les connaissiez pas.

10 heures
J'ai beau faire, je ne tousse pas. Mais il fait froid. Vous n'êtes pas plus pressée que moi. Je monterai l’escalier de cet entresol avec tant de plaisir ! Je n’ai pas plus de nouvelles que vous. Je vous envoie le peu qui m’arrive. Adieu. Adieu, Adieu. Je suis bien aise que vous vous soyez reposée hier. Vous aviez l'air fatiguée. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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299 Paris lundi le 28 octobre 1839

J’ai vu hier chez moi Lady Granville que j’ai laissé entrer enfin. Elle est ravie de mon appartement. J’ai vu plus tard le prince Paul de Wurtemberg. Il a des lettres de Madame sa fille, selon lesquelles l'Impératrice serait à toute extrémité. Vous ne sauriez concevoir quelle catastrophe cela sera pour l’Empire. Je ne conçois pas l’'Empereur et sa violence devant un premier malheur. J'ai fait visite à Pozzo hier au soir. Il était bien faible et bien imbécile. C’est vraiment une belle action d’aller passer une heure avec lui. Je viens de recevoir une lettre d'Ellice, mais je n’ai pas le courage encore d’aller à cet affront. La petite Ellice est arrivée très gentille, mais pas tout-à-fait autant qu'à Bade. C’est qu’à Bade j’étais bien abandonnée. Adieu.
Je vous assure que je suis bien harassée de tous ces tracas d’intérieur. Je ris quelque fois à force d’avoir envie d'en pleurer. Adieu. Si votre mère n’est incommodée qu'un peu et de façon seulement à ce que votre retour ne soit qu’une mesure de prudence je ne saurais m’en chagriner. Si vous aviez de l’inquiétude soyez sûr que j’en aurais beaucoup beaucoup aussi. Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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302 Du Val-Richer, mardi 29 octobre 1839
8 heures

Je me lève tard. Décidément le froid s’établit. Je fais des feux énormes, qui ne me réchauffent pas autant que le plus petit feu au coin de votre cheminée. Votre appartement sera très chaud. Sous le règne de M. de Talleyrand c'était une étuve. Mais vous êtes une Reine du Nord. Vous ouvrez les fenêtres.
Est-ce le frère de Bulwer qui vient à Paris à titre de commissaire pour les négociations commerciales ? Il me semble que toute la famille le pousse. Je n’ai pas lu un seul des romans qu’ils ont faits car ils en ont fait tous deux, si je ne me trompe. Les connaissez-vous ? L'Empereur devrait bien ne pas perdre son argent aux sottises du Capitole. Si peu qu’il en donne, elles ne le valent pas. Il y a une région où les souverains font très bien de semer l'argent ; il y fructifie. Mais trop bas, il ne sert absolument à rien. Que de pauvretés je vous dis là ! J’ai pourtant beaucoup mieux à vous dire.

10 heures
Comment ? Votre aigreur pour votre appartement avait été jusqu'à Lady Granville. Je suis ravi qu’elle soit ravie. Je veux que vous soyez très bien. Je me plais à penser que vous resterez là toujours, que je vous y soignerai toujours, que vous y mènerez une vie douce, agréable. J’arrange l’agrément de cette vie. Je cherche ce qui pourra s’y ajouter. Vous n’avez pas d’idée de l'activité de mon imagination sur les gens que j'aime. J’ai tort de dire sur les gens. Il n'y a pas de pluriel en ceci.
Les mêmes nouvelles que vous avez sur l'Impératrice, me viennent par notre gouvernement. On s'attend à une fin, très prochaine. J’ai une immense pitié pour un tel malheur, n'importe sur quelle tête.
Ma mère est décidément beaucoup mieux. C’est une affaire que de lui faire quitter la campagne où elle se plaît beaucoup, et où elle se persuade qu'elle est mieux pour sa santé parce qu'elle marche et se promène. Cependant il est déjà convenu que nous serons à Paris pour le milieu de Novembre. A présent, je prépare la fixation et l'avancement du jour. Ce que je dis là n’est guère français. Mais peu importe. Vous parlez des tracas de votre intérieur. Ce n’est rien du tout que les tracas de meubles. J’aimerai mieux avoir à arranger trente salons que trois personnes. Henriette m’aide déjà en cela. Elle est pleine de tact sur ce qui peut plaire ou déplaire, embarrasser ou faciliter. Elle a l’instinct de la conciliation.
Adieu. Adieu. Je suis au coin du feu, j’ai les doigt gelés. Mais seulement les doigts. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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297 Paris, le 26 octobre 1839, Samedi.

Imaginez-vous que Brougham à forcé M. Shafto, un de ses amis résidant avec lui à le Campagne d'écrire à Londres le récit circonstancié de sa mort, pour voir l’effet que produirait cette nouvelle. Une pure plaisanterie. Concevez-vous pareille chose. Le prince Metternich a répondu. Appony épouse, et a la promesse d’un poste indépendant en attendant il sera attaché ici. Vous ai-je dit que mon frère me parle de ce mariage aussi, et se réjouit que sa fille sera auprès de moi? Cela veut dire qu'il sera ravi que je reste à Paris. Il n’a pas de termes d'improbation assez forte pour l’affaire secrète et surtout pour le cordon donné à Espartero ! Point de nouvelles de tout.
Le Roi a été enchanté de revoir Lord Granville. J’ai été encore courir les boutiques de vieux meubles hier, le soir chez Mad. Appony et puis Lady Granville. Je ne laisse entrer chez moi personne, j’ai un peu des coquetteries pour mon appartement et je ne veux pas le montrer qu’il ne soit prêt. Je ne reçois qui Bulwer & Lord Granville, & Thiers l’autre jour dans ma chambre à coucher.
On me dit que tout sera arrangé la semaine prochaine. Le tout me coûtera 30 mille francs & j'espère pas d'avantage. vous êtes fort heureux de ne pas vous trouver auprès de moi dans ce moment, je ne vous parlerais que tapissiers et ébénistes. Peut être cependant que je vous dirais autre chose aussi ! Adieu. Adieu mille fois.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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299 Du Val Richer Samedi 26 oct. 1839 7 heures et demie

Je répète ce que nous avons dit souvent ; quand on approche du terme la route devient assommante ; quand on est près de se revoir on ne prend plus de plaisir à s’écrire. Il ne s’est rien passé depuis que nous nous sommes quittés. J’ai des milliers de choses à vous dire, et l’insuffisance des lettres me choque plus que jamais. Il fait très beau et très froid ce matin. J’ai été me promener hier sur ma nouvelle route par laquelle je m'en irai, et qui va être achevée enfin. Tout le monde dit qu’elle a été faite avec une rapidité inouïe. Il est vrai qu'on l’a commencée, l’année dernière. Pour moi, il me semble qu’on y travaille depuis un temps infini, et qu’elle s’est fait attendre outre mesure. C’est qu’on m'en a et que j'en ai beaucoup parlé. La parole allonge et use extrêmement les choses. C’est ce qui fait que, de nos jours, tant des gens sont blasés en un clin d’œil, ou même d'avance. On parle trop. Au fait, ma route sera fort jolie.
Je suis charmé que Lord Brougham ne soit pas mort. Je lui ai enfin répondu il y a huit jours. Lady Clauricard me revient beaucoup. Est-ce depuis le mariage du marquis de Dauro, ou auparavant ? Vous avez peut-être vu dans les journaux l'histoire de cette comédie de Mad. de Girardin, qui a été reçue à l'unanimité par les comédiens dont l’autorité hésite à permettre la représentation, et qui excite beaucoup de curiosité me dit-on. C’est une vengeance de femme. Elle s’appelle l’Ecole des Journalistes. C'est l'histoire du Mariage de Thiers et de toute sa vie politique et privée. M. Duchâtel paraît décidé à ne pas permettre et il a raison. Mais ces Girardins ont bec et ongles. Ils feront du bruit.
L'ouverture de la session pour le 16 ou le 20 décembre. On voudrait bien avoir quelque chose de plus à dire sur l'Orient. On espère un peu que d'orient même, il viendra quelque chose qui fera faire un pas. Au fond, je ne suis pas convaincu que le Roi soit pressé. Il aime assez à avoir sur les bras, un embarras dont il n’a pas peur.

9 heures et demie
Je suis bien aise que vous ayez 24 mille francs de plus. Mais j'ai peur d’une femme de chambre qui ne l'a jamais été. Comment ferez -vous cette éducation là ? Par un drôle de hasard, trois ou quatre de mes amis m’écrivent aujourd’hui même qu'ils ont vu Thiers, et leurs dires s'accordent parfaitement avec votre conversation. Je vous en parlerai demain. D'après ce qu’on me mande, l'Orient est tout à fait immobile, et on ne compte plus sûr quelque chose de nouveau avant la session. Adieu.
Si vous étiez ici, vous ne resteriez pas dans votre chambre. Il fait vraiment aujourd’hui un temps admirable pour se promener. Il y a des gens qui aiment passionnément les beaux jours d’automne, parce que ce sont les derniers. J'aime mieux les beaux jours du printemps, parce que ce sont les premiers. J’aime l'avenir, ce que j’aime encore mieux, c'est ce qui est éternel. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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296. Paris, le 25 octobre 1839
Midi

J’ai passé toute la journée dans ma chambre. Je n’ai vu personne que Thiers il est venu à 2 h. et ne m’a quittée qu’après cinq heures. Beaucoup d’Orient, presque rien que cela. Beaucoup d’esprit sur ce sujet. Ce qu’il aimerait le mieux, c’est que nous nous arrangeassions cela. Au fond c'est son vieux refrain et le refrain de beaucoup de gens ici. " Donnez-nous le Rhin, & nous vous donnerons Constantinople. " Mais il y a une petits écueil là-dedans, c’est que nous pouvons prendre Constantinople, & que nous ne pourrons ni ne voudrons donner le Rhin. Je l'ai un peu plaisante sur la coalition il a fort mal pris mes plaisanteries et a soutenu fort et ferme qu’elle avait accompli ce qu’elle s'était proposé. Tuer le ministère, que c’était beaucoup, que c’était tout, & que les gens d’esprit n’avaient pas un autre devoir. Les Turcs tous les uns après les autres, de façon à y arriver après que tout le monde sera mort. Je vous assure que je vous ai dit là tout ce qu’il a tourné et retourné pendant 3 heures. Il parle fort bien de vous, mais sans affectation, il dit qu’il est à merveille avec le roi.
J’ai eu une lettre de mon frère qui m'envoie les comptes de Brünnow. J'aurai 24 milles francs de plus que les 56 mille en tout 80 mille qui me seront remise quand je voudrai, à ce que dit mon frère. Il a jouté " Vous n'aurez plus qu’à régler la question du capital anglais Paul part pour Londres à cet effet, il a un vif désir de se réconcilier, avec vous. " (écrit comme cela.) Je voudrais voir trace de ce désir ! Ce que vous me dites de M. de Talleyrand est d'une parfaite vérité, de grandes habitudes mais pas de grandeur naturelle. Adieu.
Me voici en face d’une jolie femme de chambre, qui ne l'a jamais été mais qui a l’air si doux que je veux me résigner à toutes le gaucheries. Adieu, adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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298. Du Val Richer Vendredi 25 octobre 1839 7 heures

J’ai remarqué que Médem, quand vous le consultiez ; était toujours de votre avis, entrait dans votre sens ; ce qui n'empêchait pas que, après le conseil, le moment de l'action venu, il ne fit rien pour vous. Lui avez-vous demandé de vous procurer sur la valeur du mobilier de la terre de Courlande, des renseignements un peu précis ? Il me semble qu’il le pourrait. Son père, si je ne me trompe, avait là, ou tout près, une partie de sa fortune. Je me méfie fort des gens qui disent toujours comme moi, et ma confiance comme mon estime, ont besoin qu'on me contrarie souvent.
Je suis charmé que Pahlen revienne ; pour vous d’abord, et aussi pour nos rapports avec vous ; bons ou mauvais, ils seront convenables et tranquilles. A présent que votre tentative sur Londres est manquée, je trouve qu'elle a été faite avec trop d’éclat. L’envoi de M. de Brünnow était une façon de monter à l'assaut ; il fallait emporter, la place. Tout cela du reste est de peu d’importance pour l’événement ; il sera le même. Ce sont de petites vicissitudes de situation et de petites agitations d'amour propre qu’on se donne comme passe-temps.
En fait de passe-temps, j’en ai un depuis deux jours qui m'amuse fort. Je lis ces mémoires de Mirabeau ou plutôt des Mirabeau, que je n’avais jamais fait que regarder. C’est une étrange famille, une fougue de passion, un besoin de suivre sa fantaisie et de faire sa volonté, une mon habitude d’énergie bizarre & d'emportement spirituel, transmis de génération en génération, comme une physionomie et un caractère de caste. Il faudra que vous lisiez cela. Mon libraire me les a envoyés avec d’autres livres, dont j’avais besoin. Je les rapporterai à Paris pour vous. Vos yeux continuent-ils de se trouver un peu mieux ?
Qu'arriverait-il si M. de Metternich refusait à Rodolphe Appony l'autorisation dont il a besoin. ? Irait-il de l'avant dans le mariage ? Mais cela n’arrivera pas.

10 heures

J’espère que la mort de Lord Brougham n’est en effet qu’une étrange mystification. Vous avez mille fois raison. Quand une gloire nationale disparaît, tout le pays s’en ressent et doit s'en affliger. Il a moins de soleil sur son horizon. donne. L'Angleterre sait bien cela. Aussi mérite-t-elle des gloires. Je ne me serais jamais douté du sentiment de Lady Clauricard ! Je ne mets pas, bien ces deux personnes là ensemble. Je suis charmé que vous ayez les letters of adm. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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297 Du Val-Richer Jeudi 24 Oct 1839
7 heures et demie

Je vois que vous commencez à jouir de votre entresol. Que sera-ce ce printemps ? Les journaux s'amusent à remarquer que vous avez pris l’appartement de M. de Talleyrand. Cette maison et son maître m'ont frappé en 1814, au moment de la Restauration. C’est son grand moment, le seul à vrai dire. Il y a été déployé à ce moment là, un grand savoir-faire sur de grandes choses, et avec infiniment d’aisance, de bon goût, de rapidité, de résolution. A toutes les autres époques, faveur ou disgrâce, je n’ai vu là qu’un homme d’esprit très aimable, gracieux d’un commerce doux d'une conversation agréable, et très habile à plaire, au fait, il avait de grandes habitudes, mais pas de grandeur naturelle, involontaire et permanente. Vous ne m’avez jamais bien dit comment il avait été à Londres en 1830, et qu’elle était vraiment là, sa situation.
Montrond qui est venu me voir la veille de mon départ, m'a parlé de lui une demi-heure, avec le plus singulier mélange d'affection et d'indifférence, un regret très vrai et parfaitement sec. J’aurais été touché et choqué tour à tour si Montrond pouvait me toucher et me choquer. Les journaux reviennent sans cesse sur les embarras du Roi. Guillaume à propos de son projet de mariage. Est-il vrai que ce soit devenu une affaire, et qu’il rencontre de vives résistances dans sa famille ? Je m'intéresse à ce vieux Prince entêté. S'il lui plait de finir sa vie avec une ancienne amie auprès de lui, il fera bien de mettre là aussi, son entêtement.
Je crois comme vous qu'il n'y a point de nouvelles. Il ne m'en est point venu du tout. depuis plusieurs jours. Il serait plaisant que la session s’ouvrit tout simplement, tout paisiblement ; par les seules affaires. C'est peut- être ce qui vaudrait le mieux pour tout le monde.

9 heures et demie
Si vous avez quelque moyen un peu sûr et un peu prompt d'avoir des renseignements sur le mobilier de la terre de Courlande, usez-en ; ne fût-ce que pour savoir ce qu’on a si légèrement jeté à l'eau de votre bagage. Le comte Frédéric de Pahlen est ; il encore en Courlande ? Vous auriez pu vous adresser à lui. Sérieusement je n’espère rien de cette réclamation, avec de tels agents et de tels adversaires. Mais il vaut la peine de savoir au juste ce qui en est, et qui sait peut-être dans l’intervalle, surviendra-t-il quelque moyen de succès. Je m'étonne que vous n'ayez pas reçu les letters of adm. Je crains quelque coup fourré. J’ai ri aussi du Times. Il n’y a pas de mal. Adieu. Adieu. Je me lasse de ceux là. Je vous promets de ne me lasser jamais des autres. Adieu donc. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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294. Paris, le 23 octobre 1839

Toute la diplomatie a été fort divertie hier des révélations du Thiers au sujet d’un entretien qu’aurait eu mon Empereur avec un étranger. Votre gouvernement n'en est pas fâché ; nos bons alliés non plus. Cela fera quelque bruit au palais à Pétersbourg, car le public ne sera pas les journaux qui rapportent cela. J’ai eu un long entretien hier avec Médem sur mes Affaires, et puis sur les affaires. Il m’a donné quelques conseils sur les premiers & quelques soupirs sur les secondes. J’ai eu une lettre de mon Ambassadeur. Il l'annonce pour le 10 Décembre, s'il ne survient pas d'obstacle impérial. Il se réjouit fort de me trouver à l'hôtel Talleyrand. Je suis sûre qu’après vous c'est lui qui aura le plus de plaisir à m'y voir bien établie, vraiment j'y serai bien. Mon appartement. sera arrangé pour votre arrivée, mon ménage pas encore, car pour cela il faut que je sache si j’ai ou si je n’ai pas la vaisselle.
J'ai été hier au soir chez Mad. de Boigne. J’y ai vu le chancelier, il dit qu’il faut relâcher Don Carlos.
Il me semble qu’il n’y a des nouvelles de nulle part. Lord Lansdown a été voir le prince Méternich au Johanisberg. Médem parle de M. de Brunow avec beaucoup de dédain & trouve fort naturel et assez agréable qu'il ait échoué dans sa mission, car le naufrage est sûr. Paul est arrivé à Londres je ne le sais qu’indirectement. Bunkhausen ne m’a point envoyé encore les lettres of administration quoique j'aie accompli toutes les formalités requises pour les obtenir. Je n’ai pas encore répondu à mon frère. Je ne sais pas comment faire pour me plaindre un peu et ne pas le choquer. Car Médem aussi ne comprend pas qu'on ait mis ainsi un oubli mes droits en Courlande et il croit qui c’est une grosse affaire, parce que cette terre est très riche en toute chose. Le prince Metternich n'écrit rien encore au sujet du mariage de Rodolphe Appony. Ce qui fait que la chose est parfaitement en suspens ici ; tandis qu’elle est publique à Pétersbourg. Adieu. Adieu. Je suis bien contente d’apprendre que Pauline est remise, et je suis transportée de joie en vous voyant bien résolu à revenir bientôt. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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295. Paris jeudi 24 octobre 1839

Lord Brougham est mort. Il a été tiré en se promenant en voiture dans son parc ; les chevaux l'ont emporté et tout brisé, il a été jeté de la voiture, foulé aux pieds des chevaux & roues ensuite. C’est horrible. Voilà une des gloires de l'Angleterre qui a disparu, car bien que fou, c’était un esprit très supérieur, très universel, et vous verrez que tous les partis s’uniront en Angleterre pour le reconnaître et proclamer cela une perte nationale. Savez-vous qu'on dit que Lady Clauricarde avait pour lui un sentiment très tendre et qu’elle sera très malheureuse de cette mort ?
Thiers est venu chez moi hier, mais il ne m’a pas trouvé, j’en suis fâchée. J'ai dîné chez les Granville, il n’y avait que Montrond. Ils étaient bien troublés de la nouvelle de Brougham. J’ai pris froid hier en courant les boutiques. Décidément il y a rien de plus malsain que de se meubler. Le temps est affreux, J’ai des douleurs à la têtes, je crains un retour de ma fluxion. Adieu.
Je suis tourmentée de mille petites tracasseries, ma nouvelle femme de chambre est partie. Elle n’a pas aimé la rivalité de l'Anglaise, et comme celle ci me plait extrêmement je n’ai pas hésité à me séparer de l'autre. Je cherche donc de nouveaux et cette pauvre Charlotte est malade du chagrin de tous ces retards. Je vous conte toutes mes peines. Adieu. Adieu.
Midi Bulwer me fait dire dans ce moment que Brougham n’est pas mort. Je ne conçois pas cette étrange mystification. Le duc de Bedford est mort. On accuse M. d'Orsay de la fausse nouvelle sur Brougham. J'ai reçu la réponse de Burkham. Les lettres of administration sont entre ses mains pour être remises à mon fondé de pouvoir quand je le désignerai.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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293 Paris Mardi le 22 octobre 1839

Messieurs Eymard & Châteauvieux sont à Genève. Félix n’a pas voulu mettre la livrée, en conséquence de quoi ... je le garde par dessus le marché ! Je suis sure que vous vous attendiez à ce dénouement. Peprin est parti, ce n’est pas moi qui lui ai annoncé notre séparation, Charlotte s'en est chargé, avec bien des paroles douces. Il a été bien fâché, et vraiment, c’est devenu une affaire de sentiment de part et d’autre. Et d’autres choses encore de ma part. Ma nouvelle femme de chambre est en fonction depuis deux jours. Elle ne me plaît pas encore. Charlotte me quitte après demain. Voilà du vrai chagrin. Maintenant vous savez tout je crois, excepté un valet de pied qui est bien.
J'ai été faire des emplettes hier quelques meubles encore qu'il me fallait, et je n’ai pas fini ; soyez tranquille je ne me ruinerai pas, et puis comme vous dites j'ai mes diamants. Nous n'étions que l'Ambassade hier a dîné chez Granville. Ils dînent trop tard cela me dérange. Mes nuits sont toujours mauvaises. Quand retrouverai-je du sommeil ? Il n’y a vraiment pas de nouvelles. Je n’ai pas entendu nommer Thiers. Génie me soigne beaucoup. Remerciez le je vous en prie, d'être si bon pour moi. Je me loue beaucoup aussi de M. de Valcourt. Tout votre monde vous obéit. Le temps est laid, triste, et je suis triste. J’attends le beau mois de novembre. Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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295 Du Val-Richer, mardi 22 octobre 1839
7 heures

Pauline va bien. Je sors de sa chambre. Elle a parfaitement dormi. C’est un enfant prodigieusement nerveux, un petit instrument toujours tendu et qui retentit toujours. L’immobilité et le sommeil sont pour elle de vrais remèdes. Je ne sors jamais sans un serrement de cœur de la Chambre de mes filles. Il n'y a point de sécurité où il n'y a pas une mère. La mienne est excellente pour mes enfants, et de la tendresse la plus dévouée. Mais elle a 75 ans.
Votre appartement doit être en effet très bruyant. Mais vous devez pouvoir vous en défendre à force de sourdines. A côté du bruit, il y a de l’espace pour que le bruit s'y répande et s'y perde. Vous jouirez beaucoup du printemps. La verdure, le soleil et les oiseaux reviendront pour vous aux Tuileries plutôt que pour personne.
A propos de retour, les Granville sont-ils revenus ?
Il faut à présent que quelque incident survienne qui fasse faire à la question d'Orient un nouveau pas. Nous sommes tous en Occident arrivés au point où nous resterons sur cette affaire. Je ne vois pas d’où viendraient la concession et le mouvement. Le statu quo indéfini ne se peut pourtant pas. Je compte sur Méhémet. Avez-vous remarqué, dans le Constitutionnel l'humeur de Thiers sur les faveurs de Madrid pour le Maréchal, la toison la grandesse &.. ? Il va, en fait, de jalousie, sur les brisées de M. Molé. On dit que le Maréchal grogne un peu des 30 000 fr que lui coûte le brevet de la Toison. Voici ce qu’on me dit : " Thiers est ici ricanant. beaucoup, mais sans tapage. Ses amis sont très sombres. Ils sont chargés de faire quelques avances aux centres. Mais le mot d’ordre varie tous les jours. Il n’y a qu’un sentiment qui ne change pas, c’est la fureur contre Dufaure et Passy. " M. Passy a gagné quelque chose auprès du Roi. Le Roi le trouve plus intelligent que les autres sur les Affaires étrangères, et aussi plus large, un peu plus aristocratique en fait de Gouvernement. Il a consenti en effet à demander une dotation pour M. le duc de Nemours. Le Roi traitera toujours bien MM. Passy et Dufaure. Il leur sait un gré infini de ce que Thiers ne leur pardonne pas ! M. Dufaure s'affectionne beaucoup au Ministère.

10 heures
Vous m’arrivez à travers un brouillard effroyable. Vous avez le pouvoir de dissiper tous ceux du dedans. Mais ceux du dehors vous résistent. Je suis charmé que Lady Granville, soit de retour. Je reviendrai aussi. Et plus vous me presserez, plus je serai charmé de revenir. La coquetterie est indestructible. N'est-ce pas ? Adieu. Adieu. Ne vous tracassez pas. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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292 Paris lundi 21 octobre 1839

J'ai reçu hier Lady Granville, Cela m’a fait un gros plaisir. J’ai passé une heure de la soirée avec elle. Voici l’extrait. Le ministère est bien pauvrement établi. Mais il n’y a pas moyen que les Torry entrent, par conséquent ceux-ci resteront. Melbourne plus puissant que jamais, tout puissant. Il ne bouge pas de Windsor. Palmerston ditto. La Reine a reçu son courrier froidement. Elle n’a pas l'air de faire attention à lui. L’entourage le trouve charmant, beau, bien élevé, du tact. Il est un peu embarrassé du peu d'accueil que lui fait la Reine. On désire en Angleterre qu’elle l’épouse on croit que cela rétablirait un peu sa réputation qui est bien ébréchée. Melbourne ne presse ni ne retarde le mariage. La vraisemblance est qu’il se fera.
J'ai fait un bout de chemin à pied hier au bois de Boulogne. J'avais besoin d’air. J’étais restée enfermé presque toute la semaine. Je ne dors pas assez. Je me tracasse l’esprit et je sais bien cependant que cela n'en vaut pas la peine. Je suis fatiguée & cependant bien contente d'être sur la place Louis XV. C’est charmant tous les jours, et tout le jour. Que vous avez bien fait de m'encourager à prendre cet appartement ! Je vais dîner chez Lord Granville.aujourd’hui. J’essayerai de le faire parler. Cela ne me réussira pas si bien cependant qu’avec le gentleman of the Press.
Vous savez que le 1er Novembre c'est-à-dire dans dix jours je me mettrai à vous rendre la vie dure. Tous les jours je vous demanderai quand vous venez. Adieu Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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294 Du Val-Richer, dimanche soir 20 oct. 1839
9 heures

J’ai eu du monde sans relâche toute la matinée. Parce que je refuse tous les dîners, on se croit obligé de venir me voir deux fois, davantage. J’aimerais mieux discuter avec vos ouvriers. Je ne tousse plus du tout. J’y aurais regret si je n’arrangeais pas déjà mon retour à peu près pour l'époque que je vous ai dite. Il continue pourtant de faire beau.
Vous trouverai-je tout-à-fait arrangée ? Ne vous ruinez pas. Je crains vos goûts de perfection bien naturels et de bien bon goût, Limitez-vous pourtant dans votre perfection. L’appartement est déjà cher pour vous. N'aggravez pas trop le mal. Pippin, vous a-t-il quittée ? Comment Felix prend-il son petit changement de condition. Avez-vous eu le courage de l’en informer ? Je doute que vous eussiez été un bon ministre d’un gouvernement représentatif. Dire oui n’est que la moitié du talent. Non est l’autre moitié. Celle-ci vous eût manqué. Vous ne savez que plaire.
Don Carlos me paraît pressé d'avoir ses passeports. Et le Roi presse de les lui donner. Les Ministres veulent attendre l’issue de l'affaire de Cabrera. Ils ont raison. D’autant plus raison que Don Carlos a donné sous main, ordre à Cabrera de continuer la guerre. Entendez-vous dire quelque chose de Thiers ?

9 heures et demie
Vous avez tout-à-fait le droit, et vous aurez raison avant de faire la partage du capital de Londres, de demander à être informée de ce que vous aurez à toucher en argent et en effets à Pétersbourg. Je ne pense pas que vous puissiez désormais exercer aucun recours légal, ni que vous fissiez bien de le tenter, même indirectement. Mais ce qui se pourra pour embarrasser et pour arracher de la mauvaise honte quelques lumières, et quelques sommes de plus, il faut le faire. J’approuve donc tout-à-fait que vous adressiez à Londres votre question. Parlez aussi à votre frère de l'oubli de vos droits sur le mobilier de Courlande. Il ne faut pas qu’il ignore tout-à-fait sa propre légèreté, ni qu’il croie qu'elle a passé inaperçue. Je suis charmé que ce coup de pierre ne soit rien. J’ai la Reine à cœur. Après les assassins, les fous. Ceux-là aussi passeront.
Adieu. Adieu. J’ai ma petite Pauline un peu indisposée. Ce n’est rien. Adieu G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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291 Paris dimanche 20 octobre 1839

Je n'ai vu hier que Bulwer le matin, & Pozzo le soir. J’ai trouvé Mad. de Boigne chez lui. Elle reste en ville jusqu'à pied et puis elle va à Pontchartain pour 3 semaines. Il ne s’est rien dit, et je n'avais rien appris le matin qui mérite de vous être rapporté. Toute la Diplomatie hier est allée à St Cloud à la suite de l'accident de la veille, la Reine ne s’est pas ressenti de ce coup. Je dois très mal. Le bruit est bien plus fort ici qu'à la Terrasse. Cette nuit j’ai entendu des soupirs sous mes fenêtres comme ils ne me sont pas adressés cela m’incommoda beaucoup. Je vais aviser à des sourderies renforcées. J'ai reçu hier une lettre de mon fils Alexandre. Il restait encore à Pétersbourg jusqu'à la décision de ses affaires de service. Il ne mande que tout le reste est terminé et que Paul partait le 5 pour Londres. Il doit y être arrivé. Je suppose qu'il va entrer en relations indirectes avec moi pour l’affaire du Capital. Voulez-vous bien me dire avant d'en faire le partage je n’ai pas le droit de demander à être informée de ce que j'aurai à toucher en argent et en effets à Pétersbourg ? Si je vous ai déjà adressé cette question, pardonnez-moi la répétition. Je n’ai pas vu Tcham depuis votre lettre. Adieu. Il fait un bien beau soleil à Paris, presque aussi joli que votre Lune du Val Richer mais venez-vous chauffer ici. Adieu. Adieu. Adieu. Dites-moi si en répondant à mon frère je dois faire mention de l'oubli dans lequel on a laissé mes droits.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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290 Paris, le 19 octobre samedi 1839

Je n’ai vraiment pas le temps ni la force de copier les papiers et les explications que m’a envoyés mon frère. J’en suis fâchée, car je voudrais vous tout montrer. J'ai fait lire tout cela hier à M. de Pogenpohl. Voici l’explication. La loi ne me donne que la 7ème part aux arendes comme aux biens fonds. Ainsi c’est en règle. Le question de la partie mobilière en Courlande a été évidemment, parfaitement oubliée. Il est d’avis que je dois la reproduire rigoureusement Paul peut refuser d'entrer en discussion, mon abandon étant complet, honorablement il ne le peut pas. Ce serait un tort de plus. Voici donc maintenant ma fortune. 2 mille francs de pension. Et le quart du Capital Anglais. Cela fera 36 milles francs en tout et pas davantage. Les 52 milles francs car ce n’est pas plus de l’année de veuve, couvriront ma dépense depuis juin et l'achat du mobilier. Je ne compte pas sur cinq sols des capitaux qui peuvent se trouver en Russie. D'abord il est clair par la lettre de mon frère que Paul ne veut pas même dire ce qu'il y a avant d’avoir touché le capital Anglais. Et quand il l’aura touché il est probable qu’il ne se trouvera rien, ou peu de chose. Les effets sont encore à partager, ma sœur est chargée de cela pour mon compte. Vous savez comme je comprendrai ses lettres. Au bout de tous mes calculs je trouve qu'en tout y compris toutes mes propres ressources, j'aurai 60 milles francs de rente & pas davantage. vous verrez que c’est exact. Mes fils auront chacun 110 mille francs de rente. Voilà assez parler d’affaires.
Le courrier de Médem venait de Londres. L'Angleterre n’a pas accepté nos propositions. Ses contre propositions ne sont pas très claires. Le question reste à peu près comme elle était mais il y a quelque rapprochement entre Londres et Pétersbourg dans l'ensemble de nos relations. J'aurai des tapis qui vous plairont. Le dîner de M. Fleichman valait mieux que son invitation. Je ne sais pas si on rappelle Ponsonby. Je le demanderai, mais j’en doute, on ne voudra pas encore fâcher Lord Grey. et les mémoires à payer à vérifier. Ah quelle bagarre, et comment vous écris je deux lignes qui aient le sens commun. Adieu. Adieu.
Je n’ai pas fait de promenade depuis 5 jours. Je ne parviens pas à bouger de chez moi. Adieu. Adieu. God bless you. Voyez comme je vous écris des lettres élégantes. Si vous me voyez entre les tapisseries, les lampistes, les marchands de bronze, et les changements de maître d'hôtel & de femme de chambre

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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292 Du Val Richer, samedi matin 19 Oct. 1839
7 heures et demie

Hier au soir à 9 heures, en traversant la bibliothèque pour rentrer dans mon Cabinet, je me suis arrêté devant le plus beau clair de lune du monde. La bibliothèque en était éclairée. J’ai transporté cette lumière blanche et douce, ces bois, ces prairies, le bruit de l’eau et vous et moi, à deux cents lieues vers le midi, sous un ciel chaud et embaumé. C’était charmant. Gardez, je vous prie votre esprit comme il est fait. Je n'accepte pas en place celui du baron de Krudener. Sa mère était-elle vraiment aussi séduisante, qu’on l'a dit ? Elle a fait un roman qui s’appelle Valérie et qui a charmé ma toute première jeunesse. Mais cela ne prouve rien. Je me fais tort pourtant, tous les romans ne me charmaient pas. Aujourd'hui, je les trouve bons au dessous de ce qui se pourrait et se devrait. L’expérience de la vie, m'a appris qu'un jour une heure d'affection et de bonheur vrai est infiniment au dessus de toute l'éloquence et de toute la passion des plus beaux romans.
Je comprends vos ennuis de meubles, & j'en suis touché. Mais pas outre mesure. Ce que je crains beaucoup pour vous, ce sont les ennuis vides. Les ennuis pleins et pressés sont plus supportables. Je ne comprends pas comment vous mettrez la paix entre vos conseillés avec une tenture de soie dans le premier salon. N'a-t-il pas dû toujours y en avoir une ? N'était-ce pas là la place du meuble rouge à ramages jaunes de M. Jennison ? Puisqu'il n’y a pas réussi ; je suis bien aise qu’il ait essayé de vous duper. Il ne m’a jamais plu.
Je vois qu’en effet vous êtes sur le point de vous brouiller avec le pape. On dit que les évêques de Pologne lui ont écrit que l'Empereur avait formé, et commençait à exécuter le projet de renverser systématiquement toute la constitution religieuse et tous les rapports religieux de leur pays. Vous finirez par fournir un fait de plus à l'argument que M. Fox puisait contre la traite des nègres, dans la démence fréquente des capitaines négriers.

9 h.et demie
Quelle façon de faire les affaires d’une mère et d’une sœur ! Je suis pourtant bien aise que ce soit fini. Je ne crois guère à la possibilité de réclamer pour le mobilier de la terre de Courlande. Les plein- pouvoirs donnés à votre frère comprenait celui de transiger à ce sujet. Il en a usé et abusé, mais c’est fait. D'ailleurs, qui vous représenterait qui vous soutiendrait efficacement dans une contestation ? Vous ne pouvez pas avoir de contestation, à cette distance, dans un pays de loups, pour une affaire de vaches et de moutons. Laissez l'affaire là ; partagez le capital de Londres, et si vous dépensez rue St Florentin un peu plus d'argent que vous n'en avez, vendez quelques diamants. Ils vous donneront plus d'agrément en bons fauteuils et un jolis tapis que dans votre écrin. Adieu. Adieu. Nous trouverions bien assez de temps pour placer un Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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293 Du Val-Richer, dimanche 20 oct. 1839
7 heures et demie

Il n’y a rien à dire sur tous ces arrangements puisque votre frère avait plein pouvoir pour transiger. Mais il a poussé l'esprit de transaction aussi loin qu’il se pouvait à vos dépends. Je suis surtout choqué que la rente de vos fils ne commence qu’en 1840, et qu'ainsi on vous enlève votre part dans la première année du revenu de la succession. On peut disputer sur les sommes. M. de Pahlen peut s'être trompé quand il a évalué une année de revenu de la terre de Courlande, à 60 milles francs au lieu de 36. On peut faire je ne sais quels calculs sur le revenu de l'arende. Mais sur ceci il n'y a point d’incertitude possible. Vos fils jouiront du revenu de la succession pendant l’année 1839 et vous, vous n'en aurez rien. Paul sait mieux les affaires que M. de Benkendorf, et s’en soucie davantage. Pourtant, je crois qu’il faut tout adopter et tenir tout pour terminé. Légalement, cela est puisque vous avez donné des pleins pouvoirs et en fait, vous ne gagneriez rien à contester. Vous ne me dîtes pas comment a été réglé le partage des meubles et si on a fini par faire ce que vous désiriez pour la vaisselle.
Médem est allé communiquer au Maréchal une dépêche de M. de Brünnow, sur le peu de succès de sa mission à Londres. Le Maréchal a répondu qu’il ne voyait pas pourquoi on lui communiquait cette pièce puisque les propositions de M. de Brünnow n’avaient pas été adressées à la France. Cela me paraît une manière de rentrer en relations sur le fond même de l'affaire et pour des propositions nouvelles. Je retire ma modeste rétractation. On ne vous a pas tout dit. Il y avait des nouvelles de Vienne non pas définitives, non pas complètes mais favorables à nos propositions.
La Maladie de Méhémet n’a rien de grave. Les affaires de la Reine d’Espagne vont bien. Le Roi de Hollande va la reconnaître. C'est le seul prince d’Europe qui ne tâtonne pas. Il tient cela de ses ancêtres les princes, à la fois les plus réservés et les plus résolus de l’histoire moderne. On va faire quelques Pairs.

10 heures
Le mobilier de Courlande n'a pas été oublié puisque Paul d’après votre lettre d’hier, en a fait insérer l'abandon complet dans l’arrangement, bétail, magasins, tout. Puisqu'il y a si exactement pensé, il se refusera à tout retour. Quand vous aurez fait l’épreuve certaine de votre revenu, s’il ne vous suffit pas, faites-vous dix ou douze mille rentes de plus avec vos diamants. A moins que vous n’aimiez mieux en vendre quelques uns, à mesure que vous en aurez besoin pour combler chaque année votre petit déficit. Vous êtes bien informée sur le courrier de Médem, et sur l'état actuel des relations des Cours. Soignez Palmerston. C’est votre point d'appui. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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282. Paris Jeudi le 17 octobre 1839,

Il est très vrai que l’Empereur est devenu intolérant, et persécuteur en matière de religion, et l'on m’a dit hier que nous aurons une grosse querelle avec le Pape qui mettra tout-à-fait dans l'ombre sa querelle avec la Prusse. Le Maréchal Soult a dit hier matin à Appony qu’il n’avait pas un mot de Vienne en réponse aux propositions françaises pour l’affaire de l'Orient. Voilà donc le roi & le maréchal donnant un démenti formel à ce que vous aviez appris par d’autres ministres. Sont-ils donc si désœuvrés qu'ils aient le temps d’inventer des nouvelles. Je demanderai à Tcham ce que vous voulez savoir. Je ne lis pas encore Lord Chatham. Je ne lis que votre lettre dans la journée. Je n’ai pas le temps d’autre chose. Vous ne concevez pas mes ennuis. Et puis deux ou trois avis différents, M. de Pogenpohl, M. de Valcourt, le tapissier. Je m’en vais mettre une tenture en soie dans le premier salon pour terminer le débat. Il se passera bien encore 12 jours avant que je sois complète.
Hier j’ai passé trois heures avec les deux messieurs et puis une heure dans des magasins de tapis. Et puis un moment avec Bulwer, un autre moment avec Le baron de Krudner, je voudrais bien avoir l’esprit fait comme le sien. J’ai dîné chez M. Feichmann, avec les Appony, Médem, Armin, Jennisson qu'on n’appelle plus que Gémissons et quelques autres. Je suis rentrée pour me coucher. J'ai encore mal dormi. J’écris une longue lettre à mon frère par M. de Krudner, mais je ne lui parle de mes affaires que pour le prier de ne pas oublier de m'envoyer l’acte. Adieu, le temps est abominable. Tout juste comme je l'ai désiré pour vous chasser du Val-Richer. Adieu. Adieu.
Armin a vu le roi avant-hier et l’a trouvé de très mauvaise humeur. Il ne sait pas de quoi.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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287 Paris le 16 octobre 1839,
Rue St Florentin 2

Ce serait trop long de vous raconter tout l'ennui, la fatigue de la journée d’hier. Je n’ai vu personne que M. Pogenpohl qui m'est d'un secours extrême. J’ai fermé ma porte à tous les autres. Je n’ai trouvé personne chez les Appony. C’était un dîner de famille pour la Ste Thérèse. Point de nouvelles. Je crois cependant que Médem à reçu un courrier de Londres hier. J’apprendrai quelque chose dans la journée. J'ai mal dormi. Je serai bien ici mais j’y suis encore dans un vrai bivouac.
Je vous remercie mille fois de la lettre pour M. Gréterin. Je vais la remettre à Génie, vous êtes bien bon pour moi. Voilà une phrase parfaitement ridicule. j’attends M. de Valcourt, des tapissiers & &, pendant huit jours encore je serai très mal. Et puis il me semble que je serai bien. Je vous dis adieu déjà, car je crains que je n’aurai pas un moment, dans toute la matinée.
A propos, les rapports de M. de Saint Aulaire annonçant la parfaite approbation du cabinet de Vienne aux projets de pacification du vôtre sont un rêve. Le Roi a dit avant-hier à Appony qu'il n’est rien venu de là. Vous concevez qui si cette bonne nouvelle était venue, le roi aurait eu hâte et plaisir à le dire. Je trouve quelque fois de drôles d'erreurs dans les nouvelles qu'on croit tenir des meilleures sources. Adieu. Adieu. Génie a pris votre billet, il est revenu me dire que les ordres vont être expédiés que votre volonté sera faite et que tout le monde a été très gracieux. Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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290 Du Val-Richer, Mercredi soir 16 oct 1839 9 heures

La note de Bruxner est évidemment très obscure. Cependant en voici le sens. Quand il dit : " Nous avons à attendre incessamment l’autorisation nécessaire pour faire payement à M. le Comte du solde stipulé &. " Il veut dire qu’il recevra incessamment de vos fils, l'autorisation de remettre au comte votre frère, comme votre fondé de pouvoirs, le solde stipulé dut, savoir 14 000 roubles argent pour l’année de revenu et 24 000 roubles & &. Il me semble que ces 14 000 roubles argent doivent faire, les 60 et quelques mille francs sur lesquels vous comptiez. Ce que je ne comprends pas, c’est que vous n’ayez pas encore reçu l'acte signé qu’il vous annonce. Votre frère a certainement négligé de vous l'envoyer. Il lui a paru que puisqu'il avait fini, lui, c'était assez pour vous. Il est impossible pourtant que vous ne le receviez pas bientôt.
Puisque, lord Landsdown est à Vienne, vous aviez raison et on était mal informé. Il faudra bien que cela aussi s'éclaircisse comme vos affaires. Je ne m'inquiète pas beaucoup des vicissitudes qu’on traversera. Je crois toujours qu'elles aboutiront au même dénouement. On me mande que Thiers a dû arriver à Paris hier au soir rappelé avec tous les siens par une maladie grave de la mère de Mad. Dodne.

Jeudi 7 heures et demie
L’arrestation de Blanqui, le second ou plutôt le premier de Barbès, fait-elle quelque effet ? Ce sera un grand ennui, et un assez gros embarras pour la Chambre des Pairs. Comment jugera-t-elle autrement qu’elle n'a fait Barbés et comment jugera-t-elle de même. Je suis sûr que le Chancelier en est très préoccupé. On use bien vite les bons instruments dans ce pays-ci. Comme cour de justice, la Chambre des Pairs a fait des miracles depuis 1830. On l’en a dégoûtée. Elle n'en voudra plus faire. Le procès de Blanqui ne sera pas le seul.
Vous n’avez peut-être pas remarqué dans les journaux que Guinard l’un des principaux chefs du procès d'avril est revenu d'Angleterre et s'est constitué prisonnier pour se faire juger. Son père est mort et lui a laissé 40 ou 30 mille livres de rente. On lui a offert sa grâce. Il l'a refusée. Il veut être jugé. Tout cela ne ranimera pas les procès, ni juges, ni accusés. Mais cela fera des embarras, et des embarras ridicules. Du reste le ridicule est mort, comme tant d'autres choses. On ne se moque plus de rien, ni de personne.

9 heures et demie
Je me trompe. Le ridicule n’est pas mort. Ma bonté pour vous le ressuscite. Mais je vous le pardonne. Vous l’avez vu la première. Je rétablis les faits. On n’avait pas, autant qu’il m'en souvient, de nouvelles de Vienne. Mais on avait, de Berlin, une grande approbation, & l’opinion, positivement exprimée, qu’il en serait de même à Vienne. Du reste, vous avez raison, il y a bien du trouble dans les sources les plus pures.
Adieu. Je suis charmé de vous savoir installée, même mal. On est trop heureux quand le bien vient au bout du mal. Le contraire arrive si souvent. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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286 Paris Mardi 15 octobre 1839

Je suis bien aise de vous savoir arrivé. Il pleut. Il doit faire bien humide au Val-Richer. Voici copie exacte de la lettre de Bruxner, reçue dans ce moment. Expliquez la moi, je ne la comprends pas. Le fait est que je ne comprends rien en fait d’argent.
Hier Bulwer, Zéa, Appony Brünnow le matin. Et puis des courses d'affaires c'est-à-dire de meubles. Après le dîné chez Mad. Appony dans mon lit de bonne heure, je ne me sens pas bien. Je crois que je suis fatiguée, je le serai un peu plus encore aujourd’hui, car je déménage.
J’attends M. de Valcourt qui va prendre possession du mobilier, et puis j’y passerai moi-même. ma matinée se passera à cela.
Je dînerai chez les Appony, si je suis encore capable de sortir. Adieu, Adieu. Je crois que vous vous trompez tous ici. Et que la Russie et l'Angleterre s’entendent. En général je vous trouve ici mal informés. Lord Lansdown est à Vienne ! Vous vous souvenez que j’ai disputé sur cela avec vous. Adieu. Adieu, mille fois.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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288 Du Val Richer, Lundi 14 oct 1839 8 heures et demie

Voici une lettre pour M. Gréterin, directeur des douanes. Je la laisse ouverte pour que Génie la lise et sache bien ce que je demande. Priez-le de la porter de ma part à M. Gréterin après l'avoir cachetée, et de demander la réponse. Je crois qu’il faut une décision du Ministre des finances. Mais M. Gréterin la lui demandera. Je ne veux pas qu'on vous brise le vase en vermeil, et encore moins le buste, en marbre. Est-ce que vous ne pouvez-pas garder Pippin jusqu'à ce que vous ayez trouvé un maître d'hôtel qui vous convienne ? Je sais bien que vous en aurez encore plus de peine à lui faire dire une seconde fois qu’il faut qu'il s'en aille. Cependant j'aimerais mieux cet ennui-là que celui de prendre à la hâte le premier venu. Vous avez quelques fois des hésitations, et quelquefois des précipitations singulières. Entendez-vous dire qu’il y ait quelque chose de sérieux, dans la maladie de Méhémet dont parlent les journaux ? Ce serait encore un dénoue. ment inattendu. Je le regretterais. Le monde n'a pas de gens d’esprit à perdre.

Mardi, 7 heures et demie
Dites moi pourquoi je viens de passer une nuit très agitée, de revoir en rêve toute ma vie, ce qu'elle a eu de plus doux et de plus cruel, vingt cinq ans en quelques heures ! La même Puissance dispose donc de nous, sans nous, la nuit comme le jour, et des chimères comme des réalités. Elle devrait bien laisser la nuit au repos. Je suis brisé ce matin. Quelque confiance qu’on ait dans sa propre vie, si on avait dit au général Sébastiani que son maître d’hôtel, que je connais bien et qui le servait depuis très longtemps serait frappé d’apoplexie avant lui dans Hertford-House, on l'aurait, je crois, bien étonné. Je vous voudrais un maître d’hôtel comme celui-là de fort bonne mine, quoique trop petit, très entendu et très attaché.

Est-il vrai que l'Empereur (il ne me plaît pas de dire votre Empereur) entreprend de miner en Pologne la religion catholique, qu’il a déjà enlevé la moitié des Eglises polonaises au culte catholique pour les donner au culte grec &&. La liberté religieuse était la seule en Russie. C’était même un singulier spectacle que de voir deux états nouveaux, aux deux extrémités du monde, le plus despotique et le plus républicain que le monde ait encore vus, la Russie et les Etats-Unis commencent l'un et l'autre leur carrière, par cette tolérance, qu'au bout de six mille ans le monde civilisé a commencé à peine à entrevoir.

9 h. 1/2
J’aime bien le N°285. Il me rend compte des moindres détails de votre vie, personnes et choses. à cette condition seulement, la séparation est supportable ce qu’elle n'est jamais. Je suis charmé que vous ayez un maître d’hôtel. Mais il faut que le hasard couvre le mal de a précipitation. Cela arrive. Adieu.,Adieu. Non pas mille fois, mais mille vies. G.
J'adresse ma lettre rue Florentin, vous m'auriez averti si quelque chose était changé dans vos projets.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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287 Du Val Richer, Lundi 14 oct. 1839 8 heures

Je ne comprends pas que vous n'eussiez pas vu Génie samedi à une heure et demie. Il m'a quitté à 6 heures emportant une lettre pour vous. Il faut qu’il ait eu quelque affaire obligée. Il vous aura surement vue, dans la journée.
Je suis arrivé hier à 4 heures, point fatigué. Il fait beau, mais je tousse toujours un peu. Je trouve en arrivant quatre invitations à dîner. Je les refuse toutes en disant que mon médecin veut que je me repose pendant le reste de mon séjour à la campagne. Mes enfants sont à merveille. Ma mère pas trop. Rien de grave cependant.
Le procédé de M. Jennison est en effet choquant. Mais il n’y a que lui qui puisse en souffrir. Vous avez votre bail signé. S’il ne voulait vous rien vendre, vous auriez un peu plus d'affaires pour votre arrangement voilà tout. Mais il vous vendra ; ne lui achetez pas plus, et ne le payez pas plus cher que vous ne voulez. Le monde est juif. La dispersion de la race juive a infecté le monde

9 heures et demie
Sans nul doute, les questions à votre fière sont trop péremptoires et il vaut mieux attendre. Quoiqu'il n’y ait rien d’impossible, il me paraît impossible que vous ne receviez pas bientôt la copie textuelle de l’arrangement définitif. Nous verrons alors ce qui manquera. Je vous enverrai demain matin une lettre pour le directeur des Douanes. Vous prierez Génie de la lui porter et de suivre cette petite affaire. Il faut toujours un homme à la suite d’une affaire. Rien ne se fait tout seul. Adieu.
Je trouve ici une foule de petites affaires à régler, et de lettres insignifiantes auxquelles il faut pourtant répondre. Adieu Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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285. Paris, lundi le 14 octobre 1839

J’ai été voir hier la petite Princesse après ma promenade à pied au bois de Boulogne. J'avais eu avant la visite de Bulwer, & celle du Baron Krudner notre ministre en Suisse, homme d’infiniment d’esprit, de beaucoup d’instruction, et du plus aimable caractère. Il est sourd tout-à-fait. Il passe pour aller s'embarquer au Havre de là à Pétersbourg. Il s'est marié secrètement en Suisse, il y a 22 ans ! L'idée lui vint que puisqu'il a déjà un fils de 19 ans et d’autres enfants il pourrait bien faire quelque chose pour eux, et il va obtenir que son mariage soit reconnu. Il m’a fait toutes ces confidences comme on raconte qu’on vient de dîner.
Le Prince Paul de Wurtemberg m'a fait sa visite hebdomadaire il croit savoir que Don Carlos tout ne prescrivant officiellement à Cabrera & au Comte d'Espagne de cesser les hostilités leur a fait intimer l’ordre de les poursuivre. Il a envoyé des pleins pouvoirs à l'un des deux juntes qui s’est organisée en Catalogne, Je fus dîner chez M. de Brignoles. Le maréchal y vint après. Je le trouve bien maigri et changé. Les diplomates ont été faire leur tour avant-hier à St Cloud. Ils ont trouvé le Roi, très content, parfaite ment sûr de l’échec qu'aurait subit M. de Brunnow. Cela reste à être prouvé, et nous saurons cela dès l'arrivée de Lord Granville qui sera ici demain au plus tard. Je n’ai point de lettres aujourd'hui. Ce n'est qui demain que vous serez arrivé. pour moi au Val Richer. Adieu. Adieu.
A propos, j’ai trouvé un maître d’hôtel qui me parait bien par pur hasard. Voilà un souci de moins. La liste des autres est grande encore. Adieu mille fois. Je vous ai dit, n’est-ce pas, que M. de Médem ne va plus chez le Maréchal. Celui-ci a été très impoli dans la dernière entrevue.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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284 Paris, dimanche le 18 octobre 1839

J'espérais bien un peu une lettre d'Evreux, mais je n'y comptais pas. Je vous remercie de m'avoir donné plaisir à mon réveil. J’ai à vous remercier aussi de ce que vous avez remis à Génie et qu'il m’a fait venir tard dans la journée d’hier. Je viens de ré ouvrir une réponse de Bruxner. En voici l’extrait.
D'après cela il me semble que mes questions sont trop péremptoires et qu'il vaut mieux attendre. Qu'en pensez-vous ? Mon frère aura donc reçu avant de conclure encore la lettre dans la quelle je m’oppose à ce qu’il convertisse en rente aucune somme qui pourrait me revenir. Il est difficile de croire qu’il n’aie pas fait comme je le demande.
Jennisson a baissé pavillon, et n’a ici que la honte d’avoir tenté de me duper. J'ai le mobilier que je voulais aux termes que j’avais dit maintenant il ne me manque que l’essentiel, la personne qui doit recevoir tout cela. Je cherche un maître d’hôtel introuvable. L'homme chez Pozzo voyant que je ne lui faisais plus rien dire a conclu avec lui un nouvel arrangement ; ainsi c’est fini et je ne sais où déterrer dans 24 heures ce qu'il me faut ou même à peu près.
Mad. Appony est venue chez moi hier, émue occupée, de toutes petites choses, tendre, inquiète. Mad. Durazzo est venu aussi remplie de l'awkwardnefs de la rencontre de Mesdames Molé & Castellane à Champlâtreux. J'ai fait visite à la Princesse Soltykoff qui vous trouve de bien beaux yeux. Le soir j’ai été chez Pozzo, il était seul, je me suis bien ennuyée.
J'ai oublié Bulwer dans le courant de la matinée. Il soutient que l'Angleterre est plus près de nous que de vous. Nous verrons cela après demain avec Granville. Pardonnez-moi, j’ai pris la feuille double.
A propos, procurez-moi la permission. d’entrée pour les effets que je viens d’indiquer ou bien dites moi ce qu'il faut que je fasse. Est-ce qu'on va me briser le vase en vermeil. Voici du soleil, j’irai voir plus tard la petite Princesse. Adieu. Adieu. J’ai mal dormi, et beaucoup pensé à vous Adieu.

Extrait 18/30 7bre 1839 Nous regrettons infiniment de ne pouvoir rien dire de positif encore relativement au partage de la succession. Tout ce que nous savons c’est qu’on s’en occupe & que Messieurs vos fils sont en conférences fréquentes avec le Comte Bulwer. Ce n’est que lorsque nous recevrons une copie authentique de l’acte de partage, incessamment attendu, que nous en pourrons indiquer à Votre Altesse l d'une manière précise toutes les stipulations. En attendant, toute somme qui rentre provenant de cette succession est versée dans notre caisse et aussitôt que tout ce qui est encore arrivé sera rentré et que nous serons autorisés à en faire la répartition sur les divers comptes, nous nous empresserons de suivre les dispositions que Votre Altesse a bien voulu nous tracer pour la part qui lui en reviendra. quant aux bien et revenus de Courlande nous n'en pouvons rien dire non plus, vu qu’ils ne passent pas par nos mains, et de tous les effets que nous avions en dépôt, il ne reste plus chez nous dans ce moment que les quatre caisses d’argenterie. d’après vos ordres nous expédierons par le bateau à vapeur le Tage Capitaine Pitron qui repart demain pour Le Havre quatre caisses contenant un vase en vermeil. un buste en marbre une pendule 2 vases vieux Sèvres à l'adresse de Messieurs Rotschild & frère. Il ne reste donc plus qu’à obtenir la permission nécessaire pour la vente à l’encan des autres objets de cette succession ce qui n’aura lieu que dans quelques semaines lorsque tout le monde sera rentré en ville afin que cela réussisse mieux. les Princes vos fils sont sur le « point de s'absenter momentanément d'ici, mais toujours dans l'espoir de terminer encore avent leur départ tout ce qui concerne la dite succession.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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283 Paris samedi 12 octobre 1839, Midi

Vous m'avez à peine quittée que je tombe dans de nouvelles catastrophes M. Jennisson élève aujourd’hui quatre ou cinq chicanes, et je viens de lui envoyer dire bonjour à lui et à son mobilier. J'aime mieux un gros embarras, que cinq chicanes, et puis reste un sujet. M.Pogenpohl me soutient et est tout révolté du procédé de Jennisson. Voici qu’il fait froid. Je m’en réjouis. Si vous me mandez que vous toussez, je crois que je m'en réjouirais aussi. Soyez sur qu’il n’y a rien d’aussi bon pour vous que Paris. Je n’ai pas été triste hier soir, je vois le bonheur si près de moi. J'ai été bien triste le 10 septembre, je croyais le bonheur si loin. Je me suis trompée alors. Mon Dieu pourvu que je ne me trompe pas à présent ! J’attends Génie. J’ai vu déjà cinq ou 6 marchands, j’ai fait une quantité d'affaires, & je suis fatiguée.
1 heure 1/2 Génie n’est pas venu. Qu'est- ce que cela veut dire ! Adieu. Adieu. Je n’ai vu personne à nouvelles. Je n’ai rien à vous mander, qu'adieu, toujours adieu, & bientôt, adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
Guizot épistolier
Voici cette note des questions à adresser et des actes à demander. Elle s'accorde s'il m’en souvient bien avec ce que vous avez demandé, à Bruxner. Adieu.
Ce n'est donc plus à la Terrasse que nous nous reverrons. Je lui ai dit hier soir en passant le seuil de la porte, un adieu bien tendre. Mais tout lieu où vous serez où nous serons aura bientôt ce droit là, sur moi. Adieu. Adieu.
G.
Paris.
Samedi 7 heures

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
Guizot épistolier
280 Paris, le 2 octobre 1839,
9 heures

Ah ! si votre médecin pouvait re connaître en médecin comme moi. J’attends son arrêt avec une espèce d’angoisse. Que j'aimerais ce médecin s'il vous faisait revenir. Dites-moi Dites-moi que vous revenez. Quelle joie ! Bulwerr m'apportera, le lien vers Lord Chatham, mais il croit que vous savez déjà son histoire mieux que tout ce que vous en diraient les le livres. Je conclurai dans la bibliothèque c'est une jolie pièce. Nos habitudes seront probablement dans ce qui était le salon de M. de Talleyrand.
Je n'ai point encore commencé avec la petite lectrice, je suis parvenue à tuer mon temps en sortant après le dîner. Dès que je serai casée ne ne sortirai plus, & c’est alors que j'aurai besoin d’elle dans l’avant soirée. Aurai-je besoin d’elle ? Répondez- moi, demandez-le à votre médecin. Il me semble que moi aussi j’ai besoin de votre médecin. Votre irriitation au gozier a passé dans le mien. J’ai toussé toute la nuit. Le temps cependant est beau.
J'ai été deux heures hier au Marais dans de grandes manifactures de bronze. J'ai choisi de jolies choses. Cela n'a pas le sens commu, car je n’ai pas encore sur quoi coucher, manger & &
Vous êtes parfaitement instruit de nos propositions. Nous verrons. C’est vraiment un moment curieux. Ah, si nous pouvions nous parler ! M. Molé est à Fontainebleau.. La Duchesse de Talleyrand répart demain, et ne reviendra à Paris qu’à la nouvelle année. Midi Génie sort de chez moi, Il avait été très inquiet de vous. Votre médecin lui a écrit un mot dès son arrivée pour le rassurer mais disant que vous avez un rhume. obstiné. Si vous venez, je vous promets de vous laisser à votre travail toute le matin. Je ne vous prendrai rien de votre temps utile. Après le soleil couché vous penseriez à moi, n'est-ce pas ? On dit que la commission de la chambre à Madrid refuse de reconnaître les fueros. Cela serait mauvais. Génie me dit qu’il vous a envoyé hier une lettre de Fontainebleau. Est-ce une invitation ? Que je le voudrais. Je ne suis plus préoccupée que de cela. De façon ou d’autre il me semble que vous devez venir. Cela est si fort entré dans ma tête que le contraire me paraîtrait une horrible injustice. J’attends votre lettre de demain avec un grande impatience. Adieu, adieu. Venez. adieu.
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