Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


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Collection : 1850-1857 : Une nouvelle posture publique établie, académies et salons (La correspondance croisée entre François Guizot et Dorothée de Lieven : 1836-1856)

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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51 Val Richer, lundi 22 Août 1853
Onze heures

Je vous écris sur le champ à Francfort, comme vous le désirez, mais sans espérer que ma lettre y arrive à temps, si vous quittez Schlangenbad le 23, c’est-à-dire demain. Je suis revenu ici hier matin. Certainement, si je n'étais allé à Paris que le 25, je vous y aurais attendue, le 26, le 27, et même plus tard ; j’aurais mieux aimé attendre trois ou quatre jours que refaire 95 lieues. Mais huit ou dix jours d'attente sans certitude, c'était trop ; j’ai mieux aimé revenir. Je retournerai vous voir du 10 au 15 septembre, et je vous donnerai plus de temps qu'à l’Académie car je ne lui ai donné que deux jours. Qu'il y a de temps que nous n'avons causé ! Si je croyais que ma lettre vous trouvât encore à Francfort, je vous raconterai mes conversations de Vendredi à Paris ; J’ai vu Molé, Hatzfeld, Hübner. Mais ceci ne vous rejoindra qu’à Paris ; ce n’est pas la peine, ce serait du trop vieux.
J’ai passé chez Kisseleff sans le trouver. Adieu, adieu.
Je me promets de vous trouver, non pas engraissée, mais rassurée. En dépit de tous les embarras, la mauvaise affaire tire à sa fin.
Je raisonne toujours dans l'hypothèse que vous avez, comme tout le monde, envie qu’elle finisse. Car si vous n'en aviez pas envie, les prétextes ne vous manqueraient pas pour la faire durer. Mais il serait bien clair alors qu'elle ne durerait que parce que vous le voudriez. Adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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52. Bruxelles Lundi le 8 mai 1854

C'est bien triste deux jours sans nouvelles de vous ! Je n'ai de lettres de personne non plus de sorte que je vis du Moniteur et du Journal des Débats devenu très bon courtisan.
Rothschild est arrivé hier pour quelques heures. Il est guerroyant et croit à la durée de la guerre. Il dit que c’est une expérience à faire mais que jusqu’ici loin d’être ruineuse elle profite à l’industrie du pays. Toutes les actions de chemin de fer montent. L'augmentation de l’armée fait marcher les fabriques. Enfin il est très content et confiant et croit que la guerre ne peut être mauvaise qu’à la Russie. Je suis un peu de son avis.
On m'envoie nos bulletins sur Odessa, je pense que vos journaux n'oseront pas les publier. La prétendue insulte au parlementaire est une fausseté, on n’a pas tiré sur lui, mais sur une frégate qui avait voulu s’approcher après le départ du parlementaire. Le récit de l’affaire ressemble assez à ce que vous dites. Quelques ouvrages détruits, quelques maisons de commerce brûlées. La ville épar gnée. Au fond cela n’a été ni très brillant pour vous, ni très désastreux pour nous. La perte d’hommes insignifiante, 4 tués, 45 blessés.
Rothschild est convaincu que l’Autriche nous fera la guerre ; & la Prusse aussi plus tard. Le temps est affreux et l'ennui est grand. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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52 Schlangenbad le 24 août 1853

Me voilà encore. La chaleur a été si forte que je n’ai pas où me mettre en route. Elle se dissipe un peu, et samedi je pars. Je serai à Paris sauf nouvel incident ou accident. Mardi le 30. Meyendorff était très affir matif en me mandant que Constantinople avait accepté l’Ultimatum. Une lettre de Kisseleff reçue hier l’est moins, mais cela nous est bien égal. La faute serait aux autres.
Je ne vois plus une âme, il n’est resté personne à Schlangenbad. Ce repos me plait beaucoup, seulement il ennuie mon fils. Je n’ai pas l'ombre de nouvelle à vous dire. Mariage à droite, à gauche, voilà le seul aliment des journaux. Adieu. Adieu. On a bien des Bavaroises déjà en Autriche, cela ne plaira pas.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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52 (je crois) Val Richer, 2 août 1852

Je vous ai quitté avec au moins autant de regret que j’ai eu de plaisir à vous revoir. J’ai trouvé ces quatre jours très doux. Serait-ce toujours aussi doux si nous passions toute notre vie ensemble ? Je le crois, pourvu que nous prissions le parti de nous dire tout. La réticence ne nous va ni à l’un ni à l'autre. Et qui se dit tout ?
J’aurai demain seulement de vos nouvelles. Je ne puis comprendre pourquoi les lettres de Dieppe mettent deux jours à venir ici. J’ai fait votre commission à Lord Cowley sur le message que le duc de Mouchy vous a apporté. Il vous trouve pleinement satisfaite. Comme il n’avait pas encore ouvert son Moniteur, il ne savait pas encore la nomination de Fould. Il en a été fort aise. Certainement c’est une bonne chose. J’ai un peu ri du soin du Moniteur à bien dire que ce serait le dernier changement de Ministres, Crise ministérielle cela ressemble, trop à un régime parlementaire. Du reste il aura raison. Son oncle gardait ses ministres.
Vous avez satisfaction sur le prétendu traité du Morning Chronicle. Tous les journaux malveillants, ou bienveillants, le traitant de fable. L’Assemblée nationale dit : " Nous croyons que le traité du 20 Mai 1851 n'existe, pas par une raison qui en vaut bien une autre, c’est que les traités de 1815 existent." Je ne trouve du reste absolument rien dans mes journaux.
Quelles nouvelles me donnerez-vous de votre jambe ? Je suis convaincu que, si vous ne faites pas d'effort pour marcher trop tôt, ce ne sera pas long. C’est un grand déplaisir que de vous voir ou de vous savoir souffrante ; je ne veux pas sympathiser avec l'exagération de vos impressions, et j’ai l’air de ne pas me soucier de votre mal. Portez vous toujours bien, je vous en prie.
J’ai retrouvé ma maison en bon état. Je suis un peu fatigué. A Rouen, je ne me suis pas couché ; je n’ai fait que m'étendre sur un lit. Il fallait se relever à 2 heures et demie. Je suis encore très disponible ; mais je m'en ressens quelques jours.
J’ai vu Olliffe à Trouville. Je lui ai rendu compte de vous. Il ne m’a donné pour vous que les conseils que vous suivez. Il doit faire une course à Paris dans huit ou dix jours. J’aimerais mieux que ce fût dans quinze et je le lui ai dit. Il quittera Trouville à la fin du mois. M. Molé a été pris le lendemain de son arrivée, d’une névralgie d’entrailles, comme dit Olliffe, qui l’a assez inquiété. Il est reparti sur le champ.
Je n'ai vu personne d'ailleurs à Trouville. Je n'y ai passé que trois quart d'heure. Il y a un monde énorme, comme à Dieppe. Le temps est toujours magnifique. J’aurai mes Anglais Mercredi, ou Jeudi. Adieu. Adieu.
J’aimais mieux la semaine passée. Adieu. G.
P.S.: Mes vraies amitiés à Aggy. J’ai été charmé de la retrouver, et de la retrouver près de vous.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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52 Val Richer, Vendredi 26 Août 1853

Je vous écris à Paris où je suppose que vous arriverez demain. Je vous ai écrit à Francfort d’où l’on vous renverra ma lettre si vous y avez passé trop tôt pour l'avoir, ce qui me paraît probable. Je ne reviens pas sur ce que je vous disais. Il aurait fallu vous attendre trop longtemps. J’aime mieux refaire 95 lieues que perdre huit jours. J’irai vous voir du 10 au 15 septembre. J’attends deux visites dans les premiers jours de septembre. Certainement je causerai plus longtemps avec vous qu’avec l'Académie. J’ai grande envie de vous voir et de causer. La personne d'abord, puis la conversation. Ce serait charmant que nous fussions toujours du même avis ; la sympathie vaut mieux que la dispute ; mais là, où le premier plaisir n'est pas, le second à encore son prix. Je suis fort aise que vous soyiez content, à Pétersbourg de votre sortie de l'affaire Turque. Je ne pense pas qu’on soit mécontent à Londres et je crois que, s’il n’y avait point eu d'Angleterre, ou si elle ne s'en était pas mêlée, vous seriez encore plus contents. C'est elle qui vous a empêchés de faire toute votre volonté. Là est son succès, quelles qu'aient été ses fautes. La politique extérieure Anglaise fait beaucoup de fautes de détail, car elle ignore beaucoup, tant le continent lui est étranger, et elle est pleine de transformations brusques, et de soubresauts, comme il arrive dans les pays libres ; mais en gros et dans l’ensemble des choses, le bon sens et la vigueur y sont toujours et la mènent au but. Quant à l'affaire elle-même, comme je ne m'en suis jamais inquiété, j'en attends très patiemment à la dernière fin. J’ai reçu hier des nouvelles de Barante qui ne me paraît pas s'être inquiété non plus.
Le mariage de l'Empereur d’Autriche était très inattendu. En Normandie du moins. Je ne suppose pas qu’il y ait là aucun goût personnel. C’est un lien de plus avec la Bavière que l’Autriche tient toujours beaucoup à se bien assurer, comme son plus gros satellite en Allemagne. Les Belges me paraissent ravis de leur Duchesse de Brabant. L’Autriche aura toujours bien à faire avec les deux boulets rouges qu’elle traine ; mais elle se relève bien tout en les traînant. Je voudrais connaître un peu au juste son état intérieur. J’entends là dessus bien des choses contradictoires.
On m’a dit à Paris que le travail pour faire venir le Pape avait sérieusement recommencé. On vous le dira sans doute aussi. En France, dans les masses, certainement l'Impératrice est populaire ; on aime mieux la beauté, et le roman que la politique, on s'y connaît mieux. Je suis venu, samedi de Paris à Rouen par un train qui précédait d’un quart d'heure celui qui devait mener le ménage impérial à Dieppe. Toute, la population était en l’air pour les voir passer ; et ce n'était pas de la pure curiosité ; il s'y mêlait de l’intérêt.

Onze heures 1/2
Voilà mon facteur et n'en à ajouter. Adieu, adieu.G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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54 Bar le duc Mardi le 30 août 1853

Si je date de Mardi une lettre que je vous aurais écrit la veille (Lundi) est-ce antidater on postdater qu'il faut dire ? Répondez-moi je vous en prie et tout de suite. Détestable auberge, mais il a fallu m’arrêter.
Paris le 31. Me voilà et fatiguée. Je trouve une lettre de Meyendorff et une de Constantin. Je vous envoie copie des passages importants. Je n’ai encore vu personne ici et ma lettre partira avant toute visite, mais ces deux lettres me semblent renfermer ce qui est essentiel. Greville me mandait si les Turcs ne font pas what we prescribe nous ne pouvons plus les soutenir. Voyons comment tout cela ira, maintenant, notre partie est la belle. Heeckeren m’a dit que jamais les vaisseaux. Français ne reculeraient tant que nous resterons dans les principautés. Nous verrons. Comment pourraient-ils entrer dans les Dardanelles sans provoquer le guerre, et ils ne peuvent pas rester à Besika. Adieu. Adieu.

Je copie un autre passage de la lettre de Meyendorff. " je voudrais vous dire tout le plaisir avec un peu d'envie que j’ai éprouvé ici apprenant le beau sens du fils de M. Guizot. Comme j’admire le père d’avoir eu le temps de bien élever ses enfants ! "

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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53. Bruxelles le 9 mai 1854

J’ai lu une lettre d’un homme d’affaires d’Odessa qui rend compte ici à une dame russe de ce qui s’est passé à Odessa. Le palais de cette dame à côté de celui de Woronzoff n’a pas souffert. Woronzoff un peu endommagé pas beaucoup. Les vaisseaux du port marchand brûlés, une batterie détruite, une poudrière sautée. Une femme tué par un boulet au milieu d'une place. Voilà tout. La lettre est du 28 avril. Les flottes étaient parties depuis deux jours. Le rapport d'Osten Saken parle d'une descente de 1800 hommes repoussés avec perte. Vos rapports n'en parlent pas du tout. Vous voyez qu’au bout du compte ce n’est ni très gros ni très nul. Le conseil de Belgique dit exacte ment la même chose. En fait de vaisseaux étrangers 3 grecs 3 Sardes, & un autrichien brûlés. Bronkers était ici hier soir et m’a compté les détails. Rothschild est reparti. Je n’ai pas un bout de lettre de Paris ni d’autre part.
Vous voyez que les voyages de Bruxelles vous font mieux que ceux du Val Richer. Vous n'êtes pas fatigué en venant ici. Je vous porte bien envie d’avoir un coin et un joli coin à vous. Toute ma vie j’ai désiré cela. J'ai de quoi payer le coin, mais pourra-t-il me plaire si je n’ai pas de quoi le peupler ? Vous ne savez pas comme je jouis d’un brin d’herbe, mais comme j’ai besoin de le dire ! Adieu. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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53 Paris Samedi 29 Avril 1854

Beaucoup de monde hier soir chez Duchâtel, pour entendre cette musique qui vous fait fuir. J'y ai passé une demi heure, et j'étais dans mon lit à onze heures et demie. J’ai un discours à faire ce matin dans l'Eglise de l'Oratoire ; autre musique dont je perds un peu l'habitude. Je ne veux pourtant pas faire fuir les gens. J’ai l'amour propre du vieux lutteur. Vous n'aurez donc qu’une courte lettre, en retour de la vôtre d’hier qui était longue et bonne. Je vais me promener dans ma bibliothèque pour bien savoir ce que je veux dire.
La réponse d'Andral me chagrine sans m'étonner. C'est pour un médecin une affaire de conscience et un égard mutuel de profession que de ne pas décider sans voir. Que ferez-vous le 1er Juin ? Marion, qui part lundi, est venue me voir hier. Nous avons causé longtemps. Elle a vu plusieurs fois M. de Chériny. Elle en a parlé à plusieurs personnes qui la connaissent, elle la trouve très bien, très Ladylike, très douce, l’air au courant des choses et du monde. Il paraît que sachant qui c’est pour vous qu'on s'occupe d’elle, Mlle de Cheriny a bonne envie que cela réussisse et désire vraiment s'attacher à vous. On dit qu'elle a en Allemagne, en France & & de bonnes relations. Je vous ai dit quelle avait été mon impression, certainement favorable. Je ne l’ai pas revue. Marion la reverra encore et vous dira ce qu’elle en pense. Pensez-y vous-même sérieusement. Je ne sais si, à tout prendre, vous rencontrerez mieux, ou même aussi bien.
Je suis charmé du plaisir que vous a fait la visite de Morny, et pour votre plaisir, et pour le fond des choses. Dieu veuille que tout ce qu’on vous dit soit vrai et efficace ! Le bruit court ici, depuis deux jours, qu'à Pétersbourg on est inquiet pour Cronstadt, que les mouvements de Napier et tout ce qui se dit et se fait dans la Baltique indiquent quelque grand coup contre [?] on ne se sent pas aussi sûr qu’on veut le paraître. On parle même de trésor et d'objets précieux envoyés à Moscou. La flotte Française doit avoir rejoint la flotte Anglaise. Nous ne pouvons guère plus tarder à apprendre, soit le coup frappé, soit l'impuissance de le frapper.
Voilà votre N°42. Je vois que les bruits qui courent ici ne sont pas sans quelque fondement. Merci de la petite lettre. Je verrai le duc de N. ce soir ou demain. Adieu. Adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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53 Strasbourg le 29 août 1853

Je suis partie de Sch. assez souffrante. Je voyage lentement. J’ai couché ici, je n’arriverai à Paris que demain. J’ai trouvé ici Heeckeren qui nous a amusé. Je n’ai pas de nouvelle à vous dire naturellement. Je serai charmée de me reposer chez moi. Adieu. Adieu.

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Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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53 Val-Richer, Mardi 3 Août 1852

Je ne trouve pas que le Constitutionnel soit aussi aimable pour M. Fould que je m’y attendais à travers les félicitations et les compliments, on sent percer un peu de froideur, et quelques réserves. Est-ce que Fould serait rentré dans les affaires sans concert avec Morny et contre son gré ?
Autre remarque. La rentrée de Fould coïncide avec l’épuration du Conseil d'Etat en raison des votes dans le procès des biens d'Orléans trois des Conseillers d'Etat qui ont voté contre les décrets du 22 Janvier sont, l'un révoqué, l'autre mis à la retraite, le troisième placé autrement, et plus mal. Cela cadre peu avec l'avènement au pouvoir d’un opposant aux décrets. Il est vrai que M. Persil ancien garde des sceaux du Roi Louis-Philippe, est nommé Conseiller d'Etat en remplacement de M. Cornudet, révoqué. Est-ce que cela serait donné aux Orléanistes, à titre de dédommagement ? M. Persil est un homme capable, qui aurait mieux fait de rentrer aux affaires un autre jour et par une autre porte, puisqu’il y voulait rentrer.
Le Moniteur s’est empressé de démentir indirectement le bruit répandu que l’entrée à l’Ecole normale avait été interdite aux élevés protestants, à cause de leur religion. Il a bien fait. La liberté des cultes est un des droits auxquels, ce pays-ci tient le plus et que l'Empereur Napoléon, a le plus soigneusement respecté. Il paraît bien que M. Fortoul ministre de l’instruction publique avait fait ou dit quelque chose dans le sens dont on parlait. Il se sera ravisé. C’est un homme d’esprit, un peu léger.
Donnez-vous bien du mal pour être un grand homme ; votre statue, en bronze sera vendue aux enchères, au bout de deux siècles, à la porte de votre propre pays, pour 7.270 francs pas un quart de la valeur du bronze. C'est ce qui vient d’arriver à ce pauvre Gustave Adolphe dans l'île d'Héligoland. La statue avait fait naufrage l’un dernier, en venant de Rome à Gothenburg, et la municipalité de Gothenburg, qui l’avait commandé n'a pas voulu la racheter des mains des pauvres marins d'Héligoland qui l’avaient repêchée. Il est vrai que Gustave Adolphe n'en reste pas moins Gustave Adolphe. Sa statue a pu se noyer, mais non pas son nom. Du sein de leur séjour inconnu, les grands hommes doivent à la fois jouir de la longue trace qu’ils ont laissé ici bas, et prendre en pitié les accidents d’ingratitude et d’oubli qui leur arrivent. Je me figure que l'impression causée par le spectacle de ce monde, quand on est est hors, et complètement détaché, doit être celle d’un dédain bienveillant, et doux.
Adieu, en attendant votre lettre. Je vous quitte pour faire ma toilette. Je voudrais bien apprendre qu'avant hier Dimanche, vous avez posé le pied par terre sans trop de douleur.
// si vous écrivez à M. Fould, ce qui me paraît probable, seriez-vous assez bonne pour lui dire que du fond de ma retraite, je suis charmé de le voir rentrer sur la scène ? Il s'y conduira certainement en homme d’esprit, et de sens et tout le monde aura à y gagner. //
11 heures
Merci de votre petite page. C'est bien long ce que dit Velpeau. Je regrette de n'avoir pas été là quand il est venu. Adieu, Adieu. G.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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53 Val Richer, lundi 29 Août 1853

Deux lignes pour votre arrivée demain à Paris, quoi qu’il y ait déjà une lettre de moi qui vous y attend. Je suis bien aise que vous y soyez de retour malgré la saison, vous y aurez toujours plus de ressources qu'ailleurs ne fût-ce que vos diplomates. Mais de quoi vous parleront-ils maintenant ? Le Moniteur m’a apporté hier l’assentiment de la Porte. Cette question vous a agitée outre mesure. Mais il n’y a jamais de mesure dans votre agitation. Comme je vous le disais, on est très content à Londres, le Cabinet du moins. On m'écrit avant. hier : " Notre session a fini avec éclat, et le gouvernement jouit d’un repos absolu. L'opposition a disparu, et le succès de Lord Aberdeen est tout ce que ses amis pouvaient désirer. On a reproché au Cabinet une attitude un peu molle sur la question du dehors ; mais vous savez ce que valent, ces sortes d'attaques, et la position est assez forte pour nous permettre une grande modération. D'ailleurs, il est plaisant que ce soit les soi-disant amis de la Turquie qui veuillent la guerre, laquelle lui serait probablement funeste. "
Reeve va se promener à Constantinople. Faites vous lire, dans le Quaterly Review de Juin, un article sur Lord Palmerston et toute la politique anglaise à propos de l'ouvrage de M. de Ficquelmont. Il vous intéressera. Adieu, Adieu, avant quinze jours, nous aurons bien causé. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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54 Bruxelles le 10 mai 1854

Je ne trouve vraiment rien à vous dire. Nous attendons les corps dans la Baltique. En Prusse toujours les derniers efforts pour rester à la fois, bien avec la Russie, et bien avec les alliés nos ennemis. Comment cela pourra-t-il aller ?
J'ai eu une longue lettre d’Ellice. On est mécontent de Gladstone & il ne croyait pas que sa demande d’argent avant hier peut-être aussi bien reçue que la première.
Il est très alliance française. Qui ne l’est pas aujourd’hui en Angleterre ? Le pauvre Meyendorff est bien malade, s'il reste encore un peu de temps à son poste. mourra. Que de victimes de cette maudite guerre, ce n’est pas le canon seul qui tue. Je suis retournée hier au bois de la Cambre pour la première fois depuis 3 semaines. Il est vert, charmant. En revenant un violent orage. Le roi de Portugal s’annonce entre Londres & Paris, ou après les deux.
Vous voyez que je n’ai pas de nouvelles. Décidément Seymour m’a fait dire que c'était de peur de rencontrer Brunnow ou Kisseleff qu'il n’est pas venu. Je crois que je me répète. Adieu. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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54 Paris, Dimanche 30 Avril 1854
2 heures

Je rentre de l'Eglise. Avant d'y aller, j'ai été assiégé de visites, suite du discours d’hier. Je n'ai que le temps de vous dire, adieu. Je vous écrirai demain à mon aise. J’ai eu de vos nouvelles par le duc de N. mais je ne l’ai pas encore vu.
Je le verrai dans la matinée ou ce soir. Merci de toutes vos lettres, malgré vos yeux. Je ne puis vous dire, à quel point je suis préoccupé de votre séparation d'Hélène. Je reviens encore à Mlle de Chériny. Les eaux sont un prétexte convenable pour une expérience. Si elle ne vous va pas, vous vous séparerez après, et on cherchera autre chose. En attendant la paix. Montebello est revenu de Brott après avoir embarqué son fils sur l'Hercule. J'insisterai pour qu’il aille vous voir. Adieu, adieu. G.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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54 Val-Richer, Mercredi 4 août 1852

Je suis très contrarié des quinze jours d'immobilité auxquels Velpeau vous condamne ; il a probablement raison. Mais c’est bien ennuyeux. J’aurais mieux fait de ne pas aller vous voir ; vous ne seriez pas montée dans ma chambre, et vous ne seriez pas tombée. C'est là tout ce que j'ai de mieux à vous dire.
L'insignifiance des journaux est complète. Ceux qui ne peuvent pas critiquer ne veulent pas louer. Pour surcroît le Journal des Débats, m'a manqué hier. Quand on supprime ainsi à l’esprit son aliment, on devrait supprimer aussi l'esprit lui-même. Cela se fera peu à peu.
J’ai eu hier une longue lettre de Barante qui prévoit ce résultat, car il me dit : " Lorsqu'on ne s’intéresse pas à soi-même on est indifférent à tout ; l’esprit s'éteint quand les sentiments sont glacés ! "
Il m’écrit du Mont Dore, où il est allé pour ne pas être repris l’hiver prochain de son extinction de voix.

Jeudi 5 Août
Je n’ai pas fait partir hier cette page qui n'en valait pas la peine. Vous ne m’avez pas écrit non plus. J’espère bien que ce n’est pas quelque mauvaise raison, accident ou autre. Je n'ai pas plus de nouvelles aujourd’hui qu’hier.
Mon fils, m'en apportera peut-être quelqu’une demain il est allé passer 48 heures à Paris pour un examen. Mes Anglais arrivent aussi demain.
Je vois que les élections des conseils généraux sont ce que j’attendais, ou immense majorité ministérielle c’est-à-dire présidentielle. Il me semble aussi que les pétitions impériales commencent à circuler. On m'écrit que les exilés espèrent quelque chose, du 15 Août. Ceux d’entre eux qui sont petits et modestes accepteraient volontiers l'Empire, s’il devait les faire rentrer. Que feraient les autres, Thiers, Rémusat, les généraux ? Il ne serait pas glorieux, pour eux de rentrer au milieu des Vive l'Empereur ! Ils rentreraient pourtant, s’il le leur permettait.
Avez-vous lu, dans le Galignani du 3 un article curieux du correspondant américain du Times sur Kossuth ? Il fera plaisir à Hübner.

11 heures
Voilà une lettre qui ne me plaît pas. Vous vous faites vous-même bien plus de mal que vous n'en avez. C'est singulier d'avoir l’esprit si juste, si ferme sur toutes choses, excepté sur soi-même. Je suis bien fâché de n'être plus là. Adieu, adieu. Merci de la lettre de Beauvale. Merci pour vous et pour Aggy. G.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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54 Val Richer, Jeudi 1er septembre 1853

Merci de vos quelques lignes de Strasbourg. J’espère en avoir quelques unes ce matin de Paris. Vous devez y être arrivée avant hier soir. Vous n'y trouverez pas plus de soleil qu’à Schlangenbad je n’ai jamais vu un plus affreux été. Mais vous vous reposerez chez vous. A mon avis on n'est bien que là où on doit rester. Grand signe de vieillesse.
Je n’aime pas ces petites modifications demandées à Constantinople. J’espère qu’elle sont aussi insignifiantes qu’on le dit. Les reproches du Times à la Porte, m'en font un peu douter. Du reste, j'en reviens toujours à mon dire ; si vous ne désirez pas, en secret, que la question dure, elle finira. Bien des gens à Londres, et à Paris, croient que vous ne voulez pas qu'elle finisse, et que vous comptez sur les objections de la Porte. Si cela est, petites ou non, elles sont graves.
Faites-vous attention aux actes et au langage des agents des Etats-Unis, chez eux et en Europe, le Président Pierce, le ministre Soulé, le chargé d'affaires Brown ? Il y a là du nouveau. Tenez pour certain que le nouveau monde se mêlera bientôt, et bien activement, des affaires de l'ancien, et avec toute l’arrogance et l'hypocrisie démocratiques.

Onze heures
Je suis charmé de vous savoir arrivée et hors des auberges. Merci de deux copies. La vivacité de Constantin m'amuse. La paix ne s'en fera pas moins. Adieu, adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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55. Bruxelles le 11 mai 1854

Quelle curieuse lettre que la vôtre ! Charlemagne. J’ai envie de l'envoyer, mais de la savourer d’abord.
Berlin a été dramatique. Bonin renvoyé sans préface et pour un discours tenu. il y a 5 semaines dans la commission de la Chambre où il disait que se joindre à la Russie serait un Parricide, crime pour lequel les romains n’avaient pas trouvé de punition. Étrange comparaison. C’est égal, il en porte aujourd'hui la peine. Cela a fait une sensation immense. Le prince de Prusse est parti sur le champ pour Bade, sans dire Adieu au Roi, & se démettant de son commandement sur le Rhin, voilà ce que le télégraphe mandait hier soir.
On dit que Manteuffel veut quitter aussi, le Prince lui a fait les plus vifs reproches d’avoir permis le renvoi de Bonin. Il paraît qu’à Vienne comme à Berlin on rêve toujours aux moyens d’arriver à la paix. Mais comment ? A présent c’est impossible. Adieu. Adieu, voilà du monde.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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55 Paris, lundi 1er mai 1854

Hier soir le Duc de Noailles et le duc de Broglie. J’ai trouvé le Duc de Noailles sortant de son lit, avec un gros rhume et une fluxion, mais encore très amusé de son voyage. Il dit qu’il a toujours aimé Bruxelles. Je lui ai répété le plaisir que sa visite vous avait fait. Nous avons longtemps causé. Je ne vous renverrai pas ce qu’il m’a apporté.
Ici, on croit au bombardement d'Odessa. Le Moniteur avait hier matin l’air de le savoir avec certitude, et d'y préparer un peu le public, comme à une brutalité inutile. On attend quelque chose de la Baltique, et malgré le langage beaucoup moins vantard des Anglais, je crois toujours qu’eux aussi s'attendent à quelque grosse tentative de ce côté. Puisqu'à Pétersbourg on traite beaucoup mieux les Français que les Anglais, pourquoi dans vos Pièces officielles, le langage de votre Empereur est-il toujours plus amer et plus désagréable pour la France que pour l'Angleterre ? Encore, dans vos derniers documents à propos de la publication des lettres de Seymour, vous dites : " Au moment où la France faisait tout pour entraîner l’Angleterre dans une action hostile contre nous, il était assez naturel que l'Empereur n'ait pas jugé opportun de mettre le Cabinet des Tuileries de moitié dans ses épanchements intimes avec le gouvernement Britannique. " et dans d'autres pièces ; plusieurs phrases du même genre. Pourquoi votre Empereur s’en prend-il plus à la France et votre public plus à l’Angleterre ? Il faudrait un peu plus de conséquence et d'harmonie dans les sentiments, du moins dans les manifestations.
Je désire de tout mon cœur que tout ce que vous a dit Morny, et tout ce que vous en inférez sur les dispositions pacifiques d’ici, soit vrai. Moins l'expérience m'apprend tous les jours à en croire les faits plus que les paroles, et à ne pas me hâter de croire ce que j’ai envie de croire. La proposition d’un congrès à Berlin est-elle bien certaine ? Je regarde cela comme la concession capitale de votre côté et la meilleure espérance de l'avenir. Si une fois la guerre était suspendue et un congrès ouvert, on ne recommencerait certainement pas la guerre, quelque difficiles que fussent les négociations, et on finirait par aboutir à une transaction. Je sais qu'en Italie les esprits ardents, les mazziniens croient que l’Autriche ne se brouillera décidément pas avec les Puissances occidentales ; et comme cela les désole, il faut qu’ils aient de bonnes raisons pour le croire.
La Reine Marie Amélie a été de nouveau indisposé à Séville ; un rhume qui s'est dissipé assez vite, mais qui l’a laissé très faible. Le Prince de Joinville frappé de cette faiblesse, a insisté pour que le retour se fît par l'Allemagne ; mais la Reine va mieux, et veut revenir par l'Océan. C'est, quant à présent, le parti pris. Elle ne partira qu'après le 15 mai.
Je viens de lire le Protocole du 9 Avril. Je trouve l’union des quatre puissances bien cimentée par là, surtout par l'engagement des Allemands de ne jamais traiter avec vous que selon les principes du Protocole, et en en délibérant avec la France et l'Angleterre. C'est votre complet isolement. Je ne comprends rien à la dépêche télégraphique sur Odessa " Odessa a été bombardée. Aucun dommage. n’a été fait." Adieu, adieu.
Je ne serai un peu tranquille sur votre compte que lorsque je vous saurai quelqu’un pour le 1er Juin, M. de Chériny ou quelque autre. Encore serai-je médiocrement tranquille. Adieu. G.
La réception de Berryer à l'Académie n'aura lieu qu’au mois de décembre ; mais elle précédera alors celle des deux nouveaux académiciens que nous élirons le 18. Mad. de Hatsfeldt va bien.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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55 Val Richer, 6 Août 1852

Vous ne m’avez pas dit si Velpeau, en vous condamnant à quinze jours d'immobilité, vous avait prescrit quelque chose de particulier, ou s’il s'était simplement borné à approuver les prescriptions de M. Brantel.
Mon fils arrive ce matin, et m’apporte, non pas des nouvelles, mais quelques détails, sur les faits connus.
On trouve en général que M. Fould a payé un peu cher sa rentrée au pouvoir en contresignant, les décrets de révocation des Conseillers d'Etat renvoyés à cause des décrets d'Orléans. Le Président, dit-on, l’a formellement exigé et il exigera aussi de M. Magne, quelque acte d’adhésion analogue. Il veut que tous ceux qui le servent, adhérent. Morny se donne comme ayant beaucoup contribué à la rentrée de Fould, et on annonce que MM. de Persigny et de Maupas ne sont pas bien fermes sur leurs étriers. Je n'en crois rien, et je crois que Fould s’arrangera avec eux.
L'avènement de Drouyn de Lhuys trouble Brenier qui n’a jamais été bien avec lui, et qui ne se promet pas d'être mieux. Waleski aussi est trouble ; Drouyn de Lhuys parle légèrement de lui, et le Président. n’a pas été content de ses pronostics sur les élections Anglaises.
On croit que les difficultés pour le mariage du Président avec la Princesse Wasa ne sont pas toutes levés, et que le père et la mère, pour la première fois du même avis, s'accordent à s'y opposer. Ce sera le Cabinet de Vienne qui lèvera, s’il veut, les difficultés là. Voudra-t-il ? Je vous répète les commérages tels quels.
On dit que les révocations dans le Conseil d'Etat, ne sont pas finies, on en voulait faire plusieurs autres, pour la même cause. Il reste cinq conseillers d'Etat qui ont voté contre les décrets. C'est Fould qui a obtenu l'abandon, ou l’ajournement de la rigueur complète.
C'est bien dommage que la bonne occasion manque à Stockhausen. Faites moi la grâce, je vous prie, si vous lui écrivez de lui dire combien je regrette son départ ; il était très bien informé de très bonne conversation, et aussi agréable que sûr.
Comptez-vous toujours retourner à Paris le 14 ? Vos fenêtres seront bien recherchées pour les fêtes. Adieu. Adieu.
Je ne serai content que quand vous me direz : " Je marche. " G.
P.S. Je m'impatiente aussi que vous n'en finissez pas. Mais j’ai vu plusieurs fois de tels accidents, pas graves et supportables. Ecrivez-moi toujours que vous ayez quelque chose à me dire, ou non. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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55 Val Richer, samedi 2 Sept 1853

Postdater n’est pas français du tout ; il pourrait l'être, car le mot serait correctement formé ; mais il ne l'est pas. Antidater ne signifie, rigoureusement parlant, que changer une date en mettant celle d’un jour antérieur, et c’est la définition qu’en donne l'Académie ; mais l’usage a étendu ce sens, et on dit antidater toutes les fois qu’on met une fausse date à la place de la vraie, soit qu'on mette celle d’un jour antérieur ou postérieur. Quand nous en serons à ce mot dans la discussion de notre nouveau dictionnaire, je demanderai qu’on modifie la définition et qu’on adopte celle de l'usage étendu. Vous m’y aurez fait penser.
Je trouve que les cinq modifications demandées par la Porte à la note de Vienne ne valaient guère la peine d'être faites, et ne valent pas celle d'être refusées ; ce sont des susceptibilités de Duellistes ou des subtilités de théologiens. La première a seule quelque intérêt pour vous ; il peut convenir à votre Empereur, pour la Russie, que le Sultan lui-même reconnaisse la vive sollicitude que les Empereurs de Russie ont de tout temps témoigné pour l'Eglise grecque, et le Sultan à mon avis, peut très bien reconnaître ce fait sans déroger. J’aurais été plus difficile que le sultan pour la troisième modification, j’aurais demandé le changement de ces mots : restera fidèle à la lettre et à l’esprit &, car ils impliquent un peu qu’il ne l’a pas toujours été, et il peut moins convenir de cela que de votre vive sollicitude pour l'Eglise grecque. Mais en vérité, il n’y a pas là de quoi fournir à une demi heure de conversation sérieuse entre hommes sensés ; et que ces modifications soient acceptées ou refusées, la situation des parties, comme on dit, restera en droit et en fait, absolument la même. Acceptez-les donc et n’en parlons plus.
Je suis très touché de l’intérêt que M. de Meyendorff veut bien porter au succès de mon fils, et je l'en remercie. Ma part dans l’éducation de mes enfants a été de m’arranger pour les faire vivre avec moi et pour causer avec eux. Je les ai eus tous les jours, de très bonne heure, à déjeuner et à dîner avec moi, heure d’intimité et de conversation. L'affection et le développement intellectuel y ont également gagné. Mon fils, a du reste suivi les classes et mené la vie de collège ; mais sans se détacher de la famille. Je suis un grand partisan de la famille, en pratique quotidienne comme un principe politique. En fait d’arrangements de famille, je vois avec une vive contrariété qu’on se décide au prolongement du boulevard de la Madeleine et qu’on va se mettre à l'œuvre. On me prendra donc ma maison. Grand déplaisir, outre l'ennui d’un déménagement. J’avais bien compté mourir dans ce nid-là.

Onze heures
Votre lettre de Bar m'était arrivée tard, et je voulais faire une petite recherche sur postdater, avant de vous répondre. Voilà la cause de mon retard, volontaire et non étourdi. Adieu, Adieu. Je répondrai à Marion. Adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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56. Bruxelles le 13 mai 1854

Je n’avais pas eu de lettre hier, il en est venu deux aujourd’hui. De mon côté, je ne vous ai pas écrit n’ayant vraiment rien à vous dire. De longue lettres de Greville pas grand chose de neuf. Très sûr que l’Autriche marchera avec, & que la Prusse ne le fera pas. Se vantant du forbearance à Odessa. La flotte n’a pas été contente, elle aurait voulu plus Le Havre. Hamelin a été plus que Dundas opposé à ce qu’on devastat la ville. Ici on est très convaincu que l’Autriche marchera avec les alliés. Ce que l’Autriche ne supportera pas c'est la révolution à ses portes, & c’est pour cela qu’elle irait occuper là Bosnie & la Grèce. Montebello m’a écrit il y a huit jours qu’il viendrait après le 15. J’ai donc le droit d’y compter & je viens de m'en rappeler.
Je recommence à maigrir. Cela prouve déclin dans la santé. Le temps est meilleur et le bois de la Cambre charmant, les oiseaux chantent. Mais ce n’est pas vous. [Boldingue] est ici venant de Stuttgart. Le roi de [Wurtemberg]. nous est très fidèle.
Voilà, je n’ai plus rien. Les russes ici m'impatientent un peu. Pleins d’assurance, à la bonne heure, mais je ne sais pas comprendre. Adieu. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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56 Paris mardi 2 Mai 1854

Les courriers de Hatzfeldt ont repris leurs habitudes ; ils ne partent que le 2 et le 16. J’ai appris cela hier à 5 heures. Vous aurez donc éprouvé un jour de retard. Je pars vendredi prochain 5, au soir, pour le Val Richer. J’y ai des affaires que je ne puis ajourner jusqu'à ce que toutes, nos élections académiques soient terminées. J'installerai tous les miens à la campagne, et je reviendrai à Paris le 17 Mai pour y rester jusqu'au 27. Nos élections se font le 18 à l'Académie Française, le 20 à l'Académie des sciences morales, et le 26 à l'Académie des Inscriptions. Les résultats à peu près assurés sont toujours les mêmes. Une fois de retour au Val Richer, le 27, je n'en bougerai plus.
Personne ne comprend rien aux dépêches télégraphiques sur Odessa. On disait hier soir que l'attaque avait eu pour objet, non de bombarder réellement la ville, mais d'attirer la flotte russe hors de Sebastopol pour la combattre. Il paraît qu’elle est sortie en effet et qu’on l'a poursuivie, mais qu’elle est parvenue à rentrer sans combat. Le fait sera probablement bientôt expliqué. Hier soir, chez St Aulaire et chez Broglie. Peu de monde dans l’une et l'autre maison. On commence beaucoup à partir. Il reste bien peu d'Anglais ici. Toujours Sir Henry Ellice vient me voir souvent, et que je trouve toujours très sensé. Il ne pardonne pas à sir Robert Peel d'avoir désorganisé les partis politiques dans son pays, et affaibli et abaissé par là le gouvernement anglais. Je n’ai pas eu de lettre hier. J'y compte aujourd’hui. Ecrivez-moi, je vous prie, Vendredi au Val Richer. Adieu jusqu'à ce que j’aie votre lettre. Je vais faire ma toilette pour aller, à 10 heures, déjeuner chez sir John Boileau qui repart après demain pour Londres.

10 heures
Voilà vos deux lettres sous le N°45. Je ferai l'affaire d'Andral dans la journée. Autant du moins que cela dépend de moi. J’ai bonne envie de réussir. Pour vous d'abord, et aussi pour la Princesse Kotschoubey à qui certainement Ems est plus agréable que Spa. Sans y rien entendre, j'ai peine à croire le Changement indispensable. Mais les médecins se ménagent extrêmement les uns les autres. Et les grands surtout ménagent les petits, qui sont nombreux. Là, comme partout, l'aristocrate est devenue très timide.
Je vois, par le Moniteur de ce matin, que le 23, l'affaire d'Odessa n'était pas finie. Je ne la trouve pas encore claire. Adieu, Adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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56 Paris le 2 septembre 1853

Vous n’avez pas répondu à ma question de Bar le Duc, étourderie française. J’avais bien mis la question au commencement de la lettre pour qu' elle ne vous échappe pas. C’est un pas et je tenais beaucoup à avoir la réponse aujourd’hui. J’ai envie de ne vous écrire que cela pour être sûre que vous lisiez ce que je vous écris. D'ailleurs je n’ai rien à vous dire. On attend l’écho de Pétersbourg à l’obstination de la porte. Jusque là rien ne se fait. Adieu. Adieu.

Mots-clés :

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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56 Val Richer, Samedi 7 août 1852

Je vous trouve dans une disposition de grand abattement. Je voudrais bien que vous ne vous y laissassiez pas aller. Pardonnez-moi ce ridicule mot ; je n’ai pas le courage d’un de mes vieux amis de la vieille bonne compagnie du dernier siècle, M. Suard, secrétaire perpétuel de l'Académie Française, le Villemain d’alors ; il ne consentait jamais à dire passassiez, laissassiez, cassassier, et tous les ssassiez du monde ; il disait toujours, laissiez, passiez &&, et quand on remarquait que ce n'était pas correct, il se contentait de répondre : " Personne ne peut supposer que je ne le sache pas.
Je voudrais donc que vous ne vous laissiez pas aller à l'abattement ; vous n'êtes pas en état de supporter l'abattement dans l’ennui. J’aime mieux que l'ennui vous irrite ; vous ferez alors quelque chose pour vous en tirer. Je compte toujours que vous retournerez à Paris le 14 d'aujourd’hui, en huit, soit que vous marchiez ou non. J’espère que vous marcherez un peu.
Mes Anglais sont arrivés hier, par un assez beau temps. Ils étaient à peine, chez moi qu’un violent orage a éclaté, pluie, grêle, mes allées et mes fleurs ravagées ; vous ne connaissez pas les chagrins de propriétaire.
M. Hallam est intéressant, et inquiet. Le progrès des radicaux et la complaisance, sans limite assignable, de Lord John et de sir James Graham pour eux, l'inquiètent. Il ne sait rien de Lord Aberdeen, il ne le croit pas infecté de cette complaisance, il ne veut pas le croire. Quant à présent, Lord Derby tiendra ; il y a au moins 60 libéraux opposants, mais honnêtes, qui ne veulent pas l'attaquer ; ils le verront faire et si on l'attaque factieusement, ils le soutiendront. Lord John trop décrié pour redevenir, en ce moment chef de Cabinet, même si la place était vide.
La Reine s'adresserait à Lord Lansdowne qui malgré son âge et sa retraite ne pourrait pas refuser ; bien des gens serviraient sous lui qui ne voudraient pas servir sous Lord John. En ce cas Lord Palmerston deviendrait leader des communes comme chancelier de l'échiquier, et Lord John irait à la Chambre de Lords. Ce serait, pour lui, une grande défaite.
Hallam ne croit pas que les querelles religieuses deviennent the leading question ; il craint davantage une nouvelle motion de réforme parlementaire et le conflit de toutes sortes de propositions et de systèmes sur ce point.
Du reste immense prospérité, sécurité et confiance dans l'avenir, sans confiance dans personne. Autant, et (il l’espère) plus de progrès dans le good sense populaire que dans le radicalisme. On dit le petit Prince de Galles très intelligent et très bon.
Plus de 16 membres nouveaux dans la Chambre des Communes ; personne qui promette de devenir quelqu’un. Une très belle récolte et une admirable perspective de grouses pour le 12 Août.
Voilà les conversations d’hier soir. Ils m'ont fait coucher à près de onze heures. Adieu, en attendant, la poste. Je vais faire ma toilette.
Onze heures
Quatre pas c’est beau ! J'en suis bien content. J’espère tout-à-fait que vous marcherez bientôt et je compte qu'Aggy restera toujours. Adieu. Adieu.
Je n’ai pas deux minutes de plus. G.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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56 Val Richer. Lundi 5 Sept 1853

Il y a aujourd’hui trente sept ans que M. de Cazes, Pozzo, le chancelier et moi nous étions ravis du succès de plusieurs notes que nous avions rédigées pour Louis XVIII, et qui l’avaient décidé à dissoudre la Chambre introuvable de 1815. La France à peu près entière était aussi ravie que nous. Qui pense aujourd’hui à la chambre introuvable et à l'ordonnance du 5 septembre ? Il y a pour les événements, un mauvais moment ; c’est celui, où ils ne sont plus du présent, et pas encore du passé ; il faut vivre dans la politique ou dans l’histoire. Y a-t-il quelque chose de vrai dans ce que racontent les journaux sur la rencontre de l'Empereur d’Autriche et de la princesse Bavaroise à Ischl, et sur la soudaineté de ce mariage ? Tous les hommes, les Allemands plus que d’autres ont envie d’un peu de roman partout. C'est un signe de folie chez un peuple que d'en vouloir trop ; c’est un signe de décadence morale de n'en plus vouloir du tout.
Parle-t-on du remplacement de ce pauvre Garibaldi, et par qui ? Si les gens de Mazzini tentent encore, comme il paraît des conspirations à Rome, cela servirait-il, ou non, auprès du Pape, les désirs de l'Empereur Napoléon ? Le temps qui s'écoule ôte de la chance à ces désirs comme de la valeur à leur objet. Il y aurait quelque chose d'étrange et presque de ridicule à être sacré Empereur longtemps après l'être devenu. Il faut que le ciel et la terre concourent, en même temps aux grandes choses ; Dieu ne peut pas y venir quand on n’y pense plus, et comme un ornement de surérogation. Au lieu de questions de loin nous causerons la semaine prochaine, je compte, sauf obstacle imprévu, partir d’ici, samedi soir 10, et être à Paris, Dimanche matin. J'espère vous trouver reposée, Sauf les diplomates, vous n'avez, ce me semble, ni causeur, ni informateur en ce moment. Fould et Morny sont absents. Il vous faut quelqu’un de ce côté-là. Adieu, adieu. Voici ma réponse à Marion.

Onze heures
Ni moi, non plus comme de raison, je n’ai rien de nouveau à vous dire. On me dit qu’en effet les Anglais en général sont assez noirs. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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57 Paris le 3 septembre 1853

Il n’y a vraiment rien de nouveau à vous dire. Et quoique, j'ai vu tout le monde je ne sais rien. Kisseleff est en très good spirits & très content de D. de L'aigle. Hubner ne doute pas que nous accepterons. C’est aujourd’hui qu'on peut le savoir. Le duc de Noailles est venu me voir, bien engraissé encore. Fort content, très acclimaté à ceci. Tout le monde dit que l’Empereur a beaucoup gagné dans l'opinion grande popularité à Dieppe mais il s'y ennuie. ils vont recevoir bientôt. Le pauvre Molé est menacé de cécité. Il y a longtemps qu'il a perdu un oeil, c'est le bon qui est attaqué aujourd'hui. Il ne peut plus ni lire ni écrire. Il fait bien froid à Paris. Je continue. Quel vilain été ! Un peu ma vie des eaux, je me couche avant 10 heures. On vient depuis 8. Cowley est à Dieppe. C’est le seul diplomate que je n’ai pas encore vu. On le dit très noir. Adieu. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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57 Paris. Mercredi 3 Mai 1854

J’ai passé hier chez Andral sans le trouver ; rien n’est plus difficile que de le joindre. J’ai porté et laissé chez lui une lettre de moi, précise et pressante, et contenant le vôtre. S’il y a moyen de décider un grand médecin à en mécontenter de loin un petit, j'espère que cela le décidera.
Marion m’a amené hier Mlle de Chériny qui part ce matin pour aller passer quelques jours à Bruxelles. J'en suis bien aise. Vous avez raison de ne pas vous décider sans la voir et j'incline à croire que vous la trouverez bien, assez bien du moins. J’ai encore été frappé hier de son air doux, honnête, de bonne compagnie et empressée sans manquer de dignité. Soyez bonne pour elle pendant ces quelques jours et ne l’intimidez pas trop. Ellice est parti et Marion est restée pour huit jours encore chez Charlotte Rothschild. Elle a ici un autre oncle, un M. Finch, qui la ramènera en Angleterre. Je persiste à ne pas bien comprendre l'affaire d'Odessa. Il y a évidemment des choses qu’on ne nous dit pas. Ou bien l’on n’a pas pu faire ce qu’on voulait, ou bien l'on n’a pas voulu faire tout ce qu’on pouvait. En tout, ce n’est pas une grosse affaire.
Ce qui est plus gros, c'est le nombre de tromper qu'on envoie, et le redoublement d'activité qu’on met à les envoyer. Je ne sais ce qu’elles feront cet été ; mais soit pour cet été, soit pour l'été prochain, on semble vouloir faire beaucoup. Je ne vois là point de symptômes de paix.
J'en vois davantage dans les dispositions qui se développent de plus en plus dans le public, non seulement, en France, mais en Angleterre. Si après la campagne de cet été, vaine des deux partis, votre Empereur, je ne sais par quelle voie, propose de nouveau ce qu’il a déjà proposé, l’évacuation simultanée des Principautés, et des deux mers et un congrès à Berlin pour régler Européennement la question, ou je me trompe fort, ou la paix se fera. Les Congrès ont toujours beaucoup de peine à conclure la paix ; mais quand une fois ils sont réunis, ils ne recommencent pas la guerre.
J’ai causé l'autre jour avec Moltke à qui j’ai fait vos amitiés, et que j’ai éclairé sur votre brouillerie avec Kisseleff. On lui avait dit que vous avez d'abord demandé, puis refusé, puis redemandé l'échange ; la versatilité était mise à votre compte. J’ai rétabli les faits. Du reste, je n’en entends plus parler.

10 heures
Voilà votre N°46. Je suis charmé que la question d’Ems soit vidée. Ma lettre à Andral a été remise hier. Il n'y a pas de mal. Adieu, Adieu. G.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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57 Val Richer. Mercredi 7 sept. 1853

Voici une lettre de Lord Aberdeen qui a de l'intérêt. Je le crois plus confiant dans la conclusion qu’il ne le dit. C'est sa maxime qu’il ne faut jamais être ni surtout paraîtra sûr ; en quoi il a très habituellement raison. Moi qui ne suis qu’un spectateur sans responsabilité, je persiste à tenir l'affaire pour terminée. On disait, il y a six semaines, que les Turcs ne demandaient qu'à céder, que c’étaient les puissances, et Lord Stratford, ou non des puissances qui les en empêchaient. Apparement elles seront bien en état de les faire céder aujourd’hui.
Je trouve que votre Empereur a là une excellente occasion de reprendre en Europe le terrain qu’il y a perdu ; on lui sait déjà beaucoup de gré de la bonne grâce avec laquelle il a accepté la note de Vienne ; si maintenant, il est plus modéré que les Turcs et passe par dessus leurs petites exigences pour mettre fin à la crise au lieu de s'en servir pour la prolonger, on sera frappé de sa magnanimité russe, de sa sagesse Européenne ; on regardera presque la paix comme un don de lui, et la question sera close à son honneur comme à son profit.
Le Duc de Broglie et Mad. d’Haussonville, sont venus me voir avant hier. Nous avons causé tout le jour. Broglie triste et sensé, trouvant, comme vous le dites, et comme cela est évident, que l'Empereur Napoléon, a gagné que l'affaire d'Orient a bien tourné pour lui, qu’il s’y est conduit habilement & & Cela vaut mieux que la popularité au Dieppe. Un souverain est toujours populaire aux eaux où il amène du monde.
J’ai vu ce pauvre Molé quand j’ai été à Paris pour l'Académie. C'est fort triste, un peu moins pour lui que pour d’autres, parce qu’il a toujours plus vécu de la conversation que de la réflexion ou de l'étude. Il paraissait croire que c’était une cataracte, déjà formée, sur un oeil et en train de se former sur l'autre. On peut opérer cela. Triste ressource, mais ressource. On n’a pas besoin d'être un héros mutilé pour finir comme le maréchal de Rantzau ; Et Mars ne lui laissa rien d'entier que le coeur, heureux ceux à qui le coeur reste entier ! Après tout, c’est par là qu’on vit. Adieu, je vais faire ma toilette. J’aurai de vos nouvelles ce matin. Je vous écrirai encore vendredi. Puis, je vous verrai dimanche. Vrai jour de fête. Adieu.

Onze heures
Voilà votre lettre. Ce serait bien du bruit. Mais si Constantinople est sens dessus dessous, tout suivra. Adieu. Vous savez bien que je ne m'ennuierai pas.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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58. Bruxelles le 16 mai 1854

Je n’ai rien eu hier, le 66 manque. N’ayant rien d’autre part & rien à dire je ne vous ai pas écrit. Aujourd’hui voici le 67. Qu’est encore devenu l’autre ?
Je n’ai pas besoin de vous demander ce que vous aurez dit de la lettre de l’Empereur à Osten Saken !!
C’est inquiétant. L'Autriche a fait une démarche chez nous. Si nous passons les Balkans, elle nous attaque. La forme donnée à cet avertissement est tel, dit-on, qu'il pourrait servir de base à une négociation quand on voudra négocier. Mais quand voudra-t-on ? La Prusse a été d’avis de ce que je vous dis là, cela prouve que ce n’est pas mauvais.
La fugue du Prince de Prusse produit un prodigieux effet et a fait cela bien légèrement. C’est après demain que les grands Allemands communiqueront leur traité aux petits à Francfort. Les 4 royaumes sont très russes c.a.d. les rois, pas le public. Ils adhéreront, il le faudra bien. Cette Grèce est une grande complication. La Bavière est très animée pour le roi Othon. Je m’intéresse à cause de vous au procès des assassins de Rossi. Je vois qu’ils sont condamnés. Si vous voyez Mlle Cerini dites-lui que je n’ai besoin d’elle que depuis le 1er juin. Non qu’elle ne me soit agréable avant, mais il pourrait peut- être lui convenir de traîner jusque là. J'espère qu’elle sait faire la lecture. J’ai plus que jamais besoin de cela, mes yeux me tracassent, & mon foie, & ma toux. Tout plein de petits maux. Ils finiront avec la guerre. Finira-t-elle ?
Le roi Léopold est convaincu de la paix en automne. Adieu. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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58 Paris Jeudi 4 Mai 1854

Dîner hier chez Delessert avec des banquiers et des académiciens, Hottingen et Villemain. Point de nouvelles. Les banquiers doutent de la prolongation de la guerre. Ils disent que les affaires vont mal à Londres, plus mal qu'à Paris. Des mécomptes sur l’Australie en sont la cause, bien plus que la guerre.
On regrette la destruction du palais du Prince Woronzoff qui est connu et estimé. Odessa est toujours incompris. On voit seulement que de Londres, ou envoie dans la mer noire de nouveaux vaisseaux.
Le nouveau manifeste de votre Empereur semble indiquer qu’il a besoin d'échauffer son peuple.
Le décret qui crée une garde impériale est signé, assure-t-on. 12 000 hommes ; tous anciens soldats, avec cinq sous par jour de surplus de solde. En outre deux ou trois cents hommes de gardes pour l'intérieur du Palais, sous le nom de gardes de l'Impératrice, tous sous officiers, et ayant déjà la croix d'honneur.
On s'occupe assez de l'insurrection grecque. Quel qu’en soit le résultat, c’est une grave complication de plus ; ou un grand coup à l'Empire Ottoman, ou la chute du royaume grec lui-même. J’ai trouvé la circulaire du comte Nesselrode bien ouvertement provocante. Ici, dans le public, il y a quelque humeur de voir nos vaisseaux et moi soldats employés contre les Grecs, mais une humeur froide.
La lettre de la Duchesse de Parme au Pape, pour lui demander sa bénédiction et un Évêque est bien tournée, à la fois pieuse et ferme de ton. Jusqu'ici cette Princesse réussit.
Adieu. Je pars toujours demain soir pour revenir ici le 18, pour huit ou dix jours. Je ne vous envoie guère de nouvelles. J’en aurai bien moins encore au Val Richer. Adieu. Adieu. J’ai un peu plus de sécurité depuis que je suis sur de la Princesse Kotschoubey à Ems. Soyez assez bonne pour lui parler quelque fois de moi. Vous me direz si Mlle de Chériny vous a plu. Adieu. Mad. de Boigne est malade.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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58. Paris le 6 septembre 1853

On attend toujours. Enfin aujourd’hui on doit apprendre les réponses de Pétersbourg, elles arrivent ce matin à Berlin de là le télégraphe.
J’ai vu hier Cowley longtemps. Il est inquiet. Il a fini Dieppe & va à Chantilly. Walensky a passé quelques jours auprès de l’Empereur. Il a refusé de voir D. de Luys. Cela n’a pas l'air de contrarier le maître. L’Empereur a l’air fatigué & changé. L'[Impératrice] a bonne mine elle n’est pas grosse.
Lord Normanby demande le poste de Florence ! Quelle chute ! Bulwer n’a pas envie d'y retourner.
Il n'y a personne à Paris et comme je me couche à 9 1/2 on ne vient pas le soir. (les seules qui puissent venir les diplomates) j’ai peur que vous ne vous ennuyez, mais moi je me réjouis bien de vous revoir.
Marion vous remercie de votre petite lettre, vous l'avez convertie. Au reste elle est bien mon ennemie et celle de Lord Aberdeen. Lord Harry Vane est ici, mais il ne sait rien. Lansdowne arrive ce soir, mais il ne fait que passer. Il va en Allemagne. On parle d'un voyage de Lord Palmerston (unichieff).
Je suis très divertie des Mémoires de Mme d'Oberkerich, de vieux souvenirs pour moi. Dumon est parti. Viel. Castel vient un peu causer avec moi. Conversation charmante. Adieu. Adieu.

P.S. Dans ce moment une lettre très intéressante de Greville. On craint en [Angleterre] que l’Empereur ne refuse. On croit à une révolution à Constantinople, le sultan déposé. Son frère à sa place. On est perplexe, on ne sait que faire de la flotte. Retirer. Honteux, [avancé], c’est violer le traité. Enfin tous les embarras du monde.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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59 Paris jeudi le 8 septembre 1853

Merci de la lettre de Lord Aberdeen. Je crois que nous accepterons, mais la nouvelle-ci n'est pas venue encore, ce qui étonne cependant je ne pense pas que nous évacuions avant l'envoi d'un ambassadeur Turc porteur de la note. Il me semble qu’en Angleterre. On s’inquiète outre mesure. Lord [Aberdeen] est dans le vrai.
Je vois les diplomates le matin, ils ne savent absolument rien, mais Kisseleff & Hübner sont tranquilles, les deux empereurs vont se voir à [Olnentz]. à moins de grand événement ceci sera ma dernière lettre. Le temps est toujours affreux. Très froid.
Nous avons passé toutes ses dernières soirées à trois avec Viel Castel, que nous trouvons charmant. Il part aujourd’hui pour Broglie. Il ne me reste plus personne et je vais courir le soir je ne sais où. Adieu. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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59 Paris, Vendredi 5 Mai 1854

Croyez-vous que, lorsque l'Empereur Napoléon mourait, à pareil jour, il y a 33 ans à Ste Hélène, il prévoyait son neveu Empereur aujourd’hui à sa place. Nous ne sommes pas assez frappés de la grandeur des spectacles que nous avons vus et de leur sens. Il me prend par moments l’envie de dire, sans réserve, à mon temps ce que je pense de lui. Mais cela ne se peut pas.
J’ai eu beaucoup de monde hier soir. Pour derniers Anglais, senior et sir John Boileau. Je regrette d'avoir manqué le matin Lord Napier qui a passé chez moi en traversant Paris pour se rendre à son poste, à Constantinople. Tenez pour certain que les Anglais sont modifiés, et que la perspective de la paix faite l'hiver prochain, par l’entremise des Allemands, les préoccupe et leur convient beaucoup. Ici, tout le monde dit que le gouvernement désire aussi la paix et tout le monde l’y pousse. Pourtant on parlait hier d’une levée nouvelle de 120 000 hommes, par anticipation sur le recrutement de l’armée 1854 qui ne doit légalement avoir lieu qu’en 1855. Voilà la garde impériale au Moniteur. Adieu.
Je vous quitte pour faire mes paquets de papiers. Je pars ce soir. Je reviendrai le 17 jusqu'au 27. Le beau temps revient aujourd' hui, le soleil doux. Il y a eu, depuis trois semaines, assez de cas de choléra à Paris, et graves. Ils diminuent beaucoup. Adieu, Adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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60  Paris le 16 septembre 1853

Grand vide & regret, & reconnaissance. J’ai vu hier les Hatzfeld, Kisseleff, Hubner, Molé. Celui-ci désespéré d’avoir ignoré votre séjour à Paris, il aurait pu vous voir encore hier matin. Son oeil va mieux, il est plein d'espérance.
Kisseleff avec un courrier hier soir. Nous refusons simplement parce que nous n’avons pas affaire à Constantinople. Nous maintenons l’acceptation de la première note de Vienne. Vienne n’a qu’à négocier sur cela avec la Turquie. Cela regarde la conférence & pas nous. Il n’y a donc de notre fait aucun empêchement à ce que cela s’aplanisse encore. Je doute que les Turcs s’y prêtent. J'ai fait visite tout à l'heure à la princesse Mathilde à Breteuil. Elle m’a dit d'excellentes choses sur le ménage impérial. Le bonheur conjugal le plus serein, le plus charmant ; l’Impératrice très douce, très bonne, dévouée, mais une pauvre santé.
La Reine Christine est d'une platitude sans pareille à cela près qui fait rire, on lui trouve beaucoup d’esprit. Pas d’apparence qu’on épouse une de ses filles. Elle a passé 9 jours à Londres, où elle n'a vu ni l’une ni l’autre reine. Après le voyage du nord la cour passera à Compiègne la première quinzaine d'octobre la seconde à Fontainebleau & le 1er Novembre elle s’établit à Paris.
Samedi 1. J’ai eu un mot de Constantin de Berlin, c’est le Cte Nesselrode qui a insisté sur le refus et qui l’a importé. Cela vous prouve bien que la volonté impériale est à la paix. Molé est venu hier soir encore & San Giacomo. On disait au club que les flottes entreraient et iraient même à Constantinople pour rendre au sultan sa liberté d’action & de volonté qu’il n’a pas dans ce moment, & qu’il signerait de suite la note de Vienne. Voilà le tout qu'on donnerait à la promenade. C’est possible.
Je ne crois pas que j'aie rien à ajouter jusqu'au départ de la porte. Adieu donc. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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60 Val Richer, Dimanche 7 Mai 1854

Je suis arrivé hier, assez fatigué. Je persiste dans mon observation. Ma santé est très bonne, mais ma force diminue. Ma force de corps, car je ne m’aperçois pas d’un autre déclin. Si ce n'est que ma main n'est plus aussi ferme ni aussi prompte à écrire ce que je pense. Mais ma main c’est mon corps.
Votre dernière lettre m'a amusé. Revenez d’exil, ce que je vous dirai vaudra mille fois mieux que tout ce que je puis vous écrire. Je ne vous dis pas à quel point vous me manquez. Presque en rien, en rien du tout, je ne vais jusqu'au bout de ce que je pense. Je m’arrête à moitié chemin, et je ravale. Grande privation et souvent vraie souffrance. Nous ne sommes pas toujours du même avis ; mais nous pouvons nous tout dire, même quand nous ne sommes pas du même avis. Pourtant nous ne nous sommes jamais tout dit, sur rien. Que la vie est imparfaite !
Mon nid est très joli, propre, frais et verd, pas encore assez fleuri ; il lui faut trois semaines de plus. Potager en bon état ; j'aurai beaucoup de fraises, d’abricots et de pêches. Vous regrettez les plaisirs de la propriété. C'est pourquoi je vous en parle. J’ai dit quelque part que sans s'en rendre compte, l’une des principales jouissances du propriétaire foncier, c'est qu’il se sentait maître d’une parcelle du monde, de ce monde limité qu’il n'est pas donné à l'homme d'étendre. Croker me savait beaucoup de gré de cette remarque, et la développée, dans le Quarterly Review pour faire sentir la supériorité de la propriété, territoriale au-dessus des autres. Cette supériorité vous touche-t-elle autant que lui ? Adieu, comme de raison, je ne suis rien du tout depuis avant hier. Mes journaux m’arriveront ce matin. Je ne suis abonné au Constitutionnel pour entendre un peu parler le gouvernement. Adieu, Adieu.
Ni moi non plus, cela ne me plait pas d'être plus loin de vous. Il y aura plus d’incident de porte, et d'après ce qu’on me dit, celle d’ici ne me paraît pas en train d'être très régulière. Adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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61 Paris lundi 19 septembre 1849

La dépêche à M. de Meyendorff par laquelle nous annonçons notre refus aux modifications de la porte est excellentissime. J’espère que cette pièce paraîtra vous en serez content. Elle est une réplique possible. Et très bien faite. Hubner a vu hier l’Empereur, extrêmement pacifique. Hubner lui même conserve des inquiétudes et ne veut pas croire qu'on n’entre pas dans les Dardanelles. J’ai vu Hatzfeld aussi hier, & puis c’est tout. Trois heures de bon air dans le parc de St Cloud et à Meudon. J’étais très lasse hier soir, & je me suis couchée de très bonne heure. J’ai manqué. quelques personnes insignifiantes. Je n’ai vraiment pas une nouvelle à vous dire. Drouin de Lhuys était attendu hier par l’Empereur qui l’avait envoyé chercher. Il a passé ces huit jours à sa terre près de Blois. Je crois que mes fils arrivent aujourd’hui. Adieu. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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61 Val Richer. Lundi 8 Mai 1854

Je ne comprends pas pourquoi ma lettre du Jeudi 4 a été en retard. Je vous ai écrit tous les jours, sauf samedi, jour de mon arrivée ici. Je sais ce que vaut ce déplaisir, et je le ressens pour vous comme pour moi. Vous aurez en deux lettres samedi
Voilà enfin des nouvelles officielles d'Odessa. Courtes encore et incomplètes. J'ai peine à comprendre qu'un amiral ne dise pas lesquels de ses bâtiments ont été engagés, ni combien d'hommes, il a perdu, car il on a perdu. Evidemment le combat a été vif puisque les quatre premières frégates n'ayant pas suffi il a fallu que quatre autres vinssent les soutenir. Nous aurons surement plus de détails, les Rapports des amiraux Hamelin et Dandas à leur Ministères. C'est vraiment le commencement de la guerre. J’aime le ton des quelques lignes de l'amiral Hamelin, simple et modéré. S'ils ont épargné autant qu’ils le disent les particuliers. Et le commerce, c'est bien. Quand les hommes mettront leur amour propre à ce que la guerre fasse le moins de mal possible ils seront bien près d'aimer mieux la paix que la guerre.
Vous êtes de plus en plus galants pour la Prusse. L'Impératrice elle-même assistant à la tête de son régiment, au service pour M. de Rochoir ! Et le Ministre de la guerre changé, comme Bunsen. Vous serez bien bonne de m'envoyer à Paris le discours de M. de Stahl par la première occasion. Je le prendrai en allant voter le 18 à l'Académie. M de Stahl est l’orateur très distingué d’une opinion qui, en religion et en politique, ressemble fort à une coterie, mais une coterie plus spirituelle et plus respectable que sa nation. Adieu.
Il pleut. Je ne ferai pas ce matin ma promenade ordinaire dans mon jardin avant le déjeuner. C'est mon heure d'inspection et de conversation avec mon jardinier.
J’ai reçu hier une lettre de Mad. la Duchesse d'Orléans, en remerciement de Cromwell. Très gracieuse ; intention évidente de plaire. « Cette oeuvre deviendra l'enseignement de notre époque- " Apres avoir été, pour vous, un noble emploi de la retraite, c’est, pour moi, une utile et charmante distraction de l'exil. " Des politesses pour mes filles.

Midi
Je ne comprends pas ce qu’est devenu mon N°58, et je ne me souviens pas de ce qu’il contenait, rien de nouveau, ni de bien spécial. Je suis sûr de l'avoir mis moi-même à la poste, en allant Jeudi à l'Académie. Ce qui me déplait, c'est qu’à cause de mon voyage vous aurez eu encore une interruption. J’ai été un jour sans écrire, et je suis d’un jour plus loin. Adieu, adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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62. Bruxelles le 20 Mai 1854

Vous aurez eu mon N°60 plus tard car je n’ai pas manqué un jour de vous écrire. Je remets ceci à votre petit ami. Je l’attends car hier je n’ai pas pu causer avec lui.
Ici on croit tout-à-fait que l’Autriche passera à l’action. Le roi Léopold répète que la guerre ne peut pas durer. Je voudrais bien savoir comment elle peut finir ?
Evidemment même d’après la lettre de la Grande Duchesse, l'Empereur est abattu mais autour de lui c’est toujours de l'encens, de l’exaltation, et il a vraiment tellement échauffé les têtes qu’une pauvre paix pourrait lui coûter cher. Greville m'écrit encore charmé de l’Autriche et sur d’elle, très mécontent de la Prusse mais trouvant sa fidélité à nous très naturelle. L'armée prussienne est tout à fait dans le sens Russe. Je suis curieuse de la Suède. Je flaire la défection.
Je vois beaucoup Brunnow. et je lui trouve beaucoup d’esprit. Son grand régal est quand je lui montre une de vos lettres. Il dévore Cromwell. Pour Kisseleff c’est comme s’il était en Chine. Fini tout-à-fait. Cela devait être, je l’avais trop bien traité pour qu'une désertion tion peut être supportée par lui.
En Angleterre on voudrait toujours chasser ces deux messieurs de Bruxelles. à Paris leur présence ici n'incommode pas du tout. Je suppose qu'on la trouve évidente ce qu’elle est en effet. Cela ne pourra pas durer. Le corps diplomatique ici est fâché de leur présence. La cour ne veut pas donner de dîners craignant autant de les inviter que de les exclure. Depuis février personne n’a vu le roi. Van Praet ici est toujours bien fidèle et bien agréable. Infaillible, tous les soirs. C’est lundi matin que Brockhausen quitte Paris si vous savez quelque chose vous savez où le trouver Hotel de Londres rue Castiglione. Adieu. Adieu.
Voterez vous pour Fortoul ? J'ai été charmée de l’Evêque d’Orléans & de M. de Sacy. Génie porte ma lettre à Rothschild Il la trouve très bien, mais il se concertera d’abord avec vous. Si vous ne trouvez pas l’intermédiaire bien laissez cela, mais envoyez simplement ma lettre.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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62. Paris le 21 septembre 1853

J'ai revu hier mes fils, et je n’ai vu que cela parce que j’avais fermé ma porte. Le beau temps me mange ma matinée. Je reste 3 heures au moins dans le parc de St Cloud qui est superbe. Le soir j'ai vu Molé qui venait apprendre & ne m'a rien appris, il vient de Maintenon et s’en retourne au Marais.
On est très agité ici et à Londres. Nos observations sur les modifications que demande la porte ramènent les choses au point où elles étaient il y a 6 mois en commençant. Il n’y a pas moyen de s’entendre, & il est clair qu’à présent nous ne reculerons pas.
K. n’est pas épouffé du tout quoiqu'il entende, beaucoup de mauvais propos. Si on entre dans les Dardanelles, & bien le traité n’existe plus, et au fond, il n’a jamais été de notre goût. Ainsi cela nous est égal. Je trouve le discours de l'Empereur hier à la troupe très bien. Je suis fort de votre avis sur les proclamations du Prince Gortchakoff.
On dit que la G. D. Marie a pris un tel goût pour l'Angleterre qu’elle veut y rester. Je ne puis pas croire cela. Adieu, car je ne verrai personne avant l'heure de ma promenade, et il faut donner ma lettre avant de sortir. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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63 Paris le 23 septembre 1853

Le fils de M. de Meyendorff m’a apporté de lui une longue lettre, pas gaie. 2 pages d'invectives contre Lord Radcliffe. Double langage, double jeu. J’ai envoyé copie de cela à Lord Aberdeen. Ce n’est que le 10 octobre qu'on attend à Vienne les résolutions de la porte à la suite de notre refus.
J’ai vu Fould ; mécontent d'Aberdeen. Ne comptant que Palmerston & Malmberg comme aussi de l’Emp. Napoléon disant que l’opinion toute entière de l'Angleterre demande la retraite d'Aberdeen. Il a l’air d'y croire. Il est toujours question d'un mouillage en dehors des Dardanelles. Le discours à Satory avait subi quelque avarice en le prononçant, défaut de mémoire ou je ne sais quoi. Le Moniteur a suppléé. On est bien mécontent ici de nos observations sur les modifications de la porte, et on le dit aux gros et aux petits. Cette pièce était juste à la dépêche à Meyendorff. Celle-ci est bien pauvrement donnée dans les journaux. Je vous répète qu’elle est très bien faite, très bien écrite. K. a eu bien tort de ne pas donner le texte.
J’ai vu le duc de Noailles avant hier soir, & hier Barante. Sébach est revenu de Torquay. La G. D. Marie folle de l'Angleterre et ne voulant pas en bouger. Torquay plus beau que Naples mécontente de la cour mais se moquant de cela. Brunnow bien noir et croyant à la guerre, à la grande. Voilà mes nouvelles. Passons aux petites affaires. Hélène est bien touchée de vous voir vous occuper d’elle. Elle prendra à genoux le [...]

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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63 Val Richer. Mercredi 10 Mai 1854

Le rapport du général Osten-Sacken est, au fond, d'accord avec ce qu’on nous a donné de celui de l'amiral Hamelin. Evidemment, les batteries du port de pratique d'Odessa ont été détruites, et les vaisseaux contenus dans ce port, ainsi que les magasins militaires incendiés. Je conclus aussi que la tentative de débarquement a peu réussi. A tout prendre, la flotte Anglo-française me paraît avoir fait ce qu’elle voulait. Je suppose que les journaux Anglais donneront plus de détails. Mais je n’ai ici que le Galignani qui ne répète que ce qu’on lui permet.
Vous ne penserez plus à ce premier incident de la guerre quand vous lirez ce que je vous en dis. Il sera arrivé depuis je ne sais quoi. Voilà l'absence. Nous aurions de quoi bien alimenter nos conversations du bois de la Cambre. Il fait très beau ce matin ; la promenade y serait charmante.
Voici un article de la Correspondance d'Havas qui vaut la peine d'être lu. C’est le sens que le gouvernement veut faire attacher aux deux camps qu’il vient de décréter 100 000 hommes sur la frontière du Nord ne peuvent être indifférents à la Prusse. Si la guerre se prolonge, les puissances Allemandes ne parviendront pas à rester neutres. On finira peut-être, à Vienne, par ne pas trouver Hübner trop anti-russe. Du reste Hübner à Vienne et Hübner à Paris, ce sont deux choses ; j’ai peine à croire qu’à Paris, il soit autre chose que ce que veut son gouvernement c’est-à-dire son Empereur. Mais quand les situations deviennent grandes et fortes elles n'admettent pas le double jeu. Adieu, adieu. On me dit que Paris devient désert. J'y retournerai. Mercredi prochain. Ecrivez-moi lundi 15 à la rue de la Ville L'évêque. J'y serai jusqu’au 26.

Midi
Je me suis déjà chagriné pour vous de ces deux jours sans lettres. L’ordre est rétabli aujourd’hui, et vous en aurez une tous les jours. Adieu. Adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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64. Bruxelles le 23 Mai 1854
Mardi

Je vous remercie d’avoir remis mon affaire entre les mains de Génie. Il traitera fort bien avec Rothschild et cela pourra aller vite. Mais reverrai-je jamais mon appartement ? D’abord la paix, quand viendra-t-elle ? & ma santé qui s’en va au grand galop. J’ai tous les jours quelque mal nouveau. Maintenant mal à la poitrine, hier névralgie à la tête. C'est une misère. Je crois le climat de Bruxelles bien mauvais. Quelle est l’adresse de Génie ? J'ai lu des choses curieuses. Il paraît que la faction allemande est débordée à Pétersbourg. Et nos agents diplomatiques sont tous allemands. En Autriche, Prusse, Danemark, Brunnow est à Vienne. Tout cela est pour la paix et la prêche. On dit même que Paskevitch aurait dit : "Je ne sais pas pourquoi je vais faire la guerre." Et bien tout cela n'a pas cours chez nous. Je commence à croire que le petit Grand Duc Constantin gouverne.
Comme vous voyez beaucoup Mad. Mollien depuis quelques temps je suis devenue jalouse et j’ai demandé ce qu’elle était. De bonnes manières, je le sais je la connais, mais après on me dit qu’elle est très ennuyeuse, de la prétention, de l’affectation de la flatterie & des phrases. Cela ne vous va pas il me semble et je me rassure. C'est bien long toute une journée avec elle.
Le ministre Belge chez nous raconte Odessa comme nous l’avons raconté nous-même. Pas une grosse affaire, pas grand dommage à la ville même point, et celui fait à vos vaisseaux c’est les 4 canons de notre petit lieutenant d’artillerie qui l’a causé. Tout cela est donc peu de chose. Les préparatifs à Cronstadt, Sveaborg et surtout Pétersbourg formidables, & même exagérés. La Finlande très dévouée. La Suède pas de danger qu’elle tourne contre nous. Vienne l'hiver & elle aurait tout à craindre de notre part. Elle ne peut pas s'y exposer. Levorin, Courlande, Estonie, les plus affectionnées provinces de l’Empire. Enfin nous sommes en pleine confiance. Ai-je raison de dire que nous sommes très mal à l'aise, mais pas ridicules ?
Comme je suis triste de penser que vous allez être si loin. Et que moi je m'éloignerai à mon tour. Quel espace entre nous ! Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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64 Paris dimanche 25 septembre 1853

Barante reste 15 rue du Cirque, sa fille n’est pas accouchée encore. Il compte aller vous voir entre le 6 et le 12 octobre, si... sa fille est accouchée. Drouin de Lhuys parle très mal de la Russie à tout le monde. On reste très inquiet au F.O. Français comme à celui de Londres. L’Ambassadeur turc a eu hier des nouvelles de Constantinople du 15. Il n’y était pas question de la réunion des [?] dont a parlé le journal des Débats. Décidément il n'y a plus d'action commune à Vienne. L'Angleterre n’a pas voulu faire comme d’Autriche. Il est impossible de dire ce qui arrivera mais tout peut arriver. Je crois à l’entrée des flottes pour protéger le Sultan contre ses propres sujets.
11 heures Dans ce moment la Turquie qui annonce que sur la demande du Sultan deux vaisseaux de guerre. Anglais & deux français sont entrés et vont à Constantinople pour protéger leurs nationaux. On me dit que la reine Christine va retourner sous peu à Madrid. Voilà tout pour aujourd'hui. Le mauvais temps me désole. J’avais pris des habitudes d'été & je passais mes matinées dans le bois de St Cloud dont on m’a permis l’entrée. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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64 Val Richer, Jeudi 11 Mai 1854

Le langage de Rothschild prouve qu’il a bien envie que la paix se fasse, et que vous cédiez assez pour qu’elle se fasse. Je ne connais pas d'homme dont toutes les paroles tendent plus constamment au but de son intérêt personnel, par instinct ou avec dessein. Il ne s'oublie pas un moment.
Le jour même de mon départ de Paris, j’ai fait un effort pour vous envoyer Montebello qui était venu me voir. Mais je n'y crois pas, malgré son envie. Outre ses enfants, il a des affaires qui le clouent à Paris. Son second fils doit faire, bientôt ses examens pour entrer à l'École de St Cyr. Il n’ira chez lui, en Champagne, que tard, vers la fin de Juillet. Duchâtel part le 22 de ce mois pour La Grange, et de là à Vichy, où d'Haubersart va aussi. Dumon part aussi pour aller inaugurer la moitié de son chemin de fer de Lyon à Avignon. Je trouverai encore tout notre monde à Paris jeudi prochain, mais, en en repartant, je n’y laisserai plus personne.
Moi aussi cela me déplait que vous vous éloigniez encore davantage. Ce sera pis encore quand vous serez à Schlangenbad ou à Bade. Je connais Ems ; je vous y vois. Que de sentiments puissants et doux il faut refouler dans son coeur quand on est loin ! Que de choses qu’on voudrait se dire quand on ne le peut pas, et qu’on n'aurait pas besoin de se dire si on était ensemble !
Le journal des Débats a fait un bon article sur la duchesse de Parme. Elle se fait vraiment honneur. Lord Clauricard, et M. Disraeli s’en font moins par leurs taquineries sur l'amiral Dundas et le Duc de Cambridge. Le gouvernement anglais n'a pa grandi ; mais l'opposition a bien plus baissé. Est-il vrai que lady Clauricard a perdu une de ses filles, Lady Larcelles, je crois ?
Vous voyez bien que je n’ai rien à vous dire. Je vais faire ma toilette en attendant la poste. Adieu. Midi. Voilà le N°53. Adieu, Adieu.
Je n’ai pas encore ouvert les journaux. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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65. Bruxelles le 24 mai 1854
Jeudi

Brockhausen est revenu hier de Paris. Enivré de Paris, malheureux de retrouver Bruxelles. Il dit qu'on sait bien moins là qu'ici. Je suis dans mon lit aujourd’hui c’est bien ennuyeux, j’espère que ce n’est pas dangereux. Redcliffe a fait ses embarras. Il n’a pas voulu aller au dîner donné pour le prince Français, Raglan non plus, c’est drôle. Les spectateurs trouvent cela un singulier début pour l’action commune.
Il y a des gens qui prétendent qu'il y a quelques nuages entre Paris et Londres, c’est des mauvaises langues.
Quelle misère d’aller nous trouver vous en Normandie, moi en Nassau. Ce pauvre Constantin me conseillait l’autre jour de penser comme la Grande Duchesse de Weimar qui dit que le bon Dieu n’aurait pas fait autre ment que l’[Empereur] son frère, j’ai répondu que c’était bon pour un orthodoxe de le croire, mais que moi j’étais Luthérienne, et je crois au bon Dieu plus d'esprit que cela. J'ai été prise d’un accès de sommeil après une nuit blanche, et voilà qu'il est tard. Je suis obligée de fermer ma lettre. Je viens d'en recevoir une de Greville un peu bête. Evidemment l’intéressant il ne veut pas me le dire. Adieu. Adieu.
N'oubliez pas de me donner l’adresse de Génie.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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65 Paris le 27 septembre 1853

Voilà bien du bruit ici. De tous côtés on vient m'effrayer. Me rassurer, personne. M. Fould est enchanté de l’entrée des vaisseaux. " C’est plus net. La capitulation sera plus facile. (Joliment !) ou la guerre. plus tranchée, car ce sera. La guerre révolutionnaire. L’Autriche y perdra de suite l’Italie & la Hongrie. L’Allemagne ne demande pas mieux que d'appartenir à l'Emp. Napoléon. Il tient en mains les révolutionnaires de tous les pays, il peut les contenir où les cacher. Chez lui il n’a pas peur, ils sont soumis. Il peut donc bouleverser le monde sans courir lui-même le moindre danger." Lord Cowley est au plus noir ; il ne voit plus un moyen quelconque pour éviter la guerre générale, et des malheurs af freux. Cependant son instinct se révolte et il doute, en dépit de tous les raisonnements qui tous concluent à la guerre. Hübner est dans un état violent. Bual n’est pas à [Olmetz]. Cela l'offense avec quelque raison. C'est mon [Empereur] qui n’aurait pas voulu. Kisseleff conserve sa tranquillité apparente. Hatzfeld est à la campagne. Lord Lansdowne écoute, Brougham bavarde et rit, il n'a jamais été aussi en train et aussi agréable. Le premier revient de Suisse et retourne en Angleterre. Il attendra ici l’Empereur à moins d'une convocation du Cabinet. Son dire est comme celui de tout le monde avec les formes réservées & polies que vous lui connaissez. Mais la guerre est au bout. On dit ici aux aff. étrangères que le traité des détroits a toujours été respecté jusqu'au moment où la vie des Nationaux est menacée (Je me trompe c’est Cowley qui me dit cela mais qu'il n’y a pas de traité qui tienne devant le devoir de la sauver.) Drouin de Lhuys dit aux petits diplomates que c’est dans l’intérêt de la paix encore qu'on fait cela et pour donner au Sultan la force de négocier à Paris et à Londres on croit qu'avec la parité de situation, occupation pour occupation. Il sera plus aisé de les faire cesser simultanément. C'est un grand gâchis que tout cela. Et jamais on n’a été aussi près de la catastrophe.
Aberdeen est très ferme dit Cowley dans le parti qui vient d’être pris. Lansdowne ne croit pas du tout à la retraite. Midi. Dans ce moment, une lettre de Greville très longue, je vous en enverrai copie demain, très desponding, ne voyant pas jour à sortir de la difficulté et à éviter la guerre. Il désire bien connaître votre opinion, et si vous voyez une solution possible. Pensez-y. Il me demande déjà où j' irais. C’est jolie d’avoir à songer à cela. Adieu. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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65 Val Richer Vendredi 12 Mai 1854

Ce qui se passe en Grèce et quant à la Grèce est déplorable à lire. Depuis plus de 30 ans, je me suis accoutumé à porter intérêt à ce petit état. De 1840 à 1848, je l’ai soutenue contre votre domination exclusive et contre le mauvais vouloir anglais. La conduite qu’il tient en ce moment, roi et pays, est très imprudente, mais très naturelle, et il n’y a dans la Grèce même, personne, ni Roi, ni chambres qui soient en état de l'empêcher quand ils le voudraient. Je suis choqué du langage qu’on parle à ses pauvres gens. Je suis sur qu’on pourrait peser sur eux et les contenir un peu avec d'autres façons et d'autres paroles. Nos soldats iront-ils faire en Grèce, au profit des Turcs, ce qu'y faisaient les Égyptiens de Méhémet Ali quand nous y avons envoyé une armée pour les en chasser, et ferons-nous, contre la marine grecque, un second Navarrin ?
Détruire successivement, dans la Méditerranée, les marines Turque, Russe et Grecque c’est beaucoup. Cette affaire d'Orient tournera mal pour l'Europe ; la politique ne peut pas se mettre à ce point en contradiction avec la religion, avec les instincts populaires, avec les actes, tout reçus, des gouvernements eux-mêmes. Plus j'y regarde, plus je me persuade que, si on n'en finit pas promptement, on tombera dans un odieux Chaos. Que signifie ce qu’on écrit de Vienne sur de nouvelles propositions que l’Autriche, après avoir occupé la Bosnie, adresserait à la Russie, et que M. de Meyendorff aurait trouvées acceptables ?
Le bruit se répand ici, parmi le peuple, que le recrutement de l'armée prochaine sera avancée, et qu’on prendra six mois plutôt 80 000 hommes. On s'en attriste ; mais on s'y résigne. La guerre et ses conséquences n'étonnent et ne choquent jamais beaucoup ce pays-ci même quand elles lui déplaisent Du reste, il ne me revient rien qui me donne lieu de croire que ce bruit soit fondé.

Onze heures et demie
Je serais bien fâché qu’il arrivât malheur à ce pauvre M. de Meyendorff. Il me semble que je le connais. Adieu, Adieu.
Voilà enfin le rapporte détaillé de l'amiral Hamelin. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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66. Paris jeudi 29 septembre 1853

Marion est malade, & moi trop fatiguée pour copier Greville. Voici le résumé grande agitation, impuissance de découvrir un nouveau moyen de négociation. Nous avons tout gâté par notre seconde dépêche explicative qui veut dire que nous entendons la note de Vienne dans le sens de l’Ultimatum Menchikoff. Il ne fallait pas dire, il fallait ne rien dire. Mais enfin c’est fait & on ne sait plus à quel Saint se vouer. Il paraît donc qu'il ne reste que la guerre. cependant la saison fait obstacle aux coups. Mais encore une fois comment renouer ? Voulez-vous bien le dire. Vous vous ferez difficilement une idée de la consternation de Hubner, Hatzfeld & &. Ils nous envoient à tous les D. C’est naturel. Mais nous n'y allons pas. Constantin me mande du 24 que l’Empereur est de très bonne humeur. J’ai vu hier chez moi le soir Molé, Berryer, Brougham, & Fould. Celui-ci très gai. Je n’ai pas pu causer avec lui. Il a dit à Marion que cela s’arrangerait comment ?
L’Empereur revient aujourd’hui. Lansdowne qu'on avait convoqué pour un Cabinet conseil reste pour faire sa cour. Le voyage n’a pas été favorisé par le temps. La reine Amélie renonce à tout. La tempête l’a rejetée à Plymouth, elle est revenue à Clarmont malade. On dit que la Pcesse de Joinville l’est très sérieusement depuis longtemps & qu’elle mourra si elle ne retrouve par le soleil. Le duc de Noailles est venu aussi hier. Il a longuement. vu Fould l’autre jour que lui avait tenu le même langage qu'à moi. Belliqueux & révo lutionnaire par nécessité, parce qu’il ne voyait pas d’autre ressource. Olmentz a dû finir avant hier. Bual y a été mandé. Voilà Hubner plus tranquille au moins sur ce point. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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67 Bruxelles le 27 mai 1854

Comme il y a toujours de l’esprit dans vos lettres vos observations sur M. de Stahl sont charmantes. L'ascension qui nous relève les journaux ne nous laisse que des commérages. Hier Paskevitch avait passé le Danube. Silistrie allait toucher dans quatre jours. Je ne crois à aucune nouvelle. On ment de tous côtés. La Grande Duchesse Olga est revenue à Stuttgart on y arrive aujourd’hui. Elle a laissé l’Empereur rétabli. Tout le monde confiant et charmé de l’occasion de secouer la Russie et de montrer à l’Europe ce que nous sommes. Ah que je me serais passée de cette exhibition !
Ce qu'il y a de triste dans cette maudite affaire c’est que l’Europe entière ne nous fera pas fléchir. Nous ne sommes pas assez civilisés pour cela.
Greville compte sur des révolutions de palais ou autre. Cela ne sera pas. La force & la puissance de l’Empereur sont dans sa résistance à l'ennemi. Toute la nation l'appuie. Il n’y aurait de danger pour lui que s’il voulait céder quel malheur d’être encore des barbares.
Le temps est affreux, je n'ose pas sortir et j’ai tout le temps imaginable pour m'ennuyer. Si mes yeux me permettaient de lire !
Adieu. Adieu, je n'ai rien à vous envoyer qu’adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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67. Paris Samedi le 1er octobre 1853

Quel malheur que vous ne soyez pas pour un moment à Londres, ou pour deux mois à Paris. Aberdeen me paraît faire fausse route tout-à-fait. Il court à la guerre & tout de suite. Je m'étonne que vous n'ayez pas lu notre seconde dépêche même date que la première 7 sept. Intitulée examen des modifications turques, et qui donnait notre interprétation de la note de Vienne. On a trouvé à Londres & ici que cet examen ramenait la question à la proposition Menchikoff, et dès lors on a pris fin. Tout le monde même impartial ici on a porté le même jugement. C'était dans tous les journaux. C’est sur cela qu’est venu la recrudescence & l'impossibilité de s’entendre.
Le Cabinet Anglais est convoqué pour après demain le 3. On fait revenir la reine le 5. Ce sera pour la déclaration de guerre ou la convocation du Parlement. Les meetings vous se succéder. Tout le monde est à la guerre en Angleterre. Le mot d’ordre est que la Russie a voulu duper les Anglais. Lord Lansdowne tient le même langage. Il a vu hier l’Empereur, & part demain. Il était ici hier soir, monté contre nous, tout le monde est fou. Le ministère anglais est très uni, il n’est pas question de changement. Constantin m'écrit d'Olmentz grande intimité. Les trois cours dans la plus grande entente. Mon [Empereur] très poli pour les off. français. Il les a invités à Varsovie.
C’est dans le journal des Débats du 24 sept. que vous trouverez la pièce diplomatique qui fait aujourd’hui l'objet de la querelle. Benoist Fould est devenu subitement fou. On dit qu’Achille Fould va quitter le ministère pour prendre la direction de la maison. C'est à la bourse que se débite cette dernière nouvelle. La première (la folie) est positive. On parle d'envoyer 30 m. hommes occuper Constantinople comme on occupe Rome. Croyez- vous cela ? On ajoute que dans ce cas l'Angleterre irait occuper Alexandrie et le faire ! Strange times. Adieu. Adieu.
J’avais hier soir Molé, Lansdowne, Montebello, Kisseleff, d'autres diplomates. Mon salon se reforme. Il faudra quitter tout cela s'il y a guerre. Adieu.
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