La correspondance inédite du géomètre Gaspard Monge (1746-1818)

La correspondance inédite du géomètre Gaspard Monge (1746-1818)


85. Monge à sa fille Émilie Monge

Auteurs : Monge, Gaspard

Transcription & Analyse

Transcription linéaire de tout le contenu
Rome, le 5 floréal de l'an V de la République une et indivisible
 
Je ne te manderai pas de nouvelles, ma chère Emilie,[1] parce que le pays n'en fournit pas et parce que nous sommes si loin des armées que vous savez ses succès longtemps avant nous.[2] L'année passée, nous n'étions pas ici sans danger, et l'on avait pris soin de nous informer de tout ce qui pouvait intéresser notre sûreté.[3] Cette année nous sommes dans la plus grande sécurité et, comme de juste, on ne s'occupe pas beaucoup de nous. Nous savons les nouvelles comme tous les autres. Au reste, le secrétaire d'état de Rome[4] n'est pas mieux informé que nous, et les gazettes nous mettent un peu plus tard au courant.
Depuis plus de deux mois que nous sommes ici,[5] je n'ai pas reçu une des lettres de ta mère ; je présume qu'elle les aura adressées au quartier général et qu'elles sont actuellement aux portes de Vienne ; mais tout chemin mène à Rome. Il résulte de là que n'ayant aucune autre correspondance avec Paris, je suis dans la plus parfaite ignorance sur l'état des choses, sur l'intérêt que les Parisiens et que les Français en général prennent au gouvernement républicain, sur la manière dont les élections se sont faites dans les assemblées primaires, et sur les choix que les électeurs ont dû faire pour les hautes magistratures.[6] Les papiers publics ne suppléent pas à cet égard à un petit mot dit par une personne de confiance. Suivant la couleur des lunettes du journaliste, les choses ont différentes teintes. Si tu me réponds promptement, je pourrai encore recevoir ta lettre.[7]
Tu me manderas aussi si une petite boîte de crayons noirs d'Italie te ferait plaisir. Dans ce cas, je te les porterai si, comme je l'espère, je repasse par la Côte d'Or pour retourner à Paris; et dans le cas contraire je tâcherai de te la faire parvenir.
Embrasse bien pour moi ton mari,[8] ma chère amie, donne-moi de ses nouvelles et de celles de ton enfant[9] ; rappelle-moi au souvenir du citoyen Rebais[10], présente mes respects à toutes les dames de la société que j'ai eu l'honneur de voir à notre passage[11] et compte sur le bien tendre attachement de ton père et ami Monge.
 
 

[1] Émilie MONGE (1778-1867).

[2] Les mouvements de l’armée d’Italie sont orientés vers l’Autriche et visent Vienne depuis le début du mois de mars 1797. Le 28 mars après la prise de Klagenfurt, Bonaparte menace Vienne et le 31 mars propose à l’Archiduc Charles de débuter les négociations. Voir les lettres n°62, 63, 65, 76 et 81.

[3] Monge est à Rome du 29 juillet 1796 au 23 septembre 1796. Voir les lettres n°18 à 29.

[4] Giuseppe Maria DORIA PAMPHILI (1751-1816) secrétaire d’État du Vatican depuis mars 1797.

[5] Le 23 février 1797, Monge et Cacault arrivent à Rome pour débuter l’exécution des clauses du traité de Tolentino signé le même jour par le Pape. Voir la lettre n°65.

[6] Élections législatives d’avril 1797.

[7] Marey et Émilie écrivent à Monge de Nuits dix jours plus tôt le 25 germinal an V [14 avril 1797­] et pourtant leur lettre répond à toutes les demandes de Monge. Émilie lui donne des nouvelles de sa famille et Marey développe trois objets qui le préoccupent dont les résultats des élections et l’esprit public. Voir la lettre n°90. Le dernier est un objet de préoccupation permanent. Voir la lettre n°3. Émilie  et Marey répondent aux lettres n°85 et 90 de Nuits le 15 prairial an V [3 juin 1797] : « Tu es bien aimable, mon cher papa, voilà deux lettres que nous recevons de toi en 8 jours mais ce qui me fâche c’est que tu ne nous donnes jamais une époque fixe pour ton retour. Dans ta première tu me dis qu’il faut te répondre tout de suite afin que tu puisses la recevoir avant ton départ de Rome, cela me faisait croire que tu comptais bientôt partir, mais maman m’a écrit qu’elle craignait que tu n’ailles encore à Venise. Enfin il semble que chaque fois que vous pouvez revenir on se dépêche de faire de nouvelles conquêtes qui retardent votre retour. Comme tes lettres avaient un mois de date je crains bien que tu ne reçoives pas celle-ci à Rome. »

[8] Nicolas-Joseph MAREY (1760-1818).

[9] Guillaume-Stanislas MAREY-MONGE (1796-1863).

[10] ? REBAIS (17 ? - ? ) ami de Nicolas-Joseph MAREY.

[11] En mai 1796, lors du départ de la Commission pour l’Italie les commissaires se sont arrêtés à Nuits chez le couple Marey. Un récit de ce court séjour à Nuits est fait par Moitte dans une lettre à sa femme. Le 27 thermidor an IV [14 août 1796], Catherine exprime à Monge toute l’émotion que lui a procurée la lecture de ce récit : « […] la peinture qu’il lui fait de ta manière d’être pendant votre court séjour à Nuits m’a fait répandre des larmes, d’après cela je juge le C[itoyen] Moitte  très sensible puisqu’il sait si bien apprécier ce qui se passe dans l’âme d’un père et d’un enfant lorsqu’ils se retrouvent  après une longue absence. Il dit qu’Émilie est une femme superbe, et que le plaisir de te voir lui ôtait absolument la faculté de parler. Il s’étend aussi sur l’amabilité du C[itoyen] Marey[…]. »  

AnalyseTranscription établie par René Taton à partir de la lettre autographe du fonds Marey-Monge.

Relations entre les documents


Collection 1796-1797 : Première mission en Italie, La commission des sciences et des arts Prairial an IV - vendémiaire an VI

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Collection 1796-1797 : Première mission en Italie, La commission des sciences et des arts Prairial an IV - vendémiaire an VI

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Collection 1798 : Seconde mission en Italie Institution de la République romaine et préparation de l’expédition d’Égypte Pluviôse – prairial an VI

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203. Monge à sa fille Émilie Monge
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Notice créée par Marie Dupond Notice créée le 12/01/2018 Dernière modification le 11/02/2022