Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


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Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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15. Stafford house vendredi 28 juillet 1837
Midi

Décidément c’est mardi 1er Août que je quitte Londres, adressez moi un mot à Boulogne en réponse à ceci. J’y serai plutôt que je ne vous ai dit, car je ne veux m’arrêter qu’un jour chez Lady Cowper. Votre lettre aura à peine le temps d’arriver à Boulogne, ainsi dépêchez-vous. Le N°9 me reste dans la tête dans le cœur dans tous les fibres. Il ne m’a pas laissé dormir. Je me rappelle sans cesse le propos de la petite Princesse dit tout au commencement " Er ist ihnen nicht gesund" Elle a parfaitement raison et je ne m’en inquiète pas. Ma vie sera plus courte, mais elle sera heureuse, elle l’est. Ce bonheur immense, inconnu jus qu’ici, & qui se révèle à moi avec une force dont mes paroles ne peuvent pas vous donner une idée, il me consume Il me fera mourir, car je n’espère plus m’y accoutumer. Quel sort étrange que le mien ! Monsieur songez y bien ; regardez nos destinées comme tout nous séparait ! Et pourtant ! Ah mon Dieu comme ces réflexions me mènent loin, il y a de quoi en devenir folle. & je m’imagine quelques fois que je le suis. Ah je ne veux pas guérir de ma folie. Dieu m a enlevé ses enfants, il me laissera ma folie, je veux mourir avec elle.
Monsieur je me crois bien malade ; je suis pressée de partir. Ne vous inquiétez pas cependant, je serai mieux sur cette terre de France. Je vous écrirai encore au moins une fois avant de partir. Mes lettres ne vous manqueront pas. Pardonnez moi si je ne vous donne aucune nouvelle. Ma tête n’est pas à ce qui se passe autour de moi. Je crois que c’est intéressant cependant.
Les ministres ne sont pas contents des élections. Hier au soir lord Holland était soucieux. Ils ont perdu déjà 4 voix. S’ils en perdent encore quelques unes, ils ne peuvent pas marcher sans s’unir au parti conservateur. Les chefs de ce parti sont prêts à leur donner appui. Le duc de Wellington m’a tenu à ce sujet le langage le plus convenable & le plus noble. Il me parait qu’il ne s’agit que de s’entendre, & c’est là ce qui manque souvent ici. Les intermédiaires manquent aujourd’hui plus que jamais. Reebuck a échoué, ce devrait être une bonne fortune pour les ministres. J’espère qu’ils l’entendent comme cela.
Adieu. Adieu, dearest.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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14 Val Richer, Dimanche 26 Juillet 1846

Vous n'aurez que deux lignes aujourd’hui, pour que vous ne soyez pas inquiète. Je pars à 11 heures et demie pour Lisieux. J’ai ma toilette à faire et ma promenade pour mon discours, car j’ai été hier assailli de visites qu’il a fallu recevoir. Je ne puis renvoyer, en ce moment des électeurs qui viennent de plusieurs lieues. Je sais ce que je veux dire à ce banquet. Mais j’ai encore besoin d’une heure de solitude. Je vais bien. Plus d’éternuement du tout. Merci de vous bien porter. Je vous renvoie Flahault et Marion. Charmante fille comme vous dites. Rien de nouveau ce matin. L’Espagne me tourmente beaucoup. Adieu. Adieu. Pardon de mon laconisme. Adieu. G. Lord Normanby sera à Paris Le 17 août. C’est ce que m’écrit La Rochefoucauld. Il est parti de Florence le 16 pour Londres.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Mercredi 16 Juin 1852

Je vous envoye la lettre de Marion. Vous verrez qu'à moi comme à vous, elle promet presque Aggy pour le mois le Juillet. Je lis presque, pour être très précis, et il faut l'être surtout en fait d’espérances.
Je suis fort aise que vous ayez trouvé un médecin homme d’esprit ; il vous calmera, en vous soignant rien ne vous calme plus que ce qui vous amuse, pourvu qu’il n’y ait pas de mouvement physique vous avez besoin de toute votre force pour suffir à la vie morale ; il ne vous en reste plus pour le mouvement.
Le calme du Val Richer ne vous conviendrait pas mieux que le mouvement, car c’est la solitude. Je n’ai encore que mon fils qui travaille beaucoup pour se préparer à ses examens. Je travaille de mon côté. Nous nous promenons une heure ensemble après le déjeuner. Nous causons le soir après dîner. Nous sommes couchés à 10 heures et levés à 6. Il n’y a pas de vie plus saine quand on ne la trouve pas ennuyeuse.
J’attends le ménage d’Henriette à la fin de la semaine prochaine et celui de Pauline dans les premiers jours de Juillet.
Il me paraît que le gouvernement vient déjà d'avoir un échec dans son corps législatif. Il voulait que les nouveaux impôts qu’il a proposés et dont il ne peut guère se passer, fussent renvoyés à l'examen sommaire de la commission du budget, de qui il espérait une prompte acceptation. On s’y est refusé malgré les efforts de M. Billault, et on a chargé de cet examen des commissions spéciales qui seront lentes et difficiles. Le succès des nouveaux impôts est donc très incertain. A mon avis, le gouvernement a raison de les proposer ; la taxe sur le papier est très convenable et peut rapporter 10 ou 12 millions, ce qui en vaut la peine. Les taxes somptuaires ont bien peu de valeur en France où il y a si peu de grand luxe, et elles donnent lieu à beaucoup de tracasseries. Mais le principe n'en est pas mauvais, et leur produit peut aller croissant.
Voilà toutes mes nouvelles. Ni vous dans votre tourbillon, ni moi dans ma solitude, nous ne trouvons davantage à nous mander. Si nous étions ensemble, nous aurions mille choses à nous dire.

10 heures et demie
Pas de lettre. Grand ennui. Ce n’est pas votre faute, j'en suis sûr. Mais cela ne me console pas. Il faut attendre à demain pour savoir comment vous êtes. Adieu, adieu. G

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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15 Val Richer, samedi 11 Juin 1853

Un nouveau délai, c’est quelque chose, pendant ce temps là, on négocie certainement à Vienne à Londres, à Paris. Si on sait s'y prendre, il doit venir de Constantinople quelque ouverture que l'Empereur ne puisse pas se dispenser au moins d'écouter, et qui engage une négociation nouvelle. Je suppose toujours que l'Empereur n’a pas son parti pris d’engager la question dernière, et de jeter bas, l'Empire Ottoman. Sauf cette hypothèse il est impossible que l'affaire ne s’arrange pas.
On m'écrit de Londres : " I see Lord Aberdeen very frequently happily rather a friend than patient. His healthy, since he took office, has been better than usual, though you will judge from what you see of tre current of affairs that he cannot he without various inquiétudes. The Turkish question, under ils present aspect the India Bill in its future course and the Education bill under the various perplexities which religious fond impose upon it, are all subject which may well afford to him thought and anxiety. " (Je vous supprime les questions intérieures) " On the Turkish questions I will not speak. A few days or weeks will decide them for good or ill, and the anticipation here is (or was yesterday, that all will end in compromise."
Est-il vrai que Lord Stratford ait proposé à ses collègues de faire une réponse collective aux questions de la Porte, et qu’on s’y soit refusé, en se bornant à des réponses identiques rédigées par M. Delacour ? Cela serait assez significatif et cette fois-ci encore comme en 1840 l’Angleterre aurait de la peine à se faire suivre de ses alliés.

Onze heures
Merci de ce que vous m'avez fait écrire. J’espère que votre fatigue n’est pas sérieuse. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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16. Bade Jeudi 15 août 1844, 6 heures

Je me réjouis bien de me retrouver auprès de vous dans quelques jours. Nous aurons de quoi parler. Votre nouvelle d'Alexandre est très curieuse. elle a beaucoup frappé mon frère. Il ne pense guère qu'à ce qui nous regarde directement. Il s'en suit donc que ceci nous regarde ou au moins nous intéresse. N’y a-t-il pas là quelque parti à tirer pour Tahiti ? (cela ressemble un peu à l'attentat contre le Roi de Prusse que je pensais qui devait déranger mon voyage !)
Vraiment c’est très curieux comme l'Afrique est devenu le théâtre de la politique. Alexandrie, Turin. L’Algérie. Le Maroc. Cette rivière Gabon où je ne sais quoi : votre nouvel établissement près de Madagascar. Une certaine guerre au cap de bonne Espérance.
C’est drôle que Nesselrode retrouve à Londres précisément dans ce moment de tension dans vos rapports avec l'Angleterre. Le hasard le favorise. Je pense cependant qu’aucun grand cabinet ne peut désirer une rupture. Il y a trop de périls pour chacun attachés aux conséquences de cette rupture, mais il faut convenir que l’entente cordiale a été courte.

Vendredi 16. à 7 heures du matin
Mon frère continue à aller bien. Le changement est miraculeux. Je lui ai annoncé hier que je partais demain, il a essayé de causer un peu plus que de coutume, mais cela lui coute ou cela l’ennuie, je ne sais lequel. Au reste il est comme cela pour tout le monde. Hier des averses continuelles. Aujourd'hui s'annonce de même. Je crois que je vous arriverais à la nage. La Colonie s’est réunie hier soir chez Madame [?]. Annette a chanté. J'y ai passé une heure. A 9 heures je me couche tous les jours. J'éprouverai un vrai chagrin à me séparer de Constantin. Bon, excellent, jeune homme, et qui a, je crois, vraiment de l'attachement pour moi. Tous ses petits soins de tous les instants me manqueront beaucoup. Mon frère restera encore trois semaines à Bade. Hélène partira avant lui. Le pauvre petit Hennequin ne sera pas fort édifié de son séjour ici. Il n’a pas pu faire une seule bonne promenade. Il partira le même jour que moi, mais je veux qu'il me voie partir. C’est plus sûr. Je peux à peine croire que je suis si près du moment de vous revoir. Cela me parait si charmant que voilà toutes les terreurs qui recommencent : il m’arrivera quelque chose en voyage. Je suis d’une poltronnerie ! Le Tolstoy qui m’accompagne est aussi effrayé que moi, et demande de tous côtés des renseignements. Il a peur de moi. Adieu, Adieu.
Je vous écrirai encore un mot demain avant de me mettre en voiture. Et puis de la route pour vous mander un accident, s'il arrive. Adieu mille fois adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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16. Bruxelles le 19 mars. 1854

Je pense que ma lettre vous trouvera encore avant votre départ. Cela m'ennuie que vous soyez plus loin de moi pendant 4 jours. Ah que les jours sont longs pour moi. Quel supplice que cet exil, et quand finira- t-il. Nesselrode écrit : " la lutte sera longue. Les préparatifs chez nous sont énormes, il n’y aura pas moyen de nous entamer." Qui se lassera le premier ? Je doute que ce soit nous. Entêtés, éloignés et barbares. Il ne me paraît plus qu'il puisse être question d’arrangement. L'Angleterre veut l'annulation des anciens traités. Jamais nous n'accorderons cela à moins que le nouveau nous vaille mieux et cela n’est pas possible. J'ai beaucoup de doutes sur les Allemands. La Prusse nous donne des bonnes paroles qui déplaisent beaucoup à Londres & à Paris. Elle ameute les états secondaires, la Saxe, la Bavière, le Wurtemberg, et voudrait qu'avec l’Autriche, l’Allemagne fédérale déclarât sa neutralité ; c’est bel et bon, mais si l'[Angleterre] va ravager les côtes de la Prusse, & la France fait avancer ses bataillons, je doute qu’on reste neutre. Tout cela est une énorme affaire, et qui se présente vraiment comme la fin du monde. Je suis bien triste.
Le soir j’ai toujours Van Praet, et quelques diplomates, le mien qui n’est pas brillant. Je suis très au courant de tout ce qu'on sait ici. Et mon rôle est comme à Paris la confidente de tout le monde. Mais la causerie où est elle ? Adieu. Adieu.
Je coupe Cromwell c’est encore tout ce que je puis faire, mais je tombe sur des sublimités toujours.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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16 Bruxelles Lundi le 13 juin 1853

Adressez vos lettres à Ems ayez soin de mettre par la, Belgique en haut et près de Coblence. Quelle fatigue, mais je vais me reposer un jour. Je suis venu commodément avec Paul et Marion. Je trouve ici Hélène K. Chreptoviz part demain pour la reine. Nous allons ensemble à Cologne. Paul est un charmant compagnon de voyage. Ma dernière journée de Paris a encore été bien occupée & bien employée. Tout ira bien. Nous entrerons. Vous n’entrez pars. On négociera. On aboutira car c'est de vous & le besoin de tous. Nous sommes très contents de vous. Contents d'Aberdeen. Bien contents du roi Léopold.
Menchikoff a été maladroit & Stratford Canning détestable. Mais les cours respectives soutiennent leurs agents. La diplomatie à Paris est dans un [?] énorme, je vais bien leur manquer. Je vous ai dit que j'étais charmée de ma dernière conversation avec Fould. La France se fait & se fera un grand honneur dans cette affaire tant mieux pour elle et pour tout le monde. On a fait beaucoup d'arrestations à Paris des rouges.
Adieu, car je suis prise de tous les côtés. Hier j'étais bien malade, je me sens mieux aujourd’hui. Adieu. Adieu. L’Autriche, nous appuiera.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Je suis content de mes conversations ici. Je trouve les affaires électorales en bon état. Il y a toujours bien du hasard dans cette partie là, mais les symptômes sont de plus en plus pour nous. A Neuilly, bonne conversation. Le Conseil est ce matin à 2 heures, aux Tuileries. Je compte partir de chez moi à 4 heures et demie et être à St. Germain à 6 heures. Mais je ne puis répondre de l’heure précise. Si je vous fais attendre un peu, vous me le pardonnerez n'est-ce pas ? Je vous le rendrai dans la soirée. Adieu. Adieu. Quel dommage que ce ne soit qu’une soirée ? Adieu. G.
Paris Mercredi matin 29 Juillet 1846

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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16 . St Germain dimanche 26 juillet 1846

Je serai charmée de vous savoir revenir de votre banquet, & content & reposé. Moi, je vais un peu mieux. Hier, j'ai eu la visite de Fagel, & Fleichman, plus tard, Pahlen à dîner. Nous avons beaucoup ri de mille vieilleries. Il est plein de bonne gaieté de souvenirs, avec un fond de mélancolie très triste, car cela frise l'homme prêt à se tuer. Les diplomates n’avaient rien de nouveau du tout à me conter. Toujours Sébastiani.
Génie est d'une étourderie bien ennuyeuse. Et c’est trop long à vous conter, mais enfin il m’a livré 1829 au lieu de 1827, et cela après des commentaires qui rendent sa distraction encore plus singulière. C’est cependant fort triste pour moi car je lui avais bien dit, ce qui est vrai, que 27 allait faire ma seule joie. St Germain l’autre jour, il vous a envoyé mes lettres et billets au lieu de les envoyer à la poste. C’est un drôle d'homme de Cabinet. Frenchman ! Je n’aime pas Lamoricière en face de Casimir Perrier. Pourquoi tout cela va t-il comme cela ? c.a.d. pourquoi le général est-il opposition ? Thiers a dû partir hier pour Le Havre, où sa belle mère l’a précédé.
Madame Danicau est une personne très utile très résolue, elle a pris une autorité étonnante sur tout mon monde. Elle me trouve parfaitement incapable de me faire obéir. Elle ne cesse de s’étonner de l'embarras que je me donne pour n’aboutir à rien. Elle ne trouve bien dans les gens qui me servent qu’auguste. Stryborn décoration. Mes femmes, des dames que je sers. Elle a peu d’esprit, ce n’est pas une ressource. Son maintien est excellent. Elle a du tact. Voilà. Et puis elle ne sait pas lire. Que ferons nous de tout cela ? Pauvre femme comme elle doit s'ennuyer avec moi. Je suis pour elle très affectueuse, elle est plein d'envie de me plaire et de me servir. Je m'ennuie beaucoup ici. S'il se passait un jour sans une visite à dîner je n’y tien drais pas. Il fait froid ici. Voici votre lettre, bonne charmante. Je vous en prie soignez-vous aujourd’hui. Que je suis bête ! J’ai peur du 10 milles personnes sous la table. Vous savez que j'ai peur de tout. Je n’aime pas ce dîner. Je vais rester inquiète jusqu’à mardi. C'est bien long ! Bacourt m'écrit une lettre intéressante que je vous envoie renvoyez la moi. Adieu. Adieu. J’ai peur du dix mille. Je ne suis pas raisonable. Adieu. L'armistice du Pape me fait un grand plaisir. Vous avez remarqué que lord Landsown a dit de bonnes paroles pour l’Autriche. Adieu encore dearest, adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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16 Schlangenbad samedi 19 juin 1852

Si vous voyez ma vie ici vous seriez inquiet pour ma santé & mes forces & très satisfait pour tout le reste.
On me rend plus qu’il ne me revient en soins, en égards, pas plus qu'il ne n’est dû en amitié, car je m'attache à l’Imp., tous les jours davantage.
Mon retour à Paris est assuré je n’ai plus d'embarras ou d'inquiétude à cet égard. Elle veut que je l’accompagne à Cologne. De là elle me donne le comte Schouvaloff. et me [?] pour me ramener à Paris si c'est là que je vais et je crois que c'est là qu’il faut que j'aille à moins que je n’ai Marion ou Aggy ce qui est peu probable.
J’ai passé toute la matinée chez l'Impératrice une lecture allemande sérieuse (M. Haxthamen) Meyendorff lecteur. L'Impératrice a l’esprit plus serein que moi cela l'a intéressée beaucoup, moi pendant une demie-heure pas davantage. Après cela beaucoup de visiteurs chez moi, je suis à la mode à Schlangenbad. J'aurai de quoi vous intéresser quand je vous conterai mon séjour. Il m'intéresse moi beaucoup. Mais comment survivre à toutes les fatigues encore ? & cependant je ne fais avec l'Impératrice pas une promenade. Rien d'extraordinaire. De la causerie le matin au jardin. Diné quelques fois et vite sans cérémonie aucune. Le soir très agréable causerie & souper où je ne mange pas, et bien rien que cela est trop. Je reste couchée chez moi tout le jour pour me refaire. Je crois que je n'échapperai pas à Stolzenfeld. L'honneur sera grand, le plaisir aussi, je le sais, mais la fatigue ! Adieu, adieu.
L'Impératrice veut partir le 29. Maudt veut qu'elle reste jusqu'au 2 juillet. Nous verrons. Adieu encore.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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16. Stafford house, samedi 29 juillet
10 h. du matin

Je fus à la cour hier au soir. Je n’y trouvai pas beaucoup de monde mais une musique admirable. Tous les premiers sujets de l’opéra italien à Paris. Je n’ai pas entendu de musique depuis mes malheurs. Je suis un peu inquiète de l’effet qu’elle produira sur moi. Contre mon attente cet effet fut le plus doux possible. L’accord de ces belles voix me calma singulièrement. Il me sembla que ma fièvre se dissipait que mon âme retrouvait un peu d’équilibre. Il y a longtemps que je n’éprouvai une sensation plus délicieuse. D’onze heures à une heure du matin, je restai à écouter les douces mélodies. Les paroles, ces accents d’amour. Vous ne sauriez concevoir le bien que cela me fit. Croyez-vous que je jouissais seule ? Non Monsieur, j’ai toujours auprès de moi quelqu’un qui jouit avec moi. Mon imagination ne se sépare jamais de cette douce société elle est là, elle est partout où je me trouve, elle m’appartient comme ma main appartient à mon bras. Toujours, toujours auprès de moi, en moi. Hier elle ne m’a pas quitté d’un instant.
Quelques jolis sourires de la reine ont fait ma seule distraction. Elle est jolie la Reine, elle l’est positivement. L’air le plus enfantin, la physionomie la plus spirituelle, la plus douce, la plus ouverte. Elle est trop petite mais assise elle a la taille assez élevé pour que cela ne frappe pas. Ce épaules sont charmantes. Sa taille bien marquée par ce cordon de la jarretière. Son bras orné du motto. Elle porte des robes à traine. L’ensemble est très frappant et très digne. Je l’ai souvent regardée quoique je pensasse à tout autre chose, à d’autres yeux qu’aux siens ; elle ne les a pas noirs. J’étais séparée d’elle par sa mère qui n’acceptait pas avec beaucoup de bienveillance, les jolis sourires de sa fille, je les recueillais. Que cette cour est différente de celles que j’ai vues pendant 22 ans. Malgré la musique & les yeux noirs j’ai fait quelques réflexions bien sérieuses que faisiez-vous ? Il me semble que vous dormiez dans ce moment. N’entendez vous donc pas de la musique des accords divins, ne faisiez-vous pas d’agréables rêves ?
J’ai eu deux longs tête-à-tête hier matin d’abord avec lord Durham, puis avec Pozzo qui est remis d’un fort accès de goutte, positivement lord Durham a beaucoup d’esprit. Je vois aussi lord Melbourne. Il est rêveur, & rieur tout à la fois. C’est un bizarre mélange. La tournure la plus originale. Quand il est en bien intime causerie il se met bien près, à peu près sur vous tournant un peu le dos. Il est naïf au delà de tout dans ses aveux. Un si honnête homme que je ne conçois pas comment il reste ministre. Donnant très franchement raison à ses adversaires quand il trouve qu’ils ont raison. Je lui disais hier que dans l’opinion du duc de Wellington. Il (lord Melbourne) devait être fort aise d’être débarrassé de Roebuck et de lord Dudley Stuart au parlement. " Did he say so ? damn it, he is right." Et cela avec un accent de conviction & un geste impayable. Que vous seriez diverti & content de lui !
Il me semble Monsieur que vous penseriez comme moi sur tout le monde. Mais cependant que d’observations curieuses je recueillerais de votre part car enfin, moi je suis accoutumée à toutes ces manières, vous n’en avez pas l’habitude, et je suis sûr qu’elles vous frapperaient par des côtés qui n’attirant plus mon attention. J’ai oublié de répondre à un article de votre N°9. Je ne reverrai plus lord Aberdeen en Angleterre, cela était convenu même avant que je me décidasse à y abréger mon séjour. Nous nous écrivons, vous verrez ses lettres. Il viendra à Paris en décembre, & ce qui est curieux, c’est que la veille de l’explication que j’eus avec lui, il m’avait dit : " L’homme dont je suis le plus curieux à Paris est M. Guizot. Promettez-moi de me faire faire sa connaissance."
Mon départ reste toujours fixé à mardi. Je serai vraisemblablement à Boulogne, jeudi ou vendredi au plus tard, à moins que la lettre que j’espère y trouver ne me trace un autre itinéraire j’irai droit à Paris. Mais pas aussi vite que j’en suis venue. Il me faut beaucoup de repos & de soins. Ces 10 jours d’agitation, d’inquiétude m’ont fait un mal abominable dont je serai quelques temps à me remettre Je suis maigrie, je veux démaigrir.
Les élections sont décidément défavorables aux radicaux. Les plus violents sont éliminés partout. Les Whigs & les Tories modérés sont en faveur. Tout cela est bien, mais voyons à quoi se décidera le gouvernement à la réunion du parlement. Elle est fixée pour le mois de novembre. S’appuyera-t-il sur Peel & Wellington. Ils y sont préparés, & lui donneraient, disent-ils, un appui cordial. Voilà ce dont doute Lord melbourne et ce qu’au fond je ne puis pas trop affirmer. & le Dr. Bowring entre autres.

Dimanche 30 juillet. Midi.
J’aurais pu recevoir une lettre hier. Dimanche on ne reçoit rien d’Angleterre. Il faut en toutes choses vivre de la veille. Le pain du Samedi, la lettre de Samedi. Voci donc un triste jour. Hier ma matinée se passa comme elles se passent presque toutes. Des tête-à-tête avec les personnes qui m’en demandent. Estérhazy en a eu un très long, presque trois heures, mais il me semble aussi que rien n’a été oublié. Je crois que je vous l’ai nommé comme le successeur infaillible du prince Metternich. Il manque d’aplomb & de tenue, & il manque un peu de confiance en lui-même. Du reste il a de l’esprit & le jugement excellent. Jamais je n’ai une conversation sérieuse avec quelqu’un sans que votre nom ne s’y place. Et la plupart du temps il ne me reste rien à ajouter. Cependant je suis bien habile à prolonger le sujet, je m’écoute avec plaisir. Il me semble que je parle si bien. J’aurai à vous parler de cet entretien là ainsi que de celui que j’ai eu aujourd’hui avec lord Melbourne.
Il a voulu à la veille de mon départ un confortable talk et nous l’avons eu amplement. Deux bonnes heures sans interruption chaque minute a été bien employée et utilement. Il m’en reste une fort bonne impression. Je lui ai fait faire une lecture qui l’a vivement frappée. Il donne mille fois raison à l’auteur, il pense comme lui compléte ment ; c’est que lord Melbourne à l’esprit le plus droit que je connaisse, pas la moindre passion ou prévention et une bonne foi, une candeur adorable il manque de caractère & de volonté. Voilà son défaut, & celui-là vient plutôt de son indolence. He won’t take the trouble. Tel qu’il est cependant, c’est un vrai bonheur que ce soit l’homme appelé à former l’esprit de la reine aux affaires. La confiance qu’elle a en lui n’a pas de borne. Imaginez l’occupation curieuse, intéressante que celle de pénétrer dans le cœur d’une jeune reine de 18 ans et d’être son seul confident ! Il me semble que jamais position semblable ne s’est encore rencontrée.

10 heures du matin. Lundi 31.
Voici votre N°10. Je comprends tout ce que vous me dites. Vos inquiétudes, vos alarmes, je les comprends, je les sens si bien que c’est là ce qui me ramène en France. Il me semble qu’une fois à Boulogne je saurai respirer. Ici j’étouffe nous sommes trop loin l’un de l’autre. Cette mer entre nous me parait un gouffre où s’abîme mon bonheur, mes espérances. Tout va mal. Nos lettres, quelle misérable chose ! J’en reçois de plus fraîches de Pétersbourg je suis découragée, malheureusement malade. Je crois qu’une fois en France ma santé me reviendra. Je crois ! Quelle vanité dans ce que nous croyons ! Nous ne croyons jamais juste. Je crois à vous. Voilà où je ne me trompe pas, pour tout le reste je ne veux plus croire. Je retourne sur la terre où vous habitez j’y veux être avant qu’aucune lettre de Russie ou d’Allemagne puisse m’atteindre j’ai peur de tout. Tant que mon âme était livré à la douleur. Je ne connaissais pas la crainte, j’étais au dessus de toute vicissitude. Monsieur c’est que les malheurs élèvent l’âme. Le bonheur l’amollit. J’étais seule, abandonnée j’avais du courage, cela veut dire qu’aucune peine ne pouvait m’atteindre, & la mort m’eut fait plaisir. Aujourd’hui tout est changé, je ne veux pas mourir, je veux vivre, vivre en France auprès de vous, toujours, toujours, et j’ai peur, peur de tout. Ah mon Dieu, protégez moi, laissez moi vivre. Je lui demandais tout autre chose il y a deux mois six semaines seulement. Comment il n’y a que 6 semaines ? Quelle longue vie que ces 6 semaines !
Le N°11 entre dans ce moment. Merci merci de tout. Je suis malade, je suis faible il faut que je parte. Aurai-je la force d’arriver à Boulogne. Adieu. Adieu. Priez pour moi, pour vous.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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N°16 Val Richer 17 Juin 1852

Voilà votre lettre que j'aurais dû avoir hier. Je vous envie l'exactitude. de vos facteurs. Je vais écrire aujourd’hui même à Marion. Je dirai de mon mieux. Tout dépendra de l'état et de la volonté de Fanny. Il est clair que les deux soeurs placent là leur premier devoir. La lettre que je vous ai envoyée me donne à penser qu'au fond Aggy a envie de venir. Marion la promet presque pour le mois de Juillet. J'insisterai pour les derniers jours de Juin à Schlangenbad. Ma crainte, c’est que le terme est très prochain ; à des gens qui hésitent, les résolutions soudaines sont difficiles. Je voudrais bien qu’elle se décidât promptement. Vous verrez un peu en repos sur vous-même et moi sur vous.
Quant au retour, je ne comprends guères que dans tout ce monde qui vous entoure, l'Impératrice n'ait pas un homme à vous donner pour vous ramener à Paris, si vous n'en trouvez pas un vous-même.
J’ai des nouvelles d'Angleterre insignifiantes. sur la situation générale tristes pour ce pauvre Lord Malmesbury ; il fait, à ce qu’il paraît, bévue sur bévue ; sa nouvelle convention d'extradition avec la France en fourmille. Tout le monde le houspille, on ne peut pas dire l'attaque ; ce serait trop sérieux. Je crains bien que le Cabinet Tory ne se dissolve assez piteusement après les élections, quelques morceaux en resteront bons et beaux, et prendront place ailleurs ; mais un vrai cabinet conservateur, avec sa politique et son autorité, je n'y compte plus.
Savez-vous que Stockhausen ne reste pas à Paris ? Son Roi l’envoie à Vienne. Il en fait encore mystère, à ce qu’on me dit ; mais c’est sûr. Vous le regretterez. Que dites-vous de M. Cruvelis faisant attendre une heure et demie la Reine d'Angleterre, et n'ayant seulement pas l’air de s'en apercevoir ? Je ne trouve pas qu'elle chante assez bien pour cela.
On dit que Morny soutient qu’il a droit de reprendre la direction politique du Constitutionnel et veut l'ôter à Véron qui veut la garder. On parle d’un procès entre eux. Si le procès a lieu, c’est que Morny est réellement bien avec le Président. Je viens de lire le compte-rendu de la séance d'avant hier au Conseil d'Etat.
Le plaidoyer de M. Fabre pour la maison d'Orléans me paraît médiocre. C'est bien loin de Paillet et Berryer. Tout le monde a été, là, timide et terne, le rapporteur, l'avocat et le ministère public. On ne me dit rien de l’issue probable. Je persiste à croire que le conflit sera confirmé.
Adieu. J’ai vidé mon pauvre sac. Je voudrais bien vous envoyer un peu de santé et de force. Cela vaudrait mieux que des nouvelles. Je vous quitte pour écrire à Marion. Adieu.

P.S. On m’écrit à l’instant de Paris : " Ce que vous croyiez fait à Claremont semble défait ; on ne s'entend pas sur le mode ; grands débats domestiques à ce sujet. L'aîné de la famille l'écrit ici. "

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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16 Val Richer, Lundi 27 Juillet 1846 8 heures et demie

Pas deux lignes, mais deux mots. Je partirai ce soir vers 10 heures. Je serai à Paris demain, mardi entre 10 heures et midi. J’y passerai mardi et mercredi, et j'en repartirai mercredi soir, aussi, tard que vous voudrez. Donnez-moi, ces 36 heures à Paris. J’aurai conseil mercredi, à Neuilly ou aux Tuileries. Voici Brougham, pour vous et pour moi. Que de choses à nous dire ! Et par dessus tout le plaisir de nous voir. Quel plaisir ! Je vais bien. Soyez bien aussi. La lettre de Bacourt est intéressante. Nous verrons l'effet du Roi de Wurtemberg. Je ne crois pas. Adieu. Adieu. J’ai de curieuses lettres de Londres. Mais je n'écris rien. Je serai arrivé quand vous aurez cette lettre. Tout s’est parfaitement passé hier au banquet. Adieu. Adieu. G.

Mots-clés :

Collection : 1837 (7 - 16 août)
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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N°16. Du Val-Richer, Samedi 5 août.

Vous êtes en France, peut-être déjà en route pour Paris. Cette lettre-ci va vous à chercher. Puis, j’irai moi-même. J’espère savoir bientôt avec certitude, quel jour vous y arriverez. Je dis avec certitude, comme si vous n’étiez pas souffrante, comme si la mer était toujours calme, la poste toujours régulière. Je me parle comme à un malade, avec une confiance que je n’ai pas. Je m’attends au contraire, ces jours-ci à d’amères impatiences. J’ai eu hier, en partant de Caen votre N°16, peut-être le dernier d’Angleterre, car il va jusqu’au lundi 31 et vous avez dû partir le mardi. Peut-être aussi m’aurez-vous écrit de Broadstairs. Vous n’aurez pas attendu jusqu’au jeudi ou vendredi, jour de votre arrivée à Boulogne.
Je vous fais assister à tous mes calculs. Ce n’est pas vrai. J’en retranche beaucoup. Enfin, que je vous sache rétablie à Paris, et pas trop fatiguée. Ce sera un pas immense. Vous êtes donc maigrie, changée, vous avez de la fièvre. Il y a en sentiment douloureux, abattu dans toutes vos paroles même dans les plus douces paroles. Je vous regarde d’ici ; je vous écoute ; je veux voir ce qui se passe en vous, au fond de votre santé. Dearest, que Dieu vous garde, et vous soigne et veille sur vous à toute heure ! Nous avons tant souffert l’un et l’autre avant de nous rencontrer! Il ne se peut pas que nous soyons destinés à devenir, l’un pour l’autre, une cause de souffrances nouvelles.
J’en devrais être bien désabusé, cependant, je ne puis me persuader que notre cœur soit sans pouvoir sur le sort, la santé, la vie de la créature, à qui il se donne, que cet élan si passionné si continu, de toutes les pensées, de tous les vœux ne monte pas aussi haut qu’il faut monter pour se faire entendre et obtenir quelque chose. Personne n’est plus convaincu que moi que les décrets de la Providence sur chacun de nous sont un mystère, un mystère impénétrable aux plus perçants, aux plus ardents regards humains. Mais précisément parce qu’il y a là un mystère nous ne pouvons, nous ne devons jamais être sûrs que nos efforts et nos désirs soient vains. J’ai vu le succès manquer aux plus tendres soins aux plus vives prières. Mais j’ai vu aussi le salut venir à leur suite. Et qui sait ? ... Madame les ténèbres, nous ne savons pas. C’est là le principe de ma confiance. J’ai vécu avec tous les gens d’esprit voix de mon temps et de tous les temps. J’ai beaucoup entendu, beaucoup lu sur les rapports de l’homme avec Dieu, sur l’action de Dieu dans les destinées de l’homme sur l’efficacité ou la vanité de nos efforts, de nos prières. J’y ai moi-même beaucoup pensé, et aussi rigoureusement que les plus rigoureux philosophes. Nous ne savons pas, nous ne pouvons pas savoir. Croyants où incrédules avec ou sans espérance, nous agissons, nous prions. Quand le mal est là, quand le besoin du secours nous presse, il n’y a personne qui ne prie ne fût-ce qu’en levant les yeux au ciel, et par un de ces élans soudain, involontaires, que la réflexion ne gouverne point. Où vont, que font nos prières? Le croyant les voit avec confiance monter jusqu’à Dieu qui les exaucera. L’incrédule les voit tomber à ses pieds et sourit orgueilleusement de sa propre faiblesse. Le croyant se trompe dans sa sécurité et l’incrédule dans son orgueil. Encore une fois, nous ne savons pas, nous ne pouvons pas savoir. Mais cette ignorance insurmontable, native, finale n’est pour moi qu’une raison de plus de m’efforcer et de prier d’agir de tout mon pouvoir et de demander de tout mon cœur. Je suis dans les ténèbres devant le sanctuaire où la lumière est renfermée et d’où elle ne sortira point à ma voix. Mais je sais qu’elle est là, et je l’invoque ; et j’attends le résultat avec une anxiété douloureuse mais non glaciale sans certitude, mais non sans espoir.

2 heures
Je comprends parfaitement l’impression que vous a faite la musique. Il m’est arrivé quelque chose de semblable, pas tout à fait cependant. J’avais été près de trois ans sans entendre aucune musique. J’en avais peur. Une circonstance obligée me fit aller aux Italiens. On jouait Otello. Ma première impression fût extrêmement douce, une impression de laisser-aller, de détente, d’attendrissement sans retour sur moi-même. J’écoutais, je recueillais avidement les sons, comme une plante la rosée. Tout à coup je me rappelai qu’un jour, quand je n’étais pas seul, dans une loge voisine j’avais entendu ce même Otello, j’avais joui de mon plaisir et d’un autre plaisir qui me plaisait encore plus que le mien. Toute impression douce s’évanouit. Je sentis le mal remonter dans mon cœur. Je m’en allai. Depuis, je suis retourné deux fois, je crois, aux Italiens, mais sans plaisir ni peine. Aux concerts des Tuileries, la musique ne m’atteint pas. Vous m’avez parlé un jour de votre musique à vous, de votre manière de jouer, d’appuyer doucement et profondément sur les passages propres à saisir l’âme ! Voilà ce que je voudrais entendre, entendre seul avec vous !
On vous portera cette lettre. On vous la remettra à vous-même, Lundi soir ou mardi matin, si comme je le pense, vous êtes arrivée à Paris. Répondez moi tout de suite. Si je recevais plutôt un avis certain de votre arrivée, je partirais peut-être un jour plutôt. Enfin le temps marche. Que de choses à nous dire. Adieu. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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16 Val Richer, Dimanche 12 Juin 1853

Deux lignes seulement qui courront après vous si vous partez demain. J’ai été dérangé hier et ce matin.
Je suis charmé que vous partiez tranquille ; charmé, et pour vous et pour le fond des choses. Je n’ai jamais cru à la guerre, à la vraie guerre. Vous entrez dans les Principautés. Vous en sortirez si la Porte vous contente, ou à peu près, ce qu’elle fera. Vous serez très fiers, et pas très difficiles. Il y a au fond de toute cette affaire, un résultat que vous ne dites pas, et auquel vous tenez plus qu'à tout ce que vous dites. Vous y arriverez. L’Europe, dans son état actuel, n’est pas en mesure, et pas toute entière en humeur de vous en empêcher. Adieu, adieu.
Vous me direz où et par où il faut vous écrire désormais. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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17 Bruxelles Mercredi 15 juin 1853

Je suis restée hier encore pour Hélène. Et me voilà ici. Cologne jeudi le 16. Je ne sais plus quand je vous ai écrit & quoi. Je rabâcherais peut-être. Le roi restait inquiet sur l’Orient, très occupé & utilement en Angleterre.
Excellent pour nous. Excellent pour la France. Pleine de sagesse, d’équité. Vraiment un homme remarquable.
Vous ai-je dit que Menchikoff a le commandement en chef de l’armée de terre & de mer dans le Sud que l’Empereur a été vif contre Nesselrode dans le premier moment. L’accusant d'avoir emmené tout cela par sa politique molle depuis longtemps. Que [?] n’a pas l'ordre de mission. Je l’ai vu à Paris, il est venu chercher sa femme dont il est séparé depuis 2 années. Homme d'esprit. J’espère le voir à Ems.
Adieu. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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17 Bruxelles le 22 mars 1854

Quel ennui que ce N°15 égaré ou retardé ! Je crois que j’y répondais à votre charmant projet de me me voir. J’accepte la date avec bonheur. Dites-moi quand vous aurez reçu cette lettre chanceuse. On est très vif ici à propos de la nouvelle de Constantinople. Certainement l'envoi des troupes dépendait des consentements de la porte à la demande d'émancipation des Chrétiens. Si cette émancipation est vraiment obtenue et on y croit, et si mon empereur à la bonne foi & le bon esprit de s'en tenir pour satisfait voilà la guerre évitée, mais c’est trop beau pour croire à ce facile dévouement.
Lord Holland & M. Barrot se sont rencontrés chez moi hier, bien contents & tous deux bien pacifiques. J’ai été très contente du langage de l'Anglais, un grand changement depuis huit jours. Le français avait toujours été convenable et bien. On annonce Brunnow pour aujourd’hui. Quelle curieuse correspondance que celle qu’on vient de produire au parlement. Pauvre dépêche que celle de lord John, mais quel entrain de mon empereur. Dites-moi je vous prie votre avis de tout cela. La publi cation ne me paraît pas une chose bien inventée, pourquoi avons-nous provoqué cela ? à tout instant je me sens le besoin de vous interroger, de vous entendre. Je n’ai pas encore lu cette correspondance jusqu'au bout. Mes yeux sont très capricieux. Je les croyais mieux, ils sont repris. Le temps est froid. Je serai charmée de vous savoir revenu à Paris.
Adieu. Adieu, je suis restée deux jours sans vous écrire à cause de votre absence. J'ai eu peut être tort, mais je croyais que mes lettres reposeraient à Paris. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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17 Paris, Mardi 14 Mars 1854

Le bruit court ici qu’il se fait en ce moment un dernier effort pour un accommodement, que le comte de Nesselrode, le comte Orloff et le Prince de Metternich se sont entendus, à cet effet, entre eux et avec Berlin, que la mission du Prince de Hohenzollern et du général Groeben sont à ce dessein, qu’il s’agirait de préliminaires de paix dont votre Empereur serait déjà à peu près d'accord, qui seraient officiellement convenus ensuite entre vous et la conférence de Vienne, après quoi vous traiteriez définitivement tête-à-tête avec les Turcs. J’ai peine à croire que cela soit réel, et encore plus que cela aboutisse. On est trop engagé de part et d’autre, et un tel mouvement ne s'arrête pas devant un travail si incertain et si obscur.
Je ne suis pas sorti hier soir. Je suis resté chez ma fille, à jouer au whist et à causer domestiquement. Vous ai-je dit qu'avant hier, dans la matinée, j’ai rencontré Thiers chez Mad. de Rémusat ? Quand je suis entré, il était assis à côté d'elle sur un canapé, avec deux autres visiteurs dans le salon ; il s'est levé en m'offrant sa place. " Non, lui ai je dit, je ne me mettrai sur ce canapé que si vous y restez. - bien volontiers. " Nous nous sommes assis à côté l’un de l'autre, et Mad. de Rémusat est allée se mettre sur un fauteuil. Une heure de conversation animée, et amusante.
Thiers, très partisan de la guerre ; vous croyant très puissants et très redoutables mais mon pas invincibles ; tôt ou tard, il aurait fallu en découdre avec vous ; l'occasion est bonne pour l'alliance, mauvaise pour vous. Inquiet de l’avenir cependant ; parlant bien du Maréchal Vaillant comme ministre de la guerre, homme capable, honnête et homme d’ordre, du reste, très bon enfant et visiblement caressant, non sans un peu d’embarras, en commençant. Mais tout embarras disparaît vite entre gens d’esprit. Cette heure là m'a plu, sans ne rien apprendre, ni rien changer.
On m’a dit positivement que Castelbajac avait été reçu. Je tâcherai de savoir comment. Je remarque que les diplomates ne viennent presque pas chez Molé. J’y suis allé les deux derniers mardi ; Hatzfeld lui-même n’y était pas. J’ai rencontré Hübner samedi sur l'escalier des Rothschild. Il descendait je montais. Nous nous sommes arrêtés deux minutes à causer, pour rien. Il n’a paru plutôt pas content. Adieu, Adieu. Je dîne aujourd’hui chez Madame de Caraman. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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17. Rochester mardi 1er août 1837
7 h. du soir.

J’ai quitté Londres à 4 heures. J’ai passé ma matinée en adieux, en pleurs. Une pluie battante m’a accompagnée jusqu’ici, & je m’y arrête par pitié pour mes yeux & un peu pour moi-même. Voici du repos. Au fond je n’en ai pas eu à Londres. J’ai été la proie de mes amis et je trouve véritablement que j’en ai trop. Le ménage Sutherland et tout ce qui y tient m’a paru bien ému de mon départ. Quand un Anglais a la larme à l’œil c’est bien quelque chose. J’ai fini ma journée hier avec lord Melbourne. Notre entretien de la veille lui était bien resté dans l’esprit & ne sera pas perdu. Il est venu dîner avec nous et resté jusqu’à minuit, couché littéralement couché à côté de moi alternativement du plus grand sérieux et de la plus grande bouffonnerie. Il vous faudrait bien du temps pour vous accoutumer à lui.
Comprenez-vous le sentiment de joie avec lequel je me suis placée dans cette voiture que j’aime tant ? Concevez-vous tout ce qu’il y a de passé & tout ce qu’il y a d’avenir dans ce sentiment ? Eh bien rien de plus simple que de croire qu’elle me mène vers ce qui est devenue ma vie, mon bonheur, car enfin c’est pour cela que j’abandonne tout mon voyage l’Angleterre et cependant je tremble, il me semble que ce bonheur Je ne l’attendrai pas, tant il me parait immense. Je ne sais ce que vous allez décider. Si vous voulez que j’aille à Dieppe j’y irai plus loin non, car on le saurait mais voudrez-vous venir à Dieppe ?
Je ne vous demande rien, il me parait que je serai très patiente, qu’une fois en France avec notre correspondance réglée je saurai attendre cependant ce qui me semble essentiel c’est de vous voir avant ma rencontre avec mon mari, celle-là aura lieu à la fin de septembre. Vous aviserez.

Douvres vendredi 4 août. Il n’y a pas eu moyen de vous dire un mot ces deux derniers jours, avant hier à Brodstairs, hier voyager de Brodstairs ici avec lady Cowper. Elle ne m’a pas quittée. & la voilà encore attendant que je me décide à partir ou à rester. La mer est mauvaise. Le vent est fort. J’ai peur du mal de mer. Je ne sais si j’aurai le courage de passer. Je n’ai pas eu de lettre ce matin. Il m’en vendra peut être une demain. C’est une étrange passion que j’ai pour ces lettres ! Je n’aime de mieux qu’elles que celui qui les écrit ; & quoique je m’en rapproche en partant, il y a quelque chose qui me retient encore dans le pays où se trouve sans doute une lettre. Elle sera arrivée à mon fils hier au soir tard, il ne peut me l’envoyer que par la poste de ce soir.

Boulogne, samedi 5. On m’a persuadée de m’embarquer hier. Le temps s’annonçait beau, on me le disait au mieux, quoique je visse bien des vilains montons blancs qui me rendent si malade. Sir Robert Adair qui passait aussi est venu me décider à peine à bord j’ai été saisie du mal plus fort que je ne l’ai jamais eu ; pendant quatre heures je suis restée alternativement évanouie et souffrante de cet horrible mal, dans les bras du seul homme à bord qui ne fut pas malade.
On m’a tenue sur le pont exposé à un vent très fort et un soleil ardent ; en conséquence de quoi j’ai un coup de soleil à la tête qui est une fort vilaine chose. C’est dans cet état que je suis arrivée à Boulogne on a de suite cherché un médecin, car pendant deux heures dans l’auberge déjà je n’avais pas recouvré la force de parler. Le médecin m’a fait mettre au lit. J’y suis restée douze heures.
Je suis mieux mais très faible. Imaginez comme j’ai dû l’être. On me dit en arrivant qu’il y a des lettres à la porte et je n’ai pas pu donner l’ordre de les chercher ! Enfin, enfin, j’ai pu trouver quelques lignes pour le réclamer. Il y en avait trois de Paris ; si mes correspondants avaient pu voir la classification que j’en ai faite il y en aurait eu un au moins bien blessé.
Monsieur quoique le mot ne vous aille pas je suis forcée de vous dire que vous êtes un étourdi. Il n’y a pas de N° à votre lettre. Cela me dérange & me déroute. J’ai sauté du N° 11 duplicata à cette petite lettre sans chiffre. Le véritable N°11 n’est pas encore entre mes mains ce qui fait que je n’ai pour toute nourriture depuis huit jours que deux mots un peu froids. Non, ils ne le sont pas. Je devine, je sens tout ce que vous ne dites pas, mais j’aime mieux croire à mes sens qu’à mon imagination. Je veux entendre voir, lire, enfin Monsieur, je suis affamée. J’ai relu vingt fois la lettre de Caen.
Ne venez pas me trouver à Paris encore. J’ai besoin de me remettre, & si je vous vois ce n’est pas le moyen. Laissez-moi me reposer, il me semble qu’en réglant bien notre correspondance je pourrai me calmer. Vous adresserez vos lettres à l’hôtel Bristol place Vendôme, c’est là que j’irai descendre car la rue Rivoli n’est pas tenable en été, il y fait trop chaud. Je n’y rentrerai qu’au 1er septembre.
Monsieur, je suis donc en France votre patrie ma... Ah mon Dieu quel mot j’allais tracer. Vous me l’avez dit un jour Monsieur vous aviez alors déjà la certitude que j’adopterais tout ce qui vous appartient. Vous avez vu le fond de mon cœur avant que je n’ai su y regarder moi-même. Vous voyez tout trop vite. Il ne me reste rien à vous apprendre. Et cependant que de choses à vous dire tout, tout ce qui traverse ma pensée !
Le duc de Saxe Meinengen est venu m’interrompre, il demeure dans l’appartement à côté du mien. C’est un très bel allemand, & bien lourd d’esprit. Je le connais d’Angleterre, il est près de la reine veuve. Il me conte ses chagrins en conséquence de la proclamation du Roi de Hanovre, qu’est-ce que cela me fait ? Je passerai ici toute la journée encore, demain si je suis mieux j’irai coucher à Abbeville.

Lundi à Beauvais. Vous voyez que je me ménage. J’en ai extrêmement besoin. Je trouverai des lettres à Paris, mais encore une fois n’y venez pas. Mandez moi quand, à quelle époque ce voyage vous conviendrait le mieux. Ecrivez-moi beaucoup, beaucoup. Vous saurez à peu près tous les jours comment je suis. En attendant ne vous inquiétez pas il n’y a rien de grave. C’est des mots abominablement dérangés. Apprenez-moi à être calme, & ma santé me reviendra. Adieu. Adieu. Il me semble que je respire plus librement en vous disant ce mot de Boulogne, il est bien tard cependant Adieu Monsieur, écrivez-moi.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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17. St Germain Lundi 27 juillet 1846. onze heures

Je vais en ville tout exprès pour chercher le volume 1827, par occasion je chercherai à voir chez moi quelques personnes. J'ai rêvé et pensé toute cette nuit à votre dîner je ne m'inquiète pas de savoir si vous avez bien parlé ou non, je veux savoir avant tout, that you are safe dearest. Rodolphe est venu hier dîner avec moi. Ce n’est pas lui qui me fournira de quoi remplir une lettre ! Hélène est lectrice, et enfant & de la fortune. 900 mille francs de rente. La seule obligation est de s'engager à ne point faire de dettes. renvoyez-moi la lettre de Bacourt. Je pense que Bacourt ferait très bien à Vienne pendant l'absence de Flahaut. Mareschalebi est trop bête, & c’est trop reconnu. Le temps est charmant et je vais mieux. Adieu jusqu’à Paris.
Paris 1 heure Je trouve votre billet, & les remords de Génie pour le volume, avec le volume. Georquier est venu mécontent. Les nouvelles de Londres semblent indiquer que le sugar question n'éprouvera pas de naufrage. Va donc pour les Whigs pour quelques temps. Vous ne me dites pas si vous venez ici cette semaine comme vous l'aviez d’abord voulu. Je comprends que l’Espagne vous tracasse. L’affaire est détestable, et vous savez bien que si la petite fille n’était pas mariée avant le règne de Lord Palmerston cela devait mal tourner pour vous. Ce sera le Cobourg, je n’en doute plus, et ce sera lui, sans même la compensation de l’infante pour votre prince. Palmerston et son lieutenant à Madrid y pourvoiront. Je suis bien fâchée de tout cela. Cela a trop traîné. Vous avez dépensé beaucoup d’habileté sur des terriens ingrats, & des choses impossibles. Le Trapani allait trop boîteusement à Naples et à Madrid, et vous vous êtes trop attaché à la gloire de vaincre tant d'obstacles. Voilà de la morale fort inutile. Il s'agit maintenant de ne point se brouiller avec l'Angleterre pour cela, mais aussi de ne pas avoir l’air battu par elle. That is the question. A difficult one. J’attends Génie.
4 heures. Il ne vient pas, je m'inquiète. Qu’est-ce qui se sera passé à votre dîner ? Ah l'absence, la distance. Quelle horreur ! Hervey sort d'ici. (Oubliez que je vous le nomme & que je vous nomme Clarendon parce qu'il me demande le secret.) Hervey lui a écrit sur le mariage, & lui a dit que le nom de Cobourg parmi les candidats fait mauvais effet. Et qu'il lui semble qu’avant tout il faut que le mari soit du gré des deux puissances autrement tant pis pour l’Espagne, & tant pis pour la paix. Clarendon lui répond que le nom de Cobourg est une comédie que c’est une manière de plaire à la reine, que le Cabinet et Lord Palmerston veulent Enrique & ne se souvient pas du tout de Cobourg qu'on voit bien à quoi mène ceci.

Collection : 1837 (7 - 16 août)
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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N°17 Lundi 7 août. Une heure.

Vous ne voulez pas que j’aille vous voir tout de suite. Je ne ferai que ce que vous voudrez. Mais le mécompte est grand. Je voulais partir après demain Mercredi soir, pour être à Paris, jeudi matin. J’ai un dîner obligé à Lisieux le Mercredi 16 août. Si je ne vais pas vous voir cette semaine comme je ne veux pas ne rester à Paris que 24 heures, je ne pourrai y aller que vers la fin de la semaine prochaine. Je partirais le jeudi 17 et je vous verrais le 18. Serez-vous reposée? Je trouverais, je vous assure, des conversations qui vous reposeraient mieux que votre solitude. Onze jours encore avant de savoir, de voir par moi-même comment vous êtes que c’est long ! Je sais que je suis ingrat, que c’est déjà un bien immense de vous avoir à 45 lieues, dans ma France, sans abyme ni tempête entre nous. Mais que voulez-vous?
En fait de bonheur, je n’impose point de limite à mes vœux. J’aime mieux souffrir de la privation qu’abaisser mon ambition. Réglons au moins tout de suite mon voyage. Que je puisse penser au jour précis à l’heure. Je n’ai jamais trouvé que l’attente usât la joie ; bien au contraire; le bonheur prévu mesuré, sondé d’avance à toujours surpassé mon espoir. J’entends le vrai bonheur. On parle d’imagination, d’idéal. Sans doute le train ordinaire de la vie est fort au dessous des rêves de l’âme ; mais le vrai bonheur, quand il apparaît, laisse loin, bien loin en arrière toute imagination humaine et il n’y a point de si bel idéal qui approche de la belle réalité. Que si je tarde à vous voir, au moins je vous trouve effectivement reposée. Ce que vous me dîtes pour me rassurer ne me suffit point.
Je n’ai jamais beaucoup compté sur votre séjour en Angleterre pour votre rétablissement. Je savais bien que tant de monde et de bruit vous fatiguerait. Mais ces déplorables agitations ont encore tout empiré, & vous revenez moins bien que vous n’étiez partie. Que je suis pressé d’y aller voir ! Vous ne savez pas à quel point mon imagination est malade sur la santé de ce que j’aime. C’est là le point, le seul peut-être, sur lequel m’a raison soit absolument sans pouvoir. Mon seul remède, c’est que je le sais.
4 heures J’ai fait hier jour de grande fête, et quête religieuse dans mon village un dîner bien différent de votre dîner chez le Duc de Devonshire. J’ai dîné chez mon curé avec un jeune prêtre des environs, le maire, l’adjoint un petit bourgeois, sa femme, sa fille et deux paysans. Ce dîner là était une grande affaire délibérée pendant huit jours et pour laquelle on était venu processionnellement nous inviter. Mad. de Meulan et moi, après s’être assuré de notre consentement. Nous sommes arrivés à travers. champs dans la cour, je devrais dire dans la basse-cour d’un cottage vieux, délabré où loge le curé en attendant la Construction d’un presbytère. Personne pour nous recevoir; on était encore à Vêpres. Mais en revanche, je ne sais combien de chiens, de cochons, de poules, d’oies, de camards, aboyant, grognant, criant, courant, barbotant dans deux ou trois pièces d’eau pleines de de boue ; là et là des charrettes brisées, des fagots déliés, des briques et des pierres entassées pèle-mêle, tout le bagage d’une forme mal tenue par de pauvres laboureurs. Et tout à l’entour le pays le le plus riant qui se puisse voir ; de vastes près bien frais couverts, de ces bœufs énormes, tranquilles, qui semblent le type de la force au repos ; de beaux arbres, des chênes, des hêtres, des pommiers, des pins, des mélèzes mariant leurs formes et leurs teintes si variées ; l’eau de ces marres stagnantes et sales courant à vingt pas de là, claire, pure rapide. Toutes les grâces de la nature, à côté de toutes les grossièretés de l’homme.
On est enfin revenu de Vêpres ; nous avons dîné. Tout ce monde tendu, mal à l’aise, obséquieux, tour à tour silencieux ou bavard, excepté deux, le Curé, bon prêtre sans embarras dans sa gaucherie, et le Maire ancien soldat, huit ans grenadier à cheval et sous officier dans la garde impériale, maintien grave, œil fixe et doux se taisant sans sauvagerie parlant sans vanité. Au bout d’une heure, à la fin du dîner, après quelques verres de vin de champagne car on en boit là, je suis parvenu à les mettre à l’aise et même un peu en train. Tout naturellement le dez de la conversation est tombé aux mains du vieux soldat ; et depuis la campagne de Russie jusqu’à la bataille de Waterloo, il s’est raconté lui-même sans esprit mais non sans intérêt, tour à tour bonhomme et fanatique, intelligent et crédule, enthousiaste et désabusé, ému et apathique, méprisant la paix, mais jouissant beaucoup du repos, ami de l’ordre respectueux, et disant de moi, pour témoigner l’estime qu’il me porte que les mauvais sujets de toute la France me craignent, comme il est craint, lui de ceux de St Ouen. A huit heures et demie, on nous a reconduits jusqu’au Val-Richer. Je donnerai des matériaux pour la construction du presbytère, et je suis très populaire dans St Ouen, dont je vous raconte les histoires. Je voudrais trouver ce qui peut vous divertir et vous reposer.
10 heures du soir.
Je ferme ma lettre pour la donner à un homme à moi qui va demain de grand matin, à Lisieux. Vous l’aurez ainsi un jour plutôt. Les lettres de Paris m’arrivent ici, le lendemain, de 9h. à midi. Celles qui partent du Val-Richer ne sont à Paris que le surlendemain. J’espère que vous m’aurez écrit d’Abbeville ou de Beauvais. Vous devez être à Paris demain. Adieu Adieu, sans aucun doute cet adieu là va moins loin et pèse moins sur le cœur. Il y a quelque chose de mieux pourtant, d’infiniment mieux.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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N°17 Val Richer, Vendredi 18 Juin 1852

On m’écrit que la décision du conseil d'Etat dans l'affaire de la maison d'Orléans est vendue ; elle ne sera publique que demain samedi ; mais le conflit a été confirmé, à 10 voix contre 6. C'est ce que j’attendais. Ce nouvel échec exercera-t-il, à Claremont, quelque bonne influence ? Dieu le veuille ; si j’avais eu besoin de preuves pour être convaincu que j’avais bien raison de ne pas laisser mener les affaires du pays comme les auraient, mêmes les personnes qui mènent, depuis deux ans, celles de la maison d'Orléans, j'en aurais de surabondantes.
Ce que vous me dites de l'Impératrice est charmant, et me fait grand plaisir pour vous. Rien n'est plus doux que de voir confirmées, les affections, et les confiances de sa première vie. C’est un grand charme aussi, et un charme bien rare dans une personne souveraine que d'inspirer à ceux qui l’approchent, ce sentiment de sûreté dont vous me parlez ; c’est en général le sentiment contraire qu’on éprouve auprès des rois, même quand ils sont bienveillants, il semble toujours que tout auprès d'eux tienne à un fil. De la sécurité dans les relations égales, c’est déjà beaucoup pour les misères de notre cœur ; de la sécurité auprès d’une personne royale, c’est une merveille.
Je ne comprends guère pourquoi la rencontre à Coblentz avec le Roi Léopold n’a pas eu lieu et par quels motifs on a pris soin de l'éviter. Je croyais que, la question des officiers Polonais vidée, il n’y avait plus de nuage entre les deux cours. Dans l’intérêt Européen, je regrette qu’il en soit autrement. Ce petit royaume de Belgique est une grosse pièce, et le Roi Léopold un personnage considérable dans les affaires générales.
Il me revient qu’il a un profond sentiment du peu de bon vouloir qu’il y a pour lui du côté de l'Orient, et qu’il cherche et prend toujours à l'occident son principal point d’appui. Sa partie, en cas de danger, est étroitement liée, dit-on, avec l'Angleterre et la Hollande ; tout est prêt en Angleterre pour le soutenir, et l’alliance et l’armée hollandaises lui sont assurées. Ce serait une triple alliance qui mettrait tout de suite en ligne 120 000 hommes qui donneraient à d’autres appuis le temps d’arriver, mais de n’arriver que les seconds. Qu'y a-t-il de sérieux dans ce qui me revient ? Vous pouvez en juger mieux que moi.
Ma lettre à Marion est partie hier. Vous en seriez contente. Je voudrais bien qu’elle fût efficace. Voici un petit fait qui mérite d'être remarqué. On a mis en vente quelques prairies de Neuilly, par petits lots estimés à une valeur de 400 fr, pour tenter les paysans. Au lieu de s'élever, les lots sont tombés à 120 fr, faute d'enchérisseurs quelques uns même, dit-on, à 60 francs. Le sentiment public, on pourrait dire populaire reste le même sur cette triste affaire.

11 heures
Je calomniais un peu le conseil d'Etat. Il y a en partage ; 8 contre 8 ; c’est la voix de M. Baroche qui a décidé la question. On m'envoie les noms qui ne vous font rien. Point d'autre nouvelle. Adieu, princesse. Je n’ai pas encore ouvert mes journaux. Il me paraît que vous n'en avez plus du tout. Adieu. G.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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17 Val Richer, Mardi 14 Juin 1853

Je ne vous ai pas écrit hier. Vous ne m’avez pas dit si vous partiez dimanche ou lundi. J'enverrai ma lettre à Paris, et elle sera à Ems aussitôt que vous, ou bien près. Je suis pressé de vous savoir arrivée. J’espère que vous m'aurez écrit, ou fait écrire, par Marion, quelques mots de la route.
Il me paraît qu’on commence à se calmer à Paris. La hausse reprend à la bourse. Les joueurs intelligents auront fait de bonnes affaires, et les badauds de bien mauvaises. La politique et les libertés de la France sont là, entre les fripons et les badauds. Ce que les journaux me disent de la dernière dépêche de votre Empereur est sensé et rassurant. Je regrette de n'avoir pas ici sous la main mes collections de Traités. Je suis assez curieux de savoir s’il a raison de dire qu'aux termes des traités avec la Porte, il a le droit, dans son débat actuel avec elle, d'occuper temporairement les Principautés. J’ai des doutes sur cette question là. Il n’y a du reste, pas grand chose à répondre à tout ce qu’il dit, sa seule faute, c’est de ne l’avoir pas dit complètement, hautement, tout de suite et à tout le monde. Il l'aurait fait plus aisement, et avec moins d’inconvénients pour lui en Europe qu’il ne le fait aujourd’hui.
Les journaux Anglais aussi se calment soit qu’ils y voient plus clair, soit qu’ils se résignent. Aberdeen ne sera pas plus compromis que la paix. Je n'ai point de nouvelles d'ailleurs, et je n'en aurai pas souvent à vous envoyer. Tous mes correspondants possibles sont partis avant vous, ou avec vous. Vous n'aurez de moi que des bribes, et des bribes rares.
Il fait ici aujourd’hui un temps superbe. Je vous le souhaite pour votre arrivée à Ems. La première impression dans un lieu qu’on va habiter est quelque chose, elle se répand sur tout le séjour. La vallée de la Lahn est charmante par un beau temps.

Onze heures
Voilà votre lettre de Bruxelles qui me fait grand plaisir. Pour vous d’abord, ni aussi pour ce qu’elle contient de nouvelles. Je suis pour la paix, par conscience parce que je la crois bonne par amour propre parce que j'y ai toujours cru. Adieu, adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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18. Boulogne dimanche 6 août 1837

Je vous écris un mot encore avant de partir. C’est pour vous supplier d’empêcher que mon arrivée à Paris se trouve dans les journaux sur lesquels vous exercerez de l’influence. Vous m’éviterez par là du désagrément. J’ai passé une mauvaise nuit. Je ne me sens pas bien. Je voudrais être à Paris, voir mon médecin. Je voudrais pouvoir vous écrire de Paris déjà, vous mander que je suis mieux, vous dire mille choses, mille pensées que j’ai dans le cœur, sur le cœur. Ma rencontre avec mon mari ! Vous ne sauriez croire comme elle me rend l’âme inquiète. Je n’ai cessé depuis deux ans et demi de le conjurer de venir. Je l’ai fait sous toutes les formes, en l’appuyant de toutes les raisons, en lui montrant le désir le plus tendre de me voir réunie à lui. et quand je le disais je le pensais, car je ne sais jamais dire que ce que je pense et aujourd’hui quel accueil vais-je lui faire ?
Voyez Monsieur voilà des réflexions qui me tiennent. Eh bien, elles ne m’étaient pas venues encore. Je ne songeais qu’à une chose. Je voulais toucher la terre où vous vivez. Tout disparaissait devant ce premier intérêt de ma vie. J’ai tout bravé pour y parvenir. J’y suis, et aujourd’hui ma situation vis-à-vis de M. de Lieven se présente à mon esprit dans toute son horreur. Oui Monsieur c’est le mot. Vous m’avez rendue meilleure. Et voilà pourquoi je me sens plus malheureuse. Comprenez-vous tout ce je vous dis là ? Ah oui vous savez tout vous devinez tout, tout ce qui se passe dans mon cœur. C’est ma joie ; ma gloire. Ah que de pensées qui m’étouffent. Je crois que vous avez raison. Il ne faut pas parler. Et cependant mon âme interroge la vôtre toujours, à tout instant. C’est un dialogue qui ne cesse jamais.
Ah mon Dieu comment peut-on vivre dans l’état où je suis ? Je tremble de la tête aux pieds j’ai des moments affreux, et cependant c’est si doux. Adieu. Adieu. Je vous écrirai de Paris au moment où j’y arriverai mais j’irai lentement. Aujourd’hui je coucherai à Abbeville. Que faites- vous dans ce moment 8 h 1/2 ? Je voudrais regarder, j’ai la vie si bonne si longue. Je ne comprends pas votre maison, mais vos bois il me semble que j’y suis que je touche votre bras. Ah Monsieur, adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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18 Bruxelles le 24 mars 1854

Hélène Kotchoubey reçoit aujourd’hui de Pétersbourg la nouvelle qu'il y a eu une rencontre entre nos vaisseaux & les Turcs & Anglais sur la côte d’Asie, 3 frégates turques, 4 vapeurs anglais qui nous ont enjoint de nous retirer nous avons attaqué, & coulé bas les 3 frégates & 2 vapeurs anglais. Les 2 autres sont allés en porter la nouvelle à Constantinople notre amiral a été tué & 8 officiers. Voilà tout ce qu’on dit. Le courrier porteur des rapports officiels n’a fait que traverser Pétersbourg pour aller rejoindre l'Empereur en Finlande. Tout ceci est verbal, sans désignation de lieu ni de date, mais nous allons savoir tout cela officiellement. Voilà donc la guerre commencée ! Les publications anglaises sont inconcevables, et déplorables. Nous ne savions pas ce que nous allions chercher qu’allez-vous me dire de tout cela ? Je grille de ne pouvoir dire à personne tout ce que j'en pense. Je n’ai pas eu un mot de vous du Val Richer.
Vous me direz j’espère si tous mes N° sont en règle, et puis j’attends une réponse. Il n’est peut-être pas trop tard. Je ne vois pas que la nouvelle de Constantinople soit confir mée. Vraiment si les Turcs accordent tout ce qu'on leur demande ils sont bien plus annulés qu'ils ne l'eussent été en cédant à nos demandes. De toute façon je crois que c'est un pays perdu. Je reviens aux publications. Ne vous figurez-vous pas en les lisant que vous êtes la postérité. Dans 60 ans à la bonne heure, mais aujourd’hui. Rien de secret, rien de sacré. Enfin c’est incroyable, je ne sais pas encore l'effet que cela produit. à Paris. Dites le moi je vous en prie. Ici l’effet ne nous est pas favorable. Adieu. Adieu. Le temps est mauvais et mes yeux. vont mal. Dites moi un mot pour Barrot. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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18 Ems Samedi le 18 juin 1853

Je suis arrivée très fatiguée, et je ne me repose pas encore. Demain je commence les bains. Il n'y a à Ems personne, jolie perspective. Mon fils meurt d'ennui. Il y a de quoi, il me quittera demain probablement et je ne pourrai pas lui en vouloir.
Nous nous nourissons des journaux. Je ne sais que penser de la grande affaire. Où va-t-elle nous mener tous, l'Europe entière. Il est parfaitement clair que c'est au fond rien ou peu de chose & que Lord Redcliffe seul lui a donné le caractère & les proportions que nous voyons. Je suis comme vous, je ne crois pas à la guerre. & cependant je ne comprends pas comment on pourra se tirer de là sans y recourir. Marion est très shy avec Paul. C'est étonnant comme il lui impose, et il est cependant charmant, & gai & amical. Pas de nouvelles de Constantin.
La Reine Amélie ne viendra pas à Bruxelles pour le mariage du duc de Brabant Elle n'y vient pas non plus pour la confirmation de la princesse Charlotte. Je tiens tout ceci du roi, qui met le plus grand soin à éviter tout ce que pourrait donner ombrage ou déplaire, & qui regrette seulement qu'on se livre à son égard et à l’égard des autres aussi à des soupçons parfaitement injustes, car bien certainement il y a bienveillance pour le gouvernement de France actuel, à Bruxelles à Vienne, à Berlin, à Pétersbourg. Partout la méfiance est très mal placée. Et peut entraver le bien. Adieu. Adieu, envoyez moi des nouvelles et des commentaires.
(Greville me mande que Walewski montre la plus grande joie. Quoiqu’il arrive la bonne entente est rétablie entre la France & l'Angleterre. Les partis orléanistes et légitimistes se montrent très contrariés de cela. L'Emp. de Russie qui ne voyait pas ce rapprochement possible aura été très contrarié en l’apprenant. En [Angleterre]. personne ne croit à la guerre. Mais on trouve la situation de l'Emp. difficile & on cherchera à l’en faire sortir sans trop déroger. Adieu.)

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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18 Londres jeudi le 14 août 1845, à midi

Décidément je me suis encore trompée de N° & celui-ci est le 18ème. Votre dîner hors de chez vous, dimanche dernier me dérange. Je crains une indigestion ; & puis un assassinat, ou bien, une voiture versée. Vous savez comme je suis, parfaitement déraisonnable. Je suis tranquille quand je vous ai à Beauséjour, chez moi, ou bien dans votre cabinet que je regarde.
Hier longue promenade & causerie avec Dédel qui a tout plus de good sense & d'esprit & de connaissance de ce qui se passe ici. Beaucoup de monde chez moi le matin car tout ce qui est resté vient. Bulwer je crains me fera faux bon. Il voudrait que je retarde, & moi, je suis décidée à partir après demain. Flahaut part Lundi mais tout le monde va par le rail way. Il n'y a plus que moi dans le monde qui me serve de très mauvais chevaux de poste. Je ne sais vraiment qui partira avec moi, & je ne veut pas partir seule. Lady Cowley m’attend avec impatience et curiosité à Boulogne. J’y serai sans doute dimanche à moins de mauvais temps.
Je vous ramène des yeux assez ressemblants à ceux que j'avais en vous quittant, mais il est bien avéré que ce n’est que de l’ennui, des soins, des précautions, des privations, mais point de véritable danger. Il n’y a que Verity qui sache me traiter. Il sera à Paris au commencement de septembre. Londres est parfaitement dull, plus un seul homme public, et pas une nouvelle. Adieu, adieu, j'ai des yeux très capricieux et j'y ai mal dans ce moment, il faut que je vous quitte. Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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18 Paris. Mardi 15 mars 1854

Hier, un dîner agréable chez Mad. de Caraman ; Broglie, et son fils, Montalembert, et sa femme, Berryer, George d'Harcourt, et Lady William Russell. Spirituelle, et étonnée de découvrir qu'elle ne savait pas bien l’histoire de la mort de César. Je lui ai appris l’existence du récit le plus détaillé, le plus contemporain et le plus politique au fait. Il est vrai que la publication en est récente. Elle prend à l'érudition beaucoup plus d’intérêt qu’à la politique.
On parlait assez du Prince de Hohenzollern, et on ne croyait pas que l’attitude de la Prusse eût été aussi bien prise ici que vous le présumez.

2 heures
J’ai été dérangé par trois visites ; mais elles ne m'ont rien apporté. L'emprunt réussit beaucoup ; il y avait hier grand concours de prêteurs. On dit que Fould n’a pas été d’avis de cette démocratie financière. Je n'ai point entendu dire que le maréchal St Arnaud passât par Vienne. Mais on disait hier qu’il allait passer huit ou dix jours à la campagne pour se reposer avant d’entrer en campagne. Je vous enverrai mon Cromwell qui paraît demain. Si vos yeux s'en accommodent, cela vous amusera. Adieu.
Il faut que je sorte pour affaires. Je vais lundi soir passer trois jours au Val Richer, pour affaires aussi. J'y mène un jardinier. J’irai m'y établir complètement du 1er au 15 mai. Ma fille Pauline sera ici, le 15 avril. Adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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18 St Germain vendredi le 31 juillet 1846 Midi.

Je me suis sentie bien triste et perdue hier en entendant s’éloigner votre voiture. Comme les moments de bonheurs s'écoulent vite, & quel vide ils laissent dans le cœur. Je dis mal, le cœur est bien plein, bien riche. Mais comme la vie s'arrête ! Ah le gros souper que je fais là. Vous concevez que je n’ai pas de nouvelles à vous dire. Je trouve le journal des Débats très bien ce matin. Son article sur Thiers excellent. Le contistutionel embarrassé de coups de pistolet, mais je n’ai pas bien lu encore. La chaleur est excessive ce matin. Je vous écris dans le salon. Ma chambre n'est pas tenable. Je vous en prie prenez c.a.d. faites prendre des précautions. autour de votre personne. Cette mode de coups de pistolet m’épouvante. Vous avez beaux être populaire dans votre province, il a peut s’y trouver quelque mauvais sujet. Dearest prenez soin de vous. Adieu. Adieu, à mille fois cela. Encore quatorze jours. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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18 Schlangenbad le 21 juin 1852 Lundi

Je passe avec Meyendorff des heures charmantes, c’est une communauté charmante de souvenirs, d’intérêts, d’opinions. Nous cherchons sans le trouver le sujet sur lequel il pourrait y avoir dissentiment entre nous. Il faut absolument que je vous le montre, il en a bien envie aussi non pas de se faire voir car il est très modeste, mais de vous connaître vous & d’autres. Il faut que ce plaisir me soit donné. Hier l’Impératrice a été très fatiguée de la visite du roi de Wurtemberg C’est trop pour elle. Il lui faut de la distraction sans gêne. Je comprends cela, je l’apprécie & je le pratique comme vous savez. Elle s’est reposée & couchée hier soir et j’ai fait ma soirée chez ses dames. Toutes quatre sont très bien. (Mme Nélidoff la plus distinguée entre elles, une personne intéressante.) (Ne répondez pas à ceci.)
Les princes se succèdent et se relèvent ici. Il n'y a que cela de visiteurs. Tous sont polis pour moi et ne manquent jamais de venir chez moi malgré les rencontres deux ou trois fois le jour chez l’Impératrice. Il en résulte que j’ai extrêmement peu de loisir, quelques fois pas le temps de m'habiller car on commence dès 10 h. le matin. Pas de promenade du tout aujourd’hui, une pluie incessante.
Il me semble qu'Aggy viendra certainement me rejoindre, dans ce cas je n’irais pas à Paris, mais l’incertitude m’est bien désagréable. Il me parait difficile d'échapper à Stolzenfels. Si je retourne à Paris rien de plus simple, mais si je n’y vais pas, voilà qui sera encore bien fatigant. Enfin tout ceci doit compter pour une campagne. J'en rapporte des passeports, je serai biens payée, par dessus le plaisir de cœur qui est grand je vous assure. Adieu. Adieu.
Je suis un peu mieux de santé. Adieu.

Collection : 1837 (7 - 16 août)
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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N°18 Mardi 8 3 heures

Vous arrivez aujourd’hui à Paris. Peut-être y êtes vous déjà, car de Beauvais à Paris il n’y a que huit postes et demie. Vous y devez trouver je ne sais combien de lettres, les N°11, 12, 13 d’ici, 15 de Caen et 16 d’ici. J’ai reçu ce matin votre dernier mot de Boulogne, N°18.
Je ne vous réponds pas sur le sujet dont vous me parlez. Nous en causerons en pleine liberté. Il n’y a pas un de vos sentiments que je ne comprenne et qui ne me plaise dans le sens le plus intime et le plus sérieux de ce mot, si souvent profané. Gardez-les tous dearest ; ce sont des notes justes, l’harmonie s’y mettra. Que seulement le calme physique vous revienne. Je suis sûr que si vous vous portiez bien vous ne seriez pas en proie à ces troubles dont vous vous plaignez. Vous avez le jugement si droit l’esprit si haut et si fin que certainement, quand l’état de vos nerfs n’y fait pas obstacle vous savez voir toutes choses, choses et personnes, comme elles sont, mettre chacune à sa place, en vous-même comme au dehors, choisir décidément ce qui est vrai, juste, ce qui vous convient, et accepter, dans votre choix, les inconvénients, les difficultés, les peines même la part de mal enfin, inséparables de toute résolution. comme de toute situation humaine. Vous voulez que je vous apprenne à être calme. Je ne sais pas un si beau secret. Mais si j’ai un peu de calme, c’est que pour mes sentiments aussi bien que pour mes actions, dans ma vie intérieure comme dans ma vie extérieure, j’ai assez de prévoyance et peu d’irrésolution. Quand quelque chose commence en moi ou autour de moi, j’en vois promptement et d’un coup d’œil assez libre toutes les faces, toutes les conséquences. Si j’accepte, j’accepte sans hésitation sans retour le bien et le mal, la joie et la peine, l’avantage et l’embarras, le mérite et le tort même, s’il y en a. Et dans la suite, à mesure que les choses se développent et portent leurs fruits, bons ou mauvais, je ne suis pas plus incertain qu’au début. Je ne connais guère le regret ni le repentir. Je veux ce que j’ai voulu ; je me tiens à ce que j’ai fait. Je n’ai point la prétention que ma vie soit sans souffrances et ma conduite sans fautes. Je porte le poids des unes et la responsabilité des autres sans m’en plaindre, sans en déplacer les causes, car ces causes, je les ai en général connues et voulues. En général, dans chacun de mes sentiments, de mes actes, je pressens leur avenir et j’y consens. Et s’il m’arrive, comme il m’arrive en effet de n’avoir pas tout prévu, je ne m’en prends qu’à mon insuffisance et j’y consens encore ; car à tout prendre, en fait d’intelligence et de sagacité, je n’ai point droit de me plaindre de la part que Dieu m’a faite. En tout, je suis soumis, Madame, soumis aux imperfections de la condition humaine à mes propres imperfections aux volontés de Dieu, à mes propres volontés. Je ne me révolte point; je ne me tracasse point ; je ne délibère point à chaque minute, je ne tâtonne point à choque pas. Je veux surtout de l’unité dans mon âme et dans ma vie, et pourvu que l’ensemble me convienne, je ne marchande pas sur les détails. Quelle est, dans cette disposition la part de mon naturel et celle de ma volonté ? Je l’ignore ; mais si j’ai quelque sérénité, voilà à quoi elle tient.
Vous êtes femme, dearest, et par conséquent, un peu plus mobile, un peu plus accessible que moi à l’empire des impressions du moment. Mais vous avez beaucoup d’esprit, de raison, de courage, de dédain. Vous allez naturellement à tout ce qui est grand, simple. Soyez sûre qu’avec un peu de santé et d’habitude, il vous viendrait... laissez-moi dire il vous viendra du calme. J’ai du bien à vous faire, comme du bonheur, à vous donner. Vous me dîtes que je vous ai aidée à supporter vos peines. Je vous aiderai à vous affranchir de ces troubles intérieurs, de ces incertitudes de ces luttes répétées où l’âme se lasse et perd sa force la force dont elle a besoin, et pour résister, et pour jouir. Que je serais heureux de voir la sérénité se répandre sur votre noble physionomie, et de goûter le charme infini de votre affection. sans crainte qu’elle vous fasse mal !
Je voulais vous parler des élections anglaises qui prennent, ce me semble, un tour bien conservateur. Mais je n’y ai plus pensé. A demain les affaires. Adieu. Vous ne vous figurez pas ou plutôt vous vous figurez bien avec quelle impatiente j’attends votre première lettre de Paris. G.

Mercredi 10h.
Je reçois à présent même votre N°19 de Paris. Au nom de Dieu, calmez-vous, soignez vous. Que la fatigue du voyage, de l’absence, de la mer disparaisse. Je me charge du reste. J’attends votre réponse à ma proposition pour la semaine prochaine. Les N°12 et 18 vous ont été adressés à Londres. Le N°15 à Boulogne, porte restante- il était écrit de Caen. Le N°17 vous a été adressé à l’hôtel Bristol.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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18 Encore quelques lignes seulement à mon grand déplaisir. Mais il le faut absolument. J’ai dormi tard. J’avais besoin de dormir. Un orage m’a réveillé dans la nuit. Je me suis rendormi le matin. Je pars à 10 heures pour mon collège électoral. Soyez tranquille. Je prends ou fais prendre toutes les précautions dont je n’ai pas besoin. Je ne veux pas que rien n’arrive par ma faute. Je veux jouir avec vous, près de vous, de tout ce qu’il plaira à Dieu de me donner de vie.
A part le souvenir charmant de ces deux soirées, je suis charmé de savoir où vous prendre, où vous regarder, d'avoir vu le lieu, le salon, la chambre, les meubles. Vous aurez passé là un mois. C’est beaucoup. Je t’aime, je t’aime. Après tout, ma lettre bien cachetée est un lieu moins public que la terrasse de St Germain. Adieu comme je t'aime ! Rien de nouveau de Paris. La situation électorale gagne au lieu de perdre. Le Général Lamoricière n'a pas réussi dans sa réunion. du moment où vous recevrez cette lettre, la plupart des votes seront déjà déposés dans les urnes, et la question sera à peu près décidée. Le bon résultat sera très bon, et le mauvais, s’il y en a un mauvais, ne sera pas assez mauvais pour que j'en aie grand peur. Je suis, en tous cas décidé, à ne pas accepter une situation douteuse. Adieu. Adieu.
Voici une lettre de Brougham. Bien en colère. Renvoyez-la moi. Je lui écris de temps en temps. Quelques folies qu’il fasse et dise, il restera toujours un homme important, et je veux être toujours bien avec lui. Adieu. Adieu Val Richer samedi 1er août 1846. G.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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N°18 Val Richer samedi 19 Juin 1852

Je vous plains, si vous avez autant de pluie que moi. Je ne me promène qu’entre deux déluges. Je me promène pourtant, car je me porte bien. Mais vous vous promenez-vous un peu en voiture ? J'espère que malgré vos mauvaises jambes, vous ne restez pas toujours enfermée. Le grand repos vous est nécessaire, mais le grand air aussi ; vous en avez l'habitude, et le goût. Dites-moi, je vous prie, ce que vous faites chaque jour à cet égard.
Pourquoi le Roi de Prusse refuse-t-il au général Lamoricière les eaux d'Aix la Chapelle ? Je trouve cela dur et d’une dureté inutile. Lamoricière ne conspirera et ne parlera pas plus à Aix la Chapelle qu'à Bruxelles. Je ne sais si les bannis sont incommodes ; ils sont, à coup sûr, bien inoffensifs.
Voilà Thiers qui débarque tout à coup à Gênes, et se rend en Suisse. Sa santé est altérée, comme celle de Madame la Duchesse d'Orléans. Cela me frappe assez. Puisque vous n’avez plus le Journal des Débats vous n'aurez pas lu un article assez intéressant sur Kossuth. Purement de l’histoire, mais de l’histoire dont Kossuth ne sera pas content. C'est à propos des Mémoires de Georgey.
Je voudrais savoir un peu réellement ces affaires de Hongrie. Je n’y vois pas clair. Je sais seulement que Kossuth est un révolutionnaire, et un charlatan, les deux espèces d'hommes qui me déplaisent le plus. C’est peut-être le mérite principal des Anglais de n'être point charlatans. Rien ne l'est moins à coup sûr, que le discours du Duc de Wellington sur la milice. Frappant mélange d’un esprit qui reste ferme et d’un vieux corps impuissant, et chancelant que l’esprit, par un dernier et pénible effort de volonté, fait encore servir à son image.
Le matin de je ne sais plus quelle bataille, M. de Turenne avait un accès de fièvre, et le frisson : on l’entendit qui marmottait entre ses dents : " Tu trembles, carcasse, si tu savais où je te mènerai tantôt ! " Je ne connais pas de parole qui prouve mieux l'immatérialité et l'immortalité de l’âme.
On dit, et ce sont les feuilles du Ministère qui le disent qu’il n’y aura pas de prolongation de la session du Corps législatif. Ils me paraissent, les uns et les autres pressés de se séparer. Je vois que M. et Mad. de Persigny sont rentrés dans le monde, ou plutôt que le monde est rentré chez eux. Le journal qui l’annonce dit que le même jour, M. de Maupas a donné un grand dîner. " Ainsi le faubourg St Germain était en fête. " Voilà M. de Persigny et M. de Maupas représentants du faubourg St Germain. Qu'on dise que le système représentatif est en décadence. Madame de Persigny voilà probablement un nouvel hôte de votre dimanche. Tout le monde la trouve jolie et agréable.
Qu'y a-t-il de vrai dans le travail et les espérances de rapprochement commercial entre l’Autriche et la Prusse ? Les journaux font bruit de la mission de M. Le Bismarck Schoenhausen à Vienne. Je voudrais bien qu'elle aboutît à l'accord. L'accord, l'accord, toute la politique est là. Adieu, en attendant votre lettre. Je ne viens pas à bout de comprendre pourquoi il y a plus loin de Schlangenbad à Paris que de Paris à Schlangenbad. 10 heures Pas de lettre aujourd’hui. C'est bien pis que d’arriver tard. Tant que vous ne vous porterez pas très bien, je ne pardonnerai pas l’inexactitude des courriers.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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18 Val Richer. Vendredi 17 Juin 1853

J’ai grand peine à ne pas vivre tout-à-fait dans le 17e siècle au lieu du 19e. Je viens de dater cette lettre de 1653. C'est là que j'en suis avec Cromwell, au moment où il chasse le Parlement.
Je suppose que vous trouverez l'Allemagne très occupée de votre occupation des Principautés. C'est là que la question se transporte. C’est là du moins qu’on s'efforce de la transporter. Le petit travail des journaux du gouvernement pour le décharger de tout embarras m'amuse. Quand l'affaire de Lieux Saints a été finie, ils ont dit : " La question française est vidée, il n’y a plus qu’une question Européenne ou la France n’a plus que sa part " Maintenant, ils disent : " Puisque la Russie déclare qu’elle se barrera à occuper les Principautés, sans faire la guerre à la Porte, il n’y a plus à vrai dire, de question Européenne ; ceci n’est plus qu’une question allemande, c’est à l'Allemagne de savoir si elle veut que la navigation et le commerce du Danube passent tout à fait dans les mains de la Russie. Vous me direz si l'Allemagne est disposée à se charger ainsi seule du fardeau.
Il y a entre la politique de mon temps et celle qui lui a succédé cette différence que l’une à besoin de placer l’intelligence publique trop bas et que l’autre avait besoin de la placer trop haut.
Je vous suppose établie d’hier à Ems Bayrischer hof. Garderez-vous votre fils Paul un peu de temps ? Je le voudrais pour vous et aussi pour lui. Sa société vous est agréable et je crois que la vôtre lui est bonne.
Je ne comprends pas Hélène Kotschoubey de venir à Paris dans cette saison, à moins que ce ne soit pour s'y arranger pendant qu’il fait beau et y passer l'hiver prochain.
Je n’ai absolument rien de Paris depuis votre départ. Personne n’y est plus, que mon petit ami qui me dira bien de temps en temps quelque chose. Je ne sais pas quand Duchâtel et Dumon reviendront de leur voyage, l’un à Vichy, l'autre dans le midi. Le Duc de Broglie a été content de son séjour à Claremont. Les Princes très sensés et bien disposés ; mad. la Duchesse d'Orléans toujours la même ; il n’a point eu de conversation sérieuse avec elle. Le comte de Paris en grand progrès d’intelligence, de taille, de manière et d’apparences fermes et franches. Puisque vous aurez passé un jour plein à Bruxelles, vous y aurez vu du monde intéressant.

Midi
Je n’attendais pas de lettre aujourd’hui. Adieu. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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19 Bruxelles le 26 mars 1854

Evidemment la nouvelle donnée à Hélène est fausse mais c’est étrange. Brunnow est venu chez moi à son débotté avant d’avoir vu aucun de ses collègues. Il se disait ignorant de l'objet de sa venue. Chreptovitch qui était à la chasse tenait les dépêches enfermées chez lui. Il sera plus édifié aujourd’hui. Le ministre d'Angleterre n’est pas inquiet. Il ne peut voir dans tout cela qu'une pensée de paix. Mais comment la concevoir aujourd’hui ? Lord Howard. a rencontré chez moi Brunnow, très bien ensemble. L'Anglais est très aimable pour moi. Je suis le dernier fil, car on ne va plus les uns chez les autres.
Vous trouverez votre chambre à Bellevue. C’est rempli mais je me suis assuré de ce qu’il vous faut. Que je serai aise de causer, d'entendre. du bon français d’abord ! N’allez pas vous ennuyer ici, cela n’est pas bouffon. Tout ce que vous me dites sur nos affaires & notre conduite. est admirable de vérité. Je vois bien que même les Russes. pensent comme vous là dessus, mais il n'osent pas se le dire. En attendant l'exaltation est énorme en Russie. L’Empereur en visitant Cronstadt a fait faire en sa présence l’essai d'un nouvelle invention épouvantable comme destruc tion. Cela a parfaitement réussi. Il a ôté son casque ici en disant : " Venez messieurs les Anglais, nous sommes prêts. " Voyez-vous tout cela je le trouve abominable. Décidément je ne suis plus bonne qu'au peace society.
Le temps est fort laid, froid ; mettez-vous chaudement. Au reste les voitures sont chauffées sur le chemin de fer. Vous me direz par quel convoi vous comptez partir. 7 du matin vous amène ici à 2. C’est le plus accéléré. Celui de 11 1/2 n’arrive qu'à 10 1/2. Ne prenez pas celui du soir vous seriez trop fatigué le lendemain. Vous l’étiez tant en venant du Val Richer. Adieu, quel plaisir de m’occuper du bout de la semaine.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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19. Ems le 20 Juin Lundi 1853

Mon fils m’a quitté avant hier soir. Me voilà vraiment sans une âme. Je n’ai pas voulu le retenir. Il a été bien & charmant. Plus longtemps j'aurais trop vu l'ennui, je n’ai pas voulu abuser. Je n’attends personne. Quelle jolie perspective ! Je commence à m'alarmer vraiment. Les chances de la guerre sont grandes, car rien ne peut satisfaire mon empereur qu’une satisfaction directe, écla tante ; et le firman pour tous les cultes n'est pas cela.
Je me suis un peu orientée sur ce qui s’est passé chez nous. Au fond Nesselrode n'était pas d'opinion d'envoyer le Prince Menchikoff. C'est l'Empereur qui l’a voulu. Cet ambassadeur a été cassant, hautain. Redcliffe est venu brochant sur la mauvaise humeur des Turcs. Des querelles de visites ont aigri l’un contre l’autre les deux ambassadeurs. Menchikoff a été maladroit en toutes choses et lorsque enfin la place n’a plu été tenable, il a mis sur le compte des faiblesses de Nesselrode la décadence de notre influence auprès de la porte, ce qui avait préparé sa défaite. L’[Empereur] a reproché à Nesselrode tout le passé des dernières années. Et la scène a été vive dit-on. M. Le ministre a voulu racheter cela par une rédaction très insolent de sa note à Rechid Pacha. Nous allons en apprendre le résultat après-demain. Sans doute la porte nous répondra par un refus, nous entrerons dans les principautés. Je crois savoir que ce ne sera pas cas de guerre aux yeux de l'[Angleterre]. & de la France, à moins que cela n’ait changé depuis mon départ de Paris.
Voici une lettre de Greville qui vous intéressera. Nous sommes dans une position très embarrassée. Dans tous les cas notre bonne situation en Europe restera bien endommagée ; mais je le répète je crains plus que cela.
La mort du Nonce m’a vraiment beaucoup affligé. Marion en pleurs. C'était un brave homme. si tolérant, si doux, si facile & fin. Il pleut à verse aujourd’hui. Pas de promenade, pas une visite. J'ai commencé les bains. Nous verrons dans quelques jours comment ceci me convient. Adieu. Adieu.
Nous sommes bien loin. Vos lettres m'arrivent en quatre jours. Comment vont les miennes ? Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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19 ou 20 Lisieux, Dimanche 2 août 1846

Ceci est pis qu’hier. Je vous écris du collège même, au milieu des électeurs qui votent pour moi. Tout mon temps leur appartient. Je suis parti du Val Richer à 7 heures. J'y retournerai à 9 heures tout va bien ici et dans les environs. Merci du N°19. Il fait moins chaud aujourd’hui, si le chaud vous fait mal, je finirai par me brouiller avec lui. Vous ne m’avez pas donné des nouvelles de votre estomac. J'en veux. Adieu. Adieu. Je ne sais ce que vous dis. Il y a là dix électeurs qui me parlent à la fois. Demain vaudra mieux. Adieu. Adieu dearest. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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19 Londres, vendredi le 15 août 1845 dix heures.

Mauvaise journée hier. Mes yeux allaient mal. J’ai eu bien peur le matin je suis mieux. Je serai curieuse de me faire lire votre discours du dîner. J’aurai cela à Douvres sans doute. Je pars demain matin à 9 heures avec Bulwer. J’irai à Folkston peut être, mais toujours par terre et non par fer. Si le temps n’est pas mauvais je passerai dimanche. Dietrichstein est revenu hier. Décidément il me fait sa cour pour arriver à Paris ! Pas d’autres news. Londres est [?] on avait bien envie de m’entraîner à la campagne. Le genre de vie et la lumière ne me vont pas.
Que de choses à vous raconter ! Tâchez que ce soit bientôt. Adieu. Adieu. J'ai mes paquets à faire & les bills à payer. Adieu beaucoup de fois adieu. Je viens de lire votre discours. Excellent. Parfait. Adieu. excellent.

Collection : 1837 (7 - 16 août)
Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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19. Paris. Hôtel de Londres place Vendôme, Mardi 8 août
10 heures du matin.

Je voudrais avoir la force de me réjouir de ce mot Paris. Monsieur vous ne concevez pas le bonheur que j’éprouve. Il me semble que je suis au près de vous avec vous. Toute cette nuit je vous ai parlé mais pas en rêve. Si j’avais rêvé j’aurais dormi, mais non je n’ai pas fermé l’œil. Je causais avec vous sans cesse, sans cesse. C’est bien la fièvre que j’ai en arrivant ici à 8 h. Je reçus votre N°11. Au moment de me coucher le 16 me fut apporté par la personne à laquelle vous l’avez adressé. Ces deux lettres ont reposé toute cette nuit sous mon oreiller dans mes mains. Mais J’ai été effrayée de mon agitation de ma faiblesse à l’aube du jour. J’ai fait venir mon médecin. Il m’assure qu’il n’y a rien de grave que la mer m’a complètement bouleversée que c’est une affaire de nerfs pas autre chose. Pour me le prouver il ne me donne à boire que de l’eau de camphre. C’est le seul remède que j’ai jamais accepté, je vous conte tout cela afin que vous n’alliez pas vous inquiéter. Quand je vous verrai je vous dirai cependant comme j’ai été mal à Abbeville.
Je vous avais écrit heureusement le bureau de la poste était fermé, on m’a rapporté ma lettre, quand je l’ai relue j’ai été effrayée pour vous, je l’ai déchirée. Je ne veux pas que vous veniez encore. Vous voyez bien que je suis trop agitée pour vous voir. Laissez-moi quelques jours de repos.
Quand je vous ai quitté il y a cinq semaines, c’était votre image qui devait effacer, adoucir au moins des images bien douloureuses. Aujourd’hui je pense tant à vous, j’y pense tant ... que je cherche un remède, et je ne sais le trouver que dans le souvenir de mes malheurs, là, il y a du calme, auprès de vous de l’agitation. Voyez Monsieur où j’en suis venue, et imaginez le déplorable état de mes nerfs ! Je vous écrirai tous les jours et le jour où je me sentirai mieux, le jour où je les serai pas si troublée en pensant à vous ; le jour où je croirai pouvoir supporter votre vue avec plus de celui, ce jour-là je vous appellerai et vous viendrez n’est-ce pas ? Est-ce donc du bonheur que j’ai trouvé auprès de vous? Je ne sais pas me répondre, mais ma vie, mon âme sont à vous, vous me répondrez.
Ah mon Dieu cela me fait mal de vous écrire. Ma pauvre raison, elle m’abandonne. Adieu. Que sont devenus les intermédiaires entre 11 & 16 ?

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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19 Paris. Jeudi 16 Mars 1854

Si de part et d'autre, on ne voulait réellement que ce qu’on dit, l'occasion serait belle pour arrêter encore, les milliers de bouches à feu près de tirer, voilà les Turcs en train de faire pour les Chrétiens, Catholiques, Protestants ou Grecs, bien plus que vous n'avez jamais demandé, pour eux. Pourquoi votre Empereur ne déclare-t-il pas que cela étant, la guerre n'a plus le motif, qu’il ne veut pas la faire et qu’il demande pourquoi, on l’a lui fait ? On serait peut-être un peu étonné, mais très embarrassé. J’ai peur qu’il ne le fasse pas. Et pourtant, s'il ne le fait pas, ce sera plus que jamais à lui que l'Europe s'en prendra de la guerre, car, pour tout ce qu’il a fait depuis un an, il n’a allégué d’autre motif que le motif religieux, la nécessité, pour lui, de protéger l'Eglise grecque. Et en ce moment, c’est au sentiment religieux de son peuple qu’il fait appel pour populariser la guerre. Voici ce qui arrivera probablement. La Russie fera la guerre, à l'Europe pour garantir aux Chrétiens grecs, de Turquie des privilèges très inférieurs à ceux que la Turquie leur accorde. L’Europe fera la guerre aux Chrétiens grecs pour les forcer à accepter ce que la Turquie leur accorde. En soi, cela est absurde, et bientôt, aux yeux des hommes religieux, cela sera odieux. Et si, comme cela encore est probable, l’Europe est elle-même bouleversée, de nouveau par cette guerre, devenue révolution, un jour ne tardera pas à venir, où il n’y aura ni assez de malédictions, ni assez de sifflets pour les auteurs d’une telle situation.
On n'aura, pour échapper aux malédictions. et aux sifflets, d’autre ressource que de dire qu’on voulait autre chose que ce qu’on disait. Triste apologie quand le jour du jugement est arrivé.
On disait hier, de bonne source, que tout était arrangé avec l’Autriche, qu’elle ne vous déclarerait et ne vous ferait point la guerre, mais qu’elle déclarerait son adhésion morale à la politique qui maintient l’intégrité et l'indépendance de l'Empire Ottoman, et qu'elle se chargerait de maintenir l’ordre, dans la Servie, la Bosnie et le Monténégro. On paraissait espérer que la Prusse en gardant sa neutralité, donnerait, à cette quasi-neutralité de l’Autriche, une approbation explicite. " Si on était sage, disait avant hier Morny, on se contenterait de cela, on le dirait tout haut, et on resterait en intimité avec l’Autriche, à ces termes. " Il a raison ; mais il disait Si. Et si on n’est pas sage, qu’arrivera-t-il ?
Voilà votre numéro 13. Vous avez un peu troublé Molé il y a quelques jours, en lui écrivant, par la poste, que vous aviez chargé M. de Mirepoix de lui remettre une lettre. Cela n’est pas de votre prudence ordinaire, et je ne dirai pas à Hatzfeld que vous m'avez écrit, par la poste aussi, de me servir de son courrier. Je lui ferai demander ce matin si son courrier peut se charger aussi des deux volumes, de Cromwell. Je pense que oui. Sinon, je vous les enverrai par une autre voie. Adieu.
Je vous ai dit, je crois, que je vais au Val Richer lundi, pour trois jours. J'en reviendrai Vendredi matin. Mon projet. est ensuite de partir le 21 mars et d'aller passer cinq jours avec vous, jusqu’au 5 avril au soir, d’un jeudi à un jeudi. On vient assez me voir le jeudi soir, et je ne veux pas y manquer souvent. J'espère que rien ne dérangera mon projet, et qu’il vous conviendra comme à moi. Adieu, adieu. G.
P.S. On m'assure que les nouvelles de Constantinople disent que la négociation en faveur les Chrétiens est loin d’être aussi avancée qu’on le disait. Au bal qu'a donné ces jours derniers le Roi Jérôme, on affirme que son fils Napoléon n’a pas paru, déclarant à son père que dans ces fonctionnaires Impériaux, il y avait tant d'ennemis de leur droit héréditaire qu’il ne voulait pas se mêler à eux. Le Roi de Naples se prêtera à tout ce qu’on voudra de lui ; mais il a demandé à être débarrassé de M. de Maupas qui intriguait trop ouvertement pour les Murat. De là le remplacement de Maupas par de la cour.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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19 St Germain Samedi 1er août 1846

J’attends votre arrivée au Val Richer. Il fait bien chaud, bien beau ici. Kisseleff et Pahlen sont venus dîner hier, en belle humeur & ravis d'échapper à Paris. Fleichman était venu le matin, à moitié fondu. Point de nouvelles. Kisselef répétant que rien n’est éternel, et rien impossible, curieux, de ce que nous allons faire du nouvel attentat, à peu près décidé s'il vient une dépêche à la supprimer et à faire le compliment viva voce. à quoi vous diriez viva voce " toujours sensible à l’intérêt que ... fait temoigner " L’impression du coup de pistolet à Paris fort affaiblie puisque c’est si répété. Du dégoût, des réflexions déplaisantes, de la honte, voilà. Le duc de Poix était mourant hier. Sabine se marie, elle épouse M. Standick Anglais 23 ans, pas beaucoup de fortune, & gros & court. Louis de Noailles épouse dit-on Melle de Gallifet. Mad. de Nesselrode sera à Paris le 20 pour 15 jours. L’Empereur qui ne pouvait pas la souffrir et qui a passé 30 ans de sa vie à lui témoigner vient de découvrir que c'est une femme supérieure. Elle est en grande faveur, dont son mari rit beaucoup.
Voici vos douces paroles. Je suis parfaitement d’avis que nous en sommes encore aux découvertes sur notre propre compte. Charmantes découvertes. Imaginez de passer beaucoup de soirées comme les deux dernières. Et cet air si doux si pur. Cela y fait quelque chose. Et nous avons si peu si peu de ces jouissances Là ! Je vous prie prenez des précautions demain à votre élection, par complaisance pour moi. Adieu dearest Adieu. Je vais être curieuse après demain de ce qui se sera passé à Paris et plus loin. Je compte aller lundi matin en ville pour quelques heures. God bless you dearest. Adieu.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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19 Schlangenbad le 22 juin1852

Aujourd’hui la reine de Wurtemberg que je n’avais pas vue depuis 31 ans, pas changée du tout. Les bénéfices d'une vie uniforme, sans grand plaisir, sans grande peine, sans affection vive, sans intérêt, sans curiosité. Si elle n'était pas reine, je dirais le bénéfice de n'être pas incommodée par trop d’esprit. La pluie continue et abondante. Les palpitations sont revenues à l’Impératrice. C’est une saison mauvaise pour faire usage des bains. Je me fais traîner mais en voiture fermée, il fait trop froid pour la voiture ouverte. J’ai toute sorte d’équipages ici entre autres une chaise à porteurs. J'en ai demandé le soir de mon arrivée, le comte Schouvaloff m’a vite fait venir par télégraphe électrique de Dresde, & le roi de Saxe envoie ses hommes & sa chaise. Le plus grotesque équipage avec les plus étranges couleurs. Cela fait mourir de rire l'Impératrice.
Vous voyez que je n’ai pas un mot de nouvelle à vous écrire. Ce qui fait cependant que j'aurai beaucoup à vous dire si je vous voyais quand je vous verrai. Depuis dimanche prochain le 27 adressez vos lettres à Francfort, sur le Main Légation de Russie.
C'est le 30 que l'Impératrice quitte ceci & moi aussi. Adieu. Adieu.
On me demande ce qu'on pense, ce que vous pensez de l’attitude de l’Empereur. Je dis mais pas si bien que vous savez dire. Je cite le duc de Broglie, comme le grognon qui se rend. La duchesse d’Orléans a passé un jour auprès de son amie la princesse de Prusse à Coblence. Certainement Thiers va la trouver en Suisse pour viser son passeport pour Paris Adieu. Adieu.
Jusqu’à présent j'aime mon Impératrice tous les jours davantage. Vous trouverez que c’est trop, vu que vous en saviez déjà.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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N°19 Val Richer 20 Juin 1852

Je n'ai pas de goût à vous écrire quand j’attends impatiemment une lettre. Le manque de celle d’hier m’a contrarié plus vivement encore que de coutume. Seriez vous plus souffrante ?
Ni mes lettres, ni mes journaux ne me disent rien. Si nous étions, en temps ordinaire, cette chute de la convention d'extradition entre la France et l'Angleterre, signée et ratifiée par le président et par la reine Victoria, serait un gros échec pour les deux gouvernements, et un gros embarras entre eux. Rappelez-vous ce qui est arrivé quand je n’ai pas fait ratifier la convention sur le droit de visite. Mais aujourd’hui rien ne fait rien. Je suppose pourtant que Lord Malmesbury payera son étourderie.
Décidément les affaires du cabinet Tory vont mal. Lord John est un opiniâtre fellow. Il persiste, en dépit de tout le monde, à être le chef de l'opposition. Il en viendra à bout.
Il pleut. Je me suis levé tout à l'heure par un beau soleil. Mais le ciel redevient tout noir. Je m'en consolerai quand j'aurai une lettre. Je suis plongé dans l’histoire de Cromwell et de son travail pour se faire Roi. Jamais homme n’a eu à la fois tant d’ambition et tant de bon sens. Aspirer à tout et savoir s'arrêter, c’est le seul exemple.

10 heures
Pas de lettre encore aujourd’hui. C'est désolant. Si vous êtes malade, pourquoi ne pas me faire écrire deux lignes, n'importe par qui, par Auguste ou Emilie. La journée sera bien longue. Adieu. Adieu.
On m’écrit : " Il n’y aura point de petite session. Les lois somptuaires seront retirées. Le corps législatif votera le budget sans mot dire, malgré les coups que le Conseil d'Etat, lui a donnés sur les doigts. "

Collection : 1837 (7 - 16 août)
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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N°19 Jeudi matin, 9 heures.

Comment passerez-vous votre temps ? J’en suis préoccupé. L’ennui vous gagne aisément. Il y a bien peu de monde à Paris. En Angleterre. vous aviez trop d’amis, trop de conversations. Je crains qu’en France il ne vous en manque. Contez-moi en détail votre journée. Quoique j’espère aller bientôt y regarder moi-même, je veux savoir tout de suite ce qui en est. Vous n’avez pas contre l’ennui les ressources d’un homme, des affaires à soigner, le travail, l’étude. Je voudrais vous indiquer quelque chose d’intéressant à lire. Savez-vous lire, lire de manière à remplir quelques heures dans votre journée? J’ai peur que non. Votre vie s’est passée dans les relations de personne à personne, à voir, à causer, à écrire. Les grandes affaires, vous les avez traitées comme on traite les petites en conversation, en visite, en correspondance dans le train ordinaire de la vie. C’est de beaucoup la manière la plus amusante, et aussi la plus naturelle, et peut-être aussi la plus efficace. Vous y avez acquis, c’est-à-dire développé cette admirable intelligence des personnes, des caractères, cette disposition sympathique qui n’enlève point a votre esprit son indépendance, cette pénétration soudaine qui fait qu’avec vous rien ne se perd, que tout a un sens pour vous, que la moindre parole vous dit tout, que les éclairs les plus fugitifs de la physionomie ou de la pensée frappent vos yeux et vous illuminent comme serait le plus grand jour. Tout cela est exquis charmant et quand je suis après de vous, j’en jouis avec délice. Mais quand vous êtes seule que faites-vous de tout cela ? Vous souffrez de vos qualités de votre supériorité. Elles n’ont pas leur emploi accoutumé et il est difficile de leur en trouver un autre. Enfin dites-moi le compte de vos heures. Avez-vous jamais lu mes deux volumes sur l’histoire de la Révolution d’Angleterre jusqu’à la mort de Charles 1er ? Si vous ne les avez pas lus, je vous les ferai porter Je crois que c’est vrai, et assez vivant. J’ai recommencé ici à m’occuper de l’époque qui suit, du gouvernement de Cromwell. Les Anglais à mon avis ne comprennent pas ce temps-là, surtout les hommes, leurs idées, leurs passions, leurs intérêts, et l’amalgame étrange l’action et la réaction continuelle de ces trois causes l’une sur l’autre dans leur conduite et dans leur âme. C’est peut-être une fatuité de ma part ; mais je crois qu’il faut avoir vu & presque fait une révolution pour en comprendre une autre. 10 h. 1/2. Voilà le facteur qui m’apporte votre n° 20 et qui repart sur le champs. Il faut que je lui donne ma lettre. Vous êtes donc un peu mieux, et je vous verrai le 18. Et que votre lettre est bonne, charmante. J’y répondrai demain. Ne vous inquiétez pas de moi. Je me porte et je me porterai à merveille. Soignez- vous, soignez vous. Que je vous trouve un peu moins faible, un peu moins lasse. J’en ai tant d’envie ! Que tous les mots sont faibles ! Adieu. Adieu. Je ne comprends pas que vous n’ayez pas les N°12, 13 et 15. Les deux premiers ont été envoyés à Londres. Le troisième à Boulogne, poste restante. Il faut l’y faire redemander.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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17 Val Richer. Vendredi 15 août 1845

Ceci vous trouvera à Boulogne. Je pense avec plaisir que la mer n’est plus entre nous. Quand je nagerais aussi bien que Léandre, le Pas de Calais est plus large que le Bosphore. Et ce pauvre Léandre n'est pas arrivé.
Guillet a écrit à Page de passer à la rue St Florentin et d’y donner son adresse. Je vous engage encore à passer quelques jours à Boulogne avec les Cowley. Vous n'aurez personne à Beauséjour, surtout le soir. Le Roi de Prusse a beaucoup d'humeur de ce que la Reine comme elle le lui a fait savoir ne reste à Stolzenfels que jusqu’au 14 et veut en partir le 15 pour être à Cobourg le 17. Il avait fait de plus longs préparatifs. Il s’est écrié, sur cette nouvelle : " Ah, c’est trop fort. Il y a de la part des Princes allemands et des hommes considérables, fort peu d'empressement pour se présenter chez le Roi de Prusse & lui rendre des devoirs pour lui-même, avant l’arrivée de la Reine d'Angleterre. On va au contraire beaucoup au Johannisberg. On peut évidemment se montrer froid pour le Roi de Prusse et confiant dans M. de Metternich. Le Roi en est choqué. Et comme il est surtout homme d'impressions et d'amour propre, cette petite manœuvre n’aura probablement pas l'effet qu’on s’en promet.
La Reine d’Espagne et même la Reine Christine ont été très bien reçues à St Sébastien et dans les Provinces basques, en général ; mieux qu’on ne s’y attendait. Voilà encore des conspirations qui échouent. Ce ne sont pas les conspirations que le général Narvaez a à craindre ; c'est l'opposition dans son propre parti. Les prochaines cortes seront orageuses. Le grand Duc de Modène a décidément et pour la seconde fois refusé sa fille à M. le Duc de Bordeaux. On a donné un bal à Schönbrunn dans cette vue. Il a déclaré que si le Duc de Bordeaux y allait, ses filles n'iraient pas. Le Duc de Bordeaux a été indisposé. Le parti est très chagrin, très déconfit de cet échec. Ils disent qu’ils n’ont plus d’espoir que dans la seconde fille du Prince Jean de Saxe, 15 ans, bien laide & pauvre ; et que si cela aussi échoue, il faudra que le Duc de Bordeaux épouse une française de bonne maison, car il faut absolument qu’il se marie. La Dauphine a fort essayé de causer politique et France avec l’Electrice douairière de Bavière qui s’y est refusée. Elle (la Dauphine) s'est montrée parfaitement découragée et résignée. On lui a demandé si elle passerait l’hiver à Vienne ou à Frohsdorf : " Je n'en sais rien et cela ne me fait rien, avec le peu de jours qui me restent à vivre, et ce que j’ai à en faire, qu'importe ? " Voilà mon bulletin. Le calme est profond.
Le Roi et tout le château d’Eu ont été charmés de mon discours à St Pierre. Il m'écrit avec effusion. Henriette est décidément très bien. Mais le temps redevient mauvais, froid. Quel été ! J’ai écrit à Charles Greville. Adieu. Adieu.
Vous avez déjà passé où vous passerez après-demain. Il n'y a pas de vent aujourd’hui. Adieu. Adieu. G.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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19 Val Richer, Dimanche 19 Juin 1853

Je n’ai pas cru à la mission de M. de Panin. Pourquoi ? Les missions soudaines de gros personnages ne sont bonnes que lorsqu'il y a quelque résultat éclatant à emporter en quelques jours. Rien de semblable ici. Vous n'avez qu'à laisser aller la situation. Il est évident que personne ne vous fera la guerre pour votre occupation, dite temporaire, des principautés. Si les Turcs tiennent beaucoup à ce que vous en sortiez, ils feront ce que vous leur demandez pour l'Eglise grecque. S'ils craignent davantage votre Protectorat des Grecs que votre séjour dans les Principautés, vous y resterez. Le protectorat, ou les principautés, l'alternative n’est pas mauvaise. Vous ne perdrez à ceci que sous un rapport, votre influence Euro péenne. Il y aura du dissentiment en Europe à votre sujet et de l'humeur contre vous. Vous êtes redevenus la Russie et non plus la tête de l’Europe, je ne sais pour combien de temps.
Vous regretterez ce pauvre Garibaldi. Il n'était pas, pour le corps diplomatique, un ornement, comme Valdegamas, mais une bonne pièce, sensé, tranquille, d’un commerce doux, ne faisant pas grand bien, mais jamais de mal. Sa mort ne m’a pas surpris, c'était une machine détraquée, et qui se savait détraquée. Il est mort d’une de ces maladies, du cœur qui éclatent tout à coup. L’année est mauvaise à Paris pour le corps diplomatique ; deux en quelques mois, c’est rare. Je n'ai point d’idée sur le remplaçant de Garibaldi. Jamais l’Eglise romaine n’a été aussi dépourvue d'hommes. C’est un bien mauvais symptôme, surtout pour l'Eglise qui n’a dominé et ne peut dominer que par la supériorité des hommes.
Nous sommes ici dans le calme le plus profond. Les préoccupations de guerre s'en vont. A Paris, la bourse, dans les campagnes le temps, il ne reste plus que ces préoccupations là. Je vis au milieu des dernières, et j'en prends ma part. A tout prendre, j’ai eu trop de pluie depuis que je suis ici.

Onze heures
J'attends impatiemment la nouvelle de votre arrivée et de votre établissement à lui. J’espère l'avoir demain, après-demain au plus tard. Si vous êtes à peu près sûre de la bienveillance de l’Autriche, vous auriez bien tort de ne pas accepter sa médiation. Vous sortirez d’embarras et vous regagneriez presque tout votre terrain en Europe. Je conviens qu’il faut être sûrs qu’elle vous donnera le Protectorat grec, ou à peu près. Adieu, Adieu. G.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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20. Boulogne, Dimanche le 17 août 1845
Onze heures

J’ai quitté Londres hier à 9 h., arrivée à Folkestone à 6 1/2 embarquée à 7 1/2, et à Boulogne à 9 1/2 mais pas dans mon lit avant minuit à cause des désagréments de votre douane qui a failli me faire passer la nuit sur le bateau. J’ai dormi, mais je suis bien fatiguée. Bulwer m’a menée ici. Il est retourné à Londres ce matin, tout cela sera une histoire drôle à vous conter. Je n’ai pas des yeux suffisant pour cela. Je me borne au stricte nécessaire.
Voici vos N°18 & 19 merci, merci. Quand ne nous écrirons nous plus ? Combien j'espère à Beauséjour ! J'ai besoin de me réposer de ma rude journée d’hier. J'ai ici les Cowley ; je n’ai encore vu que la fille. Adieu, pardonnez-moi cet abrégé. Brunnow était chez moi hier à 9 h. du matin & m'a mis en voiture. Mes Anglais ont été charmants pour moi tous. Beaucoup mieux que jamais. Adieu, adieu, adieu.
P. S. Voici la lettre de vendredi merci, merci.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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20. Bruxelles Mardi le 28 Mars 1854

Voilà donc la guerre déclarée ; et bien qu'on se batte, mais qu’on fasse vite, et que cela finisse. Hélas c’est cela qui sera difficile. L’Empereur retire toutes les promesses d’Olmentz, il ne se gouvernera plus que selon les circonstances. Nous sommes intoxicated. J'ai eu 4 heures de tête-à-tête avec Brunnow. Il a beaucoup d’esprit. Et il est fort triste. Kisseleff rit tout le jour avec tout le monde excepté moi avec qui il ne rit ni ne pense car je ne le vois jamais. Tous les autres Russes sont très soigneux de moi. L’Autriche ne se déclarera que si nous passons le Danube. Je crois que nous ne le passerons pas.
Je suis charmée que vous preniez le convoi de 7 heures du matin. Mais envoyez encore à Paris prendre des informations précises. Je pense avec tant de joie aux bonnes causeries que nous allons avoir ! Je vous écrirai encore un mot demain. Adieu. Adieu. 

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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20. Ems Mercredi 22 juin 1853

Voici copie de qui vous savez. Si vous entrez, ce sera la guerre, si vous restez à la porte on négociera.
Je crois plus au bon sens français qu’au bon sens anglais dans cette circons tance. Mais à vrai dire je ne crois plus à rien. Je rumine toute seule dans ce désert. Vrai désert moral. Toujours et absolument personne. Si je n’avais pas l'incluse à vous envoyer je ne vous écrirais pas aujourd’hui car je n’ai pas un mot à vous dire. Le temps est pluvieux & froid.
Je suis à mon quatrième jour des bains & de l’eau. Mon médecin m'inspire assez de confiance. Marion est gaie, j'ai fait une bonne distribution de ma journée, elle ne m’a pas encore parue trop longue. Mon esprit s’engourdit un peu. Cela repose.
Dites-moi ce que vous pensez de la lettre. Evidemment bien de l’esprit, pas trop content de ce qui s’est passé et pas très confiant dans l’avenir je le soignerais ici surtout il me sera précieux. Donnez moi de quoi le nourrir.
Adieu. Adieu.
2 h. Je suis de lire notre circulaire du 11 juin. J'en suis contente. On ne peut pas se battre pour cela. Au fait il n’y aura de mot qu’une église. De tout ceci il restera une forte attente portée à notre réputation d'habileté diplomatique un rapprochement entre la France & l'Angleterre. Et un nouveau bail pour la Turquie est-ce que je me trompe ?

Collection : 1837 (7 - 16 août)
Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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20. Mardi 8 août 6. h.

J’ai été obligée de recevoir M. Molé, lady Granville, le comte Médem avec le premier deux heures de tête-à- tête, avec lady Granville longtemps. aussi, mais une causerie si bonne, si intime sur un sujet qui me tient le cœur si serré, que j’ai fini par tomber sur son épaule. Je n’avais plus de force. Si je pouvais me débarrasser de mes nerfs mais je suis bien faible, bien faible. Le médecin me dit que je reprendrai des forces au bout de quelques jours. Il faut en reprendre avant de vous voir. Telle que je suis aujourd’hui c’est impossible. J’en tomberais gravement malade, et vous ne le voulez pas ? Je ne cesserai donc de vous le répéter, attendez je vous en conjure. Laissez-moi me remettre un peu ; je vous promets que je ne m’occuperai que de cela. Si je pouvais vous promettre de ne pas m’occuper de vous, je serais bien plus sûre de remplir le premier engagement. M. Molé m’a trouvé bien changée.

Mercredi 9 à 8 h du matin Je suis mieux, il me semble que c’est là ce que vous êtes pressé de savoir. J’ai dormi cinq heures cette nuit, je vous ai oublié un peu, Dieu merci. Et en me levant j’ai vraiment senti que mes jambes me porteraient mieux. Voyez Monsieur, voilà du progrès. Tous les jours j’espère vous en annoncer et puis, & puis. Vous viendrez quand je vous le dirai vous viendrez n’est-ce pas ? Cela me paraît simple, cela me parait sûr, & quand je pense au moment où je vous reverrai, il me semble que j’en mourrai.
Est-il possible qu’en si peu de temps vous soyez devenu pour moi ce que ma peine cherchait dans le ciel, que cette vision qui m’avait un moment enivré de délices sont devenus une réalité ? Je vous ai dit ce que j’ai éprouvé alors, je me rappelle distinctement. Cette sensation mais jamais je ne saurais la décrire, elle surpassait ce que la parole peut exprimer. Et bien de même aujourd’hui ce que j’éprouve est au-dessus de toutes les expressions humaines. Monsieur est-ce que je rêve. Y a t-il de la folie dans ce que je vous dis ? Je ne suis plus sûre de moi. Monsieur défendez-moi de vous parler.
Je lis vos lettres, je les relis. Savez-vous bien ce que sont vos lettres ? Ah quel danger pour ma pauvre raison ! onze heures On m’apporte dans ce moment votre N° 17. Voilà qui est réglée, j’accepte le 18. Je l’accepte avec transport. Pensez donc au 18, pensez y beaucoup, et faites des vœux pour que je n’y pense pas. Car ma pauvre tête pourrait aller. Votre dîner chez le curé me rappelle qu’il y a quelques temps déjà je voulais vous demander une faveur. J’ai lu dans en livre que vous m’avez donné, ces livres dont j’approche avec respect avec mille sentiments contraires que je ne peux, que je ne veux pas vous exprimer. J’y ai lu entre autres choses que celle que vous aimiez surement le mieux s’occupait des pauvres. Est-ce à St Ouen qu’elle avait des pauvres des écoles, enfin des objets de ses charités. Je voudrais bien de cette manière au moins chercher à lui ressembler. Il est une manière où je la surpasse, oui, Monsieur je la surpasse, ne me disputez pas cela j’en suis sûre, sûre.
J’en reviens à mon sujet. Monsieur ayez la bonté d’arranger ce que je vais vous dire. Je destine mille francs à votre comme. Vous distribuerez cela comme vous l’entendez, mais je voudrais bien entre autre ; que ce cottage où vous avez dîné soit mieux tenu, et que l’année prochaine vous me racontiez que cela avait l’air propre et bien rangé. Dites-moi à quelle adresse mon banquier aurait à faire passer cette somme. Adieu. Adieu. Je veux une lettre tous les jours. Je vous en supplie, je vous en conjure, tous les jours un mot jusqu’au jour qui me semble qui n’arrivera jamais !
Mon médecin sort d’ici il me trouve mieux ce matin, mais très faible. Il veut de l’air, de l’air. Une pieds sont froids comme glace, & je n’ai pas la force de marcher. Il veut me faire prendre du quinine. N’allez pas tomber malade, soignez- vous bien. Imaginez que je vais maintenant m’inquiéter de votre santé. Mais elle est bonne n’est-ce pas ? Tous vos N° entre 11 et 16 me manquent encore. Excepté la lettre de Caen sans N°.
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