Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


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Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 17 octobre 1850

Kisseleff que j’ai vu hier deux fois, était plus rassuré. Il a vu longtemps le général Lahitte dont il se loue extré mement. Honnête, loyal, plein de sens & sincère. Reste toujours le doute d'une double diplomatie. Les propos de M. de Persigny prêtent fort à ce soupçon. Nous verrons ce qu'il fera à Berlin. En attendant je crois comme vous, que cette affaire de la Hesse s'arrangera. Tout le monde est curieux, de Varsovie. L’Empereur y est depuis le 12. Hier tous les diplomates Schelenbourg & Hubner en observation. Deux aveugles mais qui se donnent la main. Je ne sais absolument rien de ce terrain ici. Montebello est en Champagne. Dumon en campagne, hier au moins.
A propos, bêtise anglaise. Louis Bonaparte au lieu de campagne donne à ses soldats du champagne et au lieu de battles, des bottles. Pardon. J’ai écrit aujourd’hui seulement au roi Léopold. hier Royer est venu me voir. Le sentiment est général en Belgique. J’espère voir aujourd’hui Sainte Aulaire & le duc de Noailles. Adieu car je n'ai que cela à vous dire.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 25 oct. lundi

Les Jerômes toujours très inquiets. Point de nouvelles. J’ai vu hier soir Chasseloup Laubat. Il a causé avec Mad. de La Redorte, et s’est montré très doux. Il ne donnera pas sa démission. Il en fera aucune opposition. Il a l'air résigné et triste. Appony l’Ambassadeur est mort d’apoplexie. Voilà ce qu’on annonçait hier soir. Ce que vous me dites sur [Palmerston] m’a été dit hier aussi par les Holland. J'ai à propos de mon fils Paul des correspondances qui me fatiguent, je ne sais ni comment ni quand cela aboutira. L’essentiel est de le revoir ici. c.a.d. de Londres. le reste on s’en passe. Alexandre n’a pas encore. son passeport. On me dit que ma faveur est toujours bien grande à la cour. Mais si cela n’a d’autre résultat que d'aimer mes lettres je suis peu avancée. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris lundi le 27 octobre 1851
Midi

Voilà le ministère. Vous saurez mieux que moi en décider la couleur. Je n’ai vu personne encore, rien que le Moniteur. A tout hasard je vous envoie les noms, car je ne sais pas si vous recevez les journaux du soir. Chasseloup était ici hier, ne sachant rien. La Redorte très curieux à entendre. Très mécontent. Le pays d'où il vient, ardent comme lui-même l’était, pas le Président ; aujourd’hui en blâme comme lui et très vivement. Faute énorme dont le Président [?] ne pourra pas se relever. L'Assemblée qui était très bas, est redevenue très respectée. Sa conduite tranquille a beaucoup plu. L'espoir et le conseil de La Redorte sont qu’elle continue comme cela mais qu’elle tienne bon et ferme. Jamais accorder l'abrogation. Selon ce qu'il avait recueilli dans 24 heures, grande consternation à l’Elysée du jugement si unanime de toutes les classes élevées. Heckern me disait hier que Morny & Persigny se disputent l'influence. Morny pour qu'on recule. Persigny pour qu'on avance. Je suppose que le ministère est dans l’opinion Morny.
J’ai rencontré hier le Président il avait l’air fort triste. Les diplomates curieux, inquiets de l’inquiétude de leurs gouvernements. Mad. de la Redorte a pris le deuil de la Dauphine. Mad. Roger aussi chez moi hier soir. Celle-ci blame & noir. L’autre tout noir. Les dames russes sont venues chez moi hier en deuil. Je les en ai louées. Est-ce loué ? ou louées ? La Redorte dit que ce qui cause le blâme universel c'est que la politique personnelle marche à front découvert. Adieu. Adieu.
Rien encore de Pétersbourg. Peut-être aurai-je pour toute réponse le silence. Est-il possible ! Je suis toujours misérable. Un artichaut & deux quenelles de volaille, les forces s'en vont. Adieu. Adieu.
Corbin Justice
Turgot. Aff. étrangères
Charles Giraud Instruction
Thorigny Intérieur
Casabianca agriculture
Lacrosse travaux publics
Saint-Arnaud la guerre
Fortoul marine
Blondel Finances
Maupas La police.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris lundi le 29 octobre 1849

Voici ce que m'écrit Constantin. 24 Berlin. " L'envoyé turc a été trouvé très content, une fois hors de l’influence de St Canning. Le jour où Bloomfield & Lamoricière ont présenté leurs notes, le comte Nesselrode a eu la satisfaction de pouvoir leur dire, que tout était terminé directement avec la Turquie Le pied de nez est complet. Vous vous en réjouirez surtout à l’endroit de Lord Palmerston, ce génie infernal ." Voici les dates. Le courrier Anglais est parti de Londres le 7 octobre. Il n’a pu arriver à Pétersbourg que Le 10e jour au plus tôt. Or nous avions fini avec le Turc le 14. Le 16 il a eu son audience de l'Empereur vous ne voyez le récit dans les Débats c’est que les hommes importants s'emparent du pouvoir de gré ou de force : Thiers, Molé, Berryer ministres. Tous les gens de cœur & d’honneur se mettant au service. Le duc de Noailles accepterait d’être sous préfet. Il s'agit de sauver la France il n'y a d’autre moyen que l'épuration des places. Il est très éloquent et très monté. J'ai été le soir un moment chez la vicomtesse. Le duc de Mouchy est un vrai paysan. Il me déplait parfaitement. Aujourd’hui qu'il est l'un des 150 rois de la France, il est insoutenable. Et puis il a été 10 fois impressionné dans la demie heure que j’ai passé là. Votre lettre ne vient pas, qu’est-ce que cela veut dire ? Adieu, Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris Mardi le 1er octobre 1850
Midi.

J'ai eu hier par courrier deux longues lettres de Constantin & de Meyendorff. La nomination de Radovitz Un grand & déplorable événement. Mais il ne pourra pas se soutenir. Détesté en Prusse, réprouvé par nous, par l’Autriche. Pas Prussien, Catholique, & quand il a porté les armes c’était contre la Prusse. Enfin c’est détestable, mais Viel Castel me disait hier soir qu'il fait qu'on l’ait pris pour quelque chose et que nous allons voir. En attendant il est impossible. qu'on s’arrange. Il n’est pas vraisemblable qu’on se batte, & cependant on n'en a jamais été si près qu’aujourd’hui. Meyendorff regrette que nous soyons si peu bien avec la France, mais les tendances affichées de l’Elysée pour Lord Palmerston nous ôtent toute envie d'être mieux, c’est très naturel, j'ai vu hier au soir les Ligne, les Kontouzof, jolie & aimable femme, Dumon, Antonini, Viel Castel. Un aimable homme celui-ci, commence très doux. La lettre de Piscatory est curieuse, bonne, il y a de l’étoffe !
Je déteste votre journal des Débats. Au reste il faut que je vous dise que tous les journaux m'ennuient à présent. Ils ne disent rien, ou bien ils disent des mensonges. Qui est- ce qui dit un mot sincère aujourd’hui ? Adieu. Adieu.
Ellice père m'écrit avec des excuses de ce que Marion n’est pas venue me voir. Ils ont à réparer ; je me tiendrai sur ce pied-là.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 16 octobre 1850

Jamais je n’ai vu un visage plus renversé que celui de Kisseleff hier soir, à propos d’un article du Bulletin de Paris sur le départ de M. de Persigny pour Berlin. Je ne l'ai pas lu. Il dit que la France & l'Angleterre vont soutenir la Prusse. Je ne puis pas le croire. Le général Lahitte affirmait l’autre jour, en me parlant, que quoiqu'il arrive, la France restera neutre dans la querelle de la Prusse & de l’Autriche. Ses réponses à ce que vous me demandez au sujet de Morny Je vous envoie l’indépendance Belge. Je ne crois pas que ceci fasse plaisir à vos amis.
Je n’ai pas revu Morny depuis votre départ. S'il est besoin je demandais à l’ambassade d'Angleterre les armes de ce pays à l’époque que vous dites. Les fleurs de lys y étaient, car je les ai encore trouvées en Angleterre. Elles n'ont disparues que de mon temps. Mad. Rothschild est venu me voir hier. Contente & tranquille. On dit que M. d’Hautpoul sera renvoyé. moi je n'avais pas compris cela. Marion a remonté avant hier le général Changarnier & Thiers chez la princesse Grasalcovy. Le duc de Bauffremont qui était ici hier soir sortait de dîner chez le président. Il y avait le duc de Capone & le prince de Canino, deux jolis sujets ! Point de nouvelle de là ! Les conversations sont très animées à Paris & certainement à votre arrivée vous trouverez les têtes très échauffées. La mienne pas j’espère. Vous trouverez dans l'Indépendance l'article du Bulletin de Paris qui passe pour appartenir à l'Elysée. Dites-moi l’adresse de Broglie je suppose que lundi & mardi c'est là que j'aurai à vous écrire. Adieu. Adieu.
Si nous causions il y aurait bien à bavarder. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 24 octobre 1849

La journée est trop courte à Paris, le bavardage les nouvelles se croisent, se confrontent. J’en suis étourdie. Hier encore j’ai vu beaucoup de monde. Sainte-Aulaire (Hélas il va je ne sais où, très loin, et ne s’établira à Paris qu'en janvier). Decazes. Montebello. La Redorte, les Holland. Dalabier, Kisselef, celui-ci le soir longtemps, un tête-à-tête. Larosière. Je lui ai fait lire à lui-même le passage de votre lettre sur son discours. Il a été comblé. Je voudrais bien voir M. de Montalembert ce que vous dites sur lui est si charmant ! La Redorte noir comme de l'encre, mais il m’a amusée. Tout le monde sans exception attend un coup d’état, c’est dans l'air, & vous voyez que les votes du président dans les faubourgs sont la préface. Décidément, il est en froid et en soupçon de la majorité ! Il cherche des amis autre part. On dit que Dufaure destituerait volontiers quelques fonctionnaires rouges, le Président les couvre & Dufaure est déjà débordé. Voilà ce qui se dit & redit avec un grand effroi. M. de Corcelles va remplacer M. de Falloux. On disait hier que le Président allait demander que son revenu fut doublé. Aujourd’hui le vote sur les princes [?] on dit que Joinville & Aumale promettent qu'ils ne reviendront pas. Louis Philippe serait très pressant pour que le bannissement cesse. Voilà ce qui m'a été dit hier de bonne source. Kisselef ne sait pas ce qui peut se passer à Pétersbourg. Tout est possible. Lamoricière mande qu'il n’a pas voulu voir Fuat Effendi. On a approuvé ici. Voilà qui est peu d’accord avec l'envoi de la flotte & toute la conduite. Je persiste à croire à la guerre avec la Turquie. Nous verrons. Je n’ai encore vu ici ni Autriche, ni Prusse. Cela m'étonne. L'Angleterre est piquée de ce que Je n’ai pas porté ma carte. Je ne lui dois aucun empressement. et le Mylord pensait bien venir. Le fait est qu'il croit que je veux le reste. On me l'a dit de leur part. J'ai demandé s’ils trouvaient que j'eusse des raisons pour cela ? Je crois que les Holland voient de la très mauvaise compagnie politique aussi bien que morale. Je me tiens en garde c'est-à-dire que je n’accepte pas leur invitation. Adieu. Adieu, j'aimerais assez que Piscatory vient chez moi. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris samedi le 11 octobre 1851

J’ai enfin dormi, et c'est là tout ce que j'ai à vous apprendre. Les journaux sont pleins du bruit d'un changement. Votre petit ami auquel j’ai confié ma lettre hier, a pu vous porter les dernières nouvelles. Moi, je les ignore, entièrement. Je n’ai vu personne qui pût m'en donner. Viel-Castel ne sait ou ne dit jamais rien, & c’est le plus capable de mes visiteurs d’hier. Lasteyrie a parlé avec humeur feinte ou réelle de la conduite des Princes qui font toujours des bêtises. Il a parlé aussi avec une colère très sincère quoique contenu de Changarnier et tout joute sincère parce qu’elle était coutume. Il croit à la réélection du Président. Me voilà au bout.
Mon fils Paul va venir. Je le crois très effrayé. S’il va en Russie, ce sera pour lui bien pire que pour son frère. Et s’il ne va pas dans 6 mois on met le séquestre sur ses biens. Ce qu'il fera probablement sera de vendre ses terres et très mal. Comme il a des capitaux cela ne le dérangera pas. Et pour ce qu'il dépense il restera toujours beaucoup trop riche. Nicolas Pahlen va venir passer l'hiver à Paris. Kossuth fait un véritable événement en Angleterre. Palmerston reculera certainement. Le Morning post l’indique. Le journal des Débats serait-il bien informé à propos de Gladstone Palmerston & la diète de Francfort ? Hubner revient aujourd’hui de Corse. Adieu. adieu
Francfort est vrai. Je viens de l’apprendre à l’instant.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris Samedi le 14 septembre 1850

Je croyais vous avoir parlé du Piémont. Changarnier m’en a parlé dans le même sens que vous dites. Palmerston voulant recommencer la révolution en Italie. La guerre avec l’Autriche, & le Président entraîné à secourir le Piémont. Il me dit qu'il fallait y regarder. Je vous prie écrivez-moi sur Fleischmann une lettre que je pense lui envoyer. Il ne faut pas nous être enfilés là dedans pour rebrousser chemin sans grandes raisons. Moi, je l'épouserais. mon rhume me paraît descendre la montagne mais je ne suis pas sûre encore. J'ai marché dans le bois. Temps perfide. Le vent froid & le soleil ardent. J’ai vu le prince Paul, & les Holland le matin. Le soir le duc de Noailles & Dumon. Nous sommes très frappés d’un article du Times d’avant hier sur Salvandy, très exact. Aucun journal français ne le reproduit. Je n’ai pas de nouvelles de ce qui se passe ici. Je n’ai vu personne qui eût pu m'en donner.

Midi. Un courrier de Berlin qui m'apporte un de Constantin. " L’Empereur a pris connaissance avec beaucoup d'intérêt de votre note du 1/13 août, et me charge de vous remercier pour cette nouvelle preuve du zèle avec lequel vous avez toujours rempli vos devoirs" signé Czernicheff. Constantin ajoute que de pareils remerciements n’arrivent pas deux fois dans l'année. Il est fort content, & il est content que sa note a fait un grand plaisir. A propos de la Hesse, il me dit qu'on va voir là renouveler Charles X & Polignac, & que c’est déplorable. L’électeur un très vilain homme, & qui est tout à fait dans son tort. On le chassera. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 19 octobre 1850 Samedi

Le Constitutionnel confirme pleinement ce matin ce que me mandait Fleichmann de l’alliance signée à Breguez, Viel Castel qui était ici hier soir prétendait ne le savoir que comme moi par des lettres particulières. Il a ajouté que les propos de [Radony] étaient d'une violence. extrême, & que certaine ment la Prusse ne peut pas reculer, à moins que [Radony] Louise, et puis une agitation curieuse. Être si près de la France ! En Allemagne je suis mieux, plus tranquille. Voilà les paroles. La reine en mourant a dit en baisant la main du roi. Je veux baiser la main de mon roi. Cela a été fort remarqué le mère n’y jouait pas de rôle. Le prince de Joinville a l'air mourant, il sera le premier à suivre sa sœur. Voilà tout Mad. Molhin.
Kisseleff frère part aujourd’hui. Il a refusé toutes les occasions que je lui ai offerts de voir des personnes importantes, sauf Changarnier est-ce timidité ? égard pour son incognito ? Insuffisance dans la conversation ? Je ne sais. Ce que je sais c'est qu'il a beaucoup d'esprit, la finesse russe et une demi civilisation originale, agréable. Au fond, il pleure de quitter Paris et je ne serais pas étonnée s'il y revenait. Longue visite de Marion. Sa résolution reste bien arrêtée. Et j’y crois tout-à-fait. Adieu. Adieu. Je vous félicite du prospect de grande paternité.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Paris 28 sept. 1844

Je me sens mieux. Je crois vraiment qu’hier j'ai dîné. Un potage au riz, une aile de perdreau et des légumes, n'est-ce pas un dîner ? J’ai mangé sans dégout. A 9 heures, j'étais dans mon lit. J’ai très bien dormi. Je viens de faire ma toilette. Ce qui est ridicule, c’est d'être fatigué pour cela. Le Roi m'envoie ce matin ses conseils médicaux, les dires de son vieux médecin M. Tronchin, ses propres observations sur les tempéraments bilieux. " Si j'en dis trop, pardonnez-le moi, mon cher Ministre ; c'est l’intérêt que je vous porte et ma vieille expérience de soixante et onze ans qui me le dictent ; mais je sais bien que je ne suis pas médecin et que je devrais me taire. "
Ses conseils n’ont rien que de fort sensé, et de conforme à ce qu’on me fait pratiquer. Je le verrai ce matin au Conseil. Je partirai de bonne heure pour me promener un peu dans le bois, et pour passer chez le Maréchal. Il est arrivé hier soir et a envoyé sur le champ savoir de mes nouvelles en me faisant dire qu’il viendrait me voir. S’il n’était pas très fatigué, et pressé de se coucher. Je tiens à ma promenade par ce beau soleil. Cela m’a parfaitement réussi hier. J’en ai été ranimé et fortifié toute la fin de la journée.
Point de nouvelles. Kisseleff vient de faire demander à Génie à quelle heure il pourrait le recevoir ce matin, ayant quelque chose à lui remettre pour moi. C'est sans doute une réponse de Pétersbourg à ma dépêche. Thiers a écrit à Duvergier de Hauranne que la solution donnée a l'affaire Pritchard était le comble de l'humiliation pour la France, que l’indemnité était une rançon mille fois plus déshonorante que n'eussent été le désaveu et le rappel de MM. Bruat et Daubigny. Ce sera Ià le thème de l'opposition. Je ne demande pas mieux. Ils ne se doutent pas de ce que j'ai à leur dire. Adieu.
Je vous quitte pour prendre une pilule de quinine. De là au déjeuner. De là à St Cloud. Je vous écrirai en revenant. J'espère bien avoir quelque chose de vous dans la journée. Adieu. Adieu. Demain, il fera encore plus beau qu'aujourd’hui. Adieu.. G.

Paris, samedi 28 Sept. 1844 10 h. 3/

Duchâtel a dit hier soir à Génie que l'affaire de la loge était tout à fait arrangée. Voilà votre petit mot d’hier soir. Merci.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris Samedi le 28 septembre 1850

Beaucoup de monde hier soir et au début un court tête-à-tête avec M. Achille. Fould. Je lui ai lu un passage de votre dernière lettre sur la situation. Il y a extrêmement applaudi & m’a dit que c’est comme cela en effet qu’on est décidé à se conduire. On ne fera rien. Les Ministres tâcheront de faire aller leurs affaires le mieux possible, et on attendra, on verra. On avait songé un moment à poursuivre quelques journaux légitimistes, on y renonce. Cela ne vaut pas la peine. Le parti en charge lui-même de se perdre. La circulaire est toujours regardée comme une bonne fortune. Quelques doutes sur ce que sont les vrais sentiments de M. Molé. Grand éloge de lui, & flatté de votre bonne opinion. J'ai été fâchée d'être interrompue, la conversation était intéressante et l'homme spirituel. M. Molé m'écrit ce matin que Jules de Lasteyrie est allé le voir hier, & qu'on lui annonce le général Changarnier pour ce matin. M. Roger a été envoyé à Clarmont. Voilà bien du mouvement. Le Président a reçu hier l'ambassadeur d’Espagne qui lui a apporté la toison d'or, la même que portait le roi Louis- Philippe ! Avant hier encore revue à Versailles toujours banquet aux officiers, sous officiers & soldats. Une [bouteille] de Champagne pour 2 par officiers. Mardi prochain cela recommence. Le général Lahitte y est invité. M. Persigny a été envoyé en Angleterre, on dit pour négocier de l’argent. Il n’y en a plus. Beaucoup de gens disent que l'assemblée n’en donnera plus, parce qu'on le fait boire à l’armée.
J’ai revu hier le duc de Noailles, il est reparti pour Maintenon, assez remonté ! Deux faits importants. Ma cour a pris le deuil pour 15 jours pour le roi Louis-Philippe et nous avons nommé un consul général à Bruxelles M. de Bacharach, homme très comme il faut & distinguée. C'est un premier pas vers des relations diplomatiques. Je connais l'homme. Il est resté 20 ans à Hambourg menant là nos affaires. Est-ce que l’Académie ne vous oblige pas à revenir ici en octobre ? Adieu. Adieu.
Thiers a dit à M. Menier à Bade qu’il était plein de doutes. sur la vraie pensée du général Changarnier. M. Fould me disait hier que Thiers revient le 10 octobre. Il avait eu une lettre de lui.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 17 octobre 1851

Voici vos deux lettres à la fois. Pourquoi cela ? Je n’en sais rien. La journée d’hier paisible, on trouve que la commission de permanence se conduit très sagement. Le blâme est universel. On ne comprend pas que le Président aie pu faire pareille faute. Tout le monde était pour lui, aujourd’hui c'est le contraire. Le corps diplomatique ne se gène pas de le dire. On croit qu’il ne trouvera pas de Ministres, & on dit que cela lui est égal car il a un grand mépris de l'Assemblée. Elle a un peu donné lieu à cela jusqu'ici. Je sais que tout dernièrement il a appellé M. E. Girardin un misérable. Il n'y a donc pas de vraisemblance qu'il le prenne. Avant-hier M. Fould croyait savoir que M. Billault refusait.
Hier il y avait dîner de dames russes à St Cloud. Kisseleff n'en était pas. Je n’ai pas dormi encore cette nuit, c’est bien ennuyeux . Est-ce que c’est une infirmité naturelle de mon âge. Adieu. Adieu.
Je n’ai pas encore vu Génie. C'est drôle. Adieu

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 18 octobre 1850

Fleischmann me mande que [Br ? ] a signé le 12 l'engagement d'occuper la Hesse par les troupes Bavaroises, & de réunir dans un mois une armée combinée Autriche. Wirtembourg & Bavaroise de 22 000 La Prusse, ajoute Fleischmann, ne peut pas reculer. La guerre va donc éclater. Je suis comme vous je n'y vois pas encore. Sainte-Aulaire croit savoir que le général Lamoricière aurait envoyé au Prince de Joinville l'offre de se laisser porter à la présidence. Bêtise. Le duc de Noailles hier soir fort triste et découragé. Il faut du temps, beaucoup de temps. Attendre ce qui arrivera dans 18 mois. Dumon part aujourd’hui pour ne revenir que le 25 9bre. J'en suis très fâchée. Il n’est pas couleur de rose non plus.
Je ne sais rien de la commission hier ! Mais je suis portée à croire que cela aura été sans couleur. Lady Jersey s'annonce pour demain pour huit jours. Je l'aurai sur les bras. On dit que le voyage de l'impératrice est une intrigue de son Médecin Maudt un prussien, qui a voulu ainsi tenter un rapprochement. C’est possible, mais cela ne réussit pas. Nous faisons un nouveau recrutement de 10 h. sur 1000. C’est énorme. Adieu, car je n'ai reçu de plus. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 24 octobre 1851 Vendredi

Je suis si malade, et si tourmentée que je ne sais pas vous écrire une lettre raisonnable. Pardonnez-moi et acceptez le peu que je vous donne. La crise n’a pas fait un pas. Le public est très insouciant. J’ai vu hier-soir Berryer et beaucoup de monde, trop pour mes nerfs. On est très monté sur tout ce qui se passe. Le parti légitimiste très résolu à tenir tête. Je ne sais pas les autres. On me dit qu'on est très content de Changarnier. La mort de la Duchesse d'Angoulême est un événement et pourrait mener à bien, si à Claremont on veut le bien.
En attendant vous avez vu les paroles du Prince de Joinville à Adiot. Je vous les envoie pour le cas où vous ne les aurez pas. Deux lettres l'une à M. Foucher de lui qu'on a vues sont en contradiction formelle avec cela. Il veut qu'on soit muet, comment [?] cela. Les paroles dites à Adiot sont du 17. Les lettres des 20, & 21. Le Chancelier était aussi chez moi hier soir, très vif sur ce qu’on doit faire par suite de la mort de La [Duchesse] d’Angoulême. Noailles reste encore aujourd’hui ici. Le comte Bual est à Bruxelles. On retient Brunnow à Pétersbourg. Je ne sais ce que fera Brunnow. Mais évident le monument Kossuth fait fiasco. Lord John a réuni le cabinet le 14, & ne lui a pas dit un mot encore sur la réforme. Les Ministres n’en savent pas le premier mot. C’est Bauvale qui me le dit.
Une nouvelle impertinence de Lord [Palmerston] a provoqué de le part de Fortunato une [?] très vive, dit Antonini. La légation napolitaine à Londres est rappelée toute entière. On désigne un autre ministre Carini mais qui n’ira pas encore Antonini est plus furieux que jamais. A propos il est le seul diplomate qui approuve ce que fait le président.
Je suis triste pour moi du retard de votre arrivée à Paris. Pour vous je ne le regrette pas. Je ne vois pas le bien que vous pourriez faire, & je vois, même dans ce qui se passe aujourd’hui l’avantage pour vous de votre absence. Si l'on cherche à peser sur Claremont il vaut mieux pour la chose, que vous y soyez tout à fait étranger. Qu’allez-vous dire à Falaise depuis certaines préfaces il me reste de l’inquiétude dès que vous parlez ou écrivez. Vous me pardonnez mon impertinence.
Je ne sais rien de Morny. Vitet est établi à Paris depuis hier. Je le questionnerai sur Duchatel. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris, Vendredi 27 Septembre
1 heure

Vous venez de me quitter, et il faut que je vous dise deux mots encore avant de partir. Ce beau temps me donne un remord horrible. Moi seule j’en profiterais et vous vous restez en ville, et c'est moi qui vous ai enlevé au bon air de la campagne. Vous avez de bonnes nuits ici, mais les journées auraient mieux valu à Auteuil. J'avais raison quand il pleuvait & faisait froid. J’ai tort quand il fait chaud. J'ai mal prévu et je m’accuse, et je pars très triste. Ne pourriez-vous pas aller passer les bonnes heures du jour à Auteuil y prendre vos enfants ou les y envoyer. Avoir du feu dans le salon qui donne sur la terrasse, et rester là de midi à 3 ou 4 heures. Cela vous ferait du bien, c’est juste le moment du jour le meilleur, si ce beau temps se soutient. Je pense à tout cela, je ne penserai qu'à vous, je prierai Dieu, et j’attendrai vos lettres avec une immense impatience.
Dites-moi bien comment vous êtes. Aujourd’hui par la poste Château de Ferrière par Lagny, Seine et Marne. Demain avant d’aller au conseil envoyez-moi un mot chez Rothschild 15 rue Laffite et puis en revenant du Conseil encore par la poste par Lagny, Adieu. Adieu. God bless you.
Voici mon fils qui entre. Il vient de recevoir une lettre de Morny de Clermont le remerciant beaucoup de lui avoir donné la préférence & lui annonçant pour demain le remboursement de la loge ! Et puis on est venu chez Paul ce matin de la part du Directeur pour lui parler, mais il n'était pas levé et ne l’a pas reçu. Encore adieu. Adieu.
Paul est extrêmement confondu et reconnaissant de la peine que vous voulez bien prendre. Il me semble que l’affaire s’arrange. Adieu. Adieu encore again and again.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Dimanche le 7 octobre

Metternich ne peut pas croire que cela devienne la guerre. Il croit que la Turquie aura cédé moi, j’ai peur que non, et comme je ne puis concevoir que l'Empereur se rétracte s’il est vrai qu'il a dit, extradition ou guerre, il y aura la guerre. L’incertitude durera encore près de 3 semaines de Pétersbourg doit venir tout. Je n’ai pas vu encore John Russell, il n’est revenu d' Osborne que cette nuit. Je le verrai aujourd’hui. Sa femme est venue chez-moi, très vive. Le Globe est d'une insolence sans égale. Il appelle l'Empereur insane. je ne me fais au fond pas une idée bien claire de toute cette affaire. On la fait bien grosse ici. L’est-elle vraiment autant ? Tout est énigme. D'un côté Sturnier et Titoff agissent comme un seul homme. D’un autre côté comment. admettre que l’Autriche s'associe à nous pour aboutir peut être à la destruction de l'Empire Ottoman ? A Vienne personne n’est inquiet, on ne parle pas même de l'incident. Les l’étourderie ave laquelle on a engagé l’affaire de Rome c’est Toqueville qui rit. Les Palmerston restent à [?] chez L. Baauvale. On m'écit en confidence qu’ils ne peuvent pas rentrer chez eux. Ils seraient pour suivis, saisis pour dettes. Quelle situation ! Le 8 Longue conversation avec Lord John. Toute l’histoire telle que vous la connaissez. La porte ne refuse ni n'accorde. Elle attend les suites de l’envoi de Fuat Effendi. (mais lui permettra-t-on de passer la frontière ). Strattford Canning se vante de n’avoir pas voulu voir nos ministres, il regarde cela comme son devoir. Plaisant médiateur, et il appelle cela faire son devoir. Lord John est convenu que c’était singulier. Peut être ancienne rancune Et vous acceptez les conséquence de cette rancune ? Il a ri. La dépêche pour [Pétersbourg] n'est pas encore partie. Elle a été revue par tout le cabinet. Aucun ordre n’a encore été donné a L'amiral Parker. Mais à propos. On ordonne à Parker d’aller s’emparer de 2 petites îles voisines de 7 îles, en possession du Gouvernement grec. Mais on croit que le gouvernement n’a pas le droit de les posséder. On va donc les lui prendre. C’est impayable. fonds à Paris et à Londres ne se sont guère émus. Et cependant le langage ici dans tous les partis, dans tous les journaux est aussi menaçant que possible. Je suis curieuse de la conversation de Lord John. Voici un bout de lettre de Beauvale qui vous regarde. Il a bien de l’esprit. J'ai eu hier à dîner Lady Allice qui est venue passer quelques jours avec moi. Mad. de Caraman, lord Chelsea & Bulwer. Je n’avais pas vu celui-ci depuis 4 mois, il est près de son départ pour l'Amérique, pas très pressé pour son compte. Il revient de Paris, il a beaucoup causé avec M. de Toqueville. Il me le donne pour un homme de beaucoup d’esprit. Il rit de l’étourderie ave laquelle on a engagé l’affaire de Rome. C’est Toqueville qui rit. Les Palmerston restent à [?] chez L. Baauvale. On m'écit en confidence qu’ils ne peuvent pas rentrer chez eux. Ils seraient pour suivis, saisis pour dettes. Quelle situation ! Le 8 Longue conversation avec Lord John. Toute l’histoire telle que vous la connaissez. La porte ne refuse ni n'accorde. Elle attend les suites de l’envoi de Fuat Effendi. (mais lui pemettra-t-on de passer la frontière ). Strattford Canning se vante de n’avoir pas voulu voir nos ministres, il regarde cela comme son devoir. Plaisant médiateur, et il appelle cela faire son devoir. Lord John est convenu que c’était singulier. Peut être ancienne rancune Et vous acceptez les conséquence de cette rancune ? Il a ri. La dépêche pour [Pétersbourg] n'est pas encore partie. Elle a été revue par tout le cabinet. Aucun ordre n’a encore été donné à l'amiral Parker. Mais à propos. On ordonne à Parker d’aller s’emparer de 2 petites îles voisines de 7 îles, en possession du Gouvernement grec. Mais on croit que le gouvernement n’a pas le droit de les posséder. On va donc les lui prendre. C’est impayable. Mes pauvres yeux m'empêchent de vous donner le [?] de cette curieuse conversation. Au total j’ai trouvé l'humeur plus douce qu’elle n'était dans le billet, des plaisanteries sur Palmerston, mêlé de défiance. De l'espoir que l’affaire s'arrangera. Un peu de peur cependant. Enfin mélange. Pas le langage d'un premier ministre. Voici votre lettre de Vendredi. Celle de samedi viendra plus tard. Vous voyez que vous faites bien d'écrire tous les jours. Adieu. Adieu.
Nous n'avons par dit livrez-les ou la guerre. Au contraire les termes sont très convenables. [?]

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond dimanche le 29 Juillet 1849

Ma journée a été plus calme hier. Si elle avait continué sur le ton de la veille, je ne crois pas que j'eusse été en état de vous en rendre compte aujourd’hui. Mad. Delmas, [Crasalcowy], les Beauvale, Brougham. Les Collaredo, tout cela m’a aidé à me calmer. Aujourd’hui j’attends M. Guenaud de Mussy. Je ferai ce qu’il me dira. Le choléra avait un peu diminué à Londres avant hier pour ici je n’en sais rien. Personne ne me dira plus la vérité, & je ne croirais pas aux bonnes nouvelles s’il y en avait. J’ai dîné chez Beauvale avec Brougham pas déconcerté du tout. Il m’a donné copie d’une lettre qu'il adresse à la reine. Lettre de remontrance & d'avertissements " Votre ministre tout en protestant qu'il veut l’existence de l'Autriche, prononce des paroles. sympathiques pour les Hongrois. Le lendemain la cité retentit de discours et de vœux pour les rebelles, encouragés par ce qui s’est dit à la chambre des Communes. Rappelez-vous que votre Empire se compose aussi de nationalités diverses que c'est s’attaquer à votre couronne que se liguer avec les Révolutions au dehors. " & & & Tout cela fort bien développé. Extraordinaire créature. & il commence sa lettre en s’appuyant sur son droit de conseiller de la Couronne & son droit d’une audience de la Reine, il préfère lui écrire plutôt que l’incommoder. Tout cela est en règle. J'ai une lettre d’Hélène. La grande Duchesse était retournée à Pétersbourg. Le duc de [Lench] devait la suivre par mer & puis s'embarquer de Peterhoff pour son grand voyage, qui pourrait bien cependant se borner au midi de l'Angleterre. Beaucoup de tendresses impériales pour moi. Votre lettre de jeudi est charmante. Hélas aujourd’hui, rien du tout. Je crois l'air sur la montagne meilleur, & si je reste ici j’ai l’assurance d’un appartement [?] que celui où je suis nichée maintenant. Ellice est parti pour l’Ecosse. Tout le monde quitte Londres. Lady Palmerston a eu hier une dernière soirée. On était curieux de savoir si on y rencontrerait le Prince de Canino. Je ne crois pas, mais Pulsky, bien sûr.

Lundi le 30 juillet
Guenaud de Mussy est venu. Il me plait beaucoup et d’abord il m’a fort rassuré, comme la famille royale arrive demain à Claremont, il a exploré tous les environs pour s'assurer de l’état sanitaire. A Richmond 2 cas. Au surplus toutes les raisons contre la maladie m'ont paru excellentes. Il reviendra me voir jeudi. Enfin! Il m’a calmée. Je me suis prévalue de votre nom. Il me parait qu'il vous est dévoué avec enthousiasme. Kielmansegge est venu hier. Il part pour le Hanovre. Il ne m'a rien dit de nouveau. J’ai vu lord John aussi. Il espérait que la paix allait se conclure avec le Piémont. Il m’a beaucoup parlé de Paris. Il a fort critiqué le discours du président à [?] et s'en est moqué. Moi je l'ai défendu, nous avons eu une petite discussion la dessus. Il est convenu cependant que le discours avait fait un bon effet à Paris. Et bien, c'est tout ce qu'il faut. Lord John est ravi de la fin de Palmerston. A propos, autre discussion sur Palmerston. A mon tour je me suis permis de critiquer et très fort les paroles grossières qu'il a adressées à Lord Aberdeen, et j’ai dit qu’un homme de bonne éducation ne se permettrait pas cela, et que lui Lord John depuis 35 ans qu’il est à la chambre n'a jamais adressé de semblables paroles à ses adversaires. En résumé que cette grossière épithète avait gâté son discours du reste habile. Il m’a donné raison, & sa femme aussi. C'était très drôle cette conversation. Elle vous aurait amusé. J’ai dîné chez Delmas. C'est de la distraction. J'en cherche, j'en ai besoin. Duchâtel vient me voir ce matin. Je crois qu'il part après-demain. Cela me fait de la peine ; mon seul lien avec la France. Je n’en causerai plus avec personne de compétent. Adieu. Adieu. J’essayerai de vous écrire par la poste de 4 heures. Vous me direz si la lettre vous arrive en même temps que celle-ci de 1 heure. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond dimanche le 19 août. 1849

J’ai dîné hier chez lord Beauvale avec les Palmerston. Nous faisons très bon ménage. Tout-à-fait de l’intimité sans beaucoup de sincérité, mais cela en a presque l'air.
Il n’avait pas de nouvelles hier seulement il croit savoir que le voyage de Schwarzenberg à Varsovie avait pour objet de se plaindre des lenteurs du Maréchal Paskowitz. Celui-ci se plaint à son tour que le gouvernement autrichien ne donne pas à manger à notre armée. Ce qu’il y a de vrai c’est que selon les lettres de Constantin on est mécontent chez nous du Maréchal, on dit que cela traîne, que nous laissons échapper l’ennemi quand tout ne va pas bien il y a toujours quelqu’un qu'on en amuse. En Transylvanie cela va mieux. [Bem] a été parfaite ment battu, c’est littéralement vrai, car outre que nous avons détruit un corps de 6000 hommes. Voici ce qui est arrivé. La calèche de [Bem] tombe en notre pouvoir on y trouve deux hommes. Le plus grand on le tue, l’autre était petit et si laid, qu'on se met à le fouetter, et lui, si agile qu'il parvient à s’évader au milieu des coups. C'était [Bem]. Constantin a lu avec Schwarzenberg les papiers trouvés dans cette calèche. C’était la correspondance de [Bem] avec Kossuth, très curieuse, & bonne à connaître. Constantin me dit que Lamoricière a été bien reçu mais il me dit cela froidement on l’a fait assister à un exercice de cavalerie, et il a dit qu’il n’avait jamais rêvé à une pareille merveille. Bon courtisan. Lord P. m’a dit que l’Autriche et la Russie seraient très empressées et très charmés de reconnaître l’Empire français. Il faut d'abord le faire.

4 heures
Longue visite de Lady Palmerston et curieuse conversation. Elle est venue pour me démontrer combien son mari avait raison en toutes choses, en dépit de ce que, public européen, public anglais, la presse toute entière, les collègues. même, la cour, étaient contre lui Curieux aveu. Alors sont venus les détails il est très autrichien & & très conservateur partout & & - C'est donc un homme bien calomnieux. - C’est cela. Horriblement calomnieux. Mais enfin après tout ce que je vous ai expliqué n’est-ce pas que j’ai fait quelque impression sur vous ? - Certainement vous m'avez convaincue que vous croyez très sincèrement à tout ce que vous me dites. - Mais ce que je vous dis est la vérité. - Je veux bien le croire, mais prenez de la peine pour détruire tout ce qu’on croit de contraire. Votre mari est puissant, puissant en actions, en paroles, en écriture. Et bien que tout ce qui vient de lui action, parole tout porte le cachet de ce que vous dites. On ne demande pas mieux que de voir lord Palmerston dans la bonne voie mais il faut le voir pour le croire, & aujourd’hui je vous déclare qu’on ne le croit pas & Voilà pour l'ensemble ; dans le détail ; - On accuse mon mari d'être personnel ? Personne n’est moins cela que lui. Il aime tout le monde, Il aimait beaucoup M. Guizot. (Comment voulez-vous ne pas rire ?) Enfin j’ai ri, j'ai écouté, je n’ai voulu ni disputer, ni discuter. Je me suis amusée, et je vous amuse. Au milieu de tous les bons principes, elle est convenue avec beaucoup de plaisir même que lord Palmerston était le roi des radicaux. Enfin c'était très drôle, et cela a duré une heure & demi.
Je rentre d'un luncheon chez la duchesse de Cambridge où j’ai trouvé Madame Rossy (?) La duchesse a rencontré avant hier la duchesse d’Orléans chez la reine douairière. Elle ne lui a pas plu du tout, Elle a surtout éte désappointée dans sa tournure. Elle ne lui trouve pas l’air grande dame, & elle lui a paru très laide. Elle a dit deux choses désobligeantes à sa fille la grande duchesse de Meklembourg. Manque de tout plutôt qu’intention, je suppose. Car alors ce serait grossier. La Reine douairière n’a pas longtemps à vivre.
Lundi 11 heures
Hier encore dîner chez Lord Beauvale avec les Palmerston point de nouvelle de la causerie rétrospective. Toujours énorme désir de voir en France une autre forme de gouvernement, et ferme conviction que cela doit arriver. J’ai vu hier matin lord John Russell un moment très occupé, il est parti ce matin pour rejoindre la reine en Ecosse. Mad de Caraman est [?] installée au Star & Garter. Elle veut absolument faire mon portrait, c’est bon s'il pleut, et une séance plus, pas possible. Van de Weyer est revenu hier de Bruxelles, il est mon voisin aussi à la porte du parc. Cela sera une ressource j'en ai beaucoup cet été. Encore interrompue par lady Palmerston. Mais c’est fini. Ils retournent à Londres aujourd’hui pour dîner chez C. Fox avec l’ambassadeur de France. Grande satisfaction de n'être mêlé en rien dans l’affaire de de Rome, en rien dans l’affaire de La Hongrie toutes les deux détestables et dont on ne peut pas comprendre le dénouement. Van de Weyer rapporte de Bruxelles la conviction que la France aura l’Empire Léopold, glorieux, heureux, fort aimé. On va lui offrir une couronne civique. Voici la poste. Votre lettre, une de Duchâtel, intéressante avec rien de nouveau cependant grande tranquillité. De la division et beaucoup dans le camps modéré. Thiers en grand discrédit. Molé un peu aussi. Il n'y a qu'un seul homme dont on attende quelque chose c'est Changarnier lui-même Duchâtel a été parfaitement traité à la douane. Du respect, de l’empressement Adieu, Adieu voici l'heure de fermer ma lettre et puis ma promenade. Vous avez là une grosse lettre. Adieu. Adieu. Je répondrai à la vôtre tantôt. God bless you dearest.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond le 6 septembre jeudi 1849
5 heures

Deux longues lettres de Constantin par Nicolay arrivé de Varsovie cette nuit. Le grand Duc Michel sans ressource. Paralysé du côté droit, la parole embarrassée. L’Empereur au désespoir, ne le quittant pas d’un instant. On était au 7eme jour. Sa femme était attendue à tout instant, on craignait qu’elle ne vint trop tard. On juge Lamoricière comme vous le jugez mais on est très content de son langage. Grande distance dans la manière de le traiter lui et ses collègues de Prusse & d'Autriche. Ceux-ci dans l’intimité, lui non, mais beaucoup de politesse. Au Te deum pour nos victoires l’Empereur s’est approché de lui & lui a dit. " général j’espère que c'est la fin de la lutte, de la même bataille commencée dans les rues de Paris et dont les premiers lauriers vous reviennent et à vos amis." Les Polonais sont furieux de voir des uniformes français dans le cortège de l’Empereur, ils montrent un grand éloignement pour Lamoricière et évitent de faire sa connaissance. Nous rendons tout aux Autrichiens jusqu'au dernier canon, nous ne nous réservons d’autres trophées que les étendards & drapeaux pris à l'en nemi par nos troupes. Cent drapeaux ont été entre autres envoyés à Moscou. c’est au général russe Grabbe que [ ?] va se rendre. Peterwardeim seul est réservé aux Autrichiens. Beaucoup de froid entre [ ?] et Haynau. On nous a ordonné de vaincre les Hongrois mais nous ne les haïssons pas. Haynau est haineux, & féroce, et ne voit dans ceux que se sont soumis à nous que des victimes qui échappent à la vengeance. (Cela me prouve que nous protégeons.) Grand embarras pour le gouvernement autrichien. La haine qu’il rencontre en Hongrie est extrême. Vous avez là à peu près tout. L'empereur très soucieux à propos de l’Allemagne.

Vendredi le 7 Septembre.
Nicolay est venu hier compléter les informations de Varsovie. Beaucoup de détails très curieux. Certainement la position de l’Autriche est critique. Les Hongrois nous adorent & la détestent, à nous tout le monde veut se rendre. Exemple : à Arad le Corps de Schlik 16 / m hommes se présente & somme la garnison de se rendre. Refus absolu. Jamais à un autrichien. Un escadron russe, un seul, se présente à la porte de la forteresse, On l’ouvre de nuit & on se rend à nom, à discrétion. Tout cela est bien humiliant & pénible à supporter aussi on nous déteste à Vienne mais les Empereurs vont à merveille ensemble. Ils se tutoient en s'écrivant, mon Empereur n'attend cela que la mort ou la guérison de son frère pour retourner à Pétersbourg. Il en est pressé, il est ennuyé de toute cette affaire, quoiqu’il en soit bien glorieux. Son chagrin est excessif. Il ne quitte pas Michel. Nous retirons toutes nos troupes de la Hongrie. Georgey est toujours à notre quartier général et très bien traité. On dit un homme très distingué de toutes façons. La tournure du général Lamoricière parait bien convenue, son entourage aussi. On le traite très poliment. Il y a de la bienveillance pour la France, avec un peu d’indifférence. " Qu’est-ce que cela nous fait ! " On vous sait gré d’avoir chassé nos mauvais sujets. Branicz, Goldwin & & Mad. Kalergi en est, vous l’avez prie poliment de s'en aller. Nicolay l'a vu à Berlin. Kossuth, Dembinsky, Massaro sont chez les Turcs. On est curieux de voir ce qu'ils vont en faire. On s’attend à les voir protégés par Stratford Canning.
Les journaux anglais disent que Lord Aberdeen est chez la reine. La dépêche de Palmerston est arrivée à Schvarsenky trois jours avant la soumission de Gorgey, cela a beaucoup fait rire. Je crois que je vous ai fait là tous mes commérages. Je demeure ici dans la partie haute de la maison, le coin, ce qui me donne même la vue de la Terrasse outre la belle vue de la rivière. Un bon appartement avec balcon, et tout-à-fait séparée du bruit. M. Fould me disait hier que selon ses nouvelles Thiers ne voulait à aucun prix être Ministre, c’est tout le contraire de ce qu'affirme Morny. Adieu, mes yeux me font un peu mal & j'écris trop. Votre lettre m’arrive. L'orage vous à donc cependant donné du rhume. Encore une fois où était le parapluie ? Adieu. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond le 17 août 1848

Une charmante lettre. Celle d'hier si charmante et élevée que je veux l'envoyer demain à l’Impératrice, telle quelle, par courrier. C'est le jeune Stakelberg qui est à Paris, & voici l’histoire. Il a été l’automne dernier à Alger. Il a fait un rapport qui a fort intéressé chez nous à la suite de cela on l’a nommé agent militaire à Paris, avant la révolution, ainsi auprès de vous. Quinze jours après, arrive la République, il n’a pas été révoqué, & réside maintenant à Paris dans cette capacité. Voici maintenant l’histoire de Kisseleff. Il a reçu l’ordre formel de quitter lui et toute l’ambassade. Il ne devait plus rester à Paris que Speis le consul général & Tolstoy qu’on attachait pour la forme au Consulat. Cet ordre de départ était signé par l’Empereur lui même il portait la date du 10 Mars. A l’époque où il parvient à Kisseleff, les révolutions de Vienne & de Berlin avaient eu lieu, & changeaient visiblement notre situation, puisqu'au lieu de nous tenir serrés avec nos alliés Autriche & Prusse comme nous le voulions & le désirions, nous restions absolument seuls. Kisseleff a représenté que, selon lui, cela modifiait tellement notre situation, qu'il regardait comme un devoir d’attendre, d’autant plus qu’entre les préparatifs de départ, les soucis à donner aux Russes, le bon effet que pourrait avoir encore sa première pour empêcher une trop vive explosion pour la Pologne. Il devait s’écouler peut- être 18 ou 20 jours. Que de nouveaux ordres pourraient lui arriver en conséquences de ces observations et qu’il attendrait jusqu'à une certaine date. Coup pour coup, il reçoit approbations de sa conduite & l’ordre de rester comme par le passé, mais en se dépouillant de son titre. Tout ceci m’a été conté hier par Tolstoy c’est fort bien expliqué et nous avons eu raison, & Kisseleff avait eu du courage. Tolstoy dit comme tout le monde qu'on veut la monarchie qu’on déteste la république. Mais voici la drôlerie, il y a une république et pas de républicains et on veut une monarchie seulement il manque un roi. Où le prendre ? Personne ne le dit.
Combien de choses nous aurions à nous dire ! J'ai un chagrin aujourd’hui. La Revue rétrospective nomme l’affaire de Mad. Danicau Philidor. Le nom y est. Evidemment on tient davantage car voici un renvoi.

Cette note si elle est étrangère à l’affaire, Petit ne l’est pas comme on le verra par son post-scriptum au trafic de places, et prouve que sous ce rapport il y avait résistance de la part de M. Lacave Laplagne à laisser faire de M. Guizot.

Adieu. Adieu.
Le temps ne s’arrange pas. Il est atroce, on a bien de la peine à ne pas être malade. Quand vous vous promenez prenez garde à la marée, ne vous laissez pas surprendre pas elle. J'ai peur de tout quand vous n'êtes pas sous mes yeux. Hier Lord Palmerston a donné à dîner à M. Beaumont. Les convives les Granville, les Shelburn, les Holland, les Janlyce, Henry Granville very well, mais dans tout cela le maitre de la maison aura manqué car à la longueur de la séance hier il est impossible qu'il ait dîné. Je n’ai pas lu encore la discussion. On la dit très curieuse. Je ne sais pas d’une manière positive si Naples a fait faire une déclaration. Mais ce que je sais pour sûr c’est qu’on a conseillé au roi de tenter l’expédition pour mettre la flotte Anglaise au défi de s'y opposer. A propos de Kisseleff, j'oubliais de vous dire que Normanby l'a mis en contact avec Cavaignac, & qu'il va quelques fois chez lui. Toujours très bien reçu ; mais privatly.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Jeudi le 24 août dix heures 1848

Je n’ai pas vu une âme hier, Je ne vous conseille donc pas de lire ma lettre si tant est que je parvienne à vous en faire une. J’ai quelque regret à dire que je trouve les explications du gouvernement Cavaignac sur l’Italie bonnes & dans de bons termes. Où prend-il tout cela ? Je lui trouve de la tenue, de la présence d’esprit, & même de l'esprit. J'en suis fâchée, mais il me parait qu’il se consolide comme votre pays est drôle ! Sous votre régime, si on avait abandonné l’Italie. Si on avait suspendu les journaux ! Ah mon Dieu, c'est vous qu’on aurait suspendu, et peut-être pendu.

Deux heures.
Voici votre lettre. Elle est très bien et je l'enverrai, malgré le pluriel. L'Angleterre ne mérite pas les mêmes éloges que nous. Car certainement elle ne peut pas faire la guerre. Je suis très fâchée de cette publication de la lettre de Lord Aberdeen. Voyez comme le Thiers le loue à vos dépens. Je voudrais bien voir les indiscrétions continuer, et trouver ses autres lettres publiées. Je suis un peu furieuse. Qui est le général Le Flô qu'on dit qui est envoyé à Pétersbourg ? Ne savez-vous quelque chose ? c'est fort adroit d'envoyer un militaire, un africain, peut-être une connaissance du Grand Duc Constantin. Mais enfin voilà donc la reconnaissance promise, puisque on y envoie quelqu’un ? Tout cela me dérange. A tout prendre les journaux d’hier et d’aujourd’hui me mettent de mauvaise humeur. La Duchesse de Montebello est partie pour l’Irlande. Je garde le mari, the better half. Adieu. Adieu. Ce sera un jour charmant que celui où je ne vous écrirai plus. C'est bien Samedi prochain que je vous verrai à Richmond. Adieu. Adieu.
Ne vous avisez pas de faire des courses en bateau même tout près du rivage. Adieu. Aujourd’hui 24 juste 6 mois depuis la chute de la Monarchie, & un jeudi aussi.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Lundi 14 août.
Midi

J’ai vu hier Lord Palmerston à Holland House. Il ne savait pas si l’armistice était ou non une conséquence de la médiation commune. Les courriers n’étant partis de Paris que Mardi dernier. Il me parait que ce n’est pas eux qui ont pu décider. On bavardait beaucoup là hier. La Lombardie à la Toscane. Voilà l’idée générale, dans tout cela voyons le dernier mot de l'Autriche. L’article du Moniteur est fort important. Évidemment chez vous on veut la paix, et on compte encore sur notre bon vouloir pour la république. L'Allemagne fait le plus gros, des embarras. Kielmannsegge me disait encore hier que les têtes y sont tout-à-fait renversées. Vous voyez que la France aussi se mêle d’arranger l'affaire des Duchés. L’entente entre Paris et Londres embrasse sans doute toutes les questions en litige. Le Manifeste du Prince de Linange serait bien plus critiqué s’il ne serait pas du frère de la Reine. Mais avec cela même, on en parle avec grande désapprobation. Je n’ai rien lu de plus fou & de plus bête. On dit que Strockmer la croit, c’est impossible. Il a plus d'esprit que cela.
Voilà de la pluie à verse. Quel climat, quelle tristesse. Comment iront les bains de mer avec cette pluie ? Et puis vous viendrez me dire qu'on n’a pas pu prendre les bains, qu'il faut donc prolonger. Je n’accepterai pas cela. Voilà votre lettre. Seul plaisir, seule ressource. Mais quand viendra le temps où nous ne songerons plus aux ressources ?
J'ai rencontré hier Dumon aussi à Holland house. Il songe beaucoup à s’établir à Brighton le mois prochain pour la mauvaise saison. Aggy va un peu mieux. Elle m’a écrit elle même. Je ne donne pas encore de rendez-vous à Pierre d’Aremberg car je n'ai rien décidé sur Tunbridge. J'attends toujours pour un appartement. Adieu, adieu. Comme c’est long.
Voici mes réponses de Tunbridge Wells. Pas d'appartement du tout. Tout est pris. Je reste donc ici. Cela va faire plaisir à Montebello, il est bien accoutumé à mon bavardage. 

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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[?] and [?] La pauvre et chère reine m’est plus que jamais respectable & admirable à Claremont par la manière dont elle porte son malheur. Voilà la vraie chrétienne selon Dieu. De tous temps je me disais que si nous nous étions connues nous nous serions calmées et convenues ; envisageant la vie de famille et la vie sur cette terre de la même manière, nos cœurs, se seraient compris. La Duchesse d’Orléans est elle bien ou mal avec elle. Voilà par contre un caractère qui ne m’aurait jamais convenu." J'ai fait parvenir à Claremont par Montebello ce qu’elle me dit sur la Reine et que je trouve charmant.
Longue lettre de Constantin. Francfort défère à la Prusse, l’arrangement avec le Danemark mais il le fait avec des restrictions et des détails qui rendent l’œuvre difficile. Le Roi et l’archiduc se rencontrent aujourd’hui à Cologne. Le Roi étant chez lui cèdera le pas à l’archiduc. On ne se promet à Berlin rien de bon de l’entrevue. Le Comte Ernest Stakelberg que vous avez souvent vu chez moi est à Paris & a été chez Cavaignac. Très bien accueillie par lui. Qu’est-ce que cela veut dire je n'en sais rien. Mais évidemment nous nous rapprochons. Il est clair que si la France pense comme nous et l'Angleterre : sur le Danemark nous devons être être bien avec elle pour agir moralement avec elle. Que veut dire le paragraphe dans le National ou il est question du dernier ministre de la monarchie. Comment seriez-vous dans l’enquête ? Cette enquête va être une bien grosse affaire. Le parti de la rue de Poitiers semble bien déterminée à tout savoir. La Montagne se joint à ce parti là, car Louis Blanc & Caussidière aiment mieux avoir des camarades que rester seuls. Deux heures. Votre lettre d’hier m’arrive à l'instant ; Pas de réponse car elle ne me fournit rien. Votre rhume passe, j'en suis bien aise. N’allez pas imaginer de vous baigner dans la mer ; à nos âges cela est mauvais. Je vous prie ne faites rien de nouveau. Le Tolstoy de Paris est arrivé à Londres & me l’annonce. Je le verrai ici. Il sera assez mieux à entendre. Adieu. Adieu.
Voilà que le National m’est enlevé. Je découperai demain l’article dont je vous parle. Adieu. J’ai aussi une longue lettre de Hugel de Houzard vous l’aurez demain, je l'ai à peine lue. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Mercredi 18 juillet 1849
Onze heures

Je veux encore essayer de vous faire parvenir deux mots à Londres. Cette pensée si douce que vous êtes à une heure de distance, il y faut donc renoncer. Renoncer à tant de bonheur ! Ah mon Dieu Hier mes genoux ont fléchi quand vous avez fermé la porte. Je suis restée en prières. J’ai tant prié, et toujours une seule & même prière. Je n’ai pas pleuré. Le moment même d'un grand chagrin me trouve sans larmes. C'est de l’étonne ment. Tout est suspendu en moi. Je me suis mise à la fenêtre, presque sans pensée. Je ne sais ce que j’ai fait ensuite. Je me suis couchée. J’ai dormi un peu, pas beaucoup et je me lève, la désolation dans l'âme !
Une lettre de Constantin de Berlin. L’Empereur est parti subitement de Varsovie pour aller surprendre l'Impératrice le jour de sa fête le 13. Il ne devait passer à Pétersbourg que deux ou 3 jours. Un moment de halte dans les opérations. On veut toucher en masse sur l’armée véritable des rebelles. Tout est calculé. On ne doute de rien, et dans 15 jours ou 3 semaines l’affaire de la Hongrie sera terminée. A Berlin, grand changement dans les esprit même les plus sages. L’unité, l’unité au profit de la Prusse ; les succès dans le Palatinat & dans le grand-duché de Bade ont tourné toutes les têtes. grande haine contre l’Autriche, mille soupçons. Le roi, la reine & une partie du ministère résistent seuls à cet entrainement. Mais la bourrasque est bien forte. Prokesh et Bernstorff sont incapables de rien arranger. Il faut changer ces deux instruments. L’armistice avec le Danemark mécontente beaucoup les Allemands. Enfin beaucoup de fronde à Berlin.
Adieu. Adieu, cher bien aimé, adieu. Voici les larmes. Je m’arrête. Adieu. Dites un mot, pour que je sache que vous avez reçu cette lettre. Voilà du vent. J’ai peur pour cette nuit. Passez-vous sur un bâtiment anglais ou français ? Je ferme ma lettre à 2 1/2. Je l'adresse chez Duchâtel. C’est plus sûr. Mon messager reviendra de la directement. Adieu. Adieu, mille fois. Mon cœur se brise. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond le 23 août 1848

J’ai été hier prendre mon luncheon chez Lady Palmerston. Rien de nouveau. Toujours bienveillance pour l’Autriche. Désir d’aboutir, assez d'espérance, (j'espionne les bases) on jette des mots en l'air, et l’idée la mieux accueillie est la mienne : doubler la Toscane par la Lombardie. En grande moquerie de l’Allemagne. En éloges de Beaumont que de son côté est très courtisan pour Palmerston surtout. J’ai rencontré [?] en sortant on me l’a présenté. Je lui ai dit deux mots, il a beaucoup vanté l’accord du Prince & du peuple à Cologne & partout. Il parlait de son roi qu'il a accompagné là. Les Standrish ont dîné chez moi hier. Elle est un peu parente de Madame Beaumont. Elle avait appris que G. de Beaumont s’était beaucoup félicité d'avoir fait ma connaissance.

2 heures
Bonne lettre et bonne nouvelle. Le 1er au lieu du 2. Vingt-quatre heures dégagées. C'est donc Samedi que je vous verrai quel plaisir ! Je suis bien aise de voir que vous attendez du décisif ressortant des pièces. Elles sont terribles. Un grand pays gouverné pendant 5 mois par un set of scoundrels quelle honte ! Et depuis un mois, je ne sais si c’est beaucoup mieux. Je trouve que Cavaignac est un peu compromis. Constantin est appelé à Pétersbourg. Il y est allé avec sa femme pour revenir bientôt à Berlin. Il me dit que Brunner est parti de Berlin l'oreille bien basse. L’affaire danoise s’arrange, Francfort n’est plus si arrogant avec Berlin. Les journaux français ne sont pas là encore. La tempête ces deux jours a été terrible, il y a retard. Il me semble bien difficile qu'il n'y ait pas un éclat à Paris. Adieu. Adieu. J’ai le cœur plus réjoui depuis que les jours sont réduits à mes dix doigts tous les jours j’en couperai un. Adieu. Adieu. Aggy va mieux quel miracle. Adieu. Voici un petit fragment de Marion. Drôle.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Samedi le 18 août 1849

J’aime bien la lettre de M. Cousin. C'est un brave homme Piscatory est un peu noir. Savez-vous que vos affaires me déplaisent. Metternich me disait hier qu'il a la pleine conviction d’une nouvelle catastrophe à Paris. Ah mon Dieu, cela serait-il possible ! Car, si cela était possible, tout serait fini pour les honnêtes gens. Mais cependant les éléments de résistance sont là. Je ne sais que penser mais je suis inquiète. Dans un mois je songe aller à Paris, mais j'y veux de la sécurité. Qui me répond que j’en aurai ?
J’ai vu hier matin Lady Palmerston, Sabine, Beauvale, les Metternich. Sabine est amusante. Elle a vu tout le monde à Paris, dîner chez le président et passé beaucoup de soirées chez lui. Elle en parle très bien. Elle gémit de la désunion dans le parti modéré, elle aime les vieux légitimistes, elle parle bien des jeunes. Elle vante Changarnier, sans savoir à qui il appartient. C’est égal tout le monde l’adore. Elle croit Molé tout-à-fait au Président. Beauvale va hélas quitter Richmond bientôt, ce sera pour moi une grande perte. Je le vois tous les jours et ordinaire ment deux fois. Je crois que lui me regrettera aussi. Metternich est fâché de l’exécution du prêtre à Bologne, Il appelle cela du mauvais zèle. Il se plaint que son gouvernement au lieu d’adoucir, envenime la querelle avec la Prusse. J’ai dîné hier chez lord John Russell. Il y avait lord Lansdown racontant vraiment des merveilles de cette Irlande. Je remarque que ce qui fait le plus de plaisir n’est pas tant l’enthousiasme irlandais pour la Reine, que la découverte, que la reine est susceptible d’en ressentir de son côté. Elle passe pour froide & fière. Elle a oublié tout cela en Irlande. Il y avait à ce dîner trois Anglais inconnus à moi de nom & de visage. L'un grand ami de Mackaulay & bavard comme lui, je serais curieuse de savoir lequel des deux se tait quand ils sont ensemble. Je n’ai rien à vous raconter de mon dîner, la conversation a toujours été générale. Je me suis un peu ennuyée, car on n’a parlé que royaumes unis. Attendu que j’ai dîné tard je me sens un peu incommodée aujourd’hui. Misérable santé. Prenez-vous encore les eaux de Vichy.
L’autre jour en parlant du sentiment public Hongrois ici, je dis " malheureusement, le Ministre des affaires étrangères donne l’exemple." à quoi Brunnow dit que je me trompe et qu'il sait que malgré de mauvaises apparences le fond de la pensée est bon. Je reporte " êtes-vous donc le bon dieu pour lire au fond des cœurs ? " Le duc de Lenchtemberg écoutait. en riant. Et bien tout ceci a été redit à lord Palmerston par Brünnow en ajoutant que j’avais voulu donner au prince une idée défavorable du ministre. Je me dispense des commentaires. Adieu. Adieu, mille fois adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond vendredi le 17 août 1849

Lord et Lady Palmerston sont venus ici hier pour quelques jours je crois. Ils sont au Star comme moi et mes voisins de Chambre. J’ai dîné avec eux chez Lord Beauvale. A table conversation générale se félicitant de trois choses finies. Le Danemark, la Sardaigne, & l’unité allemande dont il n’est plus question. Nous avons cependant trouvé que s’il n'en était plus question à la façon de Francfort, il fallait que quelle qu’autre façon la remplace à moins d’en revenir à l'ancienne. L’Empire français remis au mois d’octobre. M. Drouyn de Lhuys, très agréable et facile en affaires. Il n'y a guère eu que cela pour la galerie. après le dîner il s'est rapproché de moi pour me dire, d'abord, que nous avions battu les Hongrois en Transylvanie et en Hongrie. [?] a failli tomber en nos mains, nous lui avons pris tout sont bagage, sa voiture de voyage, ses papiers, tout. De l’autre côté [Paskeviez] a battu Georgy. Partout où nous les rencontrons, l’avantage est à nous, mais ils trouvent le moyen d’échapper. L'issue de la lutte ne saurait être douteuse mais elle peut être longue. En transaction est toujours ce qu’il y a de désirable. Pourquoi l’Empereur d’Autriche ne dit-il pas ce qu’il veut faire ? Il est impossible qu'il songe à [?] la constitution hongroise. Pourquoi ne dit-il pas qu’il leur rendra leurs droits, leurs privilèges ? On ne sait pas qui gouverne là. C’est comme au temps du Prince Metternich où l’un rejetait la faute sur l’autre. La constitution faite par Stadion est impraticable, impossible aujourd’hui il n'y a rien, pas de constitution, on n’y songe plus. L'Autriche et la France sont en très bonne entente sur l'Italie. L’Autriche et la Prusse se divisent tous les jours, davantage. Mais la Bavière est encore bien plus que l'Autriche en guerre de paroles avec la Prusse. J'ai demandé si deux Allemagne n'était par la chose probable ? Peut être. Et puis se rapprochant de moi un peu davantage et à voix basse. Le général Lamoricière a été fort mal reçu à Varsovie. On lui avait d’abord destiné un bel appartement au palais de Bruhl et il le savait. Mais à son arrivée, porte close. Il a fallu aller chercher à se caser dans une auberge. Là, avec difficulté, de mauvaises chambres. Cela a fort étonné. Deux jours après, audience de l’Empereur qui l'a reçu très froidement. On cherche les causes ; il a passé par Cracovie. Parfaitement lors de la route de Berlin à Varsovie. Un énorme détour. Qu’est-il allé faire là ? Autre motif qu'on insinue de Paris. C’est un avis confidentiel qu'aurait reçu l’Empereur que Lamoricière n’avait point du tout la confiance du Président, & qu’il fallait se méfier de lui. Cet avis serait venu de source directe. Lord Palmerston ne comprend pas bien. Il s’étonne et me raconte sans beaucoup de déplaisir. Je lui ai demandé qui conduisait les affaires à Paris. Il me dit qu’au fond c’était le Président qui faisait tout & qu'il avait plus de good sense que tous les autres. Il a entendu parler aussi du dégout de M. de Tocqueville et de son envie de se retirer. Je crois vous avoir tout redit. La visite impromptue du Prince Scharamberg à Varsovie ne lui est pas expliqué. Il n’a passé que 24 heures. On dit à Lord Palmerston qu’il venait demander plus d'activité dans les opérations militaires. L’Empereur lui a répondu en lui montrant les rapports des deux engagements cités plus haut. Lord Palmerston blâme vivement le gouvernement autrichien pour avoir fait exécuter un prêtre à Bologne. Il avait été pris les armes à la main dans la suite de Garibaldi, mais il était sujet roumain & ne pouvait pas être jugé par les Autrichiens. A propos de prêtre, de quoi s'avise votre archevêque de Paris ? Voici Lord Palmerston. Je vous quitte adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Schlangenbad le 26 août 6 h. du soir.

Je reçois de Fleichmann de si mauvais renseignements sur les chemins de fer, que je renonce à Bade, & je pars demain pour Paris. C’est donc là que vous continuerez à m’adresser vos lettres. La paix est à peu près faite entre Vienne & Berlin, mon Empereur a arrangé cela. L'Autriche a fait des concessions. C'est Constantin qui me mande cela. Adieu. Adieu. Je porterai ceci à Cologne.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Schlangenbad le 13 août 1851

Je n'ai jamais entendu dire un mot de l’idée du Roi George IV de rendre la bibliothèque royale à l’Empereur, c'est un conte. Dites cela à M. Croker. À votre question maintenant. C'est l’Assemblée nationale qui a raison. Nous avons écrit à nos représentants en Italie exactement ce que le journal a cité. Je le sais par Bouteneff notre Ministre à Rome à qui j'ai fait lire le journal. À propos il s’abonne, à l’Assemblée nationale je l'ai recommandé à mes autres ministres aussi. Voici ce qui me reste du peu de mots que m’a dit le prince de Prusse de ses conversations à Londres. La Duchesse d’Orléans dit " Henry V doit être rappelé. Nous serions élus. Cela rentre dans le principe de ma maison." " Et voilà entre nous la différence. " Je vous ai dit que la grande Duchesse survenant au milieu de cela, il n’y a plus eu moyen de reprendre & quelques instants après Le Prince voguait sur Cologne.
Ma langue va un peu mieux, mais j’ai un grand échauffement à la tête. C’est ennuyeux de le sentir mal arrangée par ce bout là. J’ai vu la duchesse de Hamilton. Ce sera si non une ressource, du moins quelqu’un. Jeudi matin le 14. Rien à vous dire. J’ai passé une mauvaise nuit. Il y a intermittence. On me conseille la quinine. Je ne me soucie pas de ces conseils là. Dans 10 jours j’aurai fini ceci je suppose, mon voyage n’a pas bien été. Que faire ? Adieu. Adieu. Je suis avide de vos lettres de Paris. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Schlangenbad le 20 août 1851

Mes journées sont si monotones qu’il n’y a vraiment pas de quoi remplir trois lignes. J'ai eu une lettre d’Alexandre aujourd’hui. Il a demandé son passeport. Il ne doute pas qu’on ne le lui accorde vu l’état de sa santé. S' il y a quelque anicroche il s’adressera au Comte Nesselrode. Si cela n’allait pas, je serais la dernière instance, mais je crois que nous n'aurons pas besoin de tout cela.
Le 21. Vous devez avoir reçu toutes mes lettres et entre autres celle où je vous redisais les quelques paroles de la D. d’Orléans au Prince de Prusse. C'est absolument tout ce qu’il a eu le temps de me dire. Constantin est arrivé à Francfort. Il a perdu sa malle sur les chemins de fer, cela le retarde, mais il viendra ce soir tard. Adieu. Adieu. Car il n’y a pas un mot à vous dire. Mon médecin a mis tout Schlangenbad hier en émoi. Il a donné un bal. On n'a jamais vu de bal dans ces montagnes. Il est pour mourir de rire. C’est notre seul amusement à Marion & moi. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Ems le 2 août Samedi. 1851 6 h. du matin

On m'emballe, et pendant ce temps je vous écris un mot. La comtesse Chreptovitz est arrivée de Londres hier. Elle me raconte à propos du nouvel oukaze pour les passeports, que Nesselrode & Orloff l'ont appris en même temps que le public. L’Empereur l'a fait promulguer d'une manière soudaine, ses ministres l’ignoraient. L’étonnement & le mécontentement ont été grands. J'essaye avec les Chreptovitz de parer le coup qui attend peut être mon pauvre Alexandre. si on lui refuse de sortir du pays, quelle triste affaire. On vient de refuser à une de ses cousines aussi une sœur du petit cousin.
J'ai eu la migraine hier tout le jour, & tout le monde est venu, beaucoup de monde. Je me suis couchée de très bonne heure. J’espère aller mieux à Schlangenbad. Je vous quitte. Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Dimanche, 9 sept 1489 4 heures

Les visites s'en vont et je viens à vous. J’avais là tout à l'heure, mon ancien préfet, M. Bocher, aujourd’hui membre de l'Assemblée , beau frère de Gabriel Delessert. Il a été bien étonné quand je lui ai dit qu'on me disait que Thiers allait entrer avec Molé. Cela lui parait un grand et invraisemblable abaissement. Il est, lui, à ce qu’il m’a paru, plutôt pour le maintien du Cabinet actuel, un peu modifié. Gabriel Delessert vient d'arriver à Trouville avec sa femme malade, sa belle-mère malade. Il a eu son fils trés malade en Italie. Plus triste et découragé que jamais. La lettre du président sur le Pape ne réussit pas du tout. Ceux à qui elle plaît et ceux à qui elle déplait la trouvent également inconséquente, et le disent en souriant. Le Cabinet vient de l’épouser avec amour. L’article du Moniteur du soir est de M. Dufaure. Les journaux de la réaction un peu vive, dévots ou non dévots l’attaquent vigoureusement. L’Univers avec colère. L'Assemblée nationale. dit : " Nous ne voyons pas pourquoi demain le Conseil d'Etat ne réhabiliterait pas M. de Lesseps. C'est sa potitique qu’on adopte ; c'est sa diplomatie qu’on veut faire triompher aujourd’hui à Rome. " Cela deviendra une grosse affaire, très grosse dans l’Assemblée et en Europe.
Il est vrai que le Code Napoléon et le gouvernement libéral sont bien enfantins. C'est là mon impression de tous les moments ; ce sont des enfants, sans prévoyance et sans consistance. Si M. de Falloux n’est pas un enfant, il sera embarrassé. Comment n’a-t-il pas su ? Et, s'il a su, comment n'a-t-il pas empêché ? On ne peut agir sensément et efficacement à Rome qu'en agissant de concert avec l'Autriche. L’Autriche peut être raisonnable. Je me suis conduit d'après cette idée là. Et je suppose qu’elle est encore juste aujourd’hui. Regardez un peu attentivement, je vous prie, à tout ce qui va se développer dans cette affaire. Elle mérite votre curiosité. Je ne vous cite de la lettre de Montebello que cette phrase-ci : " J’ai lu dans quelques journaux que j’avais été au devant du Président jusqu'à Château Thierry. Je vous prie de croire qu’il n'en est rien, et que je n’ai pas commis cet excès de zèle. J’ai été, avec la plupart de mes collègues, le recevoir à Epernay où nous étions convoqués. "

Lundi 10. six heures Je plains l'Empereur. Perdre un ami est toujours affreux. Bien plus pour un Roi. Même pour un Roi égoïste. L’égoïsme ne sauve pas des tristesses de l'isolement. Vous m'avez toujours dit que l'Empereur était capable d'affection. Sauf son chagrin, il doit être content. Il a très bien réussi dans une très bonne politique. Il a fait preuve de sagesse dans la force et de force dans la sagesse. C'est le problème que Dieu donne à résoudre à tous les grands souverains et que bien peu résolvent. J'espère pour lui et pour l'Europe, qu’il persistera dans la même conduite et toujours avec le même succès. Je suis bien préoccupé de la réorganisation de l’Autriche ; aussi nécessaire à l’Europe qu'à elle-même. Belle occasion pour ce jeune Empereur d'être un grand homme. Le mot de votre Empereur à Lamoricière est excellent. Et Lamoricière n'aura pas compris que l'Empereur le louait trop. Ce qui fait qu'il n’aura point été embarrassé de l'éloge.

Onze heures
Les Adieu du lundi ne me consolent point du mardi je n'ai rien de Paris. Adieu adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Dimanche 13 Nov. 1853

Je crois que nous ne comprendrons guère mieux la guerre que la négociation. Je ne parviens pas à démêler qui, des Russes ou des Turcs est resté vainqueur à Oltenita. Vienne dit les Turcs, Berlin dit les Russes. Je crois que ce sont les Turcs. C’est dommage que le Prince Gortschakoff, qui est venu, dit-on, complimenter ses troupes sur leur bravoure, n'en eût pas placé là un assez grand nombre pour que la bravoure fût sûre du succès.
Je suis obstinément pour la paix, comme Lord Aberdeen, et je persiste à croire que c’est à la paix qu’il faut travailler, et qu’on doit réussir à la rétablir. Mais si nous devons être jetés dans la guerre, et dans la grande guerre, je suis pour que les Turcs soient chassés d’Europe. Au moins faut-il que nous avons ce profit en perspective au bout de ce chaos.
Duchâtel m’écrit dans un grand accès d'indignation contre la façon dont " cette misérable affaire a été conduite ; il n’y a pas deux jugements à rendre." Il est du reste plus préoccupé du dedans que du dehors : " L’hiver, dit-il, sera difficile à passer ; il n’arrive que peu de grains étrangers ; le commerce prétend manquer de la sécurité nécessaire. Les denrées autres que le blé, ont manqué comme le blé et même quelques unes dans une plus forte proportion. Le vin est arrivé à un prix que l'ouvrier ne peut pas payer. Il y a un sujet grave d’inquiétude. Les dispositions du peuple, même dans nos campagnes ordinairement si tranquilles, prennent un caractère menaçant ; le socialisme chemine sous terre sans qu’on s'en aperçoive. Il ne suffit pas, pour le détruire, de la comprimer d’une main en l'encourageant de l'autre ; la force est nécessaire contre les idées mauvaises, mais à elle seule, elle est insuffisante ; il y faut le concours énergique des idées vraies, fortement soutenues. "
Il a raison. Il ne reviendra à Paris qu'à la fin de l’année.
Je ne trouve rien à redire à votre manifeste. Il ne dit que l'indispensable, y compris, la phrase sur la foi orthodoxe. Les catholiques ardents ne peuvent pas vous pardonner ce mot orthodoxe. C'est pour cette raison qu’ils aiment mieux les Turcs qui n’ont pas la prétention de l'orthodoxie. Il me semble que la circulaire de M. de Nesselrode en dit plus que le manifeste, et qu’elle laisse entrevoir la chance d’une guerre offensive de votre part, bien au delà du Danube. En général, les commentaires par circulaires ne vous ont pas réussi.

Onze heures
Je reçois à la fois plusieurs lettres. La situation me paraît grossir et gronder. Que c’est absurde ! Mais ce n'en est que plus grave. Adieu, adieu.
Voici la dernière lettre à laquelle vous répondrez. Je vous écrirai encore deux mots mardi. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Dimanche 27 Oct. 1850

Duchâtel m’écrit : " La prolongation des pouvoirs du Président me paraît la solution naturelle et à peu près inévitable ; on pourrait même dire la solution nécessaire si l’imprévu ne tenait pas aujourd'hui une si grande place dans nos affaires. La fusion des partis, qui était la seule ressource, a reculé plutôt qu’elle n’a avancé. L’effet de la circulaire légitimiste ne peut être réparé que par le temps, et par beaucoup de temps. Les fautes de tous les partis profitent au président en sa qualité de pouvoir établir, et il n'est pas assez solidement établi pour que ses propres fautes lui nuisent. Le pays veut la tranquillité et il n’est difficile ni sur les conditions, ni sur la qualité. La mauvaise marchandise, le satisfait autant que la bonne ; et en vérité, il n'a le droit ni d'être fier, ni d'être exigeant. "
Aux deux bouts de la France, les hommes sensés observent le même état des esprits et ont la même impression. Les Normands et les Gascons se ressemblent peu ; et pourtant leur politique est la même. Duchâtel me dit qu'il ne compte pas revenir à Paris avant le mois de décembre. Il paraît qu'il prend plaisir à l'agriculture.

10 heures
Malgré le Times et les Débats, je ne crois pas une telle folie. Ce serait mettre le feu au monde pour éteindre un fagot qui brûle dans un coin. Vous en Silésie et nous dans les provinces du Rhin ! Quand en sortirons-nous, nous y entrons ? Je ne vois là qu’un fait certain ; c’est que nous sommes tous décidés à faire finir l'affaire du Danemark. Nous avons raison et l'affaire finira sans un gros effort. Dans ceci comme dans tout, la Prusse fait plus de bruit qu'elle ne veut et ne peut faire d'effet. Politique toute d'étalage et de ruse. D'étalage par complaisance pour l’esprit révolutionnaire dont elle a peur et dont elle voudrait se servir. De ruse, parce qu’elle se dit : " Essayons toujours ; que sait-on ? Nous finirons peut- être par y gagner quelque chose le jour où la France, l'Angleterre et la Russie voudront dire sérieusement : " Finissez. " On finira. Je suis convaincu qu'on dira cela de Varsovie. Le régiment du Maréchal Paskuditch n’y fera [?]
Votre Empereur sait mieux que moi, ce qui lui convient. Mais je trouve ses démonstrations en l’honneur du Maréchal énormes. Cela semble indiquer, ou une importance du maréchal ou une pression de l'opinion publique Russe que je ne supposais pas.
Soyez sûre que le duc de Noailles a tort, lui spécialement de tant regretter ma lettre à Morny. Je serais bien étonné si, quand nous en aurons causé, il n’était pas tout à fait de mon avis. Je n’y ai pas mis tant de préméditation, et je fais mon système après coup, mais plus j'y pense, plus je crois le système bon. Il ne fait que confirmer mon instinct.
Si j'étais là, je vous lirais l'oraison funèbre de la Reine des Belges que le père Dechamps vient de prononcer à Bruxelles. Vraiment bon et beau morceau. Senti et sensé de la lumière religieuse et de l'intelligence humaine Tout ce qui se passe là fait honneur aux acteurs, et aux spectateurs. Adieu. Adieu.
Je vous écrirai encore demain. Et vous aussi à moi. Puis plus de lettres pour longtemps. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Dimanche 28 Sept. 1851

Je ne puis croire que l'Impératrice ne veuille pas ou ne puisse pas faire avoir un passeport à votre fils. Ce serait un argument trop fort en faveur du régime constitutionnel avec tous ses ennuis et ses dangers. Sans vanité, votre correspondance vaut bien un passeport, et je ne pense pas que le pouvoir absolu, pour se maintenir, ait besoin de pousser jusque là l’ingratitude. Encore passe l’ingratitude pour les services rendus ; mais l’ingratitude pour des plaisirs si souvent donnés ! Je ne pardonnerais pas celle-là.
Marion a raison de dire la vérité à Changarnier. Elle peut tout dire, et je suis sûr qu’elle dit très bien tout. Qu'elle lui demande donc un jour dans quelle position il serait aujourd’hui, s’il était resté tranquille et sans impatience, dans son poste de Général en Chef de l’armée de Paris, se tenant en dehors de toutes les querelles parlementaires, et uniquement attentif à être toujours le représentant et le défenseur de l’ordre, soit à l'Elysée, soit à l'Assemblée. Il serait. aujourd’hui, entre Louis Napoléon et le Prince de Joinville le candidat naturel et obligé du parti de l’ordre à la présidence, la seule et assurée ressource de la majorité et du public dans leur perplexité. Pour moi je ne me console pas qu'il ne se soit pas ménagé cette chance simple infaillible, et je n'espère pas qu'en glanant de tous côtes des débris de partis, il s'en refasse une qui en approche, de bien loin. Personne n'est plus noir que moi, dans ce moment-ci.
La déclaration du Général Magnan au Président ne m'étonne pas. La peur gagnera tout le monde. Mais le lendemain du jour où tout le monde a eu peur ne vaut pas mieux que la veille, et nous ne serons pas tirés d'embarras parce que le président y sera tombé.
La Duchesse de Marmier n'a pas le moindre crédit à Claremont, et ses paroles ne signifient absolument rien. Mais elle remplacera là Mad. Mollien qui en dit quelques fois de bonnes. Pas beaucoup plus efficaces, il est vrai. Cependant, je persiste à croire que les bonnes paroles valent mieux que les mauvaises. Je regrette donc Mad. Mollien à Claremont.
Ma fille est assez bien. Elle a un peu dormi. Il iront son mari et elle, passer l'hiver à Rome. La santé de son mari a besoin du midi, et les raisons qui venaient de l'enfant ne subsistant plus. Rome vaut mieux qu' Hyères. Ils partiront vers le milieu d'octobre.

10 heures et demie
Henriette vous remercie de vos paroles qui lui ont été au cœur. Et moi aussi. Elle supportera comme il faut les épreuves et j'espère que Dieu lui enverra encore des joies. Adieu, Adieu. Je reçois ce matin beaucoup de lettres et on m'attend pour la prière. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Jeudi 16 août 1849
7 Heures

J'espère que vos crampes d'estomac n’auront pas eu de suite. De Brompton, j’allais y voir. N'hésitez jamais à envoyer chercher M. de Mussy. Votre rencontre avec Lord John me prouve que vous vous promenez à pied, comme il vous l’a recommandé. Comment s’appelle le nouveau médecin de Richmond que vous faites venir d'abord ?
Les Ministres n’ont nul droit de se plaindre de Lord Palmerston. Ils n'ont que ce qu’ils méritent. Avec des collègues, et des adversaires tels que ceux qu’il a, s’il était jeune et s’il avait plus de talent, il serait vraiment dangereux pour son pays, dans son audace sans scrupule et sans prévoyance il monterait avec les révolutionnaires, à l'assaut de la place, sauf à être jeté lui- même à l’écart d’un coup de pied, au moment où ils y entreraient. Comme il est arrivé à Thiers. Le bon sens anglais est présomptueux ; il admet l’esprit révolutionnaire à ses côtés se croyant sûr qu'il le mettra à la porte le jour où il le faudra. Je souhaite qu’il ait raison et je l'espère. Mais le jeu est périlleux. Et en tous cas quand le jour viendra de mettre l’esprit révolutionnaire à la porte, l’honneur n’en sera certainement pas aux collègues, ni aux adversaires actuels de Lord Palmerston, ni à aucun de ceux qui auront laissé entrer et grandir l'ennemi. Il faudra des hommes nouveaux à cette œuvre-là. J’ai confiance dans l'Angleterre. Ils s’y trouveront. Quant à ses colonies, je ne suis pas sûr du tout qu'elle les garde, s’il faut les défendre. Les grands efforts ne sont plus du goût de personne, même des grands gouvernements, et des grands peuples. Et les raisons ne manqueront pas pour s'en dispenser.
J’ai eu un jour à ce sujet une curieuse conversation avec M. Gladstone, très bon échantillon du bon esprit anglais actuel, plus prudent que grand, plus ingénieux que persévérant, et ayant assez de goût aux innovations, pour sortir d’embarras. Du reste, il serait puéril de le méconnaitre ; le monde est partout, en train de se transformer ; les bons principes resteront toujours les bons principes, et pas plus qu'autrefois on ne fera de l’ordre avec le désordre, et du gouvernement avec l’anarchie. Mais les éléments, les méthodes, les formes de l'ordre et du gouvernement ne seront plus les mêmes et l’ancien système colonial de l'Angleterre ne lui suffira pas plus que l’ancien système gouvernemental ne suffira au continent. Je me serais intéressé davantage au Duc de Leuchtenberg si sa femme l’avait accompagné à Madère. S'en allant seul, il m’a l’air d’un parvenu abandonné. On en devrait être plus touché, et ce que je vous dis est mal. Je vous dis ce qui est. Onze heures Voilà votre lettre qui me fait grand plaisir d’abord parce que vous êtes mieux, puis parce qu'elle est longue. Je vois que le Duc de Leuchtenberg vous a plu, et que l'Empereur lui a fait, pour son voyage, de beaux dehors. S'il n'aime pas beaucoup sa femme, c’est bien ; s’il l’aime, c'est triste. Adieu. Adieu. Continuez à être mieux. Adieu, dearest G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer. Lundi 30 Sept 1850

Je reçois une assez curieuse lettre de Piscatory. Je vous l’enverrais si vous pouviez la lire. Il ne m’avait pas écrit depuis sa visite à Claremont. La Reine l’a frappé comme tous ceux qui la voient. “ J’ai eu joie à admirer, c'est un plaisir rare dans le temps où nous vivons. J'ai vu les Princes et Mad. la Duchesse d'Orléans. J’ai longtemps causé. Mais je ne crois pas que ce soit fort utile. Les idées de retour m'ont paru passer avant tout. Je le comprends; lorsqu'une telle destinée n'est pas prise par son grand côté, elle doit être intolérable. "
" Quoique aussi loin que moi, vous devez en savoir plus que moi sur ce qui se passe à Paris. Ce sont, ce me semble, de bien vaines agitations ; mais elles disposent bien ou mal les esprits pour le retour de l'assemblée. Voulez-vous me dire ce que vous en pensez ? Qu’est-ce que c’est que ce désordre dans le parti légitimiste ? Y a-t-il là une chance pour que les bons se séparent sérieusement des mauvais ? Cela me paraît fort douteux ; et à titre de simple spectateur, il me semble évident, mais pas mauvais, je l'avoue, que M. Barthelemy a fait une mauvaise campagne. Autour de moi, l'effet n'est bon ni dans l’un ni dans l'autre camp. Ne croyez pas cependant que je prétende voir clair dans ce que pensent mes voisins, petits et gros. Ce qui est incontestable, c’est que l'inquiétude, et le malaise sont généraux ; les uns en sont poussés, en avant ; les autres regardent avec regret la terre qu'ils ont perdue. Je ne crois pas que cela soit sérieux ; mais il est certain que le nom du Prince de Joinville se prononce très haut. Le Président ne gagne pas ; il n’y a que ceux qui ont sérieusement à perdre qui veuillent faire fie, qui dure dans ce semblant de repos. Ce n’est certes pas moi qui reprocherai à personne ses incertitudes ; j’en suis plein; et cela m'inquiéterait. Si je ne savais que quand le feu commence, je ne suis que trop disposé à prendre promptement mon parti. Mais hélas, que ferons-nous ? Pourquoi Dieu a-t-it voulu qu’on eût des enfants sur cette maudite terre ? Ce serait très curieux, et mes semblables m’ont assez désintéressé d'eux pour que je trouvasse tont cela fort amusant. Il n'y a pas moyen, on a des filles à marier du moins à faire vivre ; il ne s'agit donc pas de se passer ses fantaisies. Mais où est la raison ? Où est le bon chemin: où est le but ? Vous êtes bien habile ; et cependant vous ne me le direz pas. Dites-moi pourtant ce que vous pensez ? Quand je ne le sais pas, et plus encore quand je ne viens pas à bout de penser comme vous, je suis prêt à chanter comme les enfants qui sont seuls la nuit, et qui ont peur. "
Ne dites à personne, je vous prie, cette dernière phrase. Son amour propre pourrait être blessé s’il lui en revenait quelque chose et il ne faut pas troubler les bons sentiments en piquant l'amour propre. Mais vous voyez qu'il est incertain, inquiet, et point inabordable pour moi.
Je suis charmé que vous ayez pris le deuil et envoyé un consul général à Bruxelles, deux choses utiles pour l'avenir.
Charmé aussi de ce que Thiers a dit à Mercier sur le Général Changarnier. La double visite dont vous me parlez à Champlâtreux vaut la peine qu'on sache ce qu’ils y ont dit.
J’ai écrit à Villemain pour l'Académie. Je ferai ce qu’elle voudra. La raison veut que je reste ici jusqu'au mois de novembre. Pour mes affaires d'abord qui en ont besoin. Puis, parce que j’ai promis au Duc de Broglie d'aller passer une semaine chez lui, ce que je ferai mercredi 9 octobre. Visite utile. Un bon motif pour revenir plutôt serait charmant ; mais vraiment, il me faut un bon motif, autre que mon plaisir.

Dix heures
Ce qui me fait grand plaisir, c’est que vous soyez tranquille sur Constantin. Je vous ai dit que vous rêviez, et j'avais bien raison. Mais je n'aime pas les mauvais rêves pour vous. La Reine des Belges m'afflige profondément. Quelle prédestination aux épreuves ? La branche cadette ne le cède guère à la branche aînée, ni la Reine à la Dauphine. Adieu, adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Mardi 6 Nov. 1849
8 heures

Je n'ai plus d’objection à l'Empire puisqu'il est en train de se faire. Il n'y a pour moi, qu’une question : mourrons-nous ou guérirons. nous ? Si nous devons mourir, peu m'importe le genre de mort, si nous devons guérir, je suis prêt à accepter tous les moyens de guérison. Le problème est bien indécis dans mon esprit ; le raisonnement me mène à la mort ; mon instinct est pour la guérison. Au fait, c’est une lâcheté de ma part de dire que je suis indécis ; je fais là comme tout le monde ; j'élude la responsabilité de mon avis. Je crois à la guérison. Mais j’ai peur qu'elle ne coûte bien cher. Je trouve que nous sommes encore bien peu préparés aux remèdes. Tout le monde a raison, puisque vous en êtes aussi. Je ne fixe point que ce serait assez. Et j’espère encore plus que vous n'en aurez pas besoin du tout. Je me fie un peu à ce qui me reste d’espérances, car le fond, sur lequel elles subsistent encore est bien noir. Il est impossible qu’on ne rappelle pas bientôt la flotte. Ce serait trop absurde mais on donnera l’air de la platitude à ce qui aurait pu être de la bonne politique. Le général d’Hautpoul est un homme sensé, intelligent et honnête. Ambitieux. Je ne sais s'il est de taille. Bon soldat. Bon administrateur militaire. Ferme avec les troupes. Le sera-t-il politiquement ? J'en doute un peu. Mais je trouve qu’en général on a tort de se montrer malveillant et dénigrant pour les nouveaux venus. On les blesse et on les affaiblit au détriment de la bonne politique. Il ne faut pas seulement dire qu’on attendra pour juger. Il faut attendre réellement et aider en attendant. Le Prince de la Moskowa serait déplorable aux affaires étrangères. Esprit sans suite, sans jugement, sans tact, sans prévoyance ne se doutant pas de la portée de ses actions et de ses paroles. Et cela avec un besoin de mouvement et une certaine faconde qui le jetteraient dans toutes sortes d'aventures. Je ne connais personne de plus propre, là, où amener la guerre. Non qu’il la voulût ; mais il serait chaque jour, à la veille de crier une de ces situations qui l'amènent. Ne vous étonnez pas, s’il arrive quelquefois que mes lettres soient en retard d'un jour. Par je ne sais quel arrangement que je ne comprends pas, la malle de Cherbourg à Paris passe à Lisieux, depuis deux jours, une heure plutôt qu’elle ne ferait. En sorte que le facteur qui emporte d’ici mes lettres pourra bien quelques fois n'être pas arrivé à Lisieux à temps pour le passage de la malle. C’est un ennui dont le directeur de la poste de Lisieux m'avertit en me disant qu’il fera de son mieux pour y porter remède. Adieu, adieu, adieu.

Onze heures
Voilà votre lettre. J'espère que celle-ci ne sera pas en retard. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer Mardi 10 Nov. 1849
8 heures

Je n'ai vraiment rien à vous dire. Il me semble que, pour toutes choses, j’aime mieux attendre. Ecrivez-moi encore un mot demain mercredi. Je le prendrai Jeudi en passant à Lisieux. Le décousu et les contradictions dont se plaint Kisseleff, ne m'étonnent pas. Je serais étonné qu’il en fût autrement. C'est le même mal pour l'extérieur et pour l’intérieur. On est et on sera tantôt Russe, tantôt anglais, comme tantôt coup d’Etat, tantôt constitution. Il n'y a, à parler sérieusement, point d’idée et point de volonté, Des velléités, tantôt lancés en avant, tantôt retirées à travers des tâtonnements continuels. Et on ne sort des tâtonnements que par des essais de coup de tête qui avortent. Avorteront-ils toujours ? Je ne sais. En tous cas, il n'y a pour les hommes sensés, qu’une conduite à tenir soutenir le pouvoir, quels que soient son nom et sa forme, tant qu’il voudra faire de l’ordre et du pouvoir. Toutes les susceptibilités, exigences, oppositions, dissidences, me paraissent aujourd'hui des puérilités. Je me crois sûr que la commission auprès de lord Lansdowne, sera faite, et bien faite. Est-ce que vous n’avez pas vu Salvandy ? Mad. Lenormant m’écrit qu’elle l’a rencontré chez Mad de Boignes, et qu’il s'est laissé croître une crinière qui lui donne l’air d’un bison. Il est toujours au courant et raconte tout. Je retrouverai à Paris tous les anciens ministres, à l’exception de Duchâtel qui ne reviendra qu’en Décembre. Je dois avoir conservé, ma bonne mine d’Angleterre, car je me porte bien J’ai eu pendant quelques jours des commencements désagréables de crampes d'estomac qui revenaient à la même heure. Cela est passé. Je vous quitte pour mettre des livres en ordre. Je laisserai ici ma maison bien rangée. J'aurai absolument besoin à Paris de me réserver les premières heures de la matinée. Je tiens à finir et à finir bientôt ce que j'ai commencé. Onze heures J’ai certainement un vif plaisir à faire mes arrangements. Malgré un beau soleil qui persiste. Adieu, adieu, adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, mardi 14 Oct. 1851

Si j'en juge par ce qui m'a dit mon petit homme et par ce qui m’est encore revenu depuis, le trouble et le découragement sont grands parmi les plus intimes et les plus puissants Elyséens. Carlier et Morny mal ensemble, presque brouillés. Morny répétant : "Il n'y a rien à faire puisque personne ne veut nous aider." Il a paru dire qu’il fallait laisser le Cabinet tel qu’il est n'en pouvant former un qui sût ce qu’il y a à faire. Je soupçonne qu’il y a, dans tout cela, plus de jeu que de réalité et pas autant de peur qu’on en montre.
Cartier a, dit-on, grande envie d'être ministre de l’Intérieur, et ne menace de sa retraite sous le drapeau de la loi du 31 mai que parce qu'on ne se prête pas à son désir. Est-ce que M. Léon Faucher ne paiera pas seul les frais de tout ce bruit. Il doit venir à Falaise le 26, présider à la fête de Guillaume le conquérant, aura-t-il le temps ?
Ce que dit Constantin au sujet du passeport de votre fils me donne quelque espérance. Il a probablement quelque raison de parler ainsi. Dieu le veuille ! Faites-lui, je vous prie, mon compliment de condoléance sur la mort de son petit enfant. Quel mystère que l’apparition si fugitive de ces âmes, créées pour ne pas même s’éveiller à la vie ?
Alexis de Saint-Priest est certainement le premier de l'Académie Française qui soit mort à Moscou. Tel que je le connaissais, il a dû lui en coûter beaucoup de mourir. C’était un épicurien et un Voltairien très sensuel et très sceptique. Homme d'esprit d'ailleurs, observateur fin et très médiocre agent. Toujours des prétentions au-dessus de ce qu’il était et de ce qu’il pouvait être. Je ne sais comment nous le remplacerons à l'Académie. Il sera tout-à-l'heure aussi difficile de trouver un Académicien qu’un Président. On aurait bien étonné, M. de Saint-Priest si on lui avait dit qu’il mourrait avant le chancelier.
M. de Falloux sera un jour de l'Académie. Mais je ne crois pas que le moment soit encore venu. On donnerait en le présentant trop tôt de l'humeur à des gens qui doivent voter pour lui. Je suis charmé du succès qu'il a eu en passant à Lyon. Il a bien compris la disposition du moment. C'est avec cette douceur et cette abnégation actuelle qu’il faut parler pour faire faire à la fusion un pas de plus. Le pas sera réel, quoique peu apparent. Quand vous verrez le duc de Noailles reparlez-lui donc de Berryer pour l'Académie. Il faut que l’une des deux places vacantes soit pour lui.
11 heures
Je n'attendais point de nouvelles ce matin. C’est aujourd’hui que la situation fera un pas, si elle doit marcher, ce dont je doute encore. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer. Mardi 15 oct. 1850

Voici une question que je ne trouve pas, dans ma bibliothèque d’ici, les moyens de résoudre et sur laquelle mon petit visiteur ira peut-être vous consulter. mon libraire veut mettre sur le titre de Washington, les armes des Etats-Unis d’Amérique, et sur le titre de Monk, les armes d'Angleterre. Mais ce sont les armes d’Angleterre sous les Stuart qu’il faut là et non pas les armes d'Angleterre sous la maison de Hanovre. Je ne me rappelle pas bien et je ne puis indiquer d’ici les différences. On fera la vérification, à la Bibliothèque du Roi, (nationale aujourd’hui) et je pense qu’on trouvera là tout ce qu’il faut pour la faire. Mais si quelque renseignement manquait aurait-on, à l'Ambassade d'Angleterre, et votre ami Edwards pourrait-il procurer de là un modèle des armes de Charles 2 en 1660 ? J'espère qu’il ne sera pas du tout nécessaire que vous preniez cette peine, mais je veux vous prévenir qu’il est possible qu’on vienne vous en parler.
Ce que vous a dit de Cazes ne m'étonne pas. Bien des gens le pensent. C'est peut-être le plus grand danger qu’il y ait à courir. J’ai très mauvaise idée de ce que serait le résultat. Probablement encore un abaissement de plus. Mais la tentation serait forte. Je dois dire que les dernières paroles qui m’ont été dites à ce sujet ont été très bonnes et très formelles.
Avez-vous revu Morny ? Je suis assez curieux de savoir, s'il vous dira quelque chose de mes quelques lignes, et de l’usage qu’il en a fait.
La corde est en effet bien tendue en Allemagne. Pourtant il me semble que Radowitz prend déjà son tournant pour la détendre un peu. Que vaut ce que disent les journaux de son travail pour amener l'union restreinte à n'être qu'une union militaire comme il y a une union douanière ? Ce serait encore un grand pas pour la Prusse et je ne comprendrais pas que les petits États se laissassent ainsi absorber par la Prusse sans avoir au moins le voile et le profit de la grande unité germanique. Mais il y aurait là un commencement de reculade. Je persiste en tout cas à ne point croire à la guerre. Personne n'en veut, excepté la révolution qui a peu prospéré en Allemagne. L'indécision même de votre Empereur entre Berlin et Vienne est un gage de paix. Y eût-il guerre, le Président ne serait pas en état, le voulût-il de faire prendre parti pour la Prusse. On ne prendrait point de parti de Paris comme de Pétersbourg et de Londres on remuerait ciel et terre pour empêcher la guerre, qui serait de nouveau la révolution. Je ne viens pas à bout d'être inquiet de ce côté, malgré le duo de bravoure de Radowitz et de Hübner.

10 heures
Je vois beaucoup de bruit dans les journaux et rien de plus. Pas plus de coup d’Etat en France que de guerre en Allemagne. Je n'ai qu'une raison de me méfier de mon impression ; c’est qu’il ne faut pas aujourd’hui trop croire au bon sens. Notre temps a trouvé le moyen d'être à la fois faible et fou. Adieu, adieu.

Je reçois de mauvaises nouvelles du midi de la France. On m’écrit que les rouges y redeviennent très actifs. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Mardi 23 Juillet 1850

Si je me guérissait de mes passions, les Assemblées, ne seraient pas la seule dont j’aurais à me guérir. J’aime mieux rester comme je suis. A tout prendre en France du moins, et depuis 1814, les Assemblées ont empêché plus de mal qu'elles n’en ont fait. Sans elles en 1830, et en 1848, le démon révolutionnaire aurait triomphé. Elles l'avaient bien un peu encouragé ; mais elles le lui ont fait bien payer après. Je viens de parcourir tous mes journaux. Je n’y trouve rien. La nomination de la commission permanente sera le dernier acte. Et puis nous serons trois mois sans assemblée. Je souhaite de tout mon cœur que nous soyons mieux dans trois mois qu'aujourd’hui. Je suis bien aise que l'article d’Albert de Broglie vous ait plu. Mais maintenez vos critiques. Je les trouve très justes.
L'homme aux mémoires est bien Saint-Simon. Quoiqu'il écrivit encore sous et sur la Régence, c’est le 17ème siècle qu’il raconte le plus. Louis XIV et sa cour. J'en lis tous les soirs 30 ou 40 pages, là et là à mes enfants. Cela les amuse parfaitement. Je n’ai pas lu les Sophismes en frustrade dont vous parle Marion. Si cela en valait la peine, je les ferais demander. J’ai demandé s'il y avait déjà quelque chose d'un peu complet sur Peel. On me répond qu'il y a un livre, publié, il y a deux ou trois ans par un Dr. Cooke Taylor " Sir Robert Peel and his Times." Vous n'avez surement par entendu parler de cela.
J’ai des nouvelles de Ste Aulaire. Il me dit qu’Horace Vernet, raconte que votre Empereur est toujours charmé de la République en France et surtout partisan zélé du général Cavaignac. C'est sa plus grande nouvelle. Vous voyez que je suis à peu près aussi stérile qu'Ems. Adieu. Adieu. Voilà enfin le soleil revenu. La pluie nous a accablés pendant quelques jours. Adieu. G.

Midi
Je rouvre ma lettre. Je viens d'avoir une visite qui me rend ma liberté pour le 6 août. J'irai donc vous voir à présent. Je partirai d’ici samedi prochain 27. Je serai dimanche matin, à Paris. J’en partirai le soir ou lundi matin pour Bruxelles et je serai à Ems mardi soir 30 ou mercredi Il. J’y passerai huit jours avec vous. Il faut que je sois à Paris, dans la journée du 11. Si Aberdeen vient à Ems, tant mieux. Sinon encore tant mieux. Grand plaisir que cette petite course. Adieu, adieu.
Soyez assez bonne pour m’assurer à Ems un petit logement. J’aurai avec moi un domestique, Adieu encore. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Mardi 30 octobre 1849
7 Heures

Il fait très beau, mais presque froid. Je l’aimerais assez. Il faut choisir à présent entre la gelée et la pluie. Vous ne me dîtes rien de votre santé. Donc, je n‘ai rien à vous en demander. J'ai dit à M. Moulin, ce que je pense comme je le dirai quand je serai à Paris. J'ai acquis le droit de tout dire. Ce qui ne veut pas dire que j'en serai toujours. Mais je ne me laisserai gêner par personne. Le discours de Berryer, était beau et vraiment monarchique. Pas habile. Point d’idée nette de l’attitude qui convient au parti légitimiste, et des paroles qui vont au parti conservateur. Je m'étonne toujours que les partis n'aient pas instinctivement le sentiment de la conduite et du langage qui leur donneraient le succès. Le fait est qu’ils ne l’ont pas. C'est qu’ils aiment bien mieux ce qui leur plaît que ce qui les ferait. réussir. Ils parlent pour se satisfaire au moment, non pour atteindre leur but. Agir et parler pour ce qu'on veut, au fond, et non pas pour ce qui chatouille agréablement, à la peau, il n’y a que cela de sensé et de manly. Nous n'en sommes pas là. Merci de votre silence avec Mad. de Boigne. Je les connais bien l’un et l'autre. Je serai très poli ; mais il faut qu’ils me sachent un peu froid. Moi aussi, je suis curieux des détails de Pétersbourg. Mais j’ai mon parti pris si l'Empereur profite de sa boutade en y mettant fin, je le tiens pour un très habile homme. Il faut qu'elle ne soit ni prolongée, ni inutile. Il a raison de traiter magnifiquement, la venue et la fille de son frère. Vous rencontriez quelque fois jadis Mad. Roger, Savez-vous si elle est à Paris ? On me dit que son mari est devenu excellent conservateur passionné et courageux, intimement avec le Général Changarnier. Très Eisenach. Lui, Jules de Lasteyrie et Jules de Mornay, un petit comité de fidèles inébranlables. Je suppose que d’Haubersart n'est pas à Paris. Vous l'auriez certainement vu. Il me paraît qu’il n'y a pas encore beaucoup de monde à Paris, du monde français. Savez- vous quand le duc de Noailles quitte Maintenon ?

Midi
Voilà votre lettre qui me dit qu'il est à Paris. Je suis de son avis en ce point que si on reste dans l'ornière actuelle, on va droit à la rivière. Tout le monde. Adieu, adieu. Je ne comprends pas, le retard de ma lettre. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer. Mercredi 1 Oct. 1851

Je reviens à ce qu'on vous à dit des alarmes de Thiers. Quoique je le sache très prompt et crédule en fait d'alarmes, il a trop d’esprit pour avoir toutes celles des badauds. Il faut que les coups d'Etat aient été et soient encore dans l’air de l'Elysée, plus que je ne l'ai cru. Je persiste cependant à n’y point croire. On en parle probablement beaucoup ; on les arrange, on les discute ; on ne les fera pas. Race de bavards pleins d'imagination, qui s'amusent de leurs plans et s'enivrent de leurs paroles, mais à qui les plans et les paroles suffisent.
Il m’est bien revenu quelque chose de cette fameuse lettre de Thiers dont vous me parlez, et que Normanby a montrée à Rogier. Mais je n'en sais rien que d'incomplet et de vague. C’était, je crois une désapprobation de la lettre de Rogier. Si vous pouvez me donner, à ce sujet quelques détails un peu précis, soyez assez bonne pour me les donner.
Je vois qu’on me fait aller tous les jours à Champlâtreux et assister à toutes les réunions possibles. L’Assemblée nationale a bien fait de rappeler que je suis ici fort tranquille. Je suis très décidé, et très hautement contre la proposition Créton ; mais il ne me convient pas de paraître toujours présent, et actif dans les réunions purement légitimistes, où on la repousse. C’est une malice de Thiers ou de ses gens à l'adresse de Claremont.
Je vous ai dit que Montalembert m'écrit qu’il n’est pas prêt pour son discours qu’il devait m’apporter ici à la fin de septembre. " Je suis bien confus d'avoir à vous avouer aujourd’hui que je n'ai pas encore terminé ce travail. Pour me justifier, je dois dire que j’ai été indisposé au commencement de la prorogation puis distrait et absorbé par une foule de devoirs et d'ennuis électoraux. Cela ne diminue pas le remords que j'éprouve de ne pas vous tenir parole. Je viens donc vous demander humblement quelques jours de délai. "
Je parie qu'il ne sera pas prêt avant la fin d'octobre. Assez grand ennui pour moi, car je ne puis pas faire mon discours sans avoir vu le sien et il me faut bien autant de semaines qu'il lui a fallu de mois, et un peu de loisir. Ce discours sera fort écouté. Il faut qu’il soit bon.
Montalembert ajoute : " J’ai pris la liberté de faire remettre chez vous tout ce que j'ai jamais dit ou écrit. Il y a beaucoup de générosité de ma part à vous faire cette communication aussi complète, car vous pourrez y trouver plus d'une attaque contre vous et contre le Gouvernement que vous dirigiez. Mais la révolution de Février, si elle m'a donné raison sur quelques points, vous a si bien vengé sur tant d'autres qu'il ne saurait rester de ressentiment dans votre cœur contre ceux d'entre vos anciens adversaires qui étaient au fond vos alliés naturels. "
Il a bien raison. Je n’ai pas le moindre ressentiment contre lui. Je suis assez frappé du Firman de la Porte. au Pacha d’Egypte contre le chemin de fer d'Alexandrie à Suez. Je croyais à Sir Stratford Canning plus de crédit à Constantinople. C'est un gros désagrément pour Lord Palmerston qui met à ce chemin beaucoup d'importance. Vous verrez qu’il finira par prendre le parti d'Abbas Pacha contre le Sultan, comme nous avons pris en 1840, le parti de Méhémet Ali. Êtes-vous pour quelque chose dans cette résistance si décidée de la Porte, ou n’est-elle due qu’au travail de Paris et de Vienne ?

Onze heures
Merci de votre lettre très intéressante. Et j'en remercie aussi un peu Marion, excellent reporter. Le mot, si je ne me trompe est plus poli que celui de rapporteur. Adieu, Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer 22 Oct 1851

Je crois que le Président dit vrai quand il dit qu'il ne veut pas changer sa politique. C’est certainement son intention. Il déteste le désordre. Mais le désordre vient, soit qu'on le veuille ou qu’on ne le veuille pas ; et quand une fois il sera engagé dans la bataille qui l’attend, sa politique changera sans lui et malgré lui. J'espère toujours que, de part et d'autre on se ravisera assez à temps pour s'arranger avant d’être au bout. Les amis du Président qui veulent aller à la fois au but et au bout se trompent ; le but n'est pas au bout. La loi du 31 mai modifiée de manière à rétablir comme électeurs un million ou quinze cent mille paysans en continuant de laisser en dehors un million ou quinze cent mille vagabonds et mauvais sujets des villes, voilà le juste milieu où est le but, si on finit par se rencontrer là, à la bonne heure. Sinon tout le monde ira à tous les diables. Je serais étonné que M. Billaut ne trouvât pas moyen d'accepter. Il est intelligent et ambitieux. Il ne trouvera pas une aussi bonne occasion de jouer un rôle, à la vérité je ne sais pas quelles conditions le Président lui fait. Je ne sais pas non plus s'il est lui-même hardi. Il pouvait l'être bien à son aise contre moi. Aujourd'hui, c’est plus hasardeux, et il faut l'être réellement.
Je suis charmé que le comte Bual quitte Londres dès que Kossuth y paraîtra si Brünnow et Bunsen, en faisaient autant, ce serait encore mieux, et leurs maîtres devraient le leur faire faire. C’est un moyen fort simple et sans danger de faire sentir à l’Angleterre le vice de la politique de Palmerston. Pas de guerre, pas même de rupture. On ne veut pas que les peuples souffrent de la faute du Foreign office de Londres ; la paix, et le commerce continuant ; mais les gouvernements du continent témoignant publiquement au Foreign office leur blâme et leur froideur. Cette conduite, unanime et soutenue finirait par faire effet. Pourquoi votre Empereur ne pense-t-il pas à cela ? C’est à Kossuth qu’il a fait la guerre. Le manque d’écarts s'adresse à lui presque autant qu’à l'Empereur d’Autriche, et on ne se fait faute de le dire tout haut.
J’attends impatiemment votre lettre d’aujourd’hui à cause de la consultation. C'est Chomel seul qui vient vous voir, n'est-ce pas ; et c'est Oliffe qui lui rend compte ?

Onze heure
L’avis de Chomel me prouve qu’il est tout à fait dans inquiétude, seulement, il vous trouve l'estomac fatigué et il veut le laisser reposer sans l'affadir. Les artichauts sont faciles à digérer et pourtant un peu excitants. Conformez-vous à son avis. C’est tout bonnement la diète. Vous vous apercevrez bientôt de l'effet. Adieu, Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer. Mercredi 23 Juillet 1851

Que signifient ces nouvelles entraves apportées à la libre circulation des Russes en Europe ? Nécessité de rentrer en Russie tous les deux ans au lieu des cinq, accroissement des frais de passeport & &. Vous voyez que je lis mes journaux attentivement. Est-ce de la politique ou de la pure finance ? Vos fils en seront fort importunés.
Vous ne lisez pas le Pays, le journal de M. de Lamartine. Il vous amuserait par ses Hymnes en l’honneur de la discussion sur la révision, et par son désespoir hypocrite de n'avoir pas pu y prendre place. J'imagine que tous ceux qui crient si fort à présent contre la brusque clôture du débat, ont été charmés d'être dispensés de parler. La situation n’était pas commode pour ceux qui n'ont envie de se commettre, ni pour, ni contre le Président. Je ne vois pas encore clair dans le mois d'Octobre prochain, la question recommencera-t-elle ? Personne ne me paraît décidé. Cela dépendra beaucoup de l’attitude des conseils généraux qui vont se réunir à la fin d'août. S'ils étaient tous comme ceux des départements qui m'environnent, ils ne feraient pas grand effort pour ramener la révision sur l'eau.
Tous ces Princes Allemands qui vous servent de gardes du corps ne vous disent-ils rien des affaires d'Allemagne, et de la diète de Francfort. Pure curiosité d'artiste, car il ne viendra de là aucun évènement ; mais la question de l’entrée de toute l’Autriche dans la confédération m'intéresse. J’ai envie de savoir ce que vous en voulez au fond. Et puis les affaires d'Italie sont à mon avis, les seules interminables en Europe et toujours menaçantes ; il y a là des hommes qui ne peuvent ni réussir, ni renoncer. On m’écrit que le gouvernement piémontais, malgré ses complaisances, ne parvient pas à en avoir assez pour les mazziniens, et commence lui-même à en être excédé. Votre dépêche aux Etats italiens vos amis était bien vraie. Et il est bien vrai que lecture en a été donnée à Londres et à Paris.
On, c’est-à-dire M. Berger, se donne bien du mouvement à Paris pour faire un peu de bruit de la fête qu'on veut donner à l’industrie universelle. Je trouve cela pitoyable. L’hôtel de ville est très beau ; mais même là, un dîner de chevet ne sera pas un rival suffisant du Palais de cristal. Un journal prétend que le Prince Albert y viendra. Je ne puis pas le croire.

10 heures
Mes lettres m'arrivent aujourd'hui avant mes journaux. Je n'aurai les journaux que dans deux heures. Je n'ai de nouvelles de personne. Vous avez bien raison avec Marion, pour les courses comme pour le jeu, drôle de fille. Je m'étonne quelques fois qu’il n’arrive pas plus d'aventures aux Anglaises qui en courent tant. Adieu, Adieu. Je vous quitte pour ma toilette. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Samedi 25 octobre 1851

Vous n'aurez aujourd’hui que quelques lignes. Je pars après déjeuner pour Falaise où l’on me donne un dîner choisi ; et demain Guillaume le conquérant. Il faut que je me promène ce matin dans mon jardin pour arranger mon discours, car à Falaise je n'aurai pas un moment de loisir. Vous avez bien mal traité la statue du Roi ; on m'a dit qu'elle est belle. Je suis décidé à la trouver.
La Dauphine me revient toujours depuis hier. Deux choses me touchent également ; la grandeur vertueuse, et malheureuse ; la vertu et le malheur dans une condition pauvre et obscure. Dit-on si elle a regretté de mourir, et si elle espérait beaucoup revoir en France son neveu, et aller elle-même à Saint Denis ? Je ne puis pas ne pas être sûr qu'on fera à Claremont tout ce qui convient. Je suppose qu’à Paris toute la société monarchique prendra le deuil, indistinctement.
Voilà l’arrêt au Conseil de Guerre de Lyon confirmé par le Conseil de révision et la double fermeté du Président mise à l’épreuve. Enverra-t-il à Noukahiva, M. Genti et ses complices ? Adieu.
Je vais me promener. Onze heures Je suis bien impatient de la réponse de Pétersbourg. J’espère qu'elle sera bonne et qu'elle calmera un peu vos nerfs. Que devient la lettre que le duc de Noailles devait m'écrire le lendemain ? Soyez tranquille sur Falaise. Adieu, Adieu.
Je vous écrirai demain de Falaise. Je reviendrai ici lundi matin, de bonne heure. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, 9 novembre 1849
7 heures

Je vous ai dit hier tout de suite que mes lettres m’engageaient plutôt à revenir bientôt. Je suis charmé que Sainte-Aulaire et le duc de Noailles soit de cet avis, vers la fin de la semaine prochaine, nous serons réunis. Je ne puis fixer encore un jour précis. Je vous répète ce que je vous ai déjà dit hier, pour le plaisir de me le redire à moi-même. Ceux qui m’écrivent croient à une halle dans la station actuelle. Et ils la désirent. Personne n’a envie de fondre la cloche. Le Président est évidemment le plus décidé. C’est sa force. Voici ce qu’on me dit de Thiers, de visu (vous savez ce latin là) : " Très inquiet et très perplexe. Il prétend que, si le Président. veut tenter un coup d’Etat, l’assemblée résistera, et aura l’armée pour la défendre. Cela paraît fort douteux. Et d'ailleurs que ferait l'assemblée de sa victoire ? Au fond M. Thiers commence à avoir le sentiment de son impuissance, et il en est très humilié. Pour l'avenir, il en est toujours au même point. Il ne se dissimule aucune des difficultés de la régence ; mais il ne veut que cela. Il paraît plus décidé que jamais contre la fusion, et ce qu’on appelle la conciliation des deux branches. " On tient le refus de Rayneval pour certain et on parle de Lagrené. Je suis bien aise que vous ayez fait connaissance avec le général Changarnier. Vos nouvelles d’Espagne me déplaisent bien. Elles sont de bonne source. Tout est possible là, et la mauvaise santé de Narvaez peut lui ôter de l’entrain. Je ne sais si je vous ai dit que j’ai été frappé du ton, non pas découragé mais un peu abattu de la lettre que j’ai reçue de lui il y a quelques semaines. Si la petite Reine prend le mors aux dents, Dieu sait où elle ira. Savez-vous ce que prouve (si le fait est vrai) le retour de la presse Anglaise à Lord Palmerston ? Qu'on le sait aux prises, et seul aux prises avec vous. Je vous ai envoyé un extrait d’une lettre remarquable de Londres, où l’on me disait que l’incident Turc avait montré combien peu de fond il fallait faire sur le concours de la république française. Le public anglais, et la presse anglaise. la grande, soutiendront toujours un ministre engagé ; et engagé seul, dans une telle lutte. Ils le soutiendront sans crainte, car évidemment la guerre n’est pas au bout de cette lutte-là. Mais c'est une question d'influence, de dignité. On ne livrera pas Palmerston sur une telle question. On l’appuiera. Et au fond d'ailleurs, dés que cela devient un peu sérieux, l’Angle terre est infiniment moins russe que la France. Je dis l'Angleterre, le public anglais. M. Jaubert est donc redevenu votre voisin. Faîtes lui, je vous en prie, mes amitiés quand vous le verrez. Il n'y a pas un homme plus sincère, plus honnête, ni plus courageux. Je le pensais quand nous étions brouillés comme quand nous étions amis. Et j'ai toujours trouvé absurde que nous fussions brouillés. Il y a quelques personnes avec qui je serai charmé de n'être plus officiellement. brouillé. Madame de la Redorte par exemple. Je prenais plaisir à causer avec elle pour la contredire. J’espère qu’à présent, nous serons souvent du même avis.

Onze heures et demie
Merci, merci, Tout ce que je reçois me confirme dans mes projets. Adieu, adieu. Adieu. G.
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