Auteurs : Lesuire, Robert-Martin (1736-[1815])

Transcriptions
observations sont inutiles et qu’je n’veux pas les entendre.
Javotte
Mais si c’pendant gni’avait rien d’vrai dans c’qu’on vient d’vous dire…
Mme Gigomard
Voyez c’te démangeaison d’javotter ! Ça n’peut pas tenir son caquet, machoir’ de r’quin, moulin z’à paroles ? Auras-tu bentôt mis fin à ton bavardage ?
Javotte
Oui, ma mère, pour vous écouter.
Mme Gigomard
Je n’veux pas qu’on parl’ ni qu’on écoute. Allons, rentrez mam’zelle, gnia t’y rien à faire à la maison ? Elle reste. Eh bien ?
Javotte
Ma mère, je n’dis rien.
Mme Gigomard
M’entendez-vous ?
Javotte avec un ton pleureur
Ma mère, je n’vous écoute pas.
Mme Gigomard
Ouh ! gnia pas à rigoler avec moi ! Au logis ou j’te… repasse un atout qui comptera au piquet. Javotte se sauve et feint de rentrer. Elle reste seulement à l’écart. Pour nous, allons à la source des caquets. Faudra que j’sachions du pèr’Labreloque, là jousqui veut pousser l’insolence d’prétendre m'débouter d’ma volonté.
AIR Quel est le plus ridicule ?
Il a tort d’en agir ainsi.
Attend-il donc que je caponne[1] ?
Ah, la Gigomard, Dieu merci !,
N’a jamais cédé z’à personne.
En matière d’entêtement
Je lutterais contre une mule.
*Dire* quoiqu’on en dis’ certainement
J’navons pas un tempérament
À passer pour ridicule.
Elle sort.
SCÈNE 6
Javotte seule
Eh ben n’v'là t’y qu’all’ donne dans l’godan[2], ma mère ? Et moi je n’sais que penser. C’Cadet a la réputation de mauvaiseté. C’tapendant, si son antienne était véridique, j’chanterions nous-même sur une vilaine gamme. C’n’est pas l’embarras. J’ons ben d’puis queuque tems remarqué dans Bambochinet du refroidissement. D’puis qu’ma mère lui avait promis ma main y n’était plus si z’actif. Oh si j'savions pourtant qu’un instant ait changé de blanc en noir son amiguié pour moi et tout ça pour qui, pour quoi ? Pour une Citronnette qui fait sa surenchère comme si all’était plus belle qu’une autre. Ah mais va, laisse-moi faire masque de carême[3] je veux te pomponner z’à mon idée
[1] « User de finesse au jeu, être attentif à y prendre toute sorte d’avantages. » (Dictionnaire de l’Académie, 1798)
[2] « Donner, tomber dans le godan » signifie « Tomber dans le piège, se laisser abuser, duper » (URL : https://www.cnrtl.fr/definition/godan, consulté le 6 juillet 2020).
[3] Il y a là un assemblage de deux expressions : « Face ou figure de carême » désignant un « visage pâle et amaigri » et « Amoureux de carême » désignant un « amoureux timide qui s'abstient de toucher à l'objet de sa passion » (URL : https://www.cnrtl.fr/definition/car%C3%AAme, consulté le 9 août 2020).
Informations sur cette page
- Obitz-Lumbroso, Bénédicte (responsable scientifique)
- Walter, Richard (édition numérique)