Avant de vous raconter mes aventures, il est bon de vous dire un mot de mon père ; Monsieur Dancourt était un riche bourgeois d’Anteuil [1] près Poitiers. N’allez pas croire qu’il avait, par son industrie, gagné son bien : ses ancêtres le lui avaient transmis, et le pauvre homme en jouissait paisiblement dans le célibat. Il s’était fait des principes dont il ne dérogeait jamais. Regardant les femmes comme un embarras, il était parvenu jusqu’à l’âge de quarante-six ans sans avoir songé à se marier ; mais, enfin dans un accès de goutte, venant à réfléchir à la mort et à la joie qu’aurait sa sœur d’hériter de lui, il crut qu’il ferait mieux de se marier.
     « Une femme, se disait-il, me procurera un héritier légitime, une femme me soulagera dans mes petites infirmités, m’endormira malgré ma goutte, me … eh, oui, ventrebleu il faut que je me marie. »

     Mais ce n’était ni à l’esprit ni à la beauté qu’il en voulait. Il frissonnait à la vue d’une femme mise dans le goût du siècle ; mais l’argent était une qualité qu’il croyait absolument nécessaire.

     Enfin après avoir bien examiné, il se maria à la fille d’un de ses amis qui était fort riche. Cette fille n’était pas ce qu’on appelle simple,

[1] Il existe la commune d'Anteuil dans le département du Doubs ; en revanche à une douzaine de kilomètres au sud de Poitiers se situe la commune d’Iteuil .