Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


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Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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81 Val Richer, Mercredi 21 Mai 1854

Je vois que le maréchal St Arnaud a été moins susceptible que Lord Stratford et Lord Raglan ; il a assisté au dîner du Duc de Cambridge. On dit que les prétentions un peu fastueusement étalée du Prince Napoléon et de ses entours avaient déterminé l'abstention des Anglais.
Voilà donc les premiers coups de canon tirés aussi dans la Baltique. Mon pressentiment est depuis longtemps qu’il y aura là un grand effort, et la lenteur même de l'attaque m’y confirme. On rassemble toutes ses forces et on attend que la mer soit bien libre. L’amiral Parseval peut gagner là son bâton de Maréchal. L’amiral Baudin, à qui on vient de donner le bâton vacant, est très dangereusement malade. On le croyait à la veille de la mort quand j’ai quitté Paris.
Si vous lisez le Constitutionnel, vous y aurez sûrement remarqué hier l'article sur la Suède et cette déclaration que, si elle prend parti pour l'alliance anglo-française, les deux puissances doivent lun garantir sa complète indépendance et intégrité contre vous. Ce sera la lutte bien engagée au Nord comme au midi, et sans l'avenir comme dans le présent.
Je ne conçois aucune époque de l’histoire où les hommes n'aient été jetés, sans leur volonté et contre leur volonté, dans une si grande, et si obscure série d'événements. Le monde sera bouleversé quand personne n'y pensait.
En fait de bouleversement, celui qui m'inquiétait pour ma maison est un peu ajourné. On me l'assure du moins. J'en jouirai sans confiance, jouissance bien imparfaite. Si on me laissait ma maison et si vous reveniez dans la vôtre, j’attendrais bien plus patiemment. Je suis très pressé de vous savoir tranquille sur votre bail. Non que j'aie aucune inquiétude, mais pour que vous ne soyez plus agitée. Il faut apprendre à ne plus compter sur le même empressement et la même exactitude de zèle, de la part même des serviteurs qui restent dévoués, quand vous n'avez plus grand chose à faire pour eux.

Midi
Votre tristesse m'attristerait si je ne savais que deux heures après m'avoir écrit, vous aurez eu de mes nouvelles détaillées, et plus d'interruption depuis. Je voudrais être aussi sûr que vous aurez reçu votre bail. Ce retard, m'ennuie, quoique je n'en craigne rien. Adieu, Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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75 Paris, Mardi 24 Mai 1854

Journée bien insignifiante hier. Une commission de l'Académie pour juger un concours ; puis l’Académie elle-même jusqu’à 5 heures. Le Duc de Noailles n’y est resté qu’un moment. Il allait entendre, pour la seconde fois, la lettre d’un morceau biographique de Sabine (M. de Standith) sur la vicomtesse de Noailles. Il dit que c’est très bien, mais très bien. Il faut que ce soit très bien pour deux lectures. Le Duc de Noailles est très famille. Molé m'a ramené chez moi. Bien vieux, et toujours de mon avis ; avec cette nuance qu’il en était avant que je lui eusse dit mon avis, ce qui est moins aimable. En rentrant chez moi, Dumon et Mallac. Dumon triste politiquement, content, administrativement ; son chemin de fer va bien. Il part, ces jours-ci pour aller en ouvrir un grand morceau. Duchâtel part demain pour le Bordelais. Molé va s’établir à Champlatreux le 1er Juin. Le Duc de Broglie à Broglie où il ne passera que six semaines. Il ira ensuite, avec son fils Paul, à Coppet, pour ne revenir à Broglie qu'à la fin d'Octobre. Vous voilà au courant les mouvements de mes amis.
J’ai vu la Princesse de Broglie avant hier, relevée de couches, étendue sur son canapé, enveloppée dans une robe de soie rose uni. Elle était charmante.
Je suis dans ma grande tristesse pour ma maison. Et mon grand ennui. Il paraît certain qu’on me chassera l'automne prochain, peut-être au mois d'Octobre. La ville a traité avec une compagnie, dont M. Pereire est le chef et qui se charge de faire le nouveau boulevard de la Madeleine, à la barrière Monceau. Je cherche des appartements. J'en ai vu deux qui sont possibles ; l’un rue du faubourg St Honoré, N°64, en face de Mad. de Pontalba ; l’autre rue du Cirque N°5. Mais je ne serai jamais la moitié aussi bien que je le suis chez moi.
Génie n’avait pas encore vu Rotschild hier. Je crois qu’il le verra demain.
Voilà le traité Austro Prussien dans le Journal des Débats. Mais non pas l'article additionnel et secret qui est le plus grave. Vous le connaissez. Les cas de guerre y sont stipulés bien formellement, et d'après ce que vous me dites de l'État des esprits à Pétersbourg, je doute fort qu’on y commente " à arrêter tout progrès ultérieurs des armées Russes sur la territoire Ottoman et à donner des garanties de la prochaine évacuation des Principautés " Vous payerez cher l’inconvénient des états despotiques, où ni le souverain, ni le peuple ne savent la vérité.
Vous pouvez vous donner le divertissement d'être jalouse de qui vous voudrez ; cela ne tire pas à conséquence. Il y a un peu de vrai, pas tout, mais un peu, dans ce qu’on vous a dit de Mad. Mollien ; quelque prétention, et trop de flatterie.
Qu'est-ce que vous avez à la poitrine ? Toussez-vous ? Je vous demande en grâce de me dire tout sur votre santé. Ma peur est toujours d'en trop rabattre de ce que vous me dites, car j’ai le malheur de ne pas me fier à vos impressions. Grand malheur, vous aimant comme je vous aime. Et de loin !
L'adresse de Génie est rue du faubourg Montmartre, 52. Adieu, Adieu.
Aujourd’hui, j’ai le Consistoire, l'Académie, et je dîne chez Broglie. Je pars toujours pour le Val Richer. Vendredi soir. Vous m'écrirez là vendredi. adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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60 Val Richer, Dimanche 7 Mai 1854

Je suis arrivé hier, assez fatigué. Je persiste dans mon observation. Ma santé est très bonne, mais ma force diminue. Ma force de corps, car je ne m’aperçois pas d’un autre déclin. Si ce n'est que ma main n'est plus aussi ferme ni aussi prompte à écrire ce que je pense. Mais ma main c’est mon corps.
Votre dernière lettre m'a amusé. Revenez d’exil, ce que je vous dirai vaudra mille fois mieux que tout ce que je puis vous écrire. Je ne vous dis pas à quel point vous me manquez. Presque en rien, en rien du tout, je ne vais jusqu'au bout de ce que je pense. Je m’arrête à moitié chemin, et je ravale. Grande privation et souvent vraie souffrance. Nous ne sommes pas toujours du même avis ; mais nous pouvons nous tout dire, même quand nous ne sommes pas du même avis. Pourtant nous ne nous sommes jamais tout dit, sur rien. Que la vie est imparfaite !
Mon nid est très joli, propre, frais et verd, pas encore assez fleuri ; il lui faut trois semaines de plus. Potager en bon état ; j'aurai beaucoup de fraises, d’abricots et de pêches. Vous regrettez les plaisirs de la propriété. C'est pourquoi je vous en parle. J’ai dit quelque part que sans s'en rendre compte, l’une des principales jouissances du propriétaire foncier, c'est qu’il se sentait maître d’une parcelle du monde, de ce monde limité qu’il n'est pas donné à l'homme d'étendre. Croker me savait beaucoup de gré de cette remarque, et la développée, dans le Quarterly Review pour faire sentir la supériorité de la propriété, territoriale au-dessus des autres. Cette supériorité vous touche-t-elle autant que lui ? Adieu, comme de raison, je ne suis rien du tout depuis avant hier. Mes journaux m’arriveront ce matin. Je ne suis abonné au Constitutionnel pour entendre un peu parler le gouvernement. Adieu, Adieu.
Ni moi non plus, cela ne me plait pas d'être plus loin de vous. Il y aura plus d’incident de porte, et d'après ce qu’on me dit, celle d’ici ne me paraît pas en train d'être très régulière. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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55 Val Richer, samedi 2 Sept 1853

Postdater n’est pas français du tout ; il pourrait l'être, car le mot serait correctement formé ; mais il ne l'est pas. Antidater ne signifie, rigoureusement parlant, que changer une date en mettant celle d’un jour antérieur, et c’est la définition qu’en donne l'Académie ; mais l’usage a étendu ce sens, et on dit antidater toutes les fois qu’on met une fausse date à la place de la vraie, soit qu'on mette celle d’un jour antérieur ou postérieur. Quand nous en serons à ce mot dans la discussion de notre nouveau dictionnaire, je demanderai qu’on modifie la définition et qu’on adopte celle de l'usage étendu. Vous m’y aurez fait penser.
Je trouve que les cinq modifications demandées par la Porte à la note de Vienne ne valaient guère la peine d'être faites, et ne valent pas celle d'être refusées ; ce sont des susceptibilités de Duellistes ou des subtilités de théologiens. La première a seule quelque intérêt pour vous ; il peut convenir à votre Empereur, pour la Russie, que le Sultan lui-même reconnaisse la vive sollicitude que les Empereurs de Russie ont de tout temps témoigné pour l'Eglise grecque, et le Sultan à mon avis, peut très bien reconnaître ce fait sans déroger. J’aurais été plus difficile que le sultan pour la troisième modification, j’aurais demandé le changement de ces mots : restera fidèle à la lettre et à l’esprit &, car ils impliquent un peu qu’il ne l’a pas toujours été, et il peut moins convenir de cela que de votre vive sollicitude pour l'Eglise grecque. Mais en vérité, il n’y a pas là de quoi fournir à une demi heure de conversation sérieuse entre hommes sensés ; et que ces modifications soient acceptées ou refusées, la situation des parties, comme on dit, restera en droit et en fait, absolument la même. Acceptez-les donc et n’en parlons plus.
Je suis très touché de l’intérêt que M. de Meyendorff veut bien porter au succès de mon fils, et je l'en remercie. Ma part dans l’éducation de mes enfants a été de m’arranger pour les faire vivre avec moi et pour causer avec eux. Je les ai eus tous les jours, de très bonne heure, à déjeuner et à dîner avec moi, heure d’intimité et de conversation. L'affection et le développement intellectuel y ont également gagné. Mon fils, a du reste suivi les classes et mené la vie de collège ; mais sans se détacher de la famille. Je suis un grand partisan de la famille, en pratique quotidienne comme un principe politique. En fait d’arrangements de famille, je vois avec une vive contrariété qu’on se décide au prolongement du boulevard de la Madeleine et qu’on va se mettre à l'œuvre. On me prendra donc ma maison. Grand déplaisir, outre l'ennui d’un déménagement. J’avais bien compté mourir dans ce nid-là.

Onze heures
Votre lettre de Bar m'était arrivée tard, et je voulais faire une petite recherche sur postdater, avant de vous répondre. Voilà la cause de mon retard, volontaire et non étourdi. Adieu, Adieu. Je répondrai à Marion. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Le 31 Août 1852

Ma maison est fort tranquille aujourd’hui. J’y suis seul avec mes filles et mes petites filles. Tous les hommes sont partis pour la chasse qui s'ouvre ce matin. Pauline n’est pas du tout malade, elle a eu quelques soins à prendre pour se remettre de ses couches et un commencement de mal de gorge qui l’a fait rester, 24 heures dans son lit, mais ce n'était rien et elle va bien, comme une personne délicate.
Il y a longtemps que Génie ne m’a écrit. Dans ce que dit le Moniteur sur Constantinople, il n’est pas du tout question des Lieux Saints. Je suppose que cette affaire-là, en est resté où elle était, et qu’on parle des petites affaires arrangées pour éviter de parler de la grosse qui ne l'est pas.
10 heures et demie.
Il ne fait pas chaud du tout ici. Je voudrais bien vous envoyer un peu de ma fraîcheur et de ma verdure normande. Adieu, Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Ems le 26 juillet 1851 Samedi

Me voilà enfin orientée sur les mouvements de la grande Duchesse. Elle sera à Francfort le 3 août, & m'écrira elle- même pour m’y donner rendez- vous. C’est donc là que je vais me rendre, et là que je vous prie de m’ adresser vos lettres des la réception de celle-ci. Francfort sur Mein Vous continuerez même, car je crois que par là j’aurai vos lettres plutôt à Schlangenbad. Toute ma société est partie ce matin. Elle conduit à Coblence Marion & Duchatel. Ellice me reste jusqu’à Lundi. Je lis Gladstone c'est une infâme diatribe contre le roi de Naples, écrit avec une gravité d'expressions extraordinaire, mal écrit, dédié à Lord Aberdeen sur la permission expresse de celui-ci. Je m’en vais lui en faire mon compliment. Je ferai aujourd’hui même votre commission pour les cailloux du Rhin seulement j’ai peur qu’il n’y ait plus de diamants, on les enlève mais je verrai. 1 heure. Je viens de finir Gladstone la première lettre seulement, il y en a une autre à Aberdeen que je vais commencer. J'ai bien du regret de n'avoir pas d’occasion pour vous l’envoyer. Peut- être l'avez-vous eu directement c'est une vraie infamie & je crois que vous seriez à temps encore pour empêcher Aberdeen d'en faire le texte d'un discours au Parlement. 2 heures Me voilà bien troublée. Jugez que [?] nie qu'il a mes titres. Il dit que je les ai retirés. Je suis prête à faire serment ce que je ne fais jamais, que je les ai placés chez lui, que j’avais son reçu. Seulement ce reçu où est-il ? Savez-vous que je perds 10 000 £. C’est quelque chose. Cette affaire m’attriste & au milieu de mes bains c’est bien mauvais. Je ne sais pas prendre philosophiquement de pareilles pertes. Je vous dis adieu parce que je ne puis penser pour le moment à autre chose. Adieu

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer. Lundi 14 0ct 1850

On rentre mes orangers, dans l’orangerie. C’est la préface de l'hiver. Moi aussi, je suis un arbre du midi quand l'hiver vient, il faut que je rentre. Je compte partir d’ici le mardi 29 et être à Paris le 30. Pauline et son mari resteront quelques jours après moi. Henriette part vendredi prochain. J'ai besoin de bien employer les quinze jours qui me restent. Il y a cent petites choses que je veux avoir faites avant mon départ. Ma course à Broglie me dérangera ; mais elle est nécessaire. Je tiens à causer avec lui. J’y passerai deux jours.
J’écris aujourd’hui à la Reine et au Roi Léopold. Je voudrais avoir des nouvelles du duc de Nemours. Je vois qu’il a été pris d'une de ces crises nerveuses auxquelles il est sujet, et qu’il a fallu l'emporter dans sa chambre. Quelle tragédie. Et dans les tragédies royales, depuis la maison d'Oedipe jusqu'à la maison d'Orléans, c’est toujours une femme qui est la figure frappante, le type du malheur, et du dévouement. Antigone, la Dauphine, la Reine Marie-Amèlie. La femme de la tragédie des Stuart est la plus obscure, Marie-Béatrix de Modène. Elle aussi a pourtant son originalité et sa grandeur. Grandeur de couvent plus que de trône, si vous aviez des yeux, je vous engagerais à lire son histoire dans les Lives of the Queens of England de Miss Agnes Strickland, livre médiocre et écrit avec une partialité jacobite puérile, mais plein de détails anecdotiques, et de lettres originales qui ont de l'intérêt.
Je reviens à une autre tragédie non pas royale, mais populaire, celle du Holstein. Quel acharnement mutuel devant Friedrichstadt. Je suis sûr qu’il y a eu là des scènes de passion, de courage, de dévouement et de douleur égales à celles des plus célèbres luttes historiques. Les hommes ont quelquefois de l'énergie et de la vertu à prodiguer obscurément sur les plus petits théâtres ; et puis elles leur manquent quand elles auraient tant d’éclat devant le monde entier qui regarde.
J'ai lu attentivement le discours du Roi de Danemark à l’ouverture de sa diète. Remarquable par le ton confiant, sûr de son fait et amical pour son peuple. On y sent que roi et peuple sont d'accord et ne font vraiment qu’un. Il paraît que son mariage à la mode ne l'a pas encore dépopularisé. Pardonnez-moi mon calembour.

10 heures
Je reçois un des principaux journaux de Bruxelles. C'est beau et touchant, et ce sera pour la pauvre mère qui survit, une vraie consolation. Elle a le cœur assez grand pour rester sensible à ces consolations là. J’ai une lettre d'Ostende, d’un de mes amis M. Plichon, qui était là ; il m’écrit ce que disent les journaux, plus ceci : " La Reine Marie Amélie est sublime ; elle est devenue surnaturelle. c’est elle qui console les enfants, l’époux, les frères. Une heure ne s’était pas écoulée depuis le moment suprême que déjà elle était aux pieds de l’autel, environnée de toute sa famille, et donnant l'exemple de la résignation aux décrets de la Providence. Elle m’a fait la grace de me recevoir. Elle ne tient plus à la terre. Depuis Ste Thérèse, je n'ai pas vu une sublimité morale aussi grande. " La comparaison est un peu étrange ; mais mon correspondant est un admirateur passionné de Ste Thérèse comme s’il l’avait vue. Il a dit ce qu’il a trouvé de plus beau.
Votre impératrice ferait vraiment bien d’écrire Adieu, Adieu, Soignez votre estomac. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Trouville, Vendredi 16 août 1850

Moi aussi, je suis abreuvé de pluie. Pas un rayon de soleil depuis que je suis ici. Je me suis promené hier une heure et demie avec Dumon sous mon parapluie. Si ce temps là continue, je ne resterai pas longtemps à Trouville, enfermé pour enfermé, j’aime mieux l'être au Val Richer, dans mes meubles, et avec mes livres.
Mad de Boigne et le Chancelier restent ici jusqu'au 15 octobre. Le dernier mois doit être un peu rude. Mais ils se plaisent dans cette maison autant qu'on peut se plaire quelque part quand on n’est plus occupé que de vivre. Le Chancelier se porte à merveille, se promène tout le jour et cause tant qu’on veut, ou tant qu’il veut lui-même. Au fond, je crois que la fin de sa vie lui convient assez ; il est tombé avec la Chambre des Pairs. ( Il n'y a pas d'autre Chancelier.) On vient de donner à la rue dans laquelle est ici sa maison, le nom de rue du Chancelier. Il croit que le président durera bien autant que lui. Il a assez de sécurité, beaucoup de confort, et pas mal de petits plaisirs d’amour propre. Cela lui suffit. Il a plus de sens que M. Molé. Mes enfants sont allés hier soir danser au salon. Je suis resté seul. J’ai lu à mon aise toutes vos pièces diplomatiques. Décidément, celles de M. de Brünnow sont très inférieures aux autres. L'embarras y perce à chaque ligne, et la platitude, envers Lord Palmerston, n'y manque pas. On s’occupe assez du voyage du Président. Dumon croit que ce succès, tout contesté qu’il est, pourra lui tourner la tête et lui faire faire quelque sottise. Nous avons, en France, en fait de réceptions impériales et royales, une routine magnifique qui s'applique à lui aujourd'hui et qui peut lui faire illusion. Nous verrons. On dit toujours que Strasbourg est le gros écueil.
J’ai oublié, je crois, de vous dire que les Saint-Aulaire m'avaient bien recommandé de vous parler d'eux vraiment avec amitié. Et aussi que j’ai demandé de votre part des nouvelles de Melle Augustine, la femme de Chambre qui vous a bien soignée. Elle est venue m'en remercier, rouge comme une écrevisse. Sainte-Aulaire passe ses journées à écrire ses mémoires. J’en suis bien aise. Il dira beaucoup de choses qui me conviennent, et qui ne seraient pas dites sans lui.
J'attends la poste. Elle m’apportera votre lettre, et peut-être quelque nouvelle. Adieu en attendant.

Midi
Pas de nouvelle, excepté votre aventure que j'espère bien avoir demain. Mad. de Clairville était bien étourdie et M. de Clairville bien bon homme. Evidemment la réception du Président à Dijon a été très mêlée. Ce voyage donnera de l'excitation à tout le monde, à ses ennemis comme à ses amis. De tout ceci pour peu que ceci dure encore, et quoiqu'il arrive après, il résultera que le parti républicain, modéré ou rouge restera un gros parti qui donnera d'immenses embarras. L’avenir est bien obscur. Adieu, Adieu. Cette abominable humidité me porte un peu sur les entrailles. Rien de sérieux. Adieu encore, et toujours. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Trouville, jeudi 15 août 1850 8 heures

J’ai passé hier au Val Richer où j’avais des papiers à prendre. Je suis ici jusqu’au 28 ou 30 août. Je serai bien aise d'être rétabli au Val Richer. Quand je ne suis pas avec vous, je ne me trouve bien que chez moi. Je ne suis pourtant pas mal accommodé à Trouville. J’ai un assez bon cabinet, et une petite chambre où presque rien, ne me manque du comfort devenu presque nécessaire. C’est beaucoup à Trouville, encombré de monde et dans une maison que mes enfants et leurs deux familles remplissent jusqu'au toit.
Bien peu de monde du reste qui vous convînt. Toujours le chancelier et Mad. de Boigne Dumon qui m'attendait et que j'ai vu hier mais qui va repartir Quelques Delessert que vous ne connaissez pas. Hors de là personne de notre société et même à ce que disent mes enfants, un peu de mauvaise compagnie. Dumon ne m’a rien appris. Il venait de lire une lettre de M. Molé, triste et découragé. Triste pour lui-même ; il s’aperçoit de son peu d'influence. Son été de la Saint Martin est passé. Personne ne fait plus guère attention à ce qu’il dit et à ce qu’il fait. Sans parler de ses peines de coeur dont il ne parme qu'à Mad. Kalerdgi et dont il ne lui parle même plus. Je doute de cela. Je parierais qu’il y est retourné. Il est en fait de fierté comme pour tout le reste, tout apparence, rien au fond. Le Duc de Broglie toujours aussi noir et sans avenir que jamais. Changarnier de mauvaise humeur et impatient. Un homme d’action qui ne fait rien, c’est une situation difficile à prolonger. Il est d’une commission de l'assemblée qui prépare une loi bonne, dit-on, sur le recrutement et l’organisation de l’armée. Lamoricière qui en est aussi y fait meilleure mine et y a plus d'influence que lui. Lamoricière a des idées à tort et à travers, et parle bien. Changarnier se déplait là. Ceci inquiète quelques personnes. Je vous ai redit tout Dumon. Je vous quitte pour aller faire ma toilette. La poste arrive ici à 10 heures et part à 2 heures. C'est mieux arrangé qu’à Ems.

Midi
Je reçois votre dernière lettre d’Ems et la première de Schlangenbad. Si Schlangenbad vous engraisse c'est bien ; mais je crains pour vous cette complète solitude. La Princesse de Prusse aurait mieux fait de rester. Si vous retournez à Ems comme vous en aviez le projet, pour voir la grande Duchesse, soyez assez bonne pour m'acheter deux garnitures de boutons de gilet, en pierres du Rhin, comme celle que vous m'avez choisie pour Guillaume. Huit boutons pour chaque garniture ; cela coûte 8 francs. C’est pour mes deux gendres. Les cailloux du Rhin ont été trouvés très jolis.
Le Journal des Débats donne bien des pièces de votre cour. Il les tient de la bonne source. Je suis bien aise que tous ces documents soient publiés. Il vous font honneur. Les pièces venues de Pétersbourg sont mieux rédigées que celles de Brünnow. Adieu. Adieu. Je regarde un peu à ces récits du voyage, du Président. Je vous en dirai mon impression. Adieu adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Mardi 23 Juillet 1850

Si je me guérissait de mes passions, les Assemblées, ne seraient pas la seule dont j’aurais à me guérir. J’aime mieux rester comme je suis. A tout prendre en France du moins, et depuis 1814, les Assemblées ont empêché plus de mal qu'elles n’en ont fait. Sans elles en 1830, et en 1848, le démon révolutionnaire aurait triomphé. Elles l'avaient bien un peu encouragé ; mais elles le lui ont fait bien payer après. Je viens de parcourir tous mes journaux. Je n’y trouve rien. La nomination de la commission permanente sera le dernier acte. Et puis nous serons trois mois sans assemblée. Je souhaite de tout mon cœur que nous soyons mieux dans trois mois qu'aujourd’hui. Je suis bien aise que l'article d’Albert de Broglie vous ait plu. Mais maintenez vos critiques. Je les trouve très justes.
L'homme aux mémoires est bien Saint-Simon. Quoiqu'il écrivit encore sous et sur la Régence, c’est le 17ème siècle qu’il raconte le plus. Louis XIV et sa cour. J'en lis tous les soirs 30 ou 40 pages, là et là à mes enfants. Cela les amuse parfaitement. Je n’ai pas lu les Sophismes en frustrade dont vous parle Marion. Si cela en valait la peine, je les ferais demander. J’ai demandé s'il y avait déjà quelque chose d'un peu complet sur Peel. On me répond qu'il y a un livre, publié, il y a deux ou trois ans par un Dr. Cooke Taylor " Sir Robert Peel and his Times." Vous n'avez surement par entendu parler de cela.
J’ai des nouvelles de Ste Aulaire. Il me dit qu’Horace Vernet, raconte que votre Empereur est toujours charmé de la République en France et surtout partisan zélé du général Cavaignac. C'est sa plus grande nouvelle. Vous voyez que je suis à peu près aussi stérile qu'Ems. Adieu. Adieu. Voilà enfin le soleil revenu. La pluie nous a accablés pendant quelques jours. Adieu. G.

Midi
Je rouvre ma lettre. Je viens d'avoir une visite qui me rend ma liberté pour le 6 août. J'irai donc vous voir à présent. Je partirai d’ici samedi prochain 27. Je serai dimanche matin, à Paris. J’en partirai le soir ou lundi matin pour Bruxelles et je serai à Ems mardi soir 30 ou mercredi Il. J’y passerai huit jours avec vous. Il faut que je sois à Paris, dans la journée du 11. Si Aberdeen vient à Ems, tant mieux. Sinon encore tant mieux. Grand plaisir que cette petite course. Adieu, adieu.
Soyez assez bonne pour m’assurer à Ems un petit logement. J’aurai avec moi un domestique, Adieu encore. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Mercredi 14 Nov. 1849
8 heures

Deux lignes seulement. J’ai une multitude de petites affaires. Je ne me plains de rien. J’ai voulu mettre un ordre complet dans mes papiers. C'est fait. Restent maintenant tous les préparatifs de départ. Le temps est superbe. Je voudrais bien qu’en rentrant dans Paris, il fût aussi serein sur la terre que dans le ciel. Je ne l’espère pas. Il faudra que mon plaisir à vous retrouver couvre, pour moi, tout le reste. J’y compte. 11 heures et demie Voilà votre lettre, et je ferme la mienne. Ma maison est n°6 rue Ville l'Evêque. Adieu, adieu, adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer Mardi 10 Nov. 1849
8 heures

Je n'ai vraiment rien à vous dire. Il me semble que, pour toutes choses, j’aime mieux attendre. Ecrivez-moi encore un mot demain mercredi. Je le prendrai Jeudi en passant à Lisieux. Le décousu et les contradictions dont se plaint Kisseleff, ne m'étonnent pas. Je serais étonné qu’il en fût autrement. C'est le même mal pour l'extérieur et pour l’intérieur. On est et on sera tantôt Russe, tantôt anglais, comme tantôt coup d’Etat, tantôt constitution. Il n'y a, à parler sérieusement, point d’idée et point de volonté, Des velléités, tantôt lancés en avant, tantôt retirées à travers des tâtonnements continuels. Et on ne sort des tâtonnements que par des essais de coup de tête qui avortent. Avorteront-ils toujours ? Je ne sais. En tous cas, il n'y a pour les hommes sensés, qu’une conduite à tenir soutenir le pouvoir, quels que soient son nom et sa forme, tant qu’il voudra faire de l’ordre et du pouvoir. Toutes les susceptibilités, exigences, oppositions, dissidences, me paraissent aujourd'hui des puérilités. Je me crois sûr que la commission auprès de lord Lansdowne, sera faite, et bien faite. Est-ce que vous n’avez pas vu Salvandy ? Mad. Lenormant m’écrit qu’elle l’a rencontré chez Mad de Boignes, et qu’il s'est laissé croître une crinière qui lui donne l’air d’un bison. Il est toujours au courant et raconte tout. Je retrouverai à Paris tous les anciens ministres, à l’exception de Duchâtel qui ne reviendra qu’en Décembre. Je dois avoir conservé, ma bonne mine d’Angleterre, car je me porte bien J’ai eu pendant quelques jours des commencements désagréables de crampes d'estomac qui revenaient à la même heure. Cela est passé. Je vous quitte pour mettre des livres en ordre. Je laisserai ici ma maison bien rangée. J'aurai absolument besoin à Paris de me réserver les premières heures de la matinée. Je tiens à finir et à finir bientôt ce que j'ai commencé. Onze heures J’ai certainement un vif plaisir à faire mes arrangements. Malgré un beau soleil qui persiste. Adieu, adieu, adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/MF-G-L012_00437.jpg
Val Richer. Lundi 12 Nov. 1849
8 heures

Nous voilà dans la bonne semaine. Qu'il y a de temps que nous n'avons causé. Nous aurons beau faire. nous ne retrouverons pas tout ce que nous nous serions dit. Ce qui me revient de Paris (non par mes amis, mais par des personnes du gros public) est favorable à la perspective de l'Empire. Non par goût, mais parce que " on a soif de silence et d'autorité. " Ce court résumé me paraît bon. On ajoute qu’on ne croit nullement à du trouble dans la rue. Dans le pays que j'habite, grande insouciance sur cet avenir-là. Peu d’espérance, et point de crainte. J’ai trouvé hier le manifeste de M. Carlier dans mon Galignani. On aura voulu l'afficher dans Paris avant de le mettre au Moniteur. Le ton en est ferme et la suppression des termes sacramentels est assez frappante. J'admire de quoi on est réduit à être frappé. Si l'Empire fait, ou si, pour faire l'Empire, on fait la loi sur les gardes nationales dont le Prince Paul vous a parlé, cela seul vaut la peine de courir l'aventure. Mais je doute qu'on ose cela du moins aujourd’hui. Je suis assez curieux du Ministre des Affaires étrangères. Tenez pour certain que si c’est le Prince de la Moskowa, c'est très dangereux. Tout autre est préférable. Je serai charmé d'entendre le discours du Duc de Noailles. Seul d’abord, et puis à l'Académie. J’ai quelque peine à me figurer l'académie et tous les passetemps, littéraires ou autres de Paris. J’ai pris depuis si longtemps l'habitude de ne voir, dans Paris que l’une de ces deux choses, gouvernement ou révolution, qu'il me faut un effort pour y voir autre chose. Je ne me propose pas du reste de prendre grande part à ce qui s’y voit. Il me convient de porter le deuil et j'en profiterai. Mon penchant, et pas de voiture, et l’hiver, ce sont de bonnes raisons pour courir très peu. On m’écrit que ma petite maison est bien arrangée, et sera agréable à habiter. Vous devez bien jouir de votre appartement par ce charmant temps que nous avons depuis huit jours.

Onze heures et demie
Rien à ajouter. Et probablement pas grand'chose à dire d’ici à trois jours. Adieu, adieu. Adieu. Et encore. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Dimanche 11 Nov. 1849
8 heures

Je suis de l’avis de Lord John sur la boutade du Président. Le rapport de Thiers sur les affaires de Rome en a été, sinon la cause, du moins l'occasion déterminante. C’était bien insultant de ne pas dire un mot du président et de sa lettre, comme s’ils n'eussent pas existé. Et c'était bien léger d'insulter ainsi l'homme qu'on a élevé et qu’on ne peut renverser. Cette faute a fait éclore la disposition du Président, disposition préexistante, mais jusque là contenue, et qui probablement fût restée encore à l'état latent, comme dirait le Ministre actuel du commerce. M Dumas, grand chimiste. Je vois d'après ce qui me revient que les hommes intelligents de la majorité ont le sentiment de cette faute, et la regrettent. Mais c’est fait. Et la boutade du président aussi, Tout cela suivra son cours. Puisque Flahaut n'en veut pas être, il a bien fait de s'en aller. Je crois que la faute du Rapport était facile à éviter. Il était facile de faire sur la lettre un paragraphe convenable qui dégageât complètement, l'assemblée de la politique du président en donnant au président lui-même satisfaction pour sa dignité et avertissement pour son gouvernement personnel.
Je suis charmé que Lord John prenne ainsi goût, non seulement à avoir des lettres de vous, mais à vous écrire. Il n'aurait pas vos lettres sans cela, et il a raison d'en vouloir. Vous excellez à rendre la vérité agréable.
Je dis comme vous pour ce qui touche ma situation personnelle en reparaissant. Nous verrons. Nous devons avoir ce qu’il faudra d'habileté et de bon sens. Le silence qui vous choque ne m’étonne pas. C'est de l’embarras et de la platitude, faute d’esprit et faute de cœur. Deux choses, si je ne me trompe, mettront à l'aise, autant qu’ils peuvent être à l'aise, les poltrons et les sots ; d'abord ma manière, et bientôt ma situation même.
Je ne vous écrierai pas de longues lettres ces jours-ci. J’ai beaucoup à faire ; dans mon Cabinet pour conduire mon travail au point où je veux qu’il soit en partant ; et hors de mon Cabinet pour les petites affaires du Val Richer. Il faut aux petites affaires autant d’attention de paroles, et de temps qu'aux grandes. Je suis seul avec mes filles. Mlle Chabaud est partie, pour aller passer quelques jours près de Rouen, chez une de ses amies.

Onze heures
Je ne vois absolument aucune raison d'hésiter, et je suis décidé. Il n’y a que deux espèces de personnes qui me conseillent de ne pas revenir ; celles qui s'en iraient volontiers elles-mêmes, et celles qui ont envie que je ne revienne pas du tout. Adieu, adieu, adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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[…] ce qu'il ne veut pas. C’est une double manière d’éviter la responsabilité. Je n'ai aucune nouvelle personnelle de Thiers. Je ne l’ai pas vu, depuis mon retour de Dieppe. J’entends dire que, dans la commission des Affaires de Rome, il fait des morceaux d’enthousiasme sur le motu proprio, sur les cardinaux et sur le Pape. La commission du budget ajourne, le plus qu'elle peut l'examen des questions, d'impôt, c'est le plus gros embarras de la session. Il est probable que les anciens impôts seront rétablis. Rien n’est plus nécessaire mais rien n'est plus dangereux."

Pas un mot des affaires de Constantinople ; ce qui me prouve qu’à tort ou à raison, on n'en est guère préoccupé. Mercredi 10, Huit heures Je me lève tard et je me suis couché hier de bonne heure. J'avais un peu mal à la gorge. Je vais mieux ce matin. J’espère que la pluie va cesser et le froid sec commencer. Je l’aime beaucoup mieux. Ma maison ferme mieux que je n'espérais. J’ai de bon bois et je ferai de grands feux, presqu'au moment où j'irai me chauffer dans ma petite maison rue Ville-l'Evêque et votre bonne chambre rue Florentin. Vous ne m’avez pas dit si vous aviez quelqu'un en vue pour vous accompagner. Quel plaisir (petit mot) si nous pouvions passer tranquillement notre hiver dans nos anciennes habitudes ! Je me charme moi-même à me les rappeler. Hélas connaissez-vous ces trois vers de Pétrarque : Ah ! Nostra vita, ch'e si bella in vista, Com' perde agevolmente, in un matino, Quel che'n molti anni a gran pena s'acquista ! « Ah, notre vue, qui est si belle en perspective, comme elle perd aisément, en une matinée ce qui s’acquiert à grand peine, ou beaucoup d’année ! " Je crois que je vous fais injure et que vous savez bien l'Italien. Onze heures Voilà votre lettre. Nous causerons demain. Je persiste toujours à n'avoir pas peur. Adieu Adieu, adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton- Samedi 2 Juin 1849
8 heures et demie

Je suis toujours horriblement pris du cerveau. J'éternue scandaleusement. Si Lady Lovelace m’a trouvé aimable hier soir, elle n’y est pas difficile. Il y avait là peu de monde, des savants et cet envoyé hongrois dont j'oublie le nom et qui disait à tout le monde : " dans quelques jours, nous reprendrons l'offensive, et il viendra de Hongrie de grands évènements. Je ne suis pas entré en conversation avec lui. Il y a certainement quelque faveur dans le public pour les Hongrois et s’ils s’étaient bornés à défendre leur ancienne constitution en se disant toujours fidèles à l'Empereur, on leur donnerait raison. Mais certainement aussi l’Angleterre ne se mêlera pas de leurs affaires. Personne ne disait rien d'ailleurs. Je suis sorti un moment après dîner. J’ai été voir des maisons à louer, dans mon quartier. Deux qui me conviendraient bien, Onslow square. Reste à savoir le prix. Et restera à attendre les événements. Je les attends avec une impatience où il y a peu de curiosité n'espérant pas grand chose de bon et prévoyant à peu prés tout le mal possible. Il ne m’est venu hier matin, après vous, aucune nouvelle de France. J'ai lu. J’ai reçu M. De Larive et M. Broadwood. J’irai aujourd’hui à l'Athenoeum et je verrai Duchâtel. Je voudrais travailler avec suite. J’ai bien des choses en tête. Que la vie est courte, et que de temps perdu dans cette vie si courte ! Milnes qui était hier chez Lady Lovelace soutient que le Président devrait faire sur le champ un cabinet rouge. Ledru Rollin en tête ; que ce serait le moyen de traverser et d’user ce parti au meilleur marché possible. On dira et on fera peut-être faire à ce pauvre Louis Napoléon tout ce qu’on a dit et fait faire à Louis XVI. Et il ne s’en tirera peut-être guèure mieux. J'attends les journaux. Je vous reviendrai après. Midi. Je n'ai point de lettre et les journaux ne contiennent rien. Cela finira par un Cabinet tiers parti, ou par le maréchal Bugeaud énervé par le tiers parti. On n'a pas le sentiment du mal et on a une peur effroyable du remède. J'espère bien vous voir ce matin. Je vous écris comme, si je ne devais pas vous voir. Je sors. Je vais chez Duchâtel. Je serai rentré à 2 h. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton. Jeudi 23 nov. 1848

Voici une immense et curieuse lettre de Paris. J'en ai retranché deux feuillets qui n'étaient relatifs qu’à des affaires personnelles, maisons, vins, Calvados &. Je vous envoie tout ce qui est intéressant : la dernière page retranchée dit à la fin. " Lundi 20 nov. On m’apporte la lettre que vous m'avez écrite le 17. Vous avez parfaitement compris l’article des Débats, une impertinence à réprimer ; le ressentiment de la liberté qu’on avait prise de disposer, sans dire gare, de toute le parti modéré ; une rouerie à déjouer ; une position pour l'avenir. Il y a eu de tout cela ; et lorsque j'ai lu tout à l'heure à Bertin ce passage de votre lettre, il a ..." Le reste sur les feuillets que je vous envoie. Renvoyez-moi, je vous prie, dès que vous les aurez lus. Je veux répondre par ma prochaine occasion. C’est bien fin. Mais l'encre est un peu plus noire.
Merci de la lettre du duc de Noailles. Je vous la renverrai demain. Je veux la relire, et je suis pressé ce matin. J’apporterai mardi tout ce que vous me prescrivez. Je ne regrette pas, Miss Gibbons pour vous. Nous trouverons bien l’équivalent quand il le faudra absolument. Je vous ai dit hier mon impression sur Berlin. Bien d'accord avec la vôtre. Je ne m'étonne pas du galimatias du Prince de Metternich. C'est l'Allemagne. Il a respiré cela toute sa vie. Ce qui est de lui, c’est le bon jugement.
Je n’ai pas encore mes journaux français. Adieu. Adieu. J’aimerais mieux dire à demain qu'à mardi. J'ai beaucoup à vous dire. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton Vendredi, 22 sept. 1848
Une heure

Je n'ai de nouvelles que de M. Hallam et de Mad. Austin. Je me trompe ; j'ai trouvé hier en rentrant une bonne lettre de Lord Aberdeen. Je ne vous l'envoie pas pour ménager vos yeux. Je vous la lirai dimanche. Rien de nouveau. Très autrichien. Regardant toujours l'Angleterre comme possible parce que l’Autriche ne cédera pas et ne doit pas céder. Il ne parle de revenir que dans le cours de Novembre. Les journaux modérés sont abasourdis du résultat des élections. L'Assemblée nationale soutient énergiquement son parti. Evidemment tout le monde est inquiet et tâtonne. Vous aurez vu à quel point l'élection de M. Molé a été contestée. Encore n’est-elle pas positive ? Le Communisme est en progrès effrayant. Aura-t-on assez peur et pas trop peur ? Je m’attends à quelque explosion rouge qui donnera aux modérés, un coup de fouet. M. Ledru Rollin se met à la tête des Montagnards croyant à leur victoire. Je parie que, dans son esprit, il dispute déjà à Cavaignac la présidence de la République. Nous sommes tellement hors de ce qui est sensé que tout est possible.
Lisez attentivement le récit de la prise de Messine qui est dans les Débats. Curieux exemple de l'absurde manie révolutionnaire qui est dans les esprits. Il est clair que les Messinois sont insensés, et ont été les plus féroces. On assiste à leurs atrocités. On tient leur défaite pour certaine. On rend justice à la modération du général Napolitain. N'importe c’est pour les Messinois [?] la sympathie. Uniquement parce que c’est une insurrection et une dislocation. Et le Roi de Naples, qui a offert aux Siciliens dix fois plus qu’ils n'espéraient d'abord est un despote abominable parce qu'il ne cède pas tout à des fous qui sont hors d'état de résister. La raison humaine est encore plus malade que la société humaine. Adieu.
Je vais me remettre à travailler. C’est bien dommage que je ne puisse pas dire tout ce que je voudrais. Je supprimerai de grandes vérités, et peut-être de belles choses. Adieu. Adieu. A demain.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Vendredi 8 heures du soir

Voici la réponse de Lutteroth. Je vous prie de me dire ce que je dois faire. Il me parait clair que j’ai pour rivale Lady Holland. Cela devient grave. Croyez- vous que je puisse lui demander à elle de renoncer ? Il faudra bien cela car ils sont gens à donner beaucoup s’ils tiennent à cette idée. Moi je ferai la proposition que m’indique Lutteroth. N’est-ce pas ? Renvoyez-moi sa lettre demain après l'avoir lue, & donnez-moi votre avis.
Adieu Adieu, trop courte visite, mais bonne comme toujours. Adieu. Adieu. Of course pas de nouvelles. Adieu.
Je me décide à vous envoyez Jean, il sera chez vous demain à 9 1/2. Ayez la bonté de lui remettre votre réponse avec la lettre de Lutteroth. Jean porte chez vous un dindonneau, un canard du Brésil, (voyez comme je suis savante ?) Un grouse et 2 perdreaux, 5 pièces en tout. Il faut que je réponde à Lutteroth demain, parce que dimanche rien ne part, et vous voyez que je suis tenue à faire connaître ma réponse mardi. Ne retenez Jean que ce qu'il faut pour me répondre. Je vous écris demain comme de coutume.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Ketteringham-Park, jeudi 10 août 1848

Midi
Voici mes deux raisons pour cette mer-ci. Il y a ici deux jeunes gens qui me plaisent et dont l’un paraît se plaire fort à moi et à ce qui me tient. Je suis bien aise d'être quelques jours de plus près d’eux, sinon chez eux. De plus ici, le voyage est fait ; donc bien moins de dépense. Ce n’est pas à Yarmouth que nous allons, mais à Lowestoft, jolie petite ville neuve et en train de grandir, avec une belle plage. J’y suis allé hier. J’y ai trouvé une petite maison sur la plage, propre et suffisante, moins chère que Yarmouth et Cromer. Nous allons nous y établir demain. Ecrivez-moi là : 9 Marine Terrace. Lowestoft Norfolk. Le chemin de fer va jusqu’à Lowestoft. Trois trains chaque jour qui vont à Londres, en 5 heures et demie. Nous aurons nos lettres le lendemain, comme à présent. Et puis dans les premiers jours de septembre, nous n'aurons plus de lettres.
Vous espérez que je commence à sentir le vide. Je vous gronderais si j’étais à Richmond. Il est bien évident que nous ne nous sommes jamais tout dit. Je suis décidé à essayer à mon retour. Nous avons assez d’esprit pour tout entendre, et je vous aime trop pour que la confiance, qui est ce qui vous manque, n’y gagne pas. Si vous étiez bien persuadée de ce qui est, c’est-à-dire que vous êtes tout ce dont j'ai le plus besoin au monde, vous pourriez avoir comme moi quelquefois de la tristesse, jamais d'humeur. C'est fort triste d'être triste. C’est bien pis d'être mécontent. Je veux absolument réussir à extirper de votre cœur toute possibilité de mécontentement.
Votre lettre où vous me racontez Ellice me revient ce matin, avec celle d'Aberdeen. Je crois tout ce que vous a dit Ellice. Je trouve que Cavaignac s’use sans se diminuer, et que Thiers avance sans grandir. Même les coups de fusil à vent ne le grandissent pas. Il tiendra beaucoup de place dans ce qui se fera un jour, mais il ne le fera pas. Certainement si l’Autriche veut garder la Lombardie, il y aura la guerre. Je n’ai pas grande estime de la République, ni des Italiens. Mais je ne puis croire que ni les Italiens, ni la république acceptent à ce point les victoires de Radetzky. En même temps je ne puis croire que l’Autriche n'accepte pas cette occasion de sortir glorieusement de la Lombardie qui la compromet, pour s’établir solidement dans la Vénétie qui la couvre. Je croirais donc au succès de la médiation Anglo-française si Charles-Albert n’était pas dans la question. Mais les Lombards, qui ont eu tant de peine à vouloir de Charles-Albert sauveur, ne voudront plus de Charles-Albert vaincu, et l’Autriche aimera mieux donner la Lombardie à tout autre qu'à Charles-Albert. C'est de là que viendront de nouvelles difficultés, et la nécessité de nouvelles combinaisons. L’Autriche y trouvera peut-être son compte, soit pour fonder au nord de l'Italie quelque chose qui lui convienne mieux que Charles-Albert, soit pour empêcher que rien ne s'y fonde. Si Charles-Albert ne gagne, ni la Lombardie, ni la Sicile, ce sera un grand exemple de justice providentielle. Il se passe quelque chose à Madrid que je ne comprends pas. Pidal ministre des Affaires étrangères c’est bon. Mais pourquoi Moss, son beau-frère, quitte-t-il Madrid pour Vienne ? Et que signifie l’arrestation de Gonzales Bravo ? En avez-vous entendu parler ? Brignole n’est donc pas rappelé. Je le vois toujours en fonctions. Je viens de recevoir la nouvelle Assemblée nationale. Très fidèle à l’ancienne. Le seul journal qui sans dire le mot, se donne nettement pour monarchique. Quelle est l’attitude de la Presse ? Je trouve les Débats bien faits, et tirant bon parti de leur modération pour faire ressortir l'incurable instabilité de ce gouvernement qu’ils n'attaquent point. J’ai ce matin des nouvelles de Claremont. Assez bonnes. On y est de l’avis de M. Flocon et on se tient fort tranquille. J’ai aussi des nouvelles d’Eisenach. On s’y porte bien ; on y vit dignement ; en grande partie aux frais de la Duchesse de Mecklembourg. Sans voiture. Le petit Prince a reçu la visite de quelques camarades de Paris. Adieu.
Pauline va bien. Je n’ai plus aucun sentiment d’inquiétude, Sir John aussi ira mieux. Adieu. Adieu. Vous ne me dites pas si votre fils est parti. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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4. Paris Mardi 14 juillet 1846 onze heures.

La lettre d'Aberdeen est charmante. Tout ce qui vient de Peel est un peu tendu comme son jarret. Comme Aberdeen a raison de ne point vouloir venir à Paris. Ma journée a été mauvaise hier. Verity est parti. 2 heures après j’ai pris mal aux yeux. Je suis très nervous de cela. J'ai renoncé à Dieppe. Je m’en vais voir aujourd’hui ce que je puis trouver à St Germain. J’ai vu hier matin Harvey Fleischmann, Kisseleff, Pahlen, Decazes, Génie. Rien de tout cela qui vaille la peine de dire quelque chose. Hervey toujours préoccupé de l'Espagne, & voyant là de loin de gros orages. C’est très probable. Je parle toujours de Don Enrique comme votre candidat N°2 depuis l'origine. A diner chez les Cowley, il n’y avait qu’Adair. Trop vieux, trop sourd, et trop lent. Mon voisin est tout cela aussi de sorte que ce n'était pas drôle. Lady Cowley triste, pas un mot de nouvelle. J’ai fait un tour en calèche accompagnée jusqu'à 10 h. J’ai passé une mauvaise nuit. Il y a eu de l'orage mais sans rafraîchir l’air. Il fait étouffant. Suis-je tenue à une indemnité envers le courrier qui devait m’accompagner ? et dans ce cas là quoi ? Je lui avais toujours dit qu’il n’y avait rien de décider et que je l'informerais aussitôt que je le serai, ce que j'ai fait. 2 heures Génie est venu causer. Nous avons beaucoup causé de votre ménage ; nous sommes d’accord sur ce point qu'Henriette devrait s’accoutumer à le mener, tenir les comptes, & &. C'est des habitudes bonnes à prendre dans toutes les conditions de la vie. En Angleterre il n'y a pas de jeune fille des plus huppées qui n’entend fort bien & dans le plus menu détail les affaires de ménage. Cela fait partie d'une bonne éducation. Henriette me paraît avoir un peu de disposition aux idées trop grandes. Il arrive alors des mécomptes dans la vie. De l’ordre & de l'économie sont nécessaires également aux riches & à ceux qui ne le sont pas. Je fais là de la morale mais vous ferez bien de songer à cette partie-là. Je crois que Melle Wesly saurait y aider. Vous voyez que voilà une pauvre lettre. Je suis furieuse de ce qu'on vous réveille la nuit. C’est de la maladresse de votre part, car vous savez très bien que si le roi s’en doutait il en serait désolé. J’ai prie Génie de faire parvenir cette observation en haut lieu par Duchatel ou autrement. Que je m’ennuie sans vous ! Adieu. Adieu. 4 heures. W. Hervey est venu il m'a lu une petite lettre de Bulwer accompagnant une dépêche monstre sorte de tableau de la situation de l’Espagne depuis un an. Les partis, les personnes. C’est pour mettre Palmerston au fait de tout ce qui est survenu. Je n'ai pas lu cela naturellement. La petite lettre atteste un peu d'humeur entre Aberdeen sans qu'il le nomme, mais il dit qu’il aurait eu envie des ? de Naples, car Madrid lui déplait. iI est question dans cette lettre des mariages possibles ou impossibles. des mêmes ? De Bresson avec les Carlistes : il ne sait pas si tous les tripotages français n’auraient pas pour but de rendre tout impossible sauf Monpensier ! J'ai bien fait, je crois, de dire que c’était peut être le jeu qu'on jouait à Madrid chez la reine ? que pour ici cela ne réussirait pas du tout. à quoi Hervey a dit: mais c’est que Bulwer & beaucoup d’autres ne voient pas pourquoi pas. Et certainement Palmerston laissait le ? plus aisément qu'Aberdeen. Car il a plus de courage. J’ai dit tout cela, bêtises. Epousez franchement Cadix ou Séville, donnez-vous la main pour cela, & finissez l’affaire. Bulwer a lu la lettre de Christine au roi sur Tenerife. Est-ce que je dis bien ? Mais vous savez ce que c’est. Pas un mot de Palmerston encore comme affaires. On attend jeudi Adieu adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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2 Château d’Eu Dimanche 7 sept. 1845,
Midi

Je reviens du déjeuner. A côte de la Princesse de Salerne qui a voulu causer beaucoup. J’espère que la conversation a été plus agréable pour elle que facile pour moi. Les sourds feraient bien d’être tous muets. Bonne personne du reste avec cette dignité timide, un peu embarrassée et pourtant assez haute que j’ai vue à tous ce que j’ai connu de la maison d’Autriche. La Reine dit que l'archiduchesse est le portrait de François 2. A ma droite, sa dame d’honneur, la marquise de Brancaccio, sicilienne, femme d’esprit, dit-on, et qui en a bien l’air. Elle m’a parlé de la Sicile avec une verve de colère et d'opposition qui m’a plu. " On néglige toujours la Sicile. On opprime toujours la Sicile. Les ministres changent, l'oppression reste. Nous avons des ministres siciliens mais ils sont en minorité. Prenez la majorité. Venez chez nous nous enseigner comment on s'y prend. " Souvent, chez les Italiens, le naturel et la vivacité des impressions commandent la franchise.
Le prince de Joinville est arrivé ce matin, à 6 heures. Toujours grande incertitude, sur le moment de l’arrivée de la Reine. Ou aujourd’hui, vers 6 heures ; ou demain, à 5 heures du matin, ou à 5 heures du soir. Je parie pour aujourd’hui. D’abord, parce que j'en ai envie, ensuite parce que la Reine des Belges a écrit que c'était fort possible. Ils (le Roi et la Reine des Belges) sont allés la recevoir à Anvers hier samedi entre 1 et 2 heures. Nous nous mettons en mesure ici pour toutes les hypothèses.
J’aurai bien peu de temps pour causer, avec Lord Aberdeen. Je veux pourtant lui dire tout l'essentiel. Je vous promets qu’il passera avant moi. Les peintres sont encore, à l'heure qu’il est, dans la Galerie Victoria. Si la Reine avait le temps de se promener, elle verrait réalisées, aux environs du château, toutes les idées qu’elle a suggérées, les désirs qu’elle a indiqués ; un parc fort agrandi, de belles routes au lieu des mauvais chemins & &. Mais je doute qu’on se promène une heure.
Le courrier Russe qui avait été expédié au Prince Wolkonski, l’a rencontré à Eisenach & le Prince est arrivé à Berlin où il attend l'Impératrice qui a dû y arriver avant-hier au soir et qu’il accompagnera à Palerme. Le Kamchatka après l'avoir déposée à Swinemünde, ira passer le détroit de Gibraltar et l'attendre à Gênes pour la porter en Sicile. On croit, on dit à Pétersbourg que l'Empereur s’embarquera à Sébastopol et ira voir sa femme à Palerme.
Pourquoi me cherchez vous un cache-nez brun ? Le blanc que vous m'avez donné est excellent et m’a très bien préservé. Il est parfaitement convenable.
Voilà M. Royer-Collard mort. Je pense avec plaisir que nous nous sommes séparés en vraie amitié. C’était un esprit rare, charmant et un caractère, très noble. Quatre personnes ont réellement influé sur moi, sur ce que je puis être, devenir et faire. Il est l’une de ces personnes là. Le seul homme. Il a tenu peu de place dans les événements, beaucoup dans la société et l’esprit des acteurs politiques. Il leur était un juge redouté et recherché. Adieu. Adieu. Le Roi me fait appeler en toute hâte. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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29. Boulogne Mardi le 26 août 1845, neuf heures

Pas de Bulwer. Il faudra m'embarquer avec un inconnu. Un révérend de Boulogne dont je vais faire la connaissance ce matin, je deviens bien impatiente de vous revoir, de causer avec vous. Nous voilà avancés dans notre semaine. Quel plaisir de se dire cela. Lord Cowley a eu hier une traversée fabuleuse. Le même bâteau se retrouvait à Boulogne au bout de cinq heures. Madame de Flahaut a bien envie qu'Andral lui conseille de passer l'hiver à Paris. Je vous préviens de cela ; avisez car cela ne vaudrait rien. C’est toujours la même Mad. de Flahaut au fond.

Midi. Voici votre lettre de dimanche. J'ai du malheur pour la cuisinière. Mais enfin le mois de Septembre coulera sous la protection de Guillet. Et vendredi je trouverai moyen de me nourir à Paris. Je compte partir demain matin pour aller coucher (très mal) à Granvilliers. Jeudi je serai à Paris. J'y trouverai deux lettres j’espère. Adieu. Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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27 Val Richer 24 août 1845

Voici un ennui. Page, qui habite à Neuilly, écrit à Guillet qu’il est fort malade, qu’on va lui faire une opération grave, (je ne sais quoi) et qu’il est hors d’état d’entrer chez vous dans ce moment. Guillet me dit que son second aide, Charles, qui est resté à Paris, peut faire votre cuisine jusqu’à notre arrivée et que lui Guillet continuera de s'en charger, si cela vous convient jusqu’à ce que Page soit rétabli. Je le fais écrire à Charles d'être à votre disposition, si vous le faites demander. Il est à Beauséjour. Chargez Mlle Lallemand de le chercher, et de vous l’amener. Cela me contrarie, car on mange tous les jours, vous serez probablement à Beauséjour demain lundi, et votre dîner ne peut pas attendre jusqu’à samedi. J’espère que Charles sera suffisant pour une semaine. Nous serons donc ensemble Samedi.
Voilà, le n° 25. J’espère que vous aurez trouvé un oiseau de passage convenable. Je ne demande pas mieux que d’en finir avec les 20 mille francs de Pritchard. C’est à Londres à présent qu’on demaude autre chose, Tenez pour certain que ce que je vous écrivais l’autre jour est vrai. Lord Aberdeen à ces complaisances là pour les missionnaires, pour l’amirauté, pour ceux de ses collègues qui grognent. Mais je ne suis pas obligé de ménager également les grogneries, et je ne me laisserai pas intimider par leur obstination. J'ai réduit Taïti à ce qu’il devait être pour qu’on n'eût à Londres, point de grief légitime. Je n'irai pas plus loin. Je suis d'ailleurs de plus en plus persuadé que Lord Aberdeen, au fond, n’y attache pas grande importance, & veut seulement avoir quelque chose à dire aux grognons. J’espère que nous viderons cela ensemble dans trois ou quatre semaines. J'ai la plus petite nouvelle.
Je suis toujours trés préoccupé de l’Allemagne et de la nécessité d'y avoir des agents capables. Là va passer le centre de l’agitation européenne. Je suis content de la correspondance de d'Eyragues. Je vais faire aujourd hui une longue promenade. Soyez tranquille ; pure promenade de quelques heures dans les vallées des environs. Nous n'avons ici point de tempête. Rouen est affreux. J’espère garder le soleil jusqu'à Samedi et puis le retrouver à Beauséjour. Adieu. La correspondance, m'impatiente. Je soupire après la conversation. Adieu. Adieu. Il n’y aura point de mer à Beauséjour. Donc plus de bile. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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23 Val Richer, mardi 19 août 1845

Je suis charmé de vous savoir à Boulogne. Génie qui est allé chercher quelque chose dans mon cabinet à Beauséjour me dit qu’il l’a trouvé charmant, plein de fleurs, si riant et si tranquille ! J’espère que nous y aurons un beau et bon mois de septembre. Avec quel plaisir je reprendrai-là nos douces journées et nos douces soirées ! Je suis bien aise que vous ayez été contente de vos amis d'Angleterre. Cela me plait de penser que jamais peut-être deux étrangers n'ont obtenu là autant d'estime et d’amitié que vous et moi. Je n’ai ce matin absolument aucune nouvelle, si ce n'est de Suisse où l'on s'attend tous les matins à l'explosion de la guerre civile. Les deux partis extrêmes s’y préparent ouvertement, et la Diète et son parti n’en parlent pas pour ne pas se faire de peine. Il se fait là au milieu de l’Europe, un singulier essai des maximes radicales les plus folles. Quand ils seront assez las de leurs fous, ils demanderont à l’Europe de les en délivrer.
Voici mes arrangements. J’ai chez moi les 21, 25 et 27 août, trois grands déjeuners électoraux. Je partirai d’ici le 30 à 5 heures du matin. Je serai à Beauséjour à 6 heures pour dîner, et nous passerons ensemble, la soirée de notre 30. Que de choses je retrouverai en vous retrouvant.
Vous ai-je dit que j’ai écrit au duc de Noailles à propos de sa lettre à vous et de son fils ? Il est allé passer deux jours à Paris. Il a du monde chez lui ces jours-ci. D’après ce qui me revient le parti légitimiste est en plus grand désarroi et abattement que jamais. Mon succès à Rome et le refus du grand Duc de Modène les ont fort déconfits. Ils se croyaient bien établis là.
Voilà une estafette qui m’arrive du château d’Eu. Une réponse du Roi sur des demandes de croix que fait Bresson à l'occasion de l’entrevue de Pampelune. Les Espagnols font de grands, grands préparatifs ; des troupes, des meubles, des chevaux, des taureaux. Ce pays-là passera probablement encore par bien des épreuves bien des hauts et des bas. Cependant, ou je suis bien trompé, ou c’est un pays qui se relève, et qui avant cent ans d’ici aura repris un rang considérable en Europe. On a toujours tort d'oublier que la première résistance à Napoléon est venue de là. Grande preuve d’énergie et de vitalité nationale. Je vous quitte pour répondre au Roi, et pour écrire au Duc de Nemours et à Bresson. Adieu. Adieu.
Comment êtes-vous logée à Boulogne ? Je ne m’y suis jamais arrêté. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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21 Val Richer, Dimanche 17 août 1845
8 heures et demie

Je voudrais vous savoir positivement entre Douvres et Boulogne dans ce moment-ci. Il fait un temps superbe, point de vent, un beau soleil. Nous n'avons pas eu une telle journée depuis que nous nous sommes séparés. Cela me plaît que vous rentriez en France par un beau temps. Je veux aussi qu’il fasse beau le 30 août. Et puis dans le mois de septembre, j’espère que nous aurons encore de beaux jours, à Beauséjour. Mais il faudra rentrer en ville, au commencement d’octobre. L’humidité ne vaut rien ni à vous ni à moi, ni à mes enfants. Et la campagne est toujours plus humide que la ville.
Henriette est très bien, mais maigrie et pâle. Elle a été très fatiguée. Elle a besoin de se remplumer.
Je vais bien loin de Beauséjour. J'ai des nouvelles de Perse qui m’intéressent assez. Sartiger s'y conduit très bien. Il y a fait rentrer les Lazaristes que M. de Médem en avait fait chasser. M. de Médem a été très mauvais pour nous. Il vient d’être rappelé et remplacé par un Prince Dolgorouki qui était à votre Ambassade à Constantinople. On dit qu’il sera plus modéré que Médem. On m'en parle bien. Un petit incident à Constantinople dont je suis bien aise. Le duc de Montpensier doit y être arrivé ces jours-ci. Bourqueney a communiqué d'avance à Chekib Effendi la liste des officiers qui l'accompagnaient, & devaient être présentés au Sultan. Dans le nombre, se trouvait un Abd el-At, Algérien, Arabe, Musulman, sous lieuteuant de Spahir à notre service. Vive émotion parmi les Turcs ; Comment présenter un tel homme au Sultan ? Insinuations, supplications à Bourqueney d’épargner ce calice. Il a très bien senti la gravité du cas et répondu très convenablement mais très vertement. On s'est confondu en protestations ; Abd el-Al sera reçu comme les autres officiers du Prince. Tout le régiment des Spahir serait reçu s’il accompagnait le Prince. Et de bonnes paroles sur notre possession d’Alger qu’on sait bien irrévocable, ceci fera faire un pas à la reconnaissance par la Porte. Adieu. Adieu.

J’ai des hôtes ce matin. Puis, dans la semaine où nous entrons & les premiers jours de la suivante, trois grands déjeuners de 25 personnes chacun. Mes politesses électorales à la campagne, le déjeuner est plus commode que le dîner.
Je regrette Bulwer pour votre route. Comme agrément, car comme utilité, si vous aviez besoin de quelque chose, je doute qu’il fût bon à grand chose. Quand vous reviendrez de Boulogne vous savez que Génie a, si vous voulez, quelqu'un à votre disposition. Adieu. Adieu.
Je me porte très bien. J’ai le sentiment que marcher beaucoup me fait beaucoup de bien. Seulement il n’y a pas moyen de réunir les deux choses, le mouvement physique et l'activité intellectuelle. Il faut choisir. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris, vendredi le 11 octobre 1844,
à 9 heures

J’ai abandonné les N° parce que j’ai cru que vous me trouveriez pédante, il est si clair que je dois vous écrire tous les jours que les occasions sont si sûres et si directes. Cette précaution est donc inutile. Voilà votre lettre de 9 heures Mercredi, finie à Midi et demi.
Je devais me rappeler que les lits Anglais sont durs, & vous recommander de faire mettre le feather bed over the mattress instead ot under it. Mais je ne pense à rien, je suis une sotte aussi comme André. Et mon avertissement vient trop tard. Cependant si vous avez cette lettre demain faites faire encore ce changement. Car à tous les lits Anglais il y a ce feather bed, à moins que les mœurs n’aient changé depuis mon temps.
Le petit Nesselrode hier était en train de me parler quand on est venu nous interrompre. Il reviendra aujourd’hui. Il postulait de l’inquiétude de son père à la seule possibilité d’une vraie querelle entre la France et l'Angleterre, de son ardent désir de la paix. Il parle du voyage de son père en Angleterre comme de la promenade d'un indépendant désœuvré. Il donne sa parole d’honneur qu’il n’est pas question du mariage Cambridge, et ajoute cependant que ce serait le plus convenable de ceux qu'ont faits les filles de l'Empereur.
Lord Cowley est fort irrité à ce que le Boüet du Sénégal the real french boute feu, he says, se trouve sur l’escadrille qui a mené le roi, par conséquent à Portsmouth. Comment a-t-on pu permettre cela ? Il n’appartient pas ces navires. C’est Cowley qui parle. Il est aussi dans l'agonie pour cette nouvelle aventure à Tahiti. Il a de suite envoyé à Lord Aberdeen le Messager qui nie l'arrivée d’aucun rapport sur ce fait mais cela n’empêchera pas qu'on ne croie à Londres, qu'il a eu lieu. Il se félicite de n'avoir pas l’explication sur ses épaules, car il pense que vous allez vider cela à Windsor. J'en doute. Et votre Bruat faisant imprimer à Tahiti les rapporte dont vous niez l’existence ici. Ah mon Dieu, quels agents vous employez. Et celui-là vous l'avez choisi vous me l'avez vanté. Quel mauvaise affaire que ce Tahiti tout ensemble.
Je me suis promenée hier au bois de Boulogne, j’avais besoin d'air, une matinée est massacrée. Tout le monde vient, et puis j’ai beaucoup à écrire en Russie. Je m’occupe d’Annette bonne fille, bien triste. Après mon dîner, je vais tous les jours chez elle. J’y reste jusqu'à 10 heures.
Dieu merci vous me répétez que vous allez bien. Comme je vous regarderai à votre retour ! Votre retour ! Quelle charmante chose que cela. Comme j'y pense mais avant tout je veux savoir à quelle heure lundi vous quitterez Windsor à quelle heure vous vous embarquerez à Portsmouth. Ah, s’il fait du vent, que je serai malheureuse ! A quelque moment que vous partiez, mettez-vous sur votre lit, c’est toujours la meilleure précaution à prendre contre le mal de mer. Ne croyez pas les gens qui vous diront qu'il faut rester sur le pont. Et puis arrivé à Eu, reposez-vous bien, ne vous pressez pas, je saurai attendre une fois que je vous saurai en safety. Et puis je ne sais pourquoi j’ai des préventions contre Rouen. Pourquoi ne pas venir par la route naturelle. Coucher à Granvilliers ou à Beauvais en faisant faire une bon fin, bien bassiner votre lit ; et ayant soin d'avoir une voiture dont les roues tournent & les glaces se lèvent. Pensez à tout et racontez-moi ce que vous ferez.
Je reçois dans ce moment une longue lettre de Bulwer, je n’ai fait que la parcourir. Grande éloge de Bresson & de Glusbery. Beaucoup de goût pour le Prince de Joinville. " H. R. H. is clever agreable & what we English like off hand. He pleased me much. " Au bout de tout cela il me rappelle une petite demande qu'il m’a faite dans le temps. Vous savez bien, & me prie if I could manage that. & &
Je me suis mise à penser ce que seraient vos dernières paroles avec Lord Aberdeen et voici mon little speech. " Maintenant nous nous connaissons bien, nous nous sommes éprouvés, notre règle de conduite politique est la même, tant que nous serons ministres nous pratiquerons la paix, la bonne entente. Le jour où une difficulté bien grave se présentait, et où nous pourrions vraiment craindre de ne pas parvenir à nous entendre par voie diplomatique ordinaire promettons-nous, avant la dernière extrémité, de nous rencontrer ; un rendez-vous sur terre française. Les Anglais pas plus que les Français ne veulent la guerre. Ils sauront gré aux deux hommes qui la leur épargneront, qui auront épuisé toutes ses ressources en tout cas nous aurons fait votre devoir. " Est-ce que je radote ?

2 heures. Génie est venu me trouver. Nous rabâchons ensemble. Mais je n'en ai jamais assez. Herbet lui dit aussi que vous allez bien. Je vous en prie prenez bien du soin de vous. Génie m'ébranle sur la question du retour mais je veux savoir absolument quelle route vous prendrez ; mandez-le moi. Je laisse ceci ouvert pour le cas où j'apprendrais quelque chose.
Quels bons leading articles dans les journaux anglais. Comme je serais fixée de mon roi dont on dirait cela, et comme j’aurais de la bonne conduite pour une nation étrangère qui me parlerait de cette façon. Mais ces français n’ont aucun sens de la vraie délicatesse, du vrai honneur, du vrai mérite. Vraiment j’ai quelque chose comme un grandissime mépris pour les Français de ce moment. Adieu. Adieu.
Je vous envoie la lettre de Bulwer après l’avoir lue. Vous verrez qu'il parle mal de Nyon, mal de Hay, qu'il se loue beaucoup du consul napolitain Martino.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Château d'Eu. Lundi 7 oct.
3 heures

Je ne vous répète pas le récit de mes ennuis. Trois heures et demie dans une chaumière, sur la route, à attendre une voiture de Rouen. J'ai beaucoup pensé à vous, et à l'impatience que vous auriez, bien plus vive que la mienne. Cela m'a calmé. Au fait j'étais à couvert, devant un bon feu, et j'étais sûr qu'une voiture m’arriverait. Quand elle est arrivée la seule solide qu'on eût trouvé, les deux glaces des portières manquaient. On y a adapté des rideaux d’épaisse perkalin verte. Un vrai sarcophage, du reste il roulait bien.
Quand j’ai relayé à Tôtes, j’entends un groupe autour de ma voiture. Je ne voyais rien, & on ne voyait rien. J’entends dire : " C’est M. Guizot. Pourquoi s'enferme t-il comme çà ? Il n'en a pas besoin. Ici, tout le monde l’aime ; nous ne sommes pas des journalistes. " Je soulève mon rideau : " Messieurs, c’est que ma voiture s'est brisée et j’ai été obligé d'en prendre une autre qui n’a pas de glaces. - Prenez bien garde de vous enrhumer. M. le Ministre. On dit que vous avez été malade soignez vous. Le commerce a bien besoin que vous vous portiez bien. "
Je les ai remerciés, et j'ai refermé mon rideau. Il y avait cinq ou six gardes nationaux en uniforme, et une vingtaine de petits bourgeois ou paysans. Voilà les assassins qui m'attendent sur la route. Je suis arrivé à Dieppe à 9 heures. J’ai fait faire un bon feu. J’ai expédié une estafette à Eu et une à Paris. J'étais dans mon lit à 10 heures. J'ai assez bien dormi. Pas comme dans ma chambre pourtant. Ce matin à 7 heures et demie, comme j’allais partir, Herbet m'a rejoint. Je l’avais laissé en arrière pour prendre soin de ma voiture. Je suis arrivé ici à 10 h.. Le Dr Fouquier m'attendait à la porte de ma chambre. Il est allé rendre compte au Roi de moi.
J'ai déjeuné dans ma chambre, très bien déjeuné. Puis, j’ai fait ma toilette. Cette maison est très bien tenue. Tout y est commode et prévu. Et puis, je suis évidemment l'objet, des plus tendres soins. L’intérêt personnel habile et élégant fait ce qu’il peut pour ressembler à un peu d'affection. J'y réponds par de la bonne grâce. C’est assez.
Je viens de passer une heure avec le Roi. Content et préoccupé. J’ai des nouvelles, de Sainte Aulaire. Peel sera à Windsor, à l’arrivée du Roi, et est invité pour toute la durée du voyage. Il y aura beaucoup d'invitations pour un jour. Les Cambridge ne sont invités que pour le 10, le jour de la Jarretières. Les deux colliers vacants seront donnés à Lord Abercorn et à Lord Talbot, mais pas ce jour-là. Le Prince Albert viendra-t-il jusqu'à Portsmouth, ou seulement au point ou nous quitterons le chemin de fer ? That's the question. La Reine Louise a écrit qu’il irait à Portsmouth. Adieu.
Vraiment, je suis bien. Point fatigué. Nous verrons cette nuit. J'ai dit au Roi que je me coucherai en entrant sur le Gomer. Il m’a fort approuvé. Beau temps ; mais un peu de vent, et mauvais nord-ouest. Nous dinons à 4 heures et demie, & nous nous embarquons à 6 heures. Adieu. Adieu.
Merci de votre lettre à Lord Aberdeen. Je suis sûr qu'il en tiendra grand compte. Sainte-Aulaire m'écrit qu’il est très préoccupé de mon indisposition. Adieu. Adieu.
Le facteur demande mes lettres. Adieu dearest. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris, Vendredi 27 Septembre
1 heure

Vous venez de me quitter, et il faut que je vous dise deux mots encore avant de partir. Ce beau temps me donne un remord horrible. Moi seule j’en profiterais et vous vous restez en ville, et c'est moi qui vous ai enlevé au bon air de la campagne. Vous avez de bonnes nuits ici, mais les journées auraient mieux valu à Auteuil. J'avais raison quand il pleuvait & faisait froid. J’ai tort quand il fait chaud. J'ai mal prévu et je m’accuse, et je pars très triste. Ne pourriez-vous pas aller passer les bonnes heures du jour à Auteuil y prendre vos enfants ou les y envoyer. Avoir du feu dans le salon qui donne sur la terrasse, et rester là de midi à 3 ou 4 heures. Cela vous ferait du bien, c’est juste le moment du jour le meilleur, si ce beau temps se soutient. Je pense à tout cela, je ne penserai qu'à vous, je prierai Dieu, et j’attendrai vos lettres avec une immense impatience.
Dites-moi bien comment vous êtes. Aujourd’hui par la poste Château de Ferrière par Lagny, Seine et Marne. Demain avant d’aller au conseil envoyez-moi un mot chez Rothschild 15 rue Laffite et puis en revenant du Conseil encore par la poste par Lagny, Adieu. Adieu. God bless you.
Voici mon fils qui entre. Il vient de recevoir une lettre de Morny de Clermont le remerciant beaucoup de lui avoir donné la préférence & lui annonçant pour demain le remboursement de la loge ! Et puis on est venu chez Paul ce matin de la part du Directeur pour lui parler, mais il n'était pas levé et ne l’a pas reçu. Encore adieu. Adieu.
Paul est extrêmement confondu et reconnaissant de la peine que vous voulez bien prendre. Il me semble que l’affaire s’arrange. Adieu. Adieu encore again and again.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Je vous dépêche Stryboss pour que ces lignes vous arrivent encore. Pendant que Béhier sera auprès de vous. J’ai l’esprit frappé du très mauvais air de votre appartement. Non seulement triste et sombre mais évidemment très humide à cause de ces grands arbres qui ôtent le jour. Et puis deux murs extérieurs. C'est abominable par le temps qu’il fait, & je me souviens que Serra Capriola fut obligé de rentrer en ville à cause de ses filles qui habitaient en chambres-là et qui tombèrent malades de cet air-là. Je vous conjure de faire attention à ce que je vous dis. C’est très grave. Même bien portant on peut souffrir de cela à plus forte raison malade comme vous l’êtes. Accordez-moi cette grâce, passez en ville. L'air de votre appartement est bon, grandes, bonnes chambres. La belle saison est finie. Je vous prie, je vous supplie, faites cela. Vous risquez de ne pas vous remettre tant que vous resterez dans ce vilain trou. Moi je suis persuadée que cela vous fait du mal. Si vous étiez seul, vous feriez sûrement ce que je vous demande. Eh bien il me semble que dès qu'il s’agit de votre santé, votre mère et vos enfants peuvent bien se conformer ; j’irai le leur demander si vous voulez. Ecoutez-moi je vous en prie. Adieu.

Mercredi 10 h 1/2

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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4. Au Val Richer, Mardi 15 août 1843,
7 heures du matin

Quel ennui d’être loin ! J’aurais mille choses à vous dire, votre avis à prendre, car j'ai besoin de votre avis. Il n'y a pas moyen d’écrire tout cela. J’ai une première réponse de Londres, une première conversation de Chabot avec Aberdeen, des hésitations, des embarras, des pusillanimités, des susceptibilités, des prévoyances, des méfiances à l'infini, et à travers tout cela, un désir sincère de s’entendre avec nous, un fort instinct que cela se peut, qu’il n’y a que cela de sensé que c'est pour eux, le seul moyen de sortir d'une mauvaise situation. Et c'est de si loin que j’ai à traiter avec toutes ces impressions, toutes ces nuances de dispositions qui seraient déjà bien assez difficiles à manier de près !
L’estafette m'a réveillé à 2 heures et demie J’écris depuis ce temps-là au Roi, à Chabot, à Génie. Je viens de renvoyer l’estafette et je vous écris à vous, pour me rafraîchir. J'étais venu ici pour me promener, et ne rien faire. Ce n’est pas le tour que je prends. Je me suis beaucoup promené hier. J’ai arrosé mes fleurs. J'en ai beaucoup et de charmantes, des raretés. Vous les aimeriez. Ce matin, il y a un brouillard immense. Il enveloppe tout. Il fera très beau à
Midi. Vous n’avez nulle raison d'être inquiète ; mais vous avez grande raison de m’aimer plus que jamais et de me le dire. Mon plaisir à l’entendre mérite tout ce que vous voudrez. Je crois aussi que Salvandy acceptera Turin. Pourtant il n’y a jamais à compter sur les esprits mal faits, et mal faits surtout par la vanité. Ils déjouent toute prévoyance. Je vais faire ma toilette en attendant la poste. Puis j’essaierai de dormir un peu. Je m'étais couché hier avant 10 heures. Mais de 10 heures à 2 heures et demi, c’est trop peu de sommeil.
10 heures et demie. C’est charmant deux lettres. Oui, il y a, en ce moment, un inconvénient réel à être loin et très probablement je n'attendrai pas, le 26. N'en dites rien à personne. Je suis frappé d'Espartero faisant un manifeste donc n'abandonnant pas tout-à-fait la partie. On fera de lui, si on veut, un instrument d'intrigues en Espagne, et on le voudra, si nous ne nous accordons pas. Tout cela a besoin d'être conduit avec une grande précision et heure par heure. Je suis bien aise que vous ayez reçu une lettre de votre frère. Il paraît certain que l'Empereur ira à Berlin. On l’y attend. Bresson me mande que M. de Bülow est revenu en très bon état. Je vous quitte pour Génie à qui j’ai plusieurs choses à dire. Adieu. Adieu. Soyez charmante tous les jours, Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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3. Je mets 3 à cause de mes deux billets d’Evreux non numérotés.

Du Val Richer. Lundi 14 Août 1843, 6 heures du matin

Que je vous remercie ! Vous êtes charmante. Je comptais sur une lettre ; et encore vous ai-je fait une sotte question. J'en ai trouvé deux. Ne craignez jamais de me fâcher. Dites-moi toujours tout. Tout me plait venant de vous. Je ne me pique point de n'avoir jamais pour ceux que j’aime, pour ma mère surtout, quelque complaisance quelque faiblesse si vous voulez. Vous y êtes vous-même pour quelque chose. J’ai tort de vous dire cela ; je touche là une triste corde. Mais moi aussi, je vous dis tout. Le spectacle d’un fils que n’est pas pour sa mère ce qu’il doit être m'a tellement blessé que cela a tourné au profit de la mienne ; et je suis devenu, pour elle, plus soigneux, plus affectueux qu'auparavant. Il est vrai qu'elle et mes enfants avaient un très vif désir de ce voyage. Il m'a plu de leur donner ce plaisir. Je n'ai pas perdu ma bonne intention. Ils sont dans le ravissement.
Je mentirais, si je ne disais pas que je prends aussi quelque plaisir à la vue de mes bois, de mon jardin, de ma bibliothèque, de ma serre, de mes orangers. Le soleil brille ce matin ; ses rayons percent avec éclat une vapeur légère et fine qui flotte encore sur les bois et les près, les plus verts du monde. C’est charmant. Mille fois moins charmant qu’un moment près de vous, une parole, un regard de vous. Croyez-moi dearest, car je vous dis tout. Ne soyez pas jalouse de mon plaisir d’ici ; il ne le mérite pas. Mais pardonnez-moi de le sentir.
Puisque le mot de jalousie est venu là, sachez que vous êtes vous dans ma maison, pour ma mère surtout un objet d'immense jalousie. Si je n'étais pas venu ici elle aurait été parfaitement convaincue que vous seule en étiez la cause. Vous la comprendrez et vous ne lui en voudrez pas. Vous avez le cœur si juste ! Gardez-moi pourtant tout ce que vous m’avez montré le jour où vous m’avez dit qu'avec moi seul vous n'aviez ni justice, ni impartialité. Je déraisonne. Je vous demande les contraires. Oui, je vous les demande, bien sûr de vous en récompenser amplement. Je ne crains jamais d'être en reste avec vous.
Le 26. Politiquement soyez tranquille. Le jour où mon absence aura un inconvénient réel je partirai sur le champ. Je suis très attentif à cet égard. Je ne vous retire point la question d’un Ambassadeur à envoyer à Madrid. Si elle vient, elle me ramène le lendemain. Dans la nuuit de samedi à dimanche, à Evreux, à une heure du matin, le directeur de la poste m'a réveillé pour m’apporter une lettre du Ministre de l’Intérieur, disait-il. J’ai cru que j'étais rappelé à Paris. Ma première, bien première impression a été de plaisir, de plaisir pour Beauséjour. Il n’y avait point de lettre de Duchâtel. C’était tout bonnement des papiers que Génie m'envoyait et qui auraient fort bien pu attendre mon réveil. Il y avait pourtant une lettre du Roi. Bonne à voir, tant elle montre son sincère éloignement pour le mariage Espagnol, son vif désir de s’entendre avec l'Angleterre, et son humeur de ce brouillard si épais de préjugé, de méfiance et de crédulité qu'il ne peut parvenir à dissiper. Je vous quitte pour lui écrire. Je vous reviendrai quand la poste sera arrivée. Adieu. Adieu. Cent fois, adieu.

10 heures
Que j’aime le N °31 ! Si Oudinot a passé à Copenhague je ne comprends pas qu’il n'aille qu'à Ems ou à Vienne et s’il n’y a pas passé, je ne comprends pas où St. Priest a pris ce qu’il m'a dit. Oudinot n'aurait-il voulu aller à Pétersbourg qu'en cachette pour porter lui-même ses regrets à l'Empereur et revenir aussitôt. Ce serait bien galant. On écrit de Madrid qu'Aston fait ses préparatifs de départ. Vous me renverrez ce que je vous envoie. Adieu. Adieu. Il faut que j'écrive au Roi, à Désages et à Génie. Adieu. Au 26.
Ni brigands, ni accidents, ni maladies.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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357. Londres, Samedi 2 mai 1840

Mon dîner s’est très bien passé. De 8 heures 1/4 à 10 heures à table dans l’ordre que vous savez et qui m’a paru approuvé de tous. Le debut froid et embarrassé comme toujours et partout. Passé la première demi-heure de l’animation et de la bonne humeur. Le cuisinier et la cave ont eu grand succès. Lord Melbourne a bu du vin de Bourgogne avec un contentement réfléchi. C’est Lord Lansdowne qui a porté la santé du Roi, d’après l’avis de Lord Palmerston. J’ai porté celle de la Reine et de tous les souverains de l’Europe. La Parisienne s’est mariée au God save the Queen. Le service a bien marché un peu précipitamment. Ils étaient trop pressés de bien faire. J’avais prodigué l’éclairage ; il était brillant. Cela manque toujours ici. L’illumination était belle, mais un triste accident s’y est mêlé et me désole. La voiture du baron de Moncorvo a accroché une échelle sur laquelle était monté un pauvre charpentier qui allumait les lampions. Il est tombé et il en mourra. Il a le crâne fracassé à la base. Il n’était pas marié, mais il allait se marier. Je lui ai fait donner tous les secours possibles. Mon médecin, qui est allé le voir ce matin à Middlesex-Hospital où je l’ai fait transporter me dit qu’il n’y a pointl’avait fait de chance de guérison. J’avais pris toutes sortes de précautions contre les accidents. Comment prévenir la maladresse d’un cocher? J’ai beaucoup causé avec le duc de Wellington qui y prenait plaisir, quoique la conversation doive lui donner assez de peine. Il cherche ses idées et ses mots comme un aveugle son chemin. Il m’a raconté Charles X, et comment il avait lui toujours prèvu sa fin. Bien aise de me tenir le même langage que Lord Aberdeen qui m’a déjà dit deux fois : " Je me glorifie d’avoir été en Europe le premier ministre qui ait reconnu le Roi Louis-Philippe."
Je ne donnerai mon dîner Whig que le 23. Le 16 serait trop près. Je mets Mr. et Mss. Stanley à la place de Lord et Lady Lichfield à qui je ne dois rien. J’ajoute Lord Duncannon et le Chancelier de l’échiquier. Les Sutherland et toute la famille ne viendront certainement pas, ce qui me donne de la place.

Une heure
Nous nous entendons merveilleusement. Vous m’écrivez ce que je viens de vous dire. Thiers a raison dans sa question : si j’avais fait ce que fait Lord Palmerston & &. Mais s’il l’avait fait, c’eût été beaucoup plus grave. L’action francaise est bien autrement contagieuse que l’action Anglaise. Nous attendons toujours des nouvelles de Naples. On dit que le Roi de Naples travaille à faire juger par ses propres tribunaux, qu’il n’a jamais pu faire ce qu’il a fait et que le monopole est nul de droit. C’est une manière de sortir d’embarras, comme on en sort.
M. de Brünnnow m’a beaucoup parlé de la modération de l’Empereur, qui a vu nos flottes grossir, arriver, se répandre en Orient et n’a pas mis en mouvement un vaisseau, ni un soldat ; si fort et si pacifique, si puissant et si patient ! J’ai reconnu, j’ai accepté, j’ai loué ! « Et je vous assure, M. le Baron, que mes paroles ont peut-être en ceci quelque valeur, car je sais ce qu’il en coûte, ce qu’il faut prendre de peine pour qu’un gouvernement, un pays soit pacifique quand il est fort et patient quand il est puissant. Je le disais il y a quelques années, à un de mes amis qui partait pour Vienne: "Dites que nous sommes sages, que nous serons sages, et que nous pourrions être fous. C’est là le fond de la situation."
Il m’a beaucoup dit, beaucoup, que votre politique avait réellement changé, que vous étiez entrés dans une phase nouvelle, tout-à-fait hors des voies de Catherine, que vous
vouliez sérieusement, sincèrement, faire durer l’Empise Ottoman, qu’on commençait à comprendre chez vous que Byzance avait été la ruine de Rome. & & Hier, à dîner il était de très bonne humeur.
Ma mère me répond ce matin sur les arrangements pour l’été ; et sans nul doute ils lui conviennent. Elle partira pour le Val Richer du 15 au 20 mai. Mlle Chabaud ne peut partir
plutôt, et j’ai besoin, pour ma tranquillité qu’elle soit avec ma mère. Vers le milieu de juillet, elles mèneront mes enfants aux bains de mer, à Trouville, pour six semaines. Mon médecin en est d’avis. Il m’écrit qu’il vous a vue, et que M. Andral doit vous voir le jour même ou le lendemain. Je vous remercie de lui avoir écrit. Je vous remercierai encore quand vous aurez causé avec lui bien à fond. Dieu sait si ma confiance est excessive. Mais enfin  il faut marcher, dans ce monde, avec cette ombre de confiance et à cette lueur de sécurité qui sont tout ce qui nous est permis.
Le Parlement a recommencé. On s’attend à des luttes toujours renaissantes jusqu’à la fin de juillet. Le budget sera difficile. La motion de Lord Stanley, pour la 3ème lecture de son bill sur l’Irlande est retardée, à cause de Lord Morpeth. Au fond, Lord Lyndhurst ne se remet pas. On tremble de l’arrivée de Lord Brougham, et pourtant, à la Chambre des Lords, malgré le pressentiment d’une fatigue immense, on la désire. On dit que la Chambre des Lords, c’est Lord Brougham. 
Le Duc de Wellington m’a parlé hier d’un certain Montrond. Et il m’a fait la même question que M. Duncombe. Is he still alive ?  Adieu. Il n’y a, dans le n° de ce matin, que deux petits adieux noyés dans le dernier paragraphe, et point d’adieu final. Adieu.
Il y a cinquante à parier contre un, que je parlerai français ce soir. Pourtant si mon impression, sur place, était que l’Anglais convient mieux à l’auditoire, je m’y jetterais effrontément. Mais je ne pense pas. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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350. Londres, Vendredi 24 avril 1840
9 heures

Il y avait plus de monde hier à Holland house que je ne comptais et des ennuyeux. Lady Holland, en était très impatientée. Elle avait voulu m’avoir en petit comité. Elle me l’avait dit. Deux ou trois personnes lui ont fait demander à dîner. J’ai beaucoup causé avec Lord Holland. Il est bien occupé de nous et si je ne me trompe bien content de moi. Lord et Lady Tankerville étaient là. Lady Tankerville est en coquetterie, avec moi. Mais quelle coquetterie ! Je n’ai vu aucune femme supprimer aussi absolument sur ses épaules et sa poitrine, toute espèce de fichu, de linge, et n’avoir absolument que sa robe et sa personne. On rit trop des plaisanteries de M. Sidney Smith. On rit avant, pendant, après. Et il plaisante trop sur les évêques et les sermons. D’autant plus trop qu’il a aussi sa part de timidité envers sa robe. Il n’ose plus dîner hors de chez lui le dimanche, et il n’ose pas le dire à Lady Holland, qui l’invite le Dimanche pour le plaisir de l’embarrasser.
Je vous ai envoyé hier le fait général qui caractérise et domine la situation. Voici quelques faits de détail. Lord Palmerston est toujours obstiné, mais obstiné avec doute et inquiétude. Je ne crois point qu’il ait changé de résolution. Je le crois ébranlé dans sa certitude et encore plus dans sa confiance. Le doute et l’inquiétude ont fait, beaucoup de progrès autour de lui, dans le public, dans les chambres, dans le Cabinet. On s’aperçoit, on se dit qu’il y a bien des côtés de la question, bien des intérêts auxquels il n’avait pas pensé, et qui sont compromis par son plan de conduite. Il a le sentiment de ce qu’on pense et dit à cet égard autour de lui. Il s’en défend avec mal aise. Il se sent dans une impasse. Il serait bien aise qu’une bonne porte s’ouvrit pour en sortir. Evidemment bonne, car il tient beaucoup à ce qu’il a fait, à ce qu’il a dit et n’y renoncerait qu’à contre-cœur, même quand il croirait sage d’y renoncer. Aussi, bien qu’il fût content de trouver la porte, il ne la cherche pas. C’est moi qui la cherche. Et je ne suis pas seul à la chercher. Les meilleurs amis de Lord Palmerston et il en a beaucoup, seraient charmés de la trouver. Décidément M. de Brünnnow est un subalterne occupé de pousser sa fortune, en flattant les passions de son maître non de servir une politique. Bien des gens s’en apercoivent et quelques uns le disent. Il embarrasse beaucoup et pèse peu. Le déficit du revenu est une grande préoccupation. D’autant que le moment approche de le déclarer et de demander des taxes nouvelles. Le Chancelier de l’échiquier présentera son budget après Pâques. Toute nouvelle affaire, toute perspective de nouvelle dépense excite une vive inquiétude.
Ce Gouvernement-ci est bien loin de disposer du pays, de ses forces, de ses ressources comme il l’a fait 25 ans. Il gouverne à force de complaisance, et à charge de ne pas demander grand chose aux gouvernés. S’il l’engage un peu légèrement et sans nécessité évidente dans des affaires un peu chères et difficiles, il essuyera de grands mécomptes.

3 heures
Ma mère aura probablement oublié de parler à M. Andral. Elle oublie souvent. Et puis M. Andral est un homme très occupé considérable dans son état. Il ne va pas sur une parole en l’air. Je vous ai dit son adresse. Ecrivez-lui un mot. J’espère que sa visite n’a pas d’autre nécessité que de me tranquilliser. Mais je veux être tranquille comme on peut. Je répète toujours la même chose. J’en ai le cœur si plein. Je pense comme vous. Stafford House est beaucoup plus convenable qu’une auberge et dès le premier jour de Londres. Mais je saisis avidemment votre idée. Quelques jours à Hampstead ou à Norwood seraient charmants.
Je vais minformer s’il y a une bonne auberge, à Hampstead qui, en effet, est près d’ici. Norwood en tous cas. Est-ce dit? Et puis convenez qu’il peut y avoir des incidents, des motifs imprévus, qui dérangent les promesses les plus sincères. Ceci en passant pas du tout pour vous décharger de la vôtre, mais pour répondre à d’anciens reproches. Vous savez que j’accepte avec joie votre chagrin, vos reproches jamais. J’aime bien autant Bruxner pour la vente de la vaisselle. Votre frère y aurait apporte encore mille petites difficultés. Mieux vaut le retard que les entraves. Je viens de voir un de vos admirateurs très vif et très fidèle, Sir Henry Halford. J’ai gagné son cœur hier à Holland house, en le faisant causer. Il est arrivé ce matin, m’apportant ses ouvrages, des Essais sur je ne sais quoi. Un seul m’intéresse l’ouverture du cercueil de Charles 1er. J’ai passé une heure ce matin à discuter des arrangements intérieurs une illumination &. Je fais nettoyer tout le rez-de-chaussée. Vous n’avez pas d’idée de la malpropreté, de la noirceur. Les tapis n’avaient pas été levés depuis cinq ans. C’est une triste chose ici que les tapis. Il n’y en a pas un dans Londres qui vaille les vôtres.
Adieu. Je vous quitte pour écrire une dépêche, pas grand chose. Je jouis beaucoup de n’être plus inquiet pour ma petite fille. On devient facile en fait de jouissances. Sur un seul point. je suis chaque jour plus difficile. Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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334. Londres, jeudi 2 avril 1840
10 heures

J’ai dîné hier chez le colonel Maberly dans la petite maison de Londres la plus magnifiquement arrangée ; un luxe prodigieux en dorures, vieux sèvres, laque & On dit que lord Lichfield est pour beaucoup dans cette magnificence là ! Mad. Maberly est une grande femme, un beau teint, des yeux très animés du mouvement d’esprit, qui a été fraiche et qui passe pour belle. Le premier jockey de l’Angleterre and an author of novels. A dîner, Sir John Shelley, un ancien ami de George 4, lady Shelley, Lord Cantalupe, l’un des rivaux de Lord Chesterfield (à propos, lundi dernier pour le bal de la Reine, Lord Chesterfield a mis sept heures à sa toilette ; il a fait son luncheon dans l’intervalle) Lord Burghersh, Sir Hussey Vivian et sa femme. Après dîner, un improvisateur Anglais M. Hook, qui avait dîné aussi, s’est mis au piano, et cherchant ça et là quelques accords, a emprovisé sur tous les sujets qu’il a plu de lui donner. Je ne sais combien de chansons en vers, rimées, quelquefois assez originales et pleines de humour. Vous n’avez pas d’idée des rires; ils sont rares ici ; on rit les dents serrées. Mais hier ils étaient tous charmés; les corn laws et Lady Kinnoul, les deux affaires de la soirée revenaient à chaque instant dans les chansons et à chaque fois les rires redoublaient. L’improvisation a fini par une chanson en mon honneur, et nous nous sommes séparés à 11 heures pour aller en effet, les uns au débat des Corn laws, les autres au bal de Lady Kinnoul. J’ai été de ceux-ci, quoiqu’infiniment plus propre au débat qu’au bal.
Maintenant que j’ai vu laissez-moi vous répéter ce que j’avais entrevu. Les femmes ici ont bien peu de délicatesse. La pruderie n’est ni mon métier, ni mon goût; mais il y a des libertés de manière et de langage, des crudités d’admiration pour la beauté et la force physique qui me causent une impression bien déplaisante. L’abandon est charmant quand il est le privilège et le secret de l’intimité, quand il est inspiré et en quelque sorte arraché par la passion ; mais l’indifférence veut de la réserve, et il n’y a point de grâce à penser et dire tout haut et à toute heure ce qu’on ne sent et ne dit que dans ces moments qui sont les éclairs de la vie. Cachés et se parlant tout bas, quoique tout seuls. Mes paroles sont exagèrées comme toutes les paroles, mais vous les reduirez à leur juste valeur et vous me comprendrez. Il y avait foule chez Lady Kinnoul ; tous les  Torys. Partout le duc et la duchesse de Cambridge. Le duc a demandé il y a quelques jours à Bourqueney quand arrivait ma vaisselle. Il parait impatient du dîner que je lui donnerai. Ma vaisselle complète a dû partir hier de Paris. Je l’aurai dans dix ou douze jours. Je fais remettre à neuf ma salle à manger. Elle était bien sale. Sébastiani n’avait rien entretenu. Puisque j’ai touché au ménage, voici les grands traits de la dépense de ma maison pendant le mois de mars. Je n’ai point eu de grand dîner ; mais j’en ai eu quatre ou cinq de dix à douze personnes.
cuisine 170 livres S
Office (épicerie &) 90
Gages des gens 100
Mes chevaux 20, (ils sont beaux)

Je vous épargne les autres détails. La dépense totale du mois, y compris le loyer d’un mois de la maison mon secrétaire, le traitement du médecin de l’Ambassade, (100 livres par an) qui est à ma charge n’atteint pas 700 livres. Ce sera plus cher quand, jaurai ma mère et mes enfants. Je crois la surveillance très bonne. Mon secrétaire est un trèsor d’exactitude de devouement et de probité.
Je ne sais pourquoi la poste n’arrive pas. J’en suis moins pressé aujourd’hui ; elle ne m’apporte rien de vous.

3 heures
La poste n’est arrivée qu’à une heure. La mer avait été détestable. La malle d’Ostende n’avait pas plus passé que celle de Calais. Aujourd’hui il fait beau très beau. Le Square sous mes fénêtres commence à verdoyer. C’est un des plus
petits de Londres, mais très bien planté.
Nourri Effendi sort de chez moi. Il me demande des nouvelles et ce que nous voulons faire! Que dit l’ombre de Soliman le grand ? J’ai horreur des décadences. Dans le monde matériel les ruines sont belles ; mais dans le monde moral c’est hideux.
Je ne crois pas un mot des bruits de dissolution du Parlement. Cependant je vois plusieurs Ministres et des plus considérables, persuadés qu’ils n’auraient rien à en craindre. Ils disent qu’ils gagneraient quelque chose dans les bourgs et ne perdraient pas dans les Comtés. Ils sont revenus à leur première sécurité sur la Chine ; non qu’ils ne s’attendent à un vif débat ; mais ils comptent sur une bonne majorité. Plus j’y regarde, moins je crois à un vrai danger pour le Cabinet.

4 heures
J’ai été interrompu par M. de Pollon et Sir Alexander Johnston. Il faut absolument que je sorte pour rendre des visites que je remets depuis plusieurs jours Sir Charles Bagot, le comte de Zetland, le comte de Listowel, Lord Reag. Et puis j’ai des dépêches à préparer pour demain.
Adieu. Adieu. Voilà un mois écoulé. Je ne vous le redirai jamais assez. Rien ne peut remplir le temps où vous n’êtes pas. Adieu
M. de la Redorte est triste parceque M. de Ste Aulaire est content.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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318. Paris, le 1er mars 1840, dimanche

10 heures

Après avoir fermé ma lettre hier, je suis allée chez votre mère. Le cœur m’a battu en entrant. Elle m’a reçue avec bonté. Vous ne sauriez croire comme elle me plaît. C’est un visage si serein, un regard si intelligent et si doux, et même gai.

 Je l’ai beaucoup regardée. Quand je ne la regardais pas, il me semble qu’elle me regardait aussi. Le Duc de Broglie y était, et y est resté. Il a parlé de la situation tout le temps. Pourquoi le Duc de Broglie a-t-il cet air moqueur et désobligeant ? Je conçois qu’il ne plaise pas. Moi, je l’aime assez malgré cela, et malgré autre chose que je déteste et que j’ai découvert en lui hier. Il a commencé par dire qu’il ne savait absolument rien ; que depuis trois jours il n’avait vu personne du tout ; et puis il nous a raconté son entretien avec le Roi, la veille, et un long entretien avec Thiers le soir, et puis, et puis, tout ce qui se passe. Pourquoi commencer par mentir ? Vous savez l’horreur que j’ai de cela. Si jamais je commence, moi, je continuerai. Mais il me semble que je suis trop fière pour commencer. Les Français ont décidément l’habitude du mensonge ;  je ne connais pas d’Anglais dans lequel j’aie surpris ce défaut. Voyez bien et vous trouverez si je dis vrai!

 Mais je reviens à la rue de la Ville-l’Evêque. Vos enfants ont couru à ma rencontre dans la cour, cela m’a fait plaisir. Ils ont une mine excellente, surtout Henriette. J’ai demandé à votre mère de me les envoyer ce matin pour voir passer le bœuf gras, elle ne le veut pas à cause de leur deuil. Votre mère a été bien polie et affectueuse pour moi.

Delà je fus chez Lady Granville qui est bien malade ; elle n’avait pas dîné ni assisté à la soirée la veille. Nous avons causé pendant une heure, elle et son mari, du nouveau ministère, de votre situation ; il ne sait trop qu’en dire. Moi, je ne me permets pas d’avoir une opinion devant les autres ; j’attends que vous ayez pris votre parti.

J’ai été rendre visite à Mad. Sebastiani sans la trouver. De là chez les Appony qui sont consternés. Appony ne conçoit pas le Roi, et il ajoute qu’il n’aura certainement aucune affaire à traiter avec Thiers, et qu’il entre en conséquence en vacances.

J’ai dîné seule. Le soir la diplomatie est venue. Granville croyait savoir que la nomination du ministère avait été mal accueillie à la Chambre. Médem est enchanté de n’avoir plus Soult et d’avoir Thiers. Il est tout remonté. Brignoles n’a pas d’opinion.

Quand aurai-je mes lettres ? à propos notre correspondance ! Cela ne sera plus très commode. Cela prouve bien votre situation naturelle vis-à-vis de ce ministère.

Bulwer est très malade, je ne puis pas le voir. Il m’écrit ce matin ce matin & me dit qu’Odillon Barot est très piqué contre Thiers qui ne l’aurait pas même consulté pendant la crise. Cela n’est pas trop d’accord avec d’autres avis.

Midi

Génie sort d’ici, il a un peu ébranlé mes opinions d’hier, par les récits qu’il m’a faits de ses entretiens avec vos amis. Il faut attendre ; mais si on tire à gauche, revenir sur le champ : voilà ce qui me paraît ressortir des avis les plus sages. En attendant, la puissance de Thiers me paraît établie dans tous les départements du Ministère.

J’attends votre lettre , car on me dit qu’il y a un gros paquet au bureau de l’hôtel des Capucines.

1 heure

La lettre n’arrive pas. La voilà. Je vous en remercie.

Lundi 2 mars, I heure

Je ne sais pas trop comment vous envoyer cette lettre. Cependant, jusqu’à nouvel avis, je ferai comme vous me l’avez indiqué. Lundi et jeudi au bureau des Affaires étrangères et samedi par la poste.

J’ai été voir hier les trois malades, la petite Princesse, Lady Granville & Mad. Appony. Même fureur chez ceux-ci. Il veut aller au château ce soir.

J’ai eu à dîner M. de Pogenpohl. Ah! mon Dieu, Dimanche passé c’était autre chose! Le soir j’ai été faire visite à Mad. de Castellane; mais quoique j’aie tenu bon jusqu’à onze heures, M. Molé n’y est pas venu, je le regrette. Mad. de Castellane est fort opposition. En bonne catholique, elle a une sainte terreur de M. Vivien. Outre ces faits là, je n’ai rien relevé dans sa conversation.

Lord Palmerston mande à Lord Granville que dimanche il devait avoir un long entretien avec vous. Vous voilà lancé dans les affaires, les dîners et les fêtes. Je crains que, pour commencer, le Duc de Sussex ne vous ait fait longtemps rester à table. Je vois tout cela, et un peu tout ce que vous en pensez. Votre première impression de Londres m’a divertie. Elle est vraie; je n’oublierai pas vos colonnettes et vos figurines.

J’ai fait venir mon petit brigand et l’ai envoyé chez votre mère avec des nappes de Saxe. Elle choisira ; il a tout ce que vous demandez. Les services ordinaires pour 12 personnes, étonnamment bon marché, 129 francs.

Je n’ai de lettres de personne.

Le temps est  toujours brillant et froid. Ceci ne me plait pas ? Je crains la grippe des ambassadeurs. Je ne marche pas.Adieu, il me semble que je vous ai tout dit, tout ce que peut porter une lettre. J’aurais mieux dit à la chaise verte. Ah! que cette chambre est vide! Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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317. Paris, vendredi 28 février 1840, midi

Votre lettre de Calais m’a fait tant de plaisir ! Comme vous avez été vite ! Vous voilà donc vraiment à Londres. Votre chambre à coucher donne-t-elle sur le square ou le jardin ? Vous devriez prendre le square, l’air doit y être meilleur. Comment supportez-vous l’odeur de Londres ? J’ai mille et une question à vous faire ; mais vous me direz tout. J’ai eu longtemps hier matin les Granville et les Appony. En fait de nouvelles ici, ni les uns ni les autres ne savaient la moindre chose. Mais l’un attendait patiemment le dénouement, et l’autre, avec une grande horreur de Thiers, et une presque certitude de retourner au Marechal.

Je ne me suis point promenée il faisait trop froid, je n’ai pas fait d’autres visites, j’ai manqué celle de Mad. Sébastiani dont j’ai trouvé la carte en rentrant ; je vous dis cela comme suite à ce que je vous mandais dans mon dernier n°. J’ai dîné à 6 heures seule, et je suis allée à l’opéra où j’avais donné rendez-vous à M. Molé et le duc de Noailles. Le dernier est venu et Lord Grainville nous avons entendu Mozart [ ? ] Les noces de Figaro mais charmant, chanté à ravir. Cela m’a plu j’y retournerai. Medem, [ ? ] et d’autres étaient venus chez moi. Je suis fâchée d’avoir manqué Médem. [Comte Paul] Je vous raconte tout et cela fait peu de choses. Je dus à Paris ce matin chez M. Jaubert, comme de raison j’ai été très effrayée.

2 heures
Je vais dîner et passer la soirée chez Lady Granville. En attendant l’émeute dans les rues, on s’occupe beaucoup d’une émeute chez Thorn, à une répétition où Mme de Ségur a presque boxé avec Rodolph Appony, Directeur du bal costumé qui aura lieu lundi. Décidément Génie n’a pas reçu d’instructions claires, ou il n’y veut pas obéir. Je n’entends pas parler de lui, d’après cela je vous conseille de ne point vous adresser vos lettres. On me dit que vos amis sont très hostiles contre moi ; qu’est-ce que je leur ai fait ?

5 heures
J’ai vu Appony chez moi ; il venait de chez le Maréchal. L’impression qu’il en remporte est qu’il restera ministre. Dans ma tournée des visites j’en ai fait une  à Mad. de la Redorte. Thiers y est venu . Il verra le Roi demain, « il n’est point encore chargé de faire un Ministère. C’est demain que le mot sera dit ou pas dit. Son ministère est tout prêt. Ce sera original de voir renaître le 11 octobre, mais séparé par la mer.» Voilà ce que j’ai recueilli dans un langage un peu embrouillé. Il fait excessivement froid. Il me semble que vous dinez demain chez Lord Palmerston ou au moins que vous y serez ce soir.
Dimanche vous dînerez chez Lord Holland ? [ ?]

Samedi 29 à 11heures.
Un petit billet d’Henriette m’annonce que vous êtes arrivé à Londres, et que vous n’avez pas souffert du mal de mer. Lord Grainville me disait hier à dîner que selon des nouvelles sûres venues du Château, c’est Thiers qui serait nommé président et ministre des aff. etr. Il le croyait parfaitement, les autres diplomates en doute. Ils ont foi en la mine sereine du Maréchal. On dit que nous verrons aujourd’hui. Il me semble que si c’est Thiers qui gouverne, quand même il y aurait une petite infusion de petits doctrinaires, comme c’est sur la gauche qu’il aurait à s’appuyer, vous ne pourriez pas rester à Londres. Tout l’intérêt de la crise ministérielle pour moi, est là.
Ce soir il y avait [ ?] et [ ? ]. Évidemment Médem serait charmé que le Maréchal n’y fut plus. Il ne voit pas un grand inconvénient à Thiers. Appony et [ ? ] y verraient la guerre. Il n’y a point de nouvelles du dehors, que je sache. Je vous prie de me mander beaucoup de choses. Racontez-moi [ ?], dites-moi tout ce qu’aurait sinon dit Génie, et une autre fois ne vous fier à des Génies. Moi je m’y fiais puisque vous me le disiez - mais il [faut­­] que j’apprenne à ne pas croire à tout ce que vous me dîtes. Je vous ai dot que j’étais rancunière et je vous le prouve. Cela n’empêche pas autre chose.
M. Molé est venu me chercher hier, mais je n’y étais pas.

1 heure. Enfin Génie est venu. Je lui fais amende honorable dans ma lettre. Il n’a voulu venir qu’avec quelque chose. Et bien, il a pris quelque chose de bizarre ! Il m’a raconté tout ce qu’il ne vous écris. Je n’ai rien à changer à ce que je trouve sur une 2ème page, mais à [ ? ]. C’est un moment important pour vous, prenez-y bien garde, votre parti se divise ; les braves gens iront au bon drapeau car c’est à la gauche  que tout cela tire. Vous qui avez toujours combattu la gauche vous resterez avec les braves gens. Vous ne les avez quittés qu’un moment, qu’une erreur, une faiblesse, une distraction, comme vous voudrez ; voilà ce qu’a été l’hiver dernier ; c’est le moment de réparer. Et vous ne pouvez pas rester neutre. Vous êtes un Ambassadeur des plus extraordinaires. Vous êtes le seul Français qui soit appelé à suivre la méthode anglaise. Les autres peuvent rester quand même. Vous ne le pouvez pas.
 
Savez-vous pourquoi je vous dis tant ? C’est que vous êtes faible pour vos amis !
Adieu. Adieu. J’attends vos lettres avec une si vive impatience !

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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317 Londres Vendredi 28 février 1840, 9 heures

Je me lève. Je suis arrivé hier à 5 heures un quart. J’ai mis un peu plus de huit heures de Douvres à Londres par un beau soleil froid qui est entré avec moi dans le brouillard de la ville et s’y est éteint tout à coup. J’espère que je n’en ferai pas autant.

La Londres que j’ai traversée m’a paru plus belle que je ne m’y attendais, les maisons moins petites, l’aspect plus monumental. Mais quelle monotonie grise ! C’est du jour sans lumière.

En débarquant à Douvres, j’ai trouvé l’Angleterre différente, très différente de la France, pays, villes, personnes, rues, tout. Après deux heures de voyage, l’impression avait disparu, je me trouvais chez moi. Au fond, c’est la même civilisation, et les ressemblances surpassent les différences.

Hertford-House est très beau, le rez-de-chaussée surtout. Le premier étage est mal meublé. J’y suis établi dans une bonne chambre sur la cour, au dessus du salon qui précède mon cabinet du rez-de-chaussée et dont on a fait une petite salle à manger. J’ai bien dormi. Mais la maison est vide, la ville est vide, le pays est vide. Rien ne les remplira.

Je verrai lord Palmerston chez lui à Carlton-Terrace, ce matin, à une heure. Il est possible que la reine me donne dès demain mon audience.
Lady Palmerston est la première personne que j’ai rencontrée dans Londres. Sa voiture a passé à côté de la mienne. Nous nous sommes regardés. Elle ne m’a pas reconnu, mais moi elle et le chancelier de l’ambassade que j’avais avec moi, me l’a nommée à l’instant. J’irai demain soir à son samedi.
 
2 heures et demie
 
Je viens de chez Lord Palmerston. La Reine me recevra, à ce qu’il paraît, demain. Point de discours. M. de Talleyrand en a fait un. Le général Sébastiani point. On aime mieux que je n’en fasse point. On m’a très bien reçu. J’ai été de la chez lord Landsdowne et lord Melbourne que je n‘ai pas trouvés.
 
Les bals de la Reine vont commencer. Lundi prochain, une petite soirée dansante. Le Prince Albert a décidément du succès. La Reine a été très bien reçue, il y a trois jours à Drury lane.
M. de Bülow arrive demain.

Ellice est venu en mon absence. J’y ai regret. Alava m’a écrit  de grand matin, désolé de ne pouvoir venir à la place de son billet. Il est cloué dans son fauteuil par un lumbago. Je viens de parcourir tout le beau quartier. Tout est petit et l’ensemble est grand, très grand. Une chose me choque, c’est la manie des ornements dans toutes ces petites maisons. Je n’ai vu nulle part tant de colonnes, de colonnettes, de figurines, d’enjolivement de toute espèce. Ce qui est charmant et point exagéré du tout dans votre dire, c’est la propreté ou pour mieux dire l’éclat des carreaux de vitre, des portes de tout ce qui paraît. À  ce degré la propreté devient de l’élégance qui donne bonne opinion des gens et se passe de bon goût.

Voilà une invitation qui m’arrive de lord et lady Palmerston à dîner pour demain samedi, avec de duc de Sussex.
Seriez-vous assez bonne pour faire venir le petit [luc] dont je n’ai pas l’adresse, et l’engager à porter chez ma mère, s’il en a encore au même prix, ou à peu près, un service de [nappage] de Saxe pour 24 couverts pareil au premier, et deux ou trois services, moins beaux pour 12 couverts. Je vois que je ne trouverai rien ici à si bon marché ; et je crois me rappeler qu’il a dit à ma mère qu’il en avait encore.

Ma maison est fort loin d’être montée. Je suffis aux premières nécessités. Ce sera cher, même resserré dans le simple convenable. Je veux dire le premier établissement ; je ne sais pas encore ce que sera le service courant ; mais j’entrevois qu’il n’aura rien d’excessif.

Le vote d’hier soir préoccupe un peu mais plus de préoccupation que de conséquences. Je n’ai encore rencontré personne qui pensât sérieusement à la possibilité d’une autre administration. 
Je vous parle bien à tors et à travers, de tout pêle mêle et sans rien dire. J’ai sur l’esprit comme sur le cœur le poids de cet Océan qui nous sépare. Mes lettres de ce matin me disent qu’il n’y a toujours rien. Quand en aurai-je de vous ? Demain, j’espère. Adieu. Dites-moi tout ce qui vous occupe ou vous ennuie. Je voudrais vous suivre dans toutes vos heures. Triste, triste effort.
Adieu. Adieu. G.

P.S. Le fils de M. de Nesselrode vient d’arriver en courrier de St Pétersbourg.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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311 Du Val-Richer, jeudi 7 Novembre 1839
8 heures

On emballe autour de moi. Il part après demain, par le roulage des caisses de livres, d'effets, de fruits. C’est un vrai déménagement tous les ans. Mais celui-ci me plait.
Le Journal des Débats et le Moniteur sont en effet assez amusants. Et comme il arrive, ils ont tous deux raison. Ce qui me frappe aussi, c’est le Constitutionnel d'avant-hier mardi. Il est bien à la gauche. Depuis quelque temps Thiers avait paru chercher à se rapprocher du centre. Le voilà qui s'en éloigne fort. Je m’y attendais. Nous causerons de tout cela. J’ai perdu l’habitude de causer. Mais je la reprendrai avidement. Viendra-t-il beaucoup de vos Anglais, cet hiver à Paris ? Il me semble que non puisqu'ils partent pour l'Italie. A présent que vous voilà fixée à Paris, vous deviendrez une étape pour tout ce qui ira d’Angleterre sur le continent. Personne ne passera sans vous voir.
J’en suis fâché pour Bulwer. C'est peu aimable de la part de Lady Granville. Est-ce qu’ils ne l’ont pas vu, avec plaisir succéder à Aston ? Le leur a-t-on donné sans leur demander, si le choix leur convenait ?
Je comprends qu'on ait de l'humeur contre le Roi Guillaume. Mais en conscience, il ne doit rien aux trois Puissances. Elles lui ont donné de belles paroles et l’ont complètement abandonné en toute occasion. Politique à part, et ne fût-ce que par malice, il a bien fait. Il a bien fait aussi au fond. Il est rentré dans sa position naturelle. Il appartient, par toutes sortes de raisons à la politique occidentale. L'affaire de la Belgique, l’en avait seule éloigné. Et puis c’est la condition d’un peuple de négociants de rester étrangers aux querelles des trônes et des races, et de faire partout ses affaires. Du reste soyez sûre qu'avant de reconnaître il a consulté le Johannisberg.

10 heures
Mes lettres ont tort de vous arriver tard. Je ferai mieux moi-même. En attendant, je vous quitte pour donner les livres que je veux remporter. Vous avez bien raison de ne trouver aucun salon bon, ni personne aimable. Ne soyez bien que chez vous et avec moi. Adieu. Adieu dearest. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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309 Du Val-Richer, Mardi 5 Novembre 1839
7 heures et demie

Il y avait avant-hier du cream cheese à déjeuner, et il y a ce matin sur ma vallée un brouillard, tout-à-fait pareil. On dit que la Normandie ressemble beaucoup à l'Angleterre. Elles se tenaient évidemment avant le déluge, et il y a entre elles, depuis le déluge, des rapports continuels. Si jamais vous avez mangé à Londres de belles poires et de belles pommes elles venaient peut-être du Val-Richer. Les fermiers Normands les expédient par milliers, et il part toutes les semaines, du port de Honfleur vingt mille œufs pour l'Angleterre. J’entends shabby comme vous, et c’est parce que je l’entends que je m'en défends. Je ne vous vole jamais rien, car je vous donne tout ce dont je dispose. Voilà nos questions de Dictionnaire vidées.
Plus j’y pense, plus je me persuade que Benkhausen n’a pas d’inconvénient. Tout sera fini plus vite. Je n’espère toujours rien quant au mobilier de Courlande. Mais au moins la suppression ne passera pas inaperçue. Je suppose que vous avez envoyé à Cumming copie des questions que vous airez adressées à votre fière.
Que voulait faire. M. de Metternich de la mission de M. de Brünnow ? Terminer l'affaire d'Orient sans s'en mêler, ou nous brouiller avec l’Angleterre sans y paraître ? L’un et l'autre a échoué. Je vois, par ce qu’on m'écrit, qu'on a peu d'inquiétude, et qu’on laissera traîner dans l’idée que le temps est au profit du Pacha, qui possède. On a bien fait de renvoyer M. de Labrador, s'il s’agitait encore pour D. Carlos. Nous ne devons aux partisans de D. Carlos que la stricte légalité et à D. Carlos lui-même qu'une politique raisonnable dans sa froideur. L’Europe a envoyé un aigle qui s’appelait Napoléon et qui la troublait, mourir à Ste Hélène. Nous ferons vivre quelques mois à Bourges D. Carlos qui nous tracasse. Il y a eu tout juste proposition.
J’ai aussi mes tribulations d’intérieur. Mon concierge d'ici est malade. Je craignais hier une fluxion de poitrine. On me dit qu'il est mieux ce matin. C’est un factotum très intelligent et qui met sa fierté à être à mon service, ce qui fait que je lui passe des défauts.

10 heures
Je craignais ce qui est arrivé. La poste n’étant venue chez moi que très tard, m'en est répartie que très tard, et n'aura pas été à Lisieux à temps. Vous aurez eu deux lettres ce matin. Mauvaise compensation. Tout cela cessera dans huit jours. Les tristes chances de la vie seront les mêmes ; mais nous serons ensemble. J'espère que vous me direz bientôt que vous avez des nouvelles d'Alexandre Adieu. Adieu. J’aime mieux le Duc que Benkhausen Dix mille francs, c’est beaucoup pour une commission. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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306 Du Val Richer, Samedi 2 Nov à 1839
8 heures

Vous avez bien raison ; il n’y a plus de belle campagne. Encore notre maladresse : vous avez eu de la belle campagne à Baden et moi en Normandie, et nous en avons joui séparément, si c'est jouir.
Je persiste dans tous mes avis d’hier. Si votre frère y mettait un peu de bonne volonté, il ne serait peut-être pas impossible que dans l'impatience du Capital, vos fils revinssent un peu sur le mobilier de Courlande, et l’argent en portefeuille. Ils vous donneront du moins quelques explications. Je ne vois que Benkhausen ou Cumming que vous puissiez charger de les leur demander. Encore une fois, si vous en écrivez à Alexandre, ce sera Paul qui répondra et Dieu sait comment. Pourtant j'ai en idée que toujours par impatience du Capital, il se contiendra dans ce moment, et vous fera peut-être même quelques avances. N’ont-elles pas déjà un peu commencé ? N'est-ce pas là le sens caché de ce que vous a dit Bulwer ? La tendresse de la dernière lettre d'Alexandre ne lui a-t-elle pas été permise ? Vous voyez que je vous dis tout impitoyablement. Je me trompe, avec une très grande pitié. Je trouve tout cela déplorable.
Le Roi fera bien avant de dissoudre son Cabinet sur les passeports de D. Carlos de s'assurer des successeurs. Mais nous sommes bien bons d'y regarder. Cela n’est pas sérieux. J'en reviens à mon dire ; j'aime la grande et vraie comédie, non pas la petite et inutile.

9 heures et demie
Je n'accepte pas le Shabby. Vous savez que je suis maîtresse de maison ménageant, arrangeant les personnes, les choses. Dieu sait si j'étais fait pour ce métier là ! Mais c’est lui qui m’y a condamné. Ma vieille et bonne mère ne peut pas être pressée. Elle est le contraire de M. de Talleyrand. Elle a de la grandeur naturelle, et de petites habitudes. Je respecte tout en elle. Croyez donc bien, sachez donc bien une fois pour toutes que moi, je n'ai jamais rien de plus pressé que de vous revoir, et que j’y pense, comme on pense à sa première affaire et à son seul plaisir. J’ai mille choses à vous dire que je ne peux pas écrire. Adieu. Adieu.
M. Rossi, ne sera pas Pair cette fois. La loi sur les catégories pour la Pairie n'admet que les membres des quatre académies de l'Institut, & il est membre de la 5e Académie, qui n’existait pas encore du moment où cette loi a été faite. C'est moi qui l’ai créée en 1832. Objection de procureur ; mais les procureurs sont puissants partout. Il attendra. Adieu encore et toujours. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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231 Du Val-Richer. Mercredi 31 Juillet 1839 5 heures

Aujourd'hui c’est tout seul que je me suis promené. Je viens de marcher trois heures, au petit pas, dans les bois, les près avec ou sans chemin, pensant à vous et à Washington. Vous vous ressemblez peu. Pourtant c'était une grande matière, et il a bien vraiment accompli sa destinée quand il a vaincu et gouverné. Il l’a fait très simplement et de sang froid, sans vit plaisir, mais aussi sans prétention ni effort. C’est peut-être le seul grand homme qui l'ait été par occasion seulement, poussé en haut par la nécessité des choses et non par l'élan de son propre esprit et de sa propre volonté. Deux choses lui manquaient : la passion et la pensée ; la passion ardente, insatiable ; la pensée spontanée, variée, illimitée dans son activité. Mais appelé à agir, je ne connais point de jugement, plus droit, plus imperturbable dans la vérité, point de caractère plus ferme et plus serein, toujours au niveau des grandes choses sans jamais se croire au dessus. Je vous en dirais long si je vous disais tout ce qui me vient à l'esprit sur lui en lisant sa vie et ses Lettres. J’ai pensé à vous bien plus qu'à lui. J’aime extrêmement à penser à ce que j’aime. On dit que les avares passent des heures à contempler leur trésor. Je suis un avare. Bien certainement je le suis. Je me comptais à regarder mon trésor, & je veux le garder pour moi seul.

Jeudi 6 heures
Le soleil est admirable ce matin. C’est une rareté. Je voudrais que vous vissiez ma bibliothèque au soleil levant. Il y entre à flots par neuf grandes croisées et se répand sur deux vastes jardinières pleines de fleurs et sur une série de gravures, encadrées le plus simplement du monde, en chêne et en sapin de Suède, comme la bibliothèque, mais toutes fort belles, saintes et profanes des Saintes Familles, la communion de St Jérôme, le spasimo de Raphaël, Napoléon à Eylau à Austertitz, à St Hélène, Henri 4 à Paris, Gustave Wasa à sa dernière diète & Je suis sûr que cela serait de votre goût, la bibliothèque et le soleil. Si le Cardinal Fesch qui répand son argent à tort et à travers, m'en avait laissé un peu je ferais du Val-Richer une habitation charmante. J'ai, pour cela la matière et l’esprit. Rien ne me manque que l’argent. Je comprends que l’Europe s'amuse du spectacle des Buonaparte, se disputant cet argent. Quand Fesch fut fait Cardinal, le maréchal Lefèvre ( duc de Dantzick ) homme d’esprit malicieusement grossier, lui dit avec son accent alsacien : « Sap.. Monseigneur, c'est pien heureux que je ne fous ai pas fait pendre ce chour que fous safez pien, quand fous étiez fournisseur ! " A coup sûr tous les Buonaparte trouvent aujourd'hui comme lui que c’est bien heureux. Chaque pays a ses scandales et ses hontes. L'Angleterre a vu le squelette de Cromwell de l'homme à qui elle avait obéi et qui compte au rang de ses plus grandes gloires, pendu à Tyburn et jeté dans la Tamise. Il n'en arrivera jamais autant à Caradoe. Le voilà Pair d'Angleterre. La Princesse Bagration sera-t-elle Pairesse ?

9 h. 1/2
Comment, quatre mois sans nous voir ? Est-ce que de manière ou d'autre, vous ne reviendrez pas à Paris dans le cours de septembre, soit pour y rester, soit pour y passer en allant en Angleterre ? Dans l'un et l'autre cas, j’irai vous y voir. Vous ne comptez certainement pas rester à Baden jusqu'au mois de Décembre. Dites-moi un peu vos projets. Ayez des projets si j'étais près de vous, je m'en chargerais. Je suis décidé à m'en charger désormais jusqu'à la dernière limite du possible pour moi. Mais à présent, je suis loin. Adieu. Adieu. Voilà quatre jours qui me pèseront jusqu'à ce que vous ayez recommencé à avoir des lettres tous les jours. Vous savez que je ne jouis de rien à moi seul. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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N°180. Dimanche 4 Nov. 8 heures

Pour la dernière fois. N’appelez-vous pas l’éternité les huit mois que nous aurons devant nous ? Je le veux bien. Je vous ai écrit bien tristement hier. C’est que j'étais fort triste. Je tremble toujours en approchant du port. La vie a fait sur moi ce double effet ; je tremble bien plus au dedans ; j’ai l’air bien plus calme au dehors. Quand on est jeune l’agitation est dans les branches ; quand on n’est plus jeune, dans les racines.
Comment, votre banquier de Pétersbourg tarde à vous répondre ! C'est impossible. Je les flatte. Quelles gens en effet ! Rien n'est impossible de leur part. Savez-vous qu’il n’y a rien de plus difficile que de conserver, pour de telles gens un peu de justice dans l’esprit ? M. Soukowski sera un peu étonné que vous vous adressiez à lui pour avoir l'itinéraire. Car je ne suppose pas que l’entourage soit au courant de tout.
Le Mariage Castellane me parait tout simple ; ce qui veut dire que je suis de votre avis sur ce qu’il vous parait à vous.
Mes dernières journées sont très actives. Il m’arrive ce matin quatre ballots d’arbres et d'arbustes qu’on m’envoie du Jardin des Plantes, toutes sortes de choses belles et rares. Je marque les places où il faut planter tout cela. Mad. de Meulan restera quatre jours après moi pour faire faire les plantations. Il pleut horriblement la nuit ; le jour non ; on n’a d’eau que sous les pieds. Je vous quitte pour aller continuer mon travail commencé hier.

10 h. 1/4
Je rentre pour recevoir votre lettre. Je ne vous parle plus de rien. Je n’ai plus de chagrin de rien. Adieu, Adieu. Quel pauvre adieu ! G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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N°177. Jeudi 1er novembre, 7 heures

Nous entrons dans le honey-moon, n’est- ce pas ? C’est charmant de retrouver un honey-moon, toutes les fois qu’on se retrouve, et sans qu’il fasse tort aux moons qui suivent. Je me lève de bonne humeur, par un vent et une pluie épouvantables. Je défie qu’il y ait entre nous de pareils orages. Le soleil est toujours sur notre horizon. Séparés, nous ne le regardons pas toujours ensemble et au même moment, mais il y est toujours. Nous voilà des gens bien heureux, nous avons le soleil et la lune à notre disposition. Il y a deux pays que je voudrais voir avec vous, l'Italie et l’Angleterre, le pays du soleil et celui du brouillard. Je ne sais duquel nous jouirions, le plus vivement. Quel dommage que nous ne voyagions pas ensemble ! Dans la grande voiture de Châtenay. Je ne vous savais pas cette aversion pour les voitures, fermées.
A propos de voyage, lisez-vous dans les journaux les lettres de ces savants que nous avons envoyés chez les Lapons et les Samides ? Ils me paraissent décidés à réhabiliter le Spitzberg, et la bonne compagnie des Esquimaux. A les en croire, ils s'amusent parfaitement. Leurs plaisirs me gèlent. Nous plairions-nous là ? Je dis le Spitzberg nous plairait-il, non pas, nous plairions-nous l'un à l'autre dans le Spitzberg ? Ceci ne fait pas question. Je me suis quelquefois proscrit avec vous en Sibérie. Mais vous la trouviez trop uncomfortable, plus unconfortable que la maison de Pozzo. Vous me livrez la tournure et les manières de Lord Castlereagh et de Lord Jocelyn, et je vous en remercie. Mais quoique vous les avez trouvés très agréables, n’est-ce pas, et vous avez causé avec eux très volontiers, bons ou mauvais principes. Je vous le pardonne. Mon estime pour les Anglais est devenu du goût, un goût sérieux mais affectueux. Obtenez seulement qu’ils ne se donnent pas tant de peine pour être frivoles.
Que cède-t-on aux Belges sur l'argent ? Car je suppose qu’on leur cède quelque chose puisque les cinq Puissances sont d'accord. Je trouve l’adresse des Etats Généraux belle. Cette ferme adhésion d'un peuple à son Roi, dans une question dont pour son compte. le peuple se soucie peu, mais qui est pour le Roi une question d’honneur, me plaît infiniment. Il sert toujours à quelque chose d'avoir été grand. Les Hollandais l’ont été. Depuis longtemps ils sont bien déchus. Dans tout le 18e siècle, leur politique a été pitoyable, sans dessein, sont consistance, sans dignité, sans autorité ; mais de temps en temps Jean de Witt se redresse et élève la tête hors de son tombeau, comme Farinata degl' Uberti dans l'Enfer du Dante.
J’ai fini hier mes plantations. A forces de vouloir m’y intéresser, j'en viens un peu à bout. Je suis pour le bonheur solitaire comme les Anglais pour la frivolité. Pourtant, je me trémousse. moins. Je me persuade quelque fois que je tiens vraiment à ce que je fais avec cette terre et ces arbres. Mais quand je rencontre quelqu’un qui y tient réellement et de cœur, je me reconnais de glace et je m'humilie. Avant-hier, ma mère m'a querellé parce que j’avais laissé mettre où l'on avait voulu des cerisiers qu’elle voulait ailleurs. Un c'est que cela m'est égal à failli m'échapper. Je l’ai retenu à temps. Si Dieu m’avait laissé mon fils, rien ici ne me serait égal. Que de projets j’avais formés, commencés ! Je les discutais avec lui ; puis, je les lui remettais absolument, sans réserve. Il faisait faire seul, à son gré. C'est charmant de se décharger sur son enfant de tout soin, de toute affaire, de se reposer en le voyant agir, décider, ordonner, vivre en maître et pour son compte, comme il vivra quand on n'y sera plus. Mon fils était si libre avec moi, et si tendre ! Il s’appartenait bien tout entier à lui-même, et il venait sans cesse à moi. Pardon, Pardon ce que je me laisse aller à vous dire là, je me permets bien rarement de me le dire à moi-même. Pardon.

9 h. 3/4.
Oui, nous avons abusé de l'adieu. Nous approchons du dernier. Adieu pourtant. J’aime mieux l'autre. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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N°172 Samedi 27 Oct. 6 heures et demie

J’étais très fatigué hier soir je ne sais pourquoi. Je me suis couché avant 10 heures. Aussi je me lève à 6. J’ai bien dormi. Je voudrais bien qu’à vous coucher de bonne heure, vous eussiez le même gain. Comment vont vos nerfs ? La lecture en me couchant dans mon lit est pour moi, un moyen de sommeil à peu près infaillible. N’est-il plus du tout à votre usage ? Peut-être pourriez-vous vous faire lire quelques minutes par votre femme de chambre. Du reste, il me semble que ce n’est pas au moment où vous vous couchez que le sommeil vous manque. Ma mère, qui dort très mal et se réveille sans cesse dans la nuit, se rendort souvent en lisant. A la vérité elle a conservé de très bons yeux. Je ne suis pas bien content de sa santé depuis quelque temps. Elle n’est pas encore remise de l’ébranlement que lui a causé la mort de Mad. de Broglie. Je suis bien aise de la ramener à Paris. Ici. avec du temps, les sœurs ne me manqueraient pas ; il y a de bons médecins à Lisieux. Mais pour quelque mal prompt et inattendu, trois ou quatre heures d’attente sont beaucoup trop. Le départ de ma maison a commencé hier. Cette amie de ma mère dont je vous ai quelquefois parlé Melle Chabaud nous a quittés. Elle a été pour mes enfants, pendant tout son séjour d’une bonté aussi utile qu’affectueuse. Je ne puis la remplacer pour le piano d’Henriette, mais je me suis chargé de la leçon d’Anglais d’ici au 5 novembre. Nous lisons ce qui se peut lire de Shakespeare. Je ne voudrais pourtant pas nourrir mes enfants de cette lecture-là, même de ce qu’il y a de bon. C’est trop fort et trop brut. Il y a trop d’émotion et pas assez de perfection. Il faut, à de jeunes esprits quelque chose de plus serein et de plus achevé.
Mad. Graham reprend ses raouts de bien bonne heure. Il y a donc déjà beaucoup d’Anglais à Paris. Vous les aimez toujours beaucoup, c’est sûr ; mais si je ne me trompe, ils sont bien vite usés pour vous. Excepté, Lady Granville, s’entend. J’ai peur que Paris ne soit pour vous comme la cour, selon La Bruyère, " pays où l’on n’est pas toujours bien, mais qui empêche qu’on ne se trouve bien ailleurs. " Les journaux démentent la retraite du comte Woronzoff. ont-ils raison ? Il me semble que l’Orient s’apaise. Pourtant la question a fait un pas. L’Angleterre a jeté un grappin de plus & vous êtes mécontents. Qu’y a-t-il de sérieux dans son traité de commerce avec l’Autriche et dans ces bouches du Danube ? Mettez-vous à cela beaucoup d’importance ? Lord Grey a raison de trouver que son gendre a été indignement abandonné. Mais ni Lord Melbourne, ni Lord John ne pourraient faire autrement. C’est leur situation comme celle de notre cabinet, de faire, ce que d’autres ne voudraient pas faire, de supporter ce que d’autres ne voudraient pas supporter. Vous savez le mot du Prince de Talmont aux soldats qui allaient le fusiller : " J’ai fait mon devoir ; faites votre métier. " Il y a des Cabinets qui font leur devoir, d’autres leur métier.

10 heures

Je vous dirai adieu comme à l’ordinaire, à moins que vous ne vouliez pas. Mais aujourd’hui, en ce moment je ne vous dirai pas autre chose. Moi aussi, je vous blesserais, et je ne veux pas. Adieu. Je ne sais pourquoi il convient à M. de Broglie de dire qu’il n’a jamais songé à bouger de Paris. Non seulement il m’en avait parlé, mais il l’a écrit à ma mère.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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N°158 Samedi 13 octotre - 8 h. et demie

Je viens de me lever. C’est tard pour moi. J’ai mal dormi, je ne sais pourquoi. Passé mon premier sommeil, j’ai beaucoup de peine à en retrouver un second. Le temps change, les mœurs. Je voudrais bien changer les vôtres quand je serai là, et vous rendre un peu de force pour marcher, si on peut marcher à Paris, dans la saison où nous entrons. A la campagne, il n’y a pas de jour où il ne fasse beau une ou deux heures. Hier, il a plu à torrents ; je ne m’en suis pas moins promené deux ou trois fois, et j’ai eu cinq visites, dont deux venues de huit lieues. Il faut que je sois bien aimable. Je ne connais pas beaucoup de personnes pour qui j’eusse fait huit lieues hier. Il y en a une pour qui je ferais cent lieues, pour une demi-heure quand je l’aurais vue la veille. Je regrette que Matonchewitz, ne soit pas resté plus longtemps. Quand Lady Granville est malade vous êtes, en fait de conversation à un pauvre régime. Guère plus pauvre que le mien ; je suis très entouré, et bien entouré mais la conversation qui me plaît, pas seulement sur la politique, je n’en ai que bien peu, si j’en ai quelquefois. Je serais désolé que ma mère vit cela. Je ne crains rien tant que de laisser voir, aux personnes qui m’aiment et me donnent tout ce qu’elles ont, que cela ne me suffit pas. Aussi je cause beaucoup. Il faut que je fasse le métier de maîtresse de maison, que je m’occupe de tous et que je les amuse, car il faut cela, dans l’intérieur le plus uni. Bientôt Henriette m’y aidera un peu.
Si vous n’êtes pas mieux avec l’Angleterre que vous ne paraissez, Lady Clanricard aura une ambassade peu agréable. Elle a assez d’esprit et d’ambition pour se plaire aux situations difficiles, les seules où l’on fasse quelque chose. Mais il faut se sentir adossé à une politique qu’on soutienne volontiers, et avoir en perspective des résultats, des désagréments pour rien, pour passer le temps, c’est très ennuyeux. Lui avez-vous parlé de M. de Barante ? Ce sera sa réponse à Pétersbourg, et elle pour lui, qui a un goût extrême de conversatlon, plus que d’action. Que devient le Rois de Hanovre ? Vous raconte-t-il ses plans de gouvernement ? Charles Quint disait : [Sper suffil, ill un ynéuliugob, Eheree (Thierd) Pragt oellnt]. Charles Quint aurait-il raison ? J’espère pour lui qu’il écrivait l’Allemand mieux que moi. Je m’en acquittais assez bien autrefois. J’ai oublié. Je ne vois pas paraître non plus la grande victoire de D. Carlos sur les Christinos. Dieu est bien bon s’il donne à quelqu’un de ces gens-là une victoire ; c’est du bonheur perdu.

10 heures
Je suis charmé que vous gardiez Matonchewitz un peu plus longtemps. Je pense beaucoup à vos plaisirs. Je regretterai de ne pas voir les Holland. Je ne regretterai rien. Adieu. Le courrier m’apporte deux lettres auxquelles il faut que je réponde sur le champ. Adieu. Adieu G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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N°157 Vendredi 12, 7 heures

J’ai fait comme vous. Je me suis couché hier à 9 heures et demie. J’avais beaucoup travaillé dans mon Cabinet et beaucoup couru dans mes champs ; deux choses que je puis très bien faire séparément mais pas bien ensemble. J’ai toujours éprouvé cela ; de l’activité d’esprit ou de corps, tant qu’on voudra ; mais l’une ou l’autre. Dans mes moments de grande préoccupation morale une course à pied d’une demi heure me fatiguait.
Vous verrez que Mad. de Talleyrand viendra chez vous cet hiver chercher des nouvelles. Je ne lui vois que M. Royer-Collard qui puisse lui en apporter un peu. Encore est-il lui-même fort en dehors de tout. Mais il vit à la Chambre et il voit quelque fois les Ministres. Je trouve ce que vous me dîtes à propos de sa visite fort naturel. Vous réagissez, et elle non. Elle a l’air embarrassé et vous non. Cela est dans l’ordre.
L’article des Débats d’hier sur l’Angleterre, l’Inde et la Russie est curieux. Est-ce qu’il y a vraiment chez vous quelque projet semblable ? Je ne dis pas projet lointain. général, politique d’ensemble; rien de plus simple, mais projet prochain, actuel. Ce serait étrange. Du reste cela s’est vu : beaucoup de prudence, de timidité même pour ce qu’on a sous la main à sa porte ; et des intentions, des combinaisons, même des préparatifs gigantesques pour ce qui est loin, bien loin. On satisfait ainsi, à la fois son imagination et sa raison. Et l’imagination se passe d’apparences et de paroles. à la bonne heure.
Lisez vous quelques fois le petit journal de Thiers, le Nouvelliste? Il est bien vif contre le Cabinet. Thiers n’a plus tout le Constitutionnel. M. Molé s’y est glissé ; non pas de manière à l’ôter à d’autres, mais pour y avoir; un petit coin à lui. C’est sa façon de procéder. Il n’en est pas d’un journal comme d’un cœur ; on n’est pas obligé à tout ou rien. Je vous quitte pour aller voir si on plante mes arbres. Vous ne savez pas et vous ne saurez jamais ce que c’est que de surveiller des ouvriers. Mais pardonnez moi de vous trouver, quant à la température, un peu inconséquente. Vous me dites, page 1, Il fait très froid. et page 2, Comment, vous avez du feu dans votre chambre ! Cela me paraît incroyable. Quand Dieu fait très froid, moi, je fais du feu. Vous êtes à ce qu’il me semble, beaucoup plus résignée.

9 heures
Mes plantations se font bien. Je me prête, je crois, de très bonne grâce aux affaires et aux plaisirs de la Campagne. Et j’en jouirais très vivement si je les partageais. Mais je ne les partage pas. Aussi ne fais-je que m’y prêter. Voilà le facteur et une bonne lettre. N’oubliez rien, je vous prie de ce que vous avez eu une fois et un moment le projet de me dire. C’est là le mal cruel de l’absence entre tant d’autres ; on perd une infinité de choses, qui étaient bonnes, charmantes, mais qui passent avant qu’on se retrouve. Même quand je vous aurai retrouvée j’aurai beaucoup, beaucoup à regretter. N’oubliez donc pas. Je ne sais ce que feront mes amis, rien de déplacé j’espère. Pour moi, je n’irai certainement pas ailleurs que la où j’ai toujours été, depuis huit ans entr’autres. Je suis plus que jamais convaincu que c’est d’idées et de pratiques gouvernementales que la France a besoin. Et ce qui me fâche c’est qu’on l’en éloigne au lieu de l’y conduire. Si je me plains, ce sera de ce qu’on pousse ce pays-ci vers M. Odilon Barrot. Adieu. Adieu. Que c’est long ? G.
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