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64. Monge aux capitaines régents de la République de Saint-Marin
Auteurs : Monge, Gaspard
Transcription & Analyse
Transcription linéaire de tout le contenu
Tolentino, le ler ventôse de l'an V de la République française une et indivisible
Monge aux deux capitaines régents de la République de Saint-Marin
Citoyens capitaines,[1]
J'ai reçu hier soir la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire et celle des représentants de la République de Saint-Marin en réponse à la députation dont j'avais été chargé par le général Bonaparte[2] près votre République.[3] Je les ai remises à ce général qui, sans en être surpris, a admiré le désintéressement de la République de Saint-Marin. Elle donne un grand exemple au monde, en préférant renoncer à tout agrandissement pour ne pas exposer un jour le plus précieux de ses biens, son antique liberté. J'ai pareillement reçu le mémoire que vous y avez joint. Il m'a paru que le général trouvait toutes vos demandes raisonnables, et je ne doute pas que vous ne receviez incessamment de lui une réponse favorable.[4] Je crois que je vais quitter le général pour me rendre à Rome.[5] Si donc vous avez par la suite à entretenir correspondance avec lui, ce sera à lui-même que vous adresserez vos lettres[6] ; Si vous me les adressiez, elles mettraient trop de temps à lui parvenir.
Je vous prie, citoyens capitaines, de recevoir et de présenter aux Représentants de Saint-Marin mes remerciements pour la manière aimable dont vous me traitez et dont je ne me crois redevable qu'au caractère dont j'étais revêtu près de vous.
Salut et respect.
Monge
[1] Marino FRANCESCONI ( ? - ? ) et Antonio ONOFRI ( ? - ? ).
[2] Napoléon BONAPARTE (1769-1821).
[3] Voir les lettres n°55, 56, 57 et 58. En réponse à son discours prononcé le 21 pluviôse an V [9 février 1797], le 30 pluviôse an V [18 février 1797], Monge reçoit une lettre des deux capitaines régents de Saint-Marin accompagnée de la réponse du Conseil général de la République de Saint-Marin après son assemblée du 12 février 1797. « Citoyen député, Nous regardons encore comme un songe l’instant ou nous vous avons vu arriver revêtu du caractère de député. C’est la première fois que, distingués de la foule de vils esclaves, nous avons reçu un honneur que votre grande nation pouvait seule nous faire : nous vous remettons la réponse du consul général à la précieuse lettre que vous nous avez apportée. Si vous eussiez été présent à sa réception, vous auriez vu de quelle sensibilité nous avons été pénétrés. Daignez être près du général en chef l’interprète de notre reconnaissance et de nos sentiments pour lui et pour la grande nation qu’il représente. Soyez aussi auprès de lui l’intercesseur des grâces que nous lui demandons, et dont une est indispensable pour notre existence ; la réussite de cette affaire ne pourra qu’être heureuse, si vous appuyez de votre crédit nos demandes. Puisse ceci être le commencement des relations que nous désirons d’avoir avec vous ! Et soyez persuadé que notre estime pour vous égale notre reconnaissance. ».
Réponse du Conseil général de la République de Saint-Marin : « Nous mettons, citoyen envoyé, au nombre des époques des plus glorieuses parmi les fastes de notre liberté, le jour de votre mission près notre République ; la vôtre sait non seulement vaincre ses ennemis par la force de ses armes, mais encore étonner ses ennemis par sa générosité. Heureux de pouvoir nous compter parmi les modèles qui excitèrent votre noble émulation, et plus heureux encore d’être trouvés dignes de votre amitié, dont vous venez de nous donner une si grande preuve ! Nous ne pouvons voir, sans le plus grand intérêt les armes de la République française rappeler en Italie les beaux jours des Républiques grecque et romaine. L’amour de notre liberté nous fit sentir le prix des efforts magnanimes d’une grande nation qui veut recouvrer la sienne. La votre a surpassé l’attente commune ; seule contre le reste de l’Europe, elle a donné au monde un de ces exemples étonnants de ce que l’énergie produite par le sentiment de la liberté. Votre armée, marchant sur les traces d’Annibal et surpassant par ses faits tout ce que l’Antiquité a de plus merveilleux, conduite par un héros qui réunit à toutes les vertus les talents d’un grand génie, a tourné ses regards sur un coin de ce globe où s’est réfugié un reste de l’ancienne liberté, et où l’on trouve plutôt la simplicité des mœurs spartiates que l’élégance d’Athènes Vous le savez citoyen envoyé, la simplicité de nos usages, l’intime sentiment de notre liberté, c’est là le seul héritage qui nous a été transmis par nos pères que nous avons su conserver intact au milieu du choc politique occasionné par une révolution de plusieurs siècles et que l’ambition et la haine ne saurait détruire. Retournez donc auprès du héros qui vous envoie, rapportez-lui l’hommage libre, non pas de cette admiration que nous partageons avec l’univers, mais de notre reconnaissance. Dites-lui que la République de Saint-Marin contente dans sa médiocrité craint d’accepter l’offre généreuse qu’on lui fait d’agrandir son territoire, ce qui pourrait par la suite compromettre sa liberté ; mais dites-lui aussi qu’elle croirait tout devoir à la générosité de la République française et à celle de son invincible général, si elle obtenait pour le bonheur public, de resserrer avec elle ses rapports commerciaux, et de conclure un traité qui assurât son existence. C’est là que se bornent tous ses vœux, et nous vous prions d’en être l’interprète auprès du général en chef de l’armée d’Italie. Quant à vous, illustre envoyé, nous vous estimons d’autant plus heureux, dans ce moment-ci, de vous avoir parmi nous, que vous réunissez aux vertus du citoyen les talents de l’homme de lettres. L’objet de votre mission, la manière dont vous la remplissez, et le nom de celui qui vous en a chargé, tout cela sera un monument éternel de la magnanimité des conquérants de l’Italie, qui rappellera à jamais dans nos cœurs les sentiments dont ils sont pénétrés. [Saint-Marin le 12 février 1797].
[4] Bonaparte à Francesconi et Onofri, capitaines régents de la République de Saint-Marin, Modène, le 10 ventôse an V [28 février 1797] (1413, CGNB). « Le citoyen Monge m’a rendu compte, citoyen, du tableau intéressant que lui a offert votre petite république. Je donne ordre que les citoyens de Saint-Marin soient exempts de contributions et respectés, dans quelque endroit des États de la République française qu’ils se trouvent. Je donne ordre au général Sahuguet qui a son quartier général à Rimini de vous donner quatre pièces de canons de campagne dont je fais présent au nom de la République française à votre petite république. Il mettra également à votre disposition mille quintaux de blé qui serviront à l’approvisionnement de votre république jusqu’à la récolte. Je vous prie de croire, citoyens, que dans toutes les circonstances je m’empresserai de donner au peuple de Saint-Marin des preuves de l’estime et de la considération distinguée avec lesquelles je suis. ». En note, dans l’édition de la correspondance, est indiqué que seul Antonio Onifri répond à la lettre de Bonaparte.
[5] Alors que Monge est avec Bonaparte à Tolentino, le même jour le général adresse une lettre à Monge et Berthollet pour signifier le début d’une nouvelle mission à Rome « Le Directoire exécutif, citoyens, vous a chargés de la mission essentielle que vous remplissez avec autant de zèle que de succès. Le traité de paix que nous venons de signer avec le Pape exige votre présence à Rome. […] » Bonaparte à Monge et Berthollet, membres de la commission des sciences et des arts Tolentino, le 1er ventôse an V [19 février 1797] (1397, CGNB).
[6] Voir les lettres n°91, 97 et 105.
Relations entre les documents
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