Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


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Auteurs : Ségur, Philippe de (1780-1873)

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)

Auteurs : Lenormant, Amélie (1803-1893)

Auteurs : Mirbel, Lizinska Aimée Zoé de (1796-1849)

Auteurs : Duchâtel, Tanneguy (1803-1867)

Auteurs : Lenormant, Amélie (1803-1893)

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)

Auteurs : Veuillot, Louis (1813-1883)

Auteurs : Veuillot, Louis (1813-1883)

Auteurs : Mirbel, Lizinska Aimée Zoé de (1796-1849)

Auteurs : Lenormant, Amélie (1803-1893)

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)

Auteurs : Vitet, Louis, dit Ludovic (1802-1873)

Auteurs : Lenormant, Charles (1802-1859)

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)

Auteurs : Beaupoil, comte de Saint-Aulaire, Louis-Clair de (1778-1854)

Auteurs : Whewell, William (1794-1866)

Auteurs : Mirbel, Lizinska Aimée Zoé de (1796-1849)

Auteurs : Noailles, Paul de (1802-1885)

Auteurs : Mirbel, Lizinska Aimée Zoé de (1796-1849)

Auteurs : Lemoine, John Emile (1815-1892)
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J'ai bien regretté, Monsieur, d'avoir quitté l'Angleterre au moment où vous y arrivait la nouvelle de votre délivrance. J'aurais voulu être des premiers à vous féliciter, et assister à la joie que ce souffle venu de la patrie a dû répandre autour de votre foyer. Cette petite cage mélodieuse de Brompton où gazouillaient dès l'aurore vos chers oiseaux doit se réveiller plus matinal encore et plus joyeuse depuis qu'elle n'est plus suspendue aux saules de l'exil [...].
Vous m'avez toujours permis d'être vrai devant vous ; je dirai donc que je crains qu'à notre tour nous ne jouions en ce moment le jeu de la force et du hasard. Je vois presque tout notre parti engagé dans cette voie et je ne sais où elle nous mène. Vous m'avez dit que vous vouliez user du privilège de la proscription ; tout ce qui se fait ici vous donne raison et ne peut que vous engager à vous réserver. Je ne puis m'empêcher de prévoir le jour où, avec l'esprit et avec la liberté, vous serez appelé à combattre ce parti de matérialistes et de soldats qui vont nous entraîner à sa suite. Pour moi, j'ai aussi mon privilège, celui de l'obscurité ; et j'en use pour m'abstenir.
Si je voyais distinctement la vérité, je ne m'abstiendrais pas. Mais dans ce désordre universel, je ne vois que le mal, et si j'entrevois le bien, c'est encore à travers le mal. J'attends la lumière.
Ce que je sais le mieux, et ce dont vous ne doutez pas, c'est que nul n'a plus que moi partagé le bonheur qu'a dû vous causer la fin de votre exil. Veuillez en recevoir encore, et pour vous, et pour tout ce qui respire, prie, et travaille autour de vous, mes félicitations les plus sincères avec l'hommage de mon dévouement et de mon respect.

Auteurs : Mirbel, Lizinska Aimée Zoé de (1796-1849)

Auteurs : Mirbel, Lizinska Aimée Zoé de (1796-1849)

Auteurs : Lenormant, Amélie (1803-1893)

Auteurs : Louis-Philippe 1er (1773-1850)

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)

Auteurs : Lenormant, Amélie (1803-1893)

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton Vendredi 24 nov. 1848
Midi

Je sais bien ce que je vous dirais si je répondais à votre reproche que je puis passer quinze jours sans vous voir. Mais je ne veux pas vous le dire. Je vous aime trop pour sentir le besoin d'avoir toujours le dernier avec vous surtout quand vous vous plaignez de ne pas me voir assez. Voici m’a proposition. Je m’arrangerai en allant vous voir mardi, pour passer avec vous le mercredi, et ne revenir à Brompton que jeudi matin. Cela vous convient-il ?
J’ai enfin terminé mon travail. M. Lemoinne que j'ai retenu, l'emportera dimanche à Paris. Je vous l'apporterai mardi.
Je crains bien que ce que vous me dites de ce pauvre Rossi ne soit pas vrai, et qu’il ne soit bien réellement mort. Le Morning Chronicle dit le savoir de son correspondant à Rome comme de Paris. M. Libri, qui sort de chez moi, me disait que le Comte Pepoli arrivé ces jours-ci de Rome, lui avait dit que Rossi réussissait et réussirait plus qu'on n'avait espéré. C'est pour cela qu’ils l’ont tué. Les révolutions de ce temps-ci sont stupides, et féroces. Elles tuent les hommes distingués, et n'en créent point. M. Libri a reçu ces jours-ci une lettre de sa mère qui lui écrit : « Il se prépare dans les états romains des choses abominables. » On s'attend à des massacres dans les Légations. Je veux encore espérer que Rossi n’est pas mort ; mais je n'y réussis pas. Sa mort m’attriste plus peut-être qu'au premier moment. Ce n'était pas vraiment un ami ; mais c'était un compagnon. Nous avons beaucoup causé dans notre vie. Il me trouvait quelquefois compromettant. Moi, je le trouvais timide. Il est mort au service de la bonne cause. Nous nous serions repris très naturellement, si nous nous étions retrouvés.
J’ai dîné hier chez Reeve, avec Lord Clarendon, que je n’avais pas encore vu. Bien vieilli sans cesser d'avoir l’air jeune. Un vieux jeune homme. Toujours aimable, et fort sensé sur la politique générale de l’Europe. Il était presque aussi content que moi du vote de l'Assemblée de Francfort contre l'Assemblée de Berlin. Il me semble que ce vote doit donner de la force au Roi de Prusse, s’il peut en prendre. Lord Clarendon, est très occupé de l'Irlande et la raconte beaucoup. Il y retourne sous peu de jours. Nous avons parlé de tout, même de l'Espagne. Il s'est presque félicité qu'elle fût restée calme et Narvaez debout. J’ai très bien parlé de Narvaez. Et même de la reine Christine. Il n'a pas trop dit non. Ils ont tous l'oreille basse du côté de l'Espagne. Clarendon est allé à Richmond et parle bien du Roi.
Je dîne Lundi chez Lady Granville. Partout Charles Greville, de plus en plus sourd. Et sans nouvelles. Voici vos deux lettres. L’une très sensée. L’autre assez amusante. Moi qui n’ai pas grande opinion de la tête de M. Molé, j’ai peine à croire à son radotage auprès de Mad. Kalorgis. Est-ce qu'elle est revenue à Paris du gré de l'Empereur, et pour le tenir au courant de grands hommes ? La séance de l'Assemblée nationale sera curieuse demain. Ils s’entretueront. Mais Cavaignac seul a quelque chose à perdre. Ce qui l'a provoqué à provoquer cette explication. La lettre de MM. Garnier-Pagès, Ducler & & est une intrigue pour remettre à flot M. de Lamartine et le porter à la Présidence à la place de Cavaignac décrié. Adieu. Adieu. Je suis bien aise que vous n’ayez plus miss Gibbons sur vos nerfs. Adieu. G.

Auteurs : Austin, Sarah (1793-1867)

Auteurs : Lenormant, Amélie (1803-1893)

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton. Jeudi 23 nov. 1848

Voici une immense et curieuse lettre de Paris. J'en ai retranché deux feuillets qui n'étaient relatifs qu’à des affaires personnelles, maisons, vins, Calvados &. Je vous envoie tout ce qui est intéressant : la dernière page retranchée dit à la fin. " Lundi 20 nov. On m’apporte la lettre que vous m'avez écrite le 17. Vous avez parfaitement compris l’article des Débats, une impertinence à réprimer ; le ressentiment de la liberté qu’on avait prise de disposer, sans dire gare, de toute le parti modéré ; une rouerie à déjouer ; une position pour l'avenir. Il y a eu de tout cela ; et lorsque j'ai lu tout à l'heure à Bertin ce passage de votre lettre, il a ..." Le reste sur les feuillets que je vous envoie. Renvoyez-moi, je vous prie, dès que vous les aurez lus. Je veux répondre par ma prochaine occasion. C’est bien fin. Mais l'encre est un peu plus noire.
Merci de la lettre du duc de Noailles. Je vous la renverrai demain. Je veux la relire, et je suis pressé ce matin. J’apporterai mardi tout ce que vous me prescrivez. Je ne regrette pas, Miss Gibbons pour vous. Nous trouverons bien l’équivalent quand il le faudra absolument. Je vous ai dit hier mon impression sur Berlin. Bien d'accord avec la vôtre. Je ne m'étonne pas du galimatias du Prince de Metternich. C'est l'Allemagne. Il a respiré cela toute sa vie. Ce qui est de lui, c’est le bon jugement.
Je n’ai pas encore mes journaux français. Adieu. Adieu. J’aimerais mieux dire à demain qu'à mardi. J'ai beaucoup à vous dire. Adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton jeudi le 23 Novembre 1848

J'ai eu deux lettres, hier soir, & ce matin. Je suis renvoyée à Mardi. C’est bien long, mais puisque vous pouvez rester si longtemps sans me voir. Il faudra bien que je le puisse. Cela fera quinze jours ! Marion a reçu plusieurs lettres de Paris. Je vous en envoie une, renvoyez la moi.
Mad. Roger écrit aussi. Bien choquée des Normanby qui ont donné leur premières soirées depuis un an, le jour de la proclamation de la Constitution. Cela a fait que personne n’a voulu y aller. Ils se sont divertis avec les Marast & C°. Mad. Royer très contre Cavaignac. Bonapartiste sans enthousiasme ; dégoutée, triste de tout. Et moi aussi. Les Neumann & Koller sont ici aujourd’hui. Je les verrai sans doute. Je ne puis m’empêcher de croire que Miss Gibbons est un peu folle. Elle est dehors, c’est fini depuis hier, elle ne me manque encore que par le plaisir que j'éprouve à ne plus subir les attaques de son humeur. C'est comme cela que j’y pense.
Les nouvelles de Berlin sont assez bonnes. Le corps diplomatique y est revenu. Depuis mars. il habitait Potsdam. Mais Potsdam même est devenu un peu mauvais, ce qui fait que la famille royale s’est fortifié dans le vieux château. Ordinairement chacun des prince demeurait dans sa maison de plaisance, & le Roi à Sans souci.
8 heures
Tansky écrit que Mad. Kalergis est de retour à Paris. Molé a couru chez elle. Amoureux fou, et voulant l'épouser. Tout Paris en parle. Thiers le rival, mais pas pour épouser. Les chances égales pour Cavaignac et Bonaparte. Mais on s'anime beaucoup dans les salons, on s’aborde avec le nom du candidat dans quinze jours on le battra et on se tuera. Marseille et environs. Tout pour Cavaignac. Le télégraphe dit que Rossi ne mourra pas des coups de poignard. Dans le nord de la France, on crie beaucoup vive l’Empereur. C’est aujourd’hui la St Clément je ne l’ai appris que tard j’ai été faire ma politesse. Longue visite de Neumann mais rien de nouveau. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton mercredi le 22 Nov. 1848

Toujours la soirée chez la Duchesse de Glocester. Bonne excellente femme. A propos elle m’a dit hier, que la première fois que vous viendrez elle serait charmée que vous lui fissiez visite. Comme à cette époque, la duchesse de Cambridge sera également ici. Je me figure qu’il est possible qu'on vous prie pour la soirée. Apportez donc votre col blanc et le reste, un [ ?] Apportez aussi votre toison au cou. Je vous dirai pourquoi. Miss Gibbon me quitte aujourd’hui. Tout à coup, pan, sans donner une raison. Je ne la demande pas. Elle m’a fait dire cela par Marion. Une étrange personne, que je ne regretterai pas. Maintenant où trouver le remplaçant ? Ici je puis presque m'en passer, mais à Londres impossible. J’y suis trop seule & trop tristement logée.
Comme l’Allemagne se brouille. Lisez donc l’article Francfort dans le Times d’aujourd’hui. Quel tableau Bass [?] a fait de Berlin dans son rapport à l’Assemblée de Francfort. Je viens de voir Metternich impayable, et cependant sensé. Pédant galimatias mais vraiment drôle. La société se compose d’individus. L’année se divise en quatre saisons. C'est le développement de tout cela. La politique a les même phases que l'année. Enfin, enfin Nicolas Pahlen est ici, aussi au Bedford, avec Lord [Elincare].

7 heures Votre lettre d'hier ne m’est pas arrivée encore. C’est long. Voici le Duc de Noailles. Renvoyez le moi, & puis vous me direz ce qu'il faut que je réponde. J'ai envie de dire que je ne sais pas pour qui vous voteriez, mais que je sais pour qui vous ne voteriez pas Cavaignac. Adieu. Adieu, & adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton-Mercredi 22 Nov. 1848
Midi

Je suis toujours sans nouvelles de Paris à vous envoyer. Il est impossible que je n’en aie pas bientôt. Je sais que Duchâtel n'en a pas davantage. Je crois qu’il viendra dîner aujourd'hui avec moi. Je viens de recevoir un billet de Lady Lovelace qui me presse d’aller les voir dans le Surrey. Dumon y va. Comme de raison, je refuse. Je ne veux plus aller nulle part avant Noël, où j'irai passer quelques jours chez Sir John Boileau.
J’irai vous voir Mardi. J'aurai complétement terminé ce que j'écris. M. Lemoinne emportera, le manuscrit à Paris pour que le Duc de Broglie, le lise. Je l’apporterai mardi à Brighton. Je vous en lirai quelques fragments après l'élection du Président, quelle qu’elle soit, et à moins qu'on n'en vienne immédiatement aux mains, il y aura un moment opportun pour la publication. Les chances vont croissant pour Louis Bonaparte. C'est la conviction des Débats qui sont croyables sur ce point.
Je suis de plus en plus inquiet de Berlin mais pas étonné que de Francfort, on abandonne le Roi de Prusse après l'avoir poussé. C’est exactement ce qui arrivait en 1790 et 91 avec le pauvre Louis XVI. Du dedans et du dehors, on l'excitait, on le compromettait ; puis on ne le soutenait pas. Berlin ressemble extrêmement à notre première révolution. La Cour et la nation. Les idées et les façons d'agir. Et je crains que le Roi de Prusse, qui a plus d’esprit, n'ait encore moins de courage, et n'inspire encore moins de confiance que Louis XVI. Moralement, à coup sûr, il ne le vaut pas. Ni politiquement peut-être. Il y a là de plus l'ambition de la Prusse qui veut prendre l'Allemagne C’est vraiment là l’incendie. Le rétablissement même de l’ordre en France ne l'éteindrait pas. Mais il donnerait bien de la force pour le combattre.
Je suis vraiment triste du bruit qui est venu de Rome sur M. Rossi. Je cherche et ne trouve nulle part des détails. On dit que l'ordre n’a pas été troublé. Mais Rossi lui-même qu'est-il devenu sous ce coup de poignard pauvre homme? Quelle surprise pour lui et pour moi si, quand je l’ai envoyé à Rome, tout cet avenir s’était dévoilé devant nous ! J'espère que l’assassin a manqué son coup. Ce n'est peut-être pas vrai du tout. Il manque bien les choses à M. Rossi. Le cœur n'est ni tendre, ni grand. Mais l’esprit est supérieur ; si juste, si fin, si actif dans son indolence apparente, si prompt, si étendu ! Des vues générales et un savoir faire infini. Très inférieur à Colettis par le caractère et l’empire. J’ai pleuré Colettis. Il m’aimait et je l’aimais. Je regretterai M. Rossi, si le fait est vrai, comme un allié utile et un homme très distingué. L’un et l’autre est rare. Il ne m’a pas donné signe de vie depuis Février. On me disait, il y a quelque temps, qu’il disait qu'il ne retournerait jamais en France. S'il a été assassiné, c’est que le parti révolutionnaire de Rome, le considérait comme un obstacle, sérieux. Ce serait un honneur pour son nom.
J’ai vu hier Charles Greville à dîner, chez le Baron Parke. Il ne savait rien. Parlant toujours très mal des affaires de Sicile. Le Roi de Naples me paraît décidé à laisser trainer cette médiation anglo-française, comme on fait à Milan. On se rejoint ici de la nomination à peu près certaine, du Général Taylor comme président aux Etats-Unis. Cass est très anti- anglais.
Puisque vous prenez votre dame assez à cœur pour en être malade, vous ferez bien de vous en débarrasser, à Brighton, tel que Brighton est à présent, vous pouvez vous en passer. Il y aura tel lieu et tel moment où même cette maussade personne vous manquera. Mais après tout, vous en trouverez une autre. Nous aurons le temps de chercher. Marion vous a-t-elle reparlé ? Adieu. Adieu.
Mardi est bien loin. Je ne puis vraiment pas plutôt. Je suis très pressé. Par toutes sortes de motifs. Adieu. G.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton, mardi 21 Nov. 1848
2 heures

J’arrive et je trouve vos deux lettres. J’aime toutes vos lettres, humeur ou non. Soyez tranquille ; il y a dans celle d’hier autant d'humeur que vous en avez voulu. Je ne voudrais pas qu’il y en eût davantage. Je reconnais ma faute. J’ai écrit lundi au lieu de mardi. Car je n’ai pensé qu'à mardi. Je n'aurais pu partir plutôt sans blesser Sir Robert qui avait évidemment envie de me garder. Et j'aurais eu à regretter si j'étais parti lundi, car j’ai eu hier lundi avec Sir Robert, deux excellentes conversations, le matin à la promenade, le soir dans la bibliothèque, près de deux heures chacune, sur nos affaires futures en France et sur les affaires générales de l’Europe. Y compris Lord Palmerston. Ceci soit dit pour dissiper votre humeur. Vraiment excellentes conversations, par le fond des choses et par le ton d’amitié. Point démocrate pour la France. Encore moins pour l'Allemagne. Très inquiet de la démocratie allemande. Très favorable à nos vues pour l'avenir de la France. Plus enclin à croire à la Régence et au comte de Paris. Très mécontent de la politique extérieure anglaise. Je doute fort qu'il l’attaque lui-même ; mais il trouvera bon que ses amis l’attaquent. En résultat, je suis bien aise d’avoir fait cette visite. Elle peut devenir le commencement, non pas d’une intimité, il n'y a pas d’intimité là, mais de relations vraiment amicales et confiantes.
Je ne trouve rien de Paris. Je viens de voir un homme qui en arrive. L’élection de Louis Bonaparte est toujours la plus probable de beaucoup. Mais dans tous les cas, et quelque soit l’élu, on se battra après l'élection. Je mets assez d'importance à ce qu’écrit Tanski. Thiers vice-président &. Cela commencerait fort à m'expliquer les Débats. S’ils ne croient pas au désintéressement bonapartiste de Thiers, leur attitude est concevable. J’aurai certainement des détails bientôt. Je les ai formellement demandés à Génie par une lettre qu’il a eue avant-hier. Son silence me fait croire qu’il a des choses assez délicates à me dire et qu’il attend une occasion sure. Je vais écrire à Richmond ce que vous me dîtes de Lord Holland. Je pense comme vous qu’ils devraient accepter. Tout le monde va beaucoup mieux à Richmond. Adieu. Adieu.
Je ne vous dis rien aujourd’hui de ma prochaine visite. Je n'en sais pas encore le jour. Cela me plaît d'être revenu plus près. Jamais assez près. Depuis bien longtemps. Adieu G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton Mardi le 21 Novembre
8 heures du soir.

Lady Palmerston et lord Beauvale m’écrivent tous les deux, deux mots seulement pour me dire que Lord Melbourne est mourant. Ils me font entendre que sa tête est partie. Tous deux fort tristes. J'espère que de Londres vous m’appendrez quelque chose sur Paris, car à Drayton vous n’avez sans doute pas reçu de lettres. Ce que j’apprends de sources peu importantes. C'est que Louis Bonaparte a toujours le plus de chances. Je voudrais bien que ce fut vrai. Moi je n'ai rien de nulle part. C'est bien curieux Berlin ! Batterman envoyé de Francfort pour pousser le Roi à tout ce qu’il vient de faire, et maintenant Francfort tournant contre lui, et l’invitant à la reculade. J'ai des tracas chez moi, impossible de tenir avec ma dame. C’est très ennuyeux. Mais vraiment elle me rend malade, & cela ne vaut pas la peine. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton lundi 20 novembre 1848
8 h. du soir.

Votre esprit a été atteint de distraction à Drayton. Vous m'écriviez samedi. " Je repartirai lundi à 9 h. pour être à Londres à 2 h." Bon, je vous adresse ma lettre d’hier soir à Londres. c'est clair. Dimanche vous m'écrivez " Je pars après demain Mardi à 9 h. du matin." Permettez-moi de ne pas trouver cela si bon. Un tour car il n’y a pas de ma faute si ma lettre d'hier n’est pas allée vous chercher à Drayton. Puisque vous étiez distrait vous ne l'aurez peut-être pas remarquée. Voilà votre paquet fait.
Je n’ai pas de nouvelles du tout à vous dire. Lord Holland est venu me prier de vous faire l’explication suivante. Il croit, que le Roi refuse Holland house par délicatesse et pour ne pas se trouver dans des obligations envers lui. Or lord Holland est prêt à dire qu'il loue son château au Roi, en même temps il ne veut pas qu'il le lui paye. Il veut l'honneur de lui avoir rendu ce très petit service, car décidément d'ici au mois de Mars, il ne l'habiterait dans aucun cas, il croit que nulle part le Roi ne serait mieux. Ce qui est vrai. Et si au bout de tout ce temps le roi lui donnait son portrait pour Holland house, il serait comblé. Voilà le message fait. Eh bien, je ne vois pas pourquoi il n’accepterait pas. Encore une fois Holland dira qu'il l'a loué.
Il y a une forte tempête aujourd’hui, je n’ai presque pas pu marcher du tout. J’attendrai avec impatience vos nouvelles de Londres. Vous saurez quelque chose de Paris. Berlin traîne. On dit à présent qu'on s'arrange, je ne vois pas bien comment. Adieu, J’espère que je vous ai montré de l’humeur, c'est bien mon intention. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Drayton Manor Lundi 20 nov. 1848
Midi

Je viens de laisser partir Sir Robert, Montebello et Dumon qui vont voir des travaux de drainage. Peu vous importe de savoir ce que c’est. Dumon prétend que, dès qu’il aura cessé d'être un grand criminel, il ne veut plus être qu’un fermier. Moi qui suis décidé à rester toute ma vie un grand criminel, après comme avant mon procès, je ne me donne pas la peine d'apprendre l'agriculture. Je n’ai rien à vous dire.
Aujourd’hui ni lettres, ni journaux. Bonne conversation hier, soir avec Sir Robert, sur la politique intérieure comparée de nos deux pays. Je le laisserai certainement comprenant un peu mieux les choses et bien disposé pour les personnes. Je crois que, si je le voyais un peu longtemps, je gagnerais tout-à-fait son cœur. Nature honnête, réservée, shy, susceptible, très famille, et vie intérieure, esprit et corps toujours actifs. Lady Peel dit qu'il ne dort point, et qu’elle ne l’a jamais vu fatigué, de corps, ni d’esprit, assez sourd, ce qui contribue à sa disposition solitaire. Très heureux, et blessé de ce qui dérange son bonheur. Ne demandant à la politique extérieure que de ne pas déranger celui de l’Angleterre.
Je serai à Brompton demain à 3 heures. On voulait que je ne partisse d'ici que par le train d'une heure. Les Mahon, Dumon et Montebello s’en vont par ce train-là. Mais j’ai promis de dîner demain chez le baron Parke, chief justice. Il faut que j’arrive à temps. Je vous écrirai deux lignes en arrivant. Et puis je vous dirai à quand ma prochaine visite. J’aurai bien à faire d’ici à six semaines. Je vous dirai pourquoi. Je crois vous l’avoir déjà dit. Une nouvelle édition de deux premiers volumes de mon histoire de la révolution d'Angleterre. Une nouvelle préface. 20 000 fr. qui me viendront fort à propos. Sans compter ce que je viens d'écrire et où je veux retoucher. Je placerai pourtant bien Brighton dans tout cela. Adieu. Adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton Dimanche le19 Novembre 1848

Votre lettre de Drayton d'hier matin, m’est arrivée hier soir. C’est être très bien servi. Je suis charmée que vous abrégiez d'un jour ; je l’espérais. Cette lettre va donc vous attendre à Londres. Quand vous me direz le jour où vous voulez penser à Brighton, souvenez-vous que Lundi le 27 je ne serai pas libre le soir, car c'est un jour de fête dans la famille royale.
Andrieu est arrivé et demeure aussi au Bedford. Je le verrai sûrement. On dit que l'Angleterre l'ennuie à périr. Kielmannsegge me dit que Bruxelles est choisi pour le lieu des conférences italiennes. Le plénipotentiaire anglais est Lord Minto !! Et le Français Toqueville. Je ne sais qui sera l’Autrichien et l’Italien. Je trouve assez étrange ce choix de Bruxelles. Dans toute autre résidence il y aurait un ministre de Russie, qui pourrait prendre une part officieuse aux conférences. Là il n'y en a point. Il est possible que cela ait fait pour Palmerston un motif de préférer Bruxelles. Au reste je n’attache aucune valeur à ce congrès. C'est de la pure comédie. Il n’aboutira pas. C’est bien gros d’avoir fusillé Bluhen à Vienne. Comment Francfort s'arrangera-t-il de cela ? A Berlin la conduite n’est pas assez énergique, ou bien elle l’a été trop. Comment laisser siéger l'Assemblée ?
J’ai vu hier un Rothschild Antony, il pense très mal de Berlin, & dit que rien ne pourra aller tant qu’il y aura le roi. A Paris l'on commence à croire que ce sera Cavaignac qui l’emportera, et on accuse entre autre le journal des Débats. Rothschild est convaincu qu'on lui a donné de l’argent. Un bel ami que vous avez là. Les propos de Beaumont de viennent beaucoup plus républicains et surtout Cavaignac. Voilà tous mes commérages.
Hier les Hollands chez la Duchesse de Glocester, c'était un peu plus animé que de coutume. On dit que Melboune est fini par la tête. Cela c’est bien triste. J’ai écrit à Lady Palmerston pour avoir de ses nouvelles. En attendant son fils William se marie après demain.
8 heures. Andrin est venu mécontent de Berlin, de ce que le gouvernement n’a pas assez de courage. Très content de Vienne. Disputant un sur Bluhen. Rien de nouveau. Tansky écrit en date du 17 que les chances sont toujours pour Bonaparte. Thiers sera bien président, Barrot à l’Intérieur, Bugeaud gouverneur de Paris et de toutes les troupes aux environs. Drouyn de Lhuis affaires étrangères. Walesky ambassadeur à Londres.
On fait beaucoup la cour à Jérome. Les grandes dames y vont. Madame de la Redorte joue. La duchesse de Mont[?] elle ne veut pas rencontrer les dames du nouveau régime. Mad Roger Ditto Mad. Thiers approuve. Tout cela est fort amusant. Tansky n’explique pas le journal des Débats. Quand me l’expliquerez-vous ? Adieu. Adieu.

Auteurs : Billing, ? (?-?)

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton Samedi 18 Novembre 1848
9 heures

Je vous écris de bonne heure afin que cette lettre parte de Londres encore aujourd’hui. Merci de vos nouvelles de Richmond. J’étais sûre que les gestes de la Duchesse d’Orléans ne pouvaient pas plaire au roi. En général la chute royale me parait avoir porté une rude atteinte à l’harmonie dans l’intérieur ; plus de subordination et de tristes découvertes. Soyez tranquille sur vos confidences. Voici la lettre de Stutgard assez curieuse. A propos, le Roi de Hanovre n’entend pas du tout se soumettre à la Prusse si elle devenait omnipotente. Il dit que le Hanovre a toujours été l’allié respectueux de l'Autriche & qu'il le restera.
J’ai vu hier Mme Lamb au moment où elle montait en voiture pour se rendre à Broket hall, les nouvelles du matin lui aprenant que Lord Melbourne était à l’extrémité. Beauvale va mieux, les Palmerston, sont là. Rien, rien de Brighton. La Duchesse de Glocester hésitait à recevoir le soir Lady Holland à cause des commérages. Cela affligeait la petite beaucoup, j’ai un peu arrangé cela, elle sera reçue ce soir. Au fait elle me fait de la peine ; évidemment elle est malheureuse dans son intéressée, et elle a assez d'esprit pour craindre & pour voir que la société ne lui fasse sentir quelque dédain. Elle persiste à trouver que le seul remède est de rester en Angleterre, c’est possible. Il faut braver la tempête.
Je voudrais être à Drayton. J’ai des regrets. La Présidence m’occupe sans relâche. Comme je suis curieuse des explications qui vous viendront de Paris sur les Débats ! Elles tardent bien. Adieu, adieu. Lundi vous ne pouvez rien recevoir. C’est donc à Mardi à Brompton. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/MF-G-L010_00487.jpg
Drayton-manor. Samedi 18 nov. 1848
5 heures

Nous nous sommes promenés ce matin dans le parc. Nous avons longtemps causé, Sir Robert et moi. Curieuse conversation où il y avait de quoi rire de l'un et de l'autre interlocuteur, si bien que j’en riais en parlant. Nous n'étions tous deux occupés qu’à nous démontrer que nous avions bien fait, lui de briser, à tout risque, le parti conservateur pour réformer la loi des céréales, moi d’ajourner, à tout risque, la réforme électorale pour maintenir le parti conservateur. Et je crois en vérité que nous nous sommes convaincus l’un l'autre. Mais il se fondait surtout sur ce qui est arrivé en Europe " Que serions-nous devenus, au milieu de ce bouleversement si la loi des céréales eût subsisté ? " En sorte que c’est nous qui en tombant lui avons fourni son meilleur argument.
Il me paraît avoir en ce moment une nouvelle idée fixe, c’est l’énormité partout de la « public expenditure. " Cela ne peut pas aller, on ne le supportera pas ; il faut absolument trouver un moyen de réduire, partout, les dépenses de l’armée de la marine d'avoir vraiment le budget de la paix. "Je n’ai pas manqué une si bonne occasion! " Si vous n'étiez pas tombé, si je n'étais pas tombé, cela eût peut-être été possible. La France et l'Angleterre conservatrices et amies, pouvaient se mettre sur le pied de paix, de paix solide et y mettre tout le monde. Mais aujourd’hui, sans vous, sans nous, il n'y a pas moyen. Les révolutions ne désarment pas. On ne désarme pas en présence des révolutions. " Cela lui plaisait. Il ne croit pas au bruit du fils de lord Cottenham. Il écarte la conversation sur ce sujet. Par précaution et par goût. Il n'aime pas cette perspective.
Le dean de Westminster et M. Hallam sont arrivés ce matin. Jarnac ne vient décidément pas. Il est toujours malade. Mon lit était très bon hier soir. Ma Chambre est excellente. Toute la maison est chauffée par un calorifère. Nous nous sommes promenés entre hommes. Lady Peel et Lady Mahon sont allées de leur côté.
Il y a une fille de Lady Peel qui me plaît. Jolie réservée avec intelligence de la vivacité sans mouvement. Je serais étonné qu’elle n’eût pas de l’esprit. Je ne vois pas que le soulèvement de Breslau se confirme. Il paraît que l'exécution de Blum fait beaucoup de bruit à Francfort Le droit est incontestablement du côté du Prince Windisch-Graetz. Reste la question de prudence.

Dimanche 19 nov. 4 heures
Encore une longue promenade à pied, mais pas seul, avec Sir Robert. Lord Mahon, M. Hallam et le dean de Westminster. Conversation purement amusante, mais amicale et animée. Beaucoup de jokes, latins et grecs. Sir Robert m'a mené ce matin au sermon, à Tamworth. Bien aise de me montrer. Il est impossible d'être plus courtois, sincèrement je crois, certainement avec l’intention d'être trouvé courtois, par moi-même, et par tous les témoins. Mais je comprends ceux qui disent que c’est un ermite politique, ne communiquant guères plus avec ses amis qu'avec ses ennemis.
Berlin me préoccupe beaucoup. Je crains que le Roi ne se charge de plus qu'il ne peut porter. Et s’il fait un pas en arrière, il est perdu. Voyez Francfort. Lisez les Débats. La résistance, quand elle devient efficace, effraye même ceux qui l’ont appelée. Ils y poussent et puis ils la repoussent. On ne veut, à aucun prix ; revenir au point de départ. Et on voudrait qu’en se défendant on ne fît de mal à personne. Quel est le plus grand mal, les esprits à l'envers ou les cœurs faibles ? je ne saurais décider. Les deux maux sont énormes.
Je suis bien aise que vous ayez rendu un petit service à Lady Holland. Cela vous dispense des autres. Vous avez bien raison de ne pas vous prêter à ses confidences.
Je n’ai rien de Paris. Je crois vraiment que l'acharnement de la Presse contre Cavaignac ne le serve au lieu de lui nuire. Cependant tout ce qui revient de France, continue d'être favorable à Louis Bonaparte. Parme qui est enfin arrivé hier avec sa femme, a les mêmes renseignements de son beau-frère, Jules de Larteyrie, qui est assez au courant, et qui déteste Louis Bonaparte sans vouloir de Cavaignac. Mad de Larteyrie revient ces jours-ci d'Orlombe. Jarnac la reconduira à Paris. Son mari croit à des coup de fusil, dans les rues de Paris, peu après l'élection, quelle qu’elle soit. La Princesse de Parme à Brighton m'amuse. Certainement votre visite est faite. Vous n’avez plus qu’à attendre. Adieu. Adieu.
Je pars après demain mardi, à 9 heures du matin. Adieu. G.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Drayton manor, Samedi 18 Nov. 1848
9 heures

Je me lève avant 7 heures, pour avoir le temps de vous écrire quelques lignes. La poste est mal arrangée ici : elle part tout à l'heure, à 7 heures et demie puis ce soir à 7 heures. Si je ne vous écrivais pas ce matin, vous n'auriez de mes nouvelles que lundi soir. Je suis partisan de la sainteté du dimanche ; mais je voudrais bien que, là aussi, la sainteté se contentât de la religion, et n'eût pas besoin de la superstition.
Long voyage pour vous. Je l'ai pensé vingt fois, en route. Nous ne sommes arrivés à Farnworth qu'à 7 heures un quart, et à Drayton que quelques minutes avant 3 heures. Sir Robert avait pensé à tout. Son fils m'attendait à Tamworth, et lui devant la poste du Chateau. Beau, grand château, neuf, confortable bien plein. Une belle galerie, et une belle bibliothèque en bas. Une autre belle galerie en haut, que je n’ai pas encore vue. Propriétaire content qui a tout bâti lui-même, et qui en jouit et en fait jouir avec une complaisance contenue son prédécesseur ici était le comte de Leicester, le favori d'Elisabeth. Il a fait abattre la maison du Comte de Leicester. J’ai un bon appartement bed room et dressing room, bien pourvu de tout, et chaud. J'ai assez bien dormi. Nous nous sommes couchés tard, à minuit. Rien que mes deux Collègues, Lord et Lady Mahon, Sir Robert. Lady Peel et trois enfants, deux fils et une fille. Jarnac devait venir. Il est tombé malade avant hier. Lord Aberdeen n'a pas pu venir sitôt. Il viendra du monde aujourd’hui ; hier soir, conversation purement littéraire et historique. Nous parlerons d'autre chose aujourd’hui.
Adieu. Adieu. J’espère bien que j'aurai une lettre aujourd’hui. Nous sommes trop loin. Je répartirai Lundi, à 9 heures, pour être à Londres à 2 heures. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton. Vendredi 17 nov. 1848
Sept heures

Merci de votre aveu sincère. Mais je prie Marion d'être un peu moins charmante dans son bavardage. Je ne pardonne à personne, pas même à elle, de vous donner des distractions. J’ai eu votre lettre hier à 6 heures J’aurai la seconde ce matin.
Claremont va beaucoup mieux. Richmond les guérit tout, y compris la Reine qui, hier matin, pour la première fois, s’est sentie réellement mieux, et l'a dit. Elle a très longtemps refusé de croire à l'empoisonnement par le plomb ; mais, quand elle y a cru, elle s’est crue empoisonnée sans ressource et tout-à-fait perdue. Elle a voulu être administrée. Le médecin avec qui j’ai causé un quart d’heure, n'a plus d’inquiétude, quoiqu’il ne réponde pas qu’il n’y aura pas encore quelques rechutes. Celle du duc de Nemours a été très forte. Il sortait hier de sa Chambre pour la première fois. Je l’ai trouvé se promenant sur cette terrasse où nous nous promenions. Il faisait un beau soleil, point froid. Tous ces tristes jeunes ménages étaient égayés et réchauffés. Mad. la Princesse de Joinville descendait l'escalier, avec son air ordinaire, moitié enfant, moitié Princesse glissant avec légèreté et dignité comme une ombre qui et redresse. Entre les Princes, je n'ai vu que ces deux- là, les autres étaient dans leur chambre ou à la promenade. J'ai causé une heure avec le Roi, dans le grand salon du premier étage. Puis je l’ai laissé allant à Claremont avec la Duchesse d’Aumale faire une visite à Mad. de Montjoie qui n’est pas morte mais qui se meurt. Le médecin est presque étonné qu'elle résiste si longtemps. Elle a outre son mal à la rate, un cancer à l'estomac qui dure dit-il depuis plusieurs années. La Reine a recommencé avant-hier à se nourrir un peu. Elle ne voulait rien prendre convaincue qu’elle ne pouvait digérer.
Ils n'iront pas à Holland-House. Ils se trouvent trop bien de Richmond. Le Roi n’avait pas pris l’offre tout-à-fait au sérieux. Entre nous, il ne croit pas beaucoup au sérieux des Holland. Leur courtoisie. universelle, monarchique et républicaine, aristocratique et radicale, ne lui inspire pas assez de confiance pour qu'il amène sans scrupule quatre ménages malades et six petits enfants, dans un beau château meublé à neuf. Voilà le fond du refus. J'ai insisté sur la sincérité de l'offre pour qu'il saisit la première occasion de renforcer un peu de remerciement. Quoiqu'il trouve Richmond très cher (c’est ce que je vous ai dit, 40 à 50 livres, par jour) il n'en est pas trop troublé. Il attend un peu d'argent de Paris. On parle de 400 000 fr. pour lui et 200 000 fr. pour le Duc d’Aumale. Cependant on insiste encore sur l'emprunt, qu’il ne trouve aucun moyen de faire. J'espère qu’on se décidera à lui envoyer, sinon tout du moins une partie, sans emprunt fait. Ce qui la, non pas troublé, mais fort blessé, c’est mad. la Duchesse d'Orléans. Pas tant le fond du refus des 300 000 fr. du Douaire quoiqu'il ne l'approuve pas, que d'avoir fait la chose sans m'en parler, en cachette. Il m'a raconté tous les détails.
Evidemment, elle a voulu se faire honneur et se rendre populaire, et elle a craint que si elle en parlait, le Roi ne l'en empêchât. Il a fini en me disant : " Si vous avez affaire à elle, comme Régente, elle vous donnera bien de l’embarras. "
Il est plutôt favorable à l'élection de Louis Bonaparte, mais avec doute et déplaisir. Ses renseignements sont qu’elle aura lieu. Il est content de Thiers et compte sur lui. Il dit que Thiers est bon parce que je ne suis plus là. En voilà bien long sur Richmond. Ne faites entrer dans la conversation que ce qui peut y entrer. Personne ne sait choisir que mieux que vous. Pourtant, je vous recommande expressément la réserve sur Mad la Duchesse d'Orléans. La plaie est vive. Je n'ai rien appris sur Paris. Et je n’ai pas entrevu à Richmond la moindre humeur contre les Débats.
Voici une lettre curieuse. Renvoyez-la moi je vous en prie, dès que vous l’aurez lue et n’en parlez à personne. Mon adresse est : Chez le Sir R. P. Drayton manor. Fazeley- Staffordshire. Je ne sais pourquoi, je vous la donne. Vous la savez. Sir Robert Peel a invité Dumon avant hier. J’en suis bien aise. J’ai été voir Montebello à Richmond. Nous nous retrouverons tous trois ce matin à Euston square. Sir Robert y a pris du soin. Il a écrit au chemin de fer pour qu'on nous réserve un wagon. Le petit séjour aurait pu être charmant. J'ai quelque idée que j’y trouverai Aberdeen. Adieu. Adieu.
Je suivrai vos instructions pour ma chambre à coucher, comme pour la calèche et pour la chasse. Vous ne me donnez pas de nouvelles de votre estomac. Adieu. Adieu. Adieu dearest. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton vendredi 17 Novembre 1848
11 heures

J'ai bien peur que mes craintes ne se vérifient et que nous ne voyons arriver Cavaignac. Comment pardonner jamais aux Débats l’énorme faute qu’ils viennent de faire ? Comment se fier à la parole d'un français ? I've your pardon. Il y a toujours des exceptions à la règle. Mais la règle est cela. Ou bien quelles têtes de linottes ! Je suis enragée. Le roi a tort de trouver 1000 francs par jour trop. C'était bien là dans mes proportions ce que je payais et au-delà ; pour deux, miss G. & moi. Car mes gens sont à part. 2 d'entretien. Et bien, ils sont 19 maîtres sans les valets. C’est cela, et de plus ils sont chauffés. Et moi je ne faisais pas de feu.
J'ai eu une lettre du petit Welloughby, sans rien en raison. S'il a cru que je la montrerais. Il se trompe ; je n’en ai seulement pas parlé. elle essaie de toutes les façons de me raconter ses chagrins. J'esquive. J'avais copié quelques passages frappants de la lettre de votre hôtesse de Paris, et je les ai envoyés à Metternich pour attraper de ces réponses qui nous amusent tant. J’ai été attrapée, car sa réponse est spirituelle. Voici la copie. La Coterie de Bedford hôtel grossit. Lady Charlotte Greville est venue. La Duchesse de Cambridge vient samedi prochain. Le Prince & la princesse de Parme aussi vers ce temps-là. Cela sera drôle. Moi, je n'ai plus de visite à faire.
Je vous prie soignez-vous je crois que je vous ai mal dit hier. C'est warming pan, qu'il faut dire pour bassinoire. J'espère que vous aurez cette lettre demain matin. Adieu. Adieu.
On me répète que Melbourne est mourant, & Beauvale bien malade. Le fils de Lord Cattenham colportait ici la nouvelle que Lord John se retire que Clarendon sera premier ministre, Palmerston leader de la Chambre basse et Hardinge vice roi d'Irlande. La France est mieux placée que les autres parties du continent que le feu, qui a si longtemps été pris pour la lumière a gagné. Elle a eu sa faveur, l'habitude des chutes. Cette habitude quelque chère qu'elle soit à contacter, finir par offrir un bon côté pour les corps politiques. Ils se retrouvent avec plus de facilité dans la déroute. Je suis ainsi moins en peine pour la France que pour l’Allemagne. Entre Vienne, Berlin et Francfort, c’est Vienne qui est le mieux placée, car les théories se sont présentées en armes dans les rues. A Berlin la position ressemble à une partie aux échecs entre le Roi, par la grâce de Dieu, et le pouvoir par la grâce du peuple. Francfort enfin ne ressemble qu'à lui même. Une assemblée constituante à la recherche de l’état à constituer est un spectacle nouveau dans les fastes de l'histoire. Dieu seul connait le terme auquel arrivera ce gâchis général. Je n'ai à cet égard plus une idée après avoir usé toutes celles que j’ai trouvé à ma disposition pour retarder, sinon pour empêcher que le mal n’arrive à son comble.

Auteurs : Lenormant, Charles (1802-1859) ; Lenormant, Amélie (1803-1893)

Auteurs : Lenormant, Amélie (1803-1893)

Auteurs : Croker, John-Wilson (1780-1857)

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton 1 heure. Jeudi 16 Novembre

Voici la lettre, très curieuse. Vous verrez que ce sera Cavaignac c'est bien mauvais. J’ai encore espoir dans les 3 semaines qui restent. C’est si changeant chez vous ! Ce sera peut-être moi. On y va rondement à Berlin. J'en suis bien aise. C’est dommage que vous ne lisiez pas le Morning Chronicle tout est intéressant.
A Vienne on fusille un député de la diète de Francfort. Franchement, c’est fort, sans jeu de mots. Beau soleil, vent du midi, c’est bien joli, mais vous n’y êtes pas ! Adieu. Adieu.
On dit que Melbourne & Beauvale sont tous les deux bien mal. Cela m'expliquerait le silence.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton Jeudi 16 nov. 1848
Onze heures

Je n'ai encore rien de vous. J'espère bien qu’il viendra quelque chose dans la journée. Vous avoir quitté hier à onze heures n’est pas du tout une raison pour que je n’ai rien aujourd’hui. Je vais à Richmond après déjeuner. Le train passe à Putney, à midi 3/4. J’espère être de retour assez tôt pour vous donner des nouvelles de ma visite. Cependant cela dépend un peu du Roi. La dernière poste part de Brompton un peu avant 5 heures.
Ce que je vous ai envoyé hier de Montebello, était un peu meilleur pour la Reine. J’ai eu le soir des nouvelles du médecin. Un peu meilleures aussi, mais pas tout à fait sans inquiétude. Dormez sur les Princes. Je voudrais qu’ils allassent à Holland-house. J'insisterai. Les premiers escomptes présentés par M. Ellis ont causé un vif émoi. Plus de 1000 fr. par jour. Le loyer n’est pas cher. Mais la table et tout le reste énormément cher.
Je ne comprends toujours pas bien les Débats d’hier. Ni M. Vitet non plus qui est venu hier dîner avec moi. Il suppose, comme moi, qu’on a eu à relever une impertinence, et à déjouer une rouerie de Th[iers]. Il est plus enclin que moi à croire à une faiblesse possible en faveur de Cavaignac. Mais le tout l’inquiète, et Duchâtel aussi. Et moi aussi. J’attends impatiemment quelque explication de G[énie]. Duchâtel a les mêmes nouvelles que moi sur notre procès. La cour, de concert avec le Cabinet, a décidé qu’elle en finirait avant l'élection du Président. Je soupçonne que les Républicains veulent avoir ce mérite-là envers nous, et ne pas le laisser à Louis Bonaparte. Je n'ai pas encore mes journaux de ce matin.
Je mettrai ceci à la poste en partant pour Richmond, de peur de retard. Si je reviens à temps vous aurez une autre lettre. Adieu. Adieu.
Midi Je viens de déjeuner et je pars pour Richmond. Il fait froid. Décidément Brighton est plus gai. Adieu. Adieu. G.
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