Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


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Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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22 Boulogne Mardi 19 août 1845, 10 heures.

J’ai passée une mauvaise nuit, mon attaque de bile provenant d’un mauvais dîner. A Londres mon dîner & ma santé étaient parfaits. J’ai vu les Cowley à peu près toute la journée hier. C’est une grande ressource. Il est vrai de dire que s'ils n y étaient pas, je ne serais pas à Boulogne.
Londres m’a fait au fond un grand plaisir. Ce sont d'aimables et bonnes gens. C’est de la grande société. Je me trouve dans mon élément, et je n'en ai jamais autant joui. Mes yeux ont été un grand chagrin pour moi seulement parce que je n'ai pas pu vous écrire, car du reste ils ont servi beaucoup à l'agrément de mon séjour. Je vous expliquerai cela c’est trop long pour l’écrire.
L’impression générale que je remporte est, une excellente situation pour Peel, de la résignation du côté de la partie sensée de l'apposition (John Russel) bonne envie de tous de rester bien avec la France. Peu d'espoir que cela dure par plusieurs raisons que je réserve aussi pour la causerie. Très bonne entente avec la Russie et grande confiance de la solidité de cette amitié là. Pas beaucoup de vénération pour le Metternich d’aujourd’hui et complète pitié pour le Roi de Prusse, un extravagant, un fou.
Je suis bien aise que la reine des Belges se soit trouvé à Brüchl. Jeudi pas de lettre aujourd'hui. Qu’est ce que cela ?... la voilà qui arrive. Merci, merci. Surtout de me nommer le 30 août. Quel plaisir nous nous reverrons ce jour-là ; ce sera un Samedi. Samedi en huit. C'est charmant jusque là je me traînerais un peu ici, un peu à Mouchy peut-être. Je ne sais pas bien encore. En attendant adieu, & bien des adieux.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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23. Boulogne Mercredi 20 août 1845 dix heures.

Hier épouvantable tempête, qui dure encore aujourd’hui. Plus de passage. Le dernier était hier matin. Flahaut est venu avec sa fille malade. Il continue aujourd’hui pour Paris. Sa femme vient dans quelques jours. Comme de raison je n’ai pas une nouvelle à vous dire. Les Cowley tout le jour. Nous sommes mutuellement une grande ressource. Je continue à être un peu billious. Je crois que le voisinage de la mer ne m’est pas bon, je reste parce que j’ai quelque ressource de société.
Voici votre lettre. Répétez toujours le 30. C'est si joli. Je ne vous ai pas assez parlé de votre discours. J’en ai été charmée.
Ce que vous dites à l’adresse de l'opposition et de la presse est parfait. Vous rafraichissez les vieilleries, de telle sorte que vous avez toujours l'air de les inventer. Vous êtes dans l’erreur sur le voyage de la Reine. Il a toujours été entendu qu’elle quitterait Stolzenfels le 16, pas avant. Il me parait que le temps là-bas n’a pas été favorable. Je vous remercie bien des directions données à Génie pour le cas où je réclamerais un compagnon. Je vous ferai rire en vous racontant Bulwer. Adieu, adieu. Je ménage mes yeux beaucoup. La causerie en sera sera plus abondante. Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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26 Val-Richer, jeudi 21 août 1845
Six heures du matin

Je compte sur mes doigts. Ceci doit être le N°26. Je crois que je me suis trompé hier. Prenez sans compter. J’ai été réveillé tout-à-l'heure par une estafette du château d'Eu. Rien de grave. Un échange de croix napolitaines. Neuf Pairs pris dans la Chambre des députés à mettre au Moniteur. Ce qui est plus grave, ce sont les plis et replis, tours et retours des Jésuites pour échapper à l'exécution des promesses de Rome. Il a bien fallu commencer ; mais on a commencé, d’une façon qui n'aurait point de fin. C’est une affaire à suivre jour par jour, sans se lasser et sans s'impatienter un moment.
Cette bile me déplait. Soignez votre estomac autant que vos yeux. Là non plus, il n’y a rien de grave. Mais il y faut toujours regarder. De la vigilance, sans inquiétude. Je prêche, toujours, n’est-ce pas ? Je vous aime encore bien plus que je ne vous prêche. Vous avez raison de vous être bien trouvée à Londres et de vous plaire à cette société-là. Grande, sensée et honnête. Je suis charmé que vous en rapportiez une impression agréable. Que de choses vous aurez à me dire ! Vos longues lettres m’ont beaucoup, beaucoup manqué. Mais en les regrettant beaucoup, je ne me suis pas surpris une seule fois à les désirer. J’aime encore mieux vos yeux que vos lettres. C’est bien beau ce que je dis là. De près, c'est sûr ; j'aime mieux vos yeux. De loin, il y a bien de la vertu pour moi à le dire.
Dites-moi pourquoi Brignole m'écrit si tendrement. Voici ce qui m’arrive de lui ce matin. Je vais lui répondre bien poliment. J’attendais le Chancelier à déjeuner ce matin. Il m'écrit qu'il est pris de courbature et de fièvre et qu’il reste encore à Paris. J’aurai, d’aujourd’hui à Mercredi prochain 60 personnes à déjeuner en trois fois. Et samedi 30, à 5 heures du matin, je serai sur la route de Beauséjour.
On m’écrit de Mayence du 17. " S. M. Britanique avait annoncé à la chapelle Anglicane qu’elle assisterait ce matin au service divin, à 10 heures et demie. Mais au dernier moment, il y a eu subitement contre-ordre, & demande d’un second service pour 3 heures ; lequel, en troisième ordre a été porte à 4 heures. Cette instabilité se manifeste en toutes choses. " Grande disette de Princes Allemands à Mayence. Rien que le Prince et la Princesse héréditaire de Hesse d'Armstadt ; encore venus après longue hésitation et délibération. Personne de Bade, ni de Würtemberg, ni de Hesse-Cassel. " On s'attendait à voir arriver la Duchesse douairière de Nassau avec le Duc régnant. Mais le refus donné par la Reine de passer par Biberich, était si peu oublié que le Duc ne s’est pas gêné de venir hier à Mayence, comme simple particulier, & de prendre part, comme tout le monde, à ce qui se passait au débarcadère et à la parade. " Mon correspondant finit par cette drôle de phrase: " En résultat général, jusqu'à présent, il paraît y avoir eu plus de mauvais sang que de bon sang ? "
Ne me faites pas de mauvais commérages, je vous prie vous savez que vous n'en faites que de bons. Adieu. Je suppose que cette lettre vous trouvera encore à Boulogne. En tous cas vous aurez informé Génie de vos mouvements. Adieu Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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24 Boulogne jeudi le 21 août 1845 onze heures.

Merci de votre bonne lettre me promettant une bonne soirée pour samedi 30. Quelle joie ! Je ne me sens pas bien près de la mer. Très billieuse. Cependant je reste jusqu'à dimanche je crois. Le temps se passe assez bien ici, & je ne trouverai rien, jusqu'au 30. En fait de société comme comme celle des Cowley je n’ai rien à espérer. Lord Cowley m’a parlé hier dans le même sens qu’avait fait Bulwer au sujet du mariage Montpensier c.a.d. absolue opposition. Il est convaincu que ce sujet aura été abordé entre Metternich, et Aberdeen, et qu’ils aurait été parfaitement d’accord. L’infante, c’est comme la reine. On ne peut pas admettre un mariage français. Il n’est pas allé plus loin et ne m'a rien dit de ce que m’a dit Bulwer. Mais comme lui, il a ajouté " cela peut être après tout une idée très exagérée et même très fausse. Le pacte de famille a été pour la France un fardeau, un embarras, plutôt qu’un bénéfice ; mais enfin le principe est posé nous ne pouvons pas voir renouveller cela. "
Je pense beaucoup à ce que m'a dit Bulwer & que je vous ai mandé. je crois qu'il sera ici demain en tous cas je crois que vous le trouverez encore à Paris. Je l'engage à vous y attendre. La tempête continue. Qu'avez vous dit des troubles de Leipzig ? Adieu, adieu. Mille fois adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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25 Boulogne Vendredi le 22 août dix heures.

Décidément l'air de la mer ne me va pas, j’attends le premier oiseau de passage et je m’envole avec lui. Hier Lord Cowley a passé la journée au lit, malade comme moi d’une attaque de bile qu'il attribue uniquement à l'air de la mer. Midi Votre lettre qui m'arrive à l’instant me prouve que Tahiti vous tracasse. C’est bien cela aussi qui tracasse le plus Lord Aberdeen. Il faut vraiment s’arranger pour que cette épine ne blesse pas sans cesse. Les Cowley trouvent qu'à Londres on est un peu trop exigeant.
Que je voudrais que vous vous vissiez Aberdeen & vous ! Au surplus l’entrevue me parait certaine. Il n’en doutait pas. Passez donc 20 mille à Pritchard & que ce soit chose faite. Comment est-ce qu'on parlemente encore sur ce point au bout d un an ? Le désastre à Rouen est épouvantable à lire. Ici la tempête a été furieuse pendant 36 heures & je disais toujours que la maison allait être renversée. Vraiment elle est solide pour avoir résisté à cette épreuve. Dieu merci vous m'écrivez de Mercredi. C'est mardi qu'a été le plus fort. Adieu. Adieu.
Je serai bien aise d'être à Paris c.a.d. à Beauséjour. Adieu. J’écris toujours courtement à cause de mes yeux, vous le savez bien. Car j'aimerais bien à causer beaucoup. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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27. Val-Richer, Samedi 23 août 1845

Il me survient ce matin une nécessité absolue d'écrire une longue lettre au maréchal Bugeaud. Des difficultés, des tracasseries, des étourderies, sans intérêt pour vous, mais dont il faut que je m'occupe et qui me prennent le temps que je vous destinais. A Beauséjour, le mal n'est pas grand. Si quelque incident nous ôte un quart d’heure, nous le retrouvons bientôt. De loin, on ne répare rien. Je suis bien impatient du 30. Je voudrais qu’il fit aussi beau qu’aujourd’hui. Mais les soirées commencent à devenir longues, fraîches et longues. On ne peut plus guère sortir le soir. Comment vous arrangez-vous des lumières ? En tous cas, nous resterons, dans l’obscurité.
Je serai bien aise de causer avec Bulwer. J’en serais encore plus aise, si j’avais confiance. Mais enfin il a de l’esprit et point de mauvais vouloir. J'ai commencé à parcourir la Correspondance de Sir Stratford Canning sur les affaires de Syrie. Je la trouve bonne, sensée, nette, ferme. Je traiterais volontiers avec cet homme-là malgré son difficile caractère. Deux in folio de Parliamentary Papers sur la Syrie. Et j'ai beau chercher : je ne vois aucun moyen efficace d’arranger vraiment ces affaires-là. Il y faudrait la très bonne foi et le très actif concours de la Porte. Et la Porte est apathique, & nous trompe. Mes nouvelles d'Allemagne sont de plus en plus graves. Les populations très animées ; les gouvernements très inquiets et abattus. Le Roi de Prusse, toujours gai et confiant. M. de Metternich espérait un peu après Stolzenfel. Une visite de lui au Johannisberg. Le Roi retourne sans s'arrêter à Berlin. Le pauvre Roi de saxe est désolé. Il a dit, les larmes aux yeux, à la députation de Leipzig que c’était le jour le plus triste de sa vie. " Et comment les choses là m’arrivent-elles à moi qui n’ai jamais souhaité que le plus grand bonheur de mes sujets ? "
C'est singulier que dans les temps difficiles, il y ait toujours à côté des Rois, un frère compromettant. Adieu. Adieu.
Je vois qu’il n’y aura point de Mouchy. Si vous parlez demain Dimanche, vous serez donc à Beauséjour, après-demain lundi. Vous ai-je dit que Génie qui y est allé, l’a trouvé charmant plus fleuri que jamais ? Moi, j’ai du monde à déjeuner lundi. Salvandy mardi. Du monde à déjeuner Mercredi. Une visite à Lisieux Jeudi. Mes paquets vendredi. Samedi, à 5 heures du matin je serai en voiture. Je crois que vous me trouverez tres bonne mine. Adieu. Adieu. G.
Je pense en ce moment que cette lettre-ci n’ira plus vous chercher à Boulogne et vous sera portée Lundi à Beauséjour. Heureuse lettre !

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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27 Boulogne Dimanche 24 août 1845
Onze heures

C’est charmant de voir commencer la semaine où nous devons nous revoir ! Voici votre lettre de vendredi, vous y pensez aussi beaucoup. Que de bonne causerie nous aurons ensemble ! Bulwer s'annonce pour aujourd’hui, S'il veut m'accepter, nous irons ensemble ; si non, j’ai d’autres ressources. Le temps a été beau hier, je me promène mais pas beaucoup. Je suis en constante défiance de mes yeux. Je crois que l’Impératrice ira en Italie. Mad. Fréderic me l’a mandé aussi. J'ai eu à Londres, une lettre de mon bon Constantin. Il campait dans la neige, voici cette lettre. Elle vous intéresse pour lui. Gardez la moi je vous prie pour me la rendre.
Moi, j’ai peur des Montagnards. ils reculent, ils attirent, & Dieu sait ce que nous trouverons au delà. Rien de plus fin qu’un asiatique. Bulwer a dit à Londres ce qu’il pensait de Lyon, c.a.d. qu'il en a très mal parlé. On lui a répondu par le Duc de Norfolk. Je passe mon temps ici assez doucement. Ma bile s’est calmé. Je renonce tout-à-fait à Mouchy ; cela m'ennuierait. Adieu, adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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29 Val Richer, Mercredi 27 août 1845
9 heures

Quand vos inquiétudes ne durent pas assez longtemps pour vous faire mal, je vous les pardonne aisément car je les aime. Donc la première page du N°28 est pardonnée. Je ne suis jamais étourdi pour vous, sachez bien cela. Vous partez aujourd’hui. Vous serez à Beauséjour demain. Moi le surlendemain. Plus j’y pense plus je trouve cela charmant.
Presque toute ma maison part vendredi, et sera arrivée samedi matin. Guillet en tête. Il m’aime de tout son cœur. Je lui avais permis d'amener ici sa femme qui était souffrante. Elle s’en retourne se portant à merveille. Je pense qu'en arrivant vous avez fait appeler Charles.
Vous n'aurez que quelques lignes ce matin. Je viens d’écrire une longue lettre à Piscatory. Je n’aime pas cet excès de triomphe de Colettis et du parti français. J’espère que les deux hommes. Colettis et Piscatory, auront assez d’esprit pour comprendre cela. Je le leur explique et le leur recommande très bien. La sédition de Madrid est réprimée. Cela recommence souvent. Pour cette fois, il y avait une cause sérieuse. Le nouveau système de finances de M. Mon augmente les impôts & fait user les abus. Les fripons et les contribuables se défendent. J’espère qu’ils seront battus. Le gouvernement Espagnol a besoin d’argent. Il en prend à ceux qui en ont et ne souffre plus qu’on le vole. M. Mon est un honnête homme et un homme de courage. Je viens de lui faire donner le grand cordon. Il faut soutenir les amis. Quoique tout soit bien précaire dans le pays, j'ai assez bon espoir. Bresson est à Bayonne, attendant M. le duc de Nemours qu’il accompagnera à Pampelune. Adieu. Adieu.
J’ai plusieurs ordres à donner à Génie, ma toilette à faire, 25 personnes à déjeuner. C'est le dernier. D'après vos lettres, je suis content de vos yeux. L’écriture est ferme. Et puis vous n'en parlez pas. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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31 Val Richer Vendredi 29 août 1845

Dieu merci, vous voilà arrivée. Je reçois les 30 et 31. Je savais les blessures de ce bon Constantin. Je vous les aurais dites si j’avais été près de vous. Je n'ai pas voulu vous les écrire.
Rayneval me dit textuellement : " Le comte Constantin de Benkendorff a été grièvement blessé. Pas un mot de plus : rien qui indique, aucune crainte sérieuse sur les suites des blessures. Il nomme quelques tués entr'autres le prince Wassiltchikoff. Il me dit évidemment tout ce qu’il sait. J’espère que vous avez déjà, ou que vous aurez bientôt des détails. Je porte vraiment à cet excellent jeune homme, un tendre intérêt. Et vous par dessus tout ! Si comme je l'espère bien ses blessures n’ont pas de suite le voilà, pour longtemps, hors de cette guerre si rude, & qui me semble assez stérile. Demain, vous me direz tout ce que vous savez. Oui, demain nous nous verrons. Presque tous mes gens partent aujourd’hui, Guillet entr'autres. Je ne vous parle pas d’autre chose. Adieu. A demain. Adieu. Adieu. Dearest, je ne pense qu’à vous et à Constantin. Et à demain 30 août. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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3 Beauséjour Lundi le 8 7bre 1845
Onze heures

Merci, merci de vos deux lettres 1 & 2. Je vous imite, celle-ci porte le N°3. Je crois la reine arrivée et vous dans le full time of conversation. J’espère que vous ressortirez de là aussi content que vous l'avez été il y a deux ans.
J’ai eu hier une très longue conversation avec Kisseleff. Le maître n’est pas changé. Caractère, opinion, tout est resté de même. Seulement de plus en plus inaccessible à tout conseil. Personne ne rêve plus à en donner. Vraisemblance qu’il ira de la mer noire en Sicile. Je pense qu'il verra le Sultan un moment. Evénement ! J’ai été chez les Appony le soir ; assez mauvaise humeur mais qu'on cache.

Paris 1 heure. Je suis ici pour un moment. Je viens de voir Vérity. Il me trouve mieux qu'à Londres. Mais ce sera tout. Pas la moindre nouvelle à vous donner. Le plus beau temps du monde. et moi adieu adieu. Voilà tout et toujours.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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3. Paris lundi 13 juillet 1846 10 heures

Voici votre N°1. J’ai eu presque de la colère en voyant ce chiffre. C’est le commencement des mauvais jours, de tant de mauvais jours. Hier toute la diplomatie est venue chez moi le soir. Il n'y manquait personne, car même le Prince de Ligne y était. Je lui plais beaucoup car mes imprécations contre les chemin de fer sont encore d'un ton plus élevé que les siennes. Sa femme a vu de ses yeux 21 cadavres, et il y avait des carcasses entières qui n’étaient pas retirées de l’eau. Les journaux étouffent tout cela, & sont toujours des vilaines de bourse. Mais que dire de cette providence qui s’adresse à l’aristocratie d'une manière si frappante. 13 voitures culbutées. La 14ème celle où sont les enfants Ligne. La 15. La P. ? Crartoue? 16. Mad. Lauriston 17 La Princesse de Ligne, saines & sauves. Passons. Könneritz m’a dit qu’il n’y aura pas de Constitution en Prusse. Cela a été décidé à une dernière réunion du Conseil. Le Prince de Prusse est parti pour Pétersbourg laissant à tout événement une protestation formelle contre tout projet. Armin à qui j'en ai parlé doute. Mais il ne doute que parce que cela lui déplait. La Vicontesse est évidemment in distress, elle me prie de ne venir que Samedi. J’irai d'abord à Dieppe & si Dieppe me déplait j’irai chez elle, voilà qui est dit. Je crois que je ne partirai que mercredi. Je dine aujourd’hui chez les Cowley avec le vieux Adair. Je hais les paquets et les embarras, me voilà enfoncée là dedans. J'ai bien repensé à votre Espagne. Quel dommage que vous n’ayez pas bâclé un mariage quelconque. Vous avez eu 7 monthes Warning. Aujourd’hui ce même Enrique qui eût été de votre fait, ne passera plus pour cela. Palmerston s'en chargera. Et cependant il me semble encore que ce que vous avez de mieux à faire serait de l’épouser franchement. Qu’on puisse le dire appuyé, par vous comme par l'Angleterre. Car sans cela il y arrivera en dépit de vous. Cela me tracasse. Je n’ai pas encore causé du tout avec Génie. Je ne sais si aujourd’hui vaudra mieux que hier. La chaleur m’accable. Est-ce que j'arriverai à Dieppe ? 4 heures. Kisseleff vient de me montrer une très bonne dépêche en réponse aux légions d’honneur. Je suppose que Désages vous l'envoie. Adieu. Adieu. Adressez toujours vos lettres à Génie. Encore adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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5. Paris le 15 Juillet 1846

Rien qu’un mot aujourd’hui. Je suis reprise des yeux. J’ai fait venir Chermside. On va me mettre au bain. Ce soir médecine. J'ai une éruption sur la poitrine. Il dit que ce n'est rien, que tout cela provient de la chaleur. Hier j’ai été à St Germain. J’ai arrêté un appartenent pour huit jours, mais je ne pourrai probablement. pas y aller. Car dans cette inquiétude de mes yeux ce serait pire qu'une autre catastrophe. Ma femme de chambre m'a annoncé ce matin en pleurant qu’elle est atteinte du même mal que Mad. de Meulan. Concevez-vous plus de guignon à la fois ? Et me voilà livrée à moi- même, sans appui. Vous au Val Richer. Marion à Brighton. Verity c.a.d. mes yeux en Angleterre. Je suis très triste. Je vous renvoie [linche?] Merci, merci. Je n’ai pas bonne opinion de ce qui se passera au foreign office. Je n'ai rien d'Angleterre un mot de Brougham aujourd’hui. Toujours la même chose. Des bêtises. La lettre de Jarnac sur Peel est curieuse. Génie affirme que vous avez reçu dimanche une lettre particulière de Rayneval. Et vous me dites que non. 2 heures. Je viens de prendre un bain, nous verrons comment cela me réussira.
4 heures. W Hervey revient d'une visite chez Madame à Neuilly. Il a été frappé de lui entendre parler encore de Trapani, & il soupçonne Narvey d'envisager cette espérance. Or Palmerston serait certainement contre Trapani. J’ai dit que cela avait été du dû & du gré du gouvernement anglais. Le candidat soutenu par la France. Qu’elle n’insiste pas si l’Espagne n’en veut pas. Mais que s’il avait des chances il est bien clair qu’elle ne pourrait pas s’y opposer et qu’elle devrait même les soutenir. Il me parait que Hervey a déjà écrit dans le sens d'une marche commune pour l'un des fils de François de Paule, demain il attend des directions de Londres, ou au moins quelques indications. Voilà mon pauvre bulletin. Je n’ai rien de plus que ma tristesse. Adieu. Adieu. On ne me permet pas de sortir aujourd'hui.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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4 Val Richer, Mercredi 15 Juillet 1846,

Vos yeux malades me déplaisent beaucoup. Presque autant que vos yeux bien portants me plaisent. Vos yeux bien portants ont, par moment, un caractère de profondeur de regard recueilli et intérieur, admirable. Je les vois tels dans ce moment-ci. Qu'ils ne soient pas malades. Mad. Danicau vous lit-elle beaucoup ? Vous ne me dites rien d'elle. Je suis presque bien aise que vous renonciez à Dieppe. Je n’y avais pas goût. C’est bien loin pour ce que vous alliez y chercher. Et en cas de grand ennuis, il faut deux jours pour revenir à Paris. J’aime mieux St Germain ou Versailles. Je pense que vous allez samedi à Mouchy. Moi, j’irai ce jour-là établir Pauline à Trouville. Je devais y aller demain. Quelques arrangements me font retarder de deux jours. Fleischmann tient-il sa parole ? Le temps est resté un peu gâté de l'orage. Je me suis moins promené hier. Pourtant une course d’une heure dans les bois. On m’annonce pour aujourd’hui beaucoup de visites. Si je savais m’ennuyer, l’occasion serait bonne. L’état des esprits est excellent, ici et dans les environs. Je ne crains que le trop de confiance. Tous les nôtres se croient sûrs du succès trop sûrs.
Rien aujourd’hui d’aucun point. Si ce n’est de Bruxelles où l’Infant D. Enrique s’est rendu en deux jours, à charge à tout le monde, en particulier à sa sœur qui parle mal de lui et dit qu’il faut bien le veiller. Il ne s’est entouré que des émigrés progressistes. Il a dîné le 14 à la Cour, et il part aujourd’hui même pour la Hollande, d’où il ira sans nul doute à Londres. Vous avez toute raison de parler toujours de lui, comme de notre candidat N° 2. J’attends la première lettre de Jarnac pour lui écrire en détails à ce sujet. A tout prendre, je serais bien aise que Bulwer quittât Madrid pour Constantinople. C'est aussi l’avis de Bresson. Palmerston a été à Tiverton, bien réservé sur les affaires étrangères, et bien aigre sur Peel. Il me paraît impossible que l’hostilité ne recommence pas bientôt entre eux. Les Whigs feront ressortir les fautes de Peel, et il ne se laissera pas faire, je suppose. Je reçois un mot de Flahaut qui trouve sa retraite (la retraite de Peel) magnifique. Mais M. de Metternich a été très choqué de l’éloge de Cobden.
J’avais tort tout à l'heure de vous dire que je n’avais rien de nulle part. J’oubliais ce mot de Flahault qui me demande de la part de Metternich, des renseignements très détaillés sur l'organisation et le service de la Gendarmerie en France. On veut établir un service semblable en Galicie. On vient, d’Autriche, nous emprunter de la police. Pas un mot sur le discours de Montalembert et sur mon silence. Flahaut a tort. Que M de Metternich ne lui en ait rien dit, je le comprends ; mais il devrait avoir lui des informations, des conjectures, sur ce que Metternich en a pensé, et me les dire. Il fait comme bien d’autres, plus en pouvoir que lui ; dès qu’il y a quelque embarras, il s'efface. Vous ai-je dit qu’il avait écrit à Morny ? Il y a peu de temps qu’on lui disait que je n'étais pas content de lui, que j’avais envie de donner son poste à un autre, &. pour peu que cela fût vrai, disait-il, il voudrait le savoir, car pour rien au monde, il ne voudrait rester à son poste contre mon gré ou seulement contre mon goût. J’ai pleinement rassuré Morny. Adieu.
Je reviens à vos yeux. J'en attends de meilleures nouvelles. Merci de vos excellents conseils pour Henriette. J'en ai fait usage d’autant que je les avais devancés. Elle est à l’œuvre. Vous avez mille fois raison. Vous êtes vous-même, un modèle d’ordre. Adieu. Adieu. Je viens d’écrire longuement au Roi sur l’Espagne. Adieu G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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6. Paris Jeudi le 16 juillet 1846

En allant à Trouville voyez je vous prie dans le cas de ma venue là je pourrais avoir un pied à terre pour moi, Mad. Danicau. femme de chambre & domestiques. Il n'est pas impossible que je m'y porte. Je vais aujourd’hui à St Germain. Je ne sais comment cela va me convenir. Je suis fatiguée de mon emballage. Mais mes yeux sont un peu mieux qu'hier. J'ai vu du monde hier soir mais on ne m'a rien dit d’intéressant. Lady Cowley, les Gallière, Durazzo, & quelques diplomates. Pas Armin, il me voyait partie. Ce matin j'ai des lettres de Bacourt, Allen, Peel, Greville Je n'ai rien là j'emballe. Je lirai dans mon loisir de St Germain. Merci, merci de votre lettre. Le Prince Belousky est mort. La femme est arrivée 6 heures après.
3 heures Voici la lettre de Greville assez curieuse. Renvoyez la moi Hervey n’a pas un mot. Cowley non plus. Palmerston n’a pas répondu encore à la dimension offerte vendredi dernier. Il est évident que la reine n’est pas gracieuse pour les nouveaux. Elle ne les a pas eus à diner. Palmerston suit avec Ibrahim Pacha & pas même la France. Madame a mal parlé à Hervey de la reine Christine. Elle lui a parlé aussi avec un peu de souci des élections. Le roi ira à Eu le 30 juillet, pour en revenir le 14 août. Adieu. Adieu. Je pars pour St Germain. Tout est réglé avec Génie. J’aurai vos lettres, & vous les miennes exactement. Adieu. God bless you.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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7 St. Germain vendredi le 17 juillet 1846.

Me voici depuis hier assez bien casé, et assez bien de santé ! Il fait froid. Cela m’étonne, beaucoup et ne me déplait pas. Madame Danicau est une personne très utile, avec toutes les vertus qui me manquent. Cela me rendra ma vie ici plus confortable. Elle a de l’autorité du savoir faire, et elle est pleine de désir de me plaire sans m’incommoder. J'attends votre lettre. Je vous en prie ayez soin de vous. A Trouville il y a peut être quel qu'assassin, ou en route. Quand vous êtes loin j’ai peur de tout pour vous, quand vous êtes près j’ai peur aussi mais cela va mieux, il me semble que je suis là pour parer le coup. Voici votre lettre d’hier. Certainement faites dire à Palmerston par Jarnac exactement ce que vous m'écrivez. C'est de la franchise, de la loyauté, dans ma première affaire, & la plus grosse entre vous. Cela éclaire d'emblée votre position avec l'Angleterre sur ce point capital, & vous donne une bonne base. Tout le tort sera à lui s’il n’accepte pas cela. Fleichman vient dîner avec moi aujourd’hui. Hervey viendra diner dimanche. Dites moi si vous avez quelque chose à les faire insinuer ou dire. Il est très confiant, très bien, & moi aussi je suis bien pour lui, en m'observant toujours comme avec tout le monde. Il n’aime pas beaucoup Palmerston. Cowley lui a dit que ses amis à Londres n'aiment pas qu'il donne sa démission, et au fait il ne l’a pas donné d'une manière franche. Lettre particulière simplement et en demandant à Palmerston si cela lui convient. Adieu. Adieu. On demande ma lettre. Je vous prie, je vous prie, prenez soin de vous. Mes yeux vont mieux, mais je les ménage beaucoup. Adieu encore. Êtes-vous un peu surveillé ? Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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6 Val Richer Vendredi 17 Juillet 1846

Quel plaisir me fait ce N°6, si court ! J’étais tres inquiet de vos yeux de votre solitude sans yeux. Puisqu'ils allaient mieux hier, ce ne sera, je l’espère, qu’un incident. Je vous l’ai dit ; j’aime mieux St Germain que Dieppe. Quant à Trouville j’y vais demain, et j'aurais bien du malheur si je n’y trouvais pas pour vous un bon gite vraiment bon, le mieux possible là, car je ne veux pas que vous y veniez pour y être mal. Mais quel plaisir si vous y veniez ! Aussi vif que de vous voir de bons yeux. Vraiment, il y aurait pour vous dans cette course-là, pas plus de fatigue et plus d’agrément que dans toute autre. El Mouchy ? Y avez-vous renoncé ? Vous ne m'en dîtes rien. J’y aurais quelque regret. La vicomtesse aura remué ciel et terre pour vous préparer un peu de bonne compagnie. Je serais fâché qu'elle eût un mécompte. Je n'aime pas les mécomptes, ni donnés, ni reçus. Comme il vous conviendra du reste. Merci de la lettre de Greville. Intéressante. Je vous la renvoie avec une de Reeve que vous me renverrez. A peu près la même chose. Le parti Tory se réformera. Et un jour, il s’y formera un chef. Peel ne le redeviendra pas. A moins d’incidents bien imprévus. Et de l’autre côté les nuances se fondront dans un grand parlé libéral, qui n’en sera pas plus homogène. Et le jour qui ne sera pas très loin, ou l’esprit radical y prévaudra trop les Torys reprendront le pouvoir. Je doute que Gladstone, leur soit un chef dans les Communes. Je voudrais bien. Il est très honnête et d’un esprit doux et élevé. Nous verrons. Il y a bien à regarder là.
Le courrier d’aujourd’hui ne m'apporte rien du tout. Sinon le mouvement des élections qui s'anime un peu. Je suis charmé que Casimir Périer se porte candidat à Paris, et je désire beaucoup qu’il réussisse. Cela me convient électoralement et diplomatiquement. Adieu. Je serai court aussi aujourd’hui. J’ai un énorme paquet de signatures à donner. Je ne suis pas aussi oisif ici que l’an dernier. J’ai gardé les affaires. Je me promène pourtant beaucoup. En bien bon air. Point trop chaud. Hier il a beaucoup plu. Adieu. Adieu. Merci de vos yeux. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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10 Val Richer, Mardi 21 Juillet 1846 4 heures

J’ai expédié mon courrier et mes visites. Je me suis promené une heure. Je vous reviens. Vous vous promenez probablement aussi dans la forêt. Mes bois ne sont pas si bien percés, ni si grands. A quelle heure placez-vous vos deux promenades ? Vous ne devez plus souffrir de la chaleur. Il fait frais ici ; un peu de pluie tous les jours. En tout, une température agréable. Pas assez chaude pour mon goût. Surtout pas assez lumineuse. J'aime le ciel brillant et pur, qu’il n’y ait que de la lumière, de l’espace éclairé entre nous et les régions inconnues. Les nuages me déplaisent. C’est de la boue en l’air. Ce n'est pas là sa place. De mon origine méridionale, je n'ai conservé que certaines dispositions, certaines préférences matérielles celle-là surtout. Le caractère, le naturel moral des populations du midi ne me plaît guère. J’aime mieux les populations du Nord, du semi, nord s’entend. Elles ont plus de good sens, de mastliness, de consistency et de délicatesse. L'inconséquence toujours imprévue et la familiarité grossière des méridionaux me déplaisent souverainement bien que spirituelles et amusantes. Mais le ciel, le ciel ! Il n’y a de ciel que dans le midi.
Je repense à la lettre de Lady Palmerston. J’en suis frappé comme vous. Point de confiance ni d’en train. Que dites-vous de la quasi-nouvelle de Brougham. Palmerston leader des Protectionistes dans les Communes ? Je n'y crois pas. Brougham n’y croit pas. Surtout, il n'en veut pas. Mais il ne repousse pas cela absolument. Avec la confusion des Partis et l’inconsistency hardie de Lord Palmerston, tout est possible. Vous avez raison. Le prochain Parlement ramènera Peel. Et par conséquent Aberdeen, quoiqu’il en dise aujourd’hui. Pourquoi, ce humboy inutile ? Je lis nos journaux ici bien plus attentivement qu'à Paris. En avez-vous plusieurs à St Germain, et lesquels de l’opposition ? Je les trouve bien froids, et décolorés, et déroutés au fond, malgré la violence et la grossièreté de leurs injures. Evidemment le parti n'espère pas grand chose des élections. Je ne me fie point à son propre découragement, même sincère, au découragement du parti de Paris, des meneurs et des journalistes. Je suis convaincu que sur les lieux, dans chaque arrondissement parmi les hommes qui ont réellement la main à la pâte électorale, il y a beaucoup plus d’ardeur, et que rien ne manque à leur travail, et qu’ils trouvent dans les préjugés, dans les habitudes, dans les penchants critiques, et radicaux des masses beaucoup plus de moyens d'action et de chances de succès qu’on ne le croirait d'après les journaux du centre. Je n’ai donc pas une pleine confiance bien s'en faut. Cependant j’en ai. Ce sera un grand succès s’il arrive. Aussi grand que nouveau. Et la question bien personnelle, bien posée sur mon nom. Il n'y a que vous au monde avec qui je me laisse aller aux satisfactions orgueilleuses. Plus je vais plus mon orgueil devient intérieur et a moins besoin de paraître. Il est ridicule de le montrer avant, subalterne de le montrer après. Mais à vous, je montre tout.
Mercredi 22, 8 heures
Je me suis levé tard. J’ai éternué. L’humidité est, l’inconvénient de ce pays-ci. Pour peu que je me promène après dîner, mon cerveau s'en ressent. Ce n’est rien du tout, comme vous savez ; seulement un peu d'ennui. J’attends mon courrier. Adieu, en attendant. 9 heures Voilà votre lettre. Courte, mais tendre ; et pas de mal d'yeux et pas d’abattement ; les deux maux que je crains le plus. De quoi s'avise Mad. Danicau d'être malade ? Le courrier ne m’apporte rien d'ailleurs. Sinon beaucoup de signatures à donner. Toujours bonnes nouvelles électorales. Adieu. Adieu. Adieu G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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13. Paris Jeudi le 23 juillet 1846

Et bien me voilà malade ; depuis St Germain, ou plutôt depuis un bain que j’ai pris ici la veille d'y aller. J’ai perdu tout appétit & je n'ai plus de jambes. L’estomac parfaitement déréglé. Enfin ce matin me sentant très mal je suis venu ici. Chermside sort de chez moi, il me garde ici, nous verrons demain. Il croit que c'est le sang en mouvement. J’ai vu Génie un moment il m’a porté votre lettre. Ne sortez donc pas après le dîner, vous voyez bien que vous y attrapez toujours un rhume. Le Val Richer est humide, cela est très sûr. Tout le monde me l’a toujours dit.
Hier je n’ai vu que les Batteurst. Rien de nouveau. Furner contre Peel, c'est comme tout le monde. Mais voici ce qu’ils m'ont dit et que nous ignorons. C’est que Sir G. Grey, & Ch. Wood disent hautement que si lord Grey se querelle avec ses collègues, ils n'en sont pas. Ainsi s'il sort, il sortira seul. Cela change un peu la situation. J'ai une lettre de Brougham semblable à la vôtre. Génie me dit que Palmerston vous invite par Jarnac à agir à [Touis?] pour l'armistice, Metternich faisant des efforts contre. Hier Thom me disait qu’il en fallait une mais qu'elle ne pouvait pas être générale, sans cela la révolution éclate demain ; n'y pensant bien même il me semble qu’il n’admettait aucune armistice. Ce qu’il admet c’est des réformes dans le gouvernement intérieur. Je n'ai fait dire mon arrivée ici à personne, je me sens trop bête & misérable. C’est aujourd’hui que je vais m'ennuyer. Adieu. Adieu. Votre banquet a donc lieu le jour anniversaire où vous avez commencé votre révolution il y a 16 ans. Adieu dearest adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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14. Paris vendredi 24 juillet 1846

D’abord, je vais mieux ; je sais que je suis pour vous la première personne. Et puis voici ma révolte. Des instructions pour Bulwer ont traversé Paris Mardi dernier le 21. Elles portent ceci. Aucune puissance n'a le droit de se mêler du mariage de la Reine. L’Espagne est libre, & ce serait une attitude portée à son indépendance. L'Angleterre ne s’en mêle donc pas, mais elle ne saurait voir avec indifférence un mariage qui donnerait à une puissance quelle conque une influence prépondérante en Espagne. Elle s’y oppose donc, & Bulwer le déclarerait. Trappany & Montémalin sont aux yeux de Lord Palmerston hors de cause. Reste les deux enfants espagnols & Coburg. Celui des trois qui conviendra le mieux à la reine semblera très bon à l'Angleterre. Mais elle reste en dehors de toute intervention là-dedans ! Observations générales sur l’Espagne. Elle a une constitution qui n’existe que de nom. En fait il n'y en a pas. Quand les Cortez incommodent le pouvoir on les chasse. La presse on la suspend. L'Angleterre n’intervient pas pour faire à cet égard des remontrances. Mais Bulwer est invité à donner cours à l’opinion que porte son Cabinet sur cet état de choses. Tel est le sommaire des instructions. Des avis particuliers disent que la reine penche beaucoup pour un Coburg. Palmerston est assez d’avis de Enrique. Il n’est pas sûr encore qu’il aille à Londres. Il y a des embarras pour sa réception. La reine ne veut pas le voir. Elle a trouvé très impertinent qu'il lui ait écrit de Bayonne une lettre de félicitations sur ses couches. (la lettre de Palmerston au roi !!) Dans tout cela elle marque la préférence pour la candidature Coburg.
Voilà votre lettre. Suis-je furieuse ! Je vous dirai ce que vous faites pour faire plaisir à Henriette vous la menez promener le soir, & voilà votre rhume. Prenez garde, je n'aimerai pas du tout votre fille, & je trouve vos faiblesses très ridicules. Est-ce que moi je vous prendrais cinq minutes pour le soupçon du plus léger risque d'un seul éternuement ? Ecoutez je vous défends formellement de vous promener le soir, et si vous le faites je vous promets que je serai malade de façon à vous inquiéter. Je savais l’indisposition du duc d'Aumale avec tous les détails. Les gens de cour sont très bavards ici, Thom m’avait conté cela. J’ai vu hier Génie et lord W. Je me suis tenue fort tranquille pour me soigner, & je suis mieux. Je ne sais encore si je reste ou si je retourne à St Germain. Je penche pour retourner ou pour aller à Lisieux et vous barrer la promenade dès 7 heures du soir. Comme c’est ridicule ce que vous faites. Je suis en grande colère. Je vous en prie mariez votre fille & que son mari la mène promener. votre éternuement m'a dérouté de l’Espagne, je reviens car il y a encore quelque chose. Miraflores est chargé de demander formellement le duc de Montpensier & si on le refuse, de déclarer qu'on prendra le Coburg. Le roi a répondu qu’il ne donnerait pas son fils & qu’il ne souffrirait pas le Coburg. Si la reine est si pressée qu’elle prenne un infant Espagnol ou si son aversion pour eux est plus fort que sa hâte d’un mari, qu’elle attende. Il ne l’a pas dit si fortement que cela mais voilà cependant dans le fond. Miraflores a conté tout cela à Cowley. Cowley a reçu une réponse de Palmerston. Il remercie l'ambassade de sa very handsome letter (probablement il insinuait qu'il se rendrait si on le pressait.) Il eut été charmé de lui voir continuer ce qu'il faisait à bien mais des partis considerations le forcent à soumettre à la Reine la demande du nouveau lord Normanby. Voilà Cowley furieux & qui ne comprend pas ce que veulent dire des partis considérations. Je ne les ai pas vus. On leur insinue que dans quinze jours Normamby pourra venir à Paris. Voilà une longue lettre, vous ne la méritiez pas du tout. Vraiment vous ne m’aimez pas. Vous aimez mieux une fantaisie de votre fille que ma tranquillité, mon bonheur. Je suis triste car tout cela me mène loin, et je prévoyais que je dégringolerais au Val Richer. 1 heure. Je vous envoie une lettre de Bulwer. On m’a dit en confidence qu'il avait demandé un congé. Sa lettre est bien aigre selon moi. Un homme irrité, blessé, dérouté et espérant de Mischiefs. Lord Willian trouve bien mauvais que vous soyez absent dans ce moment. Il dit qu'on aurait bien besoin de vous à présent pour ces tracasseries espagnoles. Moi Je trouve qu'il faut vous laisser votre repos, mais si vous comptez l'employer à éternuer je vous prie de revenir. Savez-vous qu’à tout prendre vous auriez mieux fait d’épouser don Enrique que tout de suite il y a un ou deux ans. Quel gâchis à présent. Adieu je ferme, je vous gronde au milieu de deux ou trois adieux.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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13 Val Richer Vendredi 24 Juillet 1846, 7 heures

Je n'ai point éternué, point pleuré cette nuit. J’ai bien dormi. Je suis beaucoup mieux ce matin. C’est vraiment curieux avec quelle vivacité ce mal-là me vient, avec quelle rapidité il s'en va. Hier, s'il avait fallu aller et parler à mon banquet, j’en aurais été incapable. J'en étais vraiment préoccupé, et attristé. Ce n’est qu'à vous que je dis mes satisfactions orgueilleuses, à vous seule aussi mes faiblesses. J'en ai bien plus qu’il n'en paraît. Les circonstances importantes, les nécessités absolues, prévues, annoncées, de paraître et d’agir, me mettent bien souvent, plusieurs jours à l'avance dans un état de malaise, de frémissement intérieur, de doute et d’inquiétude, que je ne laisse pas du tout percer, que je contiens et comprime fortement en moi, car j’ai beaucoup d'empire, sur moi-même mais qui n'en est pas moins, très réel et très désagréable. Tout le monde est convaincu que la tribune ne m'inquiète et ne me trouble jamais. Tout le monde se trompe. Je suis très souvent et très vivement troublé, pas quand une fois je suis à la tribune et dans l’action, mais auparavant, en pensant au succès nécessaire et toujours incertain.

8 heures Décidément les bains ne vous valent pas mieux que le serein à moi. Cela m'étonne. Nerveuse comme vous l’êtes il me semble que les bains devraient vous être bons, J’espère que votre estomac se remettra bientôt en ordre. Pour les petits soins contre les petits maux, j'ai assez de confiance dans Chermside. Il vous connait bien et me parait sensé. Pourvu qu’il n'abuse pas des blue pills. Je vais attendre tout le jour la lettre de demain. Que de temps dans la vie on passe à attendre ? Palmerston me fait demander, en effet ce que nous pensons des Affaires de Rome, [?] et autres, et ce qu’il doit dire et faire pour être comme il veut, d'accord avec nous. Cela sera facile à Rome où il n’est rien, et nous n'en tirerons pas grand profit. C’est à Madrid qu’il faudrait-se mettre d'accord, et j'en doute tous les jours d'avantage. J’ai fait ma démarche. Nous verrons le résultat. En tout cas elle est bonne, et si elle ne nous met pas d’accord ; elle me mettra, moi, à l'aise. Comme on peut être à l'aise dans une si grosse et si difficile affaire. Un grand point sera au moins obtenu. Il n’y aura, rien avant mes élections. Les nouvelles en sont toujours très bonnes. De plus en plus bonnes, si je m'en rapporte à ce qui m’arrive de tous côtés. Mais j’ai aussi ma méfiance. Le Roi d’Hanôvre a été assez malade pour qu’on ait été sérieusement inquiet pendant trois jours. C’est du moins ce que M. d’Houdetot m'écrit. Il est mieux. Il aura M. de Béarn le 4 août. L’ordonnance sera signée ce jour-là comme ministre définitif.
Les bains de mer réussissent parfaitement à ma fille Pauline. On lui jette sur les reins des seaux d’eau qui j’espère seront bons à sa taille. Le temps est charmant depuis trois jours. Revenu au chaud, trop peut-être à Paris, et pour vous. Pas ici. Adieu, dearest. Plus j'avance, moins l'adieu me suffit. Je pense sans cesse à vous. Je vous suis dans tous les détails, à toutes les heures de votre journée. Il me semble que si j'étais là, tout serait mieux. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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15. St Germain samedi 25 juillet 1846

Hier soir quinze jours depuis notre séparation. Combien en faut-il encore ? Je suis revenue dîner, le médecin le permet. Si le mal me reprenait ce serait décidément causé par l'air. Alors il faudrait renoncer tout-à-fait Eternuez-vous encore ? Je suis tout aussi fâchée aujourd’hui que je l’étais hier. J'ai vu Hervey encore avant de quitter Paris. Toujours l’Espagne. Parfaite certitude que Palmerston n’entrera pas dans votre idée d’action commune ou simultanée pour un candidat quelconque, très sûr que le queen's favorite est Coburg. Et vraisemblance que c’est par là que les Whigs chercheront la faveur de la cour. J’ai dit un mot du tripotage pour l'Autrichien comme l’ayant appris à Paris, et j’ai ajouté, cela n’est pas possible même dans votre idée de prépondérance étrangère. C'est bien différent me dit Hervey, l'Autriche n’est pas voisine. Il ne croit pas qu’on accorde de congé à Bulwer. Il est trop nécessaire dans ce moment tout ce que je vous ai rapporté hier sur les instructions à Bulwer est au fond sensé, et serait reçu avec acclamation au parlement. On y trouverait la conduite d'Aberdeen trop subserviest to France. C'est un bon terrain pour Palmerston & c'est là ce qui m’inquiète. J’ai paru chez Lady Cowley en m'en allant. Je l’ai trouvée froide et aigrie. Hervey m'en avait un peu prévenue. Cela a été pour moi comme non avenue. D'après ce qu’elle m’a dit Cowley aurait vraiment presque demandé à rester, car la réponse de Peel était ceci. " Malgré le désir que j’aurais eu à vous contenter en vous conservant à votre poste" & & C'est un peu enfant à Cowley. A présent encore ils ne se pressent pas. Ils croient que le Ministère sera renversé sur le sucre. Mais leur aigreur pour moi ne vient pas de là. Ils sont très susceptibles à l’endroit de lord Winston et ses visites chez moi les offusquent. Me sachant en ville et malade, elles ne sont pas venus quoique je le leur ai mandé, et puis elles ont donné quelque mauvais prétexte à cela. Ils sont en marche pour l'appartement des [Heusbourg]. Hervey est furieux, il trouve que leur résidence à Paris serait de la dernière inconvenance, certainement incommode pour lui. Il ne croit pas qu'on le leur permette, & cite Stuart qui était resté, & qu'on a menacé du retrait de sa pension s'il persistait. Il a quitté. Le portrait du roi est superbe. Un cadeau très royal, et dont ils sont bien glorieux.
Madame Danicau va toujours bien sauf la lecture. Voici une lettre de Flahaut. Lisez la jusqu’au bout, si tant est qu’il ne vous parle pas lui-même de la séance de la chambre des pairs. Orloff m’a répondu avec beaucoup de politesse sur l'envoi de l’argent. Voici ma dernière lettre de Marion. Charmante fille. Que faut-il dire sur la demande de 3 mois en hiver ? Il me parait préférable que la femme reste à Rome qu'à Vienne. Midi. Voici le N°13. Merci, merci puisque votre rhume est passé, ma colère l’est aussi, mais ne retouchez pas, je vous en prie. Ne sortez jamais après 7 heures promettez-moi cela. Lady Allen me mande que Peel is likely to support the sugar bill et qu’il vaut mieux que les Whigs ne touchent pas sur cette question qui est très populaire. Elle ajoute que personne eux y compris ne croie qu'ils pensent durer au delà de la session. Adieu, bon courage et bonne voix pour votre banquet. Ne parlez pas trop longuement. Je ne sais tout ce que vous allez dire. J’espère all rights and to the point. Adieu. Adieu. dearest. Vous ne me parlez plus de votre visite projetée à Paris pour le 30 ? Dites m'en un mot. Adieu. Adieu encore god bless you, & pardonnez-moi mes colères. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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24. Saint-Germain jeudi 6 août 1846
Je me suis levée fort tard aujourd’hui parce que j’avais eu une bien mauvaise nuit. Des points dans la poitrine qui m'ôtaient la respiration. J’ai fait tout ce que je sais faire, mais sans succès. Ce n’est que vers le matin que les douleurs se sont un peu calmées. Je viens d'écrire à mon médecin, j’espère que ce ne sera rien. Hier un bel orage le soir, mais le temps n'est guère rafraichi. Lonepeleun et Fagel ont dîné chez moi. Tous les diplomates sont frappés d'avance du bon que les élections produiront partout, et de la grande importance que cette législation soit bonne, pour le cas d'un changement de règne. Cela fera un véritable événement. en Europe. J’en demande. pardon à la France mais ce n’est que parce que vous êtes son ministre que cela me touche & m’enchante. Voici votre lettre d’hier. Je vous renvoie vite Fontenay, intéressant. Je comprends fort bien la mauvaise humeur contre le journal des Débats, seulement on est bien sot chez nous si l'on ne voit pas que tout changerait si nous changions. Je garde jusqu'à demain le Caucase, car il me faut du temps pour lire cette fine. écriture. J'ai eu une lettre de Normanby, (à propos de Verity qu’il prend) il me dit que comme Cowley annonce à Palmerston qu’il ne peut pas sortir de l’hôtel avant le 20, Normanby ne viendra qu’après et pour peu de jours se rendant à Vichy. Enchanté de son nouveau poste. Le temps est joli aujourd'hui Je me suis déjà fait traîner dans la forêt pour me remettre de ma mauvaise nuit. Adieu dearest, le 13 je vous verrai donc, savez-vous que c’est dans huit jours. 7 même. Vous vous arrêterez ici le matin & vous déciderez ce que je dois faire. Tout-à-fait la ville c'est bientôt par ce temps ravissant, mais je ferai votre volonté. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond le 11 août 1848 Vendredi
Midi

Je viens de lire votre lettre. Voici donc une nouvelle adresse pour la mienne. Si tout ce qui me donne tant de chagrin vous donne à vous un gendre, j'en serai charmée. Les nouvelles d’Italie sont excellentes. Milan pris à ce qu'il parait. Qu’est-ce qui vient faire la médiation ? Je pense que Radetzki l’enverra promener. Il est rentré at home. Personne au monde n'a le droit de l’inviter à en sortir. Savez-vous ce que je crois. L'Autriche érigera la Lombardie en état indépendant, sous un prince autrichien. Une autre Toscane. Qui est-ce qui pourra trouver à redire à cela ? Elle gardera Venise comme de raison. Tallenay est parti avant-hier soir pour Paris, furieux ; on lui a donné congé pas trop brusquement on ne sait pas pourquoi ; moi au moins je ne le sais pas ; est-ce parce qu’il m’a rencontré à Holland house ? Beaumont est arrivé. La reine va venir le recevoir. On dit que Normanby a contribué à cette nomination. Il le voyait beaucoup qu’est-ce que vous pensez de lui ? On dit que le Roi de Hollande est très mal. La nouvelle en est venue hier. Je suis charmée que vous soyez sans inquiétude pour Pauline. Ma santé est comme vous l'avez laissée. La Prusse est très intéressante comme nouvelles. Elle est mieux renseignée qu'aucun journal de Paris. Elle dit le secret des négociations très exactement, à ce que je sais. Du reste elle est assez modérée. Opposition, mais contenue. Adieu. Adieu.
Il y a bien longtemps que nous sommes séparés. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Lowestoft, Mardi 15 août 1848
Une heure

Longue lettre. Par conséquent bonne. Bonne pour elle-même, et comme symptôme. Vous n'écrivez pas longuement quand vous êtes souffrante. Soyez tranquille ; le mauvais temps, s’il s’établissait ne prolongerait pas mon séjour ici. Plutôt le contraire. Une vraie tempête cette nuit. Un bâtiment s’est perdu sur la côte. On a sauvé l'équipage. Le soleil se lève et le vent tombe ce matin. L’air de la mer me réussit. J’ai un appétit rare pour moi. A chaque instant, ceci me rappelle Trouville, l’été dernier. C’était bien joli. J'ai bien eu envie de vous garder un peu rancune de votre mauvaise humeur en arrivant au Val Richer. Mais je n'en ai rien fait. Quand retrouverai-je Trouville au lieu de Lowestoft ?
Si votre Empereur est en si bonne disposition pour la République et la reconnaît, rien ne vous empêchera de la reconnaître aussi quand elle aura renoncé à me faire un procès. Quel dommage d'avoir la langue liée ! Jamais il n’y a eu un meilleur moment pour parler au nom de la bonne politique. La mauvaise tourne si piteusement. Je commence à ne plus comprendre pourquoi ni comment on donnerait la Lombardie à Charles-Albert. Après ce qui s’est passé à Milan, ce ne serait pas même un mariage de raison. Le divorce viendrait bientôt. Deux Toscanes, comme dit le Roi, ou la Toscane doublée, comme vous dites aujourd’hui. Quoiqu'on fasse, il y aura au bout de tout ceci, un mort, l’unité italienne et un bien malade, le Roi Charles-Albert. Et un autre qui aura bien de la peine à ressusciter quoique vainqueur, l’Autriche. Pour que l’ordre se rétablisse réellement en Italie, il faut qu’il se rétablisse en France, en Allemagne, partout. A chaque nouvelle crise la question devient de plus en plus générale et unique, et toute l’Europe solidaire. Je suis de votre avis sur l’unité allemande. C’est la plus chimérique, et la plus folle de toutes. Elle ne s’établira pas. Mais la fermentation allemande durera longtemps, plus longtemps que les autres. (On veut faire à Francfort une nation et on ne veut détrôner pas un de tant de souverains.) On prétend à l'unité, et on ne veut sacrifier aucune indépendance. Il y a dans ce double dessein une inépuisable anarchie. Mais l’Allemagne ne se lassera pas tout de suite de cette anarchie. Elle y est moins pesante. et moins ruineuse qu'ailleurs précisément à cause de tous ces petits états qui après tout, au milieu de ce chaos, se gouvernent à peu près comme auparavant.
Je lirai ce soir le Prince de Linange. Je suis un peu curieux de ce qu'en dira le spectateur de Londres. Il a d’illustres souscripteurs qu’il voudra peut-être ménager. Ce dont je suis bien plus curieux, c’est de la bataille dans l’Assemblée nationale à propos du rapport de la Commission d’enquête. Si ce débat a lieu, et je ne comprends guère aujourd’hui comment il n'aurait pas lieu, ce sera à coup sûr un événement, le début d’une situation nouvelle. A moins que la mollesse des hommes n’annule les résultats naturels de la situation. Nous voyons cela, souvent.
J’aime mieux que vous restiez à Richmond. Et je crois qu’à l’épreuve vous l’aimerez mieux aussi. Vous vous feriez difficilement à Tunbridge des commencements d'habitudes. Je ne comprends pas ce que Barante peut écrire, ni qu’il écrive. Je n’ai pas de ses nouvelles depuis longtemps. A la vérité je lui dois une réponse. Je doute qu’il écrive rien qui fasse beaucoup d'effet. Son esprit ne va guère à l'état actuel des esprits. Je vais demander ce qu’a écrit Albert de Broglie sur la diplomatie de la République. Adieu. Adieu.
Je vais me promener au bord de la mer. Seul. J’ai toujours aimé la promenade solitaire, faute de mieux. Je n’ai rien de France. Adieu. Adieu. G. J’oubliais de vous dire que je trouve très bonne la dépêche de M. de Nesselrode sur les Affaires de Valachie. Conduite et langage.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton, Mardi 19 sept 1848
Une heure

Bugeaud commence assez bien. L’armée des Alpes l’a adopté. Pourtant je ne crois pas au succès. Je doute que les débats se fussent compromis comme ils l’ont fait pour la liste de conciliation, s’ils n’y étaient pas poussés par l'opinion d’un grand nombre de conservateurs. Si Bugeaud ne passe pas, outre l'échec, il y aura le mal de la rancune entre conservateurs. Je ne comprends pas la manœuvre des Débats. On les accuse d'être trop bien avec Cavaignac. On nomme des intermédiaires. Qu'ils aient fait ce qu’il faut pour n'être jamais en péril, cela se peut, et je ne m'en étonne pas, quoique je ne crois pas, que, pour eux ce fût nécessaire. Mais je ne pense pas qu’ils soient allés plus loin. L’Assemblée nationale est très irritée et jalouse contre eux.
C’est l’Autriche qui est un curieux spectacle. Vienne près d'échapper au moment ou Venise est près de tomber. L'impuissance anarchique au centre, la victoire monarchique aux extrémités. Avec quoi paie-t-on l'armée et combien de temps la payera-t-on ? D'après mes journaux français. Messine n’a point été repris et on n'a point égorgé 20 000 Autrichiens sur 10 000. Je n'ai pas encore vu le Times. Ni personne. Point de nouvelles donc, et je vous ai donné hier toutes mes réflexions. Je crois bien que si nous étions ensemble, nous ne resterions pas court. Mais on n’écrit pas le quart de ce qu’on dirait.
Je suis assez curieux de votre visite à la Princesse de Parme. Et plus encore de ce qui nous viendra de Paris à son sujet. J'ai peur que la cour de ce parti-là ne soit ce qu’elle a toujours été, ingouvernable pour les chefs du parti et mettant à cela sa dignité et sa vanité. Tant pis pour la France certainement ; mais tant pis surtout pour le parti. Il a déjà manqué bien des chances de se remettre en France, là où il aurait toujours dû être. S’il manque encore celle-ci ce sera grand dommage. Mais après tout, la France, tant bien que mal, s'est déjà tirée d'affaires bien des fois sans lui et malgré lui. Elle en viendra encore à bout, s’il le faut Adieu. Adieu.
Je viens de me promener une heure et demie Je vais travailler. Ce que je fais me plaît. Adieu. Vous aurez songé n'est-ce pas à me donner des nouvelles de vos yeux. Il ne vous font pas mal certainement après dîner, dans la chambre obscure. J’aime la chambre obscure. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton Vendredi, 22 sept. 1848
Une heure

Je n'ai de nouvelles que de M. Hallam et de Mad. Austin. Je me trompe ; j'ai trouvé hier en rentrant une bonne lettre de Lord Aberdeen. Je ne vous l'envoie pas pour ménager vos yeux. Je vous la lirai dimanche. Rien de nouveau. Très autrichien. Regardant toujours l'Angleterre comme possible parce que l’Autriche ne cédera pas et ne doit pas céder. Il ne parle de revenir que dans le cours de Novembre. Les journaux modérés sont abasourdis du résultat des élections. L'Assemblée nationale soutient énergiquement son parti. Evidemment tout le monde est inquiet et tâtonne. Vous aurez vu à quel point l'élection de M. Molé a été contestée. Encore n’est-elle pas positive ? Le Communisme est en progrès effrayant. Aura-t-on assez peur et pas trop peur ? Je m’attends à quelque explosion rouge qui donnera aux modérés, un coup de fouet. M. Ledru Rollin se met à la tête des Montagnards croyant à leur victoire. Je parie que, dans son esprit, il dispute déjà à Cavaignac la présidence de la République. Nous sommes tellement hors de ce qui est sensé que tout est possible.
Lisez attentivement le récit de la prise de Messine qui est dans les Débats. Curieux exemple de l'absurde manie révolutionnaire qui est dans les esprits. Il est clair que les Messinois sont insensés, et ont été les plus féroces. On assiste à leurs atrocités. On tient leur défaite pour certaine. On rend justice à la modération du général Napolitain. N'importe c’est pour les Messinois [?] la sympathie. Uniquement parce que c’est une insurrection et une dislocation. Et le Roi de Naples, qui a offert aux Siciliens dix fois plus qu’ils n'espéraient d'abord est un despote abominable parce qu'il ne cède pas tout à des fous qui sont hors d'état de résister. La raison humaine est encore plus malade que la société humaine. Adieu.
Je vais me remettre à travailler. C’est bien dommage que je ne puisse pas dire tout ce que je voudrais. Je supprimerai de grandes vérités, et peut-être de belles choses. Adieu. Adieu. A demain.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond lundi le 25 7bre 1848
6 heures

J’ai été un peu malade cette nuit et j'essaie de me remettre en jeunant ; mais tout cela me met en pauvre humeur. Je vous envoie une lettre que vous me rapporterez demain. Ne l'oubliez pas. Lutterotte m'écrit aussi, pas gaiement. Il dit : " Tout cela terminera par une véritable anarchie en haut et une lutte armée en bas. " J'espère que vous me direz que votre rhume passe, et que je vous verrai demain ici. Adieu. Adieu. Adieu.
Je trouve les journaux bien bêtes. Tout le monde est bête.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton Mardi 26 sept 1848
Une heure

Je suis hors d'état de sortir. Je tousse pas mal, c’est-à-dire très mal. Il me faut un peu de confinement. J'ai bien dormi mais en me réveillant pour tousser. Je me coucherai ce soir de bonne heure. Et de tout le jour, je ne quitterai mon cabinet. Que je voudrais qu’il fit beau demain. J’espère que je pourrai aller vous voir. Peut-être le matin, à 1 heure, si je me suis encore trop pris pour me mettre en route le soir. Ceci est un grand ennui. Et j’ai bien peur que cela ne nous arrive plus d’une fois cet automne. Je me porte très bien au fond ; mais je m'enrhume aisément, et je suis aisément fatigué. Je me résignerais, très bien à n'être plus jeune si je n’avais jamais à sortir de chez moi. Ce qui vaut et ce qui sied le mieux quand on n’est plus jeune, c’est la tranquillité.
J'ai les mêmes nouvelles que vous de Paris. Si Louis Bonaparte se conduit passablement, et s’il n’est pas forcé d'attendre longtemps, il pourra bien avoir son moment. Agité et court car il ne peut pas plus supporter la liberté de la presse que Cavaignac, et il n'aura pas, comme lui, pris la dictature au bout de son épée. Son nom, qui le sert de loin, l’écrasera de près. Mais il vaudrait infiniment mieux éviter cette parenthèse de plus. Je crois encore qu’on l'évitera, que Louis Bonaparte se compromettra avant d'arriver au pouvoir et que l’armée comme l'Assemblée. soutiendront Cavaignac contre lui. Que la République et l'Impérialisme s’usent bien contre l’autre ; c'est notre meilleure chance, et à mon avis la plus probable.
Je ne comprends pas ce que votre correspondant demande à votre oncle. Il le sait prêt à la transaction. Ce n’est pas à lui à aller la chercher. Ce n’est pas à lui qu'on peut s'adresser pour qu'elle marche et se conclue. On désire quelque fait extérieur qui prouve qu'elle peut se conclure, qu'elle se conclura, le jour venu. Qu'on aille donc au-devant de ce fait ; qu'on lui fournisse l’occasion de paraître. L’occasion semblait trouvée ; on semblait même l’avoir cherchée. Tout le monde devait le croire. Non seulement on ne l'a pas saisie ; mais on s'est montré disposé à la fuir. Quand on est pressé, il faut se presser. Je n'ai jamais pensé que votre oncle pût ni dût prendre aucune initiative ; mais je suis encore bien plus de cet avis depuis le dernier incident. Je répète que lorsque la transaction ira à lui, elle le trouvera prêt ; mais il n’a rien à faire qu'à l'attendre dans l’intérêt du succès comme dans la convenance de son honneur. Il disait encore avant-hier à l’un de mes amis qu’il n’avait reçu de sa partie adverse, aucune avance, aucune insinuation qu’il pût sensément regarder comme un pas vers lui.
De Rome et de Florence, mauvaises nouvelles. Les républicains sont furieux de la petite réaction romaine et du peu de succès de l’insurrection de Livourne. La population ne veut pas les suivre, mais comme le gouvernement ne sait pas les chasser, ils sont toujours là, et et commencent, et recommenceront toujours. On dit que Charles Albert meurt de peur d'être assassiné par eux. Il mourait de peur autrefois d'être empoisonné par les Jésuites. Il ne sera probablement pas plus assassiné qu'empoisonné. Mais son succès n’ira pas plus loin. Adieu. Adieu.
Pour Dieu, ne soyez pas malade. Je veux bien être enrhumé, mais pas inquiet. Je vous renvoie votre lettre. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Dimanche le 1er octobre 1848
6 heures

Malade cette nuit. Des crampes d’estomac, grande frayeur du Choléra. Le Médecin ce matin, qui me rassure, mais qui me défend de bouger & de manger. Me voilà donc dans ma chambre par un très beau temps.
Bulwer, C. Greville, Lord Holland. Le précieux. Sans nouvelles sur son compte. Attendant Paris ou Rome épousant quand il aura un poste, & disposé à convenir des arrangements que propose Lady C. Parlant très mal de la conduite de l'Angleterre dans toute l'Europe. C. Greville en grande critique aussi de Lord Palmerston, pas de nouvelle, ne sachant rien de Holland house. Enfin Lord Holland un peu embarrassé, disant que sa femme est malade d’un rhume de poitrine, qu'il ne sait pas s'il part, s'il ne part pas. Une grande incertitude ; tout son langage de nature à confirmer les soupçons autant qu'à les détruire. Je reste flottante. Je ne sais pas. Est-ce des embarras de fortune ? Impossible de rien démêler. En grande critique de lord Palmerston. Selon ces trois messieurs la Sicile est-ce qui lui fait le plus de tort. Labouchère est allé chez C. Greville pour gémir & se plaindre et interroger, car il ne comprend rien, et il trouve très mal.
La Reine a couru des dangers vendredi, une tempête effroyable. Elle a été jetée sur la côté. Elle revient par le chemin de fer. Voilà toutes mes nouvelles. Adieu. Je prendrai un bouillon, voilà tout. Adieu Adieu.
Le médecin dit que ce ne sera rien du tout. Je l'espère.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton. Lundi 2 oct. 1848
2 heures

J'espère bien que cette indisposition ne sera rien. Vous avez raison de vous tenir tranquille et de manger très peu. Le repos et la diète. Moi aussi, j’ai été un peu incommodé cette nuit. Mais ce n’est rien du tout. Je viens de me promener une heure par un joli temps. Le voilà qui se gâte. Quel déplaisir que la distance !
Je suis allé hier voir Dumon. Il y a dans ce quartier bien des maisons à louer. Même deux ou trois. Grosvenor Place qui me paraît un très bon emplacement. Dumon restera seul lundi prochain. Sa femme et sa fille retournent à Paris. Il quittera sa maison de Wilton-Street, et se rapprochera de l'Athenaeum, sa ressource contre la solitude. Mais il sera toujours fort à portée de ce quartier-là. Duchâtel revient à la fin d’octobre, et passera l’hiver à Londres. Si on ne peut pas le passer en France. Presque toutes les lettres de France croient à une crise prochaine qui nous y fera rentrer. Personne ne dit bien pourquoi ni comment. Mais tout le monde le dit, les simples comme les gens d’esprit, à mon profond regret, ce n’est pas mon impression. Voici la nouvelle qu’on m’apporte ce matin, tout bien examiné, tous calculs faits, Cavaignac et ses amis en sont venus à penser que si on tentait de le faire nommer Président maintenant il ne serait pas nommé, et que tout croulerait. Ils se sont rejetés alors dans l’expédient contraire qui serait d’ajourner la nomination du président de la République jusqu'au moment de la dissolution de l'Assemblée elle-même, c’est-à-dire après les lois organiques. Jusque-là, on resterait et exactement comme on est, sans toucher à cette machine qu'on ne peut pas toucher, sans la briser. On m'assure que c’est là ce qui sera proposé ces jours-ci. La réunion de la rue de Poitiers s'y opposera. Mais on croit qu’elle sera battue, toutes les autres portions de l'Assemblée, y compris les Montagnards, désirant éviter une crise dont elles ne se promettent rien de bon pour elles-mêmes. C’est un gouvernement de plus en plus convaincu qu'il ne peut pas vivre, et décidé à ne pas remuer pour ne pas mourir. En définitive, il n'en mourra pas moins. Mais cela peut durer encore quelque temps.
Les Italiens affluent ici, en colère croissante contre la France et la République. Cavaignac ne sait pas la valeur des moindres paroles en Affaires étrangères. Il a, lui-même tout récemment encore, donné aux gens de Milan, aux gens de Venise, aux gens de Sicile, des espérances qui sont tombées le lendemain après une séance du Conseil. On les renvoie à Londres, en disant : " Nous ferons comme Londres. " Et Londres ne dit rien du tout. Le Roi de Naples n'attaquera, pas Palerme. Il prendra, ou se conciliera successivement toutes les autres villes, laissant Palerme vivre comme elle pourra dans son anarchie. Le temps est pour lui. A Rome on augure très mal du Cabinet Rossi. On dit que le Pape l’usera et le laissera tomber comme les autres. Et s’il veut résister plus réellement que les autres, les Républicains demain le feront tomber. Les fantaisies républicaines sont en progrès dans tous les coins. L'avocat Guerazzi reste le maître à Livourne et se promet de devenir le président de la République Toscane. Le cabinet du grand Duc va se dissoudre. Son président, le marquis Capponi, capable et honnête, aveugle et impotent, déclare qu’il ne peut plus continuer, par impotence et par honnêteté. La fermentation républicaine gagne Gênes de plus en plus ; à ce point que l’idée y circule de s'annexer à la Lombardie autrichienne. Si l’Autriche doit consentir à accepter Gênes comme ville libre et port franc. L'Empereur d’Autriche protecteur du Hambourg de la Méditerranée. Vous voyez que tout n’est pas près de finir là. Adieu. Adieu.
J’ai trouvé l'adresse de Salvo. Il part cette semaine pour aller passer quinze jours à Paris. Adieu, j'espère que demain matin, je vous saurai bien. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton. Mardi 3 oct. 1848
3 heures

Je reviens d'Albany où j'étais allé voir Macaulay. " Vous êtes, m’a-t-il dit la première personne que j’aie vue à Londres depuis huit jours." Il vit dans une complète solitude, imprimant son histoire de la Révolution de 1688 qu’il publiera en décembre. Il ne savait absolument rien.
La Rosière est venu ce matin. Amusant sur le passé, car il a quitté Paris il y a plus de six semaines. Des détails sur les premiers temps de la Révolution, Lamartine, Rémusat, Thiers. Croyant à Thiers une assez bonne position dans la Garde nationale de Paris. Attendant la fin prochaine, sans en savoir plus que nous. Il quitte Mad. la Duchesse d'Orléans dont il parle très bien. Situation matérielle déplorable, portée avec une parfaite simplicité et dignité. Plus disposée qu’on me dit à accueillir les combinaisons qui rendraient l'avenir de ses fils plus sûr. M. le comte de Paris avait le visage un peu meurtri d’une chute sans gravité. Très bien du reste, et le duc de Chartre très aimable. Décidé à rester en Allemagne, et à se conduire comme si elle était à Claremont. Point d’intelligence directe ni séparée avec Paris. La Rosière convaincu que la République rouge est plus forte en Allemagne qu'en France, et que, si elle prévalait un moment en France, l'explosion en Allemagne serait très forte. Je n'ai point d’autre nouvelle.
Vous me direz demain où je dois aller vous voir demain soir à quel numéro de Mivart, car il y en a quatre ou cinq. Passerez-vous là quelques jours ? Les jours passent si vite ! Adieu. Adieu.
Il fait bien beau. Le parc de Richmond est encore bon. Où vous promènerez-vous à Brighton ? Adieu. J’espère que vous ne vous êtes plus ressentie de votre estomac. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Mardi 17 oct. 1848
8 heures
Mon rhumatisme ne m’a pas tout-à-fait quitte. Cependant, il va mieux assez mieux pour que j'aille à Claremont. Il ne pleut pas, plutôt froid, ce que je préfère. Je me couvrirai bien. Je ne veux pas que le Roi m'attende pour rien, puisque je puis aller. Et vous comment êtes-vous ce matin ? Comment a été la nuit ? J'en veux à Emilie de ne vous avoir pas mieux soignée. Je lui en dirai un mot.
Le Lord Holland est venu me voir hier. Revenu samedi de Paris. Il l’a trouvé très gloumy. Dans les dix jours qu’il y a passés il n'a pas rencontré une seule personne, pas une qui ne maudit tout haut la République et ne prédit sa chute. Lord Ashburton et tous les Anglais qui sont à Paris lui ont dit qu'eux aussi n'en avaient pas rencontré une seule. Il a vu Arago qu’il connait, beaucoup abattu, noir mélancolique au-delà de toute expression. Arago lui a raconté le gouvernement provisoire avec une haine ardente, pour Lamartine, Ledru Rollin, Barrot, etc. Ils se haïssent ardemment les uns les autres et se racontent en conséquence. Arago lui a dit : " Il y aura encore des conflits sanglants dans Paris. J’irai au plus épais et je me ferai tuer. Je ne puis supporter le spectacle de cette misère et de cette dégradation de la France. Comment va M. Guizot ? Parlez-lui de moi, je vous prie. Je désire que vous lui parliez de moi. Je désire qu’il sache que je suis bien malheureux." Je vous répète le propre récit du Lord Holland.
Il a vu aussi Thiers. Uniquement occupé, à ce moment-là, de son discours contre le papier monnaie et de sa haine contre Lamartine dont les derniers succès oratoires l'ont blessé. Il en parlait avec passion à ceux qui l’entouraient, traitant les discours de Lamartine comme des assignats. Il a demandé au Lord Holland de mes nouvelles. Pour Emilie Holland, sa fille, qui n’avait jamais vu Paris, elle l’a trouvé charmant, gai, animé, quoique c'est une jolie, et intelligente personne. Dumon est venu dîner avec moi. Point d'autres nouvelles que les miennes. Pensant comme moi que Thiers accepte c’est-à-dire prend Louis Bonaparte se disant : "S’il réussit, je serai le maître, s’il ne réussit pas, je serai le Monk." Dumon est convaincu que Dufaure et Vivien vont se faire très républicains pour se faire pardonner l'ancienne Monarchie, et qu’ils n'en ont que pour très peu de semaines.
M. Gervais de Caen, que Dufaure vient de nommer préfet de Police à la place de M. Ducoux est un mauvais choix, un homme du National. La Réforme, en attaquant vivement les nouveaux ministres, ménage Cavaignac. J'essaye de remplacer la conversation que rien ne remplace. Adieu. J’attends Jean. J’irai donc dîner avec vous en revenant de Claremont.

10 h. et demie
Voilà Jean qui me dit que vous êtes encore souffrante et dans votre lit. Et je ne vous verrai qu'à 5 heures. Il faut que je sois au railway à midi 1/4. Au moins ce n’est rien de plus que ce que vous aviez hier. Adieu Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton, Samedi 28 octobre 1848
Une heure

Vous êtes partie. Donc vous n’êtes pas plus enrhumée. C’est bon. Mais si vous aviez été plus enrhumée, vous ne seriez pas partie. Je viens de me promener. A peu près sans la pluie. Je vais bien. Je n’ai pas encore mes journaux. Je n’ai vu personne. Excepté un garde national de Paris qui était là tout à l'heure, me racontant comment, le 24 février, il avait sauvé M. de Rambuteau et toute la peine qu’il avait eue à le hisser dans un cabriolet. A quoi il a ajouté qu’il avait une passion effrénée, non pas pour Mad. de R. mais pour la politique ce qui l’avait fait destituer de sa place à l’hôtel de Ville. Voilà toutes mes nouvelles.
J’espère que les journaux vont arriver. Je serai à Cambridge de lundi à Vendredi, Ecrivez-moi donc là, chez le Dr Whewell, Trinity lodge. Jusqu'à jeudi. Votre lettre de Jeudi arrivera à Brompton quelques heures avant moi. Je ne serai jamais content de vous voir à Brighton. Mais je serai moins mécontent quand je vous y aurai vraiment vue. Je ne puis souffrir de ne pas connaître votre maison, votre appartement. C’est bien assez de l'absence, sans y ajouter l'ignorance.
Vous aurez peut-être à Brighton des nouvelles du spectateur de Londres. M. de Matternich est très fâché qu’il ne paraisse plus. Il a fait venir Melle K. pour lui dire de continuer. Une bonne somme était venue de St Pétersbourg. Mlle K. ne peut pas. Elle ne sait pas où est son père, et dit qu’il l'a abandonnée, elle et le journal.
On vient de m’apporter la Revue des deux mondes. Le second article de M. d’Haussonville sur notre politique étrangère n’y est pas encore. Il y a en revanche, un assez curieux article de M. de Langsdorff sur Kossuth et Gellachion, des détails qu’on n'a pas vus ailleurs. Vous devriez vous faire lire cela. La Revue des deux mondes se trouve probablement à Brighton. C'est le n° du 15 octobre.

2 heures
Le Journal des Débats seul m'est arrivé. Je viens de lire la séance. Je ne comprends pas bien. Mon instinct est que la prompte élection est donc l’intérêt de Louis Bonaparte. Mais alors pourquoi Cavaignac l’a-t-il voulue ? Pourquoi l'Assemblée l’a-t-elle votée ? Je parierais presque que l’arrangement est fait entre Louis Bonaparte et Thiers. Odilon Barrot a parlé comme un compère. C'est une mêlée bien confuse. L’Assemblée se montre inquiète de sa propre responsabilité, et pressée de s’en décharger en partie sur un Président définitif. Nous y verrons plus clair dans quelques jours. Je n'ai rien de Paris. Ce qui me frappe c’est à quel point toutes les opinions, tous les partis se divisent, se subdivisent, se fractionnent en petites coteries qui cachent leur jeu. Grand symptôme de pauvreté d’esprit et de personnalité mesquinement ambitieuse. Je suis triste de l'aspect de mon pays. Plus triste qu'inquiet. La décadence me déplait plus que le malheur. Le discours de M. Molé est bien petit. Adieu. Adieu.
Je compte bien avoir lundi matin de vos nouvelles. Je ne pars pour Cambridge qu'à une heure. Adieu, puisqu’il faut recommencer Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton le 1er Novembre 1848

Trois lettres hier. Deux le matin, & ce soir celle que vous m'avez écrite hier matin de Cambridge. C’est trop à la fois, je vais tout à l’heure me plaindre de mes richesses après avoir gémi sur ma pauvreté. Je suis un peu malade ce matin. La bile en mouvement. L'air de la mer produit cela quelque fois. Si cela continue je quitte la mer. En attendant, j’ai envoyé chercher un Médecin.
J'ai vu hier le Prince Metternich. Décidément c’est trop long. Et pour moi, intolérable. A propos, on lui a assuré que vous voulez que le duc de Bordeaux promet qu’il n’aurait pas d’enfants et s'il en avait qu'on les mettrait de côté pour faire place au comte de Paris. Je l’ai assuré que vous ne pouviez pas avoir dit cette bêtise. Que vous étiez d'avis de la fusion, et qu'on ne parlât pas de postérité. Le comte de Paris étant naturellement l’héritier présomptif. Il a été charmé. L'Autriche l'inquiète, on travaille les populations dans les provinces. Il ne croit pas au bombardement de Vienne.
Mon Dieu comme il parle ! Je crois vraiment qu'il est devenu machine à vapeur. Sa femme est en grand soin pour moi, Le Prince se vante que vous vous êtes exprimé comme elle sur la candidature de Bonaparte. On dit que vous allez être élu ? à Caen, le croyez-vous ?

2 heures. Le médecin ne prescrit rien et dit que cela passera. Voilà un bon médecin.

4 heures. Voici les journaux de hier qui m’arrivent. Je n’ai pas eu le temps de lire. Je cours vite au dernier mot d'un long article du Constitutionnel. " M. Thiers n’a point l’honneur de connaître le prince Louis Napoléon. Il n’a pas de relation politique avec lui. Il n’est pas appelé à en avoir. Est-ce clair ? " Adieu car voici le moment où ma lettre doit aller à la poste. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton jeudi le 2 Novembre 1848

Votre lettre de hier matin m’est arrivée hier soir. Cela me prouve que vos commissionnaires de Cambridge sont plus exacts que ceux de Brompton. Je vous exhorte fort de ne jamais confier vos lettres à votre servante. Le letter box ne peut pas être bien loin de chez vous, Guillaume ferait bien cette promenade. Tout cet été j’ai été victime des négligences de votre house maid. Voilà pour l’article lettres.
Passons à la visite. C’est bien shabby. Arriver à 4 heures, pour repartir le lendemain à 7 h. du matin. Mais voici deux autres observations. Je ne me sens pas bien, comme il n’y a pas de ma faute, il faut que cela tienne à l'air. Le médecin est un peu porté à le croire. Je contiendrai l’essai aujourd'hui et demain. Si je ne vais pas mieux je quitte Brighton et je vous reviens. Ce serait samedi. De plus, les samedis tout le monde arrive pour passer ici le Dimanche. Je ne serais pas sure d’une chambre au Bedford hôtel, ni à tout autre. Ainsi dans aucun cas ne venez samedi. Reposez- vous, attendez-moi. Et si je ne reviens pas, faites moi lundi ou mardi une visite plus honnête. Partez avec le train de midi comme j'ai fait. Vous serez ici à 2 heures. Alors je vous laisse repartir le lendemain matin.
Je n’ai pas un mot à vous dire sur ma journée d’hier. Je l'ai passée comme une marmotte. Toujours assoupie, sans manger, point d’appétit et un délabrement d’entrailles. Je n’ai vu personne que Marion. Je vous envoie le Constitutionnel dont je vous avais transcrit les derniers mots. Lady Palmerston m'écrit inquiète de la chance de Bonaparte. Pour moi décidément je l'aime mieux que Cavaignac. Le journal des Débats, indique Molé. Quelle bêtise ! Vous ne croyez pas cela possible n’est-ce pas ?
Le temps est superbe ici. Beauté trompeuse, pour moi au moins. Voici la lettre de Lady Palmerston. Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Cambridge. Jeudi 2 Nov.1848
5 heures

Je rentre d’une longue promenade, et je trouve votre lettre d’hier. J'espère bien que votre indisposition, est déjà passée. Vous succomberiez en deux jours à la vie que je mène ici. Non pas à table, car je ne mange pas plus qu'à mon ordinaire, et rien que du mouton, du bœuf et du poulet. Mais je marche ou je parle ou j'écoute tout le jour. Il y a ici bien des gens voués à avoir de l’esprit et quelques uns qui accomplissent leur vocation. C’est un beau spectacle de profonde, tranquillité matérielle et d'incessante activité intellectuelles. Plus d’activité qu'à Oxford. Moins de passion politique. On y pense moins. La jeunesse cependant très conservative, peut-être plus que ses maîtres. Ne redites pas cela. Les maîtres m'en voudraient, et ils sont excellents pour moi. D'ailleurs à vrai dire ils sont conservative. J'y deviens peut-être trop difficile. J’entrevois de si loin les déviations !
Mon hôte, le Dr Whowell est vraiment Un homme d’esprit. Un esprit robuste, infatigable, amusé de tout ce qui l’occupe. Je suis frappé de la phrase du Constitutionnel. Il en dit trop. En fait, il ne dit pas vrai. Thiers connait très bien Louis Napoléon. Daru m'a raconté une conversation entre eux. Louis Napoléon a dîné chez Odilon Barrot. Ce qui est clair, c’est que Thiers ne veut pas prendre d'avance ou être pris d'avance. Cela ne me prouve pas qu’il ne veuille pas être poussé au pouvoir, sous la présidence de Louis Napoléon, par la majorité de l'Assemblée nationale. S'il ne veut pas même de cela, s’il refuse absolument d’entrer dans la barque de N. B., Celui-ci sera bientôt usé.
En échange de votre article, en voici un de l'Assemblée nationale que je regarde comme un évènement. C’est la première fois que la fusion est ouvertement annoncée. Et elle se place convenablement sous son vrai drapeau. Je suis sûr que c'est le symptôme d’un pas considérable fait à Paris, par les deux partis. Je pars toujours demain vendredi à 2 heures. Et à moins que vous ne me disiez le contraire, je parlerai de Brompton samedi, à 2 heures, par le Railwvay de Brighton.

Vendredi 3 nov., 8 heures
Je pars tout-à-l ‘heure, par le train de 10 heures au lieu de celui de 2 heures. Il y à quelqu'un à Londres qui doit partir ce soir pour la France, et qui tient beaucoup à me voir auparavant. Je serai chez moi à 2 h. au lieu de 6. Je ne pense pas que cela change rien à mes projets pour demain. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton, vendredi le 3 Nov. 1848
Je vais un peu mieux aujourd’hui, mais il faut que cela se soutienne. Comme de coutume votre lettre hier soir. Je vous recommande encore et encore l’exacte remise de vos lettres dans la letter box, à Brompton. Je n’ai vu hier que la Princesse Metternich, mais bien longtemps. Elle est restée chez moi trois grandes heures. (Le mari était malade comme moi.) et bien, elle ne m’a pas ennuyée. Elle a parlé tout le temps, parce que je le voulais bien, car au besoin je crois qu’elle saurait écouter. J’ai appris par elle assez de choses curieuses, plutôt sur les relations avec la Russie qu'autre chose. Nous étions bien mal ensemble. " L’Empereur traitait mon mari de chiffon." Voilà la mesure. Elle a l’air bonne femme et ne parle jamais de son mari que les larmes aux yeux. Une vrai adoration.
Voici un article de la presse du 1 Nov. Si vous voulez démentir ce qu'il vous attribue à propos de la candidature de Louis Bonaparte. J’espère que vous le ferez dans les termes les plus simples et abrégés. Vous êtes loin, vous n'êtes dans le cas d’émettre votre opinion ni sur les choses, ni sur les personnes. Je vous prie n’entrez pas en discussion. Restez étranger à tout jusqu' après le procès.
J’ai écrit hier au Duc de Noailles, je lui demande des nouvelles. Sir Robert Peel m’écrit aujourd’hui & m'envoie une vieillerie, mais que je ne connaissais pas de George Sand sur le Prince de Talleyran à Valençay écrit en 1837. Comme il dit " better and clever." C’est détaché de sorte que je ne sais à quel ouvrage cela appartient.
2 1/2 Je vous envoie ceci avec l’idée que vous pourrez le recevoir ce soir. Mandez-moi si j'ai raison. Adieu. Adieu. Je vous écrirai encore ce soir, et vous aurez donc des remarques & mes dire aussi quand cela vous arrive.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton vendredi 8 heures du soir

Voici Aberdeen, renvoyez le moi. J’ai vu Alvandy chez lui, la Princesse Meternich & M. Morrier chez moi. Rien de nouveau. Envoyez-moi du nouveau, Metternich persiste à douter qu'on bombarde Vienne. La Duchesse de Glocester est arrivée, le temps est affreux. Je vais un peu mieux Ceci est la seconde lettre aujourd’hui. N'oubliez pas de me dire à quelle heure vous l’avez reçue, Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton Samedi 4 Novembre
10 heures

J'essaye toutes les heures. Voyons si ma lettre vous arrivera encore ce soir. J'ai reçu la vôtre hier, et l’Assemblée nationale. Voici le National répondant à Thiers. Dites-moi si vous viendrez Lundi, ou Mardi, ou Mercredi. Arrangez-vous selon vos convenances. J'ai si peur de vous gêner. Je veux seulement savoir pour m’assurer de la Chambre.
Je vais mieux, on me dit que le choléra augmente à Londres. Cela me tracasse. Adieu. Adieu. Ma troisième lettre en moins de 24 heures. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton. Samedi 4 nov. 1848

Je reçois votre lettre. L'adresse m'a inquiété. C’était vous et pas votre écriture. Je suis désolé. Est-ce que l’œil gauche a empiré ? Est-ce que l’œil droit est pris ? Marion aurait bien dû me donner, elle-même, quelques détails de plus. J’ai recours à elle, je me confie à elle, pour vous et pour moi. Je veux espérer que cette recrudescence de mal ne sera pas longue, que l’usage soutenu de votre remède. (j'oublie son nom) vous ramènera bientôt, à l'état antérieur. Mais que sert d'espérer ?
L'espérance est de toutes les consolations la plus égoïste, car elle soulage le cœur sans diminuer le mal. J’attendrai demain bien impatiemment, ou plutôt ce soir, car c’est demain dimanche. J’espère bien avoir quelques lignes.
J’ai vu hier Jarnac qui part mercredi pour Paris. Je lui ai remis votre lettre au duc de Noailles. Je n’avais pas d'occasion plutôt. Jarnac ramène sa sœur Mad. de Lasteyrie à Paris. Elle arrive aujourd'hui d'Irlande. Il passera en France quelques jours, les jours de l'élection. Les lettres de son beau- frère, Jules de Lasteyrie comptent toujours sur Louis Bonaparte. Et il est croyable, car cela lui déplaît quoiqu’il s’y prête dans l’intérêt de la Restauration de la Régence, et de la régente à qui il est tout dévoué. Les jalousies de Palais sont déjà actives. Thiers a fait dire à Mad. la duchesse d'Orléans qu'elle avait tort d'avoir tant de confiance dans Jules de Lasteyrie, qui n’était qu’un étourneau assez spirituel.
Mes journaux français ne sont pas encore venus. Le débat d'hier sur les Affaires de Rome a dû être intéressant, MM. de Montalembert, et de Falloux y auront pris part, certainement pour enlever au Général Cavaignac le profit d'une démonstration sciemment vaine à ce qu’il paraît, et qu’il serait bien embarrassé de continuer, si elle devait devenir sérieuse. J'ai vu hier au soir Mad. Austin et M. de Rabandy. Point de nouvelles. J’ai travaillé toute la matinée, sauf les visiteurs trop nombreux Et tant d’insignifiants !
Il fait beau ce matin. J’irai après déjeuner chez Lady Cowley. Il faut aussi que j'aille un jour à Richmond, matinée perdue. Jarnac m’a dit que la Reine était de nouveau assez souffrante. Il en est inquiet.
L’article du National sur Louis Bonaparte est très joli. C'est de la bonne plaisanterie ce qui est fort rare. La plaisanterie allemande, assomme. La plaisanterie anglaise déchire. La plaisanterie française pique. C’est la seule bonne, la seule qui fasse rire les spectateurs plus que pleurer le patient. Je trouve que nous sommes trop peu touchés de l'immense ridicule de l’élection de Louis Bonaparte si une autre nation faisait pareille chose, nous sifflerions sans fin. Je ne change pourtant pas d'avis.
3 heures
Les journaux arrivent et ne m’apportent rien qu’un bon discours de M. de Montalembert qui a enfin, parlé convenablement de ce pauvre Rossi. J’espère bien que le Prince Windisch-Graetz n'est pas assassiné. Quoiqu'un assassinat soit maintenant non seulement toujours possible mais toujours probable. Adieu. Adieu. Je sors. Dieu bénisse Vos yeux ! G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton, Mercredi 8 nov. 1848
9 heures

Voici une lettre très curieuse. Lisez-la, je vous prie, vous-même, malgré vos mauvais yeux et renvoyez-la moi tout de suite. G[énie] me fait dire qu'il importe infiniment que ses lettres restent entre lui et moi, et qu'il n'en revienne rien à Paris. Vous verrez combien tout cela confirme ma résolution. Je devrais dire notre résolution de me tenir parfaitement tranquille et en dehors de toutes les menées.
Le Roi me fait écrire hier par d'Houdetot " Le Roi me charge de vous dire que les accidents de santé de ses chers malades, sans être plus graves, ayant continué, les médecins avaient conseillé un changement d’air immédiat ; ce qui l’avait décidé à aller passer quelques jours à Richmond, à l’hôtel du Star and Garter. Nous partons aujourd’hui même à une heure. Le Roi désire que vous sachiez bien le pourquoi de ce mouvement afin de vous mettre en garde contre les bruits publics." D’Houdetot aurait dû me donner quelques détails sur la Reine. Mais enfin elle a pu évidemment être transportée, sans inconvénient. Je voudrais savoir qui occupera votre petit appartement. J'irai les y voir. Pourvu que mon travail m'en laisse le temps, car je veux absolument le finir sans retard et l'envoyer à Paris. Le moment de le publier peut se rencontrer tout à coup. Et dans l'état des affaires au milieu de tout ce mouvement d'intrigues croisées, je ne serais pas fâché de donner une marque publique de ma tranquillité et liberté d’esprit en parlant à mon pays sans lui dire un mot de tout cela. Cette course à Drayton va me faire perdre encore du temps. Je réponds aujourd’hui à Sir Robert Peel, mais je n’y resterai que jusqu'au mardi 21 et non jusqu'au jeudi 23 comme il me le demande. Ce serait charmant, s'il vous invitait aussi.
Je reçois à l’instant même un billet de Duchâtel qui était allé hier a Claremont au moment où le roi et toute la famille partaient pour Richmond. Il a trouvé le Duc de Nemours et le Prince de Joinville, très souffrant. Ils ont eu une rechute, c’est ce qui a déterminé la résolution, soudaine.
La dernière scène de Vienne est tragique. Le parti révolutionnaire, étudiants et autres est plus acharné que je ne le supposais. On m’apporte de Paris de bien sombres pronostics sur l'Allemagne. On s’attend que l'Assemblée de Francfort se transportera à Berlin, et finira par y proclamer la République. La Monarchie, et l’unité allemande paraissent de plus en plus incompatibles. Le rêve en progrès est celui d’une république allemande, laissant subsister dans son sein, par tolérance et jusqu’à nouvel ordre des monarchies locales. En France les esprits sont malades sans passions. En Allemagne, il y a la maladie, et la passion. Adieu, adieu. Merci de votre accueil, digne réponse à votre merci de ma visite. Adieu vaut mieux. M. Vitet arrive aujourd’hui de Paris. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton le 2 janvier 1849
2 heures. Mardi

Je suis si heureuse en pensant à demain ! Cependant si vous aimez mieux rester un jour à Londres pour voir vos amis Duchatel & & Ne vous gênez pas, car selon votre lettre, la semaine est libre. Enfin faites comme cela vous arrange le mieux. Moi tout m’arrange, car enfin, vous viendrez, & je vous tiendrai. Je garde ici une lettre de Tansky curieuse comme détails de cour. Cela marche bien vite. Il y aura l’Empire. mais pour how long ? La mort de lord Auckland est un événement. Beauvale est mourant. Me yeux pas si bien qu'hier. Adieu. Adieu. A demain, adieu.
Aberdeen viendra certainement me voir cette semaine

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton, Samedi 6. 2h.

Mes yeux ne me permettent vraiment pas. Mais vite deux mots pour ces deux choses ci. Narvaez demande la médiation de Léopold pour se raccommoder avec l'Angleterre. Il est fort à faire toutes les platitudes moins une seule. Jamais on ne permettra à Bulwer de remettre les pieds à Madrid même pour une heure et c'est précisément là ce qu'exige Palmerston. Palmerston est en querelle avec nous sur les Affaires d'Orient. Le voilà donc brouillé avec tout le monde.
Je veux dire adieu moi-même. Les médecins disent que cette petite reprise n'est rien. Adieu. Adieu. La Reine a [ ?] beaucoup d’éloignement de recevoir Napoléon B. c'est pour cela sans doute qu'on a nommé Luille.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton le 7 janvier 2 heures

Pauvres yeux, mais il vous faut deux mots. Le roi ne tient pas sur votre compte un langage qui plaise à Lord Aberdeen. On rend justice à votre habileté votre droiture mais on se récrie sur votre impopularité. Le roi appuie sur cela beaucoup. Quand aux princes ils s’expriment très mal. Puisque le roi [?] comme cela à Lord Aberdeen il faut qu’il le dise bien plus à d’autres. Voici une lettre de Constantin. Le Constitutionnel nomme les visiteurs du jour de l'an. Que des députés. Ni Thiers ni Molé. Le premier a écrit son [?] tout, le second pas même cela.
8 h. du soir
Il faut que je dicte à cause le la lampe. Ma petite voisine au [?] douloureux a des nouvelles très fraîches de Paris. Pierre Bonaparte, et la Montagne commencent, à s'exercer quelqu’influence sur le président. Celui-ci tout-à-fait abandonné par Thiers, fort peu soutenu par Odilon Barrot qui ne le voit qu'aux heures de Conseil pourrait bien se laisser entrainer et donner déjà quelques indices de cela. Ainsi, à la réception du jour de l'an où il n'a presque parlé à personne. Il a fait un accueil très gracieux et très remarqué à M. Guinard chef de l’artillerie de la garde nationale République rouge tout- à-fait. Cet état de choses a commencé à donner de l’inquiétude - Thiers, Molé, Beaugrand, Changarnier Rémusat & se sont réunis et sont convenus qu’il fallait donner de l’appui au gouvernement sous peine de passer de nouveau à la lutte dans la rue et Rémusat a été député à Léon Faucher pour lui promettre sont ici sincères et actifs du parti modéré. On se dit à l'oreille que Bonaparte a l'habitude de boire. Voilà mes nouvelles d’aujourd’hui. Il parait qu'on est triste à la bourse à Paris Adieu, adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton Mercredi 10 Janv. 1849
une Heure

Pourquoi n’ai-je pas de lettre ce matin ? Ni la poste de 9 heures, ni celle de 11 heures, ne m'ont rien apporté. Je ne comprends pas pourquoi je n’ai pas de lettre. Si c'était vos yeux, Marion m’aurait écrit. Si c’était pis que vos yeux Marion m'aurait écrit aussi. Quelque bêtise de je ne sais qui ; un retard de dix minutes. Je suis très contrariée. Tout retard m'inquiète. J’espère bien avoir une lettre dans la journée. Lord Aberdeen est venu me voir hier. Il ne peut aller mardi à Brighton. Il est invité à Windsor précisément pour mardi jusqu’à Vendredi. Je ne le rencontrerai donc pas mardi. Ce sera pour une autre semaine. Nous avons beaucoup causé. Je l’ai trouvé en train et assez confiant : " Ou Lord Palmerston entraînera le Cabinet dans sa chute, ou le Cabinet laissera tomber Lord Palmerston." Il croit assez à des efforts tentés auprès de Peel pour obtenir qu’il donne ses amis. Il a vu hier Peel qui allait à Windsor. J’ai été assez surpris des perspectives à demi voilées que laissait entrevoir Lord Aberdeen. Mais je l'ai déjà vu ainsi. J’irai le chercher chez lui demain ou après demain.
Duchâtel sort de chez moi, m’apportant une lettre de Dumon assez sombre. La gauche a regagné du terrain auprès du président comme dans l’Assemblée. C’est la faute des Chefs du parti modéré qui ont démasqué beaucoup trop vite leurs batteries contre le président qu'ils avaient fait. On n'ira pas comme on est jusqu'aux élections. Ou Thiers, Molé et Bugeaud prendront le pouvoir, ou Cavaignac et des amis le reprendront. Du gré du président, qui paraît même pencher beaucoup plus vers ses adversaires électoraux que vers ses patrons gouvernementaux. Si cela arrive on retombera dans la nécessité des combats de rue et des coups d'Etat militaires ou populaires. Les Ministres actuels sont d’une malhabileté, d’une pusillanimité et d’une nullité choquantes. Léon Faucher a dit qu’il combattrait mon élection de tout son pouvoir : " C'est une réaction inacceptable. Notre cabinet est tout ce qui se peut en fait de réaction. " Molé, était allé le voir. Léon F. lui a fait dire qu’il ne pouvait le recevoir ayant à travailler. Molé a insisté. Léon F. l'a remis au lendemain, 8 heures du matin. Molé a répondu que c'était l'heure où il dormait le mieux. Voici les deux faits intéressants sur Molé. Il se dit dans la meilleure entente, dans la plus grande intimité avec Thiers : " Nous sommes deux frères. " Et il prêche Henri V et la fusion tandis que Thiers prêche la Régence. Il a beaucoup d'humeur de ce que je publie quelque chose et de ce que je veux me faire ou me laisser élire à l’Assemblée prochaine. Ce sont les deux résultats nets de deux conversations avec deux de mes plus sûrs amis. Voici un extrait d’une lettre qu'on me communique. C’est d’un homme d’esprit à un homme d’esprit. Je finis, comme j'ai commencé, par mon extrême ennui de n'avoir pas de lettre. Adieu. Adieu.

3 heures
Voilà ma lettre. Il n’y avait point de raison de retard. à la bonne heure. Je vais sortir tranquille pour aller voir C. Greville, qui m’a fait dire qu’il avait une cruelle attaque de goutte et ne pouvait sortir. Il a un exemplaire anglais et il en aura un français. J’attends le Français pour M. de Metternich. Au moment où on m’a remis votre lettre, M. le duc de Nemours est entré. Ce qui fait que je ne l'ai lue qu'au bout d’une demi heure. Très poli et amical. Visite sans motif que je sache. A moins que ce ne soit ma conversation d'avant hier à Richmond. Adieu, adieu. Un très bon adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton, Samedi 13 Janv. 1849

Avant tout, ma joie pour vos yeux vous écrivez et vous lisez. Ménagez les bien et n'en parlons plus. Seconde joie. Vous approuvez. Je crois que vous avez raison. L'effet est grand à Paris. Un homme de mes amis, qui a beaucoup de sens et d’esprit d'affaires m'écrit le Mercredi soir, le jour même de la publication : " Votre libraire est dans une espèce de jubilation fébrile. On fait queue dans son magasin pour acheter votre brochure. Ce matin, à 10 heures, il en avait déjà vendu 5000 exemplaires. La première édition est complètement épuisée. Et le lendemain jeudi : " La 2° édition est épuisée. On tire la 3°. Le succès est immense. J’ai la conviction qu'aux prochaines élections, vous serez au nombre, des représentants de Paris. " Je souris et je doute. Mais il me paraît clair que l’effet que je désirais produire est produit. Nous verrons les conséquences. Je ne vous envoie pas les journaux, l'Univers, l’Evènement, le Siècle, & . Je vous apporterai mardi, ce qu’il y aura d’un peu remarquable. Je n'ai encore rien vu dans le National. Ce que vous m’envoyez contre Thiers est en effet bien vifs. La lutte sera rude, surtout après la victoire. De tout ceci le public sortira éclairé, et les partis ardents. Durer, là sera le problème. Pour le vainqueur, quelconque. Peel m'a écrit. Le Roi aussi. Tous deux très approbateurs, et assez réservés. Comme me souhaitant beaucoup de succès et ne se souciant guère de s’engager dans mon combat. Bien des gens, pas plus démocrates que moi s'étonnent de me voir attaquer si franchement la démocratie, le géant du jour, comme m'écrit Jarnac. Je me souviens d’un temps où l'on me trouvait démocrate. C’est une des grandes difficultés de notre temps que d'avoir à changer de position en changeant de dangers & d’ennemis. Je causerai à fond avec Montebello avant son départ. Je pense de lui autant de bien que vous. Je suis curieux du débat qui a commencé hier. Il me conviendrait que l'Assemblée constituante ne se séparât qu'à la fin de mars. Je doute qu'elle puisse vivre jusques là. Les Anglais ont bien de la peine à comprendre ces revirements d'opinion si soudains et si emportés. Je comprends qu'ils ne comprennent pas. Il faut être Français pour croire qu’on peut vivre en tournant si vite.
Je n'ai vu personne hier. J'aurai certaine ment d’ici à mardi des nouvelles de Génie. Il ne m'a pas écrit ces jours-ci. Il était trop occupé de mes affaires. Mardi sera charmant. Adieu. Adieu. Je ne puis vous dire le plaisir que me fait votre écriture. Je crois que je relis vos lettres plus souvent. Mes tendres amitiés à Marion. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton lundi 15 Janvier 1849

J'ai été très effrayée hier de mes yeux, heureusement aujourd’hui ils vont mieux. Je vois que l’assemblée va mieux aussi, et qu’elle consent à se dissoudre. Je serais assez curieuse de savoir ce qui s’est passé entre lord John & le parti Peel. En tout cas Si Palmerston ne devait pas être le prix de la coalition, je suis bien aise qu’elle n’ait pas eu lieu. Vous ne méritez guère cette lettre puisque la vôtre d’hier m'annonce cool [?] que vous ne m’en écrivez pas aujourd'hui. Bon sujet de querelle pour commencer demain. Adieu. Adieu. Cependant.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton, Vendredi 26 8 h. du soir

Toute une journée prise sans aucun moyen de vous dire un mot. Au reste nous allons vous voir. C'est bien littéralement à quoi nous allons être réduits. Vous voyez que nous nous verrons et que nous ne causerons pas. Metternich s'est déjà tenu en haleine aujourd'hui. Il m'est resté trois heures. Je ne sais rien. Je serai charmée qu’Emile Girardin fut ministre. Il verra ce que c’est, et on en aura fini de lui.
Outre mes yeux j'ai à vous annoncer un pied malade. De sorte que me voilà bien arrangée. Marion a eu une lettre de son oncle. Je trouve tout bien mêlé. On ne s’entend pas. Je ne crois pas au succès des Monarchistes des deux couleurs. Je croirait bientôt plutôt à l’Empire. Au reste vous verrez sa lettre. Mme Roger écrit tristement. Elle ne croit pas trop à la sincérité du Président et malgré des protestations. aux modérés, elle le croit très coupable de s'en aller à la gauche et même à la rouge. Adieu. Adieu. Je suis triste de penser à ces deux jours ce sera un supplice donnez-moi un bonjour. En attendant bonsoir Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton Mardi 30 Janvier 1839(sic)

Les yeux vont un peu mieux, mais ils sont toujours irrités et moi je le suis beaucoup contre mes médecins. Je suis bien curieuse. Tansky écrit qu'on va à l'Empire. Lui même n'a aucun doute. Le croyez-vous ? Du reste sa lettre ne dit rien que nous ne sachions. J'ai dicté une longue lettre à l'Impératrice.
8 h. du soir Lord Brougham est venu et m’est resté 3h. au moins. Il a vu Lady Holland revenant de Claremont. Elle croit la reine mourante. J'ai vu la 2nd édition du Times racontant la journée d'hier à Paris et la promenade à cheval du président. Il n'a qu’à faire tout juste le contraire de ce qu'a fait Louis Philippe : garder son ministère et exposer sa personne et sa cause est gagnée. Vous savez que je le protège. Je serai charmée de le voir se bien conduire. Voici ce que Schwarzenberg a dit à lord Ponsonby. " Je n'envoie pas un archiduc à Londres parce que je ne peux pas exposer un Prince de la maison impériale à rencontrer l'ennemi acharné de l’entente. Voici votre lettre. Et voici la copie de celle de M Armand, ami d' Odillon Barrot. Je vous pris de me renvoyer celle- ci tout de suite. L'intérêt commence à la 3ème page. Adieu. Adieu.
Vous voyez bien que Beyer était une pauvre raison de me quitter ! Adieu.
La mission de Neumann à [?] avait pour objet d’obtenir que la France fût toute seule une expédition pour rétablir le Pape à Rome. L'Autriche ne l'a pas voulu, mais elle demande à son tour à la France de laisser faire cela au Roi de Naples, et que la France et l'Autriche regardent et restent l'arme au bras. Le cabinet prussien a adressé une circulaire à tous les agents diplomatiques, pour déclarer son intime alliance avec l'Autriche et la résolution. de refuser l’Empire. Tout ce que je vous dis là vient de source.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton le 1er février Jeudi, midi

Je vous renvoie toutes vos lettres. Mon premier mouvement a été de la colère, en y pensant un peu je ne suis pas si mécontente. L’argument qui me touche le plus est qu'hier dans le plus mauvais moment vous avez envoyé son livre. Après tout c'est de l'académie d’ailleurs, c'est fait, vous voyez que je vous imite. Voici un article du Globe d’hier 31. Vous savez que c’est L. P. qui l'écrit. Je vous renvoie tout ceci de bonne heure dans l'espoir que vous le recevrez encore ce soir. Je vous écrirai encore plus tard s'il y a de quoi. Mes yeux un peu mieux. Adieu. Adieu. J’ai lu moi-même Génie.
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